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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 26ème jour de séance, 68ème séance 2ème SÉANCE DU SAMEDI 7 NOVEMBRE 1998 PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI vice-président SOMMAIRE : PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (suite) 4 La séance est ouverte à quinze heures quinze. RAPPELS AU RÈGLEMENT M. José Rossi - Mon rappel se fonde sur l'article 58. Avant d'en venir aux considérations juridiques elles-mêmes, je tiens à exprimer notre indignation devant les conditions dans lesquelles l'orateur du groupe Démocratie Libérale, qui exprimait le point de vue de l'ensemble des groupes de l'opposition, a été interrompu par le Président ce matin, alors même qu'il abordait un point essentiel qu'il n'a donc pu développer (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Plusieurs députés RPR, UDF et DL - C'est scandaleux ! (Tumulte sur tous les bancs) M. le Président - Laissez M. Rossi s'exprimer. La dignité du Parlement y gagnera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). M. José Rossi - Le Président Fabius a rappelé qu'il existait des précédents. Comme l'a expliqué le Président Séguin, ils n'avaient rien à voir avec les conditions dans lesquelles se déroule ce débat... Plusieurs députés socialistes - C'est faux ! M. José Rossi - ...et ne pouvaient donc justifier la décision prise. Par ailleurs, dans la feuille jaune de séance distribuée mardi dernier, il était indiqué que Jean-Claude Lenoir avait la possibilité de s'exprimer pendant cinq heures (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Certes, des déclarations ultérieures, émanant des uns et des autres, ont laissé entendre que cette durée n'était qu'indicative. Mais M. Lenoir n'a jamais dit lui-même qu'il parlerait moins de cinq heures. C'est donc à tort que le Président l'a brutalement interrompu... M. François Vannson - C'est une machination ! M. José Rossi - L'article 58 du Règlement stipule que "les rappels au Règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ; ils en suspendent la discussion. La parole est accordée à tout député qui la demande à cet effet soit sur-le-champ, soit, si un orateur a la parole, à la fin de son intervention." Quand le Président a interrompu M. Lenoir, j'ai demandé la parole pour un rappel au Règlement et solliciter une suspension de séance. La présidence, bien qu'elle ait parfaitement interprété ma demande, ne m'a pas donné satisfaction, au mépris du Règlement. J'émets donc les plus vives protestations et je demande qu'à sa prochaine réunion, c'est-à-dire le mardi 10 novembre, le Bureau soit saisi de cet incident de procédure et précise sa position. Nous souhaitons poursuivre ce débat dans la sérénité, comme en ont témoigné d'ailleurs ce matin les propos réalistes et tout à fait mesurés de M. Lenoir. Mais nous ferons aussi preuve de la fermeté nécessaire qui découle tout naturellement de nos convictions (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. le Président - Je vous remercie, Monsieur Rossi, du calme dont vous venez de faire preuve. Je souhaite que chacun s'en inspire... M. Christian Jacob - Il faut le dire à M. Fabius ! M. le Président - Monsieur Rossi, j'ai assisté, comme vous, à la Conférence des présidents. M. Lenoir n'a pas été en mesure, lorsque la question lui a été posée, de dire alors combien de temps prendrait son intervention. Ce n'est qu'ensuite, hors de la Conférence, que cette durée a été précisée. Cela étant, Monsieur Rossi, je transmettrai votre requête au Président de l'Assemblée nationale. M. Jean-Louis Debré - La Conférence des présidents avait décidé que M. Lenoir parlerait cinq heures... M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - Non ! M. Jean-Louis Debré - J'en veux pour preuve la feuille de séance qui indique une durée de cinq heures pour la défense de la question préalable. Je ne me souviens pas que quiconque soit alors intervenu pour inviter M. Lenoir à réduire son temps de parole. Il eût d'ailleurs été anormal de le limiter puisque dans un document distribué officiellement par l'Assemblée nationale il est indiqué "la durée de l'intervention en faveur d'une motion de procédure n'est soumise à aucune limitation par le Règlement. Il est d'usage toutefois que les orateurs se fixent à eux-mêmes un temps de parole qui les engage vis-à-vis de la présidence". M. Lenoir était engagé vis-à-vis de la Conférence des présidents et de la présidence à ne pas dépasser cinq heures. Pourquoi donc l'avoir interrompu alors qu'il n'avait parlé que trois heures ? M. François Vannson - Parce que nous sommes sous une dictature de gauche ! M. Jean-Louis Debré - Rien dans ses propos n'était agressif, infamant, inconvenant ; rien ne troublait l'ordre public (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. Lenoir argumentait la question préalable que nous avions décidé de poser. Il avait annoncé un exposé en quatre points. Il n'a pu en évoquer que deux... M. François Vannson - Mais il va revenir ! M. Jean-Louis Debré - Dans le cas où l'opposition déciderait de saisir le Conseil constitutionnel, présidé par une personne qui vous est proche, Monsieur le Président, et à qui il faut rendre hommage, le Conseil ne manquerait pas, comme en atteste une jurisprudence constante, de considérer que lors de la défense d'une motion de procédure les orateurs peuvent s'exprimer aussi longtemps qu'ils en ont décidé, en accord avec la Conférence des présidents. Le Président Fabius a expliqué pour justifier son geste... M. Christian Jacob - Inqualifiable ! M. Jean-Louis Debré - ...qu'il existait des précédents. Mais ceux-ci n'avaient rien à voir. Par ailleurs, Monsieur le Président, pouvez-vous indiquer combien de députés se sont prononcés pour la question préalable ? Les questions "qui est pour ?" puis "qui est contre ?" n'ont pas été posées (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV : "Si !" ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. le Président - Je vous demande un peu de calme. M. Jean-Louis Debré - Vous êtes intolérants. Laissez au moins l'opposition s'exprimer (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Comme n'ont été décomptés ni ceux qui votaient pour, ni ceux qui votaient contre, ni ceux qui s'abstenaient, j'émets les plus vives réserves sur le scrutin. En réalité, on a agi ainsi pour des raisons politiques. Les Français se rendent compte que cette proposition de loi est inopportune et confuse. Vous avez voulu hâter le débat pour qu'ils n'en connaissent pas le contenu. Le Conseil constitutionnel devra y veiller (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. le Président - Permettez-moi deux remarques de fait car à cette place, je m'interdis de prendre position sur les questions que vous-même et M. Rossi avez évoquées. Ce matin, lorsque le Président a demandé à M. Lenoir combien de temps allait durer son intervention, ce dernier a répondu -j'ai en mains le compte rendu analytique de la séance-. "J'ai dit, à titre indicatif, que ce pourrait être cinq heures. Ce pourrait être moins et même beaucoup moins" ("Et alors" ? sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La deuxième remarque, c'est que dans quelques heures (Brouhaha) M. Devedjian, dans le cadre de la motion de renvoi, pourra s'exprimer (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il a lui-même indiqué qu'il y interviendrait entre une heure et deux heures (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nous en prenons acte. Je pense que les rappels au règlement pourront s'arrêter (Mêmes mouvements) après que nous aurons entendu le président Douste-Blazy. M. Philippe Douste-Blazy - Depuis le début du débat, la majorité essaie de passer en force (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). La dernière violation de notre tradition républicaine et démocratique est probablement la plus grave. Elle aura beaucoup de conséquences sur l'esprit dans lequel nous travaillons ici. Le principe était clair : la liberté des orateurs de motion sans aucune contrainte. Un député socialiste - Séguin ! M. Philippe Douste-Blazy - Aujourd'hui vous êtes au pouvoir. Mais il n'est pas impossible que vous soyez dans l'opposition demain. Vous pourriez alors pâtir du manque de respect porté à notre Assemblée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). M. Didier Boulaud - Séguin ! M. Richard Cazenave - Menteur ! M. Philippe Douste-Blazy - Cela est en contradiction totale avec les propos du Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, qui affirmait sa volonté de réduire la fracture républicaine en rééquilibrant les pouvoirs du Parlement. Si vous aviez accepté un examen du texte en commission comportant les auditions nécessaires, vous auriez été fondés à considérer que nos prises de position étaient excessives (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). M. Christian Bataille - Vous ne croyez pas à ce que vous dites ! M. Philippe Douste-Blazy - Vous nous avez refusé ces débats préalables. Or le texte dont nous débattons concerne les droits de la personne. Le Président actuel de l'Assemblé aura été le premier à fixer de lui-même le temps de parole des orateurs défendant une motion. Un député socialiste - Séguin ! Séguin ! M. Philippe Douste-Blazy - C'est pourquoi nous demandons une suspension de séance d'une demi-heure et la convocation du Bureau (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). M. le Président - Pour rétablir le calme, je suspends la séance pour 10 minutes (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). La séance, suspendue à 15 heures 35, est reprise à 15 heures 45. M. Jean-Claude Lenoir - Ayant été involontairement au centre de ces turbulences, je souhaiterais apporter quelques précisions. Il y a une dizaine de jours, lorsque j'ai été désigné comme porte-parole de Démocratie Libérale sur la question préalable, les services m'ont demandé combien de temps je souhaitais pour mon intervention, et dès le milieu de la semaine dernière, le président de notre groupe a indiqué à la Conférence des présidents que j'aurais sans doute besoin de cinq heures. Le débat a été organisé sur cette base, comme l'atteste le jaune de mardi. A aucun moment ni le cabinet du Président ni les services de l'Assemblée ne m'ont prié de faire plus court -et aux journalistes qui m'ont demandé si des pressions avaient été exercées sur moi à cette fin, j'ai pu répondre que non, et je me suis préparé sur cette base. Ce matin, le président ayant souhaité savoir de combien de temps j'avais besoin, je lui ai dit que ce pouvait être cinq heures, peut-être beaucoup moins, voire beaucoup moins, peut-être beaucoup plus... Un député socialiste - On voit que vous êtes député de Normandie ! M. Jean-Claude Lenoir - J'ai informé l'Assemblée de mon plan, quatre parties formant un tout cohérent -et lorsque le Président m'a fait savoir vers midi que l'Assemblée pourrait être suffisamment instruite du sujet, je lui ai répondu qu'elle ne pourrait l'être qu'une fois mon raisonnement achevé -mais que je ferais en sorte de ne pas dépasser les cinq heures prévues, quitte à abréger un peu à la reprise de l'après-midi. J'ai même dit, hors micro, à M. Fabius que dans l'intérêt du débat, et pour préserver sa sérénité, j'étais prêt à agir auprès de mes amis... (Exclamations d'impatience sur les bancs du groupe socialiste) M. le Président - J'imagine que M. Lenoir me témoignera autant de respect qu'au Président de l'Assemblée et qu'il limitera son rappel au Règlement aux cinq minutes auxquelles il a droit. M. Jean-Claude Lenoir - Je regrette à double titre d'avoir été au centre d'un incident assez grave -c'est la première fois depuis 1958 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qu'un orateur est privé du temps de parole que lui avait accordé la Conférence des présidents, et j'en suis personnellement blessé. Mais au-delà de ma personne, c'est mon groupe, et l'opposition tout entière qui sont privés de la possibilité de convaincre la majorité. Ce faux pas est très grave, il met en cause les droits de l'opposition et aussi ceux de la presse, puisque certains journalistes ont été expulsés de leur loge. Cette affaire doit être portée à la connaissance du Bureau, et le Président doit nous dire comment l'Assemblée pourra continuer d'exercer la tâche pour laquelle nous avons été élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). M. le Président - L'entraînement que vous avez suivi semble avoir porté ses fruits puisque vous avez parlé douze minutes. Vos remarques seront examinées par le Bureau le 10 novembre. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des propositions de loi relatives au pacte civil de solidarité. M. le Président - A présent, nous allons ouvrir la discussion générale, mais je voudrais auparavant faire une proposition quant à la méthode d'examen des articles. Un millier d'amendements ont été déposés, pour l'examen desquels plusieurs solutions s'offrent. La règle veut, et sans doute est-ce regrettable à certains moments, qu'ils soient appelés, au fur et à mesure du texte et dans l'ordre de leur dépôt, le Gouvernement conservant la prérogative d'en demander ou non la réserve. Mais nous pourrions aussi, à condition que chaque groupe y souscrive, constater qu'il y a de nombreux amendements semblables, ou portant sur des sujets voisins, mais déposés à des endroits différents, et regrouper leur examen autour de sept thèmes (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je vous demande d'y réfléchir. Les sept thèmes seraient les suivants : la dénomination du Pacs ; sa place dans le code civil (Nouvelles et vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) ; la capacité de conclure ; les nullités ; les droits et obligations des parties, en référence ou non à ceux des conjoints ; l'accès à la PMA et à l'adoption ; la composition des unions (Mêmes mouvements). La responsabilité de la Présidence est de faire en sorte que le débat permette à chacun, partisan ou adversaire du texte en discussion, de se faire entendre et comprendre. En regroupant les amendements par thèmes, nous gagnerions, je le crois, en clarté et en cohérence. Le Règlement ne permet pas d'imposer une telle procédure ("Ah !" sur les bancs du groupe RPR, du groupe UDF et du groupe DL), mais si chaque groupe en était d'accord, je demanderais aux services de l'Assemblée de préparer les dossiers de séance selon ces modalités (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je demande aux responsables des différentes groupes de me donner leur position sur l'organisation du débat, non pas tout de suite, mais après en avoir parlé avec leurs collègues, car la discussion des articles ne commencera qu'en fin de soirée (Mêmes mouvements). Il me semble que cette proposition, à défaut d'être forcément acceptée, mérite en tout cas d'être examinée, et je suis à la disposition des présidents des groupes pour en discuter. M. Jean-Louis Debré - Vous êtes convenu vous-même que votre proposition était dérogatoire au Règlement, aux habitudes et aux traditions de l'Assemblée, et il nous apparaît quelque peu suspect, je dois le dire, qu'elle vienne maintenant, alors que la Conférence des présidents s'est penchée à plusieurs reprises sur l'organisation du débat et a été informée à plusieurs reprises du nombre des amendements déposés. Cela dit, vous voudrez bien, je le pense, nous accorder tout à l'heure une suspension de séance assez longue pour que nous réunissions nos groupes afin de l'étudier et de vous donner une réponse. M. Philippe Douste-Blazy - Je demande une suspension immédiate pour réunir mon groupe, compte tenu de la portée de votre proposition, Monsieur le Président. M. le Président - Je vous propose d'avancer d'abord un peu dans la discussion générale ("Non !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et de suspendre nos travaux avant le terme normal de la séance. La parole est à M. Birsinger (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Mes chers collègues, vous ne gagnez guère à vous conduire de cette façon ! (Mêmes mouvements) M. Bernard Birsinger - (la voix de l'orateur est en grande partie couverte par des huées et des claquements de pupitres sur les bancs des groupes RPR, UDF et DL) Nous entrons de plain-pied dans un grand débat de société, comme l'ont été le débat sur l'IVG, la réforme du mariage ou l'abolition de la peine de mort. L'enjeu est trop important, le Pacs trop attendu par nos concitoyens pour nous laisser distraire par les procédures d'obstruction ou par les fausses vérités bruyamment assenées... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. le Président - Mes chers collègues, je suis là pour faire appliquer le Règlement, et ce ne sont pas les claquements de pupitres qui me feront changer d'avis. M. Birsinger a seul la parole (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. Bernard Birsinger - Si certains s'étonnent de notre position, il faut qu'ils le sachent : le parti communiste français a changé. Pour nous, rien n'est plus important que le respect de la dignité humaine, l'égalité des droits et la reconnaissance des différences. Nous combattons toutes les discriminations contre ceux qui pensent différemment, qui sont d'une autre couleur de peau ou qui ont une sexualité différente (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). Dans ce débat, nous nous situons du côté du progrès et de la modernité (Huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les moeurs et les mentalités ont évolué, et deux Français sur trois, neuf jeunes sur dix, se disent favorables à l'adoption d'un tel texte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). Nous ne sommes plus à l'époque où la famille était fondée sur la puissance paternelle et la domination de l'homme dans le couple. Les femmes ont investi le monde du travail : en 1968, 60 % des femmes en âge de travailler étaient au foyer, elles n'étaient plus que 30 % en 1990. Elles ont acquis leur pleine autonomie juridique et plus d'indépendance économique, elles ont accédé à la contraception et à l'IVG. Beaucoup reste à faire pour que l'égalité entre les sexes soit complète, mais le rapport entre hommes et femmes s'est quelque peu rééquilibré. En 1960, seules 15 % des unions se formaient hors mariage ; la proportion est inverse aujourd'hui, le mariage n'intervient souvent qu'après une première naissance et les jeunes sont de plus en plus nombreux à former un projet de vie commun sans vouloir se marier (les claquements de pupitres cessent ; applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). On compte plus de deux millions de couples non mariés, et deux enfants sur cinq naissent hors mariage. Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Suspension ! M. Bernard Birsinger - Le Pacs ne concerne pas les enfants, mais il est de nature, nous semble-t-il, à favoriser l'exercice commun de l'autorité parentale sur les enfants nés hors mariage et favorisera l'intervention du beau-parent dans l'éducation des enfants au sein des familles recomposées. M. Arnaud Lepercq - Décomposées ! M. Bernard Birsinger - Toute cette nouvelle réalité de la famille, ce sont bien les individus qui la façonnent et c'est leur libre choix. Il n'appartient pas au législateur de juger de la façon dont les couples conçoivent leur union. C'est pourtant la situation que nous connaissons aujourd'hui où, par défaut, la loi pénalise ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier. Certains, à droite, affirment que le pacte civil de solidarité remettrait en cause la politique familiale (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Nous aurions bien aimé que ces personnes aient eu autant à coeur l'intérêt des enfants et les familles lorsqu'elles ont diminué l'allocation de rentrée scolaire (Vives protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). M. François Vannson - On a honte d'être Français en entendant cela ! M. Bernard Birsinger - Pour s'épanouir pleinement, les individus, et particulièrement les enfants, ont besoin d'un cadre familial protecteur. En ouvrant des droits nouveaux, le Pacs renforce les liens sociaux. En étendant la couverture sociale à un partenaire lié par un Pacs, en modifiant le code du travail pour octroyer des jours de congé à l'occasion d'événements familiaux, en prévoyant une imposition commune, en apportant des garanties sur le droit de bail, en organisant les droits de mutation et les abattements afférents, en affirmant une priorité de mutation pour le partenaire membre de la fonction publique séparé pour des raisons professionnelles, le pacte civil de solidarité est un outil de cohésion pour les familles, pour les enfants, pour la société dans son ensemble. Il favorise une politique familiale prenant en compte les contours contemporains de la famille. Qui peut sérieusement croire qu'avec le Pacs la France s'achemine vers l'effondrement de ses institutions fondamentales, de la famille ? Plusieurs députés UDF - Nous ! M. Bernard Birsinger - Il suffit de regarder du côté des pays qui ont déjà adopté des législations similaires et où l'on continue de se marier et d'avoir des enfants. Il en sera de même dans notre pays. A droite, beaucoup font semblant de s'émouvoir en ramenant le Pacs à un mariage bis. Je leur rappelle que le mariage est une institution, qu'il mobilise 167 articles du code civil, alors que le Pacs ne propose d'en créer qu'un. Le Pacs est un contrat de solidarité entre deux personnes et un cadre juridique inédit avec de nouveaux droits et des obligations. Pour un être de bonne foi, toute confusion est impossible. Mais, et c'est peut-être là où le bât blesse, c'est aussi une reconnaissance sociale des couples qui ne souhaitent ou ne peuvent pas se marier. C'est pourquoi nous sommes contre l'idée d'ouvrir le bénéfice du pacte aux fratries. Bien sûr, il y a là un vrai problème sur lequel le législateur doit intervenir rapidement. Mais ce n'est pas le débat qui nous occupe aujourd'hui. Une telle disposition altérerait la nature et le symbole du texte initial. La gauche peut être fière d'instituer le Pacs. Mais elle doit assumer son projet. La loi doit éviter toute ambiguïté en affirmant clairement qu'un couple est formé de deux personnes, de sexe identique ou de sexes différents, unies par une communauté de toit et de lit. Par conséquent, comme le soulignait Madame la Garde des Sceaux "il faut exclure du Pacs toutes les relations potentiellement incestueuses". Nous osons croire que, le bon sens l'emportant, nos travaux supprimeront cette disposition. Je souhaite saluer particulièrement ceux, de plus en plus nombreux au fil des ans, qui se sont battus pour l'instauration d'un tel pacte. Nous pensons particulièrement aux homosexuels et à leurs associations qui ont su poser des questions pertinentes pour l'ensemble de la société. Plusieurs députés RPR - Démago ! M. Bernard Birsinger - Leur voix s'est amplifiée et ce projet est devenu le bien commun de millions de nos concitoyens. Leur détermination a mis en évidence la nécessité de mesures pour les couples non mariés. Cette dynamique a rencontré la volonté politique de la majorité de la gauche plurielle, d'ouvrir les grandes réformes que notre peuple attend. Et nous voilà aujourd'hui devant la responsabilité de faire entrer dans la vie de tous ce qu'une minorité a commencé à revendiquer au tournant des années 90 lorsque le sida entraînait des drames humains. Lors d'une récente réunion, organisée par le collectif du Parti communiste français ("Ah !" sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL), de lutte contre les discriminations liées à l'homosexualité,... M. Yves Nicolin - C'est vous qui les envoyiez au goulag ! M. Bernard Birsinger - ...un militant de la première heure appelait à mesurer le chemin parcouru en sept ans, depuis que l'idée d'un contrat d'union sociale a été énoncée. C'est bien la preuve que nul ne peut dire, au moment où commence à s'exprimer une exigence, ce qu'il en adviendra. Ce pacte concerne aussi les couples homosexuels. Ces derniers sont l'objet d'une des grandes hypocrisies de notre temps résumée par un "Cachez ces couples que nous ne saurions voir". Il faut surtout y voir la censure exercée par la société sur la vie privée d'individus. En l'absence de droits, la vie de couple de ces hommes et de ces femmes est réduite à la plus grande précarité, en matière de logement, de fiscalité, de travail, de couverture sociale, de droits au séjour pour les étrangers, d'héritage... En clin d'oeil à Georges Orwell, nous pourrions faire ce constat... M. Yves Nicolin - Vous l'avez suffisamment inspiré pour lui faire référence ! M. Bernard Birsinger - ..."tous les citoyens sont égaux, mais certains le sont moins que d'autres". Notre société a enfin acquis la maturité nécessaire pour mettre fin à cette hypocrisie. Ne gâchons pas cette opportunité de faire un nouveau pas vers l'égalité des droits. Malgré ses grandes avancées démocratiques, notre pays n'est pas encore un modèle de respect des individus. En matière de discriminations liées à l'homosexualité, le Parlement européen a adopté des textes demandant aux pays membres de hâter le pas. Je tiens à rappeler la résolution du 8 février 1994, reprise par le rapport sur le respect des droits de l'homme adopté le 17 février dernier auquel mon amie Aline Pailler a beaucoup contribué. Ce récent rapport "invite tous les Etats membres à reconnaître l'égalité des droits des homosexuels, notamment par l'instauration, là où ce n'est pas encore le cas, de contrats d'union civile visant à supprimer toute forme de discrimination dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit fiscal, de régimes patrimoniaux, de droits sociaux". Ce texte a pu être adopté grâce à la volonté des différents partis de la gauche européenne, mais aussi grâce au soutien de nombreux membres du groupe libéral. Nous invitons tous nos collègues à s'en inspirer. Parce qu'il contribue aux combats contre les discriminations, parce qu'il avance vers l'égalité des droits en ouvrant un cadre juridique nouveau, le pacte civil de solidarité renforce la cohésion de la société. La démarche des députés communistes n'a pas varié au fil des jours et des pressions. Cette démarche est celle qui nous avait poussés à déposer un texte de loi sur le droit des couples non mariés lors de la précédente législature, texte dont mon ami Georges Hage était le premier signataire (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste). Divers députés UDF, DL et RPR - Concluez maintenant ! C'est de l'obstruction ! M. Bernard Birsinger - C'est cette même démarche qui motive aujourd'hui notre soutien à la proposition initiale et qui explique notre satisfaction devant l'amendement déposé par le Gouvernement visant à rétablir l'ouverture de la qualité d'ayant droit d'assuré social. Mais c'est aussi cette démarche qui explique notre opposition à l'ouverture du Pacs aux fratries qui, si elle était définitivement adoptée, dénaturerait le sens premier de la loi. Assumons le débat de manière offensive, en faisant preuve de courage et de clarté. Pour ce qui nous concerne, un seul débat nous intéresse : celui de la fin des discriminations. Pour le mener à bien, il est sage d'éviter les dramatisations selon lesquelles les fondements de notre société seraient remis en cause comme les tentatives de fuir le débat. Enfin, c'est encore cette démarche qui explique nos amendements. Nous pensons qu'il convient d'écrire très clairement que le Pacs est ouvert aussi aux homosexuels. Nous félicitons donc la commission des lois d'avoir adopté notre amendement en ce sens. Notre commission a adopté un autre amendement visant à transférer vers les tribunaux d'instance le lieu de signature du Pacs. Cela montre bien que la préfecture n'est pas une solution satisfaisante. Depuis le début, nous pensons qu'il serait logique que le Pacs soit signé au service d'état civil de la mairie. M. Arnaud Lepercq - Jamais ! M. Bernard Birsinger - C'est là que sont déjà consignés tous les actes d'état civil importants et que sont déjà délivrés les certificats de vie commune et de concubinage. Si l'on veut aller vers la reconnaissance sociale des couples non mariés, il convient que le Pacs soit signé en mairie, l'institution la plus proche des habitants. Comme maire, je ne vois pas d'un très bon oeil que les compétences d'état civil clairement attribuées à la commune depuis 1792 lui soient aujourd'hui refusées. Il n'est jamais bon que le législateur ouvre la porte à la suspicion. Nous demanderons donc l'abandon des délais prévus avant l'accès aux dispositions énoncées pour les signataires d'un pacte civil de solidarité. Nous regrettons que trois de nos amendements à ce sujet aient été jugés irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution. Je pense en particulier au délai prévu avant de pouvoir bénéficier d'une imposition commune, mais aussi à tous les autres, qui laissent planer un doute malsain sur les motivations réelles des signataires du Pacs. Dans la nouvelle proposition de loi, ces délais ne s'appliquent plus pour le droit au bail ou encore lorsqu'un des partenaires est atteint à par une affection de longue durée. Il faut aller plus loin. Nous voulons ouvrir des droits nouveaux, ouvrons-les vraiment pour tous, tout de suite. Plusieurs députés UDF, DL et RPR - Il y a deux poids et deux mesures ! C'est de l'obstruction ! M. le Président - Je vous demande de conclure, Monsieur Birsinger. M. Bernard Birsinger - Pourquoi demander à deux personnes qui vivent déjà ensemble depuis plusieurs années, d'attendre encore deux ans pour bénéficier des droits ouverts par le Pacs ? Nous sommes aussi très sensibles à la situation des partenaires étrangers. Il faut des dispositions plus favorables en ouvrant très clairement un droit au séjour de ces étrangers dont la vie affective se situe ici et il faut aussi que, comme les gens mariés, ils puissent bénéficier du droit à un titre de séjour dès le pacte signé. Concernant les droits de mutation, le Pacs doit permettre l'égalité des droits avec les couples mariés. Il faut donc relever l'abattement sur les droits de succession à 400 000 F pour 1999, à 500 000 pour l'an 2000, et revoir à la baisse les barèmes d'imposition. Enfin, le Pacs doit encore élargir son champ à d'autres mesures destinées à garantir la stabilité sociale de ses signataires. Certaines peuvent être prises dès aujourd'hui, comme l'attribution de la pension de réversion au partenaire survivant. Je regrette que l'amendement que nous avions déposé en ce sens ait été jugé irrecevable. Mais nous demeurons persuadés que, lorsque le Pacs sera devenu le bien commun de millions de personnes, il conviendra de revoir les modalités d'attribution et de calcul de nombreuses prestations sociales. L'année où nous célébrons le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, il est hautement symbolique que notre Assemblée examine un texte qui va faire progresser à la fois le droit à la différence et l'égalité des droits. Parce qu'il va ouvrir des droits nouveaux... M. Yves Nicolin - Et les droits de l'opposition ? M. Bernard Birsinger - ...et des améliorations concrètes dans la vie de tous les jours, le pacte civil de solidarité est une contribution vivante à cet anniversaire. La Déclaration débute par ce considérant : "La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine, et de leurs droits égaux et inaliénables, constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde". A mon sens, il n'y a pas d'enjeu plus moderne ; et c'est bien celui d'aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Bravo ! M. le Président - J'ai cru comprendre que la proposition que j'ai formulée tout à l'heure ne recueillait pas l'assentiment de tous les groupes. Pour ne pas compliquer les choses, je la retire. Cependant, M. Douste-Blazy a sollicité une suspension de séance. Je la lui accorde pour cinq ou dix minutes (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). La séance, suspendue à 16 heures 30, est reprise à 16 heures 50. M. Henri Plagnol - A ce stade de notre débat, demandons-nous comment nous en sommes arrivés à un tel spectacle, pour ne pas dire un tel gâchis, désastreux pour l'image de notre Assemblée mais aussi, beaucoup plus grave, pour la cause des familles. La sérénité, qui serait pourtant nécessaire lorsqu'on prétend réformer le droit des personnes et des couples et remettre en cause les fondements mêmes de notre code civil, n'est plus réunie. Pourquoi un tel acharnement de la part de la majorité au point qu'elle a créé en l'espace de trois semaines deux précédents lourds de conséquences pour les travaux de l'Assemblée ? Vous avez tout d'abord pris le risque de redéposer une proposition de loi quasiment identique à celle qui a été rejetée le 9 octobre, après avoir été déclarée irrecevable. Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Ce n'est pas la même ! M. Henri Plagnol - Deuxième précédent qui trahit l'affolement... M. François Goulard - Le désarroi ! M. Henri Plagnol - ...dans les rangs de ceux qui s'acharnent à nous proposer ce texte : l'interruption brutale de notre collègue Jean-Claude Lenoir dans sa défense de la question préalable avec, plus grave encore, la remise en question d'une décision de la Conférence des présidents. Pourquoi ce passage en force ? Pourquoi cette méthode qui va à l'encontre de la fameuse méthode Jospin... M. Patrick Sève - C'est la méthode Boutin ! M. Henri Plagnol - Méthode Jospin qui est de se donner le temps d'expliquer les réformes, de prendre le temps nécessaire et d'assumer les contradictions (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Pourquoi alors sur ce texte un tel acharnement idéologique ? Avec au final, la dégradation de l'image de notre Assemblée et surtout, plus grave, la division des Français sur un sujet qui, depuis la Libération, les rassemblait : la cause des familles et la conception même des fondements de la société (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En ce moment même, des dizaines de milliers de familles ("Des centaines de milliers" sur les bancs du groupe UDF), inquiètes de votre texte, défilent dans la rue... Un député socialiste - Aux côtés du Front national. M. Henri Plagnol - Malgré cela, vous cherchez toujours à escamoter le débat. Pourquoi un tel écart entre la présentation pateline, humble, paisible, consensuelle, presque clandestine (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) de ce projet par le Gouvernement et la réalité ? Souvenez-vous de M. Jospin s'étonnant sur France 2, le 8 octobre dernier, que l'opposition ose même s'exprimer sur ce texte et expliquant qu'il s'agissait d'une adaptation mineure de notre droit, indispensable pour tenir compte des évolutions de la société. M. Bernard Accoyer - Quelle ne fut pas sa déconvenue le lendemain ? M. Henri Plagnol - Je ne comprends pas, ajoutait-il que l'opposition prenne le risque de se "ringardiser". Trois semaines plus tard, où en sommes-nous ? Vous avez accumulé les irrégularités de procédure (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et c'est vous qui êtes intolérants (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Pourquoi ? Tout simplement parce que le contenu de ce texte n'a rien à voir avec la présentation qu'en ont faite le Gouvernement et sa majorité, à l'exception d'ailleurs des rapporteurs et des promoteurs du texte qui, eux, sont sincères et ont toujours dit qu'il s'agissait d'un premier pas vers un bouleversement total de la conception du mariage et de la famille dans notre pays (Dénégation de M. Bloche, rapporteur). Permettez-moi de citer "La Manche libre" où M. Jean-Pierre Michel, dont je salue le courage et la sincérité -il dit, lui, la vérité-, s'entretenant avec moi, déclarait qu'il ne voyait personnellement aucune objection à ce que des couples homosexuels adoptent et élèvent des enfants. Fort cultivé, M. Michel cite même Claude Lévi-Strauss, invoquant le modèle des sociétés traditionnelles anté-chrétiennes "dans lesquelles le tabou de l'inceste et le refus de l'éducation par des parents homosexuels n'existent pas". Un député socialiste - Heureusement qu'il y a Irène ! M. Henri Plagnol - Le Gouvernement et la majorité n'ont pas eu le courage de M. Michel et ont tu la vérité aux Français. Et c'est parce qu'elle commence de transparaître que vous avez voulu escamoter le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Poussons l'analyse plus avant. Pacs, pacte civil de solidarité. Un pacte est en principe une convention durable. Or rien ne sera plus facilement révocable que le Pacs, auquel il sera possible de mettre fin par simple lettre recommandée avec préavis de trois mois. "Civil" pour le juriste que je suis signifie qui a trait au droit des personnes. Les dispositions du Pacs figureront d'ailleurs au titre premier du Code civil. Pourquoi prétendre alors qu'il s'agit d'un banal contrat de vie commune ? On y perd son latin. Enfin, on ajoute à ce jargon, "solidarité". Comment, de façon cohérente, prétendre mêler une logique matrimoniale et une logique de solidarité ? Certes, cela fait bien. Ouvrir de nouveaux droits, briser les solitudes, aller vers plus de fraternité : qui pourrait s'y opposer ? Mais je ne vois toujours pas ce qu'est le pacte civil de solidarité. Alors j'ai lu le texte de la proposition. J'y ai vu que vous prétendrez assujettir au même statut juridique et civil tous les couples. "couple" étant entendu comme s'il s'agissait d'une paire d'électrons libres puisque, pour vous, un couple peut être formé par deux personnes n'ayant entre elles aucun lien sentimental ou sexuel. Tous les couples sont ainsi enfermés dans la même boîte avec la même contrainte juridique et fiscale. Est-il légitime que le législateur, pour la première fois dans l'histoire de notre droit, prétende décider, à la place des personnes de ce que seront les conséquences de leurs choix de vie privée ? Que deux personnes décident de vivre ensemble ne regarde pas le législateur. C'est une démarche qui relève du contrat. Il n'est pas admissible pour le législateur, pour des raisons idéologiques, prétendre assujettir tous les couples aux mêmes droits et aux mêmes devoirs. M. Jacques Floch - Alors supprimons le mariage ! M. Henri Plagnol - Il n'existe que trois fondements à l'intervention du législateur : l'intérêt éminent qu'a la société à encourager la stabilité, la protection du plus faible, l'accueil de l'enfant si le couple décide de l'avoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Qu'en est-il du Pacs au regard de ces trois principes ? D'abord, loin de favoriser la stabilité du couple, il fait exactement le contraire. Il ne créera pas de nouvelles solidarités, mais il aggravera la tendance de la société à l'atomisation. Déjà nous mesurons dans nos circonscriptions les conséquences de la décomposition de la famille. Or le Pacs repose sur le bon plaisir de chacun de ses signataires, sur leur libre arbitre. Aucune contrainte ne freine une éventuelle dissolution. Même la condition de résidence commune ne figure pas dans le texte. Toutes sortes d'abus et de fraudes deviennent ainsi possibles. Rien n'est dit des conséquences d'une éventuelle séparation. Avec la majorité, bonjour les dégâts si la vie de couple devient difficile ! De quel recours disposera le partenaire le plus faible en cas de rupture ? Le Pacs, en fait, c'est la loi du plus fort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) Il est étonnant de voir une majorité qui a coutume de dénoncer les méfaits de l'ultralibéralisme adopter une législation qui tend à installer un supermarché de la famille : le consommateur sera roi pour choisir au bazar de la famille le produit qui lui convient ! Le mieux armé gagnera à l'arrivée (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). M. le Président - Veuillez conclure ! M. Henri Plagnol - Je sais que la présidence a l'habitude d'interrompre les orateurs ! M. le Président - Je fais respecter le Règlement ! M. Henri Plagnol - Notre collègue Lenoir n'a pas pu aller au fond de son argumentation sans prétendre l'égaler, je voudrais compléter son propos. Troisième fondement du législateur à intervenir, et c'est là que votre imposture est la plus grave, toute la législation sur le mariage est conçue en vue de l'accueil et de l'épanouissement de l'enfant. Or Mme Guigou a prétendu mardi dernier que l'on pouvait légiférer sur le couple indépendamment de la famille. Qui pourrait le croire ? Les millions de couples potentiellement concernés par le Pacs ont ou auront des enfants. Comment séparer la législation sur le couple et la législation sur la famille ? Cela n'a pas de sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) Vous présentez le Pacs comme un contrat entre deux adultes. Or rien n'est plus fragile qu'un couple. En cas de désaccord, des couples devront-ils aller devant le juge de la famille, devant le juge du contrat ? Imaginez les conséquences désastreuses pour les enfants ! Et comment, puisque tous les couples sont placés sur un pied d'égalité, refuser à certains d'entre aux la possibilité d'adopter et d'élever des enfants ? C'est impensable ! Je conclus ("Ah !" sur les bancs du groupe socialiste) Ce texte n'est pas ce que la majorité et le Gouvernement prétendent. Le Pacs met en cause les fondements de notre droit civil. Parce que le débat a fait progressivement apparaître le profond décalage entre l'exposé des motifs et la réalité du texte, parce que les familles prennent de mieux en mieux conscience de ce dont il s'agit, on constate des réactions grandissantes d'intolérance, ainsi que des atteintes aux droits de l'Assemblée et à la Constitution. Parce que le Pacs n'est pas cette réponse pragmatique et modeste aux difficultés que rencontrent certains couples, y compris homosexuels, et que nous aurions pu résoudre par un débat serein, parce que le Pacs aura des conséquences graves sur les couples et sur la société, que le groupe UDF votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). M. Georges Sarre - Monsieur Plagnol, si nous parlions du Pacs et du texte ? Celui-ci tend à organiser les relations de celles et de ceux qui vivent ensemble sans vouloir ou pouvoir se marier. Ce n'est pas étonnant ; ce qui l'est, c'est que le législateur ne s'en soit guère soucié jusqu'à présent. Il s'agit de définir des règles simples et pratiques pour en finir avec des tracasseries et améliorer la vie quotidienne des cohabitants en matière de logement, de droits sociaux et de succession. Ce texte sage réaffirme le principe selon lequel la République distingue sphère publique et sphère privée. Chacun est libre de conduire sa vie comme il l'entend, mais la loi doit garantir l'égalité là où le préjugé a imposé l'inégalité (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Georges Hage - Vive Cambacérès ! M. Georges Sarre - Il ne s'agit pas de porter un jugement sur des modes de vie, mais de constater que ces hommes et ces femmes qui vivent ensemble, qu'ils soient concubins ou homosexuels, rencontrent quotidiennement les mêmes tracasseries : comment acheter ou louer ensemble un appartement, comment répondre ensemble des dettes communes, comment disposer l'un envers l'autre de sa succession. Le Pacs tend à répondre pratiquement à ces questions pratiques sans porter de jugement sur un choix de vie. C'est un regard laïque, capable de distinguer ce qui relève du privé et ce qui relève de la vie publique. Et lorsque les frères et soeurs vivant ensemble rencontrent les mêmes difficultés pratiques, je ne vois qu'avantage à ce qu'un même texte y réponde. Le Mouvement des Citoyens, en initiant cette proposition dès 1993, a d'abord voulu entendre l'évolution de la société -car la situation actuelle du droit ne permet pas, quoiqu'on en dise, de prendre en compte les difficultés que rencontrent les personnes ayant un projet de vie commun, même si des avancées ont été enregistrées en 1993. Cette démarche répond pour nous à un défi : l'idée républicaine est-elle capable de prendre en compte ces problèmes nouveaux et de répondre à ces situations sans sombrer dans le communautarisme, sans rédiger des textes pour telle minorité ou lobby, mais en légiférant pour la société tout entière ? Si la République n'était pas en mesure de combattre ces préjugés, craignons que, pour beaucoup, le communautarisme dissolvant ne soit plus que le seul recours. C'est fort heureusement une autre voie qui nous est proposée. D'abord, mettons fin aux tracasseries que rencontrent de nombreux couples. Si le nombre des unions hors mariage va croissant, si la part des naissances hors mariage grandit, le législateur peut-il se désintéresser des couples de fait ? Ne faut-il pas mettre ces couples à l'abri des situations inextricables, leur garantir une sécurité juridique pour le logement, la fiscalité, mais aussi en cas de décès de l'un des cohabitants ? Le Pacs comprend un ensemble indissociable de droits et de devoirs : il faudra répondre solidairement des dettes, l'imposition commune sera la règle ; mais le droit au bail commun, les successions, le droit au rapprochement de conjoint seront grandement facilités. Faire cela, ce n'est pas amoindrir la famille, c'est la renforcer. Nous devons compter en effet avec des centaines de milliers de familles non mariées, avec deux millions d'enfants nés hors mariage. Tout ce qui peut stabiliser ces ménages sera bon pour les familles et pour les enfants. Le Pacs est à mes yeux un élément d'une politique familiale moderne (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Vous savez que mes amis et moi étions hostiles au plafonnement des allocations familiales, que nous nous sommes prononcés franchement pour une politique active favorisant les naissances, afin que le renouvellement des générations soit assuré. La préoccupation de la démographie ne doit jamais être étrangère à un citoyen soucieux de l'avenir de la République. Or le Pacs, loin de s'opposer à cette perspective, y contribue en stabilisant les couples non mariés. Je ne veux pas faire semblant de passer sous silence les couples homosexuels qui sont, au premier titre, concernés par ce projet (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)... M. François Vannson - Et les animaux de compagnie ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) M. le Président - Essayons de garder au débat le niveau qui convient ! M. Georges Sarre - La représentation populaire a parfois des ratés ! Les couples homosexuels, disais-je, n'ont pas attendu le Pacs pour exister. Alors, Monsieur l'interpellateur, pourquoi le préjugé a-t-il jusqu'à ce jour empêché le législateur de le reconnaître ? Pourquoi accepter plus longtemps qu'à la mort de l'un, l'autre puisse être exclu de la succession, chassé de l'appartement loué en commun ? La loi n'a-t-elle pas le devoir de rétablir l'égalité entre les citoyens, quelles que soient leur préférence affective ? M. Jean-Paul Charié - Il n'y a pas besoin de Pacs pour cela ! M. Georges Sarre - Cette proposition accordera à nos concitoyens homosexuels la reconnaissance de ce qu'ils sont, et l'égalité en droit dès lors qu'ils veulent vivre à deux. Le législateur n'a pas à porter de jugement, sur ce qui est un fait de nature, et non un choix ; il doit en revanche installer l'égalité contre le préjugé. Le Pacs ne portera pas atteinte à la famille traditionnelle, et j'ai le pressentiment qu'il n'empêchera pas un seul mariage, car les choses sont tout à fait différentes : d'un côté, la fondation d'une famille, la transmission du nom, la filiation ; de l'autre un contrat pratique et la reconnaissance du droit à conclure ce contrat. C'est par un excès de polémique qu'on a voulu déformer le débat sur le Pacs. Mais nos concitoyens sont plus réalistes que les polémistes. Ils savent bien qu'il faut répondre en droit à des situations de fait. Notre jeunesse a besoin de repères (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Nous ne les trouverons pas dans la nostalgie de l'âge d'or, mais en sachant décliner aujourd'hui des règles de solidarité entre adultes qui ont choisi de vivre ensemble, d'égalité entre tous les citoyens, avec des garanties pour les enfants. M. le Président - Il faudrait conclure. M. Georges Sarre - Je termine. La question de l'adoption a été soulevée, alors qu'elle ne figure nullement dans le projet. Et pour cause, car personne n'a un "droit à l'adoption". C'est le seul intérêt de l'enfant qui doit prévaloir. Je veux bien admettre qu'il y ait des situations particulières mais qu'un enfant ait un père et une mère ne me semble ni infondé, ni réactionnaire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe UDF) Fort loin des caricatures qu'on a faites parfois, ce projet apporte davantage de solidarité, davantage de stabilité, dans une société de plus en plus compétitive, mobile et agressive. Le Pacs stabilisera les unions et les cohabitations au regard du droit. Il traduira une évolution sociale indéniable. Mes chers collègues, je vous donne volontiers rendez-vous dans quelque temps : loin de déplorer l'apocalypse, nous pourrons nous réjouir d'avoir résolu, par des moyens conformes à notre tradition républicaine, les difficultés concrètes de beaucoup de nos concitoyens, et d'avoir fait progresser la vraie tolérance qui n'est pas l'indifférence mais l'amour de l'égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste) M. Dominique Dord - Malgré le climat désastreux et les événements inadmissibles de ce matin, la position de notre groupe n'a pas varié. Les libéraux n'ont jamais essayé de figer le droit, ils ont au contraire le souci de l'adapter à l'évolution des moeurs -et nous nous plaçons dans cette ligne. Encore faut-il s'interroger sur les moeurs en question. Le premier constat que l'on peut faire, avec M. Sarre, c'est l'affaiblissement de la famille et du mariage : et il aurait été bon d'accorder la priorité à la revalorisation du mariage et de la famille, car notre société a besoin de stabilité et de fécondité. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF) On constate ensuite un développement des relations hors mariage -concubinage et union libre, et nous sommes d'accord pour prendre en compte cette évolution. Non pour ce qui concerne la régularisation de l'immigration clandestine, mais pour la sécurité sociale, le logement, le droit au travail, la fiscalité des successions, voire la réversion qui ne figure pas dans votre projet. Troisième évolution : l'émergence du fait homosexuel. Ne vous en déplaise, nous ne sommes pas fermés à toute adaptation du droit de la sécurité sociale et du logement, voire de la fiscalité des successions, mais nous restons résolument hostiles à la régularisation de l'immigration clandestine par ce biais. Je ne sais si face à ces trois évolutions nous sommes des conservateurs, des obscurantistes, mais tel n'est pas mon sentiment intime. Tout autant que vous, nous sommes soucieux de faire évoluer le droit, et si vous caricaturez si volontiers nos positions, c'est parce que vous poursuivez, en réalité, un tout autre but : introduire dans le droit de la famille un contrat d'un type nouveau. Nous pensons que cela n'est pas nécessaire, et que cela conduit même à une double impasse : les hétérosexuels, ainsi que l'a expliqué Henri Plagnol, s'apercevront, en cas de dissolution du Pacs, que ce dernier n'était nullement protecteur pour le contractant le plus fragile et le plus exposé, et que la société les a donc trompés (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe RPR et du groupe UDF) ; pour les homosexuels, je rends hommage à Jean-Pierre Michel d'avoir reconnu honnêtement que le Pacs ouvrait la voie à une nouvelle étape, à savoir le droit à l'adoption et à la PMA. Nos craintes sur ce sujet ne sont pas, comme l'a dit Mme Guigou, des fantasmes, mais reposent sur les conséquences qu'aura l'instauration du Pacs sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Madame la Garde des Sceaux, je vous propose, non un pacte, encore moins un Pacs (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; Mme Guigou, Garde des Sceaux, manifeste un sentiment de surprise alarmée), mais un défi et un pari : si vous voulez rassembler les Français, abandonnez le principe du contrat en faveur d'une simple attestation devant notaire et contentez-vous d'adapter le droit du logement, de la sécurité sociale, etc. Si, comme je le crains, vous vous obstinez, nous voterons naturellement contre la proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe RPR et du groupe UDF) M. le Président - Je vous remercie, mon cher collègue, d'avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole. M. Jacques Floch - A chaque fois qu'il est nécessaire d'adapter nos lois ou nos institutions à la réalité de notre société, nous autres Français ne savons que faire pour transformer un débat raisonnable en une sorte de guerre civile, tant certains, aux arguments, préfèrent l'anathème (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Rappelons-nous plutôt ce qu'était la vie de couple à la fin du siècle dernier : vers 1880, 40 % des couples issus de la classe ouvrière n'étaient pas mariés, et en milieu rural le mariage n'avait de sens que s'il y avait quelques biens à partager (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Quant au mariage bourgeois, Léon Blum l'a fort bien décrit en 1907 : "un peu arrangé, un peu consenti". La guerre de 1914 a fait évoluer considérablement la condition féminine : les femmes travaillant aux champs, à l'usine ou au bureau ont commencé de prendre quelque indépendance, et les concubines de combattants avaient les mêmes droits que les épouses ! Pendant cinquante ans, toutefois, il n'y eut que quelques avancées et beaucoup de retours en arrière : la loi scélérate de 1920, la longue attente jusqu'aux années 1945 pour le droit de vote (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), jusqu'aux années 1960 pour la contraception, jusqu'aux années 1970 pour le divorce par consentement mutuel et l'IVG. Pour qui légiférons-nous ? Pour quelques privilégiés des beaux quartiers ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Non : pour près de cinq millions de nos concitoyens, qui représentent, avec leurs enfants et leurs ascendants directs, près du quart de la population ! Nous aurons quelque difficulté à éviter le conflit sur cette question de société. Aussi puis-je, comme d'autres, ouvrir les hostilités en rappelant les arguments les plus sectaires, les plus injustes, les plus stupides que les intégristes de tous bords ont prononcés dans cet hémicycle au cours des précédents grands débats de société (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La contraception, courageusement défendue à droite par Lucien Neuwirth et adoptée à l'aide de la gauche, était "le dévergondage des épouses et des filles, l'acte sexuel banalisé" ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Le divorce par consentement mutuel, voulu par Valéry Giscard d'Estaing et Jean Lecanuet et voté avec l'appui de la gauche (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), devait "assurer la destruction de la famille, l'épouse dévergondée par l'usage de la pilule n'étant plus soumise à son mari" ! Mais c'est dans le débat sur l'IVG qu'ont été atteints les sommets de la bêtise, de la malveillance et de l'insulte, jusqu'à faire pleurer une femme forte et digne, Simone Veil (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), qui obtint néanmoins gain de gauche grâce au concours des forces de gauche tout entières (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). En relisant les brochures, libelles et cartes anonymes que, comme chacun d'entre vous, je reçois depuis plusieurs semaines, j'ai l'impression que si cette droite extrême revenait par malheur au pouvoir, elle nous inventerait un ordre moral furieux (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il ne faut pas confondre, en effet, la morale privée et l'organisation de la société. S'il n'est pas choquant que les représentants des Eglises donnent leur point de vue, ils n'ont pas à nous dicter notre conduite ni notre vote. Nous souhaitons le débat, mais il ne faut ni se tromper de débat ni mentir (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Or l'on ment lorsque l'on dit que le Pacs est mis sur le même pied que le mariage : si nous l'avions voulu ainsi, un seul article aurait suffi. On ment aussi quand on dit que le Pacs porte atteinte à la famille, car de quelle famille parle-t-on ? La famille, c'est une mère, un père, mariés ou non, mais aussi des enfants et des grands-parents. On ment lorsque l'on parle du seul couple marié sous couvert de parler de la famille (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). On ment aussi quand l'on dit qu'il suffirait de modifier quelques dispositions fiscales, en les étendant éventuellement, dans un mouvement de grande générosité, aux homosexuels : c'est la voie que Jacques Toubon avait voulu emprunter il y a trois ans à la demande de certains d'entre vous, pensant régler le problème avec un article par-ci par là la pseudo-morale bourgeoise aurait été sauve... (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Mais, comme l'a reconnu Jean-François Mattei, qui mérite souvent d'être écouté sur les problèmes de société, la droite n'a pas "fait ce qu'il fallait"... Le Pacs n'a rien à voir avec la filiation, l'adoption ou la procréation : c'est un contrat librement conclu par ceux qui veulent partager une vie commune et met un terme à des inégalités injustes et perturbantes pour la société tout entière. L'Etat doit-il s'en mêler ? Je le crois car ce ne sont pas à des associations, à des partis, à des Eglises de dire le droit. C'est à nous que cela revient ici à l'Assemblée et à nuls autres (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Des associations, parfois issues du monde sectaire... (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) dicteraient leur morale et le législateur resterait muet au nom de la neutralité de l'Etat ! La proposition de loi présentée par nos collègues Jean-Pierre Michel et Patrick Bloche est un texte équilibré (Mêmes mouvements), loin d'être le monstre juridique décrit par certains. Il faut maintenant faire un travail constructif... M. Yves Nicolin - Pas avec nous ! M. Jacques Floch - ..en évoquant les fratries ainsi que l'élargissement du Pacs à ceux qui vivent ensemble sans relation affective. Il faut travailler à améliorer ce texte qui, s'il a pour origine le débat initié par des associations d'homosexuels, porte aujourd'hui une ambition bien plus large que celle de régler des problèmes particuliers, si importants soient-ils. Mes chers collègues, vous voterez ce texte car, au-delà du symbole, il crée un nouvel espace de liberté dans notre société qui en est de plus en plus avare. Vous voterez ce texte, même s'il vous inquiète un tant soit peu (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) parce qu'ainsi vous renforcerez le mariage qui, aiguillonné par le Pacs, retrouvera toute son exigence. M. le Président - Pour Mme Boisseau qui me désignait sa montre, je précise que l'orateur qui vient de s'exprimer a parlé très exactement 10 minutes et 30 secondes. M. Bernard Accoyer - "J'ai appris avec effroi la loi qui sera votée, j'ai quinze ans et je suis en classe de seconde (Exclamations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). N'oubliez pas que vous les députés serez responsables du malheur des enfants ayant pour parents deux hommes ou deux femmes... (Protestations sur les mêmes bancs) et du mal-être d'un enfant privé d'un père ou d'une mère qui, légalement, rompront leur contrat d'union à durée limitée. Notre avenir est entre vos mains, mais je sais qu'une personne qui est député est quelqu'un de sage qui jamais ne voterait une telle loi. Pouvez-vous s'il vous plaît, lire cette lettre en conservant mon anonymat (Exclamations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV) à l'Assemblée nationale. Je compte sur vous" (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR, et du groupe DL). J'ai choisi cette lettre parmi les quelque 956 courriers que j'ai reçus à ce jour (Exclamations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). Jamais d'ailleurs, depuis que je remplis mon mandat, je n'ai eu le sentiment d'exprimer une conviction aussi forte et aussi majoritairement ressentie. Cette lettre que je viens de vous lire, va à l'essentiel, c'est-à-dire à l'aboutissement logique du Pacs, déjà annoncé par son principal promoteur M. Jean-Pierre Michel, l'adoption. Il ne faut pas prendre cela à la légère. En Grande-Bretagne, la première adoption d'un enfant par un homosexuel a eu lieu en 1996. Aux Etats-Unis, certains Etats, en particulier la Californie, l'autorisent également. "La famille telle qu'on la conçoit en Europe n'existe plus aujourd'hui en Californie. Dans ce gigantesque laboratoire, c'est peut-être la société de demain qui éclôt à moins qu'il s'agisse de l'illusion la plus folle et la plus destructrice de cette fin de siècle". Je n'ai pas extrait cette citation d'une feuille sectaire mais du magazine Marianne daté du 7 octobre. Cette proposition de loi touche aux fondements mêmes de notre société en créant une institution, concurrente du mariage, dans laquelle les plus faibles ne bénéficient d'aucune protection. La femme peut être répudiée par simple lettre recommandée ("Pourquoi seulement la femme ?" sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) et l'enfant n'est même pas évoqué dans le texte. Pourquoi notre Assemblée débat-elle d'une question de société aussi fondamentale dans la précipitation, sous la pression d'un ordre du jour surchargé ? Pourquoi, contrairement à l'usage, les commissions compétentes n'ont-elles auditionné aucun expert, ni pédopsychiatre, ni philosophe, ni sociologue, ni, a fortiori, représentant des associations familiales ? Pourquoi le rapporteur a-t-il choisi d'entendre, seul, 10 associations homosexuelles...(Mme la présidente de la commission des lois proteste) parmi 19 auditions personnelles dont nous n'avons même pas le compte rendu ? Si je regrette cette opacité, ce n'est pas pour contester quelques choix de vie que ce soient. Certaines situations pouvaient être améliorées par des dispositions fiscales et sociales simples qu'avaient proposées le RPR notamment lors de la discussion de la loi de finances. De même le Président de la République a déclaré devant l'assemblée générale de l'UNAF : "Quand le don de vie est exclu, pourquoi le législateur croit-il étendre des règles qui n'ont, en réalité, été posées que dans l'intérêt de l'enfant ? Il faut prendre en compte certaines situations douloureuses. Elles peuvent être traitées autrement que par une imitation des règles du mariage, sans affaiblir la loi commune". En effet, il n'était nullement besoin de révolutionner le code civil. Derrière le cheminement tortueux et surréaliste de ce texte, il y a la volonté de masquer son objet en prétendant qu'il étend les droits des couples de concubins de sexe différent alors qu'il s'agit, en vérité, d'accorder des avantages substantiels aux couples homosexuels. Ces avantages sont fiscaux, sociaux et accordés aux étrangers voulant séjourner en France ou obtenir la nationalité française. Le Pacs sera une aubaine matérielle et migratoire ! Tout cela sera financé, pour un montant de 8 milliards -presque deux fois le coût de la diminution du quotient familial- par les personnes isolées et les familles. Et pourquoi veuves, veufs, mères seules et célibataires, pourquoi ces personnes ne verraient-elles pas, elles aussi, leur solitude compensée par des avantages fiscaux ? Pourtant, ainsi que le remarquait une avocate dans Libération, l'INSEE nous apprend qu'un couple n'a besoin que d'une fois et demie le revenu d'un célibataire pour atteindre le même niveau de vie. Ainsi, continuait-elle, on verra d'un côté les personnes qui s'entraident pour améliorer leur confort, gratifiées par la République, et, de l'autre, les isolés, les abandonnés. Il y a bien une farce et des dindons, drôle d'égalité, concluait-elle. En fait, si les personnes seules ne se voient pas accorder des avantages fiscaux, c'est que l'Etat a naturellement vocation à privilégier les couples hétérosexuels, mariés ou non, qui, seuls, peuvent assurer le renouvellement des générations. L'Etat n'a évidemment pas le même devoir envers les couples homosexuels et les personnes isolées mais certains lobbies sont manifestement plus influents auprès de l'actuelle majorité que d'autres... Le Gouvernement se livre aujourd'hui à une inversion coupable des priorités (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). J'ai donc déposé plusieurs amendements démontrant les effets pervers (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) de ce texte auquel je m'opposerai avec détermination (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et plusieurs bancs du groupe UDF). M. Patrick Braouezec - Aucune bataille de procédure, aucun combat d'arrière-garde ne pourra empêcher que la volonté d'une majorité de nos concitoyens devienne la loi (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Il y aura sans doute encore des manoeuvres d'obstruction mais sachez que le Pacs passera... M. Thierry Mariani - Trépassera ! M. Patrick Braouezec - ...et que vous pouvez compter sur les communistes pour cela (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste). Nous sommes toutefois opposés à l'introduction des fratries dans ce texte car cela accentue la confusion de nos débats. Leur situation mérite d'être examinée mais pas dans une discussion consacrée aux couples non mariés ayant un projet commun de vie. De même les délais nécessaires pour l'ouverture des droits, en contradiction avec l'exposé des motifs, laissent perdurer une discrimination injustifiable. Cette confusion va à l'encontre de la nécessité de dépassionner ce débat. C'est regrettable car ce texte de liberté, qui fait reculer des discriminations sans léser personne, devrait être voté par une large majorité de députés qui aspirent à officialiser et donc à renforcer les liens entre les individus. Le pacte civil de solidarité représente un progrès. En donnant accès à de nouvelles formes de solidarité, on ne déstructure pas la société et encore moins la famille, on la renforce. On comprend mal alors qu'une grande partie de l'opposition s'enferme elle-même dans des arguments jusqu'auboutistes, "jusqu'auboutinistes" (Rires sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV ; interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; Mme Boutin proteste). Je respecte les convictions religieuses de Mme Boutin. Mais ces valeurs personnelles ne peuvent inspirer l'organisation de la société. Les adversaires les plus farouches de ce texte convoquent la nature et des vérités biologiques au secours d'un idéal. Cela est plus que suspect (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Pourtant, la lecture des historiens de la vie privée et des ethnologues nous enseigne le relativisme de ces modèles prétendument naturels. Mme Christine Boutin - Dépassé ! M. Patrick Braouezec - La famille idéale n'existe pas. Il n'appartient pas au législateur d'imposer un modèle de couple. Respectueux des libertés individuelles, le Pacs va permettre de mettre fin au retard de notre droit sur l'évolution des moeurs. Mme Christine Boutin - Passéiste ! Ringard ! M. Bernard Birsinger - Et vous, Kenneth Starr féminin ! M. le Président - Madame Boutin, je vous demande un petit peu de calme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). M. Patrick Braouezec - Avec le Pacs, il ne s'agit pas de poser l'homosexualité en norme, mais bien de reconnaître les couples homosexuels pour ce qu'ils sont et de tendre vers une plus grande égalité des droits. La reconnaissance de droits aux couples non mariés se fait au détriment de personne. En la refusant et en réclamant le maintien de discriminations à l'encontre des couples non mariés, les opposants au Pacs semblent ne pas croire eux-mêmes à la valeur de l'institution du mariage. Raisonnement bien curieux que le leur : un peu comme si l'on affirmait que l'Edit de Nantes combattait le catholicisme ou que le droit de vote aux femmes combattait le droit de vote aux hommes ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) En renforçant les liens de solidarité entre les personnes et l'Etat, nous sommes en réalité bien dans notre rôle de législateur. Ce rôle, nous devons l'assumer jusqu'au bout. Il ne faut donc pas, par exemple, que la conclusion d'un Pacs soit un simple élément d'appréciation, par les préfectures, des liens personnels en France des étrangers. Nous ne devons pas en cette affaire nous défausser de notre responsabilité sur les préfets, au risque de multiplier les contentieux et de favoriser l'inégalité de traitement sur le territoire. Dans le même esprit, il convient que le Pacs soit signé en mairie. L'Etat ne doit pas renoncer à son rôle d'application de la loi sur l'ensemble du territoire. Si certaines municipalités refusent d'appliquer la loi, cela doit donner lieu à poursuites. Et pour éviter que les aspirants à un Pacs ne fassent les frais d'un éventuel blocage, il suffirait d'introduire la possibilité d'une signature au tribunal d'instance en cas d'opposition de la commune de résidence. Ne soyons donc pas timorés et affichons notre détermination de voir reconnaître aux couples hétérosexuels et homosexuels leurs droits, tous leurs droits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV) Mme Marie-Thérèse Boisseau - Puisque vous nous rejoignez, Monsieur le ministre des finances, permettez-moi une question : combien va coûter le Pacs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) "La pérennité de la cité dépend de nous, de notre vigilance et de la conviction de chacun sur les choix fondamentaux masqués derrière les luttes des politiques ou des experts", écrivait Hannah Arendt. Nous sommes devant un de ces choix : véritable enjeu de société, le Pacs soulève des questions de fond qui tournent toutes autour de la notion de responsabilité. Celle de l'Etat, d'abord, qui doit assurer le fonctionnement harmonieux de la société. En offrant des droits sans imposer de devoirs, le Pacs risque d'accentuer les inégalités sociales. En fait, il va permettre au fort et au riche de profiter un peu plus du faible et du pauvre. La rupture d'un Pacs, décision unilatérale non motivée, ne sera rien d'autre qu'une répudiation. M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Mais non ! Mme Marie-Thérèse Boisseau - Le Pacs ne prévoit aucune réparation du préjudice moral subi. Il se contente de renvoyer les parties devant le juge. M. Yann Galut - Il ne sert donc à rien, le juge ? Mme Marie-Thérèse Boisseau - Il va ainsi légitimer la loi du plus fort. L'Etat se doit aussi de préparer l'avenir, ce qui implique de conforter les parents, qu'ils soient mariés ou concubins, et de protéger les enfants issus de leur union. L'Etat n'a pas le choix car une société sans enfants court à sa perte. Il est donc essentiel de distinguer, d'une part, les projets de mariage ou de concubinage pouvant entraîner l'arrivée d'enfants, d'autre part, les projets homosexuels ou simplement amicaux. La ligne de partage, ce sont les enfants. Autant il est nécessaire de légiférer pour protéger ceux-ci, autant l'Etat n'a pas à s'occuper des liens affectifs qui se tissent entre les personnes et ne relèvent que de la vie privée. Mais le refus de légiférer sur l'homosexualité n'est pas synonyme de condamnation. Nous faisons tous nôtre le principe d'égalité entre les personnes, ce qui ne signifie pas l'égalité entre les relations, sauf à tomber dans une interprétation purement individualiste des droits de l'homme aux dépens des droits de la société, interprétation qui risquerait d'ébranler profondément les fondements du droit. M. Bernard Roman - C'est incroyable ! Mme Marie-Thérèse Boisseau - Philippe Malaurie dit qu'il n'y a lieu ni de combattre les extraordinaires bouleversements des moeurs ni de les approuver, mais de les prendre pour ce qu'ils sont : du fait et non du droit. Or les auteurs de cette proposition de loi ont une position diamétralement opposée quand ils disent à qui veut l'entendre : "le fait fait le droit". C'est une affirmation lourde de conséquences. Jamais peut-être ne s'est exprimée avec tant de désinvolture l'exigence d'irresponsabilité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En d'autres termes, il n'y a plus de limites ! Il est vrai que dans le courant de ce siècle, l'acquisition d'indéniables avantages sociaux s'est doublée d'un sentiment de dilution générale de la responsabilité personnelle (Mêmes mouvements). Contrairement au mariage qui donne des droits mais impose aussi des devoirs envers les enfants, envers le conjoint et envers la société... M. Didier Boulaud - On s'en aperçoit tous les jours ! Mme Marie-Thérèse Boisseau - ...le Pacs admet que l'homme est un individu solitaire qui n'a guère à répondre de ses actes ou de ses désirs. Sourds au discours sur la limite, nous voici aujourd'hui capables de contourner des barrières hier réputées infranchissables. Mais ce temps de tous les possibles est aussi le temps du désarroi. J'ose espérer, pour ma part, qu'au milieu de tant de mots usés, celui de "responsabilité" continuera à nous interpeller et qu'il restera un point de repère pour nos enfants. Il s'agit de se confronter dignement à la question : qu'avons-nous reçu et qu'avons-nous donné ? Je répondrai : ce qu'une génération doit à l'autre, c'est la limite (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). M. Henri Plagnol - Nous sommes sensibles à l'arrivée inopinée du ministre des finances mais, quels que soient son talent et sa polyvalence, il ne saurait pallier l'absence de Mme la Garde des Sceaux. Dans la mesure où c'est elle qui nous présente ce projet... M. Didier Boulaud - C'est une proposition de loi ! M. Henri Plagnol - ...et qui va nous répondre,... M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois - Non. M. Henri Plagnon - ...je ne crois pas aberrant de demander qu'elle assiste à tout notre débat. Je demande donc une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Que vous vouliez faire durer votre débat, c'est votre affaire, mais l'argument ne tient pas car le Gouvernement est représenté, conformément au Règlement qui dispose que l'Assemblée ne siège pas hors la présence du Gouvernement. D'autre part, comme vous êtes très nombreux à vouloir vous exprimer sur le Pacs, j'en déduis que vous vous considérez tous comme compétents pour le faire. Souffrez donc que je le sois autant que vous ! M. le Président - Le seul qui pouvait se plaindre de l'absence de Mme la Garde des Sceaux est M. Guy Hascoët, qui ne le fait pas. M. Thierry Mariani - La suspension est de droit. M. le Président - S'il s'agit de réunir son groupe, demande qui n'a pas été formulée par M. Plagnol. M. Guy Hascoët - Nous nous réjouissons qu'un tel texte vienne enfin devant l'Assemblée nationale. Il n'est pas issu d'une simple revendication communautariste mais correspond à un profond mouvement social et à une élévation de la tolérance parmi nos concitoyens. Le temps n'est pas si éloigné où nous étions seuls aux côtés de quelques associations à revendiquer un tel texte. Il aura fallu deux renouvellements de majorité, cinq changements de gouvernement, sept sessions parlementaires et dix propositions de loi pour qu'enfin un texte donnant un statut au couple non marié, homosexuel ou hétérosexuel, soit débattu ici ! M. Thierry Mariani - En pleine session budgétaire ! M. Guy Hascoët - Personne ne peut plus nier que la vie commune a pris des formes qui se sont diversifiées. Notre longévité amène souvent des personnes à avoir plusieurs vies en une : la complexité des situations au regard des enfants, la recomposition des familles pouvent amener des personnes qui vivent ensemble à ne pas envisager un remariage sans pour autant renoncer à protéger l'autre. Le Pacs peut répondre à des situations qui concernent nombre de personnes, même celles d'un âge certain. Bien évidemment, le Pacs ne constitue qu'une possibilité. La société a profondément évolué dans le regard qu'elle porte sur celles et ceux qui, un jour, ont découvert qu'ils avaient une autre orientation sexuelle, qu'ils et elles assument. Elle s'est ainsi éloignée d'une vision pseudo-scientifique qui, au nom du rationalisme, cherchait à classer l'homosexualité parmi les anomalies génétiques ou mentales. C'était à la fin du siècle dernier. Mais un Français sur cinq pense toujours ainsi et il est grave de flatter ce sentiment. Il y a quelques années, une association d'homosexuels du Nord, les Flamands roses (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), m'a sollicité pour déposer en son nom une gerbe au monument de la déportation le jour anniversaire de sa commémoration. Le dialogue fut difficile avec les associations de déportés. "Mais eux, ils portaient un triangle rose, cela n'a rien à voir avec nous", ai-je entendu plusieurs fois. La crainte gênée d'une assimilation faisait oublier l'essentiel, à savoir que la communauté homosexuelle a été victime elle aussi, pour ce qu'elle était, de la déportation. Les mentalités n'ont guère évolué après-guerre au point que lors de la commémoration que j'ai citée, un soupçon de négationnisme aurait sans doute arrangé certains. Mais le devoir de mémoire est un et indivisible. Puis se sont affirmés plus récemment, après le choc culturel de 1968, les mouvements revendicatifs homosexuels. Hélas, est apparu le sida au début des années 80 qui a imposé la prudence et l'emploi du préservatif à tous, mais qui pour la communauté homosexuelle est devenu synonyme de mort, pas celle d'être chers qui s'éteignent après une vie longue et accomplie, mais celle de toute une génération de jeunes gens qui tous les deux ou trois mois enterre l'un des siens. A la douleur de cette hécatombe, sont venus s'ajouter l'incompréhension des autres, le rejet. Des hommes qui venaient de perde leur compagnon ont été expulsés de leur logement, se sont vu reprendre par sa famille des biens qu'ils croyaient communs... Cette situation aurait pu conduire la communauté homosexuelle à se résigner. Bien au contraire, elle s'est organisée, a témoigné d'une capacité de solidarité qui fait honneur à la citoyenneté. C'est bien l'existence de ce mouvement ayant su élargir sa base initiale qui permet aujourd'hui ce débat. Nous avons le devoir de préserver la cohésion sociale. La seule limite des droits nouveaux que nous pouvons ouvrir en ce sens est qu'il n'en remettent pas en question ou n'en contredisent pas d'autres d'une frange plus importante de la population. On tente de nous faire croire depuis quelques mois que le Pacs remettrait en cause le mariage et porterait atteinte au droit de la famille. Il n'en est rien (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous le savez parfaitement. Si pour certains la morale peut réprouver l'éthique, celle-ci nous commande d'adopter un texte qui s'inscrit dans la longue lignée des avancées humanistes... Un député RPR - Humaniste, c'est beaucoup dire ! M. Guy Hascoët - ...et participe de l'élévation de l'intelligence des sociétés humaines. Ce qui vous gêne, c'est la portée symbolique de ce texte qui accorde en effet une reconnaissance aux couples homosexuels. Depuis quelques semaines, nous recevons des courriers, certains encourageants, d'autres qui dénotent une désinformation et ne font que reprendre des arguments spécieux sans doute habilement diffusés. L'indécision de certains de nos collègues m'est incompréhensible. Certains ont cru à la pétition des maires. Outre qu'il serait inacceptable d'accepter une pétition dans laquelle des maires, officiers de la République, refuseraient d'appliquer la loi... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL où l'on entend "Et les sans-papiers ?") Vous mélangez tout, Messieurs. Aurais-je appuyé là où ça fait mal ? On a abandonné l'idée de faire signer le Pacs à la mairie, ce qui était pourtant le plus simple. C'est d'ailleurs à la mairie que sont établis les certificats de concubinage (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. Gilbert Meyer - Demandez aux maires s'ils sont d'accord ! 27 000 se sont déclarés contre. M. Guy Hascoët - On cherche aujourd'hui à noyer le poisson en élargissant la base du texte, du moins tel est notre sentiment et je partage sur ce point l'analyse de certains de nos collègues de l'opposition. Si un large débat est nécessaire sur les solidarités intrafamiliales, nous estimons que le mêler à celui du Pacs est une erreur, que cela soit source de confusion ou que cela donne lieu à une fâcheuse exploitation. Je l'ai dit le 9 octobre dernier, je partage l'avis de M. Mattei sur ce point : le Pacs doit traiter les problèmes que rencontrent les couples, non les paires. Et l'habillage auquel on s'est livré en étendant le Pacs aux fratries ne peut nous convenir (Mme Christine Boutin approuve). Les Français sont plus simples... M. Pierre Lellouche - Organisons un référendum ! (Brouhaha général) M. Guy Hascoët - Ils ont compris, Madame Boutin qu'il convenait de trouver une solution aux problèmes des couples non mariés, homosexuels ou hétérosexuels. Vous mélangez tout, invoquant notamment le droit de enfants. Mais vous passez sous silence, sans doute pour entretenir la confusion, que le droit qui s'appliquera à eux dans le cadre du Pacs, notamment en cas de séparation, sera celui du divorce ou du concubinage. Quoi qu'il en soit, le débat sur le droit de la famille n'a pas sa place ici. Si j'avais moi aussi cédé à la tentation de diluer le débat, j'aurais déposé un amendement proposant que l'anémone de mer et l'escargot puissent conclure un Pacs. En effet, la première, asexuée, se divise par bourgeonnement et le second est hermaphrodite. Je ne l'ai pas fait car je souhaite que nous ayons un débat sérieux. J'espère que loin des exploitations politiciennes, loin des peurs fantasmatiques, nous aurons à coeur d'élaborer un texte qui évite des injustices et des imbroglios. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements visant à régler les ruptures de Pacs. Ouvrir un droit nouveau pour certains ne crée pas d'obligations pour d'autres. Voilà ce que vous n'avez pas compris ou voulu comprendre. En un mot, vous voulez une société de normes, nous voulons, nous, une société de liberté et de responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Claude Goasguen - A ce stade du débat où les opinions sont déjà faites et où nous semblons nous orienter vers un dialogue de sourds, je n'insisterai pas sur le caractère nocif de votre projet sur le plan social, politique et juridique. Je me contenterai de souligner les contradictions entre les attitudes du rapporteur et du Gouvernement. M. Jean-Pierre Michel nous a clairement dit -je me souviens que M. Brard lui a vertement répondu- que ce texte ouvrait à des évolutions et pourquoi pas à la reconnaissance du droit à l'adoption pour les couples homosexuels. Le Gouvernement a indiqué publiquement, à plusieurs reprises, qu'il n'en était nullement question. Je n'en suis pas du tout convaincu. Je crois qu'au contraire votre texte y conduira inmanquablement. Plusieurs députés RPR - Ils le savent parfaitement ! M. Claude Goasguen - Cette évolution est d'ailleurs déjà entamée. Les effets de la réforme de l'article 225-1 intitulé "Des discriminations" commencent de se faire sentir. Il semble que le législateur n'en ait pas pris conscience. La jurisprudence de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat et des cours d'appel révèle que les juges, en l'absence de position claire du législateur, ont beaucoup de mal à trancher. Des jurisprudences de 1991 et 1994 ont dénié le droit à l'adoption à des couples homosexuels, d'autres, de 1988 et 1994 également, l'ont reconnu. Les juges examinent aujourd'hui les situations cas par cas, dans le flou juridique le plus total. Madame le ministre, votre projet tend à assimiler couples homosexuels et couples hétérosexuels et ouvrira par conséquent le droit à l'adoption à tous (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous le savez parfaitement. Dites donc la vérité aux Français. Ne laissez pas se constituer une jurisprudence hypocrite. Vous allez faire franchir, vous le savez, un pas décisif vers l'adoption, et dans quelques années un texte reconnaîtra ce droit. En 1994, un débat analogue a eu lieu en Suède. Ce pays inaugurait le partenariat homosexuel, proche de ce que vous proposez. Le gouvernement social-démocrate s'était publiquement engagé à la tribune d'une assemblée très semblable à celle-ci à ce que jamais la question de l'adoption ne soit évoquée. Le responsable du parti social-démocrate disait quelques mois plus tard : "Si nous avions évoqué le droit à l'adoption, nous n'aurions rien obtenu". Plusieurs députés DL, UDF et RPR - Eh oui ! M. Claude Goasguen - Aujourd'hui, le Parlement suédois, en conséquence de la loi du 1er janvier 1995, est saisi de la question du droit à l'adoption, de l'insémination artificielle, de l'autorité parentale conjointe pour les homosexuels, tant il est vrai que vous ne pouvez pas unifier une jurisprudence hésitante et en refuser ensuite la traduction législative (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Il vous est donc impossible d'affirmer devant les Français, sauf à accepter nos amendements, que ce texte ne préfigure en rien l'adoption par les homosexuels. C'est le contraire qui est vrai, et M. Michel a eu, lui, l'honnêteté de le reconnaître. Nous, nous ne souhaitons pas entrer dans cette société fondée sur l'isolement, sur la précarité, sur l'individualisme poussé jusqu'à l'utilisation de l'enfant. Nous ne sommes pas de cette France-là ! Le Pacs sera, dans notre activité législative, un épiphénomène qui n'aboutira pas. Au cours du débat, qui sera long et tumultueux, le groupe DL montrera, amendement par amendement, combien votre texte est nocif (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Mme Laurence Dumont - A bas l'hypocrisie ! Et si nous cessions de proclamer haut et fort un droit à la différence prétendument reconnu, pour dénoncer la différence des droits, seule constatée ? Alors nous pourrions avancer. Malheureusement, tout a été dit ici et dans la presse pour embrouiller et caricaturer. Tous les fantasmes sont sortis des placards. Ce déchaînement de la droite contre le Pacs ne m'étonne guère (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les avancées sociales n'ont jamais été faciles à réaliser. Il a fallu toujours se battre contre les intégrismes, les intérêts, les archaïsmes ou les tenants de l'ordre moral (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). M. le Président - Ayez un minimum de respect pour l'orateur ! Mme Laurence Dumont - Le Pacs est une avancée sociale incontestable. Si je fais de la politique et si je suis engagée à gauche, c'est pour deux objectifs principaux : la défense des plus démunis et de nouvelles avancées sociales pour tous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le Pacs répond à ce deuxième objectif en ouvrant un droit nouveau à tous. Il n'est pas dans la tradition française d'établir par la loi des ségrégations et l'idée d'un texte qui n'aurait servi que les homosexuels a été écartée. Il n'est pas étonnant que la droite se déchaîne (Interruptions vives et continues sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Sous couvert de défendre la famille, la droite combat la reconnaissance de l'homosexualité, conçue comme une souffrance -qu'on se souvienne des propos de Christine Boutin- ou comme pathologie -selon Jean Foyer, membre de l'Académie des sciences morales et politiques, puisque ça existe encore (Mêmes mouvements), parlant de "la reconnaissance légale d'une union contre nature qui me choque". Citons encore la campagne orchestrée par la bien mal nommée "Association Avenir de la Culture" avec les catholiques traditionnalistes (Mêmes mouvements). Ecoutez, Madame Boutin ! (Mme Christine Boutin interpelle l'orateur) M. le Président - Ne vous laissez pas interrompre ! Mme Laurence Dumont - Cette campagne sommait les élus de "renoncer à ce projet infâme, qui détruira les restes de civilisation qui nous séparent encore de la barbarie". La barbarie n'est pas forcément où l'on croit ! Les mêmes, il y a deux ans, écrivaient au Président de la République : "La sodomie est un vice abominable, contre nature, il s'agit d'un coup mortel contre la société, une révolte ouverte contre l'ordre naturel établi par Dieu" (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il n'est donc pas étonnant qu'un clivage se creuse entre une droite ancrée sur un ordre prétendu naturel, posant le mariage comme l'alpha et l'oméga de l'organisation sociale, et une gauche qui souhaite traiter une réalité plus complexe, plus riche, où la main de Dieu n'intervient pas forcément, mais le libre choix des personnes (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il ne revient pas à la représentation nationale de dire comment les gens doivent vivre et s'aimer, mais de les aider à bien vivre et à bien s'aimer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste), quel que soit leur choix. Le législateur a pour fonction d'établir un droit à l'égalité qui traverse les différences de situation. Le mérite de ce texte est d'offrir un droit nouveau aux couples qui ne souhaitent pas se marier. Il s'agit bien du couple, et de reconnaître qu'il peut être composé de personnes de même sexe ou de sexe différent, que l'union libre est un fait social qui concerne quatre ou cinq millions de personnes et qui est aussi respectable que le mariage. Il n'y a pas de différence de valeur ou de nature entre un couple homosexuel et un couple hétérosexuel. C'est là un point fondateur de droits. C'est toujours d'amour qu'il s'agit, et de là vient ma réticence à intégrer dans ce texte les fratries. M. le Président - Veuillez conclure ! Mme Laurence Dumont - Je voterai cette proposition avec fierté (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), parce qu'elle honore cette assemblée, qu'elle renforce le caractère laïque de l'Etat, et qu'elle établit de nouvelles solidarités. Je crois que ce qui est juste est possible, et quoi de plus injuste que de laisser subsister un hiatus entre l'affirmation d'un droit à la différence et la différence des droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste) M. Thierry Mariani - Alors qu'en deux ans votre majorité a fait perdre aux familles près de 15 milliards, vous voulez légiférer pour donner des avantages fiscaux et sociaux à hauteur de 8 milliards à ceux qui vivent en union libre, hétérosexuels ou homosexuels. Votre proposition est inacceptable. D'abord, sa rédaction improvisée suscitera certainement un contentieux important. Surtout, ce texte est dangereux pour la société, dont le mariage constitue, quoi qu'on dise, un des principaux fondements. M. Yann Galut - On n'a jamais dit le contraire ! M. Thierry Mariani - Il est la seule institution qui protège efficacement le plus faible, et garantit aux enfants de ne pas faire les frais de la séparation des parents. On nous dit que nous sommes archaïques et dépassés. Non ! nous ne contestons à personne, quel que soit son sexe, le droit de vivre en union libre. Mais ce choix est du strict ressort de la vie privée. Le législateur n'a pas à courir après les modes, à suivre ceux qui veulent que leur exception devienne la règle. Son devoir est de fixer des règles destinées à préserver l'intérêt général. Quand l'Etat accorde des avantages aux couples mariés, il ne le fait pas en considération de l'amour que se portent les époux, mais des services que l'institution du mariage offre à la société tout entière. Vous ne pouvez donc pas mettre sur le même plan mariage et union libre. De plus, votre proposition de loi ne manquera pas de susciter tous les détournements possibles. Comment contrôler la sincérité du projet de vie commune des futurs "pacsisés" ? Et je ne parle pas des conséquences du Pacs sur l'immigration. Quoi qu'en dise le rapporteur, on n'a pas limité les effets du texte sur l'entrée et le séjour des étrangers en France. Certes, l'article 6 dit seulement que la conclusion d'un Pacs "constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France au sens du 7ème paragraphe de l'article 12 de l'ordonnance de 1945". Mais à qui voulez-vous faire croire que la conclusion d'un Pacs ne sera pas, dans tous les cas, considérée comme un motif suffisant ? Même si un préfet n'en jugeait pas ainsi, l'article 6 suffira à l'introduction de recours et de contentieux. De plus, comment pouvez-vous concevoir que la conclusion d'un Pacs puisse conférer un droit aussi automatique à l'obtention d'un titre de séjour, y compris pour les étrangers entrés en situation irrégulière ou ne disposant pas d'un titre valable ? M. Jean-Pierre Michel, rapporteur - C'est faux. M. Thierry Mariani - Vous pouvez bien dire que c'est faux : mais lors du débat sur l'immigration, on nous assurait que jamais le Pacs ne serait un élément pouvant permettre d'obtenir des papiers : on voit ce qu'il en est advenu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) Vous me permettrez donc de douter. Le Pacs sera en réalité la voiture balai des régularisations de sans-papiers, et cela nous le pouvons l'accepter. Ce texte est dangereux pour la société, il sera la source de fraudes multiples -et il ne répond même pas de façon satisfaisante aux attentes des personnes concernées, qu'il ne protégera pas. Vous laissez une entière liberté contractuelle quant au contenu des Pacs. Quelle sera, dans ces conditions, leur réelle portée juridique ? Devrons-nous appliquer le droit des contrats ? Considérer que les incapacités liées à ce droit s'appliqueront, c'est-à-dire que les mineurs, les adultes sous tutelle ne pourront pas conclure de pacte ? Le Pacs n'établit aucune présomption de paternité. M. le Président - Vous avez dépassé votre temps de parole. M. Thierry Mariani - Je termine. Les enfants issus d'une telle union ne seront pas protégés de la même manière que ceux issus du mariage, alors que leurs parents bénéficieront quasiment des mêmes avantages. Et quelle protection accordez-vous au partenaire le plus faible ? Je peux comprendre que nous ayons des différences idéologiques. Je peux admettre que, sur certains points précis touchant les couples homosexuels, nous puissions apporter quelques améliorations -même si leur situation réelle n'est pas si mauvaise- mais je ne peux pas admettre que vous nous présentiez un texte bâclé, inapplicable, et que vous confondiez égalitarisme et égalité. Décidément, vous n'avez rien retenu de vos erreurs passées. Quant à moi, je ne voterai en aucun cas cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). M. Jean-Antoine Leonetti - A ce stade de débat, beaucoup de choses ont déjà été dites -pas toujours les meilleures. Je regrette quant à moi qu'une occasion ait été perdue de réfléchir ensemble sur un sujet de société. C'est la forme qui m'a le plus choqué -et ce qu'a dit M. Hascoët montre combien le texte est ambigu et hypocrite. Chacun sait qu'il a été réclamé d'abord par la communauté homosexuelle. Plusieurs députés socialistes - Ca vous dérange ? M. Jean-Antoine Leonetti - Non. Mais qu'un texte soit dicté à l'Assemblée nationale par une minorité, cela me paraît contraire à l'esprit de la République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Votre seconde erreur, c'est d'avoir associé le Sida et les homosexuels alors que cette maladie frappe aussi des transfusés, des hétérosexuels. La troisième erreur c'est que le Gouvernement a paru se désintéresser de cette affaire, en laissant l'initiative parlementaire "porter le texte". Et on a pu entendre le rapporteur et la Garde des Sceaux tenir ici même des propos contradictoires sur l'adoption, au risque de jeter la confusion dans la majorité et dans la population. Pour essayer de "respectabiliser" le texte, on l'a en réalité dénaturé, étendu aux concubins hétérosexuels et aux fratries. Du coup, la majorité s'est trouvée décontenancée, et elle a fait défaut un certain vendredi après-midi. "Député absent, député coupable", a dit Lionel Jospin, qui exige un vote discipliné, au lieu de laisser la liberté de vote aux parlementaires, comme dans l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous êtes devenus des "godillots" ! Alors, de deux choses l'une. Ou bien il s'agit d'un petit texte qu'on pouvait laisser à l'initiative parlementaire -mais les Français peuvent-ils comprendre qu'avec tous les problèmes qui se posent, on en ait fait une priorité ? Ou bien c'est un grand texte, et il ne fallait pas l'escamoter en commission, il fallait entendre des experts et des juristes. Et si vous êtes si sûrs de l'assentiment de la population, pourquoi ne pas organiser un référendum ? (Quelques approbations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) A ce rendez-vous avec le débat démocratique, vous êtes venu l'hypocrisie dans une main, la démagogie dans l'autre. Le Pacs ne sera pas une victoire de la gauche sur la droite, mais des ultras sur les modernes et des thèses communautaires sur la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Mme Frédérique Bredin - Quelques brèves remarques en quelques minutes. L'opposition de droite me surprend par son attitude dépassée. A un vrai débat sur une réforme de société importante, elle a préféré la caricature, à la réflexion l'obstruction, à la qualité la quantité -les cinq heures de propos incohérents et contradictoires de Mme Boutin. L'opposant avait choisi un porte-drapeau extrémiste (Mme Boutin s'agite). M. le Président - Calmez-vous, pensez à ceux qui vous ont supporté cinq heures ! Soyez patiente pendant cinq minutes (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Mme Frédérique Bredin - Ne pouvant s'opposer à un texte équilibré, dont les mots disent bien ce qu'ils veulent dire (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), la droite affecte d'y déceler des intentions cachées, forcément diaboliques. Nous errons en plein fantasme : paradis du mariage, enfer du Pacs, décadence promise à notre société. Je suis choquée de ce discours de fausse morale et de culpabilisation (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), manichéen et crispé, que tiennent ceux qui se posent en hérauts meurtris de la famille (Mêmes mouvements). Qu'ils regardent plutôt autour d'eux, qu'ils voient comment vivent leurs concitoyens, les jeunes en particulier, qu'ils essaient de mieux comprendre la complexité des choses et la diversité des modes de vie ! Le mariage n'a pas attendu le Pacs pour décliner : la chute a commencé en 1976, le nombre des divorces a doublé depuis 1960 et un enfant sur trois naît hors mariage (Mêmes mouvements). Le Pacs, contrairement à ce qui a été dit, n'est ni une parodie de mariage ni un mariage bis. Il ne touche en rien à l'institution du mariage, qui reste fondée sur la durée et la fidélité. Il est un cadre juridique nouveau, d'où la difficulté, sans doute, de certains à la comprendre (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ce texte est un texte de liberté qui respecte les personnes et les comportements, un texte de progrès social qui apporte la sécurité juridique à des personnes qui en ont besoin, une grande réforme de société qui créera de nouveaux liens de solidarité. Nous serons fiers de le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). M. Pascal Clément - La proposition de loi du groupe socialiste consiste à étendre la solidarité nationale à plusieurs catégories de personnes qui ne souhaitent ou qui ne pourront jamais se marier, mais ses auteurs n'ont jamais pensé aux sept millions de personnes qui vivent seules, et que leur statut social et fiscal pénalise également. Il est deux façons de considérer la sociologie de la famille. La première, celle de Mme Bredin, consiste à porter sur le fait familial un regard mathématique pour en tirer des conclusions qualitatives sans appel : moins de mariages, moins de naissances, moins de naissances légitimes, moins de familles nombreuses, moins d'enfants par couple, mais plus de concubins, plus de divorces, plus de naissances hors mariage, plus de foyers monoparentaux. Ces données ont leur valeur, à condition de ne pas masquer ce qui se passe en profondeur. La vérité, c'est que le désir de famille reste fort. Malgré une politique familiale malthusienne, et malgré l'effort qu'exige l'engagement, toutes les enquêtes montrent une fidélité sans faille à l'idée de famille, de l'union d'un homme et d'une femme ayant vocation à accueillir un ou plusieurs enfants. Il faut en finir avec le mythe de la pluralité des modèles familiaux, comme avec l'erreur d'analyse qui consiste à faire de la famille un vestige social du passé. Et si votre préoccupation est bien la solidarité, je vous fais une proposition : le coût du Pacs étant estimé à 8 milliards, que n'affectez-vous une somme équivalente à une politique familiale renforcée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Vous dissiperiez ainsi doutes et arrière-pensées, car vous échapperiez au travers de la solidarité sélective ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) M. Bruno Le Roux - Reconnaître le couple non marié n'est pas une idée originale : les Scandinaves l'ont eue avant nous, et le Pacs ne fait que reconnaître une réalité universelle. Pourtant, le texte dont nous débattons aujourd'hui est une avancée considérable contre l'injustice et la discrimination (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), et non un aménagement mineur, susceptible de figurer dans un projet portant diverses dispositions d'ordre moral ou religieux... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Il exprime notre refus de toute marginalisation légale des homosexuels, et donc de créer un statut qui leur soit spécifique, comme certains l'avaient un moment imaginé dans un souci protecteur qui s'accordait mal, néanmoins, avec la tradition républicaine issue des Lumières (Mêmes mouvements). C'est pourquoi nous avons choisi de légiférer pour tous les couples, homosexuels et hétérosexuels. Ceux qui crient à l'abandon des valeurs du mariage et de la filiation se trompent : à qui veut-on faire croire que le Pacs empiétera sur le mariage et mettra cette institution en danger ? La République, berceau de la laïcité, ne doit pas rester figée dans des principes d'un autre temps, mais accompagner le mouvement de la société pour traiter de façon semblable ceux de ses citoyens qui sont placés dans des situations de fait similaires. Oui, le statut du couple non marié constitue une avancée sur la voie du respect des principes de la Déclaration universelle et de la Convention européenne des droits de l'homme (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'histoire politique des socialistes et de la gauche est marquée par de grandes avancées, tant en matière sociale que dans le domaine de la vie privée. Rappelons-nous que la loi Veil a été adoptée grâce à notre soutien ! La droite, elle, reste la droite, figée, rétive aux évolutions mais, hypocritement, bien contente de trouver la gauche pour apporter le souffle du progrès (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Je m'amuse de cette ficelle que l'on ressort à tous les débats, hier celui sur le code de la nationalité, aujourd'hui sur le Pacs : le référendum que l'on demande seulement lorsque l'on est sûr qu'il ne sera pas organisé. Pour nous, les élections valent le référendum pour légitimer l'application de notre programme. Un député RPR - Le Pacs n'était pas dans votre programme ! M. Bruno Le Roux - Sans mettre en danger aucune institution, cette loi va mettre fin à une discrimination sociale. Je vais bientôt pouvoir cesser de signer, en tant que maire d'Epinay, des certificats de concubinage à des couples homosexuels. Je suis fier de l'avoir fait mais heureux que, bientôt, la loi vienne relayer mes convictions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). M. Christian Estrosi - Les centaines de lettre de citoyens que nous recevons... Plusieurs députés socialistes - Pas des centaines, des dizaines de milliers, des millions ! M. Christian Estrosi - ...démontrent combien cette discussion paraît irréaliste à nombre de nos concitoyens. La discussion même de cette proposition, déclarée inconstitutionnelle, s'assimile en effet à un véritable coup de force institutionnel contre la représentation nationale. Ce débat n'a pas lieu d'être, il a déjà été tranché, contre vous, et surtout contre la provocation permanente qui sous-tend cette proposition. Car si l'exception d'irrecevabilité a été adopté, c'est, vous le savez bien, Madame la ministre, parce que tel était le souhait d'une majorité de députés, tant à droite qu'à gauche. Vous avez donc dû mettre de l'ordre dans vos rangs, les menaces ont plané, les sanctions ont pointé... (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et, après un coup de force institutionnel, vous avez pratiqué un coup de force politique. Vous avez en outre engagé une vaste entreprise de désinformation faute d'avoir le courage d'assumer la seule vocation de ce projet c'est-à-dire l'introduction en droit français d'un véritable mariage homosexuel. C'est pour cela que vous avez créé un monstre juridique ouvert aux couples non mariés et même aux frères et soeurs, ce qui n'est que leurre et diversion. Refusant de dire la vérité aux Français, vous vous livrez donc à un coup de force médiatique. Le contenu de ce projet est de plus irréaliste. Il bouleverse l'équilibre juridique français fondé sur le code civil que nous a laissé Napoléon Ier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le gouvernement socialiste remet aujourd'hui en cause cet héritage inestimable alors que l'institution du mariage organise notre vie sociale depuis des siècles. Voici un an, Mme Aubry nous a annoncé que, pour équilibrer les comptes sociaux, vous étiez contraints de limiter les avantages accordés aux familles. Allocations familiales supprimées, diminution des avantages fiscaux pour garde d'enfants qui permettaient à des mères de s'épanouir dans leur travail, c'est près de 7 milliards que vous avez pris aux familles... (Approbations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et voilà que vous trouvez aujourd'hui 6 à 24 milliards dans les caisses de l'Etat pour mettre en place ces futurs Pacs. La vérité se dévoile : vous n'aimez pas la famille, fidèle en cela aux vieux oripeaux d'une idéologie collectiviste aussi ridicule que désuète (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Vous ne l'aimiez pas hier en l'asphyxiant financièrement. Vous ne l'aimez pas aujourd'hui en la condamnant juridiquement. Des avantages sont accordés aux familles par l'Etat en juste contrepartie de leur rôle essentiel pour l'avenir. Comment justifier auprès d'elles de les étendre aux couples "pacsés" qui par définition n'auront, pour une très grande majorité d'entre eux, pas d'enfants ? Ce projet est pernicieux car il déstabilise la société. Alors que des jeunes n'ont plus de valeurs, que de plus en plus jeunes, ils tuent, violent, volent (Vives protestations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV) pour un oui ou pour un non, vous faites perdre encore un peu plus les repères à ceux qui en ont le plus besoin, ceux qui sont en devenir. (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe socialiste) Vous légalisez la répudiation. Un simple courrier suffit pour mettre un terme à la vie commune. Si l'un de des deux partenaires est malade, rien, à la différence du mariage, n'empêche la rupture. Les plus faibles seront évidemment les premières victimes de ce dispositif. Et pourtant les similitudes avec le mariage sont nombreuses puisque le Pacs bénéficie des avantages du mariage sans en comporter les inconvénients ou plutôt les devoirs... Les caractéristiques du mariage sont bien là. D'ailleurs le Pacs organise la répudiation à la manière du divorce. Cela posera vous le savez des difficultés énormes, en cas de naissance ou pour partager un héritage. Comment, en outre, refuser demain une extension de la réversion au partenaire survivant, déstabilisant encore davantage nos régimes de retraites ? Et comment s'opposer, après demain, à des demandes de procréation médicalement assistée ou d'adoption pour les couples homosexuels, ce qui serait si préjudiciable aux enfants ? M. le Président - Monsieur Estrosi, pouvez-vous conclure je vous prie. M. Christian Estrosi - Je crains que les inspirateurs de ce texte parviennent à imposer ces évolutions qui déstabiliseraient notre société. Je vous dirai pour conclure ("Ah" ! sur les bancs du groupe socialiste) que ce texte est inacceptable et que, même si votre vote l'imposait, les Français ne l'accepteraient pas (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. le Président - La parole est à M. de Villiers ("Ah!" sur les bans du groupe socialiste). M. Philippe de Villiers - Ce projet touche aux principes mêmes de notre société. Sa discussion mériterait donc que l'on se passe d'invectives et d'injures. Je vous dirais ce que toute l'opposition ne cesse de dire... Mme Odette Grzegrzulka - Sauf Mme Bachelot-Narquin ! M. Philippe de Villiers - ...c'est à dire que le Pacs est un anti-mariage. C'est un dispositif à tiroirs et le second tiroir, c'est la possibilité d'adopter des enfants pour les couples homosexuels (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je le dis en regardant M. Jean-Pierre Michel, fin juriste qui défend ce projet avec honnêteté et en conscience et qui ne cesse de dire que la logique de droit nous amènera, comme l'évolution néerlandaise... M. Didier Boulaud - Suédoise ! M. Philippe de Villiers - ...l'a d'ailleurs démontrée à sa conclusion inévitable : la possibilité d'adoption d'enfants pour les couples homosexuels (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Vos vociférations ne m'intimident nullement. Les initiateurs du Pacs me paraissent de plus en plus mal à l'aise (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) car ils sentent que les Français sont de plus en plus nombreux à s'interroger sur les motivations et sur les conséquences de ce projet absurde ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR, et du groupe DL) Vous pensiez que les choses se passeraient facilement, que vous pourriez faire passer la loi par effraction (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et, constatant que le coup était manqué, vous avez demandé ce matin au Président de l'Assemblée, ce qui est grave, ce qui est gravissime, ce qui est inédit dans les annales parlementaires ("Séguin !" sur les bancs du groupe socialiste), d'attenter aux us et coutumes et au Règlement de notre Assemblée. Le modèle que vous nous proposez, c'est le consumérisme et la violence. Comment osez-vous parler de liberté et de justice alors que le Pacs marque la fin de la protection du plus faible, alors qu'il institue un droit unilatéral de répudiation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qu'il est contraire à l'idée même de justice sociale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR, et du groupe DL). Il y a une coïncidence symbolique. C'est au moment où vous mutilez le statut fiscal des familles que vous créez un statut pour les homosexuels. Il y a bien 6 milliards d'un côté et 6 milliards de l'autre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). C'est même plus qu'une coïncidence, c'est la marque d'une volonté de détruire les bases de la société (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En effet, la famille est essentielle à l'équilibre des enfants. Madame le Garde des Sceaux l'a dit elle-même dans son propos introductif pour masquer ce projet : un enfant a besoin d'un père et d'une mère. Tirez-en les conclusions qui s'imposent, retirez votre projet ! Votre innovation du Pacs, c'est tout simplement le retour à la barbarie (Vives exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; sourires sur plusieurs bancs du groupe du RPR). Vous vous inscrivez dans la suite de ceux qui, pour saper la société, ont commencé par saper la famille. La loi la mieux établie de notre vieille civilisation, vous vous apprêtez à la violenter ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Vous touchez là aux fondements de la société ! Mais un jour les victimes se lèveront et se tourneront vers vous en vous disant, une expression terrible : vous êtes le socialisme démolisseur ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; sourires sur divers bancs du groupe du RPR et du groupe DL) L'opposition fera tout pour vous empêcher de démolir la société, la famille, la France ! (Mêmes mouvements) Et nous savons que le Conseil constitutionnel anéantira votre texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et sur plusieurs bancs du groupe UDF ; huées sur les bancs du groupe socialiste) M. le Président - Puis-je proposer aux représentants du peuple-barbare (Sourires) de suspendre nos travaux pour les reprendre à 21 heures ? La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures. La séance est levée à 19 heures 30. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |