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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 10ème jour de séance, 24ème séance 2ème SÉANCE DU JEUDI 15 OCTOBRE 1998 PRÉSIDENCE DE M. Michel PERICARD vice-président SOMMAIRE : LOI DE FINANCES POUR 1999 -première partie- (suite) 1 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999. ART. 42 (prélèvement au titre du budget européen) M. le Président - En accord avec le Gouvernement, nous en venons à l'article 42 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes que nous allons examiner dans les conditions arrêtées par la Conférence des présidents. M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Si le débat que nous avons cet après-midi est désormais traditionnel, il se présente cette année sous des auspices très particuliers. En effet, le prélèvement qu'il nous est proposé d'approuver résulte très largement d'un projet de budget communautaire considéré par beaucoup d'entre nous comme peu réaliste. Par ailleurs, l'exercice 1999 marquera un tournant, avec la mise en place de l'euro, l'expiration de la programmation budgétaire définie lors du Conseil européen d'Edimbourg en 1992 et les négociations en cours. A bien des égards, le projet de budget communautaire adopté par le Conseil le 12 juillet dernier est riche d'enseignements. Sa première originalité réside dans la faiblesse des variations de crédits par rapport à l'avant-projet initial de la Commission. Nous savons tous ici, Monsieur le ministre, que le gouvernement français a cherché à faire prévaloir une vision plus réaliste. Malheureusement, la France n'a pas été suivie par ses partenaires. C'est ainsi que le problème posé par l'achèvement de la programmation financière décidée à Edimbourg en 1992, s'agissant des fonds structurels, n'a pas été traité. La croissance du budget communautaire reste donc soutenue, avec une hausse de 6 % des crédits pour engagements et de 2,8 % pour paiements. Permettez-moi à ce propos de rappeler que les perspectives financières adoptées pour la période 1993-1999 à Edimbourg et connues sous le nom de "paquet Delors II", se caractérisaient par un volontarisme certain en matière d'actions structurelles, tant pour ce qui est du volume des crédits que de la manière de les fixer. Il y a en effet rebudgétisation automatique de dotations non utilisées, ce qui conduit à un effet de ressaut en fin de période de programmation. Au total, la croissance des crédits consacrés aux actions structurelles en 1999 s'élèvera à 16,6 % en crédits pour engagements et à 9 % en crédits pour paiements. Si le Conseil a tenu à effectuer des économies, celles-ci n'ont pu être que marginales, leur assiette excluant les dépenses structurelles et les actions agricoles, et n'atteignent que 562 millions d'euros. Les crédits destinés aux actions extérieures ont été réduits de 208 millions d'euros. La baisse touche notamment les crédits du programme Phare et les dépenses administratives. Les politiques internes ont, quant à elles, enregistré des réductions de l'ordre de 256 millions d'euros. Sachant que la résolution adoptée par l'Assemblée nationale sur l'avant-projet de budget insistait sur l'importance des réseaux transeuropéens pour l'emploi et la croissance, je ne puis que déplorer que les dotations correspondantes aient été réduites par le Conseil. J'y vois l'effet un peu absurde d'une rigidité exagérée du budget communautaire qui interdit, de fait, de dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour financer les actions les plus utiles à la croissance et à l'emploi. Dans une très large mesure, c'est cette rigidité qui conduit à évaluer à 95 milliards de francs la contribution française au budget communautaire en 1999. Comme il est très improbable de voir le projet de budget communautaire sensiblement modifié, il convient donc d'en tirer les leçons pour l'avenir. Que l'on ne se méprenne pas sur mes propos : je considère la dépense communautaire comme utile. Il suffit pour s'en convaincre de constater la convergence croissante des économies des Etats membres. Et elle sera encore plus utile dans le cadre de la zone euro. Toutefois, la dépense doit gagner en légitimité pour être mieux acceptée. Pour cela, elle doit répondre à trois impératifs : progresser à un rythme comparable à celui des dépenses des Etats membres, être mieux contrôlée et être affectée aux actions les plus utiles. Le premier impératif va de soi, car aucun Etat membre ne pourrait admettre que l'Union s'exonère d'efforts qu'elle encourage pour tous. Depuis plusieurs années, le Conseil s'est fait le gardien de ce précepte, face à une Commission souvent tentée par l'élaboration de budgets peu réalistes. Il convient à cet égard que les perspectives financières pluriannuelles soient définies avec rigueur et que des mécanismes trop rigides de fixation des dépenses ne soient pas instaurés ou pérennisés. Aussi le Gouvernement trouvera-t-il dans cet hémicycle un large appui quand il s'agira d'inviter nos partenaires à modifier les propositions de la Commission concernant les perspectives financières de l'Agenda 2000. Les négociations s'annoncent certes difficiles, mais maintenir la progression des dépenses à un rythme soutenable est d'autant plus nécessaire que certains de nos partenaires réclament de plus en plus vigoureusement que leur contribution nette soit revue à la baisse. En réponse, la Commission européenne a adopté, le 7 octobre dernier, un rapport sur le fonctionnement du système des ressources propres qui propose trois options pour limiter l'ampleur des contributions de certains Etats. L'Assemblée nationale se prononcera en temps voulu sur les éventuelles réformes qui en découleront. Deuxième impératif : un contrôle plus étroit de la dépense. Certes, le Parlement européen, la Cour des comptes des Communautés ainsi que les Parlements nationaux ne s'interdisent pas de critiquer la gestion de certains crédits. Force est malheureusement de constater que ces critiques se répètent d'une année à l'autre sans grand effet. Je pense notamment aux modalités d'engagement des crédits du programme Phare. Un meilleur contrôle suppose aussi d'accentuer la lutte contre la fraude. Une récente affaire de détournement de fonds normalement destinés à l'action humanitaire a fait suffisamment de bruit pour qu'il soit envisagé que l'unité de coordination de la lutte antifraude soit remplacée par un office totalement indépendant de la Commission. C'est une piste intéressante. Toujours en matière de contrôle des dépenses communautaires, un accord interinstitutionnel a été conclu le 6 octobre dernier en vue de résoudre la question des bases légales. On doit s'en féliciter, car il n'était pas admissible que la Commission européenne se permette d'engager des dépenses importantes sans qu'un acte de base préalable ait été adopté. Enfin, troisième impératif, la dépense communautaire doit être efficace. Cela implique que les crédits soient affectés prioritairement aux dépenses ayant un impact sur la croissance et l'emploi. Les dépenses d'infrastructures, notamment en faveur des réseaux transeuropéens, doivent donc être privilégiées à l'avenir. Or ces réseaux sont actuellement financés de manière marginale par le budget communautaire proprement dit, les emprunts contractés par la Banque européenne d'investissement jouant un rôle décisif. C'est donc fort opportunément que le Premier ministre a évoqué la possibilité de recourir à un emprunt européen pour accélérer la réalisation des travaux prioritaires. Pourquoi s'interdire, en effet, de profiter de taux d'intérêt historiquement bas ? Pour ce faire, des modifications importantes devraient certes être apportées aux règles budgétaires communautaires, mais la France jouerait bien son rôle en proposant à ses partenaires une réforme de cette ampleur. J'invite donc l'Assemblée à voter l'article 42, non pas parce que le montant prévu nous satisfait totalement, mais parce que cette contribution résulte d'un engagement issu du traité. Il s'agit de solder une programmation financière expirant l'an prochain et d'en tirer les enseignements pour réorienter la dépense communautaire en faveur de la croissance et de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la connexion des finances - Le projet du budget européen dont nous sommes saisis est assez banal. Il s'agit du dernier budget des perspectives financières pluriannuelles couvrant la période 1993-1999. Les dépenses sont globalement reconduites. Les dépenses agricoles augmentent de 0,01 %, celles correspondant aux politiques internes diminuent de 1 %. Les actions extérieures progressent légèrement en crédits d'engagement, et reculent de même en paiements, la situation en Russie ayant empêché d'exécuter certaines actions. Les dépenses institutionnelles augmentent de 1,52 % dans la perspective de l'élargissement de l'Union et en raison de la mise en oeuvre anticipée de certaines décisions liées au traité d'Amsterdam. Les recettes représentent 1,096 % du PIB, ce qui laisse de la marge par rapport au plafond autorisé de 1,27 %. Les recettes liées au PNB des Etats ont rattrapé les recettes de TVA en 1998, et les dépasseront l'an prochain de 10 milliards d'euros. Nous devrons en tenir compte dans l'avenir. Les dépenses consacrés à la recherche régressent, ce qui est regrettable. Il tient pour l'essentiel au montant des dépenses actuellement inscrit dans le cinquième programme cadre de recherche et de développement et fixé à 14 milliards d'euros par le Conseil, en mars. La commission des finances et notre assemblée ont jugé que ce montant, insuffisant, devrait être porté à 16 milliards. Certaines procédures d'engagement de dépenses, dans les années passées, ont donné lieu à des critiques de la part du ministre français de la recherche, ce qui a pu conduire le Gouvernement à se montrer un peu rigide jusqu'au mois de mars. Mais le cinquième PCRD étant nettement mieux organisé, notre vigilance financière pourrait maintenant se relâcher, et nous pourrions trouver avec nos partenaires un accord sur un niveau plus élevé. S'agissant des actions structurelles, le Conseil a décidé d'inscrire en engagements et en paiements le solde des décisions prises à Edimbourg, il y a 5 ans. Cela signifie 5,5 milliards d'euros supplémentaires en engagements, et 2,5 milliards en paiements. Voilà qui explique la croissance du budget global, qui atteint 96,5 milliards d'euros en engagements, soit une hausse de 6,05 % et 85,9 milliards en paiements, soit une croissance de 2,8 %. En conséquence, le prélèvement représente pour notre pays 95 milliards de francs. Je comprends bien les raisons politiques qui ont conduit à inscrire les montants relatifs à la rubrique 2 dans le projet de budget pour 1999. Mais nous savons tous que ces décisions sont inexécutables. Je regrette que notre commission n'ait pas été suivie quand elle proposait d'étaler sur plusieurs années les crédits de paiement. Si donc ce budget est banal, le contexte dans lequel il prend place ne l'est pas du tout. D'abord, l'euro fera son entrée le 1er janvier prochain ; de fait, c'est la première fois que nous allons voter un budget présenté en euros. L'avènement de l'euro se déroule dans les meilleures conditions possibles. Onze pays participent à la zone euro, n'en déplaise aux esprits chagrins qui annonçaient une zone mark à peine élargie. De plus, la seule annonce de l'entrée en vigueur de l'euro entraîne des effets positifs. Les taux d'intérêt sont historiquement bas, et la zone euro est protégée de la tourmente financière internationale. Cette crise a fait l'objet avant-hier d'une excellente analyse du ministre de l'économie. Oui, aujourd'hui ses effets sur notre pays et sur la zone euro demeurent limités, d'autant que notre croissance est tirée principalement par la demande intérieure, et le gouvernement français n'y est pas pour rien. Cependant, la zone euro à onze peut-elle prendre des initiatives économiques tendant à favoriser davantage la croissance et l'emploi ? Je pense que oui. Pour cela, nous devons coordonner plus vite et plus fortement nos politiques économiques. En effet, les onze, soit l'effectif d'une équipe de football, jouent aujourd'hui un jeu coopératif à somme positive. Si nous sommes capables de définir nos politiques nationales en tenant compte à l'avance de ce que vont faire les autres, nous devrions parvenir à gagner un demi-point ou un point de croissance, ce qui représente un très grand nombre d'emplois. En matière européenne, la Banque centrale européenne, en application du traité de Maastricht, doit d'abord veiller à la stabilité des prix, mais elle doit tenir compte de la croissance et de l'emploi. Je souhaite donc que ses dirigeants s'interrogent sur le niveau des taux d'intérêt qu'ils ont défini. S'il faut être prudent jusqu'au 1er janvier, je souhaite que des décisions soient prises dès le 2. Dans le même esprit, le Conseil des ministres a le droit de fixer des zones cibles pour les taux de change entre l'euro et les monnaies extérieures. Je souhaite que sitôt l'entrée en vigueur de l'euro, les responsables politiques définissent une politique de change de l'euro par rapport au dollar. Nos exportations, et donc notre emploi, sont en jeu. En outre, puisque nous n'avons plus à défendre des parités internes entre les zones monnaies de la zone euro, nous avons besoin de moins de réserves de changes, dont une partie pourrait donc servir à gager certaines dépenses, par exemple dans le domaine de l'informatique, des biotechnologies, de l'espace ou de l'environnement. Nous devrions, enfin, réfléchir sérieusement à la manière d'affecter les sommes excédentaires des fonds structurels à d'autres lignes budgétaires, par exemple réseaux numériques, TGV, câbles optiques... L'Union européenne est à un carrefour : ou elle se laisse aller, mise à mal par la crise financière mondiale, ou elle se montre capable d'une véritable volonté politique, en particulier dans le domaine de l'emploi ; capable aussi d'affirmer son identité extérieure, par exemple dans le drame du Kosovo. Il y faut un renforcement et une politisation de nos institutions. Je vous invite à adopter les crédits des Affaires européennes inscrits à la ligne 42 du projet de loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - Compte tenu de l'importance de ce débat, je commencerai par regretter la place modeste qui lui est accordée, au reste un peu trop tôt dans la discussion budgétaire pour que nous puissions être convenablement informés. Le budget communautaire étant en assez forte hausse cette année, il en est de même de la contribution française, et ma remarque préliminaire vaut donc plus que d'autres années. Cependant, même si la dépense publique communautaire n'est pas exempte de reproches, elle ne connaît pas de dérive. Je m'efforcerai donc surtout de vous convaincre de l'opportunité de mener, à l'occasion de l'examen de ce dernier budget du "paquet Delors II", une réflexion tant sur l'outil qu'il constitue que sur ses finalités, au regard des ambitions que nous assignons à la construction européenne. Dans le projet de budget transmis pour avis au Parlement européen, les crédits d'engagement s'élèvent à 96,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 6,1 %, et les crédits de paiement à 85,9 milliards d'euros, soit une hausse de 2,8 %. Venant après deux années de rigueur, cette proposition s'explique par la volonté d'honorer les engagements pris au sommet d'Edimbourg avant le terme fixé par celui-ci. D'autre part, elle n'est pas homogène : elle profite essentiellement aux actions structurelles, pour lesquelles les crédits d'engagement augmentent de 16,6 % et les crédits de paiement de 9 %, atteignant près de 40 milliards d'euros, soit un niveau comparable à celui de la PAC. Celle-ci voit ses moyens simplement maintenus à leur niveau de 1998, tandis que les autres dépenses font quelque peu les frais de la progression des dépenses d'action structurelle. Tout cela entraîne, de façon mécanique, la hausse de la contribution française, qui devrait s'élever à 95 milliards de francs. Après la stabilité des années 1994-1996, cette contribution a subi un important ressaut à partir de 1997, augmentant alors de 9 % en l'espace de deux ans. La nouvelle hausse est cependant supportable : la ponction supplémentaire ne sera que de 3,5 milliards de francs. Et même si une croissance aussi régulière a un caractère préoccupant, elle reste modérée au regard de l'évolution de la richesse nationale. Par ailleurs, la France est bénéficiaire à plusieurs titres de politiques communautaires. Entre 1994 et 1999, ce sont 14,9 milliards d'écus qu'elle aura perçus au titre des fonds structurels -soit environ 100 milliards de francs- et elle est le premier Etat bénéficiaire de la PAC, recevant en 1997 22,6 % des crédits du FEOGA-garantie, loin devant l'Allemagne qui n'en a perçu que 14,2 %. En 1996, les versements communautaires à notre profit se sont élevés à 60 milliards de francs et, au total, nous percevons 16,4 % de la dépense communautaire. Notre contribution nette peut ainsi être décrite comme modeste : elle oscille entre 1 et 3 milliards d'écus, ce qui est peu compte tenu de la taille de notre pays et de sa puissance sur la scène européenne. La hausse du budget communautaire est pour partie conjoncturelle, je l'ai dit : elle découle de la volonté de respecter les engagements conclus, ce qui est louable même si l'on peut s'interroger sur la qualité de la gestion des deniers communautaires. L'actualité récente -la crise interinstitutionnelle née de la découverte des irrégularités commises dans le cadre d'Echo- est certes un phénomène grave, mais ce n'est qu'une manifestation extrême d'une gestion insatisfaisante à plusieurs titres : sous-exécution chronique des dépenses, décalage croissant entre crédits de paiement et crédits d'exécution... La Communauté semble parfois paralysée à cet égard, d'autant qu'elle est en outre contrainte par la volonté qui anime les Etats membres de maîtriser la dépense : celle-ci s'inscrit largement sous le plafond des ressources propres, fixé à 1,27 % du PIB communautaire -la taxe d'appel n'est que de 1,11 %. Mais s'il n'y a pas dérive, la progression constatée n'est pas non plus révélatrice de grandes ambitions. Il faut impérativement réfléchir aux moyens d'améliorer l'utilisation des fonds communautaires. Des progrès ont d'ores et déjà été enregistrés pour ce qui est de la régularité de l'emploi des crédits : renforcement des moyens de l'UCLAF, séparation accrue entre les différents acteurs de la dépense, consécration de la Cour des comptes européenne... Subsistent toutefois de nombreux points noirs qu'il conviendrait de faire disparaître en mettant à profit la négociation "Agenda 2000" : ainsi le statut privilégié des dépenses structurelles devrait être revu, l'information des acteurs locaux améliorée et les appels à contribution davantage lissés d'une année sur l'autre. L'idée d'une contribution nationale au budget européen n'étant pas extrêmement populaire, il est impératif de garantir que ces ressources soient remises en des mains sûres. Pourquoi d'ailleurs ne pas recourir, pour cela, aux outils d'évaluation dont dispose notre Parlement ? Cependant, la question brûlante est celle des modalités de financement d'un budget maintenu à son niveau actuel. Le débat ne peut qu'être relancé par la publication du rapport de la Commission sur ce sujet. Le gouvernement français a déjà eu l'occasion de souligner la singularité et le caractère difficilement durable de notre position, faiblement contributrice, et a donné son accord à un certain rééquilibrage. Le débat reste néanmoins largement ouvert et nous appelons de nos voeux un débat au Parlement, à la fois sur la possibilité de taxes nouvelles et sur les moyens de rendre ce budget plus "lisible", par exemple grâce à un impôt direct. La question cruciale reste cependant celle des objectifs. Il est grand temps de reprendre l'initiative pour éviter que l'Europe ne sombre dans un amas de procédures incompréhensibles à nos concitoyens. La discussion de l'Agenda 2000 doit donc être l'occasion de définir le contenu et les priorités de la politique budgétaire de l'Union, d'exonérer la pertinence des dépenses agricoles, de mieux cibler les actions communautaires, de rendre plus visibles les efforts accomplis notamment au profit de l'emploi et de se doter des moyens d'évaluer l'efficacité des politiques. Nous sommes bien évidemment favorables à l'adoption de cet article 42 -avons-nous d'ailleurs le choix ? (Sourires sur les bancs du groupe RCV) Le prélèvement n'apparaît pas exorbitant et l'emploi des fonds semble justifié. Mais nous nous interrogeons davantage sur l'ambition que sert ce budget : la France doit manifester dans ce domaine davantage d'audace -la reprise du thème des grands travaux n'est pas une innovation. Je ne doute toutefois pas que 1999 permette de relancer ce débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste) M. Didier Boulaud, suppléant de M. Henri Nallet, de la Délégation de l'Assemblée, président délégué pour l'Union européenne - Le présent débat, organisé depuis 1992, s'affirme maintenant comme une tradition et il est significatif que tous les gouvernements aient décidé d'inclure dans le projet de loi de finances initial un article évaluant le prélèvement effectué au profit du budget communautaire, alors même qu'aucun texte ne les y contraint. Il s'agit donc d'un progrès coutumier du contrôle parlementaire, progrès d'ailleurs contemporain de l'introduction, dans notre Constitution, de l'article 88-4. Certes, il ne faut pas surestimer la portée d'une telle innovation. Le vote sur cet article n'a rien d'une "autorisation" parlementaire, au sens classique du droit budgétaire, et le Parlement se prononce sur une simple "évaluation" qui, au surplus, ne correspond jamais aux versements effectifs. En effet, le budget initial de la Communauté est toujours modifié, en cours d'année, par des budgets rectificatifs et supplémentaires, tandis que, pour l'essentiel, les ressources propres sont assises sur la TVA et sur le PNB des Etats membres. Il n'en demeure pas moins que ce débat et ce vote nous offrent une occasion de prendre position sur la politique européenne. Le chiffre -95 milliards de francs- inscrit à cet article 42 n'appelle par lui-même que peu de commentaires, puisqu'il confirme la constance d'une évolution : ce prélèvement n'a pratiquement jamais cessé de s'accroître, passant de 1,25 milliard de francs en 1971 à 91,5 milliards pour 1998 et donc 95 pour 1999, soit environ en moyenne 7 % des recettes fiscales de l'Etat, contre 4,7 % il y a une dizaine d'années. Est-ce à dire que cette évolution révélerait un interventionnisme sans limites des instances communautaires et un dessaisissement progressif des Etats membres au profit d'un Etat fédéral européen qui n'oserait pas dire son nom ? Une telle déduction serait assurément hâtive. Le poids du budget communautaire demeure modeste, puisqu'il correspond à 1,11 % du PNB communautaire, ce qui reste en dessous du plafond de 1,27 % prévu par la décision "ressources propres" de 1994 et, surtout, est très inférieur à ce que peut représenter le budget de l'Etat dans un système fédéral -20 % du PIB aux Etats-Unis, par exemple. La délégation s'est, en juin dernier, prononcée, au titre de l'article 88-4, sur l'avant-projet de budget et, à son initiative, l'Assemblée a adopté une résolution sur ce texte. Grâce à cette procédure désormais bien rodée, notre assemblée est en mesure de se prononcer sur les orientations budgétaires de l'Union avant la réunion du conseil "budget" de juillet. Celle-ci n'a pas modifié de façon substantielle les grandes lignes du projet qui sera examiné la semaine prochaine par le Parlement européen. Les analyses de la délégation et de son rapporteur, M. Fuchs, conservent donc toute leur pertinence. Le budget de 1999 sera un budget de transition, puisque ce sera la dernière année d'application des perspectives financières arrêtées par le Conseil d'Edimbourg et que la préparation de la période 2000-2006 est à peine engagée. Sa progression globale paraît marquer une rupture avec l'effort de maîtrise des deux exercices précédents : les crédits pour engagement s'élèvent à 96,5 milliards d'euros -+ 6,05 %- et les crédits de paiement à 85,8 milliards d'euros -+ 2,81 %. Toutefois, ces chiffres globaux recouvrent des évolutions contrastées : les dépenses agricoles sont reconduites, mais "politiques internes" et "actions extérieures" subissent des réductions significatives. En revanche, les dotations des actions structurelles sont en forte hausse -16,6 % en engagement et 9 % en paiement. Il fallait certes respecter les engagements pris à Edimbourg, mais la sous-consommation persistante de ces fonds constitue un problème grave. Contestant le statut privilégié des dépenses structurelles, la délégation a souhaité que l'effort d'économie soit mieux équilibré. Elle a repris une suggestion de son rapporteur : ne pourrait-on aménager la règle de rebudgétisation automatique des crédits non dépensés au titre des actions structurelles, afin de financer davantage les actions en faveur de l'emploi, comme les grands réseaux transeuropéens ? Elle estime aussi que l'importance des fonds disponibles pour 1999 devrait inciter la France a les consommer davantage et elle souhaite que les procédures d'utilisation de ces fonds soient simplifiées. Pour l'heure, la dépense structurelle "plombe" le budget communautaire et certaines priorités de l'Union ne sont pas suffisamment prises en compte. Ainsi, les réseaux transeuropéens, qui ont pourtant un impact évident sur la croissance et l'emploi, voient leurs crédits stagner -579 millions d'euros en engagement, contre 560 millions l'an passé- alors que l'avant-projet laissait présager une augmentation de 10 %. Il faut espérer que la suite de la procédure budgétaire permettra de revenir à ce niveau. La délégation a marqué sa préoccupation devant les irrégularités et les insuffisances qui caractérisent la gestion des crédits communautaires. L'actualité nous en a donné de nouveaux exemples, à propos du fonds humanitaire Echo notamment, mais les critiques visant la gestion de Meda ou Tacis sont anciennes. L'idée de renforcer l'unité anti-fraude, l'UCLAF, et d'une faire un office réellement indépendant a été largement approuvée au sein de la délégation. Quelques mots enfin des perspectives financières. Le débat ne fait que s'engager et la délégation examinera bientôt de manière approfondie les propositions de la Commission européenne et leurs implications sur la réforme de la PAC. Il ne suffit plus de condamner, de manière un peu rituelle, l'approche par "soldes nets" et la logique du juste retour. Ces conceptions progressent insidieusement et cette dérive a contribué à brouiller la politique européenne du précédent gouvernement allemand. La question sera au coeur des discussions au sein du nouveau "couple" franco-allemand, et lors des négociations relatives à l'Agenda 2000. Nous savons avec quelles précautions doivent être analysés les soldes budgétaires. Le dernier résultat connu, celui de 1996 qui place la France avec un solde négatif de 459,8 millions d'écus, au septième rang des contributeurs nets, n'est pas significatif car il correspond à une situation exceptionnelle. Il convient tout de même de rappeler que la France bénéficie d'importants taux de retour, sur la PAC notamment, et qu'elle a été, en 1996, le premier bénéficiaire de la dépense communautaire, à hauteur de 16,4 %. Seconde réflexion, l'Union européenne devra faire un choix entre deux exigences désormais contradictoires : se doter d'un système de financement plus équitable et se rapprocher du citoyen européen. La deuxième préoccupation devrait conduire à mieux identifier les ressources de l'Union, à en accentuer le caractère "propre", qui reste largement fictif. En revanche, le souci d'équité pousse à accroître dans le financement de l'Union la part de la ressource assise sur le PNB, voire à en faire la seule recette du budget communautaire. Or cette ressource est par définition opaque, elle est condamnée à transiter par les budgets nationaux. Résoudre cette contradiction ne sera pas facile. C'est pourtant à cette condition que le budget communautaire -dont il faut se réjouir qu'il soit désormais symboliquement exprimé en euros- deviendra réellement, comme le propose le Parlement européen, un budget "citoyen" (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Comme chaque année, le Gouvernement rend compte à la représentation nationale du projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir, et de ses conséquences sur le budget de l'Etat, à travers le prélèvement européen. Le budget européen pour 1999 clôt les perspectives d'Edimbourg et nous allons entrer dans une phase plus active de préparation de l'Agenda 2000, le prochain "paquet financier" européen. Par ailleurs, de nombreux dossiers européens doivent faire l'objet d'un examen plus approfondi, notamment dans le cadre de la coopération franco-allemande, qui sera relancée dès que le gouvernement Schröder sera formé. A cet égard, la victoire des sociaux-démocrates et des Verts allemands, pour nette qu'elle soit, ne doit pas nous faire oublier l'oeuvre européenne du Chancelier Kohl, qui restera dans l'Histoire comme le chancelier de la réunification allemande, et aussi comme le chancelier qui a su convaincre son peuple de renoncer, en faveur de l'euro et dans l'intérêt de l'Europe, à la puissance solitaire du deutschmark et de la Bundesbank. Je voudrais encore remercier M. Migaud, Mme Aubert, M. Fuchs et M. Boulaud, vos rapporteurs pour la qualité de leur réflexion et du travail que nous avons accompli en commun. Je donnerai d'abord quelques éléments d'information sur la manière dont la procédure budgétaire communautaire s'est déroulée jusqu'à aujourd'hui. La Commission a présenté en juin son avant-projet de budget, en progression de 6,6 % pour les crédits d'engagement et de 3,5 % en crédits de paiement. Ces taux élevés traduisent des évolutions très contrastées : le budget de la PAC est reconduit, mais les fonds structurels enregistrent une progression record de 16,6 % en crédits d'engagement de 9 % en crédits de paiement. Lors du conseil budget du 17 juillet, Christian Sautter a critiqué cet avant-projet coûteux, déséquilibré. Nous avons suggéré de limiter les crédits de paiement sur les fonds structurels, afin de les ajuster aux besoins réels, et observé qu'une plus grande rigueur dans les décaissements effectifs était compatible avec le respect intégral de la programmation d'Edimbourg en crédits d'engagement. Mais nous n'avons pas été entendus, ni par les pays de la cohésion -ce qui n'est pas très étonnant-, ni par les grands pays financeurs du nord de l'Europe, ce qui est un peu plus surprenant. Il en résulte que le projet adopté par le conseil ne procède qu'à des économies assez réduites par rapport à l'avant-projet de la Commission : 256 millions d'euros sur la rubrique 3, qui rassemble les autres politiques internes de l'Union, et de 209 millions sur les actions extérieures. Le projet voté en première lecture par le conseil s'établit donc à 96,5 milliards d'euros en crédits d'engagement et 85,9 milliards en crédits de paiement, soit une progression respective de 6,1 et 2,8 %. Les économies décidées par le conseil sur les rubriques 3 et 4 ont permis de rapprocher l'évolution des paiements du taux de progression de notre budget national -2,3 %. Compte tenu du système de ressources de l'Union, notre contribution au budget de l'Union s'établit à 95 milliards, soit une progression de 3,8 % par rapport à 1998. Cela représentera 6,2 % du produit attendu des recettes fiscales nettes de l'Etat pour 1999, contre 6,3 % pour 1998. J'en viens à présent au fond. Le poids du passé pèse lourdement sur le budget européen pour 1999. Pour respecter les accords d'Edimbourg, le conseil a inscrit l'intégralité du solde de l'enveloppe des fonds structurels prévue à l'origine pour la période. Compte tenu du doublement de cette enveloppe par rapport au paquet Delors I, et aussi du fait que nous avons accumulé depuis 1993 un retard important dans l'engagement des fonds, un solde important sera concentré sur l'exercice 1999. La rubrique 2 du budget communautaire s'établit ainsi à 39 milliards d'euros en crédits d'engagement et 31 milliards en crédits de paiement, soit une progression respective de 16,6 et de 9 %. La dépense structurelle représentera un poids équivalent à celui de la dépense agricole. Le volontarisme de la programmation d'Edimbourg a porté ses fruits, puisqu'il a permis à trois des quatre pays de la cohésion -l'Espagne, le Portugal et l'Irlande- de faire partie du premier train de l'euro, ce qui est une bonne chose pour eux-mêmes et pour toute l'Union. Mais ce nouvel équilibre du budget communautaire doit aussi nous amener à une réflexion sérieuse sur le traitement de la dépense structurelle dans les prochaines perspectives financières. Il ne paraît ni possible au plan budgétaire, ni même justifié au plan économique d'allouer, comme le propose la Commission, les deux tiers de l'enveloppe budgétaire des fonds structurels au nouvel objectif 1, consacré aux régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Par ailleurs, la quasi-parité avec la dépense agricole plaide pour une remise en cause du statut privilégié de la dépense structurelle. De ce point de vue, les propositions de la Commission, qui visent à dégager automatiquement les crédits non engagés au-delà d'une période déterminée, vont dans le bon sens. Il faut sans doute aller au-delà et mettre un terme à l'obligation d'atteindre le plafond de 0,46 % du PIB communautaire pour les fonds structurels. M. Fuchs et M. Boulaud ont d'ailleurs proposé une réforme permettant une utilisation plus dynamique de ces fonds. Il est vrai que la tendance à une sous-exécution du budget a été marquée dans le passé. Elle l'est moins aujourd'hui et devrait diminuer encore. Aujourd'hui il n'est pas possible de recycler les excédents des fonds structurels en cours d'exécution. Mais il vaut mieux privilégier les dépenses qui préparent l'avenir et concernent l'emploi, les nouvelles technologies, les grands réseaux, plutôt que les fonds structurels. Il y a là une réflexion à mener dans le cadre de l'Agenda 2000. A l'inverse, la rubrique 1, qui regroupe les dépenses de la PAC connaît une "croissance zéro" et reste à 40,4 milliards d'euros. Cette évolution vertueuse reflète la poursuite du versement des aides directes dans un cadre réglementaire inchangé et la bonne tenue des marchés mondiaux des principales productions agricoles qui bénéficient de prix garantis européens. Pour les autres politiques internes, l'éducation, la recherche-développement, les réseaux d'infrastructures, que l'on regroupe dans la rubrique 3 du budget de l'Union, les crédits d'engagement diminuent de 5,3 % et les crédits de paiement de 1,4 %. Les actions n'en seront pas affectées. Le conseil s'est borné à fixer les crédits au niveau d'exécution pour 1997. Nous avons veillé à assurer un traitement favorable à deux secteurs essentiels qui représentent les trois quarts des dépenses de cette rubrique. La recherche-développement bénéficiera aussi de 3,4 milliards de crédits d'engagement et de 3 milliards de crédits de paiement pour la première année du cinquième programme cadre de recherche et de développement sur la période 1999-2002, dont l'adoption doit intervenir avant la fin de l'année 1998. Le budget constitue le principal enjeu de la négociation en cours entre le Parlement européen et le conseil. Le conseil recherche du 12 février dernier s'est accordé sur une référence commune de 14 milliards, dont 3,4 milliards en engagement pour la première année. La légère baisse de 2,6 % en engagement et de 0,8 % en paiement par rapport à 1998, s'explique par le fait que 1999 sera l'année de démarrage du nouveau programme cadre. Les crédits alloués aux réseaux transeuropéens augmentent de 3,4 % en engagement pour atteindre 579 millions et de 15 % en paiement. Ces crédits permettent d'amorcer la mise en oeuvre du programme de grands travaux, adoptés lors du Conseil européen d'Essen en décembre 1994. Ils doivent être complétés par des cofinancements nationaux, et aussi par des prêts de la Banque européenne d'investissement. Il faut réactualiser la proposition de grand emprunt européen pour la croissance, l'emploi et la compétitivité, que Jacques Delors avait formulé en 1993. Romano Prodi a lancé l'idée d'un emprunt qui serait adossé aux réserves excédentaires des banques centrales de la zone euro. M. Fuchs a fait de même. Cela mérite d'être étudié, en évitant des cessions qui accéléreraient la baisse du dollar. Mais l'euro doit bien redonner à l'Union des marges d'action significatives pour consolider la croissance, y compris à travers une certaine capacité d'endettement. Enfin, pour l'action en direction des pays tiers, le projet de budget, hors réserve d'aide d'urgence, prévoit une augmentation de 4,6 % des crédits d'engagement, qui s'établissent à presque 6 milliards. En revanche, les crédits de paiement, à 4 milliards, diminuent de 3,2 % pour tirer les conséquences de leur sous-exécution. Pour les pays d'Europe centrale et orientale et les pays méditerranéens, ce projet est conforme aux engagements souscrits au Conseil européen de Cannes, sous présidence française. Situons maintenant le budget communautaire dans la perspective des échéances européennes qui nous attendent et, d'abord, de la ratification du traité d'Amsterdam, avec, au préalable, la révision de la Constitution. Le conseil des ministres a adopté un projet de loi de révision constitutionnelle le 29 juillet dernier, ce texte sera examiné très probablement les 24 et 25 novembre pour l'Assemblée nationale et, dans les semaines qui suivront, pour le Sénat. Le Congrès -puisque telle semble être la procédure retenue- pourrait aussi être réuni dès la mi-janvier, et la procédure de ratification s'achèverait au plus tard fin février. Suivant comme de coutume la décision du Conseil constitutionnel, le Gouvernement n'a proposé de modifier que l'article 88-2 de la Constitution, pour autoriser les transferts de compétences qui seront nécessaires, le cas échéant, lorsque le Conseil décidera de passer à la majorité qualifiée dans les matières relatives à l'immigration, aux visas et à l'asile. Mais on peut concevoir que le Congrès y ajoute l'extension du contrôle du Parlement national sur les actes communautaires. Nous pourrons alors ratifier le traité. Certes, il comporte une lacune majeure, l'absence d'avancée substantielle sur le plan institutionnel. C'est pourquoi nous avons signé, avec la Belgique et l'Italie, une déclaration annexée au traité. Je sais tout votre intérêt pour cette réforme institutionnelle. Nous en tiendrons compte. Pour autant, il ne saurait y avoir de ratification sous condition. Mais le traité comporte aussi des avancées significatives : le chapitre emploi et le chapitre social, la reconnaissance de la spécificité des services publics, la réaffirmation des droits fondamentaux et du principe de non-discrimination, la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, et, enfin, des avancées en matière de politique étrangère et de sécurité. Il serait, me semble-t-il, dommage de renoncer à ces progrès, même limités. L'avenir, c'est aussi le processus d'élargissement au bénéfice de onze candidats, lancé le 30 mars, à Bruxelles, avec le lendemain l'ouverture des négociations d'adhésion avec six pays candidats. La Commission a entrepris, depuis lors, de présenter l'acquis communautaire aux onze candidats. La présidence autrichienne de l'Union envisage, pour novembre prochain, l'ouverture des négociations proprement dites sur les chapitres de l'acquis qui ont fait l'objet de cette présentation. Nous avons donné notre accord à cette proposition, en exigeant que le Conseil conserve la maîtrise politique du processus. Nous ne voulons nullement le freiner. Mais le Conseil doit pouvoir débattre régulièrement de l'évolution des négociations, sur la base d'une information précise de la part de la Commission. Les nouvelles autorités allemandes ont commencé, elles aussi, à comprendre la nécessité d'un pilotage politique sérieux pour assurer le succès de l'élargissement. Nous avons obtenu au Conseil de Luxembourg que l'"Agenda 2000", qui fixera le cadre financier de l'Union pour les années 2000-2006, sépare complètement la programmation des dépenses relatives à l'élargissement et la programmation des dépenses bénéficiant aux Quinze. C'est la première des garanties indispensables pour assurer la préservation des politiques communes de l'Union. Ce n'est pas la seule, bien évidemment. Et nous allons très rapidement prendre langue avec le gouvernement de Bonn, afin d'évaluer ensemble l'évolution budgétaire future des politiques communes. Pour le Gouvernement, l'"Agenda 2000" doit donc faire l'objet d'une négociation d'ensemble et non de conclusions partielles et successives. Cette négociation sera rude, compte tenu de notre situation assez avantageuse qu'a soulignée Mme Aubert. Notre contribution nette au budget de l'Union est relativement faible, et nous bénéficions à plein de la PAC. Nous y défendrons à la fois nos intérêts nationaux fondamentaux et l'intérêt communautaire. Notre intérêt, c'est d'abord à l'évidence la PAC. Elle doit cependant être réformée pour affermir sa vocation exportatrice et pour mieux prendre en compte les vocations multiples du modèle agricole européen, c'est-à-dire produire mais aussi préserver les équilibres du territoire, l'environnement et un certain type d'exploitations qui contribuent à maintenir l'emploi en milieu rural. Par conséquent, nous ne sommes pas favorables à l'idée de cofinancement de la PAC. La réformer perdrait tout sens si l'Union se désengageait financièrement. Quant à l'intérêt communautaire, il commande d'abord d'adopter une programmation d'ensemble des dépenses qui soit compatible avec les disciplines budgétaires de l'UEM. De ce point de vue, les propositions de la Commission sont beaucoup trop coûteuses sur les fonds structurels. Selon nous, les Quinze devraient se contenter de reconduire l'effort consenti dans le cadre du paquet Delors II. L'intérêt communautaire commande aussi de rejeter toute généralisation des systèmes de compensation que l'Union a accordés, dans le passé, à certains de ses pays membres. Comme le souligne justement la Commission, dans un rapport récent, les incontestables distorsions actuelles de financement trouvent largement leur origine dans les dérogations accordées dans le passé, notamment au Royaume-Uni. Plutôt que de généraliser de telles dérogations à des pays -je pense bien sûr à l'Allemagne- qui se trouvent aujourd'hui dans une situation financière vis-à-vis de l'Union plus défavorable que ne l'était celle du Royaume-Uni en 1984, il conviendrait de faire prévaloir la logique de l'intérêt communautaire sur la logique pernicieuse du juste retour. Quelques mots, enfin, sur l'euro et sur l'indispensable coordination des politiques économiques. L'euro existe déjà sur les marchés. Il est une donnée fondamentale de notre environnement économique et financier. On l'a vu de manière spectaculaire avec l'effondrement des monnaies asiatiques, puis du rouble. La zone euro constitue déjà un pôle de stabilité, la spéculation internationale se concentrant sur les autres monnaies. L'euro joue son rôle de "bouclier protecteur" des turbulences monétaires internationales. Bien entendu, cela ne nous dispense pas de travailler à une nouvelle architecture financière internationale. L'euro nous crée une responsabilité nouvelle, que nous assumons. La dernière réunion du conseil de l'euro a ainsi été largement consacrée à débattre du memorandum français sur la crise financière, présenté par Dominique Strauss-Kahn. Il reste à donner à cette entreprise un sens pour les Européens eux-mêmes. Après tout, l'euro pourrait n'être que l'agrégation comptable de onze monnaies jusqu'à présent séparées, mais cette vision-là n'est pas la nôtre. Nous avons obtenu à Amsterdam la convocation d'un sommet extraordinaire sur l'emploi, qui s'est tenu à Luxembourg en novembre 1997. Il a débouché sur des résultats très substantiels, notamment l'adoption de lignes directrices pour l'emploi qui esquissent une convergence sur l'emploi -avec des objectifs quantifiés qui s'imposent à tous les Etats-, sur l'aide aux jeunes chômeurs et aux chômeurs de longue durée, ainsi que sur l'effort de formation destiné aux chômeurs. Certes, en vertu du principe de subsidiarité, les Etats restent maîtres de leur politique de l'emploi. Nous avons du reste transmis à nos partenaires, en avril dernier, notre plan national d'action pour l'emploi dont la grande qualité et la précision ont été saluées, ainsi que l'a redit Jacques Santer à l'occasion de la visite que le Premier ministre a effectuée à Bruxelles avant-hier. Dans le même temps, les Etats deviennent comptables devant les Quinze, et surtout devant les opinions publiques, des résultats de leur politique de l'emploi. En décembre prochain, au Conseil européen de Vienne, ces résultats seront comparés aux engagements que nous avons pris dans notre plan national d'action. C'est une démarche, certes incomplète, mais qui mérite d'être encouragée et approfondie durant les prochaines années. Parce que nous pensons que la coordination des politiques économiques est une nécessité, nous avons aussi obtenu la création d'un conseil de l'euro, où pourront être débattues toutes les questions de politique économique des pays de la zone euro, dont celle, essentielle, de la réforme économique, avec des problèmes, telle l'harmonisation fiscale et sociale, qui deviennent urgents dans le contexte nouveau de l'euro. Nous nous orientons vers l'adoption d'obligations plus contraignantes dans le domaine de la fiscalité de l'épargne. Nous devons aussi progresser sur le dossier de la concurrence fiscale déloyale pour les entreprises. La France a consenti des efforts très importants pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur. Elle a accepté les obligations qui découlent des directives poste, gaz et électricité en adaptant ses entreprises publiques à un univers plus concurrentiel. Nous sommes ouverts pour les chantiers futurs, dans le domaine des transports en particulier. Mais il faut aussi que l'harmonisation fiscale progresse, car le principe de libre concurrence serait gravement perverti si les conditions de taxation du capital restaient aussi disparates à l'intérieur de l'Union. Enfin, le ralliement de la Grande-Bretagne au protocole social ouvre la voie à la relance de l'Europe sociale, comme le prouve la reprise des travaux sur le statut de société européenne ou sur la directive relative à l'information et à la consultation des travailleurs. Mais la tâche qui reste à accomplir est immense. Nous devons songer aussi, de manière plus générale, à consolider le modèle social européen, en dotant l'Union européenne d'une charte des droits civiques et sociaux. En conclusion, je tiens à souligner la détermination et la continuité de la politique européenne du Gouvernement depuis seize mois, profondément marquée par notre volonté de rééquilibrer la construction communautaire en faveur de la croissance et de l'emploi. Ce n'est pas une tâche facile, car nous sommes quinze. Et nous n'avons pas toujours les mécanismes de décision adéquats pour avancer aussi vite que nous le souhaiterions, d'où la nécessité d'une réforme institutionnelle. Le Premier ministre disait, il y a un peu plus d'un mois, "dès le début, nous avons géré" et nous nous souvenons tous du collectif budgétaire que nous avons adopté dans l'urgence à l'été 1997 pour réussir l'euro. Mais Lionel Jospin ajoutait : "Jusqu'au bout, nous réformerons". Notre objectif reste de construire une Europe puissance, capable d'exister sur la scène internationale ou dans le domaine monétaire, capable aussi de consolider notre modèle de développement économique et social, qui a partie liée avec nos valeurs de civilisation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV). M. Maurice Ligot - La discussion du projet de loi de finances est l'occasion pour la représentation nationale d'examiner les relations financières de la France avec l'Union européenne. Cet examen suscite des réflexions qui vont bien au-delà des seules questions budgétaires. A la veille d'une nouvelle étape de la politique de l'Union européenne, l'Allemagne entend réduire sa contribution nette au budget européen et la Commission envisage différentes hypothèses pour remédier au déséquilibre des charges financières des Etats. Si l'on examine l'évolution du budget communautaire entre 1993 et 1999, on observe qu'il croît assez rapidement. Les crédits d'engagement passent de 72 milliards à 103 milliards d'écus en raison, notamment, d'une très forte augmentation des actions structurelles, qui sont passées de 22 milliards à 39 milliards d'écus durant la même période. Les dépenses agricoles et les dépenses structurelles représentent plus des quatre cinquièmes du budget. Cela dit, en ce qui concerne les actions structurelles, les crédits sont irrégulièrement consommés, à cause des retards constatés dans la présentation et dans l'approbation des projets. D'autre part, ce budget n'est pas cohérent avec les contraintes financières que l'euro et les critères de convergence du traité de Maastricht imposent aux Etats membres. Ceux-ci se soumettent à des disciplines que l'Union semble ignorer. Elle dépense sans beaucoup contrôler l'utilisation de ses dépenses. Dans ces conditions, ne nous étonnons pas si l'augmentation des dépenses provoque un sentiment de rejet. La France, pour sa part, demande que soit remis en cause le statut privilégié de la dépense structurelle et que la priorité soit donnée à la discipline budgétaire. J'en viens à la contribution de la France au budget européen : elle s'élève à 17,2 %, et à 26,4 % pour l'Allemagne, à 13 % pour l'Italie et à 13,5 % pour la Grande-Bretagne. Dans le budget pour 1999, le prélèvement au titre du budget européen s'élèvera à 95 milliards en loi de finances initiale ; il était de 70 milliards en 1991. Durant la même période, il est passé de 5,5 % à 6,2 % des recettes fiscales. Toutefois, si l'on regarde maintenant l'exécution des budgets de 1991 à 1998, ce prélèvement est passé de 74 milliards à 91 milliards et de 6,1 % à 6,3 % des recettes fiscales. Il faut donc relativiser le coût initial par l'exécution fiscale réelle. Comme la PAC et les actions structurelles ont un impact considérable sur l'économie et le territoire français, la position de la France sur le problème des contributions est plus nuancée que celle de l'Allemagne et autres. Certes la France souhaite une gestion rigoureuse de l'Union, une faible progression des dépenses communautaires et le maintien à son niveau actuel du plafond applicable au prélèvement sur le PIB, mais en même temps elle est le principal bénéficiaire net de la dépense communautaire tout en étant un des pays les plus développés. Cela ne facilite pas la tâche de nos négociateurs. Face à certains de ses partenaires qui contestent le niveau de leur contribution, et par voie de conséquence, les politiques structurelles communautaires et la PAC, la France, qui est favorable à l'élargissement, risque d'être confrontée à un dilemme : soit augmenter sa contribution, soit accepter une forte baisse des contreparties qu'elle reçoit dans le domaine agricole et sous forme de fonds structurels. Vaste problème. Quarante ans après le traité de Rome, l'Europe va se retrouver elle aussi confrontée à une question capitale : y aura-t-il encore demain des politiques communes si la préoccupation des Etats est de récupérer leur contribution ? Et je pose à mon tour des questions : comment concilier le souhait européen -que le groupe UDF approuve complètement- et renforcer la cohésion sociale et économique entre pays ou régions avec la revendication de certains pays d'une forte baisse de leur contribution au budget communautaire ? Pourra-t-on poursuivre les politiques structurelles ou faudra-t-il les renationaliser, comme le propose la Commission, en tout cas partiellement pour la PAC ? Pourra-t-on amplifier les actions en faveur de la recherche et des grands réseaux ? Résolument favorable au caractère communautaire de l'Europe, le groupe UDF approuve l'article 42 tel qu'il nous est présenté -et regrette donc l'amendement communiste... M. Jean-Claude Lefort - Il est relatif à la fraude ! M. Christian Cuvilliez - Attendez donc que nous le présentions ! M. Maurice Ligot - ...mais nous souhaitons que le Gouvernement indique clairement comment il compte influer sur les négociations en cours et quelle est sa position face aux évolutions que je viens d'évoquer. Le groupe UDF sera très attentif aux réponses du ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR). M. Georges Sarre - Le débat sur la contribution française au budget communautaire -évaluée pour 1999 à environ 95 milliards de francs- est l'occasion de poser une question simple : quel budget pour quelle Europe ? Dans le cadre des discussions d'"Agenda 2000", que nous propose-t-on ? Une réforme de la PAC défavorable à la France ; une redéfinition du financement communautaire qui se ferait aux conditions de l'Allemagne, au risque de remettre en cause les politiques communes et le principe de la solidarité entre Etats membres ; enfin, un élargissement dont l'Allemagne bénéficierait au premier chef mais dont elle refuse d'assumer le coût à hauteur de sa richesse nationale. Après avoir payé, dans les années quatre-vingt-dix, un si lourd tribut en termes de croissance et d'emploi aux dogmes rigides de l'Union monétaire, la France se retrouverait ainsi en passe de perdre sur tous les tableaux. C'est évidemment inacceptable, et ce d'autant plus que la crise financière actuelle nous confronte aujourd'hui à une série de défis majeurs. Concernant la réforme de la PAC, la Commission de Bruxelles propose, d'une part, une baisse des prix d'intervention dans les secteurs des céréales, de la viande bovine et du lait, compensée par des aides directes au revenu, d'autre part, une nouvelle répartition des tâches entre l'Union et les Etats membres, lesquels avaient la possibilité de moduler les aides directes de façon à prendre en compte les spécificités sectorielles ou régionales. Or l'Europe, qui s'est construite autour du couple franco-allemand, repose sur un accord fondateur dont la remise en cause changerait radicalement la donne européenne,... M. Jean-Claude Lefort - Exactement ! M. Georges Sarre - ...je veux, bien sûr, parler de l'acceptation par la France, en 1961, d'un désarmement accéléré des tarifs douaniers à l'intérieur de la Communauté, très favorable à l'industrie allemande, en échange de l'approbation des principaux règlements agricoles de base, qui donnèrent naissance à la PAC, première "politique commune", en janvier 1962. C'est à cette aune qu'il faut apprécier les orientations de la réforme de la PAC. Si la nouvelle répartition des tâches entre l'Union et les Etats membres consiste à donner à ces derniers -à enveloppe globale constante, voire supérieure- les moyens d'une gestion plus rigoureuse et plus fine de leur développement agricole, alors nous sommes d'accord ; s'il s'agit au contraire d'enclencher un démantèlement de la PAC, en préalable à un nouveau cycle de négociations à l'OMC, alors, bien sûr, nous sommes farouchement contre. Or les révisions radicales par certains Etats membres font craindre le pire. D'autant que la réforme des fonds structurels et la préparation de l'élargissement de l'Union ne manqueront pas de conjuguer leurs effets pour amoindrir encore les taux de retour de la France, pour le plus grand profit de l'Allemagne, étroitement liée, économiquement, aux pays candidats à l'adhésion. S'agissant du financement de l'Union au début du siècle prochain, il convient tout d'abord de noter que l'Allemagne, qui représente 26 % de la richesse communautaire, contribue à hauteur de 28,2 % au budget communautaire, tandis que la France, qui représente 17,2 % de la richesse communautaire, y contribue à hauteur de 17,5 %. Où est donc le scandale dénoncé par nos quatre partenaires européens ? Il faut ensuite d'emblée dire que la définition de ce financement ne saurait se faire ni aux dépens des politiques communes -en particulier la PAC, fer de lance de la construction européenne- ni au prix d'un abandon du principe même de la solidarité entre Etats membres. C'est à cette aune qu'il faudra examiner les propositions de la Commission européenne, sachant que la plus grande vigilance s'impose si on ne veut pas aboutir au pire, à savoir à la fois le démantèlement de la PAC, la diminution des fonds structurels et l'augmentation de notre contribution. La crise financière, qui est apparue il a dix huit mois en Asie du Sud-Est et qui est aujourd'hui globale, rend toutes ces questions encore plus aiguës. Elle risque en effet d'amplifier le coût de l'élargissement et de raviver les attaques contre la PAC ou les mécanismes de solidarité entre Etats membres. Ceux-ci, soumis du fait de la crise à un risque budgétaire important mais empêtrés dans les rigidités introduites par la monnaie unique et le pacte de stabilité, sont par ailleurs confrontés à la perspective du renchérissement de l'euro face au dollar. Tout cela compliquera d'autant les discussions sur l'"Agenda 2000". Dans cette négociation, la France doit se battre pour faire triompher une certaine idée de la construction européenne. Pour avancer dans la bonne direction, il faut une forte résolution et des idées claires. Nous comptons sur le caractère des négociateurs et nous leur faisons confiance. M. Pierre Lequiller - La contribution de la France au budget des Communautés, qui atteint 95 milliards, soit 5,9 % du budget de l'Etat, est une obligation découlant des traités. Mais elle ne porte que sur le principe de contribution et non sur son montant ni sur sa forme. C'est par là que nous pouvons aborder le débat sur la gestion des finances communautaires dont l'importance se mesure à l'audience qu'a pu avoir l'"Agenda 2000" au Conseil européen de Cardiff en juin. L'élément essentiel est le recours de plus en plus direct au contribuable européen pour financer un budget qui, depuis le paquet Delors I de 1987 n'a cessé d'augmenter, passant de 1 % à 1,26 % du PNB communautaire de 1987 à aujourd'hui, si bien que la situation des contributeurs nets se dégrade. Le budget communautaire est financé par les droits de douane, les prélèvements agricoles, la TVA intracommunautaire et la 4ème ressource prélevée directement sur le budget général. L'augmentation du prélèvement que l'on nous demande de voter signifie un recours croissant à la 4ème ressource forfaitaire ponctionnée sur le budget des Etats membres, qui pour la France ne cesse de croître : 87 milliards en 1997, 95 milliards aujourd'hui, soit 9,1 % de plus en deux ans. Notre pays est ainsi le second contributeur après l'Allemagne. Ce mode de financement du budget européen est en train de changer. Si, pour l'exercice 1997, la TVA produit 42 % du financement du budget communautaire et la ressource forfaitaire 40 %, il est probable qu'à l'horizon 2000, la ressource forfaitaire passe en tête. Or les ressources du budget communautaire étant des vases communicants, une diminution du produit de la TVA sera compensée par une augmentation de la contribution forfaitaire. Cette méthode est d'autant plus préoccupante que les fraudes au budget des Communautés et les fraudes à la TVA intracommunautaire en particulier, ne cessent d'augmenter, représentant 17 % de l'ensemble de ce budget. La Communauté et les Etats membres ne s'en sont alarmés que tardivement. Ce sont des membres de Démocratie Libérale, en particulier François d'Aubert, qui ont les premiers souligné ce danger. M. Jean-Claude Lefort - C'est vrai ! M. Pierre Lequiller - Le prélèvement sur recettes est beaucoup plus commode pour l'Union européenne, mais son accroissement révèle un budget européen de plus en plus difficile à financer. La France, qui verse plus à l'Union qu'elle n'en reçoit, est menacée d'un effet de ciseaux, entre d'un côté la réforme de la PAC et le projet de renationalisation d'une partie des subventions allouées antérieurement, de l'autre un prélèvement global statistiquement inchangé, mais dont la forme est plus pénalisante pour nos finances publiques. L'"Agenda 2000" détermine la nouvelle orientation des politiques communautaires, notamment l'élargissement, la réforme de la PAC et celle des fonds structurels, ainsi que les perspectives financières pour 2000-2006. Mais pour aborder ces défis, le budget européen apparaît inadapté. Aussi Démocratie Libérale propose-t-elle de mener une réflexion de fond sur le budget européen et sur les politiques communes. Si nous sommes favorables à l'élargissement, nous devons néanmoins rester vigilants sur ses conséquences financières, car il va accentuer l'aspect redistributif des politiques communautaires. En effet, les pays d'Europe centrale et orientale sont tous éligibles à l'objectif 1 du FEDER et aux aides du fonds de cohésion, ce qui inquiète l'Espagne, le Portugal ou la Grèce, actuels bénéficiaires nets. Si le plafond actuel de 1,26 % du PIB n'était pas relevé, la Communauté ferait immanquablement faillite. Il va donc falloir réduire les subventions aux bénéficiaires et augmenter les contributions. La participation de la France passerait alors de 95 à 150 milliards. Le projet de réforme de la PAC présenté dans l'"Agenda 2000" tend à réduire les prix d'intervention pour les cultures arables, à diminuer l'aide au marché de la viande bovine et remet en cause à terme les quotas laitiers. Surtout, pour faire face au financement de la PAC, la Commission propose que les Etats membres prennent en charge 25 % des aides directes que l'Union verse aux exploitants, ce qui reviendrait à renationaliser une des politiques communes qui est au fondement de l'Union européenne. La France ne peut pas rester passive et ne pas défendre sa position face à nos partenaires, notamment allemands, favorables à cette proposition. Dès le 1er janvier prochain, nous entrerons dans la phase terminale du processus de la monnaie unique. On le voit déjà, l'euro va constituer un pôle de stabilité monétaire. Mais nous avons été les derniers à nous qualifier pour l'euro et, de plus, une baisse de croissance plus importante que prévu nous ferait franchir le seuil fatidique des 3 % de déficit budgétaire par rapport au PIB. Le groupe Démocratie Libérale est favorable à la construction européenne, qui ne doit cependant pas se réaliser à n'importe que prix. Certains, au sein de la majorité et du Gouvernement, envisagent de calquer les finances européennes sur celles des Etats, en réclamant en particulier le lancement d'un grand emprunt européen. Or toute dette entraîne un prélèvement qui conduira à majorer les contributions demandées aux Etats. Ne mettons pas en péril les finances publiques européennes, qui sont relativement saines. La réforme des institutions communautaires paraît en panne. Et qu'en est-il de la résolution, votée par notre assemblée, de créer une délégation des Parlements nationaux auprès du conseil de l'euro ? Au-delà de ses réserves et de son inquiétude, notre groupe votera l'article 42. M. Alain Barrau - Décidément, nous n'organisons pas assez de débats sur l'Europe. Le petit nombre de députés présents montre qu'il ne faut pas hésiter à parler davantage sur ce thème. De plus, alors que nous examinons le prélèvement demandé à la France, nous avons traité davantage d'"Agenda 2000". Des débats plus fréquents, éviteraient ce genre de confusion. Notre contribution budgétaire augmente parce que nos partenaires se sont mis d'accord pour renforcer les moyens affectés aux fonds structurels. Les pays du Sud, qui y ont directement intérêt, se sont coalisés avec d'autres qui préparent politiquement l'élargissement. Au demeurant, cette politique des fonds structurels va être réformée. Que pouvons-nous faire concrètement pour 1999 ? Il conviendrait d'abord que nous utilisions mieux que par le passé les fonds structurels : cela supposerait tous que nous balayions devant notre propre porte, mais aussi que nous simplifiions les procédures. Ensuite, comme l'a proposé M. Fuchs, le reliquat de ces mêmes fonds structurels devrait être mobilisé, pour les besoins de l'aménagement du territoire. Plus généralement, il nous appartient de confirmer la réorientation de la politique européenne amorcée depuis quelques mois par le Gouvernement. Nous avons construit un marché unique, lancé la monnaie unique, il faut maintenant une Europe de l'emploi. En premier lieu, cela suppose de faire progresser l'idée d'un grand emprunt, reprise par le Premier ministre : nous devons convaincre nos partenaires de sa nécessité, la politique régionale européenne -si l'on peut oser le terme- ne pourra qu'y gagner. En second lieu, et nous rejoignons là le débat sur la loi de finances, nous devons essayer d'obtenir de la Commission qu'elle laisse des marges de manoeuvre en matière de TVA. La commission des finances insiste en effet sur l'intérêt qu'il y aurait à procéder à des baisses ciblées, au profit de secteurs créateurs d'emplois -et cela pourrait être fait immédiatement. Le Conseil de Luxembourg a inauguré une nouvelle période, avec les plans nationaux pour l'emploi, notamment, et nous devons renforcer cette dynamique, afin que l'Europe contribue effectivement à la croissance et à la lutte contre le chômage. Nous ne voulons pas d'une Europe qui ne soit que l'Europe du libre-échange. Les efforts déployés en faveur de l'Union monétaire trouveront d'ailleurs toute leur utilité s'ils sont complétés par une action déterminée en matière économique. Mettons donc à profit cette année de négociations pour avancer sur des points précis. Cela ne réglera pas le problème de la PAC, ni ceux des fonds structurels ou des contributions, mais cela constituera déjà un signe tangible à l'adresse de nos peuples. Au reste, le renforcement du Parlement européen et l'ouverture d'un débat aussi large que possible ne peuvent qu'aider les Européens à mieux saisir ce qui est en jeu, à mieux comprendre ce que fait l'Union. Allons donc de l'avant, pas à pas, mais en évitant les amalgames ou les entorses à l'encontre de nos partenaires : il faut savoir écouter les autres peuples, sans oublier les intérêts de notre propre pays. C'est à ce prix que la France continuera de jouer un rôle moteur dans la construction européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Henry Chabert - Se montant à 95 milliards de francs, notre contribution pour 1999 sera la deuxième par l'importance, après celle de l'Allemagne, et c'est la cinquième masse financière au sein du budget national. Qu'elle soit obligatoire ne nous dispense pas de dire notre mot sur le contenu et les orientations de la politique mise en oeuvre grâce à ce prélèvement. Précédant les accords à négocier sur l'"Agenda 2000", le budget européen pour 1999 est un budget de transition, en attendant les modalités de financement qui seront arrêtées pour la période 2000-2006. S'il préserve une certaine rigueur, il n'en prévoit pas moins une augmentation de 6,1 % des crédits d'engagement et de 2,8 % des crédits de paiement. Or il est impératif que les choix de la Commission s'inspirent de ceux des Etats membres et, par conséquent, qu'ils reflètent des efforts faits par ceux-ci pour maîtriser la dépense publique -quelques réserves qu'on fasse à cet égard pour la France. S'agissant des futures modalités de calcul des contributions nationales, un vrai débat doit s'instaurer sur les propositions de la Commission. Si celle-ci n'a pas retenu l'idée d'un simple transfert vers les pays moins prospères, rien n'est décidé en revanche pour ce qui est de l'extension de ressources assises sur le PNB, du cofinancement de la PAC ou d'un hypothétique impôt européen. Si l'on s'en tient au budget pour 1999, l'Allemagne, forte de 26 % de la richesse commune, contribue pour 28,2 %, tandis que la Grande-Bretagne, avec 16,9 % de cette richesse, ne contribue que pour 11,9 %. Ces pourcentages étant respectivement de 17,2 et 17,5 % pour la France, on voit que le problème se pose d'abord entre nos deux partenaires et que Mme Thatcher a eu raison d'être pugnace tandis que les autres ne l'étaient pas assez ! Le projet de budget de la Commission reconduit à peu près, en francs courants, l'enveloppe du FEOGA-garantie, soit environ 40 milliards d'euros. Cependant, l'"Agenda 2000" remet en cause le financement de la PAC, posant la question d'un cofinancement par les Etats membres. Or celui-ci pénaliserait nos agriculteurs, ou coûterait cher à la France. Il n'est donc pas acceptable. Si le ministre de l'agriculture a manifesté son hostilité à cette idée, l'attitude de son collègue des affaires européennes apparaît moins ferme, ou plus ouverte, et nous l'appelons donc à nous rassurer ! Il convient que l'ensemble du Gouvernement annonce clairement sa position, comme l'a fait le gouvernement espagnol. C'est d'ailleurs d'autant plus urgent que la décision doit être prise en avril prochain. Les crédits des fonds structurels continuent, quant à eux, de croître fortement : les crédits d'engagement passent de 33 à 39 milliards d'euros, soit une augmentation de 18 % et les crédits de paiement de 28 à 31 milliards, soit une progression de plus de 10 %. Or la France participe faiblement à la répartition de ces fonds, depuis le sommet d'Edimbourg, et la tendance ne pourra que s'accentuer avec l'élargissement à l'Est. Sans une vision claire et sans fermeté, la France pourrait être perdante sur ces deux politiques. Nous devons donc être d'autant plus vigilants que, lorsqu'il s'agit de réduire les dépenses, s'applique la règle de la majorité qualifiée. La ratification du traité d'Amsterdam donnera l'occasion de débattre de la politique de lutte contre le chômage. Je note toutefois que notre politique de réduction du temps de travail et de financement d'emplois sur fonds publics n'étant pas celle des autres Etats membres, nos entreprises ne manqueront pas de rencontrer à terme des problèmes de compétitivité. L'an passé, Mme Catala en particulier avait appelé l'attention sur les fraudes. Or, comme le montrent les rapports des instituts de contrôle européens, ces pratiques sont loin de s'atténuer. Si l'on peut se réjouir que la Commission ait elle-même relevé quelques turpitudes en son sein, la question reste posée de l'efficacité des moyens mis en oeuvre. On pourrait également s'interroger sur la qualité des contrôles d'opportunité : ayant été rapporteur pendant trois ans du programme Tacis, j'ai constaté que certains programmes donnaient lieu à beaucoup de gâchis. Ce budget soldera une période accomplie et le groupe RPR votera donc l'article 42. Prenons bien garde de ne pas remettre en cause, par notre attitude, le principe de solidarité et n'oublions pas que chaque Etat membre tire profit d'une évolution favorable de l'Europe. De ce point de vue, le rôle que joue déjà l'euro est significatif. Mais l'application du principe de subsidiarité n'est pas contradictoire avec le renforcement de politiques communes ambitieuses. Alors que se dessinent de nouvelles orientations, la France doit être plus que jamais déterminée à faire valoir ses positions. Le groupe RPR votera l'article 42. M. Jean-Claude Lefort - Quand on est un homme ou une femme politique, il faut savoir dire non. Quand les principes sont en cause, quand l'intérêt général est menacé, quand les limites de l'acceptable sont franchies, il faut savoir dire non. Quand la démocratie est mise à mal, quand la technocratie usurpe le pouvoir politique, il faut savoir dire non. Quand, en disant non, on ne ferme pas la porte mais on l'ouvre sur autre chose, il faut savoir dire non. C'est ce qu'a fait hier le Premier ministre à propos de l'AMI, en réponse à mon ami Robert Hue, et vous savez combien notre groupe, combien la gauche mais aussi une large part de la représentation nationale, ont apprécié ses déclarations, son refus de se soumettre à une prétendue fatalité. Il a tout simplement rehaussé la politique. Mais savoir dire non, n'est-ce pas aussi l'enjeu du présent débat ? Chaque année, cette idée de voter non a germé -et pas seulement chez nous. Mais cette fois, les inquiétudes sont encore plus nombreuses. La gauche est responsable de A à Z de ce budget, tandis que le Gouvernement exprime des critiques sur l'actuelle construction européenne et s'efforce de la réorienter. L'heure n'est-elle pas venue de considérer que le meilleur moyen d'aider le Gouvernement est précisément d'avoir le courage d'envoyer un message politique en utilisant cette faculté qui nous est offerte, sans grand frais, de passer d'un oui plein de réserves à un non constructif ? Il n'y aurait pas grand risque à le faire, car ce prélèvement est en réalité obligatoire, même s'il est le troisième budget civil de la France, masse énorme qui augmente beaucoup plus que le budget de l'Etat. De toute façon, l'Europe nous obligera à verser cette somme. Raison de plus pour manifester notre refus des carences anciennes et des "nouveautés" bruxelloises. Parmi les raisons anciennes qui motivent depuis longtemps nos critiques, il y a les fraudes sur le budget européen. Chaque année, nous protestons à ce sujet et on nous dit des paroles rassurantes : on s'en occupe, on partage notre opinion. Mais rien ne vient. Nous venons encore d'apprendre qu'un détournement de 6 milliards et demi de francs a été réalisé en deux ans au nom de l'aide humanitaire, mais la Commission garde son rapport secret. A cette fraude permanente sur le budget européen s'ajoute une autre fraude, qui résulte des dysfonctionnements de l'Union : la fraude sur la TVA évaluée pour notre pays à 40 milliards par an -soit presque la moitié de notre contribution à l'Europe ou la somme nécessaire pour relever les minima sociaux comme le souhaitent les chômeurs. L'an dernier, nous avions eu un échange cordial à ce sujet, Monsieur le ministre. Vous m'aviez donné des assurances et, comme je vous demandais de confier à un collègue de la commission des finances une mission sur ce sujet, vous m'aviez courtoisement répondu que vous m'aviez entendu. On en est resté là. Qu'allez-vous m'annoncer cette année de tangible ? Nous sommes ici dans l'ordre de la politique, et il appartient au Parlement de contrôler le Gouvernement, mais aussi la Commission. Mais il y a aussi des raisons nouvelles de mécontentement, lorsque la politique agricole commune est sur le gril, ainsi que les fonds structurels. Le principe de solidarité, consubstantiel à l'Union, est atteint par la volonté de nationaliser les aides agricoles et les réductions drastiques envisagées en même temps que l'élargissement, il est atteint dans notre solidarité avec les régions les plus en difficulté et les pays du Sud, dans notre aide à la coopération. Et qu'en sera-t-il des négociations avec le MERCOSUR en matière agricole ? Comment peut-on, sauf à s'appeler Leon Brittan, mettre l'Europe devant le fait accompli d'une zone de libre-échange avec ces pays ? Bref, on nous demande de voter ce prélèvement alors que l'avenir est plein d'interrogations : on met la charrue avant les boeufs ! Il faut au contraire négocier d'abord pour y voir clair. Et en attendant, exprimer un non clair et net. Deux observations politiques pour terminer. A propos, d'abord, de l'accord transatlantique conclu à Londres le 18 mai sous présidence britannique, sans le moindre mandat du Conseil. Hier, le Premier ministre a pris position sur l'AMI : mais il ne faudrait pas que celui-ci revienne par la fenêtre à Bruxelles ! Or M. Brittan négocie avec nos partenaires américains sur la base de cet accord qui n'en est pas un. Il convient, selon moi, de faire deux choses : affirmer que cet accord du 18 mai est illégal, et signifier à la Commission que tout accord avec les Etats-Unis sur cette base serait nul et non avenu. D'ailleurs, comment accepter que la bouche pleine de mots sur la liberté, les dirigeants des Etats-Unis en fassent l'un des pays les plus protectionnistes qui soient. Comment avancer sans que les Etats-Unis renoncent à leurs deux lois à portée extraterritoriale, à leurs 25 lois d'Etats fédérés qui imposent des embargos "secondaires", à leurs 400 pages de réserves déposées à l'OCDE pour être annexées à un éventuel accord sur les investissements ? Ces réserves vont de l'impossibilité d'ouvrir une salle de billard en Alabama quand on n'est pas citoyen américain à l'interdiction pure et simple des investissements étrangers dans les marchés publics. J'en viens au pacte de stabilité. Nombreux sont ceux qui en ont dit le plus grand mal, et sur tous les bancs. Il a été décidé sous pression du gouvernement allemand précédent. Je vous propose, d'engager une initiative franco-allemande, comme c'est possible avec la nouvelle équipe en place à Berlin, pour renégocier ce pacte qui est de la compétence de l'Union et du Conseil (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste). M. le Ministre délégué - La richesse du débat prouve que l'Assemblée n'a pas peur de discuter de l'Europe et surtout -ne revenons pas sur le budget lui-même- de l'"Agenda 2000", c'est-à-dire du cadre financier 2000-2006, de la réforme de la PAC, des fonds structurels, de l'élargissement. Comme certains l'ont souligné, la négociation risque de durer pendant la majeure partie de 1999. Pour nous, elle ne peut être que globale. Elle s'annonce difficile pour l'Europe, car les intérêts divergent, difficile pour la France dont la structure est loin d'être défavorable. Pour autant, le Gouvernement l'aborde avec une grande détermination. La Commission relaierait les préoccupations de l'Allemagne et le débat sur l'"Agenda 2000" serait transformé en débat sur le niveau de la contribution allemande, a-t-on dit. Mais, Monsieur Ligot, il n'est pas juste de prétendre que M. Schröder s'exprime à ce sujet avec plus de violence que M. Kohl. Je l'ai vu à Strasbourg quand il était candidat, il est venu à Paris en tant que Chancelier, et son approche est modérée et réaliste. Nous allons discuter pour réduire nos différences. Comment abordons-nous l'"Agenda 2000" ? Un aspect essentiel est d'éviter, sur la période 1999-2006, toute dérive des dépenses. C'est ainsi que nous traiterons de la question, mal posée, de la contribution nette de chacun. Celle de l'Allemagne représente 26,4 % du total, pour 28 % du PIB européen, alors que ces chiffres sont de 17,2 % et 17,5 % pour la France. Le système actuel n'est donc pas vraiment inéquitable, même s'il faut faire une plus grande part à la ressource assise sur le PNB dans les ressources propres. La discussion portera sur la contribution britannique, fixée de façon injuste en 1984 et qui l'est plus encore aujourd'hui. Bien sûr, nos amis anglais résisteront, mais on ne peut pas les exonérer du coût de l'élargissement. L'autre grand sujet de discussion sera la maîtrise des dépenses, à commencer par les dépenses structurelles dont il faut revoir l'enveloppe globale. La Commission prévoit très généreusement 240 milliards d'euros, il faudrait revenir à 200 milliards comme dans le paquet Delors II, et mettre l'accent sur les nouveaux objectifs 2 et 3 indispensables pour assurer la compensation entre régions et poursuivre les objectifs sociaux et relatifs à l'emploi. Il faut aussi bien individualiser le coût de l'élargissement. Notre proposition de les séparer complètement des dépenses destinées aux Quinze a été entérinée. Cela nous amène à l'une de nos principales préoccupations, la réforme de la PAC. M. Sarre craint que la France ne perde doublement, avec une mauvaise réforme et un financement moindre de l'UE. Je veux écarter cette crainte. Nous avons refusé la suppression des quotas et la baisse du prix du lait, nous refusons la proposition de la Commission sur une réforme libérale pour la viande et une baisse excessive des prix des céréales et des oléagineux. Il faut opérer une réforme raisonnable, dans un esprit différent. Pour les céréales, les baisses de prix doivent être limitées ; pour la viande bovine, il ne faut pas se placer sur un marché mondial sur lequel notre production de qualité est trop chère ; pour le lait, la réforme est prématurée. Enfin, une modulation des crédits est indispensable pour défendre la multifonctionnalité et les exploitations en zone fragile, par cohérence avec le contrat territorial d'exploitation. M. Chabert et d'autres se sont interrogés sur l'attitude de la France à l'égard du cofinancement de la PAC. C'est une thèse que je n'ai jamais défendue. Oui, Monsieur Sarre, le mauvais tiercé que constitueraient le démantèlement de la PAC, la diminution des fonds structurels et le cofinancement est à éviter. Mais il ne faut pas rêver non plus de l'inverse. La situation sera revue, cependant en aucun cas dans le sens du cofinancement ou de la renationalisation de la PAC. Le Premier ministre l'a déclaré avec force à la Commission européenne,e t c'est la position de tout le Gouvernement. Quant à l'élargissement, sera-t-il une bonne chose pour la seule Allemagne, se demande encore M. Sarre ? Le Gouvernement français souhaite l'élargissement. C'est une chance, c'est un devoir. Il souhaite qu'il soit maîtrisé et discuté. Pour l'Allemagne, les choses sont plus compliquées qu'on ne l'a dit. L'élargissement, c'est aussi, et peut-être d'abord, une pression sur le marché du travail, déjà sensible en Autriche également, et qui peut conduire ces pays à plus de prudence et de réalisme. Il y a aujourd'hui plus d'agriculteurs en Pologne qu'en France et en Allemagne prises ensemble. Mais ne dramatisons pas, le paquet Santer sera négocié à quinze. Je sais que votre formation place beaucoup d'espoir dans l'arrivée du futur Chancelier Schröder. J'ai, quant à moi, la conviction que, sur l'élargissement, il aura une attitude beaucoup plus réaliste que ne l'aurait été celle du Chancelier Kohl. Quelle sera notre attitude dans la négociation ? M. Lefort a dit que, quand les bornes sont franchies, il faut savoir dire non. Nous savons dire non comme nous l'avons prouvé hier sur l'AMI. Nous avions obtenu, il y a quelques mois, de l'OCDE une pause dans les négociations en attendant que plusieurs conditions soient remplies. Le Premier ministre a expliqué hier que, ces conditions n'étant pas remplies, il n'entendait pas reprendre les négociations tout en proposant qu'elles se prolongent sur une autre base et dans une autre enceinte, telle que l'OMC. Cela dit, M. Jospin a dit non à l'AMI, mais pas à l'Union. Il a, au contraire, clairement expliqué que nous devions consentir à des transferts de souveraineté dans ce cadre. Le Gouvernement est profondément européen. C'est pourquoi je ne vous suis pas tout à fait, Monsieur Lefort, lorsque vous appelez à dire non au budget qui vous est aujourd'hui proposé. S'agissant des autres aspects des négociations à venir, qu'elles concernent les relations transatlantiques ou MERCOSUR, vous serez entendu. Pour ce qui est de MERCOSUR, nous n'accepterons pas qu'on en profite pour instaurer une zone de libre-échange. S'agissant des relations transatlantiques, nous avons refusé les propositions de M. Brittan. L'accord de Londres était clair pour l'Europe : il n'y a aucun engagement de notre part sans la mise en oeuvre préalable par les Etats-Unis de dérogations pour nos compagnies et nous réclamons avec force le démantèlement des lois extraterritoriales. Bien entendu, nous resterons très vigilants. D'autre part, en vous écoutant, M. Lefort, je pensais que vous aviez eu raison d'appeler l'attention du Gouvernement, l'an dernier, sur la lutte contre la fraude. Elle bénéficie aujourd'hui d'un cadre juridique plus étoffé grâce aux traités de Maastricht et d'Amsterdam. Une stratégie antifraude a été adoptée en 1994. Je pourrais aussi citer l'adoption, dans le cadre du troisième pilier, de la convention du 26 juillet 1995 relative à la protection des intérêts européens, et le protocole additionnel sur les actes de corruption commis par les fonctionnaires. Nous sommes très attentifs à ce qui se produit à la Commission européenne. A la suite des allégations graves posées par plusieurs organes de presse sur des irrégularités dans l'exécution du budget communautaire, le Gouvernement a noté l'amorce de la création par la Commission d'un office d'enquête antifraude totalement indépendant : c'est le moyen d'aller vers plus de transparence et de contrôle. Nous souhaitons que la lutte contre la fraude dispose de tous les moyens nécessaires à son succès. M. Lequiller, M. Barrau et M. Lefort ont parlé de la politique de croissance et d'emploi en Europe. M. Lequiller a cru bon de remettre en cause, une fois encore, les perspectives de croissance retenues par le Gouvernement. Mais grâce à l'euro, grâce à une croissance largement autocentrée, orientée sur la consommation et sur l'investissement, ces perspectives sont réalistes. Elles sont même inférieures aux prévisions du FMI. Nous proposons une politique plus volontariste, plus active, qui repose sur plusieurs piliers. J'ai déjà parlé de la proposition de grand emprunt que M. Jospin a soutenue. Pour ce qui est de réduire la TVA sur les services à haute intensité de main-d'oeuvre, comme M. Barrau l'a souhaité, le Gouvernement y est très favorable. Notre plan national d'action pour l'emploi prévoit l'application, à titre expérimental, d'un taux réduit de TVA pour les activités de service à la personne. Il faut maintenant que la Commission fasse des propositions de directive en la matière. En ce qui concerne une éventuelle renégociation du pacte de stabilité, Monsieur Lefort, elle paraît plus que difficile car il s'agit là d'un engagement international de la France. Mais nous souhaitons vivement un infléchissement des priorités économiques et sociales de l'Europe. Nous voulons une politique européenne plus volontaire propre à rééquilibrer la construction européenne en faveur de la croissance et de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. le Président - J'appelle maintenant l'article 42 du projet. M. Christian Cuvilliez - Si j'ai cru comprendre que notre vote serait sans influence, il ne sera pas sans conséquences. J'ai trouvé, dans les interventions des uns et des autres, au moins cent bonnes raisons de repousser cet article. Cela dit, notre amendement 426 tend à ramener à 91,5 milliards, soit au même niveau que l'an dernier, notre participation au budget européen pour 1999. On peut y voir la traduction budgétaire du pacte de stabilité, que nous condamnons par ailleurs, ou l'expression de notre volonté de renégocier notre contribution ainsi que l'Allemagne et la Grande-Bretagne souhaitent le faire. D'autre part, j'observe que la réduction de notre déficit budgétaire de 21,3 milliards obéit aux critères de convergence de l'Union européenne. Notre participation au budget européen augmente de 3,8 % au lieu de 1 % seulement pour le budget national. Bref, tous les orateurs ont donné des raisons pertinentes de refuser cette contribution. Au moins pourrions-nous la réduire du montant de la fraude, soit 3,5 milliards. M. le Rapporteur général - Vous ne pouvez réduire notre effort de limitation du déficit budgétaire à la seule contrainte européenne. Il y va aussi de la restauration de nos marges de manoeuvre. En ce qui concerne l'amendement, notre contribution au budget européen constitue une obligation à laquelle la France ne saurait se soustraire. J'ajoute qu'il s'agit d'une simple évaluation ; la réduire en loi de finances initiale n'aurait donc guère d'effet sur les sommes qui seront effectivement dépensées. Voilà pourquoi la commission vous invite à repousser cet amendement. M. le Ministre délégué - Le Gouvernement ne peut accepter cet amendement, car ce prélèvement correspond à une contribution obligatoire résultant des traités en vigueur. Cela dit, le chiffre inscrit dans ce projet n'est qu'une évaluation. Pour ce qui est de la lutte contre la fraude, les traités de Maastricht et d'Amsterdam lui ont donné une base juridique. Je demande donc le retrait ou le rejet de cet amendement. M. Marc Laffineur - Cet amendement peut sembler sympathique dans la mesure où il tend à réduire une dépense, mais la parole de la France et les traités qu'elle a signés ne peuvent être remis en cause aussi légèrement -et notre collègue communiste le sait bien. J'en profite pour dire au ministre qu'un grand emprunt européen ne constitue pas une panacée car, qu'un emprunt soit français ou européen, il faut bien rembourser ! Et pour ce faire, nous serions forcément amenés à accroître notre contribution. A moins, bien sûr, d'imaginer que la France bénéficierait plus dudit emprunt que les autres... Espoir à mon avis peu fondé car chaque pays nourrissait le même, et il y a fort à parier qu'en réalité la France et l'Allemagne seraient plus sollicités. M. Yves Cochet - Parler de "prélèvement sur les recettes de l'Etat" relève à mes yeux d'une vision purement comptable et juridique. Nous qui militons pour une Europe plus citoyenne, nous préférons considérer cette somme comme la part européenne de l'impôt payé par nos concitoyens. De même qu'il y a des impôts communaux, départementaux ou régionaux, il y a une contribution des citoyens français à l'Europe. Et je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'elle s'élève à 95 milliards. L'amendement 426, mis aux voix, n'est pas adopté. L'article 42, mis aux voix, est adopté. M. le Président - En ce moment se termine la réception donnée par le Président de l'Assemblée nationale en l'honneur de notre ancien collègue Pierre Mazeaud, nommé au Conseil constitutionnel. Je vais suspendre la séance, le temps que nous allions lui serrer la main. La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 20. M. le Président - Nous en revenons à l'amendement 513 portant article additionnel après l'article 2. M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 513 tend à rééquilibrer la politique familiale, mise à mal par le Gouvernement, par un doublement du pourcentage de réduction d'impôt au titre des frais de garde en crèche ou chez une assistante maternelle agréée. Particulièrement en région parisienne, nombre de jeunes couples n'ont pas toujours la chance... M. Michel Bouvard - Il existe aussi des jeunes couples en province ! M. Jean-Jacques Jegou - ...de travailler dans des administrations ou des grandes entreprises qui participent aux modes de garde. M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Le budget de l'an dernier comportait des mesures profitables aux familles, et celui-ci en comporte aussi. Il faut considérer les mesures relatives aux familles dans le cadre de l'ensemble de la politique économique et sociale du Gouvernement. Actuellement, la réduction d'impôt plafonnée à 15 000 F par enfant représente 1 milliard au bénéfice des familles. Il n'est pas possible d'aller au-delà. M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Avis également défavorable. L'amendement 513, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Gille Carrez - Nous ne quittons pas la politique familiale avec l'amendement 456, qui tend à rétablir à 90 000 F le plafond de la déduction d'impôt au titre des emplois familiaux. Un an après, il est possible de commencer à mesurer les effets négatifs de votre décision d'abaisser ce plafond à 45 000 F. L'organisme chargé de recouvrer les cotisations sociales des employeurs de salariés à domicile enregistre un effondrement. Une partie de ces dizaines de milliers d'emplois créés grâce à la décision prise par M. Balladur et reconduite par M. Juppé est en train de disparaître. Nous souhaitons connaître les chiffres officiels relatifs à cette diminution de cotisations. L'association des maires de l'Ile-de-France a constaté une recrudescence des demandes de places en crèche collective, qui sont difficiles à satisfaire. Quelques enquêtes menées auprès des familles nous indiquent que le travail au noir regagne du terrain. Si en effet la partie de l'emploi salarié à domicile correspondant aux 45 000 F déductibles demeure apparente, l'autre partie est devenue souterraine. C'est dommage, et pourtant nous vous avions prévenus. Il faut se mettre à la place de ces familles, que vous qualifiez de "riches". Avec la réduction de moitié de l'AGED et de la déduction pour emploi à domicile, et la suppression des allocations familiales, elles ont perdu de 3 000 F à 6 000 F mensuels. M. Gérard Fuchs - Quel est le nombre de ces familles ? M. Gilles Carrez - Quelques dizaines de milliers. Adopter notre amendement permettrait de satisfaire des besoins réels, et recréerait des dizaines de milliers d'emplois, qui procureraient des recettes supplémentaires à la Sécurité sociale. Car la suppression du plafond de 90 000 F, tous comptes faits, a plus coûté à l'Etat qu'elle ne lui a rapporté. M. le Rapporteur général - Rejet. Je conserve un souvenir très précis de la création de cette déduction, proposée par Mme Aubry et fortement amplifiée par M. Sarkozy. M. Michel Bouvard - Et fortement créatrice d'emplois. M. le Rapporteur général - M. Sarkozy, alors ministre du budget, a expliqué dans la nuit à sa majorité que cette mesure favorable aux familles très aisées venait en contrepartie de l'impossibilité où se trouvait le Gouvernement d'accorder une baisse de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Un peu agacé par l'un de vous, il a ajouté : "Souvenez-vous, nous avons perdu récemment un certain nombre d'élections à la suite de provocations fiscales. N'oubliez pas qu'une échéance électorale est proche, et sachez que la mesure proposée est aussi favorable que la suppression de la tranche supérieure !" (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il y a là toute la différence entre une incitation et un privilège fiscal. M. Philippe Auberger - Ce n'est pas le sujet ! M. le Rapporteur général - L'an dernier, nous avons voulu revenir à l'incitation. Vous voulez aujourd'hui rétablir le privilège. Nous ne vous suivons pas. M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement n'a pas honte de la mesure d'équité qu'il a proposée l'année dernière, et qui concerne 70 000 familles déclarant un revenu supérieur à 70 000 F par an. De plus, à l'initiative de l'un d'entre vous, les personnes lourdement handicapées ont conservé le plafond de 90 000 F. Quant à l'insuffisance de places de crèche en Ile-de-France, demandez aux maires de faire davantage d'efforts. Rejet de l'amendement. M. Jean-Pierre Brard - Dès qu'on s'attaque aux privilèges, nos collègues invoquent la famille ou, comme ici, l'emploi ! Mais c'est tout à l'honneur du Gouvernement que de ne pas consentir à ce qu'on revienne sur les "mesures de gauche", comme pourrait dire tout à fait opportunément M. Jegou, arrêtées l'an dernier. En ce qui concerne les crèches, je n'ai pas noté à Montreuil la poussée des demandes qu'évoque M. Carrez, mais il est vrai que la situation peut varier d'une ville à l'autre. M. Auberger a créé un "hors sujet", comme si tous les problèmes mettant en jeu l'argent des privilégiés devaient être réglés dans la discrétion. Mais de quoi s'agit-il en fait, sinon de permettre à des gens qui en ont plein les poches de faire financer leur jardinier et leur valet de pied par tous les contribuables, y compris par les plus pauvres qui acquittent comme les autres la TVA ? M. Jean-Jacques Jegou - Je sens qu'on va évoquer Mme Bettencourt ! M. Jean-Pierre Brard - Chiens de Pavlov ! Mais je vois que vous savez parfaitement qui vous défendez. Puisque vous avez cité un nom que je n'avais même pas prononcé, je vous renvoie à une revue fort bien faite, que je vous avais d'ailleurs déjà recommandée : Challenges, qui vient de publier un jeu de l'oie -en l'occurrence, il s'agirait plutôt d'oies gavées ! On y apprend que la personne que vous défendez a vu sa fortune professionnelle s'accroître de plus de 20 milliards en une seule année. Et vous voulez y ajouter trois francs six sous ! Quelle mentalité de gagne-petit ! Mieux vaudrait un comportement plus conforme à notre tradition de solidarité ou à notre devise républicaine, que vous citiez hier ! En revanche, je ne puis qu'approuver le secrétaire d'Etat et le rapporteur général : ils ont raison de se montrer attachés à un élément essentiel de ce qui fait l'identité de la gauche. M. Jean-Jacques Jegou - Nous soutenons naturellement l'excellent amendement de M. Carrez, y compris contre la caricature qu'en donne M. Brard. Au fait, celui-ci garde-t-il sur lui cette revue, qui finit par être bien parcheminée, ce me semble ? En tout cas, maire d'une commune de la petite couronne, je sais aussi bien que lui comment les gens vivent et je sais que les jeunes couples avec enfants, mariés ou non, rencontrent bien des problèmes. L'ancien gouvernement était-il allé trop loin ? Quoi qu'il en soit, rien n'est tout blanc ni tout noir et il s'agissait incontestablement de favoriser l'emploi. Nous n'y avions pas mal réussi, je crois : sous réserve de vérification, 60 000 emplois avaient été créés. Le reconnaître ne ferait que renforcer votre position, Monsieur le secrétaire d'Etat. Par ailleurs, vous-même ne vous apprêtez-vous pas à faire quelques "cadeaux" à ceux, locataires ou propriétaires, qui font des travaux d'entretien ? Ne voulez-vous pas injecter deux milliards dans le commerce ? Or nous voterons cette mesure parce qu'elle sert l'objectif commun : réduire le cancer du travail au noir. Acceptez de même la proposition de M. Carrez, quitte à la sous-amender ! Nous devons à tout le moins essayer de trouver un juste équilibre. Mais si des communes comme la mienne s'emploient à augmenter le nombre des places de crèches, celles-ci restent forcément insuffisantes et il n'est pas toujours facile de trouver des assistantes maternelles qui acceptent d'être déclarées. Or beaucoup de jeunes parents sont obligés de travailler tous deux, y compris à Montreuil ! Ils méritent d'être entendus et certainement pas d'être caricaturés ! Cela étant, Monsieur Brard, je ne pense pas que la question d'une maternité se pose pour Mme Bettencourt... L'amendement 456, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Brard - Mon amendement 545 n'a rien de nouveau : je présente le même depuis quelques années. Pour lutter contre la pollution automobile, on ne peut se borner à restreindre ou à interdire la circulation lors des "pics". Il faut agir méthodiquement contre le "bruit de fond", cette pollution chronique qui nuit plus que toute autre à la santé. En recourant au levier fiscal, on peut espérer être efficace à moyen et long termes. Je vous propose donc d'inciter les sociétés à accroître, dans leur parc automobile, la part des véhicules fonctionnant à l'électricité, au gaz naturel véhicules ou au gaz de pétrole liquéfié ! Cette idée de réduire l'impôt sur les sociétés ne doit rien au dogme du libéralisme, et tout à la volonté de préserver la qualité de l'air et la santé de nos concitoyens. Mais vous voyez, Monsieur Jegou, que je sais aussi être attentif à la situation des entreprises... M. Yves Cochet - Il faut certes taxer le vice, mais il faut aussi encourager la vertu. Il convient aussi de marquer fortement l'an I de la nouvelle politique écologique. D'où notre amendement 166 rectifié. L'Europe, le Parlement européen notamment, se préoccupe de lancer une voiture et un carburant propres : une directive est en préparation sur le sujet et nos collègues de Strasbourg préconisent des avantages fiscaux pour encourager la mise en circulation de véhicules dépollués. En France même, en 1985, on avait autorisé la bicarburation, en assortissant la mesure d'une petite incitation : la "RNUR" avait alors lancé une gamme de véhicules à bicarburation, mais ce fut un échec, faute d'encouragement suffisant. Or, selon le Parlement européen encore, le coût de la pollution rien qu'en termes de santé publique s'élèverait à 3 % du PIB communautaire. Songez à l'économie que procurerait un simple geste, comme celui que je propose. A l'origine, j'avais imaginé comme M. Brard recourir à une réduction d'impôt. Après débat en commission, j'ai reconnu que la mesure n'avantagerait que ceux qui paient des impôts et je propose donc en définitive un crédit d'impôt, rejoignant en cela les conclusions de Mme Bricq -de sorte que, si l'on ne retient pas pour cette disposition le nom de "Voynette", on pourrait peut-être l'appeler la "bricquette" (Sourires). M. le Rapporteur général - Nous abordons ainsi une série de six amendements ayant des objets voisins. Les deux premiers qui viennent d'être présentés, concernent les entreprises, nous en verrons ensuite quatre autres applicables aux particuliers. La commission les a tous repoussés. Certes, le crédit d'impôt, proposé par M. Cochet serait préférable à la réduction d'impôt, puisqu'il bénéficierait à tous les ménages. Néanmoins, de telles primes peuvent avoir des effets pervers et provoquer des soubresauts sur les marchés. M. Yves Cochet - Cela n'a rien à voir avec la "juppette" ou la "balladurette" ! M. le Rapporteur général - Nous avions déjà pris des mesures positives l'an dernier, sur votre proposition et sur la proposition de Mme Bricq et M. Brard... M. Jean-Jacques Jegou - N'oubliez pas l'opposition ! M. le Rapporteur général - ...et d'autres collègues. Nous aurons encore l'occasion d'examiner d'autres incitations dans le présent budget -concernant en particulier le GPL, dont l'usage progresse rapidement. Pour toutes ces raisons, la commission a donné un avis défavorable, d'autant plus que de tels amendements auraient plutôt leur place dans la seconde partie du budget. M. le Secrétaire d'Etat - Le souhait de M. Brard et M. Cochet me semble déjà largement exaucé depuis l'an dernier et il le sera encore davantage lorsque nous aurons adopté l'extension de l'amortissement sur douze mois -déjà appliqué aux véhicules fonctionnant au GPL, au GNV ou à l'électricité-, aux véhicules à bicarburation. Le Gouvernement est très ouvert sur ces sujets, mais cumuler cet amortissement exceptionnel avec le crédit d'impôt aboutirait à faire payer par l'Etat la totalité -voire davantage pour les taxis- du surcoût lié au choix d'une technologie propre. Avis défavorable pour cette raison. Quant au gage, il concerne l'ISF sur lequel nous aurons l'occasion de revenir puisque le Gouvernement vous proposera une mesure à son sujet. Je souhaiterais le retrait des amendements. M. Jean-Pierre Brard - Je ne retire pas l'amendement car, moi, cela ne me choque pas que, dans une phase transitoire, le surcoût soit pris en charge par l'Etat -jusqu'à un certain seuil de fréquence de ces véhicules propres, il faut une forte incitation. M. Jegou m'a accusé de chercher mes informations dans des incunables : mais je n'ai parlé que de la situation constatée au cours des douze derniers mois. M. Yves Cochet - Je veux bien retirer mon amendement si c'est pour y revenir en seconde partie. Mais quant au coût pour l'Etat, il faudrait tenir compte des effets positifs de cette mesure pour la santé publique. M. Philippe Auberger - L'amendement 545 est inapplicable et incompréhensible, puisqu'il parle à la fois de l'IS et de l'IR -je me demande comment il a pu être déclaré recevable. Quant au fond, le crédit d'impôt vaut mieux en effet que la réduction -et même que l'amortissement exceptionnel. C'est une bonne idée, mais il faut voir aussi la réalité des choses : à Paris, il y a trois ans, il n'y avait qu'un seul point d'approvisionnement en gaz naturel, et dans mon département, il y a deux points de GPL. M. Michel Bouvard - D'autres sont mieux lotis. M. Maurice Adevah-Poeuf - Il est vrai que l'amendement 545 est un peu difficile à comprendre. Mais on a vu tellement de textes plus mal rédigés devenir la loi... (Rires) Quant au fond, tout le monde est d'accord sur l'objectif : faire diminuer la pollution. On doit à cette fin encourager les carburants non polluants -et il y a eu déjà des avancées considérables-, mais il faut penser aussi à la dépollution des véhicules existants -nous en reparlerons lors de la seconde partie. Par ailleurs, n'oublions pas les conséquences industrielles des mesures que nous prenons : la multiplication d'incitations non ciblées risquerait d'ouvrir largement la porte à des dispositifs fabriqués à l'étranger, notamment en Asie. Pour toutes ces raisons, mieux vaut poursuivre la réflexion encore un peu. M. Jean-Jacques Jegou - Il faut savoir ce que nous voulons. L'excellent rapport de Mme Bricq a ouvert des pistes intéressantes, mais il faut actuellement payer 9 à 12 000 F de surcoût pour un véhicule non polluant. Si les collectivités le font pour donner l'exemple, il est plus difficile de le demander à des particuliers, fussent-ils excellents citoyens. Même des gens qui ne circulent que dans Paris préfèrent le gazole à 4,50 F au carburant sans plomb à 6,30 F. Je suis donc favorable à l'amendement de M. Cochet, qui est gagé sur le tabac, non sur l'ISF. Il faut aussi essayer de trouver ce qui, au moindre coût pour l'Etat, incitera le mieux les particuliers, très sensibles au prix, à passer au GPL ou au GNV. Il est vrai qu'il y a encore peu de pompes. Les taxis se mobilisent, la RATP doit faire un effort supplémentaire ainsi que les véhicules de livraison. Pour terminer sur une note personnelle, venant à Paris par l'AL j'ai doublé un car de Montreuil qui transportait des enfants. J'ai compris l'intérêt des systèmes antipolluants ! M. Jean-Pierre Brard - C'est un car qu'on a acheté à la RATP ! M. Marc Laffineur - Depuis des années, les gouvernements successifs nous expliquent qu'"il n'est pas possible de faire quelque chose dans la loi de finances que l'on examine" et on ne fait donc jamais rien pour promouvoir les véhicules propres. Je ne voterai pas l'amendement de M. Brard, étant donné son gage, mais je voterai celui de M. Cochet. Il n'y a pas de pompes, donc pas de véhicules propres dit M. Auberger. Mais on peut dire aussi que sans véhicules, il n'y aura jamais de pompes. Alors, amorçons la pompe. M. le Rapporteur général - On ne peut pas dire que le Gouvernement et la majorité n'ont pas amorcé la pompe par un certain nombre de mesures l'an dernier et cette année. Mais cette discussion me conforte dans l'idée que la commission a eu raison de donner un avis défavorable. En fait, ce type de mesures a plutôt sa place en deuxième partie de la loi de finances. Si ces amendements ne sont pas retirés, rejet. Les amendements 545 et 166 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Jean-Pierre Brard - Cette discussion montre que nous sommes en retrait sur le pays, où la journée sans voitures du 22 septembre, lorsqu'elle était bien préparée, a suscité adhésion et enthousiasme. Nous ne faisons pas preuve de précipitation, simplement il faut de l'audace. Si on écoutait M. Auberger, on se demanderait toujours comment rapprocher la brouette de la roue. C'est un comble que ce soit moi qui vous rappelle que, dans la logique du marché, s'il y a des clients il y aura des stations-service ! Selon M. Adevah-Poeuf, il y a eu des avancées. Soit. Mais "considérables" ? Il y aurait de meilleurs adjectifs. M. Maurice Adevah-Poeuf - Disons substantielles. M. Jean-Pierre Brard - Mon amendement 306 corrigé favorise l'utilisation de véhicules non polluants par les particuliers. M. Yves Cochet - Notre amendement 165 a le même objet que le précédent pour les personnes physiques. Il faut avoir une vue globale de l'effet de cette mesure sur les dépenses de l'Etat. Par exemple elle améliorerait la santé publique. Je peux vous citer un certain nombre d'études : le GPL produit nettement moins de rejets polluants. Le GNV avantagerait GDF, qui le distribue... M. Pierret a inauguré le lancement de véhicules au GNV. Donnez-lui donc raison. Cela dit, si mes amendements ont plutôt leur place en deuxième partie, mais avec un avis favorable, je peux les retirer. Si l'avis est défavorable, c'est plus difficile. M. Marc Laffineur - Je voudrais donner aussi le point de vue de la province. Dans ma ville, nous avons 25 km de pistes cyclables et elles sont très empruntées. Il y a un vrai besoin d'écologie intelligente. Il faut faire décoller le marché des voitures non polluantes. M. Gilbert Gantier - Notre amendement 304 encourage la transformation des véhicules fonctionnant avec des carburants traditionnels en véhicules fonctionnant au moyen de carburants moins polluants. La dépense est vraiment importante. Nous proposons donc une réduction d'impôt égale à 30 % du montant des frais. Ainsi l'air à Paris serait moins pollué. J'ai été frappé de constater qu'à Sydney, une ville beaucoup moins dense, les taxis ne sont autorisés que s'ils roulent au GPL. M. le Rapporteur général - Défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. Monsieur Cochet, je ne peux anticiper sur l'attitude de la commission des finances en ce qui concerne la deuxième partie. Mais si des amendements sont rédigés avec le sérieux que nous vous connaissons, et en liaison avec le Gouvernement, ils pourraient être acceptés. M. le Secrétaire d'Etat - Je pense comme M. Brard, Monsieur Auberger, qu'il ne faut pas attendre d'avoir des stations pour développer les énergies nouvelles : les deux doivent aller de pair. La vraie question est de savoir par quoi commencer. Evidemment par les véhicules qui circulent le plus, c'est-à-dire les taxis, les transports en commun, les véhicules de livraison. C'est là que doit porter l'effort principal. Cela dit, 1999 est l'an I de la fiscalité écologique et il faut travailler dans le bon ordre. Traiter ces questions en deuxième partie de la loi de finances me semble être de bonne méthode. Je souhaite donc que les amendements soient retirés, mais nous en reparlerons. Je ne peux m'empêcher de dire à M. Laffineur que la limite de 100 000 F qu'il propose pour la conversion à l'énergie électrique me semble exagérée. Quoi qu'il en soit, un geste très important est déjà fait dans le sens que vous souhaitez, les uns et les autres, avec l'amortissement exceptionnel. M. Maurice Adevah-Poeuf - J'ai le même avis que sur les amendements précédents. Je ne vais pas vous raconter l'histoire de ma ville de Thiers, mais imaginez les problèmes qui se posent avec les accès à la vieille ville qui excèdent rarement 2,50 mètres de large et les pentes à plus de 14 % ! Certes, Monsieur Brard, la journée sans voitures était quelque chose d'extraordinaire, en particulier sur les Champs-Elysées, mais vous semblez oublier que, le dimanche suivant, cette plus belle avenue du monde était le lieu d'un défilé de voitures qu'une foule de spectateurs était venue admirer. M. Jean-Pierre Brard - Vous avez fait une ouverture, Monsieur le ministre, et je serais prêt à cosigner en deuxième partie un amendement qui nous ferait franchir une première étape pour les taxis et les bus. C'est avec cet objectif que je retire l'amendement 306 corrigé. Cela dit, Monsieur Adevah-Poeuf, l'exemple de Paris que vous avez choisi pour la journée sans voitures est catastrophique. On était là dans le faux-semblant et l'artifice, bien loin de la pédagogie. L'attitude de la ville de Saint-Germain-en-Laye a, en revanche, été exemplaire, Monsieur le Président ! M. le Président - Je ne peux qu'apprécier votre remarque. M. Yves Cochet - J'ai noté une évolution dans les réponses du rapporteur général et du Gouvernement et je décèle des signes d'oecuménisme entre les groupes de la majorité. Dans ces conditions, je retire l'amendement 165 rectifié. M. Marc Laffineur - Je maintiens l'amendement 305 en précisant à l'intention du ministre que la limite de 100 000 F ne sera, de toute façon, pas atteinte. M. Gilbert Gantier - L'amendement 304 ne coûterait pas cher et ce serait un progrès considérable que de transformer les taxis qui roulent au super-carburant en véhicules roulant au GPL ou au gaz. Les amendements 305 et 304, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. François d'Aubert - Mon amendement 295 tend à favoriser le développement de la vie associative en étendant aux cotisations d'adhésion le régime fiscal applicable aux dons. Autrement dit, ces cotisations donneraient lieu à une réduction d'impôt de 50 % dans la limite de 1,75 % du revenu imposable. Il en résulterait, pour les associations, une augmentation de leurs fonds propres qui renforcerait leur structure financière. M. le Rapporteur général - La commission n'a pas adopté cet amendement, estimant qu'on ne peut pas ouvrir aussi largement la déduction fiscale des cotisations aux associations. En effet, certaines adhésions font l'objet de contreparties, telles que des réductions tarifaires et il n'y a aucune raison d'y attacher des réductions d'impôt. Seuls les versements sans contrepartie doivent bénéficier d'avantages fiscaux. Le problème que vous soulevez est cependant réel pour les associations d'intérêt général, mais je crois qu'une instruction les concernant est en cours de rédaction. Elle devrait vous donner partiellement satisfaction. M. le Secrétaire d'Etat - A propos du nouveau régime fiscal applicable aux associations, j'ai dit que les cotisations versées par leurs membres bénéficieraient, dans les mêmes conditions que les dons, des réductions prévues par le CGI, dès lors qu'elles n'ouvrent droit à aucun avantage réel en contrepartie. Votre souhait sera exaucé, Monsieur d'Aubert, par une instruction administrative qui sera publiée avant la fin du débat budgétaire. M. François d'Aubert - Peut-être une instruction fiscale est-elle utile pour éviter les abus mais pourquoi créer deux régimes différents, l'un pour les dons régis par la loi, l'autre pour les cotisations ? Une instruction fiscale offre beaucoup moins de garanties aux contribuables que la loi. Cela dit, je suis prêt à modifier mon amendement pour en réserver le bénéfice aux associations d'intérêt général. L'amendement 295, mis aux voix, n'est pas adopté. L'article 3, mis aux voix, est adopté. M. Marc Laffineur - L'amendement 191 de M. Voisin élargit aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer le bénéfice de la réduction d'impôt accordée au titre des dépenses de long séjour. En tant que médecin, je sais que les familles n'ont le plus souvent d'autre choix que de placer ces personnes en établissement ce qui leur coûte très cher. Son amendement 192 vise aussi les personnes atteintes de cette maladie et a pour objet de maintenir en leur faveur l'intégralité de la réduction d'impôt pour emploi d'une personne à domicile qui, sauf exceptions, a été diminuée de moitié. M. le Rapporteur général - La commission est évidemment sensible à la situation de ces malades et de leur famille, mais elle a repoussé ces amendements car leur rédaction ne lui a pas paru assez précise et parce qu'il faut traiter le problème en prenant en considération l'ensemble des prestations sociales et médicales. M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable pour les mêmes raisons. L'amendement 191, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 192. M. le Président - A la demande de la commission, nous reprendrons nos travaux à 21 heures 15. La suite de la discussion est reportée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15. La séance est levée à 19 heures 35. 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