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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 29

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 30 janvier 2002
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Jean-Paul Durieux, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de loi autorisant la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite « Vénus hottentote », à l'Afrique du Sud - n° 3559 (M. Jean Le Garrec, rapporteur)

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- Examen, en deuxième et nouvelle lecture de la proposition de loi relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle - n° 3557 (M. Jean Le Garrec, rapporteur)

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- Information relative à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Jean Le Garrec, la proposition de loi autorisant la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite « Vénus hottentote », à l'Afrique du Sud, adoptée par le Sénat - n° 3559.

Le président Jean Le Garrec, rapporteur, après avoir rappelé que cette proposition de loi, présentée par M. Nicolas About, avait été adoptée à l'unanimité par le Sénat, a indiqué que comme M. Nicolas About, il avait été, adolescent, frappé par la vision du moulage de Saartjie Baartman lors d'une visite au Musée de l'Homme.

Saartjie Baartman dite « la Vénus hottentote » est née en Afrique du Sud en 1789. Soumise à l'exploitation et à la maltraitance, elle a changé trois fois de nom, quatre fois de maître ; elle a été exposée dans une cage en Angleterre, puis vendue à un montreur d'ours en France et exposée dans le quartier du Palais-Royal à Paris.

Objet de la curiosité populaire, elle éveilla également celle des scientifiques. A cet égard, on doit rappeler les propos de Geoffroy Saint-Hilaire évoquant « les caractères distinctifs de cette race curieuse ». Cette curiosité malsaine résultait notamment de son anatomie très particulière : adiposité des tissus, au niveau des cuisses et des fessiers, élongation des organes génitaux. Geoffroy Saint-Hilaire n'a pas hésité à parler d'un « commencement de museau encore plus considérable que celui de l'orang-outang rouge de l'océan indien ».

Son décès, provoqué par une fièvre éruptive aggravée par l'alcoolisme et les mauvais traitements, est survenu à l'âge de 26 ans. Après dissection, ses organes ont été conservés dans le formol, perdus puis retrouvés à plusieurs reprises par le Musée de l'Homme qui détient également son squelette. La dissection, dépourvue d'intérêt scientifique, a été effectuée par Georges Cuvier qui a, au surplus, fait procéder à un moulage de son corps, exposé ensuite à côté de son squelette jusqu'à une période récente.

Depuis la fin de l'apartheid en Afrique du Sud, la « Vénus hottentote » est devenue un symbole national de l'humiliation, de la colonisation et de l'exploitation des ethnies sud-africaines. L'Afrique du Sud a formulé plusieurs demandes officielles de restitution, la dernière en date du 6 octobre 2000. Or, les engagements pris successivement par François Mitterrand, Président de la République, et Jacques Godfrain, ministre de la coopération, n'ont pas été suivis d'effets. La démarche législative engagée par le sénateur About est donc légitime et opportune.

Légiférer est nécessaire à double titre, pour une raison juridique d'abord, compte tenu de l'appartenance de la « Vénus hottentote » aux collections d'un musée national, le Muséum national d'histoire naturelle, mais surtout pour la force politique et symbolique que revêt l'adoption d'une loi sur un tel sujet. On ne peut qu'être agacé par les arguties juridiques développées par certaines administrations pour entraver cette restitution symbolique.

Cette affaire de la « Vénus hottentote » doit nous inciter à méditer les propos de Charles Darwin selon lequel « l'expérience nous prouve, malheureusement, combien il faut de temps avant que nous considérions comme nos semblables les hommes qui diffèrent de nous par leur aspect extérieur et par leurs coutumes ». Outre la réponse qu'elle constitue à la forte attente d'un peuple, cette restitution doit être l'occasion de nous souvenir que notre pays n'est pas exempt de critiques quant à la façon dont il a utilisé ceux qui sont différents.

On peut ainsi se rappeler que, outre les errements des scientifiques, l'exposition universelle de 1889 plaçait une femme hottentote sur la fresque illustrant l'évolution de l'humanité, telle un chaînon intermédiaire. On peut également se souvenir de l'image de l'homme noir utilisée dans la publicité de Banania.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jean-Paul Durieux, président, a jugé la proposition de loi utile à trois titres :

- elle permet de tourner une page supplémentaire sur le regard que l'homme blanc a porté sur ceux qui étaient différents de lui ;

- elle reconnaît le droit de la « Vénus hottentote » à reposer sur la terre de ses pères comme toute personne humaine, ce qui l'emporte sur toute considération patrimoniale ;

- enfin, elle répond à la très forte revendication d'un peuple et d'une nation qui aspire à reconstituer son passé.

M. Bernard Schreiner a déclaré partager le sentiment exprimé par le rapporteur. La restitution de la dépouille de Saartjie Baartman permet de jeter un regard neuf sur les erreurs du passé. Pour autant, il n'y a pas lieu de culpabiliser le présent. Il convient aussi de s'interroger sur le précédent que pourrait créer une telle restitution : qu'en serait-il pour des monuments d'origine étrangère inscrits à notre patrimoine ?

M. Edouard Landrain, après avoir indiqué qu'il apporterait son plein soutien à la proposition de loi, a souhaité attirer l'attention de la commission sur le cas de la dépouille du musicien roumain George Enescu, réclamée par la Roumanie. Cela appelle une réflexion globale sur le sort des dépouilles de personnalités inhumées en France.

M. André Schneider a d'abord estimé que la commission ne pouvait qu'approuver la proposition de loi. S'agissant du cas de Georges Enescu, il convient de ne pas confondre des situations totalement différentes, à savoir la dépouille d'un musicien célèbre inhumé en France et celle d'une femme réduite en esclavage et privée de toute dignité.

M. Jean Valleix, après avoir approuvé la position du rapporteur, a néanmoins suggéré de ne pas se placer dans une position de repentance et de présenter cette initiative de manière positive, en vue de faire _uvre de rassemblement pour l'avenir, en portant un regard nouveau, plus universel et plus humain, sur les progrès résultant de l'évolution des mentalités.

M. Marcel Rogemont a souligné les deux écueils à éviter à l'occasion de cette restitution qui reçoit bien évidemment son plein accord :

- surestimer les questions juridiques. S'agissant d'un sujet essentiellement politique, il est nécessaire de répondre de manière politique à la demande exprimée par les autorités sud-africaines ;

- donner une réponse législative générale et définitive. Cette demande constitue un cas particulier bien spécifique.

Après avoir exprimé sa satisfaction de voir le sujet traité de manière très consensuelle par la commission, M. Pierre Hellier a demandé s'il était possible de mettre un peu d'ordre dans l'organisation du Musée de l'Homme. Il paraît indispensable que le musée établisse notamment un inventaire très précis des pièces conservées.

En réponse aux intervenants, le président Jean Le Garrec, rapporteur, s'est d'abord félicité que l'examen du texte n'ait pas soulevé de problème de fond. Il a ensuite apporté les précisions suivantes :

- Dans l'hypothèse où seraient présentées d'autres demandes comparables, rien n'empêcherait de recourir à la procédure de déclassement actuellement en vigueur, puis par la suite à celle contenue dans le texte relatif aux Musées de France. Compte tenu du caractère politique de la présente demande, une proposition de loi se révèle être aujourd'hui la plus adaptée.

- S'agissant de la dépouille du musicien roumain, il s'agit d'une question sensiblement différente de celle posée par la conservation des restes de Saartjie Baartman. Elle pourra être évoquée directement avec les autorités roumaines.

- En ce qui concerne le Musée de l'Homme, la récente nomination d'un nouveau directeur, qui a reçu des instructions de la part du ministre de la recherche, devrait se traduire par une gestion plus rigoureuse.

- L'utilisation du terme « repentance » n'est effectivement pas appropriée. Il est préférable de retenir la problématique du regard sur l'histoire, qui a davantage de sens sur le plan historique et politique. C'est avec cette même approche qu'un « nouveau » discours a pu être tenu sur le régime de Vichy. C'est également ainsi qu'il conviendrait de se retourner sur le fait colonial et particulièrement la colonisation de l'Algérie.

M. Jean-Paul Durieux, président, a exprimé le souhait que le retour de la dépouille mortelle en Afrique du Sud soit marqué par une cérémonie officielle et ne soit pas traité comme l'expédition d'une quelconque marchandise.

La commission est passée ensuite à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.

La commission a adopté l'article unique de la proposition de loi sans modification.

*

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jean Le Garrec, en deuxième et nouvelle lecture, la proposition de loi relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle - n° 3557.

Le président Jean Le Garrec, rapporteur, a rappelé que même si la commission mixte paritaire réunie le 29 janvier n'avait pu aboutir, chacun de ses membres s'est accordé à juger indispensable de combler grâce à l'intervention du législateur le vide juridique laissé par la carence du dialogue social dans le secteur des intermittents du spectacle.

La divergence d'appréciation entre l'Assemblée nationale et le Sénat, qui est à l'origine de l'échec de la commission mixte paritaire, concerne la nécessité de fixer dans la loi une date butoir obligeant les partenaires sociaux à conclure un accord dans des délais serrés. L'Assemblée nationale a, contrairement au Sénat, considéré que le fait d'imposer des dates butoir n'était pas nécessairement de nature à faciliter ou améliorer la qualité des négociations étant donné que par le passé, quatre dates butoir ainsi établies ont été dépassées les unes après les autres sans qu'un accord puisse être trouvé. Ainsi, s'il faut faire confiance à la capacité des partenaires d'aboutir à un texte satisfaisant rapidement, il ne convient manifestement pas de leur imposer une date limite qui risquerait d'apparaître soit trop rapprochée soit artificielle. La fixation d'une telle date constituerait un couperet qui pèserait sur le climat des négociations et marquerait une défiance du législateur à l'égard des partenaires sociaux.

Ces partenaires sont manifestement conscients de la nécessité d'exercer leurs responsabilités. Il faut rappeler qu'un accord opérant une réforme de fond du régime avait été conclu par la FESAC, organisation représentative des employeurs et les organisations syndicales représentatives représentant environ 94 % des salariés concernés, mais son contenu n'a pas été repris par les partenaires au niveau interprofessionnel afin d'être soumis à l'agrément ministériel.

Faute d'avoir donné suite à cet accord sur le fond, les partenaires sociaux ont récemment décidé le 10 janvier dernier, quelques jours après l'adoption de la présente proposition de loi par l'Assemblée nationale en première lecture, de proroger jusqu'au 30 juin 2002 l'ancien système aujourd'hui dépourvu de base juridique. De véritables négociations en vue d'un accord sur le fond du régime devraient s'engager prochainement entre les partenaires en présence.

Dans ce cadre, le rôle du législateur est clair : il lui revient d'assurer la protection juridique de quelque 120 000 personnes susceptibles de bénéficier de l'assurance chômage des intermittents du spectacle sans se substituer durablement aux partenaires sociaux mais en leur permettant d'exercer pleinement leurs responsabilités.

Après l'exposé du rapporteur, M. Edouard Landrain a fait les remarques suivantes :

- Il est évident que les intermittents du spectacle sont indispensables à la vie culturelle dans de nombreuses communes où ils assurent le fonctionnement des théâtres notamment. La nécessité de leur assurer un régime spécifique d'assurance chômage ne fait aucun doute.

- Certains excès sont néanmoins apparus : ainsi des structures importantes dans le milieu de l'audiovisuel et du cinéma ont utilisé ce régime afin d'assurer des revenus à certaines personnes n'ayant en réalité aucune activité d'intermittents du spectacle. Ces dérives répétées ne peuvent perdurer car elles remettent en cause l'équilibre et la cohérence du régime dans son ensemble.

- Il n'est pas très sain de devoir aujourd'hui suppléer les partenaires sociaux. Même si elle s'avère indispensable, l'intervention du législateur n'est pas de bonne méthode dans des sujets relevant en principe du domaine conventionnel.

Le rapporteur a estimé que le législateur n'intervenait sur cette question qu'à cause de circonstances particulières ayant abouti à un vide juridique qui ne pouvait plus persister. Mais la proposition de loi vise aussi à inciter les partenaires sociaux à déboucher rapidement sur un accord ayant vocation à se substituer dès son agrément aux dispositions législatives. Le fait que le régime ait connu une très forte augmentation de personnes inscrites comme intermittents du spectacle dans le domaine audiovisuel et du cinéma doit faire l'objet d'une réflexion courageuse de la part de l'ensemble des partenaires sociaux. Il faut espérer que les négociations porteront également sur les moyens d'éviter les dérives actuelles. L'ampleur de la tâche et sa difficulté tant pour les représentants des intermittents que pour la partie patronale empêchent précisément de savoir à l'avance quand les négociations pourront déboucher et donc plaident pour qu'aucune date butoir ne soit fixée en la matière.

La commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de loi restant en discussion.

Article unique

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à revenir au texte de l'Assemblée nationale en première lecture.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Information relative à la commission

La commission a nommé M. Jean Le Garrec rapporteur de la proposition de loi autorisant la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite « Vénus hottentote », à l'Afrique du Sud.


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