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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 17ème jour de séance, 41ème séance 1ère SÉANCE DU MARDI 27 OCTOBRE 1998 PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER vice-président SOMMAIRE : LOI DE FINANCEMENT POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 1 La séance est ouverte à neuf heures. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Nous ouvrons aujourd'hui notre débat annuel sur la sécurité sociale. Son avenir est un enjeu majeur pour notre pays. La protection sociale est l'une des premières préoccupations des Français. Ils y sont intimement et farouchement attachés, et ils ont raison. La sécurité sociale appartient à notre patrimoine collectif. Elle est une des composantes essentielles de notre pacte républicain. C'est aussi sans doute elle qui caractérise le mieux le modèle social européen. Elle protège isolément l'individu des risques de la vie et lie en même temps toute la collectivité en une exigence commune de solidarité. La sécurité sociale est un puissant vecteur d'intégration sociale. Mais des menaces extérieures pèsent sur elle, avec son remplacement potentiel par l'assurance privée. La conséquence en serait immédiate : la santé et la retraite en entrant dans la sphère marchande cesseraient d'être des droits pour devenir des biens. Le marché n'est pas le tout de l'économie, il est encore moins le tout de la société. La santé et l'accès aux soins doivent être préservés de sa logique. Il est donc légitime que l'avenir de notre protection sociale fasse l'objet d'un vrai débat démocratique, à la hauteur des enjeux, sans fausse polémique et qui permette d'apporter les réponses que les Français attendent de nous. C'est ensemble, Etat, Parlement, partenaires sociaux, médecins et assurés que nous garantirons l'efficacité et la pérennité d'un système de sécurité sociale que beaucoup nous envient. L'intérêt général commande ce rassemblement. Dès juin 1997, nous avons choisi de privilégier la responsabilité à l'oukase et de ne pas remettre en cause tout ce qui avait été réalisé précédemment. Parmi les outils à notre disposition, nous avons conservé ceux que nous estimions appropriés. Nous avons changé ceux que nous jugions indispensables de réformer. Nous en avons mis en place de nouveaux. Une méthode nouvelle s'impose, fondée sur la durée, la rigueur, le dialogue, mais aussi la modestie. Ces principes, qui s'accommodent mal des slogans, exigent plutôt d'agir dans une perspective de transformation à long terme. Le Gouvernement a donc choisi depuis un an de privilégier la concertation avec tous, sans a priori, le dialogue et l'action au plus près des réalités du terrain, la recherche de solutions durables. Concertation, proximité, durée, tels sont les trois piliers de notre méthode. L'avenir de chacune des branches a fait l'objet d'une concertation très large. Nous n'avons fait et ne ferons l'économie d'aucune dialogue. Nous avons appliqué à l'ensemble de la sécurité sociale la méthode résumée par le Premier ministre sur le dossier des retraites : diagnostic, dialogue, décision. Quatre exemples en attestent. Les retraites tout d'abord. Ce sujet est trop essentiel pour faire l'objet de décisions brutales. C'est pourquoi nous avons confié au Commissariat général au plan une mission d'analyse de notre système de retraite qui associe les partenaires sociaux, les gestionnaires des régimes et les représentants des retraités. Notre politique familiale présentée à la conférence de la famille a reçu un large accord parce qu'elle a été préalablement débattue avec les syndicats et les associations familiales. La révision des schémas régionaux d'organisation sanitaire repose elle aussi sur une concertation permanente entre l'Etat, les élus locaux et les personnels hospitaliers. Enfin, le dispositif de régulation choisi pour mieux garantir l'avenir de l'assurance maladie a été mis en place après une très large concertation conduite par François Stasse. Grâce au dialogue, nous avons d'ores et déjà engagé plusieurs réformes structurelles, au premier rang desquelles la réforme du financement de la Sécurité sociale, partiellement engagée avec le transfert des cotisations maladie vers la CSG. Le Gouvernement souhaite poursuivre dans cette voie avec la réforme des cotisations patronales. Dans le domaine de la santé, nous avons, entre autres, engagé le chantier de l'informatisation. Nous nous efforçons de maîtriser la démographie médicale. Nous créerons à l'automne une couverture universelle maladie. La révision des SROS est bientôt arrivée à son terme. La branche famille, qui était déficitaire de 12 milliards à notre arrivée, a été redressée grâce à une politique familiale fondée sur une triple ambition : justice sociale, amélioration de la vie quotidienne des familles et renforcement des parents dans leur rôle éducatif. Ce que nous avons fait sur la famille et la santé, nous le ferons sur les retraites à l'issue du diagnostic en cours. Du dialogue noué depuis plus d'un an sont nées des réponses structurelles qui nous permettent de redresser les comptes de la Sécurité sociale. Notre objectif en 1999 sera le retour à l'équilibre. C'est l'ambition de ce projet de loi. Il faut mieux soigner tous nos concitoyens tout en maîtrisant les dépenses de santé. Nous devons pour cela renforcer la démocratie sanitaire et sociale et sur ce plan, je crois davantage aux vertus de la concertation qu'à celles de la coercition. M. Jean-Luc Préel - Coercition ! Lapsus révélateur. Mme la Ministre - Il ne s'agit pas d'un lapsus. La coercition, c'est la méthode que vous avez employée. On ne construira pas la Sécurité sociale du XXIème siècle par la contrainte, contre les professionnels de santé ni contre les assurés. Il faut associer les assurés à la définition de la politique de santé. Les dépenses de santé doivent évoluer modérément parce qu'il n'est possible ni d'augmenter indéfiniment les cotisations ni de diminuer continuellement les taux de remboursement. Nous n'avons d'ailleurs fait ni l'un, ni l'autre depuis un an. Certains encouragent à la baisse des remboursements et prônent de substituer l'assurance privée à notre système d'assurance maladie. Tel n'est pas le choix du Gouvernement et les Français le soutiennent. Nous accomplirons même ensemble un progrès majeur en instituant une couverture maladie universelle qui garantira à tous l'affiliation à un régime de base et assurera la prise en charge des frais non couverts par la Sécurité sociale pour les plus démunis. Le Gouvernement déposera un projet de loi avant la fin de l'automne 1998. Il n'est plus possible de faire appel aux assurés pour compenser les dérapages des dépenses de santé. Ce serait injuste et illégitime. M. Jean le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Très bien ! Mme la Ministre - Les assurés doivent cependant être associés à la maîtrise des dépenses et responsabilisés. L'ambition du Gouvernement va plus loin. La santé est l'une des premières préoccupations des Français. La participation des assurés est nécessaire pour mieux répondre aux besoins, améliorer la qualité des prestations sanitaires, faire reconnaître les aspirations et les droits des patients. En ouvrant un débat public, sans précédent par son ampleur, les Etats généraux de la santé constituent un élément essentiel de la démocratie sanitaire que nous entendons bâtir. Des politiques conventionnelles actives sont nécessaires. Notre objectif est à la fois de mieux utiliser les ressources et de mieux satisfaire les besoins. Cela exige un partenariat actif entre les caisses et les professionnels de santé, mais aussi des réformes structurelles de notre système de soins. Je tiens à redire ici ma confiance dans le système conventionnel. L'annulation des conventions médicales nous a contraints, Bernard Kouchner et moi, à prendre en juillet les mesures que l'évolution des dépenses imposait. Il n'y avait pas d'autre solution. La responsabilité de réguler les dépenses et de faire évoluer notre système de soins revient d'abord aux partenaires conventionnels. Il leur appartient de définir ensemble les meilleurs instruments d'amélioration de la qualité des soins et de s'assurer que les ressources de l'assurance maladie sont utilisées de manière efficace. En juillet, par un avenant à la convention d'objectifs et de gestion, nous avons renforcé la délégation confiée à la CNAMTS pour la régulation conventionnelle de la médecine de ville. J'attends des syndicats médicaux qu'ils s'engagent activement dans cette voie. Je ne crois pas qu'il faille opposer les intérêts du corps médical et ceux de la Sécurité sociale. Je suis convaincue qu'ils sont convergents : l'assurance maladie garantit aux médecins un cadre favorable en solvabilisant les patients. Qui peut croire qu'il en irait de même avec un régime encadré et régulé par des compagnies d'assurance privées ? Le rapport du CREDES sur la mise en concurrence des assureurs privés à l'étranger souligne que cette concurrence ne permet pas de maîtriser l'inflation des dépenses médicales et qu'elle engendre systématiquement l'inéquité. Je sais que certains sur ces bancs pensent et ont déclaré un peu vite le contraire (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). Notre objectif est d'améliorer la qualité de notre système de santé et de garantir l'avenir de l'assurance maladie. Nous avons abordé cette tâche difficile sans a priori ni tabou. Nous nous sommes fixé comme règle de conserver ce qui devait l'être, de réformer ou construire ce qui pouvait l'être. Il ne peut y avoir de maîtrise médicalisée des dépenses sans une meilleure utilisation des ressources. Pour permettre à l'hôpital de mieux prendre en compte les besoins, nous avons lancé la révision des schémas régionaux d'organisation sanitaire, dans une large concertation avec les élus locaux et les personnels hospitaliers pour déterminer les conditions et les moyens d'une amélioration de l'offre hospitalière. Dans ce domaine, les décisions ne peuvent se prendre dans un bureau de direction régionale ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) Des progrès importants ont également été réalisés dans le champ de la médecine de ville, notamment en matière d'informatisation. M. Bernard Accoyer - Ah ! Mme la Ministre - Vous pouvez vous exclamer, car nous, nous agissons ! En mai 1997, trois chantiers étaient ouverts : SESAM-Vitale, la carte de professionnel de santé (CPS), le réseau santé-social (RSS). Les médecins étaient opposés à une informatisation qui leur apparaissait comme un instrument de coercition. Nous avons engagé le dialogue et pu, ainsi, relancer l'informatisation en la replaçant dans sa véritable perspective : améliorer la qualité des soins et les conditions d'exercice des professionnels tout en facilitant les relations entre les caisses et les assurés sociaux (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). Aujourd'hui, ne vous en déplaise, 50 % des médecins sont équipés, contre 30 % l'année dernière, et les premiers logiciels seront disponibles d'ici quelques semaines, alors que M. Juppé les espérait pour l'an 2000 ! Le réseau santé-social a été mis en place. L'exercice quotidien de la médecine sera progressivement transformé par les logiciels d'aide à la prescription, le développement de la télé-médecine, la constitution de réseaux de communication entre professionnels de santé. Ainsi, de nouvelles références pour la prescription des antibiotiques vont être établies en octobre par l'ANAES ; grâce au réseau santé-social, leur diffusion à tous les médecins sera immédiate. Les médecins pourront, en rédigeant leurs ordonnances, vérifier leur efficacité et leur coût et limiter le risque d'interactions médicamenteuses. C'est un progrès considérable. Je reste attentive aux réactions des professionnels de santé. Les difficultés qu'a rencontrées la télétransmission en Bretagne sont en train d'être surmontées. Les professionnels insistent sur les coûts de fonctionnement, et les caisses doivent étudier avec eux les conditions d'une aide pérenne destinée à couvrir ces coûts. M. Bernard Accoyer - Vous aviez quinze mois pour le faire ! Mme la Ministre - C'était prématuré tant que l'informatisation n'était pas en marche... Le projet de loi qui vous est soumis entend poursuivre cette modernisation de la médecine de ville. Notre objectif est de permettre aux professionnels de santé d'exercer pleinement leurs responsabilités, qu'elles soient individuelles ou collectives. La responsabilité individuelle du médecin repose sur une bonne information qui passe par l'informatisation, l'actualisation permanente des connaissances, le respect des bonnes pratiques élaborées par la communauté scientifique et la participation à des actions d'évaluation. La responsabilisation est bien plus féconde que la coercition. Les médecins sont prêts à assumer leurs responsabilités à l'égard de la sécurité sociale. Ils ne refusent pas la solidarité pour peu qu'on dialogue avec eux et que l'on cesse de les rendre responsables de toutes les difficultés de l'assurance maladie. Quant à la responsabilité collective, elle s'exprime d'abord dans les discussions conventionnelles avec les caisses d'assurance maladie, qui permettent d'adapter régulièrement la médecine ambulatoire aux évolutions médicales ou sociales. La mise en oeuvre de ces politiques requiert la fiabilité et la transparence des chiffres. J'ai confié à l'IGAS une mission d'expertise sur les statistiques de l'assurance maladie. Le projet de loi prévoit la création d'une commission pour la transparence de l'information médicale associant les parlementaires, l'Etat, les caisses, les représentants des professionnels ainsi que des personnalités qualifiées. L'année 1998 a vu la montée en charge du codage des actes. L'objectif est de parvenir à un codage de l'ensemble des actes et des prescriptions au cours de l'an 2000. Ces progrès dans la qualité de l'information doivent favoriser le développement de l'évaluation. Nous souhaitons nous appuyer sur ce point sur les Unions régionales de médecins, dont le rôle est conforté par ce projet de loi, à la demande de l'ensemble des syndicats de médecins. Ensuite, nous devons ouvrir le système à l'innovation et promouvoir le développement de nouvelles formes d'exercice. Le projet permet aux partenaires conventionnels d'organiser des filières afin de coordonner les soins autour d'un médecin généraliste choisi par le patient ainsi que de prévoir les modalités d'exercice d'une médecine en réseau, centrée sur le patient et la pathologie. Il donne enfin à l'assurance maladie la possibilité de financer le développement de l'évaluation, de l'éducation sanitaire, de la prévention et de l'accès des plus défavorisés aux soins. Aux médecins et aux caisses de mettre à profit ces nouvelles dispositions dans le cadre de la négociation conventionnelle. C'est d'ailleurs ce que viennent de faire MG France et les caisses d'assurance maladie en ce qui concerne les médecins généralistes. Enfin il est essentiel de mieux maîtriser la démographie médicale. Certaines spécialités abondent en médecins et l'on manque d'anesthésistes. Nous avons négocié avec les internes une réforme qui définit les places offertes à l'internat en fonction des besoins. Nous avons également modifié le mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité, qui n'était plus financé parce que trop coûteuse, et ouvert aux partenaires conventionnels la faculté de le moduler selon les régions et les spécialités. Ces mutations ne se feront pas sans moyens. Aussi créons-nous un fonds d'aide à la qualité des soins de ville, doté de 500 millions en 1999. L'hôpital constitue l'un des principaux enjeux de la politique de santé. Chaque jour, 200 000 personnes franchissent la porte des hôpitaux français, et la collectivité consacre à l'ensemble des structures publiques et privées plus de 285 milliards chaque année. Notre système hospitalier est l'un des meilleurs du monde. Pour le rester, il doit s'adapter aux nouveaux besoins de santé, répondre à l'apparition de nouvelles pathologies, au vieillissement de la population, à l'attente des malades, et mettre en oeuvre les priorités de santé publique qui relèvent de son action. Le renforcement de la qualité des soins hospitaliers passe par le développement de l'accréditation, qui permettra de vérifier, sur la base d'une méthodologie fiable, le niveau de performance sanitaire des établissements, la qualité de leur accueil et leur efficacité économique. M. Bernard Accoyer - Quelle découverte ! Mme la Ministre - Ce qui est nouveau, c'est que nous passons à l'acte ! C'est toute la différence entre nous ! Je sais pouvoir compter sur le professionnalisme et l'engagement de l'ensemble des personnels pour mettre en oeuvre ces évolutions. Nous avons d'ailleurs réalisé, en étroite concertation avec les intéressés, des avancées importantes, notamment sur la rémunération des gardes et la situation statutaire des aides soignantes. C'est dans ce dialogue, noué à la base, que se construit l'avenir du système hospitalier. M. Bernard Accoyer - C'est pour cela qu'il y aura grève le 2 décembre ! Mme la Ministre - Pour adapter l'offre hospitalière aux besoins, nous avons entrepris dès 1998, la révision des schémas d'organisation sanitaire, sur la base des "bassins de vie". Cet exercice de planification nous permettra de promouvoir la coordination des soins en développant la complémentarité entre les différents segments de l'offre : médecine hospitalière, médecine de ville, médico-social. Nous disposerons à la fin du mois, dans la quasi-totalité des régions, des orientations générales qui serviront notamment de support à la campagne budgétaire 1999. J'ai tenu, et j'y veille personnellement, à ce que cet exercice associe non seulement les établissements et leurs personnels, mais également les élus locaux et les représentants des usagers. Ce travail prospectif ne s'est pas traduit par une pause dans la recomposition de notre tissu hospitalier. La réduction des capacités excédentaires en médecine, chirurgie et obstétrique s'est poursuivie. 2 900 lits ont été ainsi supprimés, et il s'agit, bien plus que par le passé, de suppressions de lits réels et non d'autorisations non utilisées (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Dans le domaine du médicament, nous entendons rationaliser la prescription et la prise en charge. Chacun le sait, on peut dépenser moins et soigner mieux. On a encore trop tendance à croire dans notre pays que la qualité d'une prescription se juge à la longueur de l'ordonnance. Ce théorème, loin d'être efficace sur la plan de la santé, est délétère pour les comptes de l'assurance maladie. Nous consommons trop de médicaments. Il nous faut en convaincre les Français. Les maladies iatrogènes représentent environ un million de journées d'hospitalisation ! Nous avons déjà engagé une politique de bon usage des soins et de lutte contre la surconsommation. Une de nos priorités pour 1999 est le développement du médicament générique. Le projet permet aux pharmaciens de pratiquer la substitution à l'intérieur d'un groupe générique. Je sais parfaitement les inquiétudes que cette politique engendre ici ou là. C'est pourquoi je souhaite organiser une large communication pour montrer que les génériques sont des médicaments comme les autres, qui ont les mêmes effets que les produits "principes" auxquels ils sont substitués. Enfin, il faut "médicaliser" le remboursement, en privilégiant les médicaments dont l'efficacité médicale est avérée. Les critères de prise en charge seront revus pour tenir compte tant de la gravité de la maladie que du service médical rendu. L'ensemble de ces mesures permettra de poursuivre une politique active de prix en faveur des médicaments innovants, afin d'encourager la recherche, priorité du budget de l'Etat en 1999. Nous devons, par ailleurs, préserver l'assurance maladie. Le développement de ces politiques structurelles, en ville et à l'hôpital, permettra à la fois d'améliorer la qualité des soins et d'assurer une utilisation optimale des ressources. Mais elles ne porteront leurs fruits qu'à condition d'être inscrites dans la durée. Dans l'immédiat, il est impératif de préserver l'équilibre de l'assurance maladie par des dispositifs de régulation des dépenses de soins. De tels mécanismes existent pour le secteur hospitalier : budget global pour les hôpitaux depuis 1983, mécanisme de régulation des cliniques privées depuis 1991. Résultat, la part du secteur hospitalier public dans la consommation médicale totale est tombée de 38 % en 1985 à 35 % en 1997. Le dispositif que nous préconisons pour la médecine de ville a été conçu à partir de la concertation menée par M.F. Stasse, même si certains syndicats médicaux restent opposés à son principe même. Pour nous, il s'agit là d'un ultime recours. Nous n'avons jamais dit que la clause de reversement constituait le coeur de la réforme. Mais il faut bien avoir des mécanismes serre-files qui s'appliquent si le reste n'a pas fonctionné. Il s'agit de faire jouer une solidarité globale des médecins avec notre système de protection sociale. Il n'y a là ni ostracisme ni stigmatisation, simplement de la responsabilité. Le projet de loi prévoit également un mécanisme pérenne de contribution de l'industrie pharmaceutique en cas d'évolution trop rapide des dépenses de médicaments. Il est normal que les laboratoire, qui tirent profit d'une forte croissance de leur activité, contribuent au rééquilibrage des comptes. Le "tout médecin" des ordonnances était inéquitable. Il laissait à penser que les médecins étaient les seuls responsables et même les bénéficiaires du déficit de la Sécurité sociale. La solidarité exigée d'eux a d'autant plus de chance d'être acceptée qu'elle sera partagée par d'autres. Enfin, toujours dans le même esprit, le projet prévoit d'encadrer les dépenses dans le secteur médico-social en rendant les enveloppes de dépenses opposables, comme c'est le cas pour l'hôpital. Cela accroîtra la transparence vis-à-vis des personnes âgées et handicapées, qui seront ainsi mieux informées de la qualité des établissements. Encore une fois, ces dispositifs ne sont que des serre-files et il sera possible aux partenaires conventionnels de se retrouver en cours d'année pour faire un bilan et éviter, en prenant les mesures nécessaires, de recourir à ces mécanismes. J'ai d'ailleurs inscrit le caractère transitoire de ce dispositif dans la loi car nous sommes tous convaincus que ce sont des réformes structurelles qui permettront d'améliorer le système de soins, et non des clauses de régulation qui ne sont utiles que dans une période transitoire. Notre objectif pour 1999 est de répondre aux besoins tout en modérant l'évolution des dépenses. Je l'ai toujours dit, rien n'est jamais acquis. C'est pourquoi, aujourd'hui comme hier, il faut à la fois faire preuve de prudence et de détermination. Aux effets d'annonce, je préfère la mise en oeuvre d'une politique transparente et concertée de rééquilibrage durable des comptes de la Sécurité sociale. La forte croissance des dépenses de santé début 1998 démontre que certains dérapages sont toujours possibles. C'est le résultat d'une modification de tendance qui a commencé dès la fin 1996 mais s'est accélérée en 1998, en partie, du fait de l'épidémie de grippe et du développement des trithérapies, mais aussi de la reprise de la croissance, qui se traduit par une demande accrue des soins. Cette dérive des dépenses n'est pas tolérable. C'est pourquoi des mesures fortes ont été prises en 1998 pour en compenser l'impact. Pour 1999, le taux d'évolution des dépenses d'assurance maladie proposé par la loi de financement s'élève à 2,6 %, contre 2,27 % en 1998. Cette hausse prend en compte d'une part la croissance économique, qui entraîne un recours accru aux soins -et pour les personnes qui ne se faisaient pas soigner, c'est une bonne chose- et d'autre part les conséquences sur les budgets hospitaliers de l'accord sur les rémunérations dans la fonction publique. Ce taux permettra de poursuivre une politique active de santé publique, dont le développement du dépistage des cancers. Il reste néanmoins nettement inférieur à la croissance générale de l'économie, qui devrait s'établir à 3,8 % en valeur. Ce n'est donc pas une politique de facilité, mais une action rigoureuse qui cherche à concilier l'équilibre des comptes et l'adaptation aux besoins. Deuxième grand chapitre de notre loi, la sécurité au travail et la prise en charge des maladies professionnelles. Ce thème est essentiel car la reprise de la croissance risque d'entraîner celle des accidents. Nous faisons bénéficier les entreprises des progrès de la prévention puisque leurs charges baissent globalement d'un milliard dans ce texte. Ce résultat encourageant ne doit pas masquer des difficultés persistantes, notamment en matière de reconnaissance des maladies professionnelles : les problèmes liés à l'amiante en ont été le révélateur. Les maladies professionnelles reconnues, et elles ne sont pas toutes déclarées, ont plus que doublé de 1990 à 1996. Cette situation est inacceptable. Il faut donc améliorer la sécurité au travail. La protection des travailleurs contre les risques chimiques et cancérigènes et contre les rayonnements ionisants sera renforcée. L'action des médecins du travail dans la prévention des risques sera développée. Nous souhaitons également mieux garantir les droits des victimes. Le délai de prescription ne débutera plus à la première constatation médicale de la maladie, mais à la constatation de l'origine professionnelle de la maladie. Les dossiers des victimes de l'amiante vont tous être rouverts,... M. le Président de la commission - Très bien ! Mme la Ministre - ...et c'est essentiel pour ceux qui souffrent d'une affection très invalidante. Les délais de réponse aux demandes de réparation au titre des maladies professionnelles seront réduits. Il faut également améliorer la réparation des maladies professionnelles. Le barème d'invalidité en matière de maladies professionnelles sera rendu opposable aux caisses de Sécurité sociale. La réparation des pneumoconioses sera instruite selon le droit commun de la réparation des maladies professionnelles et les dispositions dérogatoires du code de la Sécurité sociale supprimées. Les tableaux des maladies professionnelles seront adaptés pour tenir compte de l'évolution des connaissances, notamment en matière de cancers professionnels. Le tableau relatif aux lombalgies sera publié dans quelques semaines et entrera en application. Sur notre politique familiale, que n'ai-je entendu dire ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) La famille n'est l'apanage d'aucun courant de pensée politique et je mets en garde ceux qui, à tort, l'assimilent à un fonds de commerce électoral (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). La famille est une priorité gouvernementale car elle est le lieu essentiel où se construisent les repères et les solidarités. Nous étions l'an dernier confrontés à un déficit de 12 milliards de la branche-famille et nous avions alors, dans un souci de justice, subordonné l'octroi des allocations familiales à un plafond de ressources. Toutefois, nous avions indiqué que nous étions prêts à discuter des modalités de cette réforme, mais toujours dans un esprit de justice. La large concertation menée par Mme Dominique Gillot a permis d'entendre les avis et demandes des partenaires sociaux et des associations familiales et de substituer à la condition de ressources une réforme du quotient familial fiscal. M. Bernard Accoyer - Une réduction ! Mme la Ministre - Ce système est plus redistributif et permet le retour à l'universalité des allocations familiales à laquelle syndicats et associations sont attachés. Je me félicite de ce résultat (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). M. Jean-Luc Préel - C'est une régression ! Mme la Ministre - Au-delà de cette réforme essentielle, la conférence de la famille du 12 juin a permis de jeter les bases d'une politique familiale ambitieuse, avec l'accord unanime des syndicats et des associations familiales. Elle s'articule autour de trois objectifs majeurs. D'abord, poursuivre une politique plus juste. Toutes les familles d'un enfant bénéficieront de l'allocation de rentrée scolaire, soit 350 000 familles de plus. Le droit aux allocations familiales sera ouvert jusqu'à 20 ans pour les jeunes sans revenu propre et les bénéficiaires du RMI auront droit à des majorations pour âge. Deuxième objectif, nous voulons faciliter la conciliation entre vie familiale et professionnelle. Les 35 heures en sont un élément essentiel, mais nous voulons également diversifier les congés parentaux et familiaux -une négociation interprofessionnelle sur ce point devrait permettre d'avancer- favoriser le temps partiel choisi et le retour à l'emploi après éducation des enfants. Cela implique aussi d'améliorer les modes de garde des jeunes enfants : les schémas locaux seront généralisés et les aides des caisses d'allocations familiales mieux orientées. Enfin nous devons conforter les parents dans leur rôle éducatif irremplaçable. Avec M. Allègre et Mme Royal, nous allons faciliter leur participation à la vie scolaire. En liaison avec la CNAF, nous développerons des réseaux d'appui et d'écoute aux parents dont les enfants ont des difficultés. Pour construire cette politique familiale forte et cohérente, nous avons mis en place une délégation interministérielle à la famille, dont M. Pierre-Louis Remy assure la direction. Elle poursuit sa concertation avec les associations, sur les aides aux jeunes enfants notamment. Enfin, j'en viens à l'avenir des retraites par répartition, enjeu de l'année. La qualité de vie et la place des personnes âgées dans notre société constituent une des principales préoccupations de ce gouvernement. Les personnes âgées sont d'abord les dépositaires de la mémoire collective et, à ce titre, ont un rôle tout à fait majeur à jouer vis-à-vis des plus jeunes. Alors que l'on compte aujourd'hui 2,8 personnes en âge de cotiser pour une personne âgée de plus de 60 ans, ce chiffre tombera à 2,1 en 2010 et même 1,5 en 2040. Il convient donc de prendre des décisions, mais le Gouvernement n'entend ni pratiquer la politique de l'autruche, ni brader notre système de retraite par répartition. Et si nous devons être attentifs aux conditions de vie des retraités, nous devons aussi renforcer leur rôle et leur place dans le tissu social en général. Aussi entendons-nous profiter de l'année 1999, qui sera l'année internationale des personnes âgées, pour donner un nouveau fondement à notre politique. Les travaux récents du Commissariat général du plan montrent que le niveau de vie moyen des retraités est équivalent à celui des actifs. Notre système de retraite par répartition a donc pleinement atteint son objectif. Il a permis une profonde amélioration du niveau de vie des retraités et a réduit le nombre de personnes âgées en situation de pauvreté. Le Gouvernement a donc pour objectif prioritaire de consolider ce système performant, gage de justice et de solidarité entre les générations. Nous avons donc mis en place cette réflexion, à partir d'un diagnostic que j'espère largement partagé, et c'est par la voie d'un grand débat public que nous parviendrons à des décisions. M. Bernard Accoyer - J'entends cela depuis dix ans ! Mme la Ministre - Et vous, qu'avez-vous fait, sinon mettre tout le monde dans la rue ? (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) Il est vrai que nous sommes contre les fonds de pensions tels que vous les envisagiez, c'est-à-dire porteurs d'avantages fiscaux et sociaux pour certaines catégories, au détriment de la répartition. M. Jean-Luc Préel - Et en 1993, ne s'est-il rien passé ? A vous croire tout a commencé il y a quinze mois ! Mme la Ministre - En attendant les conclusions des travaux du Plan, qui seront remises avant la fin du premier trimestre 1999, le Gouvernement s'est engagé dans deux voies. Tout d'abord, la pérennisation de nos régimes de retraite : nous commençons symboliquement en mettant en place un fonds de réserve qui complétera les ressources de notre système de retraite lorsque son besoin de financement augmentera brutalement à partir de 2005. Il est doté cette année de deux milliards, et sera complété d'autre part en fonction des besoins identifiés par le Plan. Nous voulons faire participer les retraités aux fruits de la croissance en revalorisant les pensions de 1,2 % au 1er janvier 1999 alors que la loi n'exigeait que 0,7 %. Et le Gouvernement est prêt à examiner avec vous les conditions d'une réévaluation du minimum vieillesse et du minimum des pensions de réversion. Enfin, nous souhaitons poursuivre la réforme du financement de la sécurité sociale. Dès 1998, le transfert des cotisations maladie vers la CSG a contribué à soutenir la consommation et la croissance. Il a permis un système de financement plus juste, et plus sûr pour la sécurité sociale parce qu'assis sur une base plus large. Ce n'était, et nous l'avions annoncé, qu'une première étape. Le Gouvernement souhaite maintenant engager une réforme des cotisations patronales pour assurer un financement de la Sécurité sociale plus juste et plus favorable à l'emploi. Elle devra s'effectuer sans prélèvement sur les ménages, contrairement à ce qui eut lieu avec la ristourne dégressive et sans accroître globalement les prélèvements sur les entreprises. J'ai déjà rencontré à ce sujet les partenaires sociaux et constaté un large consensus sur les objectifs. Les avis divergent parfois sur les moyens d'y parvenir. Nous avons donc souhaité un délai supplémentaire. Je suis convaincue que dans les semaines qui viennent nous pourrons consolider cette concertation et trouver les voies de la réforme indispensable. L'ensemble des mesures de ce projet prolonge l'effort de l'an passé : dialogue, concertation, recherche de solutions durables et structurelles. Et déjà nous observons un redressement des comptes sociaux. La croissance y a certes contribué, pour un quart environ. Mais ce sont pour l'essentiel les mesures structurelles de l'an dernier, notamment la réforme du financement, qui ont permis d'améliorer les comptes de plus de 21 milliards. M. Jean-Luc Préel - Grâce à un prélèvement supplémentaire sur l'épargne ! Mme la Ministre - Surtout à un meilleur équilibre entre les revenus du salaire et ceux du capital : c'est bien la politique que nous avons voulue, et elle porte ses fruits. Et en 1999, nous atteindrons l'équilibre sans prélèvements nouveaux, n'en déplaise à certains membres de l'opposition. Je voudrais pour finir revenir sur les principes qui fondent notre politique de Sécurité sociale. Pour nous, la protection sociale n'est pas un simple mécanisme de protection contre les risques, mais un outil majeur de solidarité et de cohésion sociale. Pour la consolider, il faut assurer son équilibre financier ; la Sécurité sociale serait menacée si elle devait vivre à crédit. Nous protégerons son domaine de compétence : les fonds de pension ne se substitueront pas au régime par répartition, ni les assurances privées à l'assurance maladie. Nous approfondirons les solidarités inscrites dans notre système de protection sociale : l'instauration d'une couverture maladie universelle, les réformes de l'aide publique aux familles, la loi de lutte contre l'exclusion, le progrès dans la couverture des maladies professionnelles témoignent clairement de cette volonté. Enfin, la politique de sécurité sociale du Gouvernement doit s'inscrire dans sa politique générale en faveur de l'emploi. Après la réforme des cotisations salariales il souhaite engager celle des cotisations patronales. La Sécurité sociale peut être à l'équilibre en 1999 pour la première fois depuis dix ans, sans prélèvement nouveau sur les ménages et les entreprises. Mais gardons-nous de tout triomphalisme. Cet objectif ne sera pas atteint sans une grande vigilance. D'ici là le Gouvernement entend rester fidèle à la ligne de conduite qu'il a adoptée depuis dix-huit mois sur la Sécurité sociale : pas d'effets d'annonce, pas de coups de menton, prudence, détermination, souci d'avancer avec tous les acteurs. La Sécurité sociale, facteur essentiel de la cohésion sociale en France, doit être préservée et enrichie. Je souhaite que nos débats y contribuent. Vous trouverez en moi, comme en Bernard Kouchner, des ministres soucieux du dialogue et ouverts à vos propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Ne cachons pas nos ambitions qui, je l'espère, seront aussi les vôtres ; ce que nous souhaitons, par ce projet, c'est permettre un véritable changement de culture au sein de notre système de soins. Ce qui signifie : proposer des objectifs de santé publique ; orienter les moyens en fonction de priorités clairement identifiées ; privilégier la qualité des soins ; prévenir les risques et les maladies ; associer les usagers aux évolutions du système de santé. Ce projet rompt avec une vison centrée presque exclusivement sur les soins aux dépens de la prévention. Nous voulons que la France se dote d'un système de soins, moderne, ouvert, assurant une réelle complémentarité des pratiques préventives et curatives, afin de mieux répondre aux besoins de santé des Français, notamment face aux pathologies liées aux comportements, aux conduites à risques et à l'environnement. C'est une nécessité que met en lumière le rapport du Haut comité de santé publique, que nous avons rendu public la semaine dernière, et qui constate des évolutions contrastées. De mauvais résultats, d'un côté, signent l'insuffisance de la prévention : c'est l'évolution des cancers du poumon -un décès sur neuf dû au tabac- et celle des mélanomes. Contre le tabac, il faut faire la lumière sur ses méfaits, malgré les groupes de pression, les idées reçues, les refus et les cécités volontaires. Lançons des campagnes à destination des médecins, n'acceptons plus la cigarette dans les lieux publics. Au passif encore, le dépistage des cancers féminins a donné des résultats bien inférieurs à ce que l'on serait en droit d'attendre. Résultats positifs en revanche, avec la baisse substantielle de la mortalité infantile, grâce à la prévention de la mort subite du nourrisson : cette politique initiée il y a six ans a été poursuivie par les différents ministres de la Santé et je m'en félicite. Mais d'autres indicateurs s'améliorent également, grâce à la prévention : diminution des décès dus aux accidents de la vie courante et, dans une moindre mesure, de la circulation ; fréquence et gravité des accidents du travail ; baisse sensible de la morbidité cardio-vasculaire. Au total, il est impératif de rééquilibrer notre système de santé vers davantage de prévention. Le Haut Comité écrit : "La lutte contre la mortalité et la morbidité évitables avant soixante-cinq ans ne relève pas pour l'essentiel d'un renforcement du système de soins mais d'une modification des comportements dont l'habitude et la pratique s'instaurent souvent même avant l'adolescence." Et de souligner que, si nos possibilités de prise en charge des soins sont très développées, il n'en va pas de même de nos capacités de prévention. A cette faiblesse du système français s'en ajoutent deux autres : il a favorisé les comportements inflationnistes, et n'a pas suffisamment organisé le travail en commun des différents professionnels sanitaires et sociaux qu'il a souvent dressés les uns contre les autres. Ce sont ces travers que nous vous proposons de corriger cette année. Pour cela, le projet offre quatre innovations. Première innovation : prendre en charge, sur le risque maladie, les actes de dépistage, au même titre que les soins. L'article 15 du projet définit un nouveau cadre juridique et financier pour le développement du dépistage. On sait l'utilité des programmes organisés de dépistage des cancers, mais il faut pour cela que toute la population y ait accès. Or, seuls certains départements ont mis en place de tels programmes. Ceux-ci, pour être efficaces, supposent une garantie de qualité. Nous avons donc un double système : d'un côté, un dépistage organisé qui répond à des procédures d'assurance qualité, mais ne touche qu'une fraction de la population ; de l'autre un dépistage spontané, sans assurance de qualité, et qui ne fait l'objet d'aucun suivi. Nous entendons y remédier en vous proposant un dispositif fondé sur les principes suivants. Tout d'abord, l'implication de tous les professionnels, dès lorsqu'ils s'engagent à respecter les critères de qualité ; ensuite, la prise en charge à 100 % des examens et des tests de dépistage, pour lever les obstacles financiers qui écartent les personnes les plus vulnérables socialement ; un financement de ces programmes, dans les mêmes conditions que les autres prestations légale de l'assurance maladie ; un suivi et une évaluation rigoureux permettant de connaître leur impact ; enfin une généralisation à l'ensemble du territoire. Deuxième innovation : on pourra désormais envisager, dans le cadre conventionnel, d'autres modes de rémunération que le paiement à l'acte, qu'il s'agisse de soins ou d'actions de santé publique et de prévention, et cela sans que ces activités revêtent un aspect expérimental, comme c'était théoriquement le cas -ce qui d'ailleurs n'avait pas démarré. A maintenir en ville le paiement à l'acte comme seul mode de rémunération, on s'interdit de tenir compte de la spécificité de certaines pathologies ou de la situation de certaines personnes. Il faut donc diversifier les modes de rémunération. Ainsi pourra-t-on valoriser les activités non curatives, alors que les modes de rémunération actuels privilégient les actes techniques. Nous voulons faire des médecins de véritables acteurs de santé publique. Ils y sont prêts, mais n'y ont jamais été encouragés, que ce soit par leur formation, par leur mode de rémunération, ou par l'organisation d'un système de santé trop cloisonné. Un exemple : si l'on veut développer les réseaux de prise en charge de la douleur chronique rebelle ou des soins palliatifs, il faut proposer un forfait. En effet, la première consultation, assurément, mais aussi les suivantes, nécessitent une attention et un temps passé auprès du malade qui est de l'ordre d'une heure. Comment se contenter d'un paiement à l'acte ? Il en est de même de pathologies comme le diabète ou le sevrage tabagique. La troisième innovation sera la possibilité pour les partenaires conventionnels, de mettre en place d'autres modes d'exercice libéral que l'exercice solitaire dans le cadre du fameux colloque singulier auquel notre culture médicale est sans doute trop attachée. En effet, la pratique quotidienne à l'hôpital nous montre que l'échange des informations, la convergence des compétences et la remise en question collective permanente construisent l'excellence. Nous souhaitons donc renforcer la coordination des soins par le médecin généraliste, prévue par la précédente convention, et développer des réseaux de soins. Certains professionnels n'ont d'ailleurs pas attendu pour s'engager dans cette voie afin de faire face à l'épidémie de sida, de suivre les patients atteints de pathologie cancéreuse ou de commencer à prendre en charge l'hépatite C. Ces expériences n'ont pas été suffisamment soutenues, notamment sur le plan financier, et se sont parfois heurtées à des obstacles réglementaires ; nous leur donnons donc une base légale et nous les soutiendrons par des aides. C'est le malade qui sera au coeur de réseaux pouvant associer l'ensemble des professionnels de santé, quel que soit leur mode d'exercice et si le malade pourra s'y mouvoir, les médecins seront priés de s'y déplacer. C'est ainsi que nous organisons la prise en charge des cancers au sein de réseaux avec un dossier médical unique pour le patient avec des protocoles de soins visant à ce qu'il soit pris en charge dès le diagnostic, ce qui garantira l'égalité des chances face à la maladie. Les structures accessibles à l'hôpital seront harmonisées en trois niveaux. La quatrième innovation de ce projet est la création d'un fonds pour la qualité des soins de ville. Je n'insisterai pas sur l'intérêt qu'un tel dispositif qui n'existait pourtant pas et que nous créons donc comme nous l'avons fait pour les hôpitaux l'an dernier. Il permettra de financer l'élaboration de références de bonne pratique par les professionnels ainsi que celle des normes et de protocoles. Il financera aussi les réseaux de santé qui ne relèveront pas du cadre conventionnel, et les applications relatives à la qualité des soins sur le réseau santé-social. Ces quatre grandes innovations qui marqueront durablement notre système de santé sont au service d'une politique de santé centrée sur quelques objectifs prioritaires. Tout d'abord, la sécurité sanitaire et la qualité des soins, car nos concitoyens ne veulent pas dépendre du hasard dans le choix d'un médecin ou d'un établissement auxquels ils ne font plus une confiance aveugle. Cette légitime revendication s'accompagne d'une meilleure acceptation du principe de transparence par les professionnels. Depuis un an, nous avons répondu à cette préoccupation de sécurité et de qualité des soins avec la loi du 1er juillet 1998 qui renforce l'organisation de la sécurité sanitaire et par l'encadrement de l'ensemble des produits de santé et la création d'une agence en charge de la sécurité alimentaire et d'un institut de veille sanitaire et par la poursuite de la réforme de la transfusion sanguine. De plus, nous élaborons, en concertation étroite avec les professionnels, des normes de sécurité. Nous l'avons fait récemment pour la périnatalité non pour détruire les petites structures mais pour les harmoniser. Nous mettons aujourd'hui en oeuvre les normes qui s'appliquent aux urgences et nous travaillons à celles qui concernent les activités de réanimation. Il ne s'agit pas seulement de les édicter par voie réglementaire, il faut aussi permettre aux établissements et aux professionnels de les appliquer ce qui suppose, là encore, des changements d'organisation. Lorsque seules 15 à 20 % des grossesses à risques sont prises en charge dans des structures adaptées, cela fait courir des risques à la mère et à l'enfant. Lorsque dans un hôpital, il y a dix-huit sites opératoires sur des lieux différents, il est bien sûr plus difficile de respecter les normes. C'est pourquoi l'exigence de sécurité implique la politique de recomposition hospitalière que nous menons. Cela ne veut pas dire qu'il faut fermer des hôpitaux, ce qui est très rarement le cas, mais qu'il faut parfois répartir autrement les activités et renforcer les complémentarités. M. le Président de la commission des affaires culturelles - Très bien ! M. le Secrétaire d'Etat - Les nouveaux schémas régionaux de l'organisation sanitaire mettront en oeuvre cette réforme qui n'implique que des adaptations réfléchies car nous n'avons pas à rougir de nos hôpitaux dont le niveau moyen reste admirable ainsi que je m'en rends compte, chaque semaine, lors de mes déplacements. Cette exigence de qualité et de sécurité va s'imposer dans les mêmes termes en médecine de ville sous la pression de l'opinion publique voire sous celle du juge, si nous ne prenons pas les devants. C'est pourquoi la qualité des soins ambulatoires est un axe majeur de notre politique. Le fonds que nous créons y contribuera. Notre politique repose ensuite sur la définition de priorités claires de santé publique. Le dépistage et l'accès à la prise en charge de l'hépatite C constituent notre première priorité pour 1999. M. Denis Jacquat, rapporteur - Très bien ! M. le Secrétaire d'Etat - On estime à 600 000 personnes le nombre de nos concitoyens contaminés par l'hépatite C mais seul environ un tiers d'entre elles sont dépistées, alors que les progrès thérapeutiques permettent de limiter l'évolution de l'hépatite vers des formes graves. M. Bernard Accoyer - Et le vaccin ? M. le Secrétaire d'Etat - A partir des recommandations des experts, nous mettons en oeuvre un programme sur quatre ans pour être en mesure de pouvoir dépister l'ensemble des malades et de favoriser leur accès aux traitements. Nous développerons également des actions de prévention reposant sur la sensibilisation des sujets à risques -comme les usagers des drogues- et sur le renforcement de l'hygiène hospitalière. La deuxième priorité de santé publique est conforme là aussi aux enjeux identifiés par le Haut Comité de santé publique et par la conférence nationale de santé, le dépistage des cancers, dans le nouveau cadre que j'ai évoqué plus haut. En 1999, ces programmes de dépistage seront mis en place pour les cancers féminins avec l'objectif d'éviter, chaque année, 1 000 décès provoqués par le cancer du sein et 600 par le cancer de l'utérus. Nous nous attaquerons ensuite au dépistage du cancer colorectal. Notre troisième priorité est la santé des jeunes. La progression de la précarité, les difficultés d'insertion dans une société toujours plus compétitive et la disparition des grandes aventures collectives entraînent chez beaucoup une véritable souffrance qui s'exprime au travers du suicide, de la violence ou de l'usage de substances toxiques licites ou illicites. Il nous faut donc travailler avec les jeunes sur leurs souffrances psychiques qui sont à l'origine de ces conduites à risque et le secteur psychiatrique doit soutenir, informer et former les intervenants sociaux qui travaillent auprès des adolescents. Il nous faudra également restaurer ou créer une capacité d'hospitalisation suffisante en pédopsychiatrie et créer des consultations adaptées à destination des adolescents. En matière de suicide des jeunes, l'objectif, dans une première étape, est de faire passer, en trois ans, le nombre des suicides au-dessous de 10 000 par an. M. le Président de la commission des affaires culturelles - C'est très important ! M. le Secrétaire d'Etat - Il nous faut aussi lutter davantage contre le tabagisme car 35 % des jeunes âgés de 12 à 18 ans fument. Les crédits qui sont consacrés à cette lutte ont été portés de 20 millions en 1997 à 50 millions en 1998. Ils servent à financer, en direction du grand public et des professionnels, une grande campagne d'incitation au sevrage tabagique qui a déjà connu un succès notable et qui sera poursuivie et développée en 1999. Pour lutter contre l'alcoolisme qui, bien sûr, ne concerne pas seulement les jeunes, il nous faut parachever le transfert des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie dans le secteur médico-social. La loi de lutte contre les exclusions les a déjà intégrés dans le dispositif médico-social tandis que la loi de financement de la Sécurité sociale assurera leur financement dans le cadre de l'ONDAM, leur permettant ainsi de travailler plus facilement et plus efficacement. M. Denis Jacquat, rapporteur - Très bien ! M. le Secrétaire d'Etat - Notre quatrième priorité est la lutte contre la douleur et le développement des soins d'accompagnement auxquels, vous le savez, j'attache une importance toute particulière. Il n'est, en effet, plus acceptable que la douleur soit encore autant négligée en France. Nous mettons donc en oeuvre dans ce domaine un programme ambitieux sur trois ans, qui intègre des mesures pour améliorer les soins d'accompagnement. Je souhaite en outre que nous puissions développer dans notre pays une nouvelle approche et un nouveau rituel de la fin de vie. Je m'en suis déjà longuement expliqué. Mais tous ces efforts n'ont de sens que dans la perspective qui fonde notre politique : permettre au malade de prendre toute sa place au coeur du système de soins et, au-delà, permettre à l'usager, informé, de devenir l'acteur central du système de santé. Ce sont les malades qui font évoluer le système de santé, qui transforment les mentalités médicales, comme le sida nous l'a montré. Etre un citoyen au coeur du système de santé, c'est pouvoir, pour chaque acte de prévention ou de soins, être impliqué dans les décisions concernant sa propre santé ; et c'est aussi pouvoir peser sur les choix majeurs auxquels est confronté notre système. C'est la raison d'être des Etats généraux de la santé, qui ont débuté depuis plusieurs semaines, au travers de multiples initiatives locales que nous soutenons et qui ont déjà donné lieu à plus de quarante réunions publiques. Nous avons voulu que le premier temps de cette vaste réflexion sur le système de santé se nourrisse des initiatives des élus locaux, des responsables syndicaux ou associatifs. La diversité des thèmes retenus illustre cette démarche : "Evaluation des soins psychiatriques" à Besançon, "Bâtiment et santé" à Nantes, "Alcool et dangers" à Angers, "Prise en charge de la douleur" à Vannes et au Mans. Nous engageons désormais le second temps des Etats généraux. Dans les grandes villes de province, les thèmes retenus par le comité de pilotage national seront discutés au cours de forums par des jurys citoyens. De nombreuses autres réunions seront organisées, à l'initiative des comités régionaux des Etats généraux. Enfin, une large consultation des Français sera organisée par questionnaire. Nous voulons que s'engage une véritable dynamique d'appropriation des enjeux de santé par les Français pendant la durée de ces Etats généraux, mais aussi au-delà. Ils doivent être le déclencheur de cette marche vers "la démocratie sanitaire" qu'avec Martine Aubry, nous appelons de nos voeux. Politique de santé publique et politique de l'assurance maladie vont enfin trouver une véritable cohérence. Des moyens au service d'objectifs ; une politique de santé qui prend pleinement en compte la nécessité de la prévention, qui met l'accent sur la qualité des soins, et qui vise à placer non plus le médecin, mais l'usager au coeur du système, au côté du médecin. Telle est l'ambition qui sous-tend ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999 et que nous voulons vous faire partager (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - Au moment où s'engage la discussion de cette troisième loi de financement de la Sécurité sociale, la deuxième de cette majorité, je voudrais rappeler l'évolution du déficit : plus de 50 milliards en 1996, 33 milliards en 1997, 13 milliards en 1998, probablement 0 en 1999. M. Jean Bardet - On verra ! M. Alfred Recours, rapporteur - En tout cas, la décroissance est certaine. Pour 1998, la pente sur laquelle nous étions nous conduisait à un déficit de 33 milliards ; ce sont bien les mesures prises l'an dernier qui ont permis de redresser la situation. MM. Jean Bardet et Bernard Accoyer - Vous ne pouvez pas dire ça ! M. Alfred Recours, rapporteur - En 1998, pour la première fois, le nombre de journées débitrices mois par mois, de janvier à avril -derniers chiffres connus- a toujours été nul ; en 1997, on oscillait entre 14 et 30 jours. On a dit que la croissance était pour beaucoup dans ce redressement. C'est vrai à hauteur de 6 milliards, mais notamment, ne l'oublions pas, en raison de la redistribution de pouvoir d'achat liée au basculement des cotisations d'assurance maladie sur la CSG. Mme Nicole Bricq - Ces rappels étaient nécessaires. M. Alfred Recours, rapporteur - Je voudrais insister, en renvoyant sur les autres sujets à mon rapport écrit, sur la nécessité de ne pas différer encore longtemps la réforme de l'assiette des cotisations patronales. M. Bernard Accoyer - Bravo ! M. Alfred Recours, rapporteur - L'an dernier, nous avons déjà réformé l'assiette des cotisations salariales, ce que vous n'aviez pas fait. M. Bernard Accoyer - Ce n'est pas vrai ! M. Alfred Recours, rapporteur - Je demande donc au Gouvernement de nous faire rapidement des propositions ; on peut être dans la majorité sans être un béni-oui-oui, Monsieur Accoyer ! Il faudra se pencher sur cette question de l'assiette des cotisations pour chacune des branches. La branche "accidents du travail", qu'on nous dit excédentaire et dont on veut abaisser les taux de cotisations en 1999, va devoir faire face à des charges supplémentaires qui étaient indûment supportées par l'assurance maladie. En ce qui concerne la franche "famille", on peut se demander s'il est juste que les cotisations des entreprises soient assises exclusivement sur la masse salariale ; pour ma part, je ne le crois pas. Pour la branche "vieillesse", nous avons aussi des choses à faire ; j'espère que nous les ferons rapidement. M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la branche vieillesse - Je le souhaite aussi. M. Alfred Recours, rapporteur - Nous devons, là aussi, engager une réforme courageuse, dans l'intérêt des retraités. A cet égard, souvenons-nous qu'on a accru de 80 milliards le produit de la TVA en augmentant son taux de deux points, et que dans le même temps on a allégé de 44 milliards les charges patronales. Il y a peut-être là des gisements à exploiter. Enfin, il serait bon d'amender ce projet de loi de financement au moins sur deux points, en donnant un coup de pouce aux prestations destinées aux handicapés ainsi qu'au minimum-vieillesse. M. le Président de la commission, M. Denis Jacquat, rapporteur, et M. Bernard Accoyer- En effet ! M. Alfred Recours, rapporteur - En ce qui concerne la branche vieillesse, vous avez décidé, Madame la ministre, de créer un fonds de réserve. C'est dites-vous, une mesure symbolique : le symbole est très fort, en effet, et je voudrais ouvrir deux pistes pour l'avenir. On a décidé de supprimer la part salariale de la taxe professionnelle, qui pénalisait les entreprises de main-d'oeuvre ; cela devrait, en année pleine, au terme du plan de cinq ans, représenter 25 milliards ; je ne verrais pas d'inconvénient à ce que cette somme soit payée par les entreprises sous une autre forme. Par ailleurs, il conviendrait de recenser l'ensemble des charges non compensées par l'Etat, que j'estime pour cette année à 17 milliards. M. Jean Bardet - Elles sont en augmentation permanente. M. Alfred Recours, rapporteur - 25 milliards, 17 milliards ; j'ajoute les 44 milliards d'exonérations de charges, qui ont fonctionné comme un piège à bas salaires, et qui pourraient être utilisés autrement. Mme la Ministre - Tout ça ! M. Alfred Recours, rapporteur - Je comprendrais, Madame la ministre, que vous ne suiviez pas toutes ces pistes, mais elles méritent d'être examinées. Mme la Ministre - Elles sont intéressantes... M. Alfred Recours, rapporteur - Enfin, les personnes âgés étant celles qui subissent le plus la publicité à la télévision, je proposerais volontiers de la taxer... Je ne terminerai pas sans évoquer la question des fonds de pension. Il ne serait pas tolérable, s'ils devaient un jour exister, qu'ils suppriment une partie des recettes de la Sécurité sociale. M. Bernard Accoyer - Nous sommes d'accord. M. Jean-Luc Préel - Cela viendrait en complément ! M. Alfred Recours, rapporteur - ...ou qu'ils justifient des exonérations d'impôts. Il nous faudra donc être très prudents. Je conclus. Il y a un an et demi, les budgets étaient infaisables, le financement de la sécurité sociale était irréalisable, nous étions dans l'impossibilité de respecter les critères de Maastricht ; nous avons montré en dix-huit mois que beaucoup de choses étaient possibles, et d'abord assurer aux Français la protection sociale qu'ils méritent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Ce projet de loi de financement contient un volet assurance maladie d'une exceptionnelle importance -16 articles sur 36. L'annulation par le Conseil d'Etat des arrêtés d'approbation de conventions médicales a en effet remis en cause l'économie des ordonnances d'avril 1996 ; de plus, le dérapage de certains postes de dépenses a montré l'inefficacité partielle des instruments issus du plan Juppé. L'an dernier, nous avions voté un objectif national de dépenses en progression de 2,5 % par rapport à 1997 ; or, à la mi-octobre, la CNAM estimait que pour le régime général, les prestations remboursées avaient progressé de 4,2 %. A l'exception des versements aux établissements sanitaires publics, tous les grands postes de dépenses ont connu une progression rapide. Or ce dérapage ne se justifie ni par une épidémie ou le développement d'une pathologie particulière, ni par l'arrivée d'une thérapie coûteuse ; une fois de plus il s'explique par l'insuffisante efficacité des outils de maîtrise. Or une dérive injustifiée pénalise les assurés sociaux et met en cause la qualité des soins. Nous reviendrons dans la discussion des articles sur les mécanismes proposés pour améliorer la maîtrise des dépenses. En matière de santé publique, le projet de loi ne s'écarte pas du chemin tracé depuis deux ans. Il vise à développer la prévention et le dépistage des maladies aux conséquences mortelles évitables, conformément aux priorités retenues par la Conférence nationale de la santé. Après l'annulation des conventions médicales par le Conseil d'Etat, des négociations sont en cours entre les caisses et les syndicats médicaux en vue de conclure de nouvelles conventions. Nous élargirons le champ conventionnel afin de permettre aux partenaires de mettre eux-mêmes en place les outils nécessaires à la modernisation de notre médecine de ville. En leur ouvrant la possibilité de développer des réseaux de soins, d'appliquer des modes de rémunération innovants, de généraliser le tiers-payant ou de valoriser l'évaluation des pratiques professionnelles, nous indiquons nos souhaits mais nous entendons bien laisser les caisses et les médecins décider de ce qu'ils veulent. Profondément attaché à la politique conventionnelle, je regrette donc que deux syndicats de spécialistes aient refusé la semaine dernière de discuter avec les caisses, espérant sans doute qu'un seul syndicat signe une convention qui s'appliquerait à tous et ainsi n'avoir pas à "se compromettre". Si cette attitude devait se généraliser, il faudrait réfléchir à d'autres formes de relations entre les professionnels de santé et les organismes financeurs. M. Bernard Accoyer - Qu'est-ce que cela veut dire ? M. Claude Evin, rapporteur - On serait en droit alors d'élargir les compétences des ARH, transformées en agences de santé, et de les charger de répartir, dans le cadre d'enveloppes régionales, les moyens de la médecine ambulatoire. En tout état de cause, Madame la ministre, le règlement conventionnel minimal que vous devez publier pour qu'il s'applique à partir du 12 novembre prochain en l'absence de convention médicale, ne peut pas reprendre quasiment à l'identique les dispositions qui auraient été celles d'une convention. Il ne peut contenir que des règles minimales. Les médecins doivent comprendre l'intérêt qu'ils ont à signer une convention (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Le projet de loi marque aussi une nouvelle volonté en matière de politique du médicament. Produit de santé, le médicament est aussi un produit industriel qui doit toujours être à la pointe de l'innovation. Or, les politiques suivies jusqu'à présent ont été insuffisantes. Les conventions passées avec le Comité économique du médicament n'ont p)as évité le dérapage des dépenses. Elles n'ont pas non plus permis d'engager la restructuration du secteur pourtant si nécessaire. Le projet de loi prévoit des reversements lorsque les objectifs de dépenses auront été dépassés. Cela est tout de même préférable pour les entreprises à un prélèvement de 2,5 milliards comme celui institué en 1996 par M. Juppé qui les avait prises par surprise. M. Jean Bardet - Les 2,8 milliards, ce n'est pas une surprise ? M. Claude Evin, rapporteur - Cela ne suffit toutefois pas à définir une politique de médicament. Celle-ci reste à mettre en oeuvre. Ce sera l'un des prochains chantiers. Le projet de loi ne touche pas aux outils existants pour l'hôpital, s'attachant d'abord à les faire vivre. Il conviendrait toutefois de rendre plus transparents les critères de répartition des enveloppes régionales afin d'effacer les disparités entre régions. Pour ce qui est des rééquilibrages infra-régionaux, j'ai dressé dans mon rapport sur le sujet la liste des critères utilisés par chaque agence pour répartir les moyens entre les hôpitaux publics. La situation en Ile-de-France, où le poids de l'AP-HP est très lourd, est préoccupante. M. Bernard Accoyer - Ah ! Quel sectarisme ! M. Alfred Recours, rapporteur - M. Evin a raison. M. Claude Evin, rapporteur - J'ai formulé quelques propositions qui permettraient de rendre plus transparentes les décisions prises dans cette région. La mise en place des nouveaux SROS doit elle aussi tendre au rééquilibrage nécessaire. Il importe à cet égard que les directeurs d'agence associent davantage les élus aux projets de restructuration. Certains en effet n'en ont pas le réflexe naturel ! Les conventions d'objectifs et de moyens en cours de signature avec les établissements publics et privés devraient leur permettre de voir à un horizon plus lointain. Cela étant, si les directeurs d'agence peuvent moduler les crédits pour les hôpitaux publics, en fonction des orientations négociées, il n'en va pas de même pour les établissements privés. Je regrette que l'on n'ait pas avancé pour définir des objectifs quantifiés régionaux ou au moins, à défaut, étendre les outils dont disposent les ARH en matière d'hospitalisation privée. 1998 marque le centième anniversaire de ce qui fut, avec la loi sur les accidents du travail, la première loi de protection sociale. Je rends hommage à ceux qui aujourd'hui se battent pour la faire appliquer et l'améliorer. Vous avez proposé, Madame la ministre, des avancées substantielles en matière de reconnaissance des maladies professionnelles. Il faut aller au-delà, et comme le demande la fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, moderniser l'ensemble de la loi de 1898. Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale n'en était pas le lieu mais je sais que vous êtes sensible à cette préoccupation. Ce projet de loi atteste de la volonté du Gouvernement de privilégier la solidarité. Ne nous laissons pas abuser par les slogans, les communiqués d'après-déjeuner... M. Jean Bardet - Qu'est-ce que cela veut dire ? M. Claude Evin, rapporteur - La sauvegarde du système de sécurité sociale à la française passe par une maîtrise des dépenses de santé. M. Bernard Accoyer - Maîtrise médicalisée ! M. Claude Evin, rapporteur - A l'attitude devant ce projet de loi on mesurera la volonté de justice sociale de chacun dans cet hémicycle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance-vieillesse - J'indiquais l'an passé dans mon rapport sur l'assurance-vieillesse que nous attendions des mesures dans le domaine des retraites. Cette année, le Premier ministre a confié une mission d'analyse et de concertation au Commissariat au plan, mais l'ouverture du vaste chantier des retraites reste assez formelle. Or, la situation est préoccupante : c'est la seule branche qui connaîtra un déficit en 1999. Même si la commission Charpin ne se focalisera pas sur l'opposition entre régime général et régimes spéciaux, le principal problème de la réforme des retraites est bien celui des régimes spéciaux. La comparaison entre les pensions des salariés et celles des agents publics est inévitable et le poids croissant que représente pour la collectivité nationale le financement de ces dernières ne peut pas être oublié. Trois articles du projet de loi de financement de la Sécurité sociale concernent l'assurance-vieillesse. La décision de créer un fonds de réserve amorce l'application du principe controversé de "répartition provisionnée". Cependant, le financement prévu reste symbolique, limité à deux milliards, et les modalités retenues imprécises. Le choix de règles stables d'indexation des pensions et de règles simples et efficaces pour limiter le cumul emploi-retraite a été reporté. Au-delà des réserves que peut inspirer l'article 29, le véritable débat est le choix d'un mode pérenne d'indexation. La référence au salaire net me paraît le plus équitable à la fois entre générations et au sein d'une même génération. En réalité, tant que la commission Charpin n'aura pas remis ses conclusions, tout est reporté. J'aborderai maintenant trois problèmes importants. Tout d'abord, la situation des veuves civiles, trop souvent oubliées de nos politiques sociales. Il faut revaloriser l'allocation veuvage afin qu'elle ne soit plus inférieure au RMI les deuxième et troisième années de veuvage et augmenter en conséquence le plafond de ressources qui lui est applicable. Il faut également exclure les majorations pour enfants du plafond de cumul entre un avantage propre et un avantage de réversion, conformément d'ailleurs à une jurisprudence de la Cour de cassation. Il faut enfin cesser de déterminer ce plafond de cumul en divisant les avantages personnels de l'intéressée par le nombre de régimes lui servant des avantages de réversion, même lorsque s'applique le plafond alternatif légal à 73 % du montant maximal de la pension du régime général. Cette pratique administrative est aberrante. Malgré leur coût raisonnable, minime même pour les deux dernières, ces trois demandes n'ont pas été à ce jour satisfaites. Deuxième problème, celui des handicapés vieillissants. Les membres de la commission ont été unanimes à le reconnaître. En effet, les handicapés qui travaillent en milieu ordinaire sont contraints d'interrompre leur activité avant l'âge légal de la retraite à taux plein. Il serait souhaitable qu'ils puissent bénéficier d'une préretraite spécifique équivalant à une retraite anticipée. Ce résultat pourrait être obtenu en leur étendant le régime de l'allocation d'attente attribuée aux chômeurs et aux titulaires du RMI totalisant quarante ans de cotisations, cette dernière condition étant assouplie pour l'attribution d'une majoration en fonction du nombre d'années pendant lesquelles ils ont exercé leur activité en tant que travailleur handicapé. Les handicapés accueillis en établissement de travail protégé on non protégé sont pour leur part confrontés à l'absence de structures adaptées à leur situation, lorsqu'ils se voient contraints de quitter leur établissement après avoir atteint l'âge de la retraite. En effet, ils ne peuvent pas vivre seuls mais ne relèvent pas non plus des maisons d'accueil spécialisé, qui sont réservées aux handicapés les plus lourds. Encore trop mal connues, les difficultés rencontrées par les handicapés vieillissants doivent retenir l'attention du Gouvernement, afin d'être traitées dans les meilleurs délais. Souvenons-nous du dicton : "Handicapé un jour, handicapé toujours". Enfin, j'évoquerai la question de la prestation spécifique de dépendance qui, bien qu'elle se situe hors du champ de la loi de financement, est néanmoins abordée dans le rapport annexé. La persistance de très importantes inégalités de traitement selon les départements, dénoncées par le "Livre noir de la PSD" publié en juin 1998 par le Comité national des retraités et personnes âgées, m'amène à m'interroger à nouveau sur le bien-fondé des textes d'application de la loi du 24 janvier 1997. Cette situation me conforte dans ma préférence pour une prise en charge par la Sécurité sociale, la dépendance constituant un cinquième risque à traiter comme les quatre premiers. Dans la mesure où Mme la ministre a paru l'exclure lors de son audition par la commission, il serait à tout le moins souhaitable que le Gouvernement fasse usage de la possibilité de fixer un barème minimal, conformément à la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. S'agissant du problème des retraites, le temps des missions, des commissions, des colloques, des réflexions est fini. Il faut maintenant décider (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour la famille - Devant la nécessité de faire face à un déficit de 14 milliards pour la branche famille, le projet de l'an dernier tendait à concentrer la solidarité sur les familles qui en ont le plus besoin. Les mesures décidées étaient conçues comme transitoires, et le temps avait manqué pour procéder, dans la concertation, au rééquilibrage attendu et nécessaire de la politique familiale. Le 12 juin dernier, le Premier ministre a donné à la conférence de la famille une importance tout à fait particulière : d'une simple obligation légale, il a fait le point de départ d'une politique familiale rénovée et ambitieuse. Malgré certaines tentatives de dévoiement du débat sur le terrain idéologique, personne ne peut honnêtement nier que le Gouvernement ni la majorité restent profondément attachés à la famille. La famille, organisée autour de l'enfant, est le lieu où se fixent les repères, les valeurs qui forgent sa personnalité. Elle est un espace de solidarité, de socialisation, d'apprentissage du respect de l'autre, de la citoyenneté, de construction de l'autonomie des jeunes adultes. Même si elle peut aussi, et nous le savons tous, être un lieu d'oppression, d'abus et de déviance dont il faut protéger les enfants, dans la plupart des cas elle reste un lieu d'amour, de protection et de refuge. Elle est la cellule indispensable à l'équilibre et à la construction de la cohésion sociale. Elle est difficilement remplaçable. M. Yves Bur - Très bien ! M. Bernard Accoyer - Alors pourquoi l'assassiner ? Mme Dominique Gillot, rapporteur - Il est donc nécessaire de prendre conscience de ses évolutions, des problèmes qu'elle rencontre, des difficultés qu'elle surmonte, afin de définir une politique familiale adaptée à la réalité de notre société. Ce processus est engagé. Nous vivons, avec ce projet de loi la première étape d'un ambitieux projet en direction des familles de notre pays. M. Yves Bur - Le PACS ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Mme Dominique Gillot, rapporteur - Soutenu par le consensus réunissant les acteurs et les bénéficiaires de la politique familiale (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) Lionel Jospin a tracé des objectifs clairs pour une politique familiale plus juste, améliorant la vie des familles et valorisant le rôle des parents. Le présent projet traduit très exactement ces orientations. L'objectif de justice et d'équité affirmé dès le 19 juin 1997 est approfondi et renforcé par la conjonction de trois mesures complémentaires. La première est le retour à l'universalité des allocations familiales, dont l'annonce très attendue a permis de renouer un dialogue fructueux pour le plus grand intérêt des bénéficiaires. Le versement des allocations familiales sera rétabli aux 386 000 familles à qui elles avaient été supprimées (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). Deuxième mesure : l'abaissement du plafond du quotient familial. M. Bernard Accoyer - Scandaleux ! C'est la taxation de l'enfant ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Mme Dominique Gillot, rapporteur - Le bénéfice des avantages fiscaux lié au fait familial est ramené à un niveau qui, sans pénaliser les familles à revenus moyens, limitera la progressivité de l'aide publique, jusqu'ici proportionnelle à celle des revenus. En effet, le quotient familial procure actuellement une réduction d'impôt moyenne de 9 200 F par an à 6,8 millions de familles -par définition, celles dont le quotient dépasse 16 380 F. L'abaissement du plafond à 11 000 F touchera plus de familles que ne l'avait fait la mise sous condition de ressources, mais à des niveaux de revenus sensiblement plus élevés et de façon très progressive en fonction de l'élévation des revenus. Ces deux mesures, le retour à l'universalité et la réduction du quotient familial, bénéficieront essentiellement à des ménages les moins aisés, affectés par le plafonnement décidé l'an dernier et dont le revenu est proche de celui retenu en 1998 pour le plafond de ressources des allocations familiales. M. Bernard Accoyer - Va-t-on rendre les allocations confisquées en 1998 ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Mme Dominique Gillot, rapporteur - Ces ménages sont les "gagnants" de la réforme, car ils retrouveront leurs allocations familiales et n'ont pas des revenus suffisamment élevés pour être touchés par la réduction du quotient familial. M. Bernard Accoyer - Ce n'est pas un gain, c'est un dû ! Mme Dominique Gillot, rapporteur - Les autres "gagnants" de la réforme sont les parents isolés. En effet, leur réduction fiscale restera inchangée : 20 270 F pour la part accordée au titre du premier enfant à charge. Enfin, la prise en charge de l'allocation de parent isolé par le budget de l'Etat garantira à la branche famille le bénéfice de la recette fiscale supplémentaire liée au quotient familial et permettra de financer une partie des mesures nouvelles. M. Bernard Accoyer - Et le PACS ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Mme Dominique Gillot, rapporteur - Cela n'a rien à voir. On le voit, le principe de redistribution et d'équité affirmé dès 1997 est non seulement maintenu, mais renforcé par ces trois mesures, fruits d'une concertation efficace et positive, qui garantit l'équilibre de l'ensemble et augure bien des étapes ultérieures de rénovation de la politique familiale. Une politique familiale plus juste consiste aussi à optimiser les efforts en direction des familles qui en ont le plus besoin. Le principe d'intéressement à la reprise d'activité sera étendu aux bénéficiaires de l'API, suivant les mêmes conditions que pour le RMI et l'ASS, avec des abattements progressifs. Par ailleurs, je souhaiterais que les mères isolées puissent garder, au-delà du montant de l'API, le bénéfice d'une partie des pensions alimentaires qu'elles auront pu recouvrer. En outre, les érémistes qui attendent un enfant conserveront le bénéfice de l'APJE pendant la période de grossesse ; le coût de cette mesure est évalué à 330 millions sur trois ans. L'allocation de rentrée scolaire, d'un montant de 426 francs, est versée régulièrement par la Caisse d'allocations familiales à ses allocataires sous condition de ressources. Le Gouvernement a décidé, pour la deuxième année consécutive, de la majorer de 1 200 francs. De plus, elle est étendue aux familles qui n'ont qu'un seul enfant à charge ; le coût de cette extension, qui bénéficie à 350 000 familles, est évalué à 180 millions, à la charge de la branche famille. Pour ma part, je souhaiterais que la totalité de la dépense soit institutionnalisée et figure au budget de la branche, ce qui permettrait d'introduire une allocation différentielle au-delà du plafond de ressources pour éviter la brutalité des effets de seuil, et de moduler l'allocation de rentrée scolaire selon l'âge des enfants, car le coût de la scolarité n'est pas le même au cours préparatoire et au lycée. L'aide au logement familial bénéficie à un million de familles modestes, dont le quart ont un revenu net inférieur à 28 000 francs ou perçoivent un minimum social. On compte, parmi les allocataires, 170 000 chômeurs et 100 000 titulaires du RMI. Par décret le loyer plafond pris en compte sera aligné en trois ans, à partir du 1er juillet 1999, sur celui de l'aide personnalisée au logement. Le coût de cette mesure est évalué à 220 millions en 1999 et 1,3 milliard en année pleine. Malheureusement , la complexité des règles, la multiplicité des faits générateurs de droits, le nombre d'imprimés et de pièces à fournir empêchent souvent le citoyen de s'y retrouver -et d'ailleurs aussi, le technicien... Il faut simplifier les règles afin que chacun les comprenne et puisse prévoir ce dont il pourra disposer pendant une période définie. C'est une ambition raisonnable, que pourrait se fixer la prochaine Conférence de la famille. Les titulaires du RMI garderont, à partir du 1er janvier, le bénéfice des majorations pour âge de leurs enfants ouvrant droit aux allocations familiales. 110 000 familles sont concernées, pour un coût de 300 millions à la charge du budget de l'Etat. C'est une mesure de justice pour ces enfants qui vivent dans des foyers touchés par la pauvreté. L'âge limite ouvrant droit au versement des allocations familiales sera repoussé à 20 ans pour les jeunes à la charge de leur famille. L'âge de l'autonomie par l'insertion professionnelle étant de nos jours repoussée au-delà de 20 ans, il faudra très rapidement, et dans la concertation, définir un dispositif d'accompagnement de ces jeunes adultes, qui ne relève pas de la seule politique familiale. Améliorer la vie des familles suppose également la réorientation de la politique conventionnelle de la CNAF vis-à-vis de ses partenaires : collectivités locales, associations, prestataires de services. Pour cela, le Gouvernement a décidé de porter le fonds national d'action sociale de la Caisse de 12,7 milliards à 13,7 milliards, soit une augmentation sans précédent, de près de 8 %. Le Gouvernement entend favoriser une meilleure conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle et ouvre à cet effet un grand chantier : celui de la diversification des modes de garde et de leur accessibilité aux familles les plus modestes. Cette mesure, qui relève d'un accord conventionnel avec la CNAF, vise à garantir l'accès aux crèches pour la familles modestes. Le financement supplémentaire apporté aux crèches s'élèvera à terme à 400 millions de francs. Par ailleurs, la généralisation des schémas locaux d'accueils de la petite enfance permettra de faire l'état des besoins et de stimuler des partenariats impliquant plus fortement les parents, tels que les crèches parentales ou associatives. A l'avenir, la remise à plat des aides à la garde de l'enfant doit remédier au déséquilibre entre la garde collective -crèches, haltes-garderies- utilisée par les familles modestes et financée par les CAF et la garde individuelle choisie par les plus aisés et soutenue par l'Etat -AGED, AFEAMA. Le taux d'effort des familles devrait être inversement proportionnel à leurs capacités contributives et l'aide publique devrait être proportionnelle au temps réel d'utilisation. Je persiste à préconiser une redéfinition des conditions d'attribution de l'APE. Les mères qui connaissent des difficultés d'insertion sur le marché du travail et à qui il est difficile de faire garder leurs enfants succombent à la forte incitation de demander l'APE et s'éloignent de l'emploi. Il faudrait prendre des dispositions pour mieux utiliser cette allocation et en atténuer les effets néfastes sur les chances d'emploi des mères de famille. Les pères et les mères de familles, dans leur entreprise, doivent conduire le mouvement de réduction du temps de travail. Le temps libéré, qui peut représenter une demi-journée par semaine, une journée toutes les deux semaines, voire vingt jours par an, offre un potentiel très important pour mieux vivre sa vie de famille. Le Gouvernement entend également encourager les pratiques d'organisation du travail susceptible de favoriser le temps familial. Les dispositions du congé parental d'éducation seront complétées, après concertation avec les partenaires sociaux, par un congé parental d'accompagnement scolaire. Les conditions de retour dans l'entreprise feront l'objet d'une information plus importante. Le 12 juin dernier, parlant devant la Conférence de la famille, le Premier ministre s'adressait à tous les parents français. Dans tous les secteurs, il convient de les conforter dans leurs obligations éducatives et de valoriser le rôle essentiel des familles dans la cohésion sociale. Or certains deviennent parents sans avoir reçu en héritage les valeurs et les repères que la société souhaite les voir transmettre à leurs enfants. Aussi, le Gouvernement souhaite la création d'un réseau d'appui, d'écoute et de soutien aux parents en difficulté. Ils pourront y échanger avec d'autres parents qui vivent les mêmes réalités et bénéficier des conseils de professionnels. La mise en place de ces réseaux vise à coordonner et renforcer les initiatives et actions qui concourent déjà au soutien de la fonction parentale. L'Etat et les CAF engageront sous forme contractuelle un partenariat avec les communes et les conseils généraux. Le réseau sera animé par des agents de développement. La CNAF contribuera au financement à raison de 450 millions de francs. L'Etat participera également, dès 1999, pour 63 millions, inscrits au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. Il est essentiel que les pouvoirs publics développent une action précoce et généreuse pour maintenir les parents dans leur rôle de parents. A l'heure où l'on entend souvent dire qu'il faut enseigner aux enfants leurs droits et leurs devoir, réaffirmer que l'enfant a des droits qui confèrent des obligations aux adultes peut mobiliser utilement les énergies. M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - C'est la deuxième fois que cette majorité soumet à l'Assemblée un projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Compte tenu de l'alternance démocratique, les orientations en sont évidemment fort infléchies par rapport à la toute première loi de ce type. Cet infléchissement se marque d'abord par un retour progressif à l'équilibre et cela, au moins, devrait susciter une approbation discrète de l'opposition... Le déficit est en effet passé de 53 milliards en 1996 à 33 milliards en 1997 et 13 milliards cette année, avec la perspective d'un retour à l'équilibre l'an prochain. Pour la première fois, le projet ne comporte aucun prélèvement social nouveau : les mesures proposées ne fournissent, en effet, pas de recettes supplémentaires. Mais le plus remarquable, c'est l'amélioration des prestations dans toutes les branches. Les retraites sont revalorisées de 1,2 %, soit 0,7 % de plus que ne l'exige l'application de la loi de 1993, votée par une autre majorité. Ce supplément, qui représente 2,6 milliards, est sans doute jugé insuffisant par les retraités et par l'opposition, mais cela ne peut occulter le fait que, pour la première fois, la revalorisation est supérieure à celle prévue par la loi de 1993. La constitution d'une deuxième section des fonds de solidarité-vieillesse permet le cantonnement de sommes pour provisionner les régimes de retraites par répartition. Il s'agit là d'une décision fondamentale. M. Pascal Terrasse - Absolument ! M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Même si la dotation est, cette année, limitée à 2 milliards, une telle mesure est au moins aussi porteuse d'espoir pour ces régimes que les mesures d'économies décidées en 1993 et qui ont généré 8,5 milliards d'économies en 1997, 2 milliards en 1998 et sans doute 2,5 milliards en 1999. Toutefois ce passage d'un régime de retraites par répartition simple à un régime de retraites par répartition provisionnée pose quelques questions. La première est de savoir quelle affectation sera faite de ces fonds. La deuxième concerne le montant des sommes à engager. On est encore loin des 107 milliards de francs évoqués dans le rapport de M. Briet. Troisième question, la sécurité de ces fonds : comment éviter qu'un Gouvernement, soutenu par les parlementaires de sa majorité, ne ponctionne cette masse à d'autres fins ? Quelles précautions entendez-vous prendre, Madame la ministre ? Enfin comment allez-vous placer ces sommes et quel en sera le rendement ? Comptez-vous autoriser l'achat de titres boursiers -auquel cas il faudrait garantir le respect des règles prudentielles- ou bien de titres garantis par l'Etat, avec le risque de coûts supplémentaires si l'inflation reprenait -risque, il est vrai, bien faible ? Les réponses à ces questions devront être apportées, sinon au cours de ce débat, du moins dans un proche avenir. Pour la branche famille, Mme Gillot a indiqué les mesures proposées. Le choix politique est clair : il s'agit d'orienter les prestations vers les familles les plus nombreuses et les plus modestes. On peut contester ce choix, mais il a sa cohérence. Le débat sur la branche maladie promet d'être intéressant car certains de nos collègues, sur les bancs de l'opposition, ont refusé le principe d'une maîtrise médicalisée des dépenses, alors que d'autres l'ont accepté. En 1995, un candidat à la présidence de la République, qui est d'ailleurs devenu Président, avait expliqué qu'il était inutile de chercher à maîtriser les dépenses de santé... M. Pascal Terrasse - Quelle démagogie ! M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - ...et du coup les professionnels de santé ont cru que cette politique ne verrait plus le jour. Nous avons vu le résultat : explosion des dépenses de santé, sans amélioration des indices sanitaires ni découvertes innovantes en pharmacie ! Nous savons tous que la maîtrise des dépenses est inéluctable et qu'elle doit être compatible avec la croissance des richesses de la société. Certains prônent de mettre les caisses en concurrence entre elles. Je ne partage pas cet avis : comme elles seront obligées de dégager des bénéfices et des rendements, elles opéreront une sélection des médecins, puis des patients, qui seront alors soumis à des contraintes et restrictions sans commune mesure avec celles d'aujourd'hui. J'ose espérer que nous sommes nombreux à ne pas le souhaiter ! M. Alfred Recours, rapporteur - Très bien ! M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - En ce qui concerne la branche accidents du travail, il fallait choisir entre baisser les cotisations et améliorer la prise en charge des accidentés : je me félicite que vous ayez opté pour la deuxième solution. Il est vrai qu'actuellement une partie des dépenses qui reviendraient à la branche accidents du travail est en fait prise en charge par l'assurance maladie. Le rapport établi à ce sujet mentionne un chiffre d'un milliard, mais la réalité est probablement très supérieure. Les pouvoirs publics, en ayant pris conscience, ont décidé de majorer de 500 millions les prestations accidents du travail et je m'en félicite. Telles sont les raisons pour lesquelles nous devrions avoir un débat intéressant, qui parachèvera la grande réforme entreprise l'année dernière, et démontrera que vraiment, quand il y a alternance démocratique, les politiques changent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je suis heureux de prendre part à un grand débat pour un grand projet. Après la qualité des interventions de nos rapporteurs, je me contenterai d'ajouter quatre remarques. La première pour souligner l'importance de la réforme engagée par la loi organique du 22 juillet 1996 sous l'autorité du premier ministre M. Juppé. Le vote par le Parlement d'un projet de loi de financement de la Sécurité sociale est une avancée nécessaire et considérable. M. Jean-Luc Préel - Merci Juppé, Merci Barrot ! M. le Président de la commission - Notre assemblée, la commission des affaires sociales, ont maintenant une responsabilité qui doit fonder un acte majeur de nos travaux. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler les faits : 1 800 milliards de recettes et dépenses, et l'importance prise par l'ONDAM dans le cadre de la politique conventionnelle, comme en témoignent les débats sur les médicaments génériques et le droit de substitution. Toutefois, malgré une amélioration, les informations dont nous disposons demeurent souvent tardives et parfois parcellaires. Ainsi la Cour des comptes n'a pu présenter son rapport que le 13 octobre, ce qui ne nous a pas permis de l'exploiter totalement, alors que ce rapport de grande qualité, qui compte mille pages, était le premier rapport d'exécution, puisqu'il concernait la loi de financement de 1997. De même la parution tardive du rapport du Haut Comité de la santé publique nous a privés d'une précieuse analyse dans la préparation des débats. Sans oublier les orientations stratégiques de la CNAM, adoptées par son conseil d'administration du 13 octobre, document important et de grande qualité. Le problème de la préparation de ce débat est donc posé. S'y ajoute la complexité de la matière. La Cour des comptes l'a bien noté : la loi de financement diffère de la loi de finances par trois caractères : la pluralité des acteurs dotés d'une personnalité morale autonome, la part prépondérante des comportements et de l'environnement dans la détermination des résultats, l'impératif d'équilibre des comptes sociaux. Et la loi de financement, ajoute la Cour, est la clé de voûte d'un ensemble institutionnel complexe. Cette complexité résulte d'abord de l'incertitude des notions auxquelles les textes font référence : j'en veux pour preuve nos débats en commission sur des notions comme les dépenses remboursables ou remboursées. Nous devrons trouver les moyens de clarifier les comptes et les informations statistiques dont nous disposons et de poursuivre l'uniformisation des règles et des pratiques comptables selon le principe de comptabilisation en droits constatés, comme le propose la Cour des comptes. Je me félicite de la création à l'article 16, d'un Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, auquel participera de droit le président de notre commission ou son représentant. Mais il nous faut aller plus loin. Avec l'accord du Bureau de notre commission, je ferai les propositions suivantes : nommer les rapporteurs dès le vote définitif de la loi de financement ; mettre en place un groupe de travail de la commission avec les quatre rapporteurs et une représentation des groupes politiques, afin d'émettre des propositions pour améliorer les conditions du débat ; enfin, organiser le travail avec la Cour des comptes à partir de rendez-vous en cours d'année. Cette responsabilité est nôtre, nous l'assumons comme un acte majeur de nos travaux. M. Jean-Luc Préel - Très bien ! M. le Président de la commission - Deuxième remarque : Madame la ministre entend construire l'avenir. Soyons clairs : nous devrons d'ici cinq ans résoudre le problème du financement des retraites. Ce problème essentiel ne peut être éludé. Ce sera le grand débat de 1999 et le rapport Charpin nous aidera à l'engager. L'article 2 de votre projet crée un fonds de réserve. Certes, sa dotation de 2 milliards est insuffisante mais il ne s'agit là que d'une amorce. Il est évident que ce fonds devra trouver des ressources nouvelles. Nous devrons en outre poser le problème de son contrôle et de sa gestion : un amendement de la commission aura pour objet l'institution d'un conseil de surveillance. Vous avez engagé par ailleurs une réforme hospitalière sans précédent, sans bruit, avec la volonté de mieux répondre aux besoins donc d'améliorer la qualité des soins, mais aussi les conditions de travail des personnels hospitaliers dont on parle trop peu. Je proposerai à la commission d'aller étudier sur le terrain, en contact avec les ARH, les conditions de cette mutation nécessaire. Nous l'avons déjà fait dans le Nord-Pas-de-Calais et nous avons pu voir, que ce soit à l'hôpital de Dunkerque, au CHU de Lille, à l'hôpital de Sens, avec quelle intelligence et quelle conviction se construisent les coopérations et les rapprochements nécessaires pour que se rencontrent moyens et besoins. Nous devrons en tirer toutes les leçons, loin de la médiocrité que revêt souvent le débat sur la maîtrise des dépenses de santé. Sans prélèvements accrus ni déremboursement, votre projet prévoit 250 millions pour les dépistages, crée 7 000 lits de cure médicalisée ; vous améliorez les prestations d'allocations familiales, notamment par la majoration de l'ARS et un retour à l'universalité des allocations. J'évoquerai certains des problèmes qui demeurent posés. C'est d'abord celui des anesthésistes, mais aussi des urgentistes et de toutes les professions hospitalières à forte pénibilité, dont il faut repenser le statut et les conditions de travail. C'est l'esprit de l'amendement que notre commission a présenté, sur la base des travaux de Mme Génisson et de M. Nauche. Quant à la médecine du travail et à la médecine scolaire, elles doivent être développées. Les professions d'auxiliaires médicaux -terme d'ailleurs exécrable, que nous proposerons de changer- ont fait l'objet d'un rapport rendu hier par Mme Anne-Marie Brocquin, qui démontre bien la nécessité de revaloriser leur rôle et leurs missions. D'autres problèmes encore sont apparus lors de nos débats. M. Nallet m'a saisi de celui des médecins à diplômes étrangers qui travaillent dans nos hôpitaux. Les épreuves de l'examen de praticiens adjoints contractuels doivent s'arrêter en 1999, d'où un risque de vide juridique pour ceux qui auront échoué à ces épreuves, mais continueront d'exercer dans nos établissements. Cela peut concerner des centaines de médecins étrangers. M. le Secrétaire d'Etat - Des milliers ! M. le Président de la commission - Il y a dans votre projet des avancées importantes. Mais il nous faut ouvrir de nouveaux chantiers. Il faut réformer la loi du 30 juin 1975, comme l'annonce l'exposé des motifs de l'article 27. De même, il faut penser à réformer la grande loi de 1898 concernant les accidents du travail. Le concept même d'accident du travail a évolué. De nouveaux problèmes, physiques mais aussi psychologiques, se posent. Ma troisième remarque s'inscrit dans un débat qu'a ouvert avec clarté M. Alfred Recours, et à propos duquel notre commission a adopté deux amendements : il s'agit de l'architecture des cotisations patronales, qui doit permettre non seulement de pérenniser notre système de protection sociale, mais aussi de boucler l'ensemble des dispositifs de lutte pour l'emploi, en prenant en compte la situation des emplois à bas salaire et en remettant à plat le dispositif de la ristourne dégressive, cette trappe à bas salaires. Nous irons plus au fond à l'occasion des amendements qu'a acceptés notre commission. Je vous demande, Madame la ministre, de poursuivre activement cette concertation, afin de déposer au cours du premier semestre 1999 un projet de loi. Quatrième et dernière remarque : vous avez gagné, Madame la ministre, le pari de la réduction du déficit, et, si la croissance a joué un rôle non négligeable, elle n'y aurait pas suffi sans des mesures structurelles fortes. Nous devons atteindre l'équilibre en 1999, cela est indispensable. Les politiques menées pendant vingt ans par les divers gouvernements, et qui consistaient à augmenter les prélèvements ou à diminuer les remboursements, voire les deux, ont atteint leurs limites. On ne peut plus faire ni l'un ni l'autre, et je pense même que nous devrons, dès que nous le pourrons, améliorer certains remboursements. Je ne comprends pas que l'on puisse opposer la vision budgétaire de cet ensemble complexe qu'est la Sécurité sociale à la nécessité impérative d'augmenter la qualité des soins, et d'accompagner les progrès de la médecine. J'ajoute que lorsqu'on laisse filer les choses au fil de l'eau, l'expérience montre que ce sont toujours les plus faibles qui en sont victimes. Ce sont donc d'abord eux que protège la maîtrise des dépenses. D'ailleurs, le conseil d'administration de la CNAM mesure cette nécessité lorsqu'il souhaite une démarche globale de santé publique, la recherche de qualité par l'adaptation des moyens aux besoins, et la définition de trois principes d'action : sélectivité, transparence et responsabilité. Il faut d'abord responsabiliser les patients, car si la santé est un droit, elle entraîne également des obligations. Il faut expliquer que la multiplication des actes n'assure pas une meilleure qualité des soins, et qu'elle peut même entraîner des maladies iatrogènes. Le patient-citoyen est aussi un citoyen-patient, participant au financement de la protection sociale, il faut donc également lui rappeler que le nomadisme médical a un coût. Le citoyen que je suis s'interroge en outre sur les moyens d'assurer la démocratisation du système de santé et d'améliorer l'information. Le droit à la santé passe aussi par une responsabilisation de l'ensemble des acteurs du système sanitaire français autour du patient. La responsabilisation du médecin doit être financière, mais aussi concerner la prescription, le choix du juste soin. Comme le rapport Stasse le rappelle, le médecin est aussi ordonnateur de dépenses publiques et ne peut donc refuser totalement l'idée d'une enveloppe budgétaire qui, loin de signifier le rationnement des soins, constitue au contraire une garantie pour une juste qualité de la santé publique. Son rôle et sa responsabilité sont également de s'insérer dans un système global de santé et de travailler avec les autres professions médicales dans le cadre de réseaux sanitaires et sociaux tant dans l'ambulatoire que dans l'hospitalier. Il faudra donc les développer et réaliser un effort d'informatisation, de formation initiale -où l'enseignement de la prescription doit être renforcé- et de formation continue pour intégrer les nouvelles pathologies et thérapies. Voilà ce que nous devons faire comprendre aux citoyens. L'objectif des mécanismes régulateurs, que je préfère appeler comme vous le faites, Madame la ministre, des dispositifs "serre-file", est en effet de ne pas être utilisé, grâce au comportement responsable de tous les acteurs, professionnels de la santé et patients. L'accord passé cette nuit avec MG France démontre la pertinence de cette approche. Elle est difficile, mais nous en aurons le courage. Il s'agit tout simplement de garantir l'avenir du système de protection sociale de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Hélène Mignon - Je demande une suspension de séance de trente minutes pour permettre à mon groupe de se réunir. M. le Président - Dans ces conditions, il est préférable de lever la séance. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures. La séance est levée à 11 heures 35. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |