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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 31ème jour de séance, 82ème séance 2ème SÉANCE DU VENDREDI 13 NOVEMBRE 1998 PRÉSIDENCE DE M. Michel PERICARD vice-président SOMMAIRE : LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999. INDUSTRIE, POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits de l'industrie, de la poste et des télécommunications. M. Michel Destot, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'industrie - Il n'y a pas d'économie forte sans industrie forte. Par les richesses qu'elle crée, l'industrie est la principale source de développement du secteur tertiaire. Son emprise sur l'économie est estimée à plus de 50 % du PIB, elle assure près de deux tiers de l'effort de recherche et développement, elle emploie près de 4 millions de personnes et elle contribue puissamment à l'aménagement du territoire. Faudrait-il regretter dans ces conditions que depuis 16 mois l'Etat y attache une nouvelle bénéfique attention, et que vous cherchiez à développer une nouvelle politique offensive ? Certainement pas ! En 1997, les exportations industrielles françaises, en progression de 14 %, ont été le principal soutien de la croissance. La reprise est donc nette, avec une production industrielle qui croît au rythme exceptionnel de 7 % l'an depuis l'hiver 1997 et crée des emplois, ce qui est le plus important ! Le projet de budget s'inscrit dans ce contexte nouveau. Les défis auxquels doivent faire face les entreprises françaises vont de la mise en place de l'euro et de la réduction du temps de travail à l'adaptation des entreprises du domaine de l'énergie à l'ouverture du marché européen de l'électricité et du gaz. La poursuite de la reprise dépend désormais de la place que les entreprises sauront réserver à l'innovation. C'est sur cette orientation que vous avez construit votre budget, avec des crédits en légère progression. A structure constante, les moyens de paiements se montent à 15,3 milliards, en progression de 1,1 %, et les autorisations de programme à 5,6 milliards, la réduction apparente des crédits disponibles étant liée à des variations d'imputation budgétaire. Il s'agit d'un budget dynamique qui prolonge énergiquement les actions définies en 1998, en mettant l'accent sur l'innovation technologique, en orientant le soutien public en direction des PMI et en veillant à promouvoir un environnement favorable aux entreprises. Il permet aussi de relancer une véritable politique de maîtrise de l'énergie et de soutien aux énergies renouvelables. La politique énergétique doit être plus transparente, équilibrée, en maintenant le nucléaire à un haut niveau de performance et en développant une politique de maîtrise de l'énergie. Au cours du colloque que nous avons organisé en juin à l'Assemblée, j'ai appelé l'ensemble des responsables à aborder ce thème avec une nouvelle logique, qui dépasse le traditionnel affrontement nucléaire - anti-nucléaire et qui refuse de borner l'horizon de nos réflexions aux limites de l'hexagone. M. Yves Cochet - Très bien ! M. Michel Destot, rapporteur spécial - Je me réjouis de l'évolution des esprits qui doit se poursuivre. Il est en effet paradoxal que le programme électronucléaire français, avec ses dizaines de centrales, avec création du CEA, n'ait fait l'objet d'aucune loi à l'exception, en 1991, de la loi Bataille, qu'il faudrait commencer par appliquer en décidant sans tarder des sites retenus pour les laboratoires de stockage souterrain. De même, la diversification du programme Mox doit être poursuivie car l'avenir de la COGEMA en dépend. Il ne manque plus qu'une signature pour publier le décret. L'exigence démocratique appelle aussi la discussion d'un projet de loi d'orientation pluriannuelle. Notre politique énergétique doit aussi répondre au défi de l'ouverture des marchés, en assurant la compétitivité des approvisionnements et des opérateurs énergétiques, de façon à diminuer le coût de l'énergie. Un rapprochement entre EDF et GDF permettrait de proposer des offres multi-énergies. Félicitons-nous des nouvelles ambitions d'EDF à l'international qui se sont déjà traduites par une candidature bien placée au rachat de "London Electricity". Je suggère de créer une agence de régulation capable de favoriser les relations entre collectivités et sociétés de services. Notre politique énergétique qui repose sur le choix nucléaire doit s'orienter vers la diversification. Les engagements pris à Kyoto nous incitent à des mesures fortes en faveur du développement des énergies renouvelables. Nous vous savons gré d'avoir agi dans ce sens. La France n'est du reste pas mal placée puisqu'elle est le premier producteur européen d'énergies renouvelables. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie a un rôle essentiel à jouer dans cette relance, d'autant que ses crédits croissent très fortement. Il faudrait engager une politique fiscale plus favorable aux choix écologiques en particulier dans les transports, domaine où il y a le plus de progrès à faire. L'effet sur l'emploi n'est pas à négliger puisqu'en ce domaine un kwh produit par énergie renouvelable a un impact double de celui produit par énergie fossile. La diversification des moyens de production d'électricité, avec le développement de la cogénération par exemple, les expérimentations sur les transports propres sont à encourager, comme j'essaie de le faire à Grenoble. Toutes ces technologies accordent un rôle accru aux collectivités locales. Toutes les initiatives que je viens d'évoquer sont indispensables et complémentaires de la valorisation du savoir-faire et de l'expertise de la France dans le secteur électronucléaire. C'est devenu une habitude de citer, parmi les plus belles réussites industrielles de la France le programme électronucléaire, comme s'il allait de soi. Et pourtant, près de 1 000 milliards d'investissement cumulé, un taux d'indépendance de 52 % rendu possible par une production d'électricité à 80 % d'origine nucléaire, 30 000 emplois directs, 28 milliards d'exportations annuelles, voilà des résultats solides d'une politique soutenue. Cependant, l'échéance 2006, avec la gestion de l'aval du cycle puis l'échéance 2010, avec le début de renouvellement du parc le plus ancien et son démantèlement exigeront une détermination comparable à celle des trente années écoulées. En outre, avec l'évolution qui se fait en Allemagne, la France a, dans le domaine du nucléaire et de la sûreté, des responsabilités auxquelles elle ne peut se dérober. Nous devons valoriser ce patrimoine national qu'est notre industrie électronucléaire et, pour cela, donner à EDF, à GDF, à Framatome et à la COGEMA les moyens de conquérir davantage de marchés encore. Le projet franco-allemand EPR est un bon exemple de ce qu'il faut faire et nous devons absolument le mener à terme, comme l'a annoncé le Premier ministre à notre colloque de juin dernier. Par ailleurs, qu'attend-on pour ouvrir la partie non publique du capital de Framatome à nos partenaires étrangers afin d'accroître nos chances d'exporter ? Vous avez pris des contacts en ce sens avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne : bravo, mais il faut soutenir l'effort. Enfin, si j'approuve qu'on poursuive la rebudgétisation du CEA, les crédits apparaissent insuffisants au regard des difficultés auxquelles cet organisme se trouvera confronté en 1999, sachant que le recours à des cessions d'actifs de CEA Industrie ne peut être envisagé à long terme. Or il faut assurer l'avenir de cet établissement prestigieux et irremplaçable, en lui donnant les moyens de travailler sur la gestion des déchets radioactifs à vie longue ou sur le recyclage du plutonium -mais aussi dans bien d'autres domaines : biotechnologies, sciences du vivant, filière numérique... La décision d'implanter une nouvelle usine de micro-composants à Grenoble-Crolles va aujourd'hui dans ce sens et je vous dis un grand merci au passage, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour votre concours politique et financier qui a été décisif. L'innovation, avec le soutien au PME constitue la deuxième priorité de votre budget. De fait, face à la concurrence des pays à bas salaires comme à celle des autres grands pays industrialisés, l'innovation est une arme irremplaçable pour nos entreprises. Il conviendrait donc de tirer des conséquences pratiques de l'excellent rapport remis par Henri Guillaume. Ainsi, pour rendre plus clair le dispositif des aides régionales, je propose que le soutien à l'innovation et au développement technologique soit géré par l'ANVAR et le soutien au développement industriel et à l'exportation, par les DRIRE et les DRCE. Pour plus d'efficacité, je souhaite qu'on adopte enfin la bonne échelle territoriale : dans l'économie européenne du XXIème siècle, les pôles de développement sont à la taille d'un land allemand ou d'une province espagnole et c'est donc à ce niveau que doivent être définies les politiques des transports, de l'aménagement du territoire, de la recherche et de l'économie. Autrement dit, il faut encourager le travail en réseau des grandes agglomérations, avec des méthodes de type "bottom-up" inspirées des programmes Eurêka. Les futurs contrats de plan Etat-régions devront donc impérativement inclure un volet "innovation" et "transfert de technologies". Enfin, pour manifester la volonté politique, il faut un projet gouvernemental de soutien à l'innovation et de transfert de technologies qui fasse suite aux assises nationales de l'innovation du 12 mai dernier. Je me réjouis de savoir que cette priorité accordée au couplage recherche-industrie fera prochainement l'objet d'un acte législatif, le premier d'importance depuis les lois du 15 juillet 1982 et du 26 juillet 1984. Les PMI recèlent des potentialités de développement considérables. Je suggère donc d'accélérer, en leur faveur, le rééquilibrage de l'effort public de recherche industrielle. Favorable à la reconduction du crédit d'impôt recherche, je souhaite qu'il soit "ciblé" sur ce secteur, qui consacre des crédits importants à la recherche-développement sans bénéficier d'aides autant que les grandes entreprises. Enfin, le soutien au système de formation est un élément majeur de toute politique volontaire de développement industriel. Nous disposons d'un réseau d'écoles de très haut niveau qu'il faut préserver et il est donc bon que les subventions d'équipement aux Ecoles des mines progressent de 3 %, pour atteindre 58 millions, et les bourses d'élèves de 11,5 %. Pourtant, n'oublions pas le nécessaire soutien à Supelec. En raison de difficultés budgétaires, cette école a besoin de 6 millions supplémentaires pour lesquels le ministère de l'éducation nationale est prêt à contribuer à 50 % s'il est suivi ou précédé par celui de l'industrie. Or, les preuves de la qualité pédagogique de cette école et de la rigueur de ces gestionnaires ne sont plus à apporter et je vous demande donc un redéploiement de crédits de 3 millions pour la remise à niveau indispensable. Quel chemin parcouru en seize mois ! Thomson consolidée, alors qu'il y a deux ans, on voulait brader cette entreprise pour le franc symbolique ; France Télécom dopée par un succès indiscutable, l'emploi industriel en croissance : poursuivons dans cette voie ! La commission des finances a pour sa part adopté les crédits de l'Industrie à l'unanimité et je vous invite à faire de même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Claude Billard, rapporteur pour avis de la commission de la production pour l'industrie - L'an dernier,tout en notant avec satisfaction, dans le même rapport pour avis, une rupture nette avec les précédentes années de gestion libérale, je souhaitais qu'en 1999 votre département soit doté de moyens plus amples lui permettant d'affirmer une véritable politique industrielle. Ce n'est malheureusement pas le cas puisque, avec 15 milliards 280 millions, ces crédits, après avoir progressé de 3,8 % dans la loi de finances pour 1998, n'augmentent cette fois que d'un peu plus de 1 %. Mais, allant au-delà, c'est bien plus sur la conception et sur l'ampleur du soutien public à l'industrie que je m'interroge. Le budget de l'industrie devrait permettre une action publique forte et cohérente dans toute la filière industrielle, de la production d'énergie nucléaire, jusqu'aux services. Je pense, hélas, que ce budget n'est toujours pas l'instrument d'une telle politique. Les crédits affectés au secteur industriel alimentent des programmes de soutien à la recherche, des actions de formation, des actions en faveur de la qualité des produits ou de la reconversion des sites, mais on ne leur fait pas jouer un rôle déterminant, s'agissant de relancer notre appareil industriel ou d'orienter la production en fonction des besoins de la population. Ils ne contribuent que peu à la modernisation de notre économie. Sans vouloir tomber dans les erreurs de l'économie administrée, je dirai que l'Etat joue insuffisamment son rôle régulateur. Sans être non plus partisan de grandes stratégies abstraites, je pense que l'Etat a mieux à faire qu'à accompagner les stratégies définies par les entreprises en fonction de leur technologie, de leurs produits et de leurs marchés. Dès lors, quand l'Etat manifeste quelques vélléités d'intervention, celles-ci ne soient pas bien perçues. Ainsi en a-t-il été avec les atermoiements sur l'avenir de Framatome, l'évolution imprimée à Thomson Multimédia, les hésitations persistantes sur la nécessité de construire le réacteur franco-allemand EPR ou les retards pris dans l'installation des laboratoires souterrains destinés à l'étude du stockage des déchets radioactifs. Ce budget traduit néanmoins, dans son cadre limité, des efforts réels. Les priorités dégagées dans la précédente loi de finances se trouvent confirmées et souvent confortées : ainsi en ce qui concerne le soutien aux secteurs à fort potentiel de croissance, l'amélioration de l'environnement des entreprises, l'accompagnement des restructurations industrielles, la relance de la politique de l'énergie et du développement des énergies de substitution. Les crédits de paiement destinés au développement des petites et moyennes industries progressent de 1,4 % et je note les crédits destinés aux actions de normalisation et de qualification ainsi qu'aux dispositifs de formation. De l'importance accordée à la recherche industrielle et au soutien à l'innovation en témoignent les 800 millions de nouvelles autorisations de programme alloués à l'ANVAR et l'augmentation de 15 % de la part civile des crédits attribués au CEA. Pour le soutien à l'innovation proprement dit, les autorisations de programme, en légère croissance, sont portées à 1,8 milliard, ce qui permettra de développer les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Comme, en ce domaine, l'efficacité passe par la sélectivité, il est heureux que l'effort public soit recentré sur les entreprises de petite taille. Je me félicite de l'effort consenti pour soutenir le développement et pour améliorer l'environnement des PME-PMI. Créatrices d'emplois, celles-ci sont également vulnérables et c'est la raison pour laquelle l'Etat est pleinement dans son rôle lorsqu'il contribue à leur modernisation au moyen de procédures adaptées -je pense en particulier à la procédure ATOUT qui leur permet de maîtriser et d'intégrer des technologies nouvelles- tout comme lorsqu'il favorise leur accès aux financements. Les actions de restructuration et de reconversion industrielle s'appuieront sur les 80 millions du Fonds d'industrialisation de la Lorraine et les 85 millions de crédits dits de politique industrielle. En revanche, la dotation du Fonds d'industrialisation des bassins miniers et le programme "après-mines" marquent une régression contestable. Ce ralentissement constaté tant dans le Nord-Pas-de-Calais qu'en Lorraine coïncide certes avec les dernières années du processus de reconversion -les candidats se font plus rares. Les crédits de paiement consacrés aux zones minières baissent par exemple de 31 % dans ce projet de budget. Mais la réindustrialisation des grands basins houillers, ferrifères et sidérurgiques est loin d'être achevée. Il est vrai que les crédits étaient loin d'être consommés, leur report permet donc de mener d'importantes reconversions. Mais l'effort ne doit pas être relâché car la survie de grands bassins d'emplois en dépend. La persistance des difficultés rencontrées par certaines entreprises et les menaces qui pèsent sur divers secteurs -le textile, l'habillement, l'électronique, l'automobile, la construction navale- nécessitent même d'accentuer cet effort en 1998. Du fait de la non-ratification par les Etats-Unis, le Japon et la Corée de l'accord de 1994, négocié dans le cadre de l'OCDE, le secteur de la construction navale vit dans un climat d'inquiétude. Certes, les autorisations de programmes et les crédits de paiement ont été reconduits. Mais la façon dont le Gouvernement a brutalement réglé le sort des Ateliers et chantiers du Havre est contraire à la volonté de préserver notre construction navale. Offrir comme seule perspective une illusoire reconversion du site manque singulièrement d'ambition. Sans doute faut-il regarder de plus près l'utilisation des aides. Le fait d'aider la construction navale n'a rien de choquant, car tous les pays le font, pas plus que le fait que l'argent public aide l'industrie privée : depuis des années les gouvernements ont injecté des centaines de milliards au titre des aides à l'emploi, aides aux plans sociaux, exonérations de charge. Ce qui est choquant, c'est que rien de sérieux n'ait été entrepris pour assurer une bonne gestion des Ateliers et chantiers du Havre, ce qui aurait permis de sauvegarder ce formidable potentiel humain de connaissances et de capacités de recherche. Cela impliquait un véritable plan de développement et une coopération entre les chantiers nationaux qui demeurent en activité. C'est surtout dans le domaine de la maîtrise de l'énergie et du développement des énergies renouvelables que votre budget marque une volonté de relance. Les moyens de l'ADEME augmentent de 500 millions, dont un tiers est inscrit au budget de l'industrie. Les recettes issues de la nouvelle fiscalité écologique sur les activités polluantes permettront de tripler les moyens de l'ADEME. Je conclurai par quelques interrogations sur la politique du Gouvernement dans le domaine de l'énergie, jusqu'ici articulée autour de deux axes : la primauté du nucléaire pour la production électrique et la diversification des sources et des approvisionnements. Or, il est aujourd'hui très difficile de savoir quel rôle le Gouvernement entend voir jouer au nucléaire car il y a décalage certain entre ses déclarations en faveur du nucléaire et la réalité de la politique menée, et notamment l'ajournement des décisions qui conditionnent l'avenir. Faute de choisir rapidement des sites pour les laboratoires de stockage des déchets, on met en péril l'ensemble de la filière nucléaire. Faute de lancer la construction d'un nouveau réacteur EPR, la pérennité de notre programme électro-nucléaire et de notre parc de production est menacée. A ce contexte incertain s'ajoute la perspective de la réforme de notre organisation électrique, voulue par les instances européennes, qui suscite de grandes inquiétudes. La presse s'est fait l'écho de propos récemment tenus par le président d'EDF, qui souhaiterait modifier par décret le statut du personnel, lequel ne peut que s'inquiéter. Monsieur le ministre, il n'est pas possible d'engager en février une réforme fondamentale de notre filière électrique sans donner à la représentation nationale une vision claire de la politique énergétique du Gouvernement. Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la production a émis un avis favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et quelques bancs du groupe socialiste). M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances pour la Poste et les télécommunications - Le projet de budget pour la Poste et les télécommunications s'inscrit dans la continuité de celui de 1998. Je me félicite que le rôle de l'Etat, à travers l'autorité de régulation, soit confirmé. Une remarque préliminaire à propos de l'ART : je m'étonne que la progression des rémunérations principales y soit de 2,67 % alors que celle des indemnités est de 7,07 % -attention à ce que l'ART ne prenne pas les plus mauvaises habitudes de la Fonction publique ! Ses crédits de fonctionnement ne paraissent pas excessifs compte tenu de la complexité de ses tâches. Nous allons, soulignez-vous, vers une civilisation de l'information. Le développement des technologies engendre des mutations profondes auxquelles nous devons prendre part, sous peine d'être submergés. Deux axes stratégiques orientent votre action, la recherche et les alliances, elles-mêmes soutenues par une politique économique et financière. L'importance d'une politique de recherche dans le domaine des télécommunications doit faire l'unanimité. Depuis 1996 une nouvelle organisation a été mise en place : il importe plus que jamais de ne pas démobiliser nos chercheurs du secteur public, qui s'interrogent sur leur devenir. Les régions concernées, notamment la Bretagne, sont prêtes à se mobiliser en ce sens. Vous avez mis en place une fédération d'organismes et un réseau national de recherche, qui a bénéficié l'an dernier d'un soutien de 260 millions, auxquels s'ajoutent 300 millions pour la société. Je vous remercie de poursuivre cet effort en 1999. Je viens de séjourner dans la Silicon valley et je tiens à vous dire l'admiration qu'on y porte à nos chercheurs, à notre système d'enseignement, à nos entreprises, et tout spécialement à France Télécom, pour qui on a les yeux de Chimène ! Bien évidemment, notre place dans le monde dépendra de notre capacité à organiser les synergies nécessaires, seul moyen de compenser les différences d'échelle avec certains de nos concurrents. Pour renforcer son offre de services globaux et élargir ses marchés, France Télécom a intensifié son développement international selon trois axes : consolider ses positions d'opérateur mondial, s'imposer en partenariat sur le marché européen, trouver des relais de croissance dans les pays émergents. En 1997, France Télécom a doublé son chiffre d'affaires à l'international et réalisé 27 milliards de francs à l'étranger. Le partenariat avec Deutsche Telekom, avec achat croisé d'actions pour 2 % du capital, occupe une place toute particulière. Un pôle est en train de se constituer avec Eucom, Eunetcom, Atlas, Sprint, Global One et Wind. France Télécom et Deutsche Telekom vont mettre en oeuvre un programme de coopération en matière de recherche, multimédia, systèmes d'information et cartes téléphoniques. Le dynamisme de France Télécom mérite donc d'être reconnu et soutenu. Une suggestion : France Télécom devrait favoriser la création de nouvelles entreprises pour répondre aux impératifs du marché mondial. La politique économique et financière du Gouvernement soutient cette double orientation stratégique. L'Etat vient de décider, conformément aux engagements pris, la mise en vente de 5 % du capital de France-Télécom. Il reste propriétaire de 62 % des actions. L'opération devrait rapporter 30 milliards. Quelle utilisation comptez-vous en faire ? Il ne faudrait pas que la rentabilité financière à court terme fasse oublier la primauté des impératifs techniques, industriels et sociaux auxquels est soumise une société telle que France Télécom. Vous ne serez pas surpris, Monsieur le Ministre, de m'entendre qualifier d'anomalie le versement à l'Etat de la taxe professionnelle de France Télécom : il a été régulièrement dénoncé par de nombreuses voix, dont la vôtre... Cette situation, préjudiciable à l'entreprise dans le cadre concurrentiel actuel, est contraire, de surcroît, à la loi de 1990, qui prévoyait le retour au droit commun en 1994 au plus tard. Ce retour pourrait être, compte tenu de l'ampleur des sommes en jeu, progressif, mais il n'est pas normal que France Télécom ne contribue pas financièrement au financement des investissements des communes où sont implantés ses établissements. M. Robert Pandraud - Très bien ! M. Edmond Hervé, rapporteur spécial - Le système tarifaire, par ailleurs, ne doit pas aller à l'encontre d'un aménagement équilibré du territoire. La tendance étant, depuis quinze ans, à l'uniformisation des tarifs sur l'ensemble du territoire, il n'est pas trop tard pour réfléchir, par exemple à partir de l'expérience de Transpac, à un système indépendant de la distance, ce qui ne veut pas dire entièrement égalitaire. Si nous n'y prenons garde, nous risquons de favoriser la surconcentration. Je vous félicite, Monsieur le Ministre, de la part que vous avez prise dans la négociation du contrat d'objectifs et de progrès de la Poste, signé le 25 juin dernier. La Poste n'a plus aujourd'hui aucun monopole de fait, mais elle a des devoirs que ses concurrents n'ont pas, tel celui de distribuer les mandats. Sa politique du personnel est exemplaire : elle aura embauché cette année 11 000 agents permanents, plus un millier d'apprentis et 3 600 emplois-jeunes. Je souhaite cependant qu'elle améliore la situation des agents contractuels. Quant à la réduction du temps de travail, elle s'appliquera de façon progressive et négociée, établissement par établissement, à partir du mois prochain et jusqu'au milieu de l'an 2000. Je suis heureux de constater que le contrat aborde l'épineuse question des retraites et prévoit leur prise en charge globale par l'Etat à un niveau stabilisé en francs constants. Ce n'est que justice, et la Poste se trouve ainsi libérée d'une charge qui obérait son développement. L'évolution de la dette suit également un cours favorable : malgré l'émission d'un nouvel emprunt obligataire, le premier depuis cinq ans, le service de la dette est repassé sous la barre des 4 milliards. Si les activités postales, explicitement exonérées de TVA, ne donnent donc pas lieu à récupération de celle acquittée sur les achats et les investissements, l'assurance des risques relatifs aux personnes constitue un axe possible du développement des services financiers, notamment dans certains domaines désertés par les assureurs traditionnels, comme les assurances complémentaires pour personnes privées d'emploi. Un effort d'internationalisation important est à entreprendre, car le marché européen est devenu le premier du monde, et la Poste ne peut s'y imposer qu'en passant des alliances. La présence en milieu rural, enfin, est à la fois une spécificité du service public, une source de lien social et d'animation, mais aussi un exemple de modernisation. Si l'adaptation est une constante de la Poste et de France Télécom, l'esprit de conquête en est une autre, et c'est en conciliant efficacité et solidarité que ces deux exploitants publics sauront remporter les victoires que nous attendons d'eux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste). M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis de la commission de la production pour la Poste et les télécommunications - Les crédits alloués à la Poste et aux télécommunications, qui étaient en très légère régression l'an dernier, progressent cette année de 0,6 % en francs constants, témoignant de la volonté du Gouvernement de défendre et de promouvoir le service public. Le projet de budget conforte la présence de l'Etat dans le secteur des télécommunications. Les crédits de l'ART, de l'Agence nationale de fréquences et du groupement des écoles des télécommunications progressent respectivement de 5,8 %, de 5,6 % et de 4,2 %. Les rapports financiers entre l'Etat et les télécommunications sont moins complexes et moins porteurs d'enjeux que ceux de l'Etat avec la Poste. Le contrat de plan, symboliquement appelé contrat d'objectifs et de progrès, marque l'engagement financier de l'Etat et répond à de fortes attentes de l'exploitant. La dérive des charges de retraite est fort heureusement arrêtée, et 600 millions sont inscrits à cet effet au budget des charges communes, ce qui porte à 24 %, en réalité, l'augmentation de l'effort budgétaire consenti par l'Etat et rend mieux compte de la nette inflexion de sa politique. La stabilisation de l'aide au transport de la presse en 1999 et l'augmentation de 50 millions annoncée pour 2000 marquent également une opportune rupture avec l'idée, défendue lors du précédent débat budgétaire, d'un partage entre l'Etat et la Poste des recettes supplémentaires retirées des hausses de tarif. La Poste y gagnera, en cinq ans, quelque 350 millions. L'essentiel, cependant, réside dans la capacité des deux exploitants publics de répondre à leurs missions de service public dans un environnement de concurrence durcie. L'heure est venue de faire le bilan de l'ouverture du réseau commuté, et certains espoirs ont été déçus : Bouygues se retire du secteur au profit de Telecom Italia, et ce sont les petits opérateurs spécialisés qui obtiennent les meilleurs résultats, alors que l'esprit de la loi de réglementation était de favoriser les groupes réalisant des investissements importants. La directive postale européenne n'a modifié qu'à la marge les règles de la concurrence pour l'exploitant public, dont 40 % de l'activité est soumise de longue date à la concurrence. Il appartient au Gouvernement de nous soumettre rapidement le projet tendant à transcrire cette directive, faute de quoi certaines dispositions du code postal pourraient être menacées. Le transport du courrier et des colis est particulièrement exposé. La Commission européenne souhaite exploiter la possibilité de poursuivre la libéralisation, laissée ouverte par la directive. On peut craindre que la France ne se retrouve minoritaire dans sa volonté de freiner la déréglementation du secteur postal. Aussi faut-il noter avec satisfaction la volonté de l'exploitant de développer à marche forcée de nouvelles technologies se substituant au courrier papier. Si les missions de service public peuvent s'exercer dans un environnement concurrentiel, il faut prendre garde à ce que la libéralisation ne fasse parfois passer au second plan les principes fondateurs du service public. La tarification de l'accès des écoles à Internet est révélatrice : au nom de la libre concurrence, France Télécom a dû modifier son offre devenue moins attractive pour les écoles et les collectivités locales. Les exigences de la démocratisation de l'enseignement sont donc passées après celles de la libéralisation. Cette anomalie devra être corrigée. La présence postale en milieu rural et dans les quartiers difficiles pose les mêmes problèmes. Les contraintes de l'exploitant public lui font rechercher des économies et réduire sa présence. Les élus s'en sont émus. La création de commissions départementales de la présence postale offre un espace utile de concertation. Il faudra toutefois aller plus loin et dégager les crédits nécessaires au renforcement du partenariat. France Télécom et la Poste sont concernés par la réduction du temps de travail et je regrette que la Poste ne bénéficie pas, pour son activité soumise à concurrence, des aides de l'Etat. Les négociations s'engagent laborieusement. Certes, les difficultés liées à la diversité des situations et à la taille des deux exploitants sont réelles mais des solutions concrètes doivent être rapidement proposées. Il est temps que la Poste et France Télécom s'engagent résolument dans la réduction du temps de travail, axe essentiel de l'action gouvernementale. Le rapport pour avis est l'une des rares occasions d'évoquer les enjeux de secteur. Vos crédits, les engagements pris dans le contrat d'objectif et de progrès de la Poste, témoignent que vous voulez que l'Etat assume pleinement ses responsabilités dans ce secteur si riche de promesses. Aussi la commission de la production a-t-elle émis un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 10. M. Christian Bataille - Le budget de l'industrie augmente cette année de 15 milliards, de 16 même, à structure constante. Au total, avec la nouvelle subvention à l'ADEME dans le cadre de la réforme de la fiscalité écologique, il progresse de 1,1 %, il faut s'en réjouir. Sur l'ensemble, 59 % sont consacrés aux dépenses d'intervention, 35 % aux dépenses d'investissement et seulement 6 % aux dépenses de personnel et de fonctionnement en raison du regroupement qui conduit à la constitution du "Grand Bercy", dont on ne sait encore que penser. Ce budget est d'abord marqué par la consolidation du soutien aux petites et moyennes industries. Les moyens consacrés au développement industriel régional, en augmentation de 1,5 %, sont fixés à 656 millions en crédits de paiement et à 732 millions en autorisation de programme. Au sein de ces enveloppes, 50 millions sont consacrés à la poursuite du programme d'encouragement des PME à l'utilisation des technologies de l'information à des fins commerciales. L'action en faveur de la recherche industrielle et du soutien à l'innovation est poursuivie. Les moyens d'intervention en faveur de la recherche industrielle progressent de 13 millions. Le programme "société de l'information" est poursuivi, ainsi que l'effort en faveur du réseau national de recherche en télécommunication. La capacité d'intervention de l'ANVAR, en soutien de l'innovation dans les PMI, est maintenue à près de 1,4 milliard et ses crédits de paiement augmentent de 1,3 %. La contribution de l'Etat aux investissements civils du Commissariat à l'énergie atomique progresse de 15 %, la dotation étant répartie, comme en 1998, à parts égales entre les budgets de l'Industrie et de la Recherche. Le soutien aux zones de reconversion industrielle et aux entreprises en restructuration est maintenu afin de préserver l'emploi. Ces politiques doivent perdurer, car les reconversions ne sont toujours pas terminées. Les crédits qui y seront consacrés s'élèvent à 300 millions et les autorisations de programme, au même montant. L'aide aux organismes de formation au service des entreprises est renforcé. Les subventions d'équipement aux écoles des Mines progressent, tout comme les subventions de fonctionnement aux écoles des postes et télécommunications. Ces chiffres traduisent votre volonté de renouveler les équipements pédagogiques et de favoriser l'utilisation des nouvelles technologies. Ce budget prévoit également une relance de la politique de maîtrise de l'énergie et de développement des énergies renouvelables : les moyens mis à disposition de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie s'élèvent à 242 millions contre 75 en 1998. En outre, le Gouvernement a prévu une enveloppe de 500 millions, dont un tiers est inscrit au budget de l'industrie, pour relancer cette politique. Reste à savoir si nous saurons consommer ces crédits. Enfin, le rôle de l'Etat dans le secteur des télécommunications, ouvert à la concurrence depuis le 1er janvier 1998, est réaffirmé. Les moyens de l'Agence nationale des fréquences sont ainsi renforcés, ainsi que ceux de l'Autorité de régulation des télécommunications. Le groupe socialiste votera ce budget tout à fait convenable. J'en reviens à l'énergie. Il faut se réjouir de la progression des crédits de l'ADEME inscrits aux budgets de l'industrie ou de l'environnement. Les économies d'énergie peuvent être notre première source d'énergie. Les actions expérimentales conduites dans le domaine des énergies renouvelables vont être relancées, ce qui ouvrira des possibilités de développement industriel. Si l'Etat peut beaucoup dans certains domaines, il subit dans d'autres la contrainte extérieure : ainsi, le cours du pétrole s'établit aujourd'hui à 12 dollars le baril, ce qui modifie la donne mondiale. Mais ce cours pourrait redevenir erratique en raison des incertitudes internationales. Aujourd'hui arrivée à maturité, l'énergie nucléaire nous met pour longtemps à l'abri des crises internationales et des aléas du marché. Dans les nombreux rapports que j'ai rédigés pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ou pour l'Assemblée nationale, j'ai démontré la nécessité de faire évoluer le cadre et les esprits en ce qui concerne l'énergie nucléaire, afin de rendre ce secteur plus transparent et par là de renforcer la démocratie. Cependant, ce n'était pas en vue de prôner l'abandon de cette énergie. Au contraire, une meilleure transparence, un dialogue renforcé, le contrôle parlementaire et la loi doivent contribuer à maintenir l'électricité au premier rang. Le Gouvernement défend de ce point de vue une position équilibrée, refusant tout dogmatisme. Les présupposés idéologues nous éloigneraient des réalités économiques et sociales. Votre action s'inscrit dans "la longue durée" pour reprendre l'expression de Fernand Braudel. Dans le domaine de l'énergie en effet, il faut choisir le long terme contre le marché Spot. Je terminerai par quelques questions précises. Où en est la création des laboratoires en sites souterrains pour la recherche sur le stockage profond des déchets hautement radioactifs ? Depuis février, vous n'avez cessé de dire que la décision ne saurait tarder. Or, nous ne voyons toujours rien venir -il ne s'agit que d'appliquer la loi du 30 décembre 1991, rien de plus, rien de moins. S'agissant des réacteurs nucléaires du futur, j'avais moi-même, dans le rapport de la commission d'enquête sur l'arrêt de Superphénix, soutenu la proposition du Gouvernement, tout en affirmant la nécessité de mettre en oeuvre le nouveau réacteur EPR. Le Gouvernement allemand souhaitant abandonner le nucléaire, pouvez-vous nous dire si le partenariat Framatome-Siemens est toujours de mise ou bien si de nouveaux partenaires industriels peuvent être recherchés ? Enfin, les réacteurs de Civaux et Chooz sont actuellement arrêtés. Quand vont-ils redémarrer ? Vos réponses renforceront le dialogue entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Franck Borotra - Vous êtes au pouvoir depuis 18 mois, ce qui nous permet de porter une appréciation sur votre action. Les louanges ne vous ont pas manqué et c'est avec amusement que j'ai assisté, en commission, à la présentation exaltante de votre budget par vous-même (Sourires). C'est en fait un budget comme les autres, qui ne se signale que par des ajustements à la marge en dehors des dépenses obligatoires. L'action d'un ministère comme le vôtre s'évalue d'ailleurs moins aux crédits obtenus qu'aux impulsions données à une stratégie industrielle. Vous annoncez une action en faveur de la recherche et de l'innovation. Or les crédits de paiement et les autorisations de programme baissent dans ce domaine. Vous dites que le soutien aux zones de reconversion sera maintenu. Mais si on prend en compte l'ancienne ligne du fonds d'indemnisation minier, on voit que les crédits de paiement et les autorisations de programmes diminuent également. Quoique la diffusion des technologies ait progressé, les crédits en faveur des actions de développement régional reculent aussi. Reconnaissez que les crédits du CEA n'évoluent qu'à la marge. Quant à la subvention des Charbonnages de France, sa diminution va encore aggraver l'endettement de cette entreprise. Monsieur Pierret, j'ai beaucoup d'estime pour l'élu local et le ministre que vous êtes. Mais je dois vous reprocher d'avoir laissé défaire, sous la pression de votre majorité, le ministère de l'industrie, désormais en déconfiture. Je suis naïf, voyez-vous. Quand on parlé de tutelle sur votre ministère, j'ai pensé qu'il ne s'agissait que de définir un périmètre de compétence pour le ministère de l'économie et des finances, afin de le renforcer face au tentaculaire ministère de l'emploi et de la solidarité... (Sourires) L'erreur fatale a été de placer les choix industriels sous la responsabilité de l'administration des finances, dont l'incompétence en la matière est aussi grande que sa certitude d'être omnisciente (Sourires). Il fallait maintenir une administration d'ingénieurs indépendante, afin de défendre l'intérêt de l'entreprise contre une administration dont le point de vue est strictement comptable. Je regrette que votre ministère ait été ainsi amputé. Je suis ici votre défenseur. Vous ne dirigez plus qu'un secrétariat d'Etat au gaz, à l'électricité et à la poste... En vérité, le Gouvernement n'a pas réellement de stratégie industrielle. Il est prêt à lâcher les entreprises françaises au premier froncement de sourcil à Bruxelles, ce qui revient à préparer le triomphe de cet ultralibéralisme que vous condamnez dans vos discours. En acceptant cette situation, on tourne le dos à l'exigence d'un puissant socle industriel européen. La France ne devrait pas avoir de complexes, car elle accorde plutôt moins d'aides aux entreprises que ses voisins : 800 écus par personne employée en France, 1 090 en Allemagne, 1 665 en Italie, 1 513 au Luxembourg. Le Gouvernement est engagé dans des privatisations que, pour des raisons idéologiques, il n'ose pas mener à terme. Il se rend sourd à la grande inquiétude des industriels qui constatent le ralentissement de l'activité. Les prix industriels ont baissé de 0,6 % au troisième trimestre, de 0,5 % au deuxième, de 0,8 % au premier. Aucun secteur n'est épargné. Sur ce sujet, le Gouvernement ne s'est jamais exprimé pour apaiser les inquiétudes des entreprises. Avoir une politique industrielle, c'est d'abord défendre nos intérêts industriels majeurs. Dans ce domaine, nous n'avons rien à attendre de la Commission de Bruxelles. Vous vous apprêtez à faire rembourser aux entreprises du textile les aides qu'elles ont reçues pour faire face à une concurrence déloyale. Votre complaisance à l'égard des fonctionnaires de Bruxelles l'emporte sur la défense des intérêts du deuxième secteur industriel français. Pour plaire à Mme Voynet, qui ne vous en sait aucun gré, vous allez accélérer le rattrapage de la TIPP du gazole sur le super, prenant ainsi le risque de fragiliser notre industrie automobile, au moment où tous les pays vont s'ouvrir à la concurrence asiatique à la suite de l'accord catastrophiquement négocié par Mme Guigou. Pourtant l'atteinte à l'environnement, chacun le sait, provient avant tout de la vétusté des véhicules. Vous mettez en danger l'industrie pharmaceutique, en étendant la contribution financière des laboratoires à ceux qui ont signé des conventions avec le comité économique du médicament. Vous tenez des propos fermes de soutien au nucléaire civil, mais pour des raisons politiques vous avez fermé Superphénix, convaincu que cela suffirait aux Verts. Or ces derniers, forts de ce succès, s'attaquent à La Hague, et donc à notre filière de retraitement. Comme l'a dit Christian Bataille, il importe de se décider vite sur au moins deux laboratoires nécessaires, et de mettre en expérimentation des combustibles à haut taux de combustion. Sans doute à la suite des décisions du gouvernement précédent, vous avez engagé des restructurations industrielles, en particulier dans l'aéronautique. Le rapprochement d'Aérospatiale et de Matra Hautes technologies est une bonne décision, et l'apport de Dassault devrait permettre la constitution d'un groupe de 100 milliards de chiffre d'affaires. Mais il fallait ensuite que ce nouveau groupe se rapproche de DASA et British Aerospace pour constituer un ensemble capable de rivaliser avec Lockheed-Martin et Boeing. Or DASA et BAE risquent de se marier en ignorant le groupe français à cause de la présence de l'Etat dans le capital de ce dernier. Que dire d'Air France qui n'est pas privatisé pour éviter d'affronter le ministre communiste des transports ? Nos entreprises paient le prix de vos ambiguïtés. En 1998-1999, elles auront à supporter 70 milliards supplémentaires de prélèvements ou de manque à gagner. La loi sur les 35 heures va donc être payée par les 15 millions de salariés du secteur privé pendant que les 13 millions de personnes qui vivent des salaires et des aide de l'Etat sont à l'abri. Chaque année 40 % des entreprises privées suppriment des emplois, et 40 % en créent une quantité équivalente. Trois ou quatre millions de personnes sont ainsi concernées par ce mouvement que vous allez accélérer avec les 35 heures, au détriment principalement des bas salaires. M. le Président - Veuillez conclure ! M. Franck Borotra - Vous vous refusez à la baisse des charges sociales, dont M. Malinvaud a montré qu'elle est la seule solution pour créer des emplois. La taxe générale sur les activités polluantes va gravement gêner les industriels. La restriction des licenciements après 50 ans rendra très difficile les embauches à partir de 40 ans. Tout cela est très préjudiciable aux entreprises. "C'est la faute de mes prédécesseurs", telle est votre seule réponse, comme si durant les 18 dernières années vous n'aviez pas été aux affaires pendant 12 ans. Le groupe RPR votera contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. Claude Gaillard - Ce budget n'appelle ni louanges particulières ni commentaires passionnés. Je partage l'inquiétude de M. Borotra : la fusion de la direction de la stratégie industrielle avec celle des PTT, désormais rattachés avec l'ensemble des directions des ministères de l'industrie, du commerce et de l'artisanat et du commerce extérieur à l'omnipotent ministère de l'économie, ne vous permettra pas de mener une véritable politique de développement industriel. Au mammouth de M. Allègre est venu s'ajouter le moloch de M. Strauss-Kahn... A quoi attribuer la frénésie centralisatrice de la gauche ? La réforme de la taxe professionnelle et la création de la TGAP sont marquées par la volonté de tout faire remonter à Bercy au détriment du milieu régional. Le président de comité de bassin que je suis vous lance un cri d'alarme : vous prenez le contre-pied de nos partenaires européens. Par sa démarche, le Gouvernement organise en fait le désengagement de l'Etat de la politique industrielle. On le sait, la culture industrielle n'est pas celle du ministère des finances. Ce désengagement n'est pas une tradition française mais si le Gouvernement entre dans cette voie, il doit le dire. Ce peut être un choix intéressant s'il s'accompagne d'une libéralisation de l'économie. Or le gouvernement socialiste et pluriel n'a pas retenu cette option. Le désengagement de l'Etat est déjà une réalité dans le domaine énergétique. L'accord, en Allemagne, des Verts et du SPD pour sortir du nucléaire est préoccupant. Framatome et la COGEMA risquent d'en faire les frais. La décision purement politique, sans concertation ni débat, d'arrêter Superphénix, nourrit les incertitudes sur les concessions que pourrait consentir le Gouvernement au détriment de la filière nucléaire, après les élections européennes. Une politique industrielle doit être établie pour le long terme, et ce de façon claire. Cette "lisibilité" s'impose particulièrement pour le secteur énergétique, où les décisions sont d'importance stratégique, et mon groupe s'associe donc à la demande d'un débat au Parlement sur ce sujet. M. Yves Cochet - Très bien ! M. Claude Gaillard - Alors que l'ouverture du marché de l'électricité est programmée pour le 19 février, le texte nécessaire ne devrait être discuté ici qu'au début du même mois ! N'est-ce pas un peu tard ? D'autre part, n'aurions-nous pas pu prendre pour modèle l'ouverture du marché des télécommunications ? Une réflexion s'impose en tout cas, y compris sur la séparation entre clientèle éligible et clientèle captive, si nous voulons éviter une ouverture un peu "bancale". Nous manquons également de perspectives pour un secteur que vous connaissez pourtant bien, Monsieur le secrétaire d'Etat : celui du textile et de l'habillement. Beaucoup d'emplois ont été perdus là en dix ans, mais il en reste encore 240 000. Or, depuis que Bruxelles a rejeté le plan Borotra, l'avenir apparaît bien sombre : les entreprises, confrontées à une concurrence internationale de plus en plus dure, doivent encore absorber le choc des 35 heures et le passage à l'euro, en attendant la fin de l'accord multifibres, prévu pour 2005 ! Les questions qui se posent à propos de la Poste et des télécommunications apparaissent moins épineuses. Dans le premier cas, plus de 40 % des activités sont déjà dans le secteur concurrentiel mais la Poste reste un service public, essentiel à la solidarité et à l'aménagement des territoires. Elle doit aussi passer, rapidement, de la lettre à l'octet, comme l'a écrit un journaliste. Or, dans le même temps, l'Etat exige d'elle qu'elle produise un résultat brut d'exploitation égal à 6 % de son chiffre d'affaires et qu'elle maintienne la progression des charges de personnel en-deça de celle de la valeur ajoutée, tout en développant les emplois-jeunes. Tout cela est-il bien réaliste, même si l'on parvient à plafonner le surcoût des retraites ? Je redoute que nous ne prenions du retard sur nos voisins d'autant que, si M. Zuccarelli et Mme Voynet ont annoncé des projets de loi, nous ignorons encore comment vous comptez sortir du moratoire Balladur. Les lois Fillon et Borotra de 1996 ont permis à France Télécom de poursuivre son développement, en l'armant pour la compétition. Le personnel a consenti, de son côté, un effort que je salue. Il faut maintenant rester attentif au coût supporté par le service public, à l'évolution de la boucle locale et à l'éventuel "dégroupage". En outre, la partie "opérateur de services" l'emporte par trop sur la partie "opérateur de réseaux". Enfin, comme M. Hervé, je souhaite que France Télécom ne souffre plus de la distorsion due à la taxe professionnelle nationale : il faut le faire entrer dans le droit commun. Ce que Bercy ne jugeait pas raisonnable naguère sera peut-être accepté aujourd'hui, la fusion aidant... Vous l'avez compris, le groupe UDF ne votera pas ce budget, pour sanctionner l'insuffisante lisibilité de votre politique et le caractère imprévisible des décisions prises par le Gouvernement, sous l'emprise d'une majorité passablement divisée (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). M. Claude Gatignol - Je ne vous félicite pas, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour la façon dont se présente cette année votre budget. Les restructurations internes au ministère des finances vous ont contraint de déplacer les crédits de personnel et de fonctionnement vers la section "Services communs et finances" et cela, avec la budgétisation de certaines dépenses, ne nous a guère facilité les comparaisons d'une année sur l'autre. Mais surtout, nous ne comprenons pas bien quelle est votre stratégie industrielle, tant le périmètre de votre secrétariat d'Etat est mouvant. En données brutes, ce budget est en baisse de 6,6 %, tombant de 16,36 à 15,28 milliards. Vous nous opposez qu'il ne faut pas prendre en compte ce que vous appelez une réorganisation administrative et que je nomme désordre budgétaire : ce budget est à tout le moins peu lisible ! Pouvez-vous, d'autre part, parler de politique industrielle "volontariste". Quand vous vous bornez, pour les deux tiers, à reconduire des subventions à des organismes publics, qui, au surplus, ne sont financés qu'en partie par votre secrétariat d'Etat ? L'ANVAR l'est en effet aussi par le ministère de la recherche, alors que vous deviez en avoir la maîtrise totale. Même chose en ce qui concerne l'ADEME, financée à la fois par le budget de l'industrie et celui de l'environnement -ainsi que par des taxes nouvelles. Dans l'agrégat le plus important de votre budget -l'énergie et les matières premières- qui représente 26 % de la masse totale, 72 % des crédits sont des subventions aux Charbonnages de France. Sur 15,28 milliards, seuls 5,3 iront à une véritable politique industrielle. C'est tout à fait regrettable, à la veille d'une réduction des fonds structurels européens ! La lecture d'un tel budget nous donne-t-elle de vraies informations sur la politique industrielle de demain ? Y aura-t-il même encore place demain pour une politique industrielle de l'Etat ? La directive sur le marché intérieur de l'électricité devra être transposée avant le 19 février prochain, la directive sur le marché intérieur du gaz devra l'être avant le 10 août 2000. Les grands opérateurs publics devront donc s'ouvrir bientôt à la concurrence. EDF et GDF s'y préparent déjà, après avoir donné la priorité au désendettement. France Télécom ouvre avec succès son capital aux investisseurs privés. La privatisation, la mise en concurrence, seront très vite des réalités pour le secteur public industriel. A quoi servira alors le budget de l'industrie ? Sa part dans le budget général n'a cessé de baisser depuis 1994, passant de 2,09 % à 0,94 %. Les changements de périmètres incessants, la réorganisation actuelle, puis bientôt la restructuration démontrent bien la crise de notre politique industrielle en général et du secrétariat à l'industrie en particulier. Beaucoup de questions spécifiques restent de surcroît en suspens. Celle de l'énergie tout d'abord. La mise en concurrence des énergies va faire peser sur notre politique nucléaire de grandes incertitudes. Nous avons fait le choix de produire 75 % de notre électricité, grâce aux centrales nucléaires, et c'est un bon choix. Nous attendons toutefois que le Gouvernement confirme sa volonté de partenariat avec l'Allemagne, puis avec le Japon. Cette mise en concurrence va en effet plutôt favoriser le recours au gaz, mais notre voisin allemand envisage de fermer 19 centrales nucléaires, alors qu'il est notre principal partenaire en la matière. Par exemple, le retraitement des combustibles allemands usés par la COGEMA représente 20 % du chiffre d'affaires de l'usine de La Hague. La plus grande entreprise fabricante de centrales nucléaires, Framatome, s'est déjà recyclée vers des activités voisines, comme la connectique. L'augmentation des crédits du CEA ne changera rien à la tendance, même si cela va au moins dans la bonne direction, après l'arrêt de Superphénix. Les crédits destinés à la recherche industrielle et à l'innovation diminueront de 1,26 % et c'est là l'un des points les plus négatifs de ce budget. En effet, la recherche industrielle donne lieu à des programmes extrêmement coûteux et l'épargne privée en la matière est largement insuffisante ; surtout, les modes d'allocation de cette épargne vers les entreprises innovantes sont encore embryonnaires. Seul point positif, l'initiative en faveur de la diffusion des technologies dans les PME. La procédure ATOUT voit donc ses crédits reconduits, pour 212 millions. Ce n'est toutefois qu'une goutte d'eau au regard des besoins de financement. Envisagez-vous de renforcer cette ligne à l'avenir ? Par ailleurs, l'utilité de la subvention est plus que discutable en la matière. Pour favoriser les PMI et les PME innovantes, il faudrait avant tout créer un environnement plus propice : généraliser la constitution de fonds propres au moyen de sociétés de capital-risque, favoriser le "Joint Venture" et stimuler ce qu'on appelle aujourd'hui les "Business Angels". Enfin, pour les secteurs en reconversion, je ne vois pas dans ce budget les moyens nécessaires à une redynamisation de bassins industriels touchés par la crise. Les aides aux secteurs en difficulté ont toutes diminué, qu'il s'agisse du fonds d'industrialisation pour la Lorraine, du fonds pour la reconversion des zones minières, ou du fonds pour les restructurations industrielles. Votre budget évoque donc un vaste saupoudrage, amoncellement de subventions résiduelles qui n'auront pas une grande efficacité. Le secrétariat d'Etat n'est plus que l'ombre de ce que fut le ministère de l'industrie. Le recours permanent à la technique de la subvention et à des organismes publics spécialisés sont pour nous de mauvaises recettes. Le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera donc contre ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). M. Roger Meï - Vous nous présentez un budget en hausse de 1 % seulement, alors que celui de 1998 progressait de 3,8 %, ce que nous avions alors salué. C'est surtout un budget d'accompagnement des restructurations et récessions. Après avoir perdu une grande partie de la Recherche, votre ministère voit la gestion de son personnel passer sous la coupe directe du ministère de l'économie et des finances : c'est significatif. Les quelques points positifs sont l'augmentation du budget de la recherche du CEA, le maintien des crédits de l'ANVAR, l'augmentation de ceux de l'ADEME : je salue la reprise d'une politique de maîtrise de l'énergie et de développement des énergies renouvelables. Mais globalement le bilan est maigre. Peut-on même encore parler de politique industrielle française alors que les puissances financières et industrielles décident en fonction du marché et de la recherche du profit maximum, sans se soucier des hommes ? La fermeture de l'usine SEITA à Morlaix avec transfert d'activité à Strasbourg et la fermeture des Salins du Midi, propriété américanisée, en sont deux exemples récents. On pourrait évoquer aussi la construction navale, le textile, l'industrie charbonnière. Y aura-t-il une politique européenne face à ces puissances économiques ? Depuis 1990 notre industrie perd 75 000 emplois par an. L'Etat accompagne les restructurations en finançant les plans sociaux. A ce propos, quand sera mise en place la commission d'enquête parlementaire sur l'utilisation des fonds publics ? J'en viens au secteur de l'énergie. Je vous remercie, Monsieur le ministre, de l'attention que vous portez au bassin minier de Provence, avec votre proposition d'implanter un nouveau groupe de 300 megawatts à la centrale thermique et de créer 200 emplois EDF, en plus des emplois-jeunes. Cela ne compensera toutefois pas la disparition des 2 000 emplois de la mine, dans une région où le taux de chômage est proche de 20 %. Vous avez accepté d'étendre le champ du FIBM à des activités autres qu'industrielles : j'en ai pris acte. Quant à la politique charbonnière, avec l'application du pacte charbonnier et la fermeture des puits prévus en 2005, elle est l'antithèse de la politique de gauche en matière d'emplois. Continuer la politique de Longuet et de Juppé, c'est tourner le dos à tous les efforts de notre gouvernement pour préserver l'emploi. C'est signer l'acte de décès de nos régions minières, c'est créer une situation sociale ingérable en mettant des hommes à la retraite dès 40 ans. Aussi je vous demande solennellement de reporter de cinq ans la fermeture de nos puits. Quant à la politique en matière électrique, je rappellerai que la France produit 80 % de son électricité à partir des centrales atomiques, ce qui, Monsieur Cochet, la place en tête des pays qui luttent contre l'effet de serre ! (Interruptions sur divers bancs) Vous allez, dans quelques semaines, nous soumettre un projet de loi sur le développement du service public de l'électricité et la transposition des directives européennes. Nous avons déjà exprimé notre opposition résolue à ces directives qui visent en fait à ouvrir le marché électrique aux producteurs privés. Or ils s'intéressent exclusivement aux profits et non aux usagers. Ouvrir la possibilité de tarifs différents, cela signifie que l'usager va payer le prix fort, comme c'est le cas avec la cogénération. A ce propos, nous sommes nombreux à dénoncer le scandale du tarif préférentiel d'achat par EDF du surplus électrique. La surabondance du gaz et son bas prix entraînent des appétits considérables. Mais impliquer des sociétés privées dans la production d'électricité à partir du gaz va entraîner la diminution de la part de l'énergie électrique d'origine nucléaire. Je voudrais dire notre inquiétude quant à l'avenir du nucléaire français, en dépit des discours rassurants que vous-même, M. Strauss-Kahn et le Premier ministre nous prodiguent. L'arrêt de Superphénix est une faute immense. Il a été décidé sans que le Parlement ait eu à en débattre et sur la base d'un accord électoral entre deux composantes seulement de la majorité. L'usine de la Hague est maintenant visée et, au-delà, toute la filière nucléaire française. Ce qui se passe au-delà du Rhin n'est pas pour nous rassurer. Monsieur le ministre, quand allez-vous décider de mettre en place les laboratoires souterrains de recherche sur le stockage des résidus nucléaires, comme le prévoit la loi Bataille de 1991 ? Le 11 juin dernier, le Premier ministre annonçait une décision prochaine... Quand allez-vous décider de réaliser le prototype des nouvelles centrales atomiques, l'EPR ? Quand aura lieu le débat sur l'énergie et l'environnement, promis à plusieurs reprises par le Gouvernement ? Ne pensez-vous pas qu'il est nécessaire, avant toute discussion sur la transposition des directives, que le Parlement puisse faire des propositions ? Le groupe communiste s'abstiendra, à moins qu'entre-temps vous ne répondiez à ses questions (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). M. Yves Cochet - J'utiliserai un double critère pour évaluer ce budget : favorise-t-il la reconversion écologique de l'industrie d'une part, et le développement des services publics d'autre part ? Malgré quelques inflexions intéressantes, notamment pour l'ADEME, ce budget ne satisfait pas assez à ces deux critères et c'est pourquoi nous ne pourrons pas le voter. En outre, la politique énergétique exige une approche internationale et à long terme, or elle n'est pas assez présente dans ce budget. Ainsi la France peut-elle ignorer la décision de l'Allemagne de renoncer au nucléaire ? M. Destot a qualifié le nucléaire d'énergie "d'avenir" ("Tout à fait" ! sur divers bancs). Or, la France est presque seule au monde à donner la priorité à l'énergie nucléaire. La loi Bataille prévoyait trois voies pour le stockage des déchets nucléaires : l'entreposage en surface, la transmutation, qui semble plutôt être du domaine rêvé alchimiste, enfin l'enfouissement profond. Alors que nous réclamons tous un débat sérieux et objectif sur la politique énergétique, pourquoi opter déjà pour la technique de l'enfouissement ? M. Michel Destot, rapporteur spécial - Cela a été voté ! M. Yves Cochet - Vous indiquez que vous voulez renforcer la sûreté des centrales nucléaires. Très bien. Mais vous allouez aussi plusieurs milliards au CEA pour préparer EPR, alors que cela ne pourra se faire qu'en collaboration internationale, notamment avec Siemens. Or, sait-on quelle va être la position de Siemens au vu des dernières décisions du gouvernement allemand ? Et s'il faut choisir, au début du prochain siècle, les moyens de la diversification, encore faudra-t-il que chaque source d'énergie primaire puisse se défendre sur un pied d'égalité avec le nucléaire. Or, le niveau de la dotation du CEA, en hausse de 15 %, ne permet pas, malgré l'effort consenti en faveur de l'ADEME, qu'il en soit ainsi. j'aimerais savoir, à ce propos, quelle part de cette dotation sera dévolue aux activités de contrôle, de sûreté et de démantèlement - car il faudra bien démanteler non seulement Superphénix, mais aussi d'autres centrales plus anciennes, comme Fessenheim, vieille de plus de trente ans ! (Murmures sur les bancs du groupe RPR et du groupe DL) Je lis, page 13 du rapport Destot, que la France doit s'engager dans une politique de relance de l'énergie. Est-ce une coquille, ou faut-il comprendre qu'il s'agit de relancer la consommation d'énergie ? Je préférerais, pour ma part, que l'on mette l'accent sur la diversification. M. Michel Destot, rapporteur spécial - J'en parle aussi ! M. Yves Cochet - Page 14 du même rapport, il est question de diminuer le coût de l'énergie pour l'ensemble des usagers et des acteurs économiques. M. Michel Destot, rapporteur spécial - Vous êtes contre ? M. Yves Cochet - Il faut être plus précis, et internationaliser l'ensemble des coûts de chaque filière, ce qui fera apparaître le bilan du nucléaire comme moins favorable, compte tenu, entre autres, du coût du démantèlement. Pour développer les énergies renouvelables, il convient d'instaurer des quotas progressifs, de taxer les émissions de CO2 et de détaxer, en revanche, les matériels tels que capteurs solaires et piles photovoltaïques ; cela nous a été refusé en première partie, mais nous ne désespérons pas d'avoir gain de cause l'an prochain... Je conclurai sur une série de questions relatives aux télécommunications et à la Poste. L'ART aura-t-elle les moyens de remplir sa mission, qui est d'assurer l'égalité d'accès au service public et non la pureté de la concurrence ? La répartition des fréquences ne devra-t-elle pas s'opérer bientôt au niveau international, compte tenu du développement des satellites de basse altitude ? Est-il admissible que France-Télécom, qui affichait 15 milliards de bénéfices en 1997 et qui a réduit ses effectifs de 14 000 en trois ans, fasse état de son intention de supprimer encore 2 à 3 % de ses emplois chaque année et table malgré tout sur des aides financières de l'Etat dans le cadre de la réduction du temps de travail ? Comment l'Etat convaincra les entreprises privées de créer des emplois s'il échoue à en persuader une entreprise publique aussi prospère ? Je suis tout aussi inquiet des perspectives de négociation à la Poste, quand je vois que, sur les 11 000 emplois qu'elle a créés l'an dernier, 1 500 seulement sont des emplois statutaires, 2 000 des emplois contractuels, 2 000 des emplois-jeunes et 5 000 des CDD à temps partiel : il est déplorable qu'un exploitant public donne l'exemple de la flexibilité et de la précarisation ! M. Yves Nicolin - Et les emplois de Superphénix, vous y avez pensé ? M. Jacques Guyard - Une grande part des activités exigeant des investissements lourds, peu rentables à court terme, est historiquement liée, dans notre pays, à l'Etat. C'est le cas des industries aéronautiques, spatiales, ferroviaires, de l'énergie, des activités postales et des télécommunications. Aujourd'hui, la mondialisation de l'économie, la construction européenne et la nécessité d'accroître nos capacités d'investissement ont bouleversé les règles du jeu. La mise en bourse d'une partie du capital de France Télécom rend vital le niveau du taux de profit, et conduit donc l'entreprise à privilégier les activités et les clientèles rentables. L'Etat, s'il veut sauvegarder les intérêts nationaux à long terme et les exigences du service public, doit rester un actionnaire majoritaire très présent, et veiller à ce que les valeurs de service public soient intégrées dans le cadre réglementaire européen. Ce dernier point est essentiel dans le cas des activités postales, car la qualité de la desserte des quartiers en difficulté et des zones rurales peu denses ne survivrait pas à une trop forte réduction du domaine réservé, d'où la nécessité de consolider celui-ci au plus vite en transcrivant la directive européenne. L'Etat doit également rester présent dans la recherche et la formation, qui ont assuré le succès d'Airbus et d'Ariane, tandis que la SNECMA a pris du retard, dans le domaine des moteurs, sur ses concurrents américains, fortement stimulés grâce à des crédits militaires. De ce point de vue, ce budget est un bon budget, mais Alcatel est fragilisé, comme on l'a vu, par la rupture de ses liens privilégiés avec France Télécom. Elle était certes inévitable, mais l'Europe tarde à prendre sa part, aux côtés de l'Etat, de la garantie des perspectives à long terme. Reste à espérer dans le coup d'arrêt qui vient d'être donné à l'ultralibéralisme par les électeurs de plusieurs pays européens... Dans le secteur des télécommunications, la technique va plus vite que la réglementation, provoquant d'amples investissements et des créations d'emplois. Il est donc légitime de distinguer, comme le fait la loi de réglementation, entre la licence accordée aux créateurs de réseaux et celle délivrée aux opérateurs qui se contentent d'exploiter des niches rentables, à condition que les usagers bénéficient de la baisse des prix et du plafonnement des tarifs du service universel. Les crédits alloués à la Poste rompent avec une longue tradition d'abandon : stabilisation des charges de retraite, liberté de gestion des fonds des CCP. Reste à la doter des capitaux propres qui lui permettront de nouer des alliances et à l'accompagner dans le processus des 35 heures. La Poste doit tabler sur son exceptionnelle couverture du territoire et sur la confiance que lui accordent nos concitoyens pour conquérir de nouveaux marchés et services : gestion de l'adresse, y compris électronique, annuaire universel, certification des transmissions. De ce point de vue, il est vital d'annuler l'amendement adopté par le Sénat le 29 octobre dernier dans le cadre du règlement du budget 1995. Sous prétexte d'un déficit cumulé de 18 milliards de la Poste, parfaitement connu de la Cour des comptes, et non apuré dans la loi de finances initiale 1995, le Sénat a réduit les revenus de la Poste de 860 millions par an, soit ce que coûtent 2 000 bureaux en zone rurale. Dans un budget en équilibre fragile, ce serait un véritable coup de poignard dans le dos. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) M. Félix Leyzour - Le contrat de plan qui trace pour cinq ans les orientations et les objectifs qui devront être atteints par la Poste a été signé en juin dernier. Je ne suis pas sûr qu'il traduise effectivement un réengagement de l'Etat. Sa participation au financement des retraites traduit plutôt l'accompagnement du système propre aux postiers vers un régime moins favorable. Comment la Poste utilisera-t-elle les trois milliards qui lui seront versés ? L'amélioration de la présence postale en milieu rural et dans les zones sensibles est renvoyée à un partenariat avec les collectivités locales. Si les communes doivent être associées aux choix, il faut éviter que les plus pauvres d'entre elles soient amenées à payer le plus pour ne pas être dépouillées de toute présence postale. Quant à l'emploi et la résorption de la précarité, qui concerne près de 60 000 contractuels, aucun élément chiffré n'apparaît dans le contrat de plan. Il est pourtant possible de parvenir à des résultats satisfaisants avec l'application des 35 heures à la Poste qui doit être recherchée avant toute suppression de postes. Les postiers ont déjà donné, avec 8 milliards de gains de productivité réalisés en quelques années. Rapportées au chiffre d'affaires, les charges de personnel ont baissé d'un peu plus d'un point entre 1995 et 1997. En ce qui concerne les services financiers, l'Etat laisserait la Poste gérer directement les fonds de roulement des CCP, soit 180 milliards en 1997, qui seraient placés en obligations. Ainsi, l'argent des titulaires d'un compte postal, dont la plupart ont de petits revenus, alimenterait le marché financier. N'y a-t-il pas d'autre ambition à assigner au service public ? Ne devrait-il pas plutôt apporter au logement social le soutien financier nécessaire pour répondre à la demande très forte de nos concitoyens ou favoriser l'accès au crédit immobilier pour les ménages les plus modestes ? Le contrat de plan ne définit pas précisément les missions de services publics. Avec quels moyens, quels emplois, quel effort de formation et de recherche la Poste assurera-t-elle ses missions traditionnelles comme l'aménagement du territoire et la péréquation, mais aussi ses missions nouvelles en faveur d'un service public plus solidaire, facteur de cohésion sociale ? Les enjeux du développement des télécommunications et des technologies de l'information sont considérables. L'augmentation de 40 % des crédits consacrés aux aides à l'utilisation des technologies de l'information est tout à fait positive, d'autant que les PMI en seront, pour partie, bénéficiaires. Ce soutien leur est nécessaire, mais l'enveloppe de 35 millions n'est-elle pas trop modeste ? France Télécom respecterait son cahier des charges en consacrant plus de 4 % de son chiffre d'affaires à la recherche et développement mais les inquiétudes sont vives quant à l'avenir du CNET. Ainsi à Lannion, où l'implantation du centre de recherche a joué le rôle moteur que l'on sait pour le développement de la région, près de 150 emplois ont disparu depuis 1997 et le centre de transmissions satellites à Plemeur-Bodou et celui de formation des télécommunications à Lannion seraient menacés de fermeture d'ici cinq ans. Quel sera le développement de France Télécom s'il sacrifie ces capacités de recherche fondamentale et appliquée ? Avec France Télécom notre pays dispose d'un outil de développement considérable. Quelles orientations le Gouvernement compte-t-il défendre au sein de l'entreprise sur ces questions fondamentales ? Dans cette période de préparation des contrats de plan Etat-régions, quel rôle entend-il faire jouer à la recherche en particulier et aux télécommunications en général pour le développement du pays et de nos régions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) M. François Brottes - A la faveur de ce bon budget, au service de l'innovation, de la formation des hommes et de la création d'activité, je parlerai d'aménagement du territoire, préoccupation inséparable de vos objectifs de développement de l'activité économique et de l'emploi. Vous le savez mieux que quiconque, Monsieur le ministre. Certaines missions de service public s'inscrivent désormais dans le cadre du service universel énoncé dans des directives européennes spécifiques relatives par exemple à l'énergie, aux télécommunications ou à la Poste. Certes, toutes ces directives ne sont pas encore transcrites en droit français et nous ne sommes pas en train de parler des schémas de services collectifs, chers au coeur de Mme Voynet et dont notre assemblée sera saisie lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, mais j'appelle votre attention sur cette question car nous risquons d'assister à un empilement de textes incompatibles. En effet, deux logiques s'affrontent : une logique verticale, par secteur d'activité au service de la compétitivité et de la performance : les Télécoms, la Poste, l'énergie et une logique horizontale, par territoire, au service des populations et de l'intérêt général qui doit veiller à ce que chacun, où qu'il se trouve sur le territoire, ait les mêmes capacités d'accès à certaines prestations de base. Comment les concilier en plaçant l'homme au coeur du dispositif ? La loi contre l'exclusion votée par notre majorité apporte des réponses concrètes. Pour la Poste, ce que nous garantit le service universel, c'est la régularité en tous points du territoire de la distribution du courrier, mais non la présence postale au sens de l'accueil au guichet. Pour les Télécoms, la contrainte faite à l'opérateur du service universel, c'est d'implanter des cabines téléphoniques dans chaque commune en fonction du nombre d'habitants, mais cette règle ne prend pas en compte l'étendue de la commune ou son nombre de hameaux -dans ma circonscription, certaines communes en ont plus de 20. Quand elles essaient de développer une économie touristique, les gens qui s'y promènent et qui ne peuvent se servir de leur téléphone portable, faute de signal, risquent demain de ne pas trouver de cabine. Le moment est venu de définir, pour le milieu rural, une sorte de base incompressible de l'offre de services publics. On ne peut descendre en dessous de certains seuils car la reconquête de notre espace rural deviendrait impossible, d'autant que les communes concernées sont déjà dépourvues de ressources. Certes, les contraintes financières des opérateurs les obligent à se détourner des zones non rentables. Mais le Gouvernement veille à limiter certaines dérives. Je salue à ce propos votre excellente coopération avec la Commission supérieure du service public des postes et des télécommunications, lors de la préparation du nouveau contrat d'objectif et de progrès, ainsi que l'installation, ce mois-ci, dans chaque département, d'une commission départementale de la présence postale territoriale. Ces avancées permettront de traiter dans le dialogue et la sérénité cette question cruciale pour le développement rural. Pourriez-vous par ailleurs prendre une initiative afin qu'au niveau européen soient établies des passerelles entre l'usage des fonds structurels et le maintien des missions de service public, donc du service universel, en milieu rural ? Tout cela, bien sûr, ne m'empêchera pas de voter votre budget, d'autant qu'il s'agit pour moi d'aller en solliciter un autre : n'est-ce pas à une Europe collectivement solidaire de trouver le meilleur équilibre entre l'application de ses directives et le bon usage de ses fonds structurels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) M. Daniel Paul - Le 22 octobre dernier, un communiqué ministériel annonçait la fermeture des Ateliers et Chantiers du Havre. Celle-ci aurait des conséquences lourdes sur l'ensemble de la filière navale française, sur la filière maritime, sur des milliers d'emplois, pas seulement au Havre. D'autres solutions sont possibles pourtant. Vous connaissez l'intérêt du projet qui associe les deux chantiers normands de Cherbourg et du Havre, et prévoit des coopérations possibles avec celui de Saint-Nazaire pour une véritable filière navale française. Il est soutenu par toute la région. Il rompt avec la logique désastreuse qui a fait de notre pays le bon élève de l'Europe pour fermer des chantiers et supprimer des emplois. L'aide publique au chantier havrais a été évoquée. Il est exact que l'Etat aura fourni une subvention de 1 800 millions à ce chantier depuis 1995, afin qu'il mène à bien la commande que l'Etat lui avait imposée il y a trois ans. En effet, le contexte dans lequel évolue notre industrie navale, le dumping social, la privatisation de la CGM, les atermoiements français et européens sur les aides à la filière navale, ont conduit le gouvernement Balladur, à imposer aux ACH une commande hors normes. La responsabilité fondamentale pèse donc sur la droite, alors au pouvoir. L'Etat a estimé, dès février 1997, qu'il devait aider le chantier à s'en sortir ; quand, dans une logique libérale, les banques retiraient tout soutien, c'est l'argent public qui a sauvegardé l'emploi et l'activité. L'armateur, par ses exigences excessives, les fournisseurs, par leurs retards ont aussi leur part de responsabilité. Les actionnaires ont prouvé leur incapacité à résoudre le problème, pire ils ont montré comme le groupe Bolloré, que s'ils savaient encaissé les dividendes, ils entendaient bien désormais que l'Etat assume les pertes... Pourquoi les emplois havrais et l'équilibre de notre filière navale devraient-ils souffrir de l'incurie de la droite ? Pourquoi les intérêts de nos industries navales devraient-ils être soumis à des exigences qui mettent en cause nos intérêts vitaux ? Vous avez annoncé que l'aide de la France aux ACH serait illégale. En quoi le serait-elle ? Que signifie ce mot, quand des milliers d'emplois sont en jeu et l'intérêt national en cause ? Tous les chantiers navals du monde sont aidés par des fonds publics ! Certains en reçoivent même de pays qui ferment leurs propres chantiers, ce qui est un comble ! Les Etats-Unis, qui ne signent pas les accords de l'OCDE visant la suppression des aides à la filière navale, surprotègent leurs chantiers en les aidant par des commandes militaires. Les Allemands, depuis la chute du mur de Berlin, ont modernisé leurs chantiers à coups de milliards de marks. Les chantiers du sud-est asiatique ont été rénovés avec l'aide du FMI. L'union européenne ne peut interdire à un Etat de sauvegarder ses intérêts vitaux et ses emplois. On nous dit que le repreneur des ACH devrait rembourser l'aide reçue. Et si le chantier s'arrêtait ? On ne bâtit pas l'avenir d'un pays sur la base de tels renoncements. On ne peut bâtir l'Europe sur des décisions dont la première conséquence sera de supprimer 2 000 emplois dans une région où le taux de chômage est supérieur à 17 %. On ne propose pas un avenir européen à une population en lui imposant l'ultralibéralisme. On voudrait que la France réduise ses chantiers au moment où les autres pays augmentent leurs capacités. Le commerce maritime est en expansion, comme les besoins de construction de navires. Pour avoir la confiance des peuples, la construction européenne doit ouvrir des perspectives. Or elle n'est que source de désillusions. Les communistes refusent cette Europe ultralibérale. Les peuples aussi d'ailleurs, qui viennent de désigner de nouvelles majorités dans nombre de pays. Ils veulent une Europe des hommes et non plus une Europe de l'argent ; une Europe qui préserve les atouts des Etats-membres et renforce la coopération, et non une Europe guidée par les grands intérêts financiers et les principes libéraux. Chacun sait le leurre que constitue la "reconversion". Si vous avez, Monsieur le ministre, des moyens supplémentaires, mettez-les dès-à-présent au service des chômeurs de la région havraise, sans attendre qu'ils soient 2 000 de plus. Qu'on ne nous dise pas que la fermeture des ACH serait compensée par des investissements déjà annoncés, sauf à reconnaître que, depuis plusieurs mois, les choses étaient réglées ! Il y a des navires à construire, il y a des hommes qui savent les construire. Une solution est à portée de main avec la constitution d'un pôle normand dans la filière navale. Dès le début, j'ai poussé les collectivités locales à agir ensemble. Toutes sont d'accord pour participer à un plan de relance répondant aux besoins en investissements et en fonds de roulement par le recours aux aides directes, aux garanties d'emprunts et aux bonifications d'intérêts. Leurs représentants se réuniront lundi au Havre. Après avoir aidé les ACH à franchir un cap difficile, l'Etat n'aurait donc plus qu'à rapprocher les différentes parties. C'était le sens de mon courrier au ministre de l'économie, du 30 octobre dernier. Enfin, l'Etat devrait autoriser une prise de commande dans le cadre du dispositif actuel d'aide à la filière navale. Ainsi, il valoriserait l'aide importante apportée depuis 1995. Ne cassez pas cette dynamique, appuyez-vous sur cette volonté unanime de sauver la filière navale. Ne donnons pas aux peuples le sentiment que l'Europe se fait à leur détriment. Je vous appelle à refuser des injonctions d'un autre âge qui rappellent le temps où la droite dominait notre pays et l'Europe. Il nous faut, comme l'a rappelé le Premier ministre dans une réponse récente à Robert Hue, "mettre l'accent sur la croissance et l'emploi, la nécessité d'une coordination accrue des politiques économiques nationales, le caractère inacceptable du dumping social..." Défendre une Europe de progrès, c'est aussi favoriser des coopérations porteuses d'avenir. Monsieur le ministre, je ne peux voter votre budget. Donnez ses chances à la filière navale, en Normandie et dans le reste de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste). M. Alain Gouriou - J'ai déjà appelé l'attention du ministre de l'Education nationale sur la recherche dans le domaine des télécommunications. Il nous paraît en effet essentiel de définir une stratégie de la recherche publique, afin de dynamiser les entreprises de ce secteur. Certes, l'effort de recherche consenti par France Télécom reste considérable : il est estimé à plus de 5 milliards mais il se concentre surtout depuis 1996, sur la recherche et développement concernant son métier d'opérateur, au détriment de la recherche en amont menée sur les différents sites du CNET. Ce retrait relatif n'est pas sans poser de problèmes aux autres partenaires du secteur comme les industriels équipementiers. Même si des partenariats de type GIE se mettent en place dans le domaine de l'opto-électronique, comme celui créé entre Alcatel et le CNET à Marcoussis, d'autres initiatives, alliant le CNET au CNRS. Ce retrait est justifié par la mise en concurrence de l'opérateur historique. Comme l'expriment certains de ses dirigeants, "France Télécom n'a pas à financer ce qui pourrait bénéficier à ses concurrents". Mais ce retrait n'est pas sans risque pour nos équipementiers, de dimension internationale. Leurs centres de développement et de production peuvent être délocalisés en dehors du territoire national. Je note, Monsieur le ministre que les crédits affectés au Réseau national de recherche en télécommunications sont maintenus à 260 millions. Ces crédits ont à l'évidence un effet de levier, puisqu'ils viennent abonder des plans de financement de recherche présentés par d'autres centres de recherche et par des industriels. Ils ont été suffisants en 1998. Mais ne pourrait-on envisager, pour l'avenir, que le RNRT puisse bénéficier des ressources créées par la vente prochaine des titres de France Télécom en bourse ? Le 3 novembre dernier, le Gouvernement a publié un décret qui réorganise votre ministère, créant notamment une "direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes". Celle-ci comporte de nombreux services chargés de mener des études prospectives dans le secteur des technologies de l'information et de la communication. Je ne doute pas que ces nouveaux services sauront, en liaison avec le ministère de la technologie, définir des programmes nationaux et communautaires de recherche-développement. Je souhaite aussi appeler votre attention, Monsieur le ministre, sur cette proposition de la commission de la production tendant à créer une commission d'enquête parlementaire de trente membres sur les pratiques de délocalisation et d'externalisation d'activités dans les groupes industriels et à l'utilisation des aides publiques qui leur sont versées. Ce procédé d'externalisation, très pratiqué aux Etats-Unis, se répand dans nos entreprises, désireuses de se recentrer sur leurs seules activités stratégiques afin de réduire leurs coûts. L'opération consiste à sous-traiter une partie des services, comme l'accueil ou la maintenance informatique. Les organisations syndicales s'inquiètent à juste titre de ce transfert de salariés d'une entreprise à une autre, sans préavis. Nous souhaitons, Monsieur le ministre, que vous vous montriez vigilant sur ce point. Le groupe socialiste votera votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Jean-Pierre Kucheida - Ce budget volontariste nous ouvre quelques perspectives. Il pourrait certes être amélioré, mais il aurait fallu y penser plus tôt, Monsieur Borotra. Je souhaite avant toute réaffirmer mon attachement au nucléaire, l'énergie de l'avenir, l'énergie de Kyoto, ainsi qu'à notre service public du gaz et de l'électricité. Une transposition douce des règles européennes permettra à nos deux entreprises nationales d'être encore meilleures. Le maintien du service public est cependant impératif. Comme l'a dit M. Meï, on pourrait encore accepter la fermeture des mines si les gouvernements successifs -je les mets tous dans le même sac- s'étaient pleinement investis dans la reconversion des bassins miniers. Ce n'est pas le cas, comme j'ai pu le constater récemment dans le Puy-de-Dôme, où j'ai visité les sites de Brassac-les-Mines et de Saint-Eloy-les-Mines. Nous comptons sur votre bonne volonté. Le fonds d'indemnisation des bassins miniers sera utile. Je vous félicite pour les progrès accomplis depuis la fin du gouvernement Juppé. Cependant, les crédits restent infimes à côté de ceux disponibles, par exemple, pour les chantiers navals. Je ne dis pas que les chantiers navals en ont trop, mais que les régions minières n'en ont pas assez. M. Daniel Paul - Très bien ! M. Jean-Pierre Kucheida - Il est donc indispensable de revenir aux moins aux chiffres obtenus sous François Mitterrand, soit environ 250 millions en 1983. Certains vous diront que ces crédits sont mal consommés. Mais beaucoup dépend de l'attitude des préfets. J'ai entendu celui du Puy-de-Dôme déclarer que le GIRZOM avait disparu, ce qui est complètement faux. Il faudrait aussi revoir les critères d'attribution, pour les élargir, par exemple au secteur touristique dans le haut pays de l'Hérault, ou à la formation, en investissant dans le développement de lycées techniques. Je m'interroge donc sur la sincérité du Gouvernement et surtout sur celle de l'administration de Bercy qui fait semblant de donner pour mieux reprendre. La Soginorpa gère 70 000 logements sociaux dans le Pas-de-Calais. Transformée par M. Borotra en une société par actions simplifiée, elle est dirigée autoritairement par un comité qui ne compte aucun élu. Tout juste un conseil des partenaires doit-il donner des indications. Vendredi dernier ce conseil se prononçait à l'unanimité pour l'arrêt de travaux inadaptés dans mon secteur de Bouvigny-Boyeffles. Mardi, ces travaux reprenaient comme si de rien n'était. De qui se moquent Charbonnages de France et la SAS Soginorpa ? Le résultat c'est que les habitants en ont après vous. Il vous faut réagir, et fixer par la loi les garanties que l'Etat doit aux 1,2 million de mineurs et anciens mineurs. Le code minier qui date du premier Empire, a été conçu pour l'ouverture des mines. Il est urgent de l'adapter à leur fermeture. Cette révision fait un peu figure d'Arlésienne. Où en êtes-vous exactement ? La situation reste urgente, en Lorraine et à Moyeuvre en particulier où des affaissements se sont produits et aussi en Bourgogne. Je connais votre engagement personnel, mais il faut traduire tout cela dans la loi rapidement, en prenant en compte dans les abandons de concessions, la volonté raisonnable des élus miniers. Les bassins miniers, rappelons-le, représentent 4 millions d'habitants et une centaine de parlementaires sont concernés. Je voterai votre budget mais je vous demande de faire avancer ces dossiers essentiels (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Je tiens à remercier les rapporteurs et tous les intervenants. Il nous faut concevoir différemment les rapports entre l'Etat et les entreprises. Il s'agit aujourd'hui pour l'Etat de favoriser la mise en oeuvre des stratégies définies par les entreprises elles-mêmes, et de les tourner vers l'innovation ! Instaurer une culture d'entreprise tournée vers l'innovation compétitive constitue le dessein de ce budget et le moteur de mon action. A périmètre constant, la progression du budget de l'industrie sera de 1,1 % en 1999, après le fort redressement de 3,8 % cette année. Le secteur industriel reste la source par excellence de la création de richesses, et donc d'emplois. Ainsi, la reprise de l'activité économique repose essentiellement sur l'industrie. La production industrielle a crû de 8 % en 1997, et continue au premier semestre 1998 au rythme de 4 %. L'emploi industriel a augmenté de plus de 50 000 personnes au premier semestre 1998 et les gains de la productivité horaire du travail sont proches de 4 % depuis dix ans. L'industrie doit s'adapter à la mondialisation des échanges qui est à mes yeux non pas une contrainte mais une opportunité. Elle nous impose d'être compétitifs en permanence. Sur ce point la clé de la réussite réside de plus en plus dans l'avance technologique et la capacité d'adaptation. Pas de création d'emplois sans compétitivité, pas de compétitivité sans innovation ! La réussite suppose, d'autre part, l'optimisation de la taille, comme l'illustrent les partenariats développés dans les secteurs de l'aéronautique ou de l'électronique. La commission de la production, sous la présidence de M. Lajoinie, y est très attentive. Enfin, la qualité et la formation des hommes sont des atouts décisifs. Ce sont les salariés qui donnent aux entreprises un avantage concurrentiel, comme l'ont bien exprimé MM. Billard, Leyzour, Meï et Paul. Parmi les missions définies par Dominique Strauss-Kahn et moi-même pour le ministère de l'industrie, la première consiste à éclairer l'avenir, faciliter l'élaboration des stratégies et développer les compétences. En effet, l'action de l'Etat ne se mesure pas uniquement au volume des crédits dépensés. Mon département ministériel doit être, pour nos entreprises, d'abord un centre d'information et de conseil. J'entends favoriser le développement de la veille économique concurrentielle. Cette mission nouvelle et importante est assurée par le service des statistiques industrielles qui collecte, traite et restitue une information sans équivalent au profit des 23 000 entreprises industrielles. J'entends qu'il procède à des retours d'information permettant à chaque chef d'entreprise de situer son action par rapport à celle de ses concurrents. L'intelligence économique est une autre des missions du ministère de l'industrie, qu'il exerce soit directement soit par ses directions régionales, soit par les organismes placés sous sa tutelle comme l'ANVAR. La veille technologique mondiale est nécessaire, notamment dans le domaine des hautes technologies. Tous les élus connaissent l'efficacité de mes services. Mon administration contribue également à la réflexion prospective et à la diffusion comme l'attestent les "Entretiens de l'industrie" dont les actes vous sont régulièrement envoyés, ou les multiples tables rondes qu'il organise ou soutient. Enfin, il contribue à l'excellence de nos écoles d'ingénieurs, objets d'une légitime fierté nationale. J'attache une grande importance au lien organique qui unit ces établissements à mon département, ainsi qu'à la fertilité pour les jeunes d'un rapport constant à l'esprit d'entreprise ! Les moyens de ces écoles augmentent : de + 3 % pour les Mines, de + 4 % pour les écoles des télécommunications et de + 8 % pour SUPELEC. S'agissant de cette dernière, Monsieur Destot, je suis prêt à réexaminer la situation au cours de 1999 pour m'assurer que la subvention prévue permet bien d'exécuter son plan de développement, quitte à l'ajuster si nécessaire. M. Michel Destot, rapporteur spécial - Merci ! M. le Secrétaire d'Etat - Le "Charte de qualité" des écoles d'ingénieurs, la formation d'ingénieurs-créateurs d'entreprises, ainsi que la réactivité du réseau des écoles -dont témoigne le succès du programme FIDJIT de "formation à l'informatique de 2 500 jeunes ingénieurs et techniciens"- sont la preuve du dynamisme de nos écoles. La formation n'est pas une charge : elle est un investissement humain. M. Franck Borotra - Il faut donc sauver les "prépas" : dites-le à M. Allègre ! M. le Secrétaire d'Etat - Deuxième priorité, le soutien au développement des petites et moyennes industries est stabilisé à un niveau très élevé. L'ANVAR sera dotée de 800 millions, ce qui représente une capacité d'engagement très supérieure à 1 400 millions, 470 millions iront aux contrats Etat-régions, 212 seront consacrés à la procédure de diffusion des techniques ATOUT et 50 au programme Internet-PMI. Un quart du fameux chapitre 66-01 dédié à la recherche industrielle sera ainsi dédié aux PMI, comme les rapporteurs l'ont relevé. Comme les crédits gérés par les DRIRE, ceux de l'ANVAR feront l'objet d'un effort de simplification, grâce à la conclusion avec chaque entreprise d'un unique contrat d'innovation technologique, dans lequel viendront se fondre les incitations à l'innovation existantes. Les réseaux de diffusion technologique pilotés par l'ANVAR bénéficieront de 16 millions, soit une progression de 18 % qui fait suite à celle de l'an passé et une évaluation visera à renforcer leur efficacité. Les engagements figurant dans les contrats de plan au titre du fonds de développement des PMI et des aides au conseil ou à la diffusion des techniques seront respectés. Notre volonté est ici de conforter la croissance et cet effort budgétaire s'accompagnera d'un changement dans les méthodes. J'entends notamment redéployer des moyens de l'administration centrale vers les DRIRE, afin de doter celles-ci d'une véritable force de frappe au service du développement industriel local et régional : vous devriez en constater l'effet dans vos circonscriptions dès 1999. Ce budget vise ensuite à faciliter et à accélérer l'innovation technologique, et à donner une plus grande lisibilité aux dispositions d'aide publique. Dans ce dernier dessein, j'ai demandé aux DRIRE d'inscrire leurs activités de conseil et d'appui financier dans le cadre d'un contrat global de développement passé avec chacune des entreprises retenues. Les différents volets de la procédure ATOUT sont de même appelés à être unifiés. J'ai demandé enfin aux DRIRE de renforcer leur action en faveur des PMI les plus grandes -rares en France et souvent tenues à l'écart des dispositifs d'aide et de conseil alors même qu'elles recèlent un potentiel important d'innovation et de création d'emplois. Pour encourager les entreprises à entrer dans la société de l'information, comme l'a souhaité le Premier ministre, une nouvelle enveloppe de 50 millions d'autorisations de programme financera les actions individuelles ou collectives visant à promouvoir les usages de l'Internet dans les petites et moyennes industries. L'appel à propositions lancé en 1998 se poursuivra tout au long de 1999. La troisième mission de mon ministère est de favoriser l'acquisition des technologies de l'avenir. Au titre du chapitre 66-01, 1 818 millions y seront consacrés en 1999, contre 1 541 en 1997 et 1 806 en 1998 : l'innovation industrielle est donc bien une priorité pour nous, Monsieur Borotra ! Mon engagement intense et multiforme pour préparer les entreprises à l'an 2000 et l'action menée sur l'aval du cycle nucléaire, sur les laboratoires souterrains ou sur l'EPR en sont d'ailleurs d'autres preuves. A propos de l'EPR, il est encore trop tôt pour commenter l'annonce faite par le gouvernement allemand mais je nouerai très rapidement des contacts avec mon homologue, notamment lors du sommet de Postdam les 3 et 4 décembre, avec le souci d'assurer la poursuite de ces travaux, et particulièrement le développement de la tête de série de ce réacteur. Les méthodes de mon département ministériel ont été profondément renouvelées. Elles s'appuient sur des partenariats entre entreprises et centres de recherche publics ou privés : ainsi pour le RNRT. Accordant la plus grande importance à la recherche en télécommunication, je partage avec MM. Brottes, Gouriou, Hervé et Leyzour le souci d'améliorer encore l'efficacité du dispositif, pourtant déjà remarquable. Nous recherchons une adaptation rapide, grâce à des appels à propositions plutôt que des contrats pluriannuels au profit exclusif des grands groupes et privilégiant des secteurs comme les biotechnologies, les transports, les industries des contenus culturels, les nouvelles technologies de l'information et de la communication. En synergie avec l'Éducation nationale, nous entendons favoriser le développement du capital-risque. Conformément aux conclusions des "Assises de l'innovation", le Gouvernement présentera prochainement un projet de loi qui facilitera la création d'entreprises et la prise de risque économique par les chercheurs du secteur public. Il y a là une véritable révolution ! Les technologies de demain font des emplois dès aujourd'hui ! J'ai pu le vérifier récemment à Montreuil avec M. Brard et à Grenoble avec M. Destot, mais en fait également preuve le succès de l'entreprise ST-Microélectronics. Cette entreprise -l'ancienne SGS-Thomson, M. Borotra l'aura reconnue- est devenue la première du secteur français des semi-conducteurs. En situation très difficile au début des années 1990, elle a su se hisser à la dixième place mondiale en 1997 et créer plus de 2 000 emplois directs. Forts de ce succès, les pouvoirs publics ont décidé de continuer à la soutenir pour la période de 1998-2002, notamment dans le cadre du programme européen MEDEA. Le retard technologique pris sur les Etats-Unis et le Japon était considéré par certains ici comme impossible à combler, il y a seulement quelques années. Nous sommes aujourd'hui parmi les premiers du monde ! Qu'il s'agisse de l'électronique de défense ou de l'électronique grand public, nous avons pris depuis dix-huit mois des initiatives importantes. Là où nos prédécesseurs tergiversaient ou bien s'apprêtaient à céder Thomson-Multimédia pour zéro franc, nous avons redressé la situation. Grâce à la recapitalisation engagée par ce gouvernement, Thomson-Multimédia a réussi à devenir leader mondial, non seulement dans la production d'objets physiques, mais aussi dans celle de services ! M. Michel Destot - Très bien ! M. le Secrétaire d'Etat - Notre quatrième priorité est de faciliter la mutation de secteurs soumis à des difficultés structurelles ou à des fins de cycles technologiques. L'introduction de technologies performantes peut permettre de poursuivre l'activité avec succès dans des secteurs considérés comme traditionnels. Je pense notamment au textile et à l'habillement. Il a bien fallu que mon ministère accompagne la fin -je le dis en toute amitié- de l'erreur Borotra (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR) : le plan Borotra était condamné par écrit, dès l'origine, par la commission européenne. Quant aux chantiers navals, oui, Monsieur Paul, je mesure les difficultés humaines, le désarroi que rencontrent aujourd'hui les salariés des Ateliers et chantiers du Havre, et le défi que doit relever cette région !... Nous entendons y répondre par des mesures très fortes, exceptionnelles, que le Gouvernement fera connaître, dans les prochaines semaines, l'objectif étant la réindustrialisation de la région. Toutefois on ne peut pas réduire la construction navale française aux ACH. Les Chantiers de l'Atlantique se portent bien et ils s'estiment en mesure de poursuivre l'exploitation même quand cesseront les aides publiques actuellement autorisées par Bruxelles. C'est la preuve que le Gouvernement peut offrir des perspectives à long terme quand des entreprises recèlent des capacités réelles. En ce qui concerne l'industrie minière, nous voulons rendre plus efficaces nos moyens d'intervention -FIBM, SOFIREM et FIL- en modernisant leurs procédures de gestion. Mais il faut aussi faciliter les créations d'emplois dans les zones subissant une cessation d'activité, en liaison avec les autres départements ministériels concernés. Il ne me paraît toutefois pas possible, Monsieur Meï, de répondre positivement à votre demande. Le Pacte charbonnier prévoit la cessation d'activité de la mine en 2005. Il ne serait pas raisonnable d'aller au-delà : sur certains sites la production d'une tonne de charbon y revient à 2 000 F, alors qu'on peut importer du charbon à 250 F la tonne, transport compris ! Nous ne remettrons donc pas en cause le délai prévu par le Pacte charbonnier, ni dans un sens, ni dans l'autre. M. Roger Meï - Je le regrette fort. M. le Secrétaire d'Etat - Ce projet maintient intégralement la capacité d'intervention de l'Etat pour accompagner les mutations industrielles. Les dotations du FIL restent stables, avec 80 millions d'AP, les crédits de politique industrielle hors CIRI également, avec 85 millions d'AP. La diminution apparente des AP du FIBM et du CIRI n'altérera pas la capacité d'intervention de l'Etat, compte tenu des ressources restant disponibles fin 1998. Mais, au-delà des aspects purement budgétaires, j'engage, en concertation avec les élus, une réflexion sur l'utilisation des crédits du FIBM ou du FIL, de façon à élargir leur champ d'action et à mieux répondre aux besoins. Cela correspond à la demande des députés de ces régions. J'avais d'ailleurs envoyé, en décembre 1997, une circulaire en ce sens. Je veux rassurer M. Billard : mon souci est bien de poursuivre l'effort en faveur des bassins miniers, mais en le rendant plus efficace. Les événements survenus notamment en Lorraine ont démontré que cet accompagnement devait également porter sur tous les aspects de la sécurité. Aussi, au-delà de l'indemnisation des dommages subis et des travaux de mise en sécurité des sites miniers, dont les dotations progresseront très fortement en 1999, ce budget comprend-il une mesure nouvelle de 5 millions inscrite pour renforcer les actions de prévention, d'expertise et de surveillance des affaissements miniers en Lorraine. J'ai entendu les souhaits de MM. Bocquet et Janquin, et je partage leurs préoccupations. J'ai bien entendu aussi la demande de M. Kucheida : le Gouvernement y apportera une réponse dans le projet de loi dit "Après-mines", qui sera inscrit à l'ordre du jour de votre Assemblée, après son adoption en Conseil des ministres, dans quelques semaines. Ce texte renforcera la responsabilité de l'exploitant minier, particulièrement au moment de la fermeture de la mine. Il reconnaîtra le droit à l'indemnisation pour toutes les victimes d'affaissements en cas de catastrophe minière. Il organisera une surveillance préventive des sites après la disparition de l'exploitant. Il répondra donc parfaitement à la demande de députés de tous les groupes. Cinquième mission, exercer de manière plus efficace les missions régaliennes de l'Etat. Conformément aux engagements pris par le Premier ministre le 2 février 1998, le budget 1999 est marqué par la relance de la politique de maîtrise de l'énergie et de développement des énergies renouvelables. Il se caractérise aussi par l'encouragement à la recherche nucléaire -MM. Bataille et Galley l'ont noté avec satisfaction- et par le renforcement des moyens du CEA, dont M. Destot a souligné l'indispensable unité. Une enveloppe nouvelle de 500 millions a été dégagée en vue de maîtriser l'énergie, dont un tiers est inscrite sur le budget de l'industrie. Cette relance vise à répondre aux engagements ambitieux pris par la France à Kyoto en 1997 pour la période 2000-2010. Elle tient compte du fait que le nucléaire est propre (M. Yves Cochet proteste) et n'aggrave pas l'effet de serre (Même mouvement). Elle conduira, dans le cadre notamment de l'ADEME, à définir un programme volontariste en faveur de l'utilisation rationnelle de l'énergie et des énergies renouvelables. M. Cochet a salué cet effort et je l'en remercie. Notre politique de l'énergie doit à la fois maintenir la sécurité d'approvisionnement à long terme -le nucléaire répond à cette préoccupation- préserver dans un cadre modernisé le service public auquel les Français demeurent attachés et assurer aux grandes entreprises consommatrices une énergie compétitive. Réaffirmer le rôle de l'Etat, c'est aussi porter une attention plus grande à la sécurité. Le remarquable rapport Le Déaut contient des suggestions très intéressantes, et je suis favorable, pour ma part, à la création d'une autorité de sûreté indépendante. Ceux qui acceptent comme moi, avec raison et mesure, le recours à l'énergie nucléaire comme à une énergie parmi d'autres, mais aussi comme à une technologie dont la France est le numéro un mondial, ne craignent ni la transparence ni les jugements objectifs et dépassionnés sur cette énergie et sa sûreté. M. Michel Destot, rapporteur spécial - Très bien ! M. le Secrétaire d'Etat - Le bon accomplissement des missions de l'Etat suppose, dans le cadre d'un secteur récemment ouvert à la concurrence, que soient confortées l'Autorité de régulation des télécommunications et l'Agence nationale des fréquences, dont les moyens augmentent respectivement de 6 % et de 4 %. M. Cochet peut être rassuré sur la pertinence des missions de l'ART. Enfin, l'exercice des prérogatives régaliennes de l'Etat appelle un effort accru en matière de normalisation, de propriété industrielle et de métrologie, cette dernière étant indispensable à la protection du consommateur et du citoyen aussi bien qu'au développement des technologies nouvelles. Je ferai d'ailleurs une communication au conseil des ministres du 2 décembre sur le renouveau de la métrologie, et le Bureau national de métrologie, groupement d'intérêt public, voit ses moyens d'intervention passer de 86 à 96 millions. Le ministère de l'industrie est l'un des garants du service public, et en particulier des services publics placés sous sa tutelle. La concurrence n'est pas une fin en soi : elle est une valeur admise par notre société dans la mesure où elle permet d'assurer une offre variée et peu coûteuse et de stimuler les énergies créatrices. Mon objectif est que nos services publics se développent dans le respect de nos engagements européens et s'adaptent pour donner naissance à des services encore meilleurs, encore plus variés et encore moins chers. Je partage le point de vue de M. Gouriou sur la recherche, notamment à propos du CNET. La transposition de la directive sur l'électricité a donné lieu à une concertation exemplaire et à un excellent rapport de M. Jean-Louis Dumont. Le projet de loi qui vous sera présenté prochainement, et que le Conseil d'Etat examinait aujourd'hui même, a les objectifs suivants : conserver les moyens de définir démocratiquement la politique énergétique du pays ; affirmer les grandes orientations du service public, telle l'aide aux personnes en situation précaire ; créer une commission de régulation ; confirmer le rôle des collectivités locales, notamment en tant que concessionnaires ; favoriser l'évolution maîtrisée du principe de spécialité afin de donner toutes ses chances à EDF sur le grand marché européen. M. Guyard, qui préside la commission du service public de la Poste, peut témoigner que le contrat d'objectifs et de progrès est exemplaire de notre volonté de pérenniser et de moderniser les services publics. Attentif aux missions de service public de la Poste comme à son équilibre financier, l'Etat s'est engagé à accompagner son développement, qui repose sur l'amélioration de la qualité, de la technicité et de la compétitivité des prestations, sur l'accessibilité du service public et sur l'intensification de sa présence internationale. Pour mieux associer à ce développement l'ensemble des personnels et de leurs représentants, le nouveau contrat offre des garanties quant aux conditions d'emploi des contractuels, à la réduction de l'emploi précaire et, surtout, à la prise en charge, pour la première fois, des retraites par l'Etat. Le service public doit être socialement exemplaire, et je pense, en disant cela, à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, occasion d'approfondir un dialogue social qui n'est pas toujours à la hauteur de ce qu'il devrait être... Oui, les services publics ont un avenir, et je les défends, notamment dans les instances communautaires, où les négociations sont parfois difficiles, ainsi que M. Borotra ne l'ignore pas. Il n'y aura pas de dérégulation sauvage en France, mais il y aura des évolutions concertées, progressives et respectant le principe de subsidiarité. Il faut dépasser le concept de politique industrielle au sens où nous l'entendions il y a vingt ans. Il s'agit surtout, aujourd'hui, d'aider à l'émergence et à la mise en oeuvre de stratégies industrielles par les entreprises et de défendre les services publics en les adaptant au nouveau contexte européen et mondial. Oui, il y a place pour l'intervention de l'Etat, et cette intervention est même utile, voire nécessaire, au développement de notre industrie, afin qu'elle serve la croissance et l'emploi dans le monde de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Alain Gouriou - Je voudrais revenir sur un point évoqué tout à l'heure par M. Hervé et par un autre de nos collègues : la perception par l'Etat de la taxe professionnelle due par France Télécom depuis la loi de 1990. Non seulement ce régime dérogatoire est injuste, car il prive les collectivités ou groupements concernés de recettes qui devraient leur revenir, mais encore il risque de créer une distorsion de concurrence au détriment de l'entreprise elle-même, dans la mesure où les collectivités et groupements en question seront tentés de négocier avec d'autres opérateurs, susceptibles de leur verser, eux, une taxe professionnelle substantielle. Le Gouvernement envisage-t-il d'appliquer enfin le droit commun ? M. le Secrétaire d'Etat - La loi du 2 juillet 1990 a assujetti France Télécom au régime fiscal de droit commun mais elle a prévu, dans un souci de neutralité budgétaire, l'affectation au budget de l'Etat du produit des impositions locales -en 1989, la contribution du budget annexe des Postes et Télécommunications avoisinait les 4 milliards. Aux termes de la loi, les collectivités locales bénéficient d'une part croissante du produit de la TP et l'on comprend votre souci de voir évoluer le dispositif. Mais une évaluation précise s'impose car la mesure que vous proposez aura des conséquences très variables sur les ressources des collectivités locales en raison de la répartition inégale des bases de TP issues de France Télécom sur le territoire national. Il faut donc poursuivre les études en liaison avec les élus locaux et leurs associations, notamment l'AMF, afin que l'on parvienne à un résultat heureux dans les années qui viennent. M. Jacques Guyard - Ma question a trait aux solutions apportées par le service universel des télécommunications aux problèmes des sourds et des malentendants. Alors que nous étions en avance, avec le minitel et le 3618, nous sommes désormais lanterne rouge en Europe. Internet est certes une solution, mais onéreuse. En Grande-Bretagne, dans un cadre pourtant ultralibéral, 20 000 abonnés sont raccordés à un opérateur facilitateur. Aux Etats-Unis, un fonds alimenté par les factures de téléphone assure un service comparable. En France, un dispositif ultra-expérimental concerne 20 personnes... Pour parvenir à un résultat comparable à celui des Britanniques, il faudrait un budget de 100 millions et 300 recrutements. Dans le cadre de la définition des services sociaux, dont le financement est déjà prévu, pourrait-on traiter cette question et offrir ainsi une ouverture sur le monde à 500 000 de nos concitoyens ? M. le Secrétaire d'Etat - Trois millions de personnes qui souffrent d'un défaut d'audition n'ont pas accès à l'ensemble des moyens de communication. France Télécom est très attentive à ce problème. Les publiphones sont dotés d'un dispositif d'amplification et la nouvelle génération de cabines sera dotée d'un écran plus large pour l'accès aux services adaptés. Pour l'usage privé, des appels spécifiques sont possibles à un coût abordable, grâce surtout au minitel et au 3618. Il serait tout à fait légitime d'examiner la possibilité d'une prise en charge dans le cadre des tarifs sociaux. Je suis tout prêt à étudier des propositions en ce sens de la commission supérieure du service public. Par ailleurs, le développement d'internet offre aussi de nouveaux moyens de communication directs, nationaux et internationaux au prix avantageux d'une communication locale. M. Olivier de Chazeaux - Les crédits de l'autorité de régulation des télécommunications sont-ils à la hauteur du rôle qui lui est confié dans le dispositif de libéralisation du secteur des télécommunications ? L'autorité de régulation allemande dispose de crédits bien plus importants et d'un millier d'agents, contre 140 pour l'ART. En France même, le secteur audiovisuel possède une autorité de régulation dotée d'un budget de 200 millions. Avec un peu moins de 90 millions, les crédits de l'ART sont donc manifestement sous évalués au regard des moyens colossaux que peuvent lui opposer l'Etat et les opérateurs, privés et publics. Le rapporteur souligne lui-même que l'ART ne dispose pas des moyens nécessaires pour prendre certaines décisions. Compte tenu des conflits à venir et de la nécessité de sanctions appropriées, une douzaine de postes supplémentaires seraient nécessaires. En ne prévoyant aucune hausse significative de ses crédits, ne cantonnez-vous pas l'ART en dessous des missions qui lui sont dévolues ? Question sous-jacente : ne faut-il pas voir dans cette stagnation des crédits une suite logique à la politique de non-application gouvernementale des décisions de l'ART ? Quelle est l'utilité de l'autorité de régulation si l'Etat, actionnaire majoritaire de France Télécom ne peut faire respecter, en tant que puissance administrative, les décisions qui s'imposent à lui ? C'est la crédibilité de l'Etat vis-à-vis de l'ensemble des opérateurs et le jeu de la concurrence qui sont en jeu, ainsi que votre capacité à asseoir l'ART comme une référence en Europe et dans le monde. Quelle est donc vraiment votre politique en matière de libéralisation des télécommunications ? M. le Secrétaire d'Etat - L'ART exerce de nombreuses missions dans un champ technique immense. En 1997 comme en 1998 elle a accompli avec une réelle efficacité des tâches très importantes et permis ainsi que se mette en place une concurrence loyale et équitable. Ses moyens sont comparables à ceux des autorités voisines -Allemagne exceptée. Ils seront portés de 38 à 40,45 millions, afin notamment de faire face aux charges de contentieux et d'études. Il ne me semble pas nécessaire d'aller au-delà. Ne faisons pas de l'ART un monstre : ses 142 experts suffisent, même s'ils ont beaucoup de travail d'autant que l'expérience acquise est gage d'une productivité accrue. La qualité de leur travail est reconnue, notamment par la commission supérieure du service public. M. Jacques Guyard - Tout à fait ! M. le Secrétaire d'Etat - Si l'on ne peut exclure, dans un secteur en évolution rapide, certaines adaptations des règles et de la dévolution des responsabilités, aucun bouleversement du système de régulation n'est prévu. L'ART doit poursuivre son action, avec le souci d'impartialité et de transparence qui l'a toujours guidée et dont il faut la féliciter. M. Robert Galley - L'abaissement des charges opéré sous le gouvernement Juppé dans le secteur du textile-habillement par Franck Borotra et Jacques Barrot, a été un succès : 35 000 emplois ont été sauvés en dix-huit mois et le fait que 3 000 emplois aient été créés dans cette période difficile montre que cette démarche était de nature à réenclencher une véritable dynamique dans ce secteur sinistré. C'est pourquoi nous avions désiré étendre cette proposition à un abaissement des charges ciblé sur les salariés les plus sensibles au risque de chômage. Ainsi, nous avons, le 30 janvier 1998, avec l'UDF, présenté à l'Assemblée une proposition de loi qui prévoyait que les charges seraient diminuées dans les entreprises comptant certaines proportions de bas salaires et d'ouvriers. Proposition reprise à l'identique, quelques mois plus tard, par la majorité sénatoriale. Cette solution de progrès aurait pu s'appliquer aux secteurs de l'agriculture, du BTP, de la réparation automobile, de l'agro-alimentaire, du bois, des équipements du foyer et entraîner des créations d'emplois. M. Van Miert, commissaire européen, avait assuré à MM. Barrot et Borotra qu'une telle extension du plan textile aurait permis à la France de ne pas être en contradiction avec le droit communautaire qui interdit de subventionner, même indirectement, certains secteurs économiques. Votre gouvernement, nous le regrettons, a abandonné cette démarche avant -comble de la contradiction !- d'appeler de ses voeux des diminutions de charges. Il est aujourd'hui envisagé que les entreprises du secteur ayant bénéficié de diminutions de charges les remboursent, au risque de les mettre dans une situation dramatique. Vous avez affirmé tout à l'heure vouloir restaurer la confiance entre l'Etat et les entreprises et dit que le premier devait assurer la promotion des secondes. Etes-vous décidé, pour sortir de l'impasse, à reprendre les négociations avec la Commission là où Jacques Barrot et Franck Borotra les avaient laissées ? M. le Secrétaire d'Etat - Loin de moi l'idée de nier les effets de ce plan, qui a stabilisé les effectifs. Je ne conteste pas vos chiffres. Mais les mesures prises, parce qu'elles étaient sectorielles, ont été jugées non conformes au droit européen. La première solution aurait été d'étendre le dispositif aux autres secteurs, ce que le gouvernement Juppé n'a pas voulu faire car cette extension aurait coûté entre 20 et 40 milliards. M. Borotra le sait bien. La solution qui s'impose est donc, en négociant dans un climat de confiance avec M. Van Miert, d'obtenir un nouveau délai, après celui de dix-huit mois que j'ai déjà obtenu, et de mettre au point des modalités de remboursement qui ne fragilisent pas les entreprises. Je m'y emploie. Le Gouvernement a maintenu le principe des abaissements de charge sur les bas salaires. Mme Aubry et moi-même avons même prévu un dispositif additionnel en faveur des industries de main-d'oeuvre qui s'engageraient dans l'aménagement et la réduction du temps de travail. Quoique générales, ces mesures aideront tout particulièrement le secteur textile, sans déséquilibrer le budget de l'Etat. Ce qui compte surtout, c'est de promouvoir l'innovation dans les industries du textile, de l'habillement et de la chaussure. Là se joue leur avenir. M. Claude Gatignol - A Roanne, mon collègue Nicolin a pu mesurer les effets du plan Borotra, qui a mis fin à l'hémorragie dans les entreprises d'habillement. Le tribunal de commerce a observé que les pertes d'emploi avaient été divisées par quatre. Depuis la fin de ce plan au contraire, les dépôts de bilan se multiplient. Que compte faire le Gouvernement ? M. le Secrétaire d'Etat - Ma réponse prolongera la précédente. Il faut, ai-je dit, soutenir l'innovation dans les entreprises textiles. C'est ce que nous allons faire par un appel à propositions en vue de développer la production des nouvelles fibres. Nous allons aussi soutenir les jeunes créateurs de mode et encourager la mise au point de partenariats entre producteurs et distributeurs. Enfin, nous voulons faciliter l'accès des PMI à Internet. Grâce à cet outil, elles pourront être en liaison directe avec leurs fournisseurs et leurs clients, de manière à ajuster en temps réel l'offre à la demande. A la demande de mon ami Jean Auroux, maire de Roanne, je serai dans cette ville à l'occasion de la biennale du textile qui s'y tiendra à la fin du mois. Ces mesures vont dynamiser ce secteur dont il ne faut pas avoir systématiquement une vision négative. Il y a dans le textile des entreprises modernes, profitables, qui partent à la conquête des marchés mondiaux. M. Georges Hage - Laboratoire de création et d'excellence esthétique, domaine dans lequel la main se fait artiste, la haute couture française contribue à notre renommée internationale. Deux fois par an, les médias mondiaux commentent les présentations des collections à Paris. Fleuron de notre culture, cette activité renforce notre position de première destination touristique mondiale. Elle améliore notre balance des paiements et a un effet d'entraînement dans les domaines du prêt à porter, de la fourrure, de la lingerie, de la parfumerie et des accessoires. Toutefois, les maisons de couture ne sont pas restées indifférentes aux évolutions économiques. Elles ont dû se renouveler, diversifier leurs activités, sans toujours parvenir à échapper pour autant à des grands groupes étrangers qui ne cherchent qu'à acquérir la renommée de la marque. C'est ce qu'a fait le groupe espagnol Puig en achetant la maison Nina Ricci en janvier 1998. L'emploie se raréfie. Les conditions de travail des salariés se dégradent. Chez Givenchy, 1 680 heures supplémentaires ont été réalisées en 1997 par 17 salariés et 3 intérimaires, obligées de travailler de nuit et le week-end. La haute couture existerait-elle sans ces magiciennes qui, comme le dit la chanson, "d'un bout de tissu font les manteaux d'une reine", les couturières des grandes maisons font les frais des évolutions en cours. Je les ai reçues récemment. Ce sont elles, aujourd'hui, qui défendent la qualité de la haute couture, exigeant le respect des critères d'appellation et l'utilisation correcte des aides publiques. Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour aider ce secteur ? Ma mère, alsacienne, est venue à Paris dans les années 1900 pour travailler dans ces maisons. J'espère que vous ne trouverez pas déplacée cette note personnelle. M. le Secrétaire d'Etat - Votre évocation pleine de poésie encourage le Gouvernement à continuer d'apporter son soutien à la haute couture. Paris doit conserver sa place dans ce marché. Le nombre des maisons diminue et les effectifs employés aussi. C'est un vrai problème, d'autant que cette activité a un chiffre d'affaires de près de 8 milliards. Nous menons actuellement, en liaison avec Mme Lebranchu, une réflexion avec la profession et les représentants des personnels pour conforter Paris dans son rôle de capitale de la mode. Nous souhaitons moderniser les critères d'accès à la profession, dans le respect de ses exigences de technique et de qualité. Les entreprises du secteur doivent prendre conscience que les dépenses réalisées dans la haute couture constituent un investissement immatériel profitable au reste de leurs activités. Aussi la reprise de Nina Ricci par le groupe espagnol Puig et l'annonce de l'arrêt de l'activité haute couture, déficitaire, sont-elles inquiétantes. Les salariés ont été reçus au ministère. Nous étudions toutes les pistes pouvant conduire à une reprise de cette activité afin de ne pas laisser ce fleuron disparaître. M. Balduyck, président du groupe d'études textile de l'Assemblée, m'a également alerté. Je vous invite, Monsieur Hage, à vous associer à notre réflexion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Georges Hage - Bien volontiers ! M. Roger Meï - L'entreprise Comuhrex, dont le siège social est à Vélizy, possède une usine dans l'Aude, avec 283 salariés, et une autre dans la Drôme, avec 349 salariés. Aujourd'hui, EDF achète à la Comuhrex un peu plus de la moitié de sa production et satisfait ainsi 90 % de ses besoins. La direction a annoncé sa volonté de supprimer 100 postes statutaires. 27 sont d'ores et déjà supprimés à Malvezi près de Narbonne. La démilitarisation nucléaire de la Russie, et l'augmentation du nombre d'opérateurs, offrent un éventail très large d'approvisionnement en combustible à base d'uranium enrichi. Ainsi Comhurex, maillon unique de la conversion de l'uranium en France, est soumise aux orientations de deux entreprises publiques, la COGEMA et EDF. Comment envisagez-vous les relations entre EDF et Comuhrex, en particulier à partir de 2001 ? M. le Secrétaire d'Etat - Comhurex transforme le concentré minier en hexofluorure d'uranium UF6, une forme gazeuse indispensable pour enrichir l'uranium. Les opérations de conversion sont réalisées en deux étapes sur les sites de Malvezi et de Tricastin. Détenue à 100 % par la COGEMA, Comuhrex a réalisé en 1997 un chiffre d'affaires de 659 millions, et emploie près de 700 personnes. Comuhrex, premier convertisseur du monde occidental, fournit un tiers du marché mondial d'UF6 et exporte 40 % de sa production. L'avenir de la conversion est affecté par l'existence de surcapacités de production dans le domaine de l'enrichissement de l'uranium. Cependant, Comuhrex dispose d'importants atouts grâce à la qualité de ses prestations. Sur le plan social, Comuhrex a connu une grave crise cet été. Des négociations sur le déroulement des carrières n'ayant pas abouti, les syndicats ont pratiqué sur le site des grèves tournantes que la direction a sévèrement encadrées pour des raisons de sécurité, avant de prendre des sanctions. Finalement, un accord est intervenu. Nous demeurons vigilants sur les relations entre Comuhrex et ses clients. M. Franck Borotra - Vous avez rappelé avec raison qu'il fallait être objectif. S'agissant de la baisse des charges sur les bas salaires, le gouvernement précédent avait décidé d'y affecter 9 milliards la première année, sur un total envisagé de 40 milliards, après avoir obtenu l'autorisation de la commission de Bruxelles. M. Warsmann, par mon intermédiaire, vous interroge sur la présence de la Poste dans les campagnes où les annonces contradictoires faites en 1997 ont développé l'inquiétude. Quelle est la politique de présence de la Poste en milieu rural ? Les modifications qui seraient envisagées donneront-elles lieu à concertation avec les élus ? Si tous les élus locaux sont opposés à une fermeture, la Poste respectera-t-elle leur avis ou l'autoriserez-vous à passer outre ? M. le Secrétaire d'Etat - Nous voulons maintenir les valeurs du service public, et nous voulons développer la Poste, porteuse de ces valeurs, même si les charges d'aménagement du territoire pour la Poste sont lourdes : 4,3 milliards en brut, 3 milliards en net chaque année. En effet sur 17 000 bureaux, 5 000 ont des activités qui ne dépassent pas quatre heures par jour, et 3 000 deux heures. Cela ne signifie pas qu'il faille supprimer ou réduire le concept de service public en milieu rural, mais il est nécessaire d'en définir les conditions d'exercice. Il en va de même dans les quartiers d'habitat social : dans les zones urbaines sensibles, un quartier sur deux n'a pas de bureau de poste. Pour organiser le maintien de la poste en milieu rural, nous avons souhaité établir une démarche de concertation préalable. La Poste ne peut pas se conduire comme si ses projets étaient à prendre ou à laisser. Nous voulons établir avec les collectivités locales un véritable partenariat. Pour rompre avec le passé, j'ai décidé de créer une commission départementale de la présence postale territoriale qui aura à connaître, avant toute réorganisation, de l'évolution proposée par la Poste. Les élus locaux y auront toute leur part. M. Olivier de Chazeaux - Le Gouvernement a multiplié les déclarations sur son intention de préparer l'entrée de la France dans la société d'information. Mais sur des points essentiels rien n'a été fait. A preuve la mauvaise gestion du dossier Internet dans les écoles, dont des milliers de jeunes Français ont fait les frais. De même, s'agissant du développement d'Internet sur le câble, vous n'avez pas, en tant qu'actionnaire principal de France Télécom, imposé à l'opérateur public le respect de la réglementation, afin de permettre aux quelques dizaines de milliers de foyers raccordés au câble d'accéder plus facilement à Internet, en particulier à Paris, Boulogne, Neuilly et Levallois-Perret. Enfin, le décret libéralisant la cryptologie n'a toujours pas été publié. Au total, votre programme destiné à faire entrer la France dans la société de l'information manque de moyens : au mieux peut-on parler de saupoudrage. Vos crédits pour ce chapitre ne sont-ils pas manifestement sous-évalués ? Ne faites-vous pas prendre à la société française de l'information un retard inacceptable ? M. le Secrétaire d'Etat - Votre intervention, car il ne s'agit manifestement pas d'une question, me permet fort opportunément de faire le point sur le programme dont le Gouvernement a donné le coup d'envoi en juillet 1997 à Hourtin sur le thème du "développement de la société de l'information". Notre priorité est de relever le défi de l'innovation industrielle et technologique, dans ce domaine comme dans d'autres. M. Strauss-Kahn et moi-même avons lancé dès 1998 et reconduit pour 1999, le programme en le dotant, sur le chapitre 66-01, de 300 millions par an. Il s'agit de soutenir les projets liés aux technologies de l'information et d'expérimenter de nouveaux services : commerce électronique, paiement sécurisé, cryptologie, porte-monnaie électronique, terminaux d'accès, télémédecine... Ce programme a d'ores et déjà trouvé des applications concrètes, dans l'industrie comme dans les services. Mieux encore : il y a deux jours, j'ai pu annoncer aux professionnels du secteur la mise en oeuvre d'un programme d'action pour l'audiovisuel et le multimédia -PRIAM- doté de 100 millions et visant à soutenir l'innovation et les usagers liés aux techniques numériques -qu'il s'agisse du numérique hertzien, récemment expérimenté en Bretagne, ou de la numérisation du contenu. Enfin, nous nous attendons à diffuser dans nos entreprises la diffusion de technologies, comme celles qui permettent le commerce électronique. Pour combler le retard pris dans ce domaine par rapport à nos concurrents, j'ai mis sur pied un programme Internet-PMI doté de 50 millions qui sont d'ores et déjà totalement consommés. M. Olivier de Chazeaux - Parce que c'était trop peu ! M. le Secrétaire d'Etat - Les entreprises ont jugé ce programme si intéressant qu'elles se sont organisées sur une base géographique ou sectorielle pour en bénéficier. L'effort sera donc reconduit en 1999 ! Merci donc de m'avoir donné l'occasion de démontrer notre dynamisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Robert Galley - Malgré votre vibrant plaidoyer pour le nucléaire, le gaz naturel est en passe, semble-t-il, de jouer un rôle déterminant dans la diversification de la production d'électricité en Europe. De fait, les turbines à gaz à cycles combinés atteignent aujourd'hui un rendement de 60 % et le prix du gaz a baissé de façon appréciable grâce aux livraisons russes. Cependant, si l'on prend en compte la sécurité de l'approvisionnement et l'évolution des coûts, l'intérêt d'y recourir apparaît vite moindre. Ainsi le rapport "Energies 2010-2020" évolue de 13 à 17 centimes par kwh la part du gaz dans le prix de l'électricité future -en raison probablement du coût des infrastructures- mais, le prix du combustible représentant à peu près 60 % du prix du kwh produit, on mesure, par l'écart entre ces chiffres, les incertitudes qui pèsent sur une telle solution. Par ailleurs, recourir au gaz ne pourrait qu'aggraver l'effet de serre, en mettant à mal notre position exceptionnelle de ce point de vue. Comme l'a dit M. Strauss-Kahn, enfin, le nucléaire a permis à la France d'affirmer son indépendance énergétique et même de devenir exportatrice d'électricité -nous avons probablement tous été sidérés d'apprendre que nous contribuions pour 6 % à la consommation britannique- ainsi que de composants industriels, pour près de 40 milliards par an. Nous devons préparer le renouvellement de notre parc nucléaire -l'échéance est dans dix à quinze ans- et, pour cela, le projet EPR, qui doit être soumis aux autorités de sûreté avant la fin de l'année, présente de grands avantages, même si l'on ne se fonde que sur une série de dix réacteurs au lieu des 57 installés. Pour qu'une décision puisse être prise en 2010, il faut absolument lancer le prototype dès l'an prochain. Or le plan de financement nécessaire n'a pas été établi et l'évolution de la position allemande fait planer des incertitudes sur le projet même. Les 3 et 4 décembre, vous ferez tout pour préserver malgré tout cette collaboration franco-allemande, avez-vous annoncé. Cependant, que nos partenaires nous suivent ou non, il faudrait des crédits à la hauteur de l'enjeu : nous ne les avons pas trouvés ! Pouvez-vous nous rassurer, notamment en précisant la part du financement que vous comptiez demander à Electricité de France ? M. le Secrétaire d'Etat - Note politique énergétique, équilibrée, vise aussi bien à la sécurité de l'approvisionnement à long terme qu'à la fourniture d'électricité au coût le plus bas possible. Aujourd'hui, en base, le kwh d'origine nucléaire revient à 19 centimes ; demain, avec l'EPR, son coût sera de 17 centimes alors que, avec la cogénération au gaz, il se situe entre 20 et 27 centimes selon les installations. Or on sait bien l'élément décisif que représente le prix de l'énergie dans la compétition industrielle. Notre politique vise également à l'équilibre entre les différentes formes d'énergie : nous recourons à l'énergie fossile -gaz, fioul- pour produire l'électricité en semi-base ou en pointe ; nous recourons également, hélas moins que nous ne le voudrions, à l'énergie hydro-électrique ; enfin, nous poursuivons des recherches sur l'énergie photovoltaïque, sur la biomasse, sur l'énergie éolienne, qui permettent d'envisager, d'ici six ou sept années, une production équivalente à une tranche au moins, peut-être deux. Mais, en tout état de cause, pour les vingt, trente ou quarante prochaines années et ne serait-ce que pour respecter les conclusions des conférences de Rio, de Kyoto et de Buenos-Aires, nous devrons continuer de nous appuyer avant tout sur le nucléaire. D'où l'importance de la coopération franco-allemande, en attendant celle que nous pourrons nouer bientôt avec la Grande-Bretagne et, plus tard peut-être, avec la Russie. L'EPR, qui en est au stade de l'avant-projet détaillé, doit passer au plus vite au stade du développement d'une tête de série. J'espère que la décision pourra intervenir l'an prochain, ce qui nous laisserait le temps de nous préparer pour 2010-2015. Nous disposerions alors d'un réacteur qui consomme moins de combustible et qui serait encore plus sûr que le réacteur du palier M4 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. ÉCONOMIE, FINANCES ET INDUSTRIE : M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne "Economie, finances et industrie" : III - Industrie". Les crédits des titres III et IV, successivement mis aux voix, sont adoptés. Les crédits des titres V et VI, successivement mis aux voix, sont adoptés. M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits de l'industrie, des postes et des télécommunications. Prochaine séance ce soir, à 21 heures 30 La séance est levée à 20 heures. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |