ASSEMBLÉE NATIONALE COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES COMPTE RENDU N° 4 (Application de l'article 46 du Règlement) Mardi 16 octobre 2001
(Séance de 16 heures 15) Présidence de M. Jean Le Garrec, président SOMMAIRE
|
pages
|
- Examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 - n° 3307 (M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse et Mme Marie-France Clergeau, rapporteure pour la famille) |
2 |
- Informations relatives à la commission |
13 | La commission a examiné, sur les rapports de M. Alfred Recours pour les recettes et l'équilibre général, M. Claude Evin pour l'assurance maladie et les accidents du travail, M. Denis Jacquat pour l'assurance vieillesse et Mme Marie-France Clergeau pour la famille, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 - (n° 3307). M. Alfred Recours a présenté son rapport sur les recettes et l'équilibre général. Il a qualifié le présent projet loi de financement d'excellent, dans la continuation de ceux votés depuis 1997. Il est excellent dans les aménagements des dispositions déjà votées qu'il contient, ainsi que dans les dispositions qu'il ne contient pas mais qui figurent dans d'autres textes encore en cours d'examen par le Parlement, le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé et le projet de loi de modernisation sociale. Le cadre constitutionnel mis en place en 1996 a permis de discuter sur cette législature de cinq projets de loi de financement permettant de maîtriser l'équilibre de la sécurité sociale, à défaut de ses dépenses. La consolidation de la croissance économique et la baisse du chômage, amplifiées par la politique du Gouvernement de soutien de la demande et de création d'emplois, a permis de dégager entre 1999 et 2002 un excédent de 23 milliards de francs cumulés pour la sécurité sociale alors que les déficits se sont élevés à 266 milliards de francs entre 1993 et 1997. Cet excellent projet de loi de financement permet d'assurer l'avenir du système de sécurité sociale, qui n'était pas forcément garanti en 1997. La grande avancée qu'a constitué la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie a permis d'assurer un niveau certain de recettes pour la sécurité sociale. On peut toutefois regretter que la réforme des cotisations patronales, engagée avec la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), ne soit pas allée jusqu'au bout de la remise en cause de la répartition injuste de ces cotisations en défaveur des entreprises de main-d'_uvre. Il faut donc continuer de militer en faveur de l'aboutissement de cette réforme. En ce qui concerne le FOREC justement, il n'y a pas de souci de financement de ce fonds en 2001 et en 2002, car il est équilibré par l'apport de recettes supplémentaires affectées de manière certes compliquée mais tout à fait transparente. Le présent projet de financement pour 2002 est en effet également un projet de loi de financement rectificative pour 2001, permettant de tenir compte de décisions du Conseil constitutionnel. L'annonce de l'augmentation des prix du tabac de 9 % en 2002 a été faite au titre du financement de la sécurité sociale et non au nom de la politique de santé, ce qui est regrettable. Il eut été préférable qu'elle fût annoncée par le ministre délégué à la santé, corrélativement avec d'autres propositions en matière de prévention. Enfin, en ce qui concerne le contrôle de l'application de la précédente loi de financement, il faut regretter un nombre encore trop important de dispositions non appliquées faute de décrets d'application. Même lorsqu'un décret n'est pas nécessaire, on peut se heurter à l'inertie de certains services de l'Etat : ainsi l'anticipation du versement de la CSG sur les placements financiers, votée l'an dernier, a-t-elle bien été versée par les banques mais l'Etat l'a conservée un certain temps en trésorerie avant de la verser à l'ACOSS. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur. M. Jean-Luc Préel a tenu à rappeler que la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale était une avancée du gouvernement de M. Alain Juppé. De nombreuses dispositions attendues depuis fort longtemps en loi de financement ont été annoncées pour le projet de loi sur les droits des malades et à la qualité du système de santé mais le compte n'y est pas car ce projet de loi manque d'ambition. Le présent projet de loi de financement est basé sur des hypothèses financières utopiques. Les recettes sont surestimées avec une croissance de la masse salariale de 5 % contredite par les nouvelles estimations du taux de croissance du PIB. Les dépenses sont à l'inverse sous-estimées, avec notamment un ONDAM notoirement déconnecté des besoins de santé. Le FOREC est également financé par l'affectation de recettes fiscales sur l'alcool ou les tabacs qui devraient plutôt abonder l'assurance maladie afin de financer les actions de prévention et de soins. M. Bernard Accoyer a dénoncé les conditions de l'équilibre des comptes et l'artifice de leur présentation. Il a demandé des explications sur l'article 5 du projet de loi qui demeure tout à fait inadmissible et s'apparente à une manipulation, en souhaitant en particulier connaître l'avis du Conseil d'Etat et la position de la Cour des comptes à ce sujet. M. Pierre Hellier, après avoir souligné la gravité de la portée des mesures contenues dans le présent projet, a formulé les observations suivantes : - L'ONDAM et les dispositions relatives à l'assurance maladie ne permettent pas d'améliorer la qualité des soins. - La sanction des praticiens constitue une réelle difficulté et l'attractivité de la profession médicale est en train de diminuer. - La maîtrise comptable des dépenses a échoué en particulier ce qui concerne les dépenses hospitalières alors même que certains hôpitaux pratiquent la sélection des malades. Au total, il s'agit d'un budget insuffisant qui va engendrer des difficultés extrêmement sérieuses dans les années à venir. M. Yves Bur a considéré que l'analyse du projet de loi conduisait à s'interroger sur l'utilité même d'un tel débat, du fait de la surévaluation des recettes, de la minoration des dépenses et de l'obstination du Gouvernement à ne pas suivre l'avis des partenaires sociaux et des caisses de sécurité sociale. Or la sécurité sociale requiert une approche plus sérieuse sur le plan financier et des perspectives plus claires. C'est la raison pour laquelle rendez-vous est pris pour l'année prochaine afin de tirer les leçons des présentes erreurs. M. Bernard Perrut a insisté sur l'opacité des mécanismes de financement illustrée par le tableau présenté par le rapporteur, difficiles à comprendre non seulement pour les citoyens mais également pour les députés. La multiplication des flux croisés entre l'Etat et la sécurité sociale appelle une clarification, de même que l'effroyable « tuyauterie » qui caractérise le FOREC. Ce dernier va bénéficier, en outre, de ressources fiscales pour le financement des trente-cinq heures, qui ne devraient pas lui être affectées. Il conviendrait de disposer de règles stables et claires d'affectation. Outre le bricolage financier, ce projet de loi s'appuie sur des hypothèses de croissance et des objectifs de dépenses irréalistes, ainsi qu'en atteste l'évolution de l'ONDAM. La Cour des comptes ne s'y est d'ailleurs pas trompée en révélant, dans son rapport, un déficit caché de la sécurité sociale et en exprimant son désaccord sur le mode de calcul des comptes. En réponse aux intervenants, M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a apporté les précisions suivantes : - Le débat relatif à la fiabilité des estimations ne constitue pas une nouveauté. L'exercice 2001 est à présent soldé et les chiffres sont donc disponibles. De fait, l'expérience des années précédentes atteste de la fiabilité des prévisions. Pour 2002, il est erroné de parler de surestimation des recettes, la seule critique entendue tenant en réalité à l'hypothèse de croissance : l'écart constaté pourrait ainsi être d'un demi-point de croissance, ce qui, sans être considérable, ne doit pas être négligé. - S'agissant des dépenses, on ne peut parler de minoration des prévisions effectuées pour les branches famille et vieillesse qui servent des prestations légales. En revanche les objectifs font peut-être l'objet d'une sous-estimation pour l'assurance maladie mais cette minoration peut être qualifiée d'institutionnelle. La médecine de ville est en effet le seul secteur où les dépenses ne sont pas appréhendées a priori mais résultent de l'ensemble des prescriptions effectuées tout au long de l'année. Cette addition des dépenses est d'ailleurs la preuve qu'aucune sanction n'est exercée à l'encontre des praticiens. En outre depuis trois ans, les dépenses de l'année à venir sont estimées sur la base des dépenses constatées lors de l'exercice précédent. Il n'y a donc pas de budget limitatif. - L'article 5 du projet de loi, qui a reçu un avis défavorable du Conseil d'Etat, rejoint en revanche l'analyse de la Cour des comptes. Il résulte des décisions du Conseil constitutionnel à la fin de l'année 2000, qui ont annulé des transferts financiers au bénéfice de la sécurité sociale. Considérant que la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année suivante pouvait tenir lieu de loi de financement rectificative pour l'année en cours, le Conseil a lui-même invité le Gouvernement à faire figurer ces dispositions dans le présent projet. La difficulté tient donc au fait que le respect des décisions du Conseil constitutionnel conduit à revenir sur les comptes de l'année précédente. Sans préjuger d'une éventuelle décision du Conseil constitutionnel sur cet article, on pourrait donc concevoir qu'il adopte une position divergente de celle du Conseil d'Etat. M. Claude Evin a ensuite présenté son rapport sur l'assurance maladie et les accidents du travail. Abordant la partie du projet de loi consacrée aux soins de ville, M. Claude Evin a expliqué que la majeure partie du dépassement de l'ONDAM en 2000 était due aux dépenses de soins de ville, et particulièrement à la dépense de médicaments. L'objectif de dépenses déléguées de soins de villes en 2000 a augmenté de 5,5 %, soit 5 milliards de francs, ce qui pose la question du maintien du mode actuel de régulation institué il y a deux ans. A la suite d'un amendement d'origine parlementaire à la dernière loi de financement de la sécurité sociale, la ministre de l'emploi et de la solidarité a convoqué les professionnels concernés le 25 janvier et le 12 juillet, pour participer à des réunions appelées les « Grenelle de la santé ». A la suite de ces réunions, des propositions ont été faites par le Gouvernement. Certaines feront l'objet d'amendements gouvernementaux au présent projet. La dépense de médicaments a connu une forte augmentation de 10,4 % en 2000. Cette accélération provient non seulement de la hausse de la consommation mais aussi du caractère de plus en plus coûteux des médicaments mis sur le marché. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 introduit la possibilité de la prescription en dénomination commune internationale (DCI). En juillet 20001, des baisses de prix de certains médicaments sont intervenus, et leur effet sur la dépense de 2001 se fera déjà sentir : la croissance en 2001 de la dépense n'atteindra que 7,7 %. M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, abordant la politique hospitalière, a ensuite précisé que les différents protocoles conclus ces dernières années avaient conduit à revaloriser la situation des personnels hospitaliers. L'impact de ces protocoles sur l'année 2001 se monte à 1,8 milliards de francs. S'il est impossible d'ignorer les tensions actuelles au sein des personnels des hôpitaux, la négociation sur la réduction du temps de travail devrait porter ses fruits : un protocole sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière a été signé le 27 septembre dernier par quatre syndicats de personnel. Des négociations sont en cours avec les syndicats de praticiens hospitaliers. L'impact final consiste dans la création de 45 000 postes sur trois ans. 12 300 emplois seront créés en 2002, à quoi s'ajoute la création d'un compte épargne- temps. M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, a ensuite abordé la partie du projet de loi consacrée aux accidents du travail et aux maladies professionnelles et a annoncé que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, voté l'an dernier, devait être bientôt mis en place. Il serait opportun de réfléchir globalement aux modalités de la réparation intégrale des accidents du travail, réclamée depuis longtemps par les associations de victimes, sur la base du rapport Masse, ce qui n'exclut pas à présent de prévoir des mesures ponctuelles allant dans ce sens. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur. M Jean-Luc Préel a déclaré douter de la volonté affichée du Gouvernement de placer le malade au c_ur du système de soins, l'impression générale étant que le niveau de l'ONDAM pour 2002 avait plutôt été fixé de manière arbitraire par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Après avoir déclaré partager l'appréciation du ministre délégué à la santé sur la bonne performance globale du système de santé français, il a précisé que ce système était néanmoins au bord de l'explosion. Il a fait ensuite les remarques suivantes : - En ce qui concerne le secteur ambulatoire, les médecins, véritables boucs émissaires de la politique de santé, voient le système pénalisant des lettres-clefs flottantes maintenu, sans qu'aucune revalorisation des actes n'intervienne. Le projet de loi n'apporte aucune solution au problème lancinant de la démographie médicale. - Dans le secteur hospitalier, les établissements dont l'activité augmente sont étranglés. Certains, comme les centres anticancéreux, sont mêmes parfois conduits à refuser des malades, ce qui est inadmissible. L'application de la loi portant réduction du temps de travail à 35 heures à l'hôpital au 1er janvier 2002 paraît impossible. - Les cliniques privées, dont la rentabilité est très basse, vivent actuellement une situation très difficile ; elles ont récemment demandé une augmentation des crédits de 6 milliards afin de rémunérer correctement leur personnel. Le rapport annexé ne consacre pas une ligne à leur situation. - L'industrie pharmaceutique traverse également de grandes difficultés. Il faudra former les médecins comme les pharmaciens aux effets de la prescription en dénomination commune internationale. - Il est regrettable que le financement des actions de prévention ne soit pas mieux assuré. A cet égard, isoler une enveloppe dédiée au sein de l'ONDAM serait la meilleure solution. Le dépistage du cancer, particulièrement le cancer du sein, du colon et le cancer colo-rectal (15 000 décès annuels) devrait être l'objet d'une véritable promotion. M. Yves Bur a fait les observations suivantes : - On ne peut qu'être préoccupé par les perspectives d'application dans les hôpitaux de la réduction du temps de travail. Il est évident que les personnels ne parviendront pas à prendre à court terme les jours de réduction du temps de travail auxquels ils pourront prétendre. Des jours vont ainsi être capitalisés dans des comptes épargne-temps, ce qui ne fera que retarder dans le temps le problème posé. - Les génériques devraient être mis en place pour un nombre limité de médicaments, ce qui apparaît comme la seule façon efficace de dégager des économies importantes au bénéfice de l'assurance-maladie. - On peut s'interroger sur la façon dont le PSI pour les infirmiers pourra être mis en place au début de 2002. - Des conférences sont régulièrement réunies et permettent de larges concertations avec l'ensemble des professions de santé, mais on doit constater curieusement qu'aucune mesure concrète n'en résulte. Il est possible que le Gouvernement utilise sa faculté d'amender au cours des débats, ce qui est sans doute souhaitable, même si une telle démarche ne serait pas de bonne méthode. M. Jean-Pierre Foucher a fait les remarques suivantes : - Le fait qu'un rebasage dans le calcul de l'ONDAM s'avère nécessaire est tout à fait inquiétant, d'autant que ce rebasage équivaut à un doublement du taux de croissance de l'ONDAM précédemment voté. - Certains se plaignent à juste titre de ce que les dépenses des soins de ville soient plombées par les médicaments ; cette situation est le résultat d'une absence de véritable politique en matière de médicament. L'examen du service médical rendu et l'élimination de certains médicaments, sur la base d'expertises menées par des médecins hospitaliers, conduit à demander aux médecins libéraux de prescrire des médicaments certes efficaces mais qui présentent le double inconvénient d'être d'une part onéreux et d'autre part susceptibles de provoquer des effets secondaires non désirables. - On peut s'interroger sur les suites concrètes données à la création, par la loi de financement pour 2001 du fonds de promotion de l'information médicale. - A travers les versements imposés à la branche accidents du travail au nom de la sous-déclaration des maladies professionnelles et des accidents du travail, on asphyxie progressivement cette branche. M. Pierre Hellier a fait les observations suivantes : - Il est faux de dire que les personnels des hôpitaux vont prochainement passer aux trente-cinq heures. On sait d'ores et déjà que les postes qui seraient nécessaires à la mise en place de cette réduction du temps de travail ne seront pas pourvus. - La réduction du temps de travail pèse lourdement sur le budget des maisons de retraite qui est en croissance puisque le prix d'une journée dans ces lieux d'accueil pour un pensionnaire a augmenté de trente francs. - Il est urgent de mettre en place l'expérimentation de la tarification à la pathologie. - Il est regrettable qu'en France, il soit plus intéressant d'un point de vue financier de déclarer un accident en accident de la route qu'en accident du travail. Ce constat doit appeler une réforme des règles applicables en matière d'accidents du travail. M. Bernard Perrut a fait les observations suivantes : - De très nombreux conseils d'administration des établissements de santé éprouvent actuellement de grandes difficultés à adopter leur budget du fait de déficits qui se creusent inexorablement. La situation semble d'autant plus préoccupante que le fait d'imposer les trente-cinq heures dans les hôpitaux ne sera pas de nature à en faciliter la gestion dans les mois à venir. - Le système des comptes épargne-temps, qui est prévu pour permettre concrètement le passage à la nouvelle durée du travail, est un leurre : on sait bien qu'il sera impossible aux infirmiers de récupérer à terme les jours qu'ils vont ainsi accumuler sauf à dégrader de façon inacceptable la qualité du système de soins. - Les écarts de salaires entre les cliniques privées et les établissements hospitaliers vont encore réduire l'attractivité des établissements privés. D'après les estimations des organisations professionnelles, une enveloppe de six milliards de francs serait nécessaire pour combler cet écart. - Les infirmières libérales, installées notamment dans les zones rurales atteignent souvent rapidement le quota des actes qu'elles sont autorisées à effectuer et se retrouvent en cours d'année dans l'impossibilité d'apporter les soins que leur réclament leurs patients. - On peut s'interroger sur les moyens financiers qui sont mobilisés en faveur de l'APA, au détriment des départements. M. Bernard Accoyer a tout d'abord souligné que l'hospitalisation devait être abordée dans son unicité. Il y a une inquiétude générale face à la mise en place des trente-cinq heures dont le retentissement est grand, tant sur l'hôpital public que dans le secteur privé. L'ensemble des établissements assure une même mission sanitaire qui ne peut donner lieu à des traitements distincts. Il existe à présent un véritable écart de droit entre secteur public et secteur privé. A travail égal, peut-il y avoir salaire inégal ? Le Gouvernement se doit donc de verser les 6,5 milliards de francs que demande l'hospitalisation privée. A cette situation s'ajoutent des transferts de soins croissants du public vers le privé, le premier n'arrivant plus à remplir ses missions. L'acharnement manifesté par le Gouvernement à l'encontre d'un secteur privé prétendument lucratif est pour le moins contestable. On peut par ailleurs déplorer que rien ne soit prévu dans le présent projet de loi pour l'amélioration des soins dentaires, le développement de nouvelles molécules et le financement d'équipements lourds. Sur ce dernier point, l'effort de la France est aujourd'hui comparable à ceux fournis par des pays comme la Turquie ou la Grèce. Rien n'est fait non plus pour mettre fin aux lettres-clés flottantes. Enfin, alors que l'industrie du médicament est tout à fait stratégique, le Gouvernement continue de la considérer comme une pompe à profits et se contente d'une croissance de ses moyens de 3 % quand dans l'ensemble des pays développés la croissance de ce secteur est en moyenne de 8 % par an. M. Edouard Landrain a tout d'abord soulevé le problème des infirmières libérales : peut-on les empêcher de travailler alors qu'elles sont déjà en nombre insuffisant ? Par ailleurs, l'hôpital constitue également un sujet de préoccupation majeure : on constate des fermetures de services, de lits ou d'étages alors que les urgences ne sont plus correctement assurées et qu'elles sont fréquemment renvoyées vers les grands hôpitaux. M. René Couanau a relevé le caractère illusoire et décalé du débat. Ni les professionnels de santé ni les membres des conseils d'administration des établissements hospitaliers ne peuvent se reconnaître dans les propos du rapporteur, comme le montre l'exemple d'un hôpital de taille moyenne dont le budget est chaque année en déficit de 40 millions de francs, déficit couvert par les opérations de cavalerie. Ainsi, cet établissement a-t-il été contraint à un nouvel emprunt de trésorerie en octobre alors que l'Agence régionale de l'hospitalisation dispose d'une somme de dix millions de francs qu'elle se refuse à verser dans l'attente de la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens qu'elle retarde elle-même. Les hôpitaux ont à faire face à une réelle incurie de l'administration. Une véritable inquiétude se fait jour face à la tentation pour régler ces difficultés de réduire le nombre de lits et le volume des soins. Est-il admissible de devoir annoncer à un malade du cancer que le chimiothérapie qu'il a entamée ne pourra être menée à son terme ? Cette inquiétude est encore accrue par les incertitudes liées à la mise en place des trente-cinq heures dont on ne sait pas comment elles seront financées de même qu'on ne sait pas comment sera mis en place le compte-épargne temps. L'inquiétude est donc forte dans le public et dans le privé. M. Jean-Michel Dubernard a souligné le caractère très théorique des orientations de la politique de santé publique. Il faudrait tout d'abord affirmer clairement la volonté de traiter les maladies chroniques. S'agissant par ailleurs des activités d'intérêt général, on ne peut parler de poursuite du développement des greffes alors qu'elles sont aujourd'hui à un niveau stagnant, bien en-deçà du seuil atteint en 1991. L'insuffisance des greffes fait aujourd'hui que des gens meurent et que d'autres vivent extrêmement mal. Les raisons de cette situation sont complexes mais elles tiennent en partie à la démotivation des personnels. En ce qui concerne la distinction entre public et privé, force est de rappeler que le privé vit une période extrêmement difficile et que les 6,5 milliards de francs évoqués sont bien nécessaires. Toutefois, il ne faut pas s'y tromper, la tendance à l'_uvre dans le secteur privé est une tendance de fond : les regroupements et rachats d'établissements par des fonds souvent étrangers relèvent d'une logique de capital. L'hôpital public peut, quant à lui, être comparé à un Titanic qui prend l'eau depuis l'instauration du budget global et va couler avec les trente-cinq heures. A Lyon, pour la première fois le conseil d'administration des hospices civils a refusé de votre le budget. Il devient aujourd'hui très difficile de traiter les malades, tandis que les dépenses de médicaments et d'équipements. Le droit premier du malade à un égal accès aux soins n'est plus assuré. On peut regretter que l'ordonnance de 1996, très consensuelle, n'ait été appliquée que de façon trop partielle : les centres de responsabilités auraient pu enrayer la démotivation à laquelle on assiste. En réponse aux intervenants, M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, a apporté les précisions suivantes : - Le taux de progression de l'ONDAM sans rebasage serait de 6,5 %. - La situation de l'hôpital n'est pas aussi sombre qu'il a été dit. L'ONDAM hospitalier progressera, hors réduction du temps de travail, de 3,6 % et les effectifs de 6 %. Les prévisions de la Fédération hospitalière de France aboutissaient à des taux respectifs de 3,7 % et de 7 %, ce qui n'est pas très éloigné. Certains hôpitaux n'ont effectivement pas adopté leur budget mais il faut préciser que la prise en compte de la réduction du temps de travail n'a pas à figurer dans le budget primitif. Il a d'ailleurs été demandé au Gouvernement des précisions concernant le montant de la dotation consacrée à la réduction du temps de travail. - La loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle avait prévu l'expérimentation d'une tarification à la pathologie qui permettra une meilleure harmonisation des moyens de l'hospitalisation privée et de l'hospitalisation publique. Il est souhaitable que cette expérimentation ait lieu le plus rapidement possible. - L'ensemble du système conventionnel doit être repensé. La ministre s'y est attaché depuis un an et les discussions entreprises ont permis de formuler des propositions. Le Gouvernement présentera des amendements sur des mesures ponctuelles relatives à la médecine de ville mais aussi sur le système conventionnel lui-même. - Concernant la politique du médicament, les décrets d'application du fonds de promotion de l'information médicale n'ont effectivement pas été pris. L'augmentation du coût des médicaments a été de 10 % en 2000 et devrait être de 7 % en 2001. Ces taux sont comparables à ceux des autres pays européens. Le taux K de 3 % ne concerne que les entreprises pharmaceutiques qui n'ont pas passé de convention avec le comité économique des produits de santé. Elles sont très minoritaires. En outre, les conventions autorisent effectivement des dépassements. - La fixation du montant des enveloppes régionales détermine le taux de péréquation des disparités régionales et donc le rééquilibrage. Il a été demandé au ministre, comme chaque année, de fournir les montants par région. * M. Denis Jacquat a ensuite présenté son rapport sur l'assurance-vieillesse. M. Denis Jacquat, a tout d'abord rappelé que l'innovation principale de l'année passée résidait dans la mise en place du comité d'orientation pour les retraites. Le comité travaille mais ses conclusions n'ont pu malheureusement intervenir avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le rapport ne devant être publié qu'à la fin de l'année. Ce projet ne contient que quelques mesures de peu d'importance pour l'assurance vieillesse. Il est regrettable qu'une fois de plus la question des conjoints survivants et de l'assurance-veuvage ne soit pas abordée. De fait, des cotisations sont versées à l'assurance veuvage et, malgré l'excédent de ce régime, les intéressés ne perçoivent que des pension d'un montant minimum. Après avoir rappelé qu'il abordait ce sujet chaque année, il a regretté que l'augmentation annuelle de 2 % des taux de réversion jusqu'à 60 %, décidée en 1995 ait été interrompue, cela au détriment des veuves les plus âgées qui ont peu ou pas cotisé et qui reçoivent les pensions les plus faibles. De même, le plafond de cumul de la réversion avec un avantage propre traumatise les jeunes veuves ; ce plafond devrait être substantiellement revalorisé pour, à terme, être supprimé. Le rapporteur a ensuite évoqué plusieurs problèmes : - La situation des personnes multipensionnées est source d'inégalités devant êtres réduites. - Le minimum contributif doit être revalorisé car il ne remplit plus sa mission qui est d'assurer aux bénéficiaires un revenu équivalent à 95 % du SMIC. - La situation des personnes totalisant 160 trimestres d'assurance mais n'ayant pas encore atteint l'âge de 60 ans doit faire l'objet d'un examen. - Le fonds de réserve des retraites n'est toujours pas garanti d'être alimenté par des ressources durables ; en outre, le choix d'une structure administrative non paritaire de ce fonds ne met pas les sommes engrangées à l'abri des appétits des gouvernements futurs. Le président Jean Le Garrec a indiqué que le Gouvernement avait été saisi de la question du minimum contributif. Il a ensuite interrogé le rapporteur sur la situation des salariés retraités qui ne bénéficient pas d'une pension à taux plein de 50 %, alors qu'ils ont cotisé pendant 160 trimestres dans la même entreprise. M. Pascal Terrasse a fait les remarques suivantes : - Le gain de pouvoir d'achat des retraités serait cette année de 2,2 % alors que, dans le régime résultant de la réforme de 1993 qui ne prévoyait qu'une indexation sur les prix, le gain de pouvoir d'achat n'aurait alors été que de 1,5 % cette année. - La méthode adoptée par le Gouvernement des trois « D » : diagnostic, dialogue, décision, est la bonne et permettra de trouver des solutions acceptables par tous de réforme des retraites comme cela a été fait en Allemagne et en Italie. - Le système par répartition est le meilleur car, par exemple, cette année, un système par capitalisation exclusive aurait provoqué une baisse de 40 % des retraites si l'on suit le chiffre de diminution du CAC 40 pour l'année 2001. - Le projet de loi de financement prévoit à juste titre l'extension du dispositif des comités locaux d'information, de liaison et de coordination (CLIC) leur nombre passera de 27 à 115. - Le projet pérennise également le financement du fonds de réserves par une augmentation des ressources provenant des revenus du capital et des excédents de la branche famille. Deux questions cependant restent en suspens : - le montant du minimum contributif qui concerne 300 000 personnes. Ce revenu mis en place par le gouvernement de M. Pierre Mauroy a connu une lente dégradation par rapport au montant du SMIC depuis vingt ans. Il s'élève actuellement à 3 400 francs par mois. - le problème des personnes ayant cotisé le nombre d'annuités suffisant mais ayant un âge inférieur à 60 ans. Ces personnes ont commencé à travailler très tôt et ne peuvent pas bénéficier au bout de 40 ans de leur retraite. « Normaliser » le sort de ces personnes représenterait un coût très important pour la société ; peut-être un dispositif pourrait être trouvé dans le cadre de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) pour la classe 1943. M. Jean-Luc Préel a indiqué que le système de retraites par répartition devait être conforté mais que la contrainte démographique était très forte et qu'il était nécessaire d'introduire de la souplesse par le truchement de la capitalisation. Il est regrettable que « la cigale Jospin » n'ait pas profité du départ à la retraite des classes creuses pour mener une réforme profonde des retraites que la démographie rend indispensable. Il faut aborder le problème des salariés ayant cotisé toute leur carrière dans la même entreprise ayant connu un changement de statut dans ce laps de temps. Ainsi certains salariés alors qu'ils sont restés dans la même entreprises ont passés d'un régime MSA à un régime général en cours de carrière. Le conseil de surveillance de la CNAV a indiqué que ce problème relevait de la loi afin d'indiquer que les vingt-cinq meilleures années de la carrière calculées pour la retraite devait être effectuées dans la même entreprise. M. Jean-Luc Préel a ensuite posé des questions sur : - les placements financiers menés par le fonds de réserve ; - le problème urgent des retraites complémentaires du régime agricole ; - la situation des conjoints survivants ; - la situation des polypensionnés. M. Bernard Perrut s'est interrogé sur l'avenir du fonds de réserve en raison de l'incertitude des ressources liées aux licences UMTS et sur la mise en place de l'établissement public chargé de la gestion du fonds. Enfin il convient de préciser la part des conseils généraux dans le financement de l'APA. En réponse aux intervenants, M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a formulé les observations suivantes : - Le calcul de l'augmentation du pouvoir d'achat des retraités est multiple et sujet à interprétation. Les associations de retraités sont le plus souvent en désaccord avec les chiffres donnés par le Gouvernement, il convient donc de rester prudent sur les appréciations portées sur l'évolution des pensions de retraites. Par ailleurs, la réforme de 1993 a permis d'éviter l'explosion du régime général. - Le régime de répartition ne doit pas effectivement être remis en cause mais bien plutôt consolidé par la mise en place d'un troisième étage de capitalisation, cela à condition de ménager des solutions pour les personnes à faibles revenus, à l'instar du choix récemment fait par l'Allemagne. - La zone géographique d'action des CLIC peut être parfois sujette à interrogation. - Concernant le régime complémentaire des retraités agricoles une proposition de loi socialiste déposée par M. Germinal Peiro sera, semble-t-il, très prochainement examinée par l'Assemblée nationale. - En ce qui concerne l'APA il faut souligner la faiblesse de son montant pour les personnes âgées en établissement. Il est regrettable que cette loi soit une réforme à mi-chemin et non pas la création d'un cinquième risque. Par ailleurs, le financement de l'allocation n'est assuré que pour les deux premières années. - La situation des personnes ayant cotisé toute leur carrière dans la même entreprise au taux maximum et ne bénéficiant pas d'une retraite à taux plein s'explique par les changements de statut des entreprises concernées. Information relative à la commission La commission a nommé M. François Loos, comme candidat au poste de membre titulaire et M. Jean-Claude Daniel, comme candidat au poste de membre suppléant, de la commission nationale de contrôle des aides publiques aux entreprises. La commission a désigné les membres à une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux Musées de France.
Titulaires |
Suppléants |
M. Jean Le Garrec |
Mme Catherine Génisson |
M. Marcel Rogemont |
M. Marcel Dehoux |
M. Alfred Recours |
M. Jean-Paul Durieux |
M. Bruno Bourg-Broc |
Mme Roselyne Bachelot-Narquin |
M. Christian Kert |
M. Jean-Marie Geveaux |
M. Bernard Outin |
M. Pierre-Christophe Baguet |
M. Gérard Saumade |
M. Michel Herbillon |
© Assemblée nationale |