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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 25ème jour de séance, 66ème séance

3ème SÉANCE DU VENDREDI 6 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 2

La séance est ouverte à vingt-deux heures quinze.


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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jacques Godfrain - Mon Rappel au Règlement se fonde sur l'article 58.

Au moment où nous examinons le budget des armées, nous ne pouvons pas ne pas nous faire l'écho de la très profonde émotion ressentie hier dans le pays après les déclarations du Premier ministre sur la guerre de 1914-1918. L'esprit de discipline et d'obéissance qui gouverne nos armées depuis toujours, a en effet été bafoué publiquement, devant les chaînes de radio et de télévision, d'une façon tout à fait calculée, dans un discours rédigé d'avance, dont le Premier ministre doit donc assumer toute la responsabilité.

Dans quelques jours, le 11 novembre, les membres de la représentation nationale se recueilleront à n'en pas douter devant les monuments aux morts où ils liront les noms de ceux qui sont tombés par centaines de milliers...

Un député socialiste - Qui ont servi de chair à canon.

M. Jacques Godfrain - J'espère que vous ne prononcerez pas ces mots le 11 novembre.

L'hommage rendu à ceux qui furent nos grands-pères, nos grands-oncles sera souillé par les paroles du Premier ministre (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

MM. Didier Boulaud et Bernard Grasset - Ces propos sont inadmissibles, scandaleux !

M. Jean-Claude Viollet - Honte à vous !

M. Jacques Godfrain - Si l'on honore aujourd'hui ceux qui ont trahi, n'en arrivera-t-on pas demain à réhabiliter ceux qui ont dénoncé Jean Moulin et Pierre Brossolette ? (Indignations sur les bancs du groupe socialiste) Je demande que le Premier ministre vienne s'expliquer devant la représentation nationale sur cette souillure infligée à notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Richard, ministre de la défense - Notre Constitution a exclu une procédure d'interpellation de ce type. Vous avez à votre disposition, Monsieur le député, d'autres moyens pour interpeller le Gouvernement. C'est par un détournement de procédure que vous lancez ce soir une polémique de bas étage (Approbations sur les bancs du groupe socialiste) sur un sujet qui mérite beaucoup de réflexion que vous n'en êtes capable. Le Gouvernement saura vous répondre en plaçant le débat au niveau où il doit l'être (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Fromion - Au nom du groupe RPR, je demande une suspension de séance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Avez-vous la délégation de votre groupe ? ("Il ne l'a pas" sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Produisez cette délégation. Ne commettez pas une autre irrégularité.

M. René Galy-Dejean - C'est moi qui ai la délégation du groupe. Je confirme la demande de suspension de séance formulée par mon collègue.

La séance, suspendue à 22 heures 25, est reprise à 22 heures 30.

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense - Depuis plusieurs heures, nous discutons dans un climat serein du budget de la défense ; nous continuerons à le faire avec le même sens de nos responsabilités. L'intervention politicienne de M. Godfrain, qui n'a pas grand-chose à voir avec ce débat, m'a déçu et même choqué.

Oui, il faut défendre la mémoire de ceux qui ont donné leur vie, ce que nous ferons le 11 novembre ; il ne faut pas pour autant engager ce type de polémique.

La déclaration du Premier ministre ne glorifie pas la désobéissance, mais constate, avec le recul historique, que le général Nivelle -jugé par l'histoire et par Philippe Pétain, qui lui a succédé- a, de manière insensée, conduit à la boucherie près de 200 000 soldats dans l'opération désastreuse du Chemin des Dames.

La mutinerie de quelques hommes, en mai 1917, n'exprimait pas le refus de se battre, mais le refus d'une certaine façon de se battre. Les quarante-neuf soldats qui ont été exécutés au Chemin des Dames ont été victimes d'une façon absurde de faire la guerre. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'histoire.

M. Yves Fromion - Quatre-vingt ans après ! Est-ce à dire que vous encouragez la désobéissance ?

M. le Président de la commission de la défense - Il était normal que, selon les termes de M. le Premier ministre, ces soldats réintègrent notre mémoire collective. S'y refuser, c'est justifier des décisions absurdes qui ont écrit une page noire de notre histoire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe UDF).

M. Michel Voisin - Toute guerre est absurde. Mais quiconque est engagé dans un combat obéit aux ordres, qu'ils soient justes ou injustifiés. Et nous devons garder dans notre mémoire tous ceux qui sont tombés pour la défense de notre pays et de nos libertés. Peut-être aurait-on pu éviter de faire une telle déclaration quatre jours avant la commémoration du 11 novembre.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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DÉFENSE (suite)

QUESTIONS

M. Yves Nicolin - Guy Teissier m'a chargé de vous poser sa question, Monsieur le ministre, qui concerne le bataillon des marins-pompiers de Marseille.

Actuellement composé de 750 hommes dont 500 appelés, celui-ci réalise chaque année plus de 100 000 interventions. La fin programmée de la conscription va le conduire à remplacer ses appelés par des volontaires. Cette réorganisation devra être supportée par la ville et coûtera aux contribuables marseillais 21 millions par an. Or la cité phocéenne est la seule ville avec Paris dont la sécurité est assurée par un corps militaire, la différence étant que l'Etat finance à hauteur de 25 % les pompiers parisiens alors que Marseille rembourse au centime près la marine nationale.

Afin de permettre à Marseille de préserver un corps d'élite dont chacun reconnaît l'efficacité et dans un souci d'équité, l'Etat pourrait-il prendre en charge une partie du budget des marins pompiers ?

M. le Ministre - C'est par accord entre les autorités municipales et l'Etat que depuis 1939 la ville fait appel à cette unité de la marine nationale. Il a toujours été entendu que le financement en était assuré par elle ; à cet égard, elle se trouve dans la même situation que toutes les collectivités locales, qui financent intégralement leurs charges de sécurité incendie. Le fait nouveau est la nécessité de remplacer 450 appelés ; comme dans toutes les unités, il faudra étudier les solutions de remplacement, faisant appel à du personnel civil, à des militaires engagés ou à des volontaires.

Le conseil municipal a adopté en 1997 un plan baptisé BMP 2000 qui prend en compte cette évolution -qui n'est d'ailleurs pas la première depuis 1939 ; la ville a, sur le principe, accepté de faire face à ses responsabilités.

Paris, en tant que capitale, se trouve en effet dans une situation particulière ; mais on ne peut pas aligner le régime de Marseille sur le sien, sauf à créer au précédent : vous seriez alors fondé à me demander la même chose pour le service d'incendie et de secours de la Loire !

M. Yves Nicolin - Une dimension européenne est donnée aux futurs programmes d'armement et aux restructurations dans ce secteur industriel. Ce choix recueille notre approbation mais risque néanmoins de poser quelques problèmes à nos industries nationales.

Ainsi, GIAT Industries est actuellement en relation avec ses partenaires allemand et britannique pour la production et le développement du VBCI, mais nous ne savons pas quelle part de production lui sera réservée. En outre, cet engin de transport de troupes n'est pas un blindé et ne peut, étant donné les commandes potentielles, même européennes, s'inscrire pour GIAT comme une perspective crédible de "l'après-Leclerc".

Il faut donc nous interroger sur le programme VEXTRA, engin blindé dont les militaires expriment de plus en plus le besoin.

Doit-on, dès lors, poursuivre dans la voie d'un VBCI dont le coût de production avoisine 11 millions l'unité, ou s'orienter vers un VEXTRA dont le coût de production s'équilibre à 8 millions ?

Par ailleurs, dans votre rapport au Parlement sur l'exécution de la loi de programmation militaire, vous indiquez que "le niveau des mesures d'accompagnement des restructurations a été soutenu en 1998 et continuera à l'être en 1999". Les crédits du fonds national d'aménagement du territoire devraient également, nous dit-on, être mis à contribution. Or le site de GIAT Industries de Roanne-Mably semble totalement écarté de ce programme, alors que plus de 600 emplois vont disparaître.

Pourtant, d'importantes initiatives locales mériteraient le soutien de l'Etat et de l'Union européenne. Le projet d'entreprise industrielle spécialisée dans la dépollution et le recyclage de matériels issus des travaux publics, de la protection civile, des forces militaires et des transports ferroviaires engendrerait plusieurs centaines d'emplois.

Ma question est donc triple : comptez-vous, parallèlement au programme VBCI, soutenir GIAT Industries pour qu'il poursuive le programme VEXTRA ? Comment envisagez-vous le rapprochement du groupe GIAT avec ses partenaires européens ? Le Gouvernement entend-il soutenir le projet d'entreprise initié par la CCI de Roanne ?

M. le Ministre - En matière de véhicules blindés, la perspective européenne existe depuis plusieurs années. La France est engagée dans un programme de coopération avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne ; ce programme progresse, même s'il y a en effet des discussions pour apprécier la convergence des besoins opérationnels des trois armées. Mais si, comme nous le pensons, l'industrie française peut avoir 30 % de la charge d'activité d'un programme qui, correspondant aux demandes des trois principaux pays acheteurs d'Europe, aura une grande crédibilité pour les autres pays européens, n'est-ce pas mieux que d'avoir 100 % de la production d'un véhicule ne répondant qu'à des besoins français et qui n'a aucun client potentiel à l'exportation ? La production du VEXTRA pourra se développer ultérieurement s'il apparaît un pays partenaire.

Les moyens pour accompagner le nouveau développement industriel des sites touchés sont importants : 500 millions disponibles en 1998, dont 460 millions dépensés et 700 millions l'an prochain. Aucun projet n'est exclu, notamment celui de dépollution dont vous avez parlé.

M. François Rochebloine - Au début de l'été, vous a été présenté pour GIAT Industries le plan stratégique, économique et social. L'Etat a le devoir de réaffirmer son soutien à ce groupe, qui se trouve dans une situation très délicate : cinq plans sociaux en 10 ans, et la disparition de la moitié des emplois. Des milliards ont été injectés dans le groupe, sans enrayer son déclin. Au plan humain la situation est très durement ressentie, avec de fortes incertitudes quant à l'avenir, une diversité de statut des personnels, une pyramide des âges vieillie. La démobilisation des salariés est grande.

A Saint-Chamond, les salariés sous convention collective se trouvent pratiquement exclus des mesures d'âge. S'ajoute à l'inquiétude l'absence de décisions propres à pérenniser les sites de Loire-Sud, Saint-Chamond et Saint-Etienne. Nous attendons de l'Etat qu'il prenne des engagements fermes, et qu'il les respecte. C'est seulement ainsi que le groupe industriel GIAT demeurera compétitif. Quelles assurances pouvez-vous nous donner ?

M. le Ministre - De fait les personnels, ayant des statuts différents, sont traités différemment lors des plans sociaux. C'est pourquoi, l'an dernier, j'ai décidé d'un plan social particulier pour les salariés de la sous-traitance de la DCN. Le Gouvernement a décidé cette année d'ouvrir le recrutement en cours de 500 ouvriers d'Etat aux personnels sous convention collective du GIAT, nombreux à Saint-Chamond. 115 personnes se sont portées candidates.

Le Gouvernement a montré sa détermination à soutenir le GIAT à deux reprises, en finançant une recapitalisation à hauteur de 8 milliards. Les discussions se poursuivent pour un nouvel engagement de l'Etat. Les commandes suivent leur cours, mais il faut rester réaliste. La crédibilité industrielle de GIAT garantit qu'après réorganisation industrielle, l'entreprise se redressera et animera la vie économique du sud de la Loire dans des conditions restaurées.

M. Jacques Le Nay - Quelles sont les mesures destinées à soutenir le plan de charge de la DCN à Lorient ? Lorient a-t-il bien pour vocation non seulement la construction de bâtiments de petits et moyens tonnages, mais aussi leur entretien ? Envisagez-vous de délocaliser sur ce site les services de maîtrise d'oeuvre des systèmes de combat ?

La déflation des effectifs risque d'entraîner une perte des compétences acquises par le site lorientais. Quel est le calendrier des transferts de postes et des retraites anticipées ? Envisagez-vous un repyramidage de l'ensemble des carrières des employés civils ? L'accroissement de la capacité d'exportation peut-elle suffire à préserver le site ? Sinon, comptez-vous développer les commandes de l'Etat ? Pouvez-vous lever les inquiétudes concernant le programme Horizon, et rassurer les personnels de la marine qui s'interrogent sur leur avenir ?

M. le Ministre - Vous l'avez dit, la vocation principale de la DCN à Lorient se trouve dans la construction de navires de petits et moyens tonnages. L'activité du site tient pour beaucoup à la réalisation de commandes à l'exportation, prouvant ainsi les capacités de la DCN à répondre aux exigences de la compétitivité internationale. Aucune des commandes de la marine n'est annulée, seul le quatrième sous-marin nucléaire est légèrement retardé. Le plan de charge de la DCN, sur ce point, est conforme à la loi de programmation.

En application des décisions du CIAT de décembre dernier, le pôle ingénierie Bretagne créé à Lorient cet été sera renforcé par la déconcentration en provenance de Paris des moyens d'ingénierie communs à l'ensemble des bâtiments de la DCN.

Le programme Horizon, lancé en 1992, termine sa phase de définition, et va passer sous peu en phase de développement et de production. Notre marine a besoin de quatre unités, et les deux premiers bâtiments du programme Horizon figurent dans la loi de programmation pour remplacer les frégates Suffren et Duquesne. Le futur maître d'oeuvre a proposé cet été aux trois nations concernées une première ébauche de la frégate. Il présentera bientôt une solution complète.

Enfin, à la suite du rapport Vincent, le Gouvernement a décidé de donner son appui à une contribution de la DCN aux marchés des plates-formes, ce qui sera favorable à Lorient.

M. Philippe Auberger - Vous avez engagé un vaste redéploiement de la gendarmerie nationale, dont nous ne contestons pas le principe. Le préfet de l'Yonne nous a invités à une concertation sur ce sujet, mais une seule véritable hypothèse nous a été présentée, le préfet jugeant l'autre hautement improbable. Où est la concertation ? Cette hypothèse comporte la fermeture du commandement de la compagnie et de la brigade de gendarmerie de Joigny. L'effort demandé au département de l'Yonne reposerait donc sur le seul canton de Joigny, qui compte 10 communes et 15 000 habitants. La population y a augmenté de 10 %, la délinquance s'accroît. Joigny serait le seul canton rural de l'Yonne sans gendarmerie. Pouvez-vous vous engager à maintenir les brigades de gendarmerie dans les cantons où la population progresse ?

Ce projet conduirait à fermer une caserne de 15 logements en parfait état, construits par le département, et obligerait à construire trois logements supplémentaires dans des brigades voisines, plus petites. Comment justifier une telle gabegie de l'argent public ?

M. le Ministre - Vous êtes le parfait exemple des gens qui, en première partie de loi de finances, réclament des économies et des réformes, mais qui ne sont pas inactifs quand il s'agit d'opposer des obstacles pratiques aux changements. Or aucune réforme ne peut se faire sans rien déranger. Le terme de gabegie vous a échappé. Vous avez oublié d'indiquer que Joigny se trouve dans une zone de police nationale. Il y a donc superposition de la gendarmerie et de la police sur un tel territoire.

Nonobstant, le Gouvernement a décidé d'élargir la concertation, afin de rechercher une complémentarité aussi rationnelle que possible entre la police et la gendarmerie. Personne ne propose de remettre en cause la dualité entre elles. Tout le monde est d'accord pour les employer chacune là où leurs méthodes sont le mieux adaptées. Vous qui avez le sens de l'Etat, vous ne préconisez pas qu'il appartienne aux élus locaux de décider du dispositif de sécurité publique de l'Etat.

Vous n'êtes pas fédéraliste ! Rien ne doit certes être imposé sans concertation, mais admettez que le Gouvernement assume ses responsabilités, et ne s'en tienne pas à une carte de la sécurité publique qui date de 1941. Que ceux qui ne cessent de dénoncer la "timidité" de nos réformes acceptent que celle-là aille à son terme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrice Martin-Lalande - Le plan social de GIAT Industries pour la période 1999-2002 prévoit la fermeture des sites de Salbris et du Mans ainsi que le regroupement de ceux de Saint-Etienne et Saint-Chamond. Vous avez déclaré attendre que ce dossier soit traité de manière exemplaire. Je rencontre régulièrement les salariés du site de Salbris, dont je connais le réalisme mais aussi la détresse. Les salariés et leur famille ne doivent pas être laissés pour compte dans cette affaire.

Il faut revoir les dates de fermeture.

Les 60 000 obus de 120 à l'uranium seront-ils bien fabriqués sur le site de Salbris ? L'activité pourrait alors être maintenue jusqu'en juin 2000. De même, la commande de 80 chars Leclerc va-t-elle avoir des effets sur le plan de charge ?

S'agissant du reclassement, il faut rechercher des solutions de proximité, dans l'établissement du matériel de Salbris ou à la base aérienne de Romorantin. Quand ce bassin d'emploi sera-t-il officiellement classé en zone de restructuration ?

Au niveau interministériel, il faut aussi procéder à un recensement des pistes disponibles, comme lors du précédent plan social. La délégation interministérielle aux restructurations doit travailler en liaison avec l'entreprise, les collectivités locales et le préfet.

En outre, pour mettre en oeuvre les mesures d'âge et autoriser des départs à 55 ou 52 ans, la parution de nouveaux textes est nécessaire.

Si l'entrepôt de l'armée de l'air, à Romorantin, n'est pas menacé, l'avenir de la base aérienne installée sur le même site serait, d'après certaines rumeurs, compromis. L'Etat a pourtant pris l'engagement de ne pas fermer deux sites dans le même bassin d'emploi.

Une délocalisation est attendue en compensation, ainsi que le classement du bassin d'emploi en zone II, pour lui permettre de bénéficier des fonds européens. Ce classement n'a pu être obtenu jusqu'alors parce que les effets de la crise ne se faisaient pas encore sentir dans les statistiques. Où en sommes-nous ?

M. le Ministre - A l'issue de la procédure imposée par le code du travail et après la tenue du troisième comité central d'entreprise, le 22 octobre dernier, la fermeture du site de Salbris a été programmée avec la fin de la production des 60 000 obus de 120 à l'uranium. Cette décision résulte de l'évolution des marchés mondiaux.

Les solutions locales de reclassement seront recherchées en priorité. Ainsi, 30 personnes seront recrutées à l'ETAMAT de Salbris et autant à la base aérienne de Romorantin. Une réunion en ce sens va avoir lieu, avec les responsables du GIAT et ceux des deux établissements sollicités.

Les textes relatifs aux mesures d'âge seront publiés avant la fin de l'année.

Le préfet a déjà engagé un recensement des postes disponibles dans les administrations civiles de l'Etat, et il va étendre sa recherche aux collectivités locales.

Le plan social prévoit des mesures d'âge tout à fait exceptionnelles, ainsi que des reclassements internes au groupe. La prolongation de ces mesures d'âge jusqu'en 2002 a reçu l'accord de principe du Gouvernement et un décret est en préparation. Il sera publié dans les derniers jours de l'année.

La base aérienne de Romorantin n'est nullement menacée. De 1999 à 2002, il n'y aura plus d'autres mesures d'austérité que celles déjà annoncées par le Gouvernement dans la loi de programmation.

Comme pour tous les sites affectés de la même manière, les moyens du fonds de restructuration peuvent être mobilisés. En outre, conformément aux recommandations du rapport Auroux, le Gouvernement s'efforce d'obtenir, dans la réforme des fonds structurels européens, que les zonages prennent en compte les restructurations de défense.

Enfin, j'ai noté la volonté du conseil régional du Centre de rechercher des solutions en partenariat avec l'Etat. Nous allons y travailler avec le président Sapin. La région et le ministère de la défense vont constituer une cellule d'aide à la reconversion.

M. Yves Fromion - Ma question porte sur Aérospatiale. Pouvez-vous confirmer l'engagement du Gouvernement à mettre en oeuvre le protocole d'accord signé avec l'Allemagne au sujet de l'hélicoptère Tigre ? Des bruits inquiétants circulent depuis que la situation politique allemande a changé. La réalisation de ce programme est indispensable pour favoriser nos ventes à l'exportation.

Le Gouvernement doit aussi s'engager à réaliser le missile tactique ANF, qui fait déjà l'objet d'un contrat global de développement de production. Dans ce cas, il faudra augmenter considérablement le montant des autorisations de programme, qui n'est pour le moment que de 292 millions.

Par ailleurs, l'installation des étages propulsifs du M51 ne pourrait-elle pas se faire sur le site de Saint-Médard-en-Jalles ? Cette solution, plus économique que celle envisagée, présenterait l'avantage de regrouper des activités industrielles soumises aux mêmes contraintes de sécurité.

Enfin, et bien que vous ayez déjà répondu partiellement à cette question, où en sont les négociations engagées en vue de bâtir un grand ensemble européen ? L'Etat détenant une large part du capital d'Aérospatiale, dans quelles conditions aura lieu l'intégration de cette entreprise dans l'ensemble européen ?

M. le Ministre - Avant la mise en place de l'OCCAR, c'est le BVB allemand qui est le chef de file pour l'importante commande de deux fois 80 hélicoptères Tigre. Nous espérons avoir la notification du marché avant la fin de l'année. J'en parlais ce matin au téléphone à mon homologue Rudolf Scharping.

Je vous confirme notre volonté de réaliser l'ANF. Il est exact que les autorisations de programme sont insuffisantes. Aussi devrons-nous procéder à des transferts.

Le programme M51 est un des acquis de la revue de programmes qui, si elle prévoit une économie de 6 milliards sur ce programme, en garantit du moins le continuité. Il appartiendra à Aérospatiale de définir la géographie du nouveau dispositif industriel. La fusion de cette entreprise avec Matra interviendra vraisemblablement au cours du premier trimestre 1999.

S'agissant de la coopération européenne, ce que nous observons dans l'histoire de l'industrie aéronautique ne nous incite pas à souhaiter la marginalisation de l'actionnaire public français, dont les performances sont meilleures que celles des opérateurs privés.

Nous avons confiance dans le bon sens de nos partenaires. Aérospatiale-Matra, DASA et British Aerospace savent qu'un regroupement potentiel réduirait la compétitivité des Européens par rapport aux Américains. C'est à trois que nous disposerons d'une véritable force de frappe technologique.

Les Français ont monté leur mobilité avec le rapprochement de Matra et d'Aérospatiale. Ne nous laissons pas entraîner dans des discussions de principe sur l'actionnariat des trois entreprises. Celui de DASA est très dilué, par exemple. Mais seul un regroupement large nous rendra compétitifs.

M. Jean-Noël Kerdraon - Si positif que soit ce budget, il suscite des interrogations dans l'agglomération brestoise, très touchée, à travers la DCN et ses sous-traitants, par la restructuration des industries de défense. Le premier NTCD sera commandé en 1999 : pouvez-vous nous dire si la réalisation en sera confiée, comme nous le souhaitons, à la DCN de Brest ? Si tel était bien le cas, il serait indispensable que soit monté rapidement le portique de 400 tonnes nécessaire pour réduire les coûts de fabrication.

Vous avez joué un rôle déterminant dans l'attribution à cette même DCN de la construction de deux plates-formes offshore. Ce marché, avec quelques autres mesures, a évité une catastrophe pour la sous-traitance, mais il est grand temps de prévoir la suite pour maintenir à Brest une activité offshore qui contribuerait à la diversification industrielle. Comment l'Etat compte-t-il y travailler et quelles suites entend-il donner au rapport Vincent ?

En 1998, nous avons enregistré des recrutements de personnels civils. Ne pourrait-on poursuivre l'effort l'an prochain en recrutant dans les établissements civils, où certains des postes civils créés restent vacants, des salariés de la sous-traitance ? D'autres recrutements seraient utiles à la DCN pour maintenir les compétences et pour rajeunir la pyramide des âges

Je vous saurais gré de nous redonner de l'espoir par vos réponses. Pour mobiliser les énergies, il faut tracer des perspectives. A cet égard, nous attendons beaucoup de plan d'entreprise élaboré en concertation avec les organisations syndicales et avec le concours de la mission Moynot.

M. le Ministre - La revue de programmes a conclu à l'absolue nécessité de construire deux nouveaux transports de chalands de débarquement pour faire face aux structures de crise. Cependant le réalisme économique commande que cela se fasse au meilleur prix pour la marine nationale. Une comparaison des coûts et une affectation du marché global dans les meilleures conditions précéderont donc le choix de la procédure industrielle. La DCN, tout particulièrement l'établissement de Brest, aura tout naturellement une part substantielle dans ces constructions. Ce sera l'occasion d'utiliser tous ses atouts, tous ses moyens industriels : le portique de 400 tonnes en fait partie et il sera donc monté au cours du deuxième semestre de 1999.

Les commandes de la marine nationale et l'entretien de la FOST ne suffisent toutefois pas à faire fonctionner à plein l'appareil industriel disponible à Brest et une diversification en direction des activités offshore est en effet souhaitable. Le rapport commandé à la suite du CIAT de décembre dernier à l'ingénieur Henri Vincent est aujourd'hui en cours d'exploitation. Sous réserve qu'elle soit économiquement supportable, cette diversification peut ouvrir des voies prometteuses et j'espère que de nouveaux développements surviendront dans les mois à venir.

Grâce aux efforts du Gouvernement, 638 ouvriers d'Etat ont été recrutés en 1998, contre 294 l'an passé : 188 de ces emplois ont été affectés à la DCN. Cependant, si utile que soit l'apport de compétences extérieures, il faut tirer profit aussi de la richesse propre à la DCN en rendant ses salariés actuels plus polyvalents et en mettant à jour leurs compétences -notamment en les formant aux techniques de gestion et aux fabrications nouvelles. Ce sera un élément essentiel du plan d'entreprise auquel nous travaillons.

Mme Nicole Feidt - Comment ce projet de budget traduit-il la priorité accordée à la constitution de la nouvelle réserve ?

La professionnalisation des armées et la réforme du service national ont pour corollaire une rénovation profonde de la réserve, car celle-ci est le complément indispensable à l'action de l'armée nouvelle et de la gendarmerie. A une réserve de masse va donc succéder une réserve au format resserré, étroitement intégrée à l'armée d'active, mieux entraînée, plus disponible et plus motivée. Elle comprendra une première réserve, dite opérationnelle, facilement mobilisable et forte de 100 000 hommes, dont la moitié dans la gendarmerie, et une deuxième réserve, qui contribuera fortement à renouer les liens entre l'armée et la nation.

D'autre part, la suspension de l'appel sous les drapeaux nécessite désormais de recourir à des volontaires dont certains n'auront eu aucune expérience militaire préalable. Le parcours de citoyenneté me semble de nature à lever en partie la difficulté : quel est votre point de vue à cet égard ?

Vous avez créé un conseil supérieur d'étude des réserves, qui réunit les plus hautes autorités de votre ministère et les représentants des douze associations de réservistes les plus représentatives. Vous y avez ouvert une phase active de concertation et donné une réelle impulsion à la mise en place des futures réserves. Quelles dispositions envisagez-vous pour permettre à celles-ci de jouer pleinement leur rôle nouveau ? De quelles garanties disposeront les réservistes et quel sera le statut de leurs associations ? Enfin, quelles sont les échéances, en particulier pour le projet de loi auquel vous travaillez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - La réforme des réserves est en effet une des priorités de mon ministère. Nos deux objectifs principaux sont de susciter l'adhésion de volontaires de qualité et d'offrir de réelles garanties aux réservistes comme à leurs employeurs -les deux choses sont évidemment liées. Le réserviste sera un militaire à part entière, qui percevra une solde et des indemnités et bénéficiera à ce titre des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité, ainsi que d'une garantie de réintégration dans son emploi antérieur. Pour éviter tout effet d'éviction, les activités des réservistes seront planifiées, de sorte que l'employeur sera assuré d'un préavis d'au moins un mois, ce qui lui permettra de s'organiser. Des conventions régleront par ailleurs les modalités de partenariat.

Nous comptons aussi sur les dispositions qu'offrent le nouveau parcours de citoyenneté et, en particulier, les préparations militaires qui ont reçu un accueil encourageant.

Les associations de réservistes ont vu leur rôle pleinement reconnu : comme vous l'avez dit, les douze plus représentatives font partie du conseil supérieur d'étude des réserves.

Le budget pour 1999 ajoutera 40 millions aux 20 dégagés en 1997 et en 1998, de sorte que le total des crédits affectés aux réserves atteint aujourd'hui 308 millions. Quant au projet de loi, vous en serez vraisemblablement saisis dans tous les premiers jours de 1999.

M. Bernard Grasset - Ce projet de budget est sous-tendu par la décision d'aller vers une armée professionnelle. Des mesures d'adaptation, portant sur les forces, le soutien, la formation et les structures territoriales sont nécessaires, mais elles se traduisent par des redéploiements qui ne sont pas toujours bien admis. Il arrive même que des élus contestent sur le terrain les conséquences des lois qu'ils ont votées ici...

Je suis l'élu de Rochefort, ville créée par Colbert pour la marine mais que celle-ci déserte provisoirement. De 1984 à 1996, plus de 850 militaires et civils ont ainsi quitté l'agglomération et en 2002, l'école des fourriers partira à son tour. Dans le même temps s'installera une école de gendarmerie.

A travers cet exemple local, je vous appelle à accorder toute votre attention à l'accompagnement économique et social de cette mutation.

M. le Ministre - Nous avons maintes fois eu l'occasion de nous entretenir de l'émotion suscitée à Rochefort par le départ de l'école des fourriers. Je vous confirme donc la création d'une école de la gendarmerie, forte d'une centaine d'emplois permanents d'encadrement, dont une vingtaine de postes civils. Plus de 2 000 officiers et sous-officiers passeront chaque année dans cette école. Les capacités de formation de l'établissement -450 élèves- seront donc pleinement utilisées.

Cela n'exclut pas la mobilisation des moyens dont dispose la délégation ministérielle aux restructurations, notamment pour la réutilisation des emprises libérées.

La professionnalisation de la BA 721 va créer de nombreux postes supplémentaires, ce qui devrait assurer le reclassement local des personnels civils -le général Fournier ira en discuter en novembre avec les personnels. Lundi, je vous recevrai moi-même avec le président du conseil général et le maire de Rochefort pour en traiter complètement : l'Etat usera de l'ensemble des moyens à sa disposition pour aider les collectivités locales.

M. Charles Cova - Je veux appeler l'attention sur le sort de sous-officiers nommés sous-lieutenants ou lieutenants au terme d'une brillante carrière, et pour qui cette récompense se révèle une injustice. Ils n'ont pu en effet bénéficier ni du grade de major qui n'existait pas, ni de l'avancement automatique au grade de lieutenant ou de capitaine institué par le statut de 1972, de sorte que leur retraite -ou la pension versée à leur veuve- est inférieure à celle qu'ils auraient obtenue s'ils étaient restés sous-officiers. Il faudrait corriger cette incohérence. Le ministère de la défense avait proposé un reclassement au grade supérieur, mais cette solution n'a pas paru acceptable à la fonction publique et au budget. La meilleure solution serait sans doute de prendre une mesure spécifique, et c'est le voeu de la commission unanime. Qu'en pensez-vous, Monsieur le ministre ?

M. Jean-Luc Warsmann - Très bonne question.

M. le Ministre - La question n'est pas nouvelle, elle a été posée à d'autres gouvernements qui ne l'ont pas résolue. Le gouvernement actuel s'est déjà efforcé de prendre des mesures concrètes, notamment le décret du 22 mai qui a revalorisé de 3,6 à 6 % le taux des allocations annuelles. Quant aux retraites dont vous parlez, leur situation est en effet inadmissible, et le mieux serait en effet de prendre une mesure spécifique par référence au grade de major. Cela concernerait environ 1 000 personnes et aurait un coût d'environ 2 millions. Nous avons l'obligation morale de trouver une solution, et ce gouvernement saura faire, là aussi, un peu plus que ses prédécesseurs !

M. Jean-Luc Warsmann - Trois questions qui ne coûtent pas d'argent, Monsieur le ministre, et qui concernent les nouvelles dispositions applicables au service national. D'abord, le cas des reports renouvelables de trois mois pour les jeunes ayant un CDI, et pour lesquels le maire doit donner un avis : le formulaire est ambigu et des précisions seraient nécessaires. Ensuite, sur quels critères pourra-t-on renouveler le report de deux ans ? Ce report sera-t-il automatique ? Sinon, il faut des critères clairs. Enfin, lorsqu'un jeune ayant un CDD obtient ensuite un CDI, pourra-t-il cumuler les deux reports ? Les situations sont nombreuses, et pour des jeunes qui veulent s'engager dans la vie, il faudrait qu'ils sachent à quoi s'en tenir.

M. le Ministre - Vous avez voté la suspension du service national pour les jeunes nés après 1979. Pour ceux qui sont nés plus tôt, la règle, c'est le service national, et le report est l'exception.

M. Jean-Luc Warsmann - Ce n'est pas la question !

M. le Ministre - Permettez que je vous réponde. Les règles sont les mêmes pour tous, c'est la loi qui les a fixées.

M. Jean-Luc Warsmann - Il faudrait que les textes d'application soient publiés.

M. le Ministre - Les commissions régionales se prononcent au vu d'un critère : l'incorporation immédiate est-elle de nature à compromettre l'insertion professionnelle du jeune ?

Il n'y a donc aucune automaticité, et lorsque certaines commissions ont cru le contraire, j'ai présenté des recours devant les tribunaux administratifs qui m'ont donné raison.

M. Jean-Luc Warsmann - Sur quels critères précis ?

M. le Ministre - Vous avez voté aussi un code du travail qui protège l'emploi des jeunes en CDI. Le critère principal, je l'ai dit, c'est de savoir s'il y a un risque que le jeune ne retrouve pas son emploi. Mais je vous rappelle que nous parlons ici de la défense nationale et de ses besoins. Il faut trouver un équilibre entre l'intérêt des jeunes et l'intérêt public. Quant au décret, il sera pris en temps et en heure. Mais lorsqu'un CDD est relayé par un CDI, c'est la règle relative au CDI qui s'applique.

M. Didier Quentin - Le pays rochefortais a été touché par un certain nombre de transferts ou fermetures : l'école d'aéronautique navale, le centre interarmes, la gendarmerie maritime et enfin l'école des fourriers transférée à Cherbourg. On nous promet en compensation une nouvelle école de gendarmerie, mais cela n'est pas à la hauteur de l'enjeu quand environ 2 000 personnes vont quitter le pays de Rochefort. Un septième du territoire de la ville sera abandonné en 2002, à charge pour la municipalité de s'en débrouiller. Maintenir l'école des fourriers permettrait de limiter le choc. Cela serait-il impossible ? Je vous ai adressé le 9 octobre dernier les propositions que fait le maire de Rochefort pour améliorer le fonctionnement de cette école.

Son transfert de Rochefort à Cherbourg, type même de l'opération où l'on déshabille Pierre pour habiller Paul, laisserait le sentiment d'un gâchis considérable. En effet, vingt millions de travaux de modernisation ont été réalisés il y a peu dans ses locaux alors que son installation sur un nouveau site coûterait elle-même des dizaines de millions.

Quelles sont vos intentions, Monsieur le ministre, pour l'école de Rochefort ? Pourquoi n'enverriez-vous pas la nouvelle école de gendarmerie à Querqueville ?

M. le Ministre - Les mesures dont vous parlez seront bien mises en oeuvre d'ici à 2002, comme les 350 autres annoncées en juillet dernier. Elles découlent directement, rappelons-le, de la loi de programmation militaire et de la décision de professionnaliser les armées, prise par le Président de la République et que l'actuel Gouvernement a décidé de ne pas remettre en question.

Dès lors que le format de nos armées va être ramené de 460 000 à 340 000 hommes, des concentrations sont inévitables. Il serait déraisonnable dans ce contexte de conserver des centres de formation aussi dispersés qu'auparavant sur l'ensemble du territoire. Le chef d'état-major de la marine expliquera plus en détail aux élus concernés la logique de ce regroupement. Il ne serait pas cohérent de regrouper un établissement de formation de la marine avec une école de gendarmerie.

Les élus de droite de la Charente-Maritime sont les seuls à aborder le dossier de ces restructurations dans un esprit polémique alors même que d'autres affectent beaucoup plus douloureusement certaines régions.

M. Didier Quentin - Le conseil général a voté une motion à l'unanimité.

M. le Ministre - Le bassin d'emploi de Saintonge maritime perdra 151 emplois militaires entre 1997 et 2002 pour une population active totale de 73 000 habitants et en conservera 3 042. Connaissez-vous beaucoup d'autres régions qui puissent se targuer d'un tel ratio ?

Je comprends l'émotion que peut susciter à Rochefort le départ de l'école de marine. Mais beaucoup de territoires français ont ainsi vu d'anciennes vocations remises en cause. Nos sociétés et nos économies vivent. Il n'est pas de bonne méthode pour les élus de se crisper sur la défense du passé au détriment de l'avenir. Nous proposons à Rochefort un partenariat dynamique qui lui permettra d'évoluer. A la ville de saisir sa chance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. André Vauchez - Les missions de la gendarmerie sont multiples. On les quantifie au nombre de pièces établies -4 617 738, et ce pour 80 000 personnels ! Mais on n'évalue jamais les heures passées par les gendarmes en déplacement non plus que les kilomètres parcourus par leurs véhicules.

En outre, depuis octobre de cette année, 27 % des centres retenus pour la journée de préparation d'appel à la défense sont des centres de gendarmerie, ce qui occasionnera un travail supplémentaire. Les effectifs et les crédits de fonctionnement seront-ils renforcés en conséquence en 1999 ?

Ma seconde question concerne l'équipement des brigades. Dans les zones rurales, la délinquance a changé et les malfaiteurs sèment facilement les gendarmes équipés d'Estafette ou de Trafic, mal adaptés à la poursuite automobile et par ailleurs trop facilement reconnaissables. Entendez-vous équiper les brigades de véhicules plus légers, à l'instar de ceux dont dispose déjà le peloton spécial d'intervention de la gendarmerie ? La population rurale se sentirait ainsi plus en sécurité 

M. le Ministre - Les missions de la gendarmerie ont en effet évolué, mais son extrême capacité d'adaptation lui a toujours permis de faire face.

L'organisation de la journée de préparation d'appel à la défense dans les centres de gendarmerie s'accompagnera d'un renforcement des effectifs. Le recrutement des volontaires a débuté : aux 12 000 appelés du contingent qui servent actuellement comme gendarmes auxiliaires se substituent progressivement 16 000 gendarmes adjoints relevant du nouveau statut de volontaire, soit un gain net de 4 000 personnes. Ces gendarmes adjoints recevront une solde de 5 186 F par mois à laquelle s'ajoutera une prime de 600 F mais surtout ils seront logés -un plan va être mis en oeuvre pour que partout ils puissent l'être. Ainsi assurera-t-on un bon équilibre d'attractivité entre ces postes et ceux d'adjoints de sécurité dans la police nationale.

S'agissant de l'équipement automobile, 76 Peugeot Boxer 9 places ont été livrés. Cela étant, la mission de la gendarmerie n'est pas de se lancer dans des courses-poursuites à l'américaine dont les dangers sont disproportionnés par rapport à l'engin. Son efficacité dépend plutôt d'une présence vigilante partout sur le terrain.

La mobilisation de très nombreux gendarmes, plus de cinquante dans le Rhône et plus de deux cents en Moselle, en sus des brigades de recherche commises, a permis d'arrêter les pirates de la route qui sévissaient dans ces régions. L'une des réformes que nous avons entreprises est de réintégrer les pelotons d'autoroute dans l'organisation départementale. Une meilleure coordination est en effet nécessaire entre ces pelotons et les brigades territoriales, et il est tout à fait envisageable que les premiers patrouillent sur d'autres voies rapides que les autoroutes, notamment pour réprimer des infractions graves au code de la route.

L'équipement de la gendarmerie en véhicules plus légers et polyvalents qui lui permettrait de mieux remplir ses missions reste à l'étude.

M. le Président - Mes chers collègues, si nous n'avons pas terminé nos travaux à une heure, cela retardera d'autant le début de la séance consacrée demain au Pacs. Vous aurez constaté que ce n'est pas moi qui prolonge les débats !

M. Michel Dasseux - L'ETAMAT de Saint-Astier offre une capacité et des conditions de stockage uniques en Europe. Il possède des installations très sophistiquées, une autonomie, une confidentialité et une inviolabilité uniques. Il pourrait servir à un stockage interarmes et interarmées. Il conviendrait donc non seulement de conserver ce site, mais même de le développer. Une fermeture aurait également de graves conséquences sociales puisque seuls 26 emplois civils sur 78 seraient conservés.

Si toutefois le site était contraint de fermer, il serait juste que le personnel bénéficie du dispositif Proxima pour son reclassement sur place et des mesures d'âge à partir de 52 ans dont bénéficient des personnels d'autres armes. Il serait bon par ailleurs que les reclassements soient effectués à l'école de sous-officiers de la gendarmerie proche. Quelles autres mesures d'accompagnement social envisagez-vous ? Envisagez-vous des moyens complémentaires pour maintenir l'activité locale dans cette zone rurale défavorisée ?

M. le Ministre - L'ETAMAT de Saint-Astier ne sera pas fermé. Nous n'entendons pas nous départir d'un site à la situation géographique exceptionnelle et souhaitons conserver de telles vastes emprises, notamment si des besoins d'espace devaient se faire jour à l'avenir. Cela étant, la réduction du format de l'armée de terre nous conduira à réduire le plan de charge de cet établissement. 26 emplois civils seront supprimés, mais un dispositif d'accompagnement social sera bien sûr mis en place. Les départs à 55 ans vont commencer et concerneront 22 personnes d'ici à 2002. Le reclassement des autres agents est à l'étude ; des possibilités existent à l'école supérieure des officiers de gendarmerie à Saint-Astier, à Périgueux, à l'établissement régional du commissariat à Bergerac. Le général Fournier, animateur du dispositif de reclassement dans le Sud-ouest, viendra dans les prochaines semaines. Le délégué est à la disposition des élus pour examiner les possibilités de développement local.

M. Jean-Claude Viollet - L'outil industriel de la DCN a été progressivement constitué pour satisfaire les besoins de la marine nationale. Mais depuis 1990, le budget d'équipement de la marine est en baisse. En outre, le marché européen de l'armement s'organise et l'exportation est marquée par un fort durcissement de la compétition.

La DCN doit donc consolider ses métiers stratégiques, qu'il s'agisse de l'ingénierie navale, des activités de construction et de refonte ou de l'entretien et du maintien en conditions opérationnelles, organiser des partenariats avec un réseau de sous-traitants, affirmer sa volonté d'ouverture à travers des alliances avec les grandes nations maritimes européennes. Elle s'est engagée à marche forcée dans cette réforme qui passe par la définition d'un plan d'entreprise, discuté avec l'ensemble des personnels. Il convient notamment de conforter chacun des établissements dans son domaine d'excellence.

Quelles sont vos intentions concernant ce plan ?

M. le Ministre - La modernisation de la DCN vise le système de gestion, les comptes, les achats, l'organisation industrielle. Le plan d'entreprise devra définir les objectifs essentiels, en associant pleinement les personnels. Il est actuellement en cours d'élaboration ; quelques semaines sont encore nécessaires car je ne veux pas abréger la concertation.

Je puis vous confirmer que le statut de la DCN et celui de son personnel ne seront pas modifiés car ils offrent déjà des souplesses. Des règles comptables claires seront établies, afin qu'on connaisse le coût de chaque réalisation. Le fonctionnement contractuel avec l'Etat sera systématisé. Une comparaison des coûts et des procédés industriels, les possibilités de coopération avec les industries navales civiles ainsi que le partenariat européen sont à l'étude. Une réorganisation d'ensemble tendra à faire de la DCN un outil cohérent et compétitif.

Sur ce chantier de grande ampleur, je recherche l'adhésion des personnels, dont je sais l'attachement à leur entreprise.

M. Charles Cova - La politique de professionnalisation de la marine et de réduction des effectifs de la DCN a imposé un reclassement du personnel de la seconde dans la première. Mais les qualifications ne sont pas toujours adaptées ; en outre, de nombreux ouvriers de la DCN vont sans doute préférer bénéficier de la mesure de dégagement des cadres à 52 ans.

J'ai suggéré en commission de proposer aux personnels civils de la DCN acceptant de servir au sein de la marine nationale une prime de mobilité et de reconversion, à l'instar des mesures prises pour favoriser le départ des armées des officiers et sous-officiers. En l'absence d'une telle décision, il vous appartiendrait d'autoriser le recours au recrutement extérieur dès les premiers mois de 1999. Quelles sont vos intentions ?

M. le Ministre - Vous avez combien il est difficile d'assurer le reclassement des personnels, mais je pense que vous partagez notre volonté d'utiliser les personnels en sureffectif là où il existe des besoins. Le mouvement global de mutation des personnes de la DGA vers les armées, qui avait dépassé l'année dernière l'objectif fixé, avec plus de 1 000 transferts, se poursuit cette année. Ces personnes bénéficient du maintien de leur rémunération, y compris les éléments annexes, et des mêmes perspectives de développement de carrière. Quand le reclassement inscrit une mobilité supérieure à 20 km, elle est intégralement indemnisée.

Les besoins d'adaptation des services font partie des contraintes qui s'imposent aux agents de l'Etat, et je pense que nous pourrons continuer au cours des années à venir à organiser des transferts de la DCN vers les établissements de la marine. Les recrutements extérieurs se poursuivront également, plus particulièrement sur les sites isolés ou peu demandés. Je constate que, lorsqu'on a pris des mesures sociales dérogatoires en faveur des salariés de droit privé, des postes qui n'avaient pas trouvé preneur parmi les ouvriers d'Etat en reconversion ont pu être pourvus.

Il serait souhaitable en effet que les recrutements extérieurs commencent plus tôt dans l'année, sachant qu'avec la fermeture d'unités stationnées en Allemagne, plus de mille agents de droit privé chercheront à se reclasser.

M. Gérard Lindeperg - Ma question concerne le site de Saint-Etienne de GIAT Industries.

Vous avez accepté le dialogue avec les élus et les organisations syndicales et vous avez été conduit à infléchir le plan social dans un sens plus favorable aux salariés. Vous êtes également revenu sur certains choix que nous estimions particulièrement malvenus. Cependant les salariés stéphanois demeurent inquiets et s'interrogent sur la pérennité de la production petit calibre. Les organisations syndicales souhaitent, d'une part, qu'on développe la fonction maintenance aux niveaux techniques 2 et 3, d'autre part, qu'on transforme les FAMAS F1 en G2.

S'agissant de la restructuration de sites, nous déplorons la lenteur d'application des décisions prises. Je pense, par exemple, à celles du CIADT du 15 décembre 1997 concernant le pôle optique et le projet de musée de l'arme.

Enfin, parce que vos prédécesseurs, notamment Charles Millon, ont fait un grand nombre de promesses sans les tenir, le scepticisme demeure quant à vos projets de délocalisation.

Le département de la Loire, avec trois sites de GIAT Industries, a le plus fort taux de dépendance vis-à-vis de l'industrie de la défense ; vous comprendrez l'inquiétude des salariés et des élus, qui attendent de votre part une grande vigilance.

M. le Ministre - Malgré les difficultés importantes de GIAT Industries, il a été possible que le plan économique et social soit conclu dans des conditions qui préservent au mieux les intérêts des salariés.

S'agissant de l'arme de petit calibre, j'ai décidé le principe de transfert de la maintenance lourde au secteur concurrentiel. J'ai demandé l'ouverture de discussions avec l'industriel constructeur pour envisager l'entretien des FAMAS de l'armée de terre.

A Saint-Etienne, je confirme l'arrivée sur le site même de GIAT d'un pôle logistique de l'armée de terre qui permettra de reclasser entre 100 et 120 personnes sur place. J'ai aussi demandé à la direction de GIAT de tout faire pour faciliter la réimplantation du pôle optique de l'université et de tout autre activité valorisante. Le coût du foncier ne sera plus un obstacle à la conversion du site de Saint-Etienne.

Il me revient de réintervenir auprès des autres départements ministériels pour que les décisions du CIAT s'appliquent. Le pôle optique a bien reçu en avril les financements prévus au titre du FNDAT. C'est l'industriel partenaire qui a demandé des reports.

Le 20 novembre, une mission du ministère de la culture se rendra à Saint-Etienne pour travailler sur le projet de musée de l'arme légère.

Au total, les actions de conversion commencent à porter leurs fruits. Ainsi l'entreprise GMD créera une centaine d'emplois dans le bassin de Saint-Etienne-Saint-Chamond. Il en va de même à Tarbes ou au Mans. Les efforts de tous montrent qu'un avenir est possible. Le bassin de Saint-Etienne offre une base particulièrement solide.

M. Claude Lanfranca - Le Gouvernement a engagé, le 9 décembre dernier, avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne des négociations préalables au rapprochement de leurs industries aéronautiques et spatiales. British Aerospace, DASA et Aérospatiale ont produit en avril un premier rapport fixant les principes généraux de ce rapprochement. Les Italiens, les Espagnols et les Suédois ont rejoint ce groupe de trois.

Cependant, l'Etat a annoncé en mai le transfert, au profit d'Aérospatiale, des 47 % de capital qu'il détient dans Dassault Aviation, et il a autorisé, le 23 juillet, la fusion de Matra hautes technologies avec Aérospatiale.

Une rencontre entre délégations parlementaires française et anglaise a fait apparaître que des négociations seront engagées entre British Aerospace et DASA. Mais nos partenaires considèrent que les alliances franco-françaises sont encore trop marquées par la présence de l'Etat français. Ils estiment qu'une industrie aéronautique doit pouvoir prendre des décisions commerciales sans pression des Etats.

Qu'en pense le Gouvernement ? Envisage-t-il de revoir son périmètre d'intervention dans le capital de la restructuration en cours ?

M. le Ministre - Le rapprochement entre Aérospatiale et Matra a pour objectif de renforcer les compétences du pôle aéronautique et spatial français, et d'engager sans délai les alliances européennes structurantes. L'ensemble Aérospatiale-Matra réalisera un chiffre d'affaires de plus de 80 milliards, et sera leader européen ou mondial dans la plupart de ses activités. L'apport des titres Dassault à Aérospatiale a de fortes chances de se concrétiser bientôt. Les travaux techniques de la fusion se déroulent de façon satisfaisante, de façon que l'opération soit conclue au début de l'an prochain.

Le Gouvernement souhaite que le groupe Aérospatiale-Matra trouve les conditions d'un accord équilibré avec British Aerospace et DASA pour constituer une véritable entreprise européenne intégrée capable de rivaliser avec les géants américains.

Le Gouvernement est disposé à rechercher avec ses partenaires la meilleure organisation du futur ensemble de sorte que chacune des entreprises constituantes puisse espérer que sa contribution soit maintenue dans l'avenir. Le Gouvernement estime de son devoir de faire en sorte que la contribution française soit préservée. Nos partenaires ne le contestent pas. Nous ne voyons pas d'obstacle à cette fusion. Mais l'Etat actionnaire n'a pas à s'excuser du rôle qu'il a joué dans l'ouverture aéronautique et spatiale de ces dernières années. Les résultats d'Aérospatiale entreprise publique se comparent honorablement avec ceux de beaucoup d'entreprises privées du même secteur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Robert Gaïa - Les personnels sont conscients de la nécessaire mutation de la DCN. Mais aujourd'hui, c'est le découragement qui prévaut.

Après 42 jours de conflit, les personnels de la DCN de Toulon sont toujours préoccupés, ils attendent un engagement sur le maintien du site de Toulon, la confirmation que la réforme de la DCN ne met pas en cause son statut, la réaffirmation du lien DCN-marine nationale, enfin ils attendent des engagements sur le plan de charge de Toulon.

Mais ni les compétences ni les transmissions de savoir-faire ne peuvent être préservées si l'on continue à privilégier une vision comptable de la gestion des ressources humaines. La gestion des effectifs appelle donc le recrutement de jeunes. La maîtrise des coûts et des délais ne sera qu'un slogan si les outils et procédures de gestion restent identiques.

Mais cette gestion des hommes et des services est aussi affaire de compétences et de changement de culture, comme le souligne M. Boucheron dans son rapport à propos du bilan accablant d'un contrat Mouette avec l'Arabie saoudite.

Un recrutement significatif de cadres spécialisés dans les ressources humaines, la gestion, les achats est indispensable à la mise en place d'un nouveau projet industriel.

Les personnels, les milieux socio-économiques, les élus du Var attendent du Gouvernement des signes forts pour retrouver la confiance, moteur des mutations nécessaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Je partage l'essentiel de vos propos. J'aurais souhaité que le conflit du printemps dernier à Toulon n'ait pas lieu. Mais il a été riche d'enseignements. Les conditions dans lesquelles le pétrolier ravitailleur Le Var a été réparé par la CMR sous la maîtrise d'oeuvre de la DCN ont permis aux personnels de tirer tous les enseignements de cette opération.

J'ai déclaré souvent que les évolutions nécessaires de la DCN devaient avoir lieu dans le cadre de son statut actuel et de celui de ses personnels. Les agents doivent disposer de repères clairs pour s'engager résolument dans les mutations indispensables.

La DCN n'a pas besoin de fermer de sites. La spécialisation de Toulon dans l'entretien des bâtiments et la présence de la marine nationale dans ce port garantissent un plan de charge substantiel. La question est plutôt celle des relations contractuelles que doivent avoir les établissements de la DCN avec leurs clients.

Il importe de moderniser les ressources humaines, ce qui conduira sans doute au recrutement de nouveaux cadres. Mais la DCN doit surtout trouver en elle-même les moyens de sa modernisation. On évoque trop souvent la situation des personnels qui quittent la DCN. Je souhaiterais que l'on pense davantage aux 18 000 personnes qui y travaillent, et qui resteront la principale richesse de cette entreprise publique.

M. Pierre Ducout - L'espace est une composante essentielle de notre défense. S'y ajoute une forte dimension européenne, qui a conduit la France à vouloir favoriser, autour de programmes Syracuse ou Hélios, des coopérations multilatérales. Aujourd'hui, on peut s'interroger sur la pérennité et la pertinence des choix. Je souhaite donc vous faire part des questions que se posent les membres du groupe parlementaire sur l'espace.

Au moment où le Gouvernement s'efforce de faciliter la constitution d'un grand pôle aéronautique et spatial de défense au plan européen, quelle est la réalité de notre collaboration avec le Royaume-Uni, qui semble plus intéressé qu'autrefois par de tels rapprochements ? Je pense à la création d'une société de recherche commune par British Aerospace et Dassault.

Quel est l'avenir des programmes en cours ? Quelles garanties apporter à nos entreprises ?

L'Union européenne doit s'engager à développer la coopération spatiale et la France doit montrer sa détermination dans ce domaine.

Nos homologues britanniques se sont dit préoccupés par le contrôle absolu qu'exercent les Américains sur le système de navigation GPS. Aussi souhaitent-ils s'engager, y compris financièrement, dans un programme européen.

Par ailleurs, le ministère de la défense contribue, à hauteur de 900 millions, au budget de la recherche civile, ce qui doit permettre de développer des synergies. Ainsi, le CNES et la DGA coopèrent à Toulon. Le ministère de la défense compte-t-il prendre d'autres initiatives semblables ?

M. le Ministre - La baisse du budget des programmes spatiaux ne doit s'analyser que comme la résultante des difficultés que rencontre la coopération européenne dans ce domaine. Mais la France a la volonté de relancer cette coopération dès que possible. Ainsi, la France et l'Allemagne vont réaliser le satellite de communication européen, malgré le retrait des Britanniques.

Vous avez rappelé que mon ministère apporte 900 millions au budget civil de l'espace, à travers les programmes de recherche duale. Nous sommes en discussion avec Claude Allègre pour développer de nouveaux programmes capables de rendre nos industries plus compétitives. C'est ainsi que nous allons réaliser le système de prise de vues HRS, qui permet d'obtenir des modèles numériques de terrain. En outre, la France participera au programme européen de navigation par satellite.

La DGA doit se rapprocher du ministère de la recherche et de la technologie.

Vous avez rappelé l'échéance de 1999 pour le programme européen de navigation par satellite. Un tel projet a des implications financières fortes, mais sa réussite est la clef de notre sécurité. Les ministères des transports et de la défense doivent s'associer pour définir la position française.

Notre potentiel scientifique et industriel nous garantit que nous continuerons à être les principaux acteurs des initiatives européennes.

M. Yann Galut - Monsieur le ministre, en novembre 1997, vous avez indiqué votre volonté de soutenir la diversification de nos industries de défense, ajoutant que vous disposiez pour cela de 500 millions. Cette diversification est vitale pour le secteur. Or la direction de GIAT Industries ne semble pas avoir compris la pertinence de votre intention, adoptant au contraire une stratégie de repli, sur le métier de base. Les plans sociaux se multiplient. Or on ne peut admettre que le plan social pour la période 1999-2002 soit aussi timide en matière de diversification. Il faut aller de l'avant. Il serait désolant que, faute de diversification, nous perdions les capacités technologiques de ce groupe. Certes, les retards pris et l'affaiblissement du groupe ne facilitent pas les choses. Il faut exiger que GIAT Industries investisse dans des projets précis.

Telle est ma conviction et j'ose croire qu'elle est aussi celle du Gouvernement.

La tâche du délégué interministériel aux restructurations, nous le savons, est ardue. Comment, concrètement, allez-vous mobiliser GIAT Industries pour que ce groupe s'engage dans des actions de diversification et bénéficie des 50 millions prévus à ce titre ?

M. le Ministre - J'ai déjà donné des informations sur l'utilisation de ce fonds en 1998 : 90 % des crédits sont engagés et un travail important est fait sur le terrain, comme vous le savez Monsieur le député, puisque vous êtes membre du comité de restructuration de votre région.

Il est vrai que ce fonds n'a pu bénéficier à GIAT Industries, à cause de la réglementation européenne de la concurrence qui interdit l'apport de tels concours à une grande entreprise. Nous ne pouvons en rester là.

Une filiale nommée GIAT Développement va donc être créée, dotée d'un capital propre de quelques dizaines de millions souscrit par l'Etat. Elle aura la responsabilité financière de ses choix.

Reposant sur les savoir-faire d'excellence, la diversification doit viser à la compétitivité, de manière à ce qu'elle profite de manière durable aux établissements. L'un d'eux, suite à la mobilisation de l'encadrement, s'est ainsi spécialisé dans la serrurerie de sécurité. Cette expérience doit servir de modèle à la direction de GIAT Industries, dont nous saluons les efforts.

M. Bernard Cazeneuve - Vous ne serez pas étonné, Monsieur le ministre, que je vous interroge sur les restructurations affectant la DCN à Cherbourg. La réforme des bureaux d'études a fait l'objet d'une réflexion approfondie au sein de la DCN comme de votre ministère. Il est apparu indispensable de rapprocher les missions de conception générale des bâtiments des missions de conception détaillée, les services d'études des centres de production.

En outre, le Gouvernement doit respecter ses engagements. Il a décidé, au cours du CIADT de décembre 1997, de délocaliser une partie des services d'ingénierie à Lorient ; en outre, il avait été décidé il y a trois ans de délocaliser à Cherbourg les services d'ingénierie liés à la construction des sous-marins. Il est urgent de rendre effectif ce projet de transfert. Pour le moment, dix-neuf postes seulement ont été délocalisés à Cherbourg, alors que cette ville souffre depuis des années des restructurations. Notre économie locale dépend uniquement de l'activité militaire et du nucléaire. Nous ne parviendrons à nous diversifier que si un maximum de matière grise est concentré sur ce bassin d'emploi qui, vous le savez, souffre.

M. le Ministre - Notre procédure de conception des constructions navales comporte des défauts, qui se soldent par des coûts supplémentaires et des délais trop longs. Un redéploiement géographique de la DCN a donc été décidé. Les moyens spécifiques aux sous-marins iront à Cherbourg et ceux qui sont propres aux bâtiments de surface, à Lorient. Mais les moyens communs à ces deux types de constructions navales, moyens, d'ailleurs, beaucoup plus importants que les moyens spécifiques, iront aussi à Lorient, ce qui les rapprochera des installations militaires et des entreprises privées de ce port et de Brest.

A Cherbourg, l'activité de la sous-direction des études sera maintenue.

L'avenir de la DCN passe par le redéploiement de son ingénierie. Les travaux futurs de conception des sous-marins seront donc menés au sein d'équipes intégrées sur les sites de Cherbourg, Lorient et Brest. Cependant, les travaux spécifiques aux sous-marins seront concentrés à Cherbourg.

Le souci de l'aménagement du territoire qui m'amène ne peut être apprécié sur des décisions isolées, mais bien sur l'ensemble de ma politique. En tout état de cause, la vocation de Cherbourg à assurer la conception et la réalisation de sous-marins est garantie à long terme, à la fois par le savoir-faire des salariés du site et par la volonté du Gouvernement.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

DÉFENSE

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne "défense".

ART. 47

M. Michel Voisin - Certains chapitres ou articles baissent, d'autres sont à la hausse et la lecture du "bleu", malaisée, n'apporte que peu d'éclaircissements sur ces traitements contrastés. Il m'a semblé qu'un peu de rigueur budgétaire pourrait libérer, ici ou là, certains crédits. Mon amendement 59 a trait au chapitre 34-01, ligne 10 : les frais de fonctionnement du secrétariat général pour l'administration y croissent de 3 894 000 F. Compte tenu de la rigueur qui frappe les dépenses affectées aux militaires, il serait peut-être possible de trouver un meilleur usage à cette somme !

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la commission des finances - Cette série d'amendements de M. Voisin n'a pas été soumise à la commission. En ce qui me concerne, j'y discerne une logique commune : tous tendent à réduire les dépenses de fonctionnement des directions du ministère. Or ces dépenses sont utiles et par conséquent, si l'intention peut être juste, la méthode ne l'est sans aucun doute pas. Je demande donc le rejet de l'ensemble de ces propositions.

M. le Ministre - Cette mesure nouvelle n'induit pas de dépense supplémentaire : elle résulte d'un transfert de responsabilité. Dans un souci d'économie et de nationalisation, la charge du parc automobile de l'armée de terre, de l'Etat-major et du ministère a été transférée au secrétariat général de l'administration.

M. Michel Voisin - Monsieur le rapporteur spécial, si le rapport nous avait été transmis dans le délai normal de quatre jours francs, la commission des finances aurait pu examiner mes amendements et me convaincre éventuellement de les retirer.

L'amendement 59, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Voisin - L'amendement 60 vise encore le secrétariat général pour l'administration, dont les frais de déplacement augmentent de 1,1 million, sur un montant de 3,8 millions. M. le ministre m'expliquera peut-être qu'il s'agit là aussi d'un transfert de charge, mais je note que les mêmes frais restent inchangés pour le personnel civil extérieur. A elle seule, cette discrimination justifierait le vote de l'amendement.

M. le Ministre - Il s'agit en effet à nouveau d'un transfert : ces crédits étaient à tort imputés sur la dotation des postes permanents à l'étranger alors qu'ils couvrent les frais de déplacement des agents de l'administration centrale.

Monsieur Voisin, je voudrais vous convaincre que toutes les mesures d'économies possibles sont prises au ministère. Pour vous en donner un seul exemple, mes propres frais de représentation ont été réduits de moitié par rapport à ceux de mon prédécesseur. Vous ne trouverez donc pas de grain à moudre du côté de l'administration centrale.

M. Michel Voisin - Je ne vous fais aucun procès d'intention et je suis persuadé que vous gérez votre ministère au mieux. Mais reconnaissez à un parlementaire le droit de s'informer sur les crédits qu'il a à voter !

L'amendement 60, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Voisin - Au chapitre 34-02 apparaît une dépense nouvelle de 139,2 millions. Cela demande à tout le moins quelques explications. Mon amendement 61 vise à réduire cette dépense de 10 millions, ce qui est bien peu.

M. le Ministre - Cette mesure nouvelle résulte directement de la suppression de la direction des centres d'essais nucléaires. De 300 millions en 1997, les crédits de cette direction ont été réduits en 1998 mais, après la suppression de ladite DIRCEN, un certain nombre de charges demeurent : surveillance des anciens sites d'expérimentation et respect des engagements pris par le gouvernement Juppé envers la Polynésie absorberont 110 millions, tandis que les 29 autres financeront le transfert des charges de fonctionnement des états-majors interarmées d'outre-mer vers l'état-major des armées. Tous ces crédits sont évalués au plus juste : croyez bien que si nous avions pu les ramener à zéro, nous l'aurions fait !

L'amendement 61, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Voisin - Au chapitre 34-05, les crédits destinés aux loyers payés par la marine augmentent de 597 000 F. Or le marché immobilier est stable. D'où l'amendement 62.

M. le Ministre - Les crédits antérieurs étaient sous-évalués : nous avons voulu éviter que ce chapitre soit en déficit.

L'amendement 62, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Voisin - Mon amendement 63 vise à réduire les frais de fonctionnement de la DGA, la délégation générale à l'armement. La direction de la gestion et de l'organisation ne voit ses crédits réduits que de 2 804 000 F sur un total de 652 806 000 F, alors que ceux de la direction des expertises et des essais sont amputés de 119 921 000 F sur un total de 601 110 000 F ! Si je propose de réduire de 7 196 000 F les crédits de l'article 10 du chapitre 34-08, c'est afin d'imposer à ces deux services de la DGA le même effort de productivité.

M. le Ministre - Tous les services centraux sont en train de consentir des sacrifices importants. Pour la DGA, la réduction des moyens de fonctionnement d'une année sur l'autre dépassera 10 %... Je crois en conscience que les personnels auront les moyens de faire face à leurs responsabilités, qui sont lourdes, mais il apparaît difficile d'aller plus loin. Par ailleurs, vous pouvez faire confiance au délégué, dont vous connaissez l'énergie et l'ingéniosité, pour répartir aussi équitablement que possible l'effort entre les services.

L'amendement 63, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Voisin - L'amendement 64 réduit les crédits d'alimentation -non que je veuille affamer les personnels de l'armée de terre (Rires). Mais il serait logique que cette ligne baisse dans la même proportion que les effectifs. Or le rapport de M. Boucheron relève que tel n'est pas le cas. La différence s'élève à 20 millions de francs.

M. Yann Galut - Ils mangeront mieux !

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial - Défavorable.

M. le Ministre - La restauration collective est en pleine restructuration, cela coûtera forcément plus cher par ration. Préféreriez-vous la sous-traitance, des licenciements ? La règle de trois ne peut s'appliquer ici, et c'est déjà un exploit de faire baisser les crédits à ce niveau.

M. Michel Voisin - Je me suis référé au rapporteur spécial.

M. le Ministre - Lui, au moins, n'a pas déposé d'amendement !

L'amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Voisin - L'amendement 65 diminue de 10 millions les crédits pour diverses opérations internationales. Pourrait-on savoir à quoi correspond exactement cette dotation, qui augmente de 41 % ?

M. le Ministre - Nous avons pris du retard vis-à-vis de l'OTAN, alors que les dépenses augmentent. Il s'agit de commencer à apurer notre dette et de faire face à des charges nouvelles.

M. Michel Voisin - Dans ces conditions, je retire l'amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 65 est retiré.

M. Michel Voisin - Vous ne me dites pas que les frais de déplacement, eux, ne sont pas proportionnels aux effectifs ! Par l'amendement 66, je propose donc de réduire cette ligne de 25 %. Si on voulait doter la gendarmerie de 50 millions, il me semble qu'on pourrait les trouver, soit dans le bleu, soit dans le vert qui retrace les crédits non utilisés.

M. le Ministre - C'est exactement ce que je vais faire ! Nous verrons avec le ministre du budget comment récupérer, lors du collectif, certains crédits non utilisés. Néanmoins, ne croyez pas que toute somme non utilisée le 31 décembre soit disponible, il peut s'agir d'un règlement non encore effectué.

Quant aux frais de déplacement, ils ne sont pas proportionnels au nombre des appelés, il y a aussi les engagés et les volontaires.

M. Michel Voisin - Je regrette qu'il n'y ait pas dans l'administration une comptabilité d'engagement comme dans les entreprises privées.

L'amendement 66, repoussé par la commission, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 47, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Birsinger - Le groupe communiste a voté contre.

ART. 48

Titre V

M. Yves Cochet - Nous croyons que la politique de défense de la France est mal positionnée : c'est pourquoi nous ne voterons pas le budget. Une de nos critiques vise le programme de simulation laser Mégajoule, dont nous proposons par l'amendement 54 de supprimer les crédits. Certains responsables socialistes ne disaient-ils pas l'an dernier que ce programme est inutile et dispendieux ? Il relance en effet la course à de nouvelles armes nucléaires, en contradiction avec les engagements internationaux de la France relatifs à l'arrêt des essais nucléaires et à la non-prolifération. Plutôt que de nous lancer en avant dans ce programme, notre pays devrait mettre ses capacités au service de contrôle du désarmement nucléaire.

N'oublions pas, d'ailleurs qu'au nombre des opposants à Mégajoule figurent certains militaires eux-mêmes : les conflits actuels sont surtout, en effet, des opérations de maintien de la paix au niveau régional, analogues à des guerres civiles, et où les armes de destruction massives ne sont pas opérationnelles.

Il y a d'autres points de divergence entre nous, portant notamment sur le 4ème sous-marin nucléaire de nouvelle génération et sur le programme Rafale. Quelque chose a changé avec la fin de la guerre froide, c'est une occasion unique : or, dans les programmes de défense de la France, la problématique de la guerre froide semble toujours présente et les lobbies militaro-industriels toujours efficaces et insensibles à l'inspiration des deux traités que j'ai cités.

M. le Rapporteur spécial - La commission n'a pas été saisie de cet amendement. C'est donc à titre personnel que j'indique que j'y suis défavorable. Les simulations ne sont en rien contraires ni à l'esprit ni à la lettre d'aucun traité international signé par la France ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste). En outre, cette technologie, indispensable pour la crédibilité de la dissuasion, est également utile pour garantir la sécurité des armes, notamment lorsqu'elles vieillissent. Elle peut d'ailleurs avoir des applications dans le nucléaire civil. Enfin, un large consensus existe dans cet hémicycle et dans le pays pour que la France conserve une dissuasion nucléaire crédible : elle doit donc se donner les moyens de maîtriser durablement ces technologies (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; "Très bien !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Je suis saisi par le groupe Démocratie Libérale d'une demande de scrutin public sur l'article 48.

M. le Président de la commission de la défense - Les députés Verts ne siègent pas à la commission de la défense. Ils sauraient sinon que l'argumentation de M. Cochet n'est pas pertinente. En effet, la politique de défense de la France n'a plus rien à voir avec la logique de la guerre froide. Par ailleurs, Monsieur Cochet, vous vous méprenez sur l'interprétation du traité d'interdiction totale des essais nucléaires qui ne fait pas obstacle aux simulations. Je suis donc hostile à votre amendement.

Je souhaiterais maintenant poser une question au ministre. Quand nous aurons besoin d'ici à une dizaine d'années d'ordinateurs beaucoup plus puissants pour effectuer les simulations, serons-nous condamnés à nous entendre avec les Etats-Unis ou à accepter toutes leurs conditions puisqu'ils sont les seuls à disposer aujourd'hui de ces matériels ?

M. le Ministre - Les Verts ont une position originale sur la question de la dissuasion nucléaire...

M. René Galy-Dejean - Dangereuse !

M. le Ministre - Monsieur Cochet, vos amis et vous soutenez ce gouvernement et lui faites confiance. Vous savez qu'il n'engage aucune politique qui contredise les engagements internationaux de la France : la simulation nucléaire n'est pas contradictoire avec le traité de non-prolifération.

Vous avez évoqué les conflits actuels. Mais le propre d'une politique de défense est d'avoir un horizon plus lointain. La dissuasion nucléaire est l'instrument de protection de notre indépendance. Ou nous en sommes maîtres ou nous serions dépendants de celle des autres. La très grande majorité des responsables politiques de ce pays, de toutes tendances politiques, qui sont eux aussi des humanistes, ont considéré que la dissuasion nucléaire était notre seul outil de sécurité à long terme. Nous devons donc le maintenir en capacité opérationnelle. Nous ne fabriquerons plus de nouvelles têtes nucléaires d'ici à dix ou douze ans ; nous n'effectuerons plus d'essais nucléaires. Il serait utile que les Verts fassent valoir que la France est la seule puissance nucléaire à avoir renoncé à détenir un site d'essais. Ne nous reste donc que la simulation pour maintenir la crédibilité de notre force de frappe.

Au demeurant, les Etats-Unis et la Russie détiennent un arsenal de milliers d'ogives nucléaires qui leur donnent de redoutables capacités offensives bien au-delà de leur territoire, les autres puissances nucléaires, en particulier la France et la Grande-Bretagne, disposent d'un parc beaucoup plus réduit qui a pour seule fonction de préserver leurs intérêts vitaux. La France ne participera aux négociations sur le désarmement que lorsque les deux Grands auront réduit leur potentiel nucléaire de manière significative et contrairement à ce que vous pensez, Monsieur Cochet, ce travail a à peine commencé. En effet, la Russie a choisi, pour des raisons que nous désapprouvons tout en les comprenant, de bloquer le processus de désarmement convenu avec les Etats-Unis.

Monsieur Quilès, les responsables du programme de simulation nucléaire assurent que si la France ne pouvait plus, en raison d'un obstacle politique majeur, coopérer avec les Etats-Unis, le programme serait sans doute retardé et des investissements supplémentaires seraient bien sûr nécessaires, mais que notre pays aurait les moyens de développer par lui-même les capacités informatiques nécessaires.

Le débat que nous venons d'avoir avec les Verts est tout à fait intéressant et les positions de chacun sont éminemment respectables. Mais le Gouvernement a l'ultime conviction de servir l'intérêt national et de ne faire obstacle à aucun désarmement réaliste et équitable en procédant à des simulations nucléaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Cochet - Je remercie M. le ministre d'être sensible à nos différences d'analyse sur la défense en général, et le programme de simulation laser Mégajoule en particulier. Le débat reste ouvert. Nous y sommes prêts. Je regrette que nous ne siégions pas à la commission de la défense. Nous ne disposons peut-être pas de toutes les informations nécessaires, mais nos analyses ne sont pas totalement fausses. Je ne crois pas qu'il faille sourire, comme l'on fait tout à l'heure certains collègues de l'opposition quand je présentais mon amendement. La prolifération des matières nucléaires fissiles est le problème numéro de notre planète. Et après tout le colonel de Gaulle posait en 1937 des questions qui faisaient aussi sourire alors... (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Ministre - Laissez-les sourire ! Ils n'en ont pas souvent l'occasion...

M. Yves Nicolin - Ce qui nous fait sourire, Monsieur le ministre, est que vous semblez découvrir une position des Verts que nous connaissons depuis belle lurette.

L'amendement irresponsable de M. Cochet risquerait de mettre en péril notre indépendance. Le groupe Démocratie Libérale ne peut donc que s'y opposer. Monsieur le ministre, il vous faudra organiser quelques séances de formation à l'intention de vos alliés.

M. le Ministre - Vous voyez donc qu'en matière de mise en cause d'options essentielles de la République et de prises de responsabilité imparfaites, chacun en a pour son compte dans nos deux camps.

M. Michel Voisin - Monsieur Cochet, je vous félicite de vos convictions et de leur constance.

En 1992, nous avons été les seuls à nous opposer à la suspension brutale, pour des raisons électorales, de nos essais nucléaires. Je suis très heureux, Monsieur le ministre, qu'aujourd'hui vous ayez défendu notre dissuasion et notre système de simulation. Rappelons-nous la levée de boucliers qu'a provoquée la décision du Président de la République de reprendre les essais, en attendant la mise au point de ce système ! La position du ministre confirme que c'était ce qu'il fallait faire.

Bien sûr, le groupe UDF s'oppose à cet amendement.

M. René Galy-Dejean - Le groupe RPR aussi.

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits du titre V inscrits à l'article 48, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits du titre VI.

A la majorité de 66 voix contre 19 sur 91 votants et 85 suffrages exprimés, l'article 48 est adopté.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à une séance ultérieure.

La prochaine séance aura lieu ce matin, samedi 7 novembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 35.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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