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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 36ème jour de séance, 93ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 19 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

CONSEILLERS RÉGIONAUX -nouvelle lecture- (suite) 1

    AVANT L'ARTICLE PREMIER 8

    ARTICLE PREMIER 9

    ART. 2 9

    ART. 3 10

    APRÈS L'ART. 3 13

    ART. 4 13

    ART. 15 14

    ART. 16 15

    ART. 21 15

    ART. 22 17

    ART. 22 bis 18

    ART. 22 ter 18

    ART. 22 quater 18

    ART. 24 18

    EXPLICATIONS DE VOTE 19

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.


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SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission des finances a décidé de se saisir pour avis du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'emploi des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction.


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CONSEILLERS RÉGIONAUX -nouvelle lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.

M. Jacques Brunhes - Les conseils régionaux fonctionnent mal surtout depuis les dernières élections. L'intervention du législateur est donc logique. Elle doit renforcer le pluralisme et la démocratie apportés par la proportionnelle.

Notre attachement à ce mode de scrutin est connu. Nous souhaitons d'ailleurs son extension tant pour les législatives que pour l'élection des assemblées départementales afin que le débat d'idées prime sur la personnalisation.

S'agissant du scrutin régional, on ne luttera pas contre le Front national par une loi électorale, mais par une mobilisation sur le terrain auprès des victimes de la crise, par une politique donnant la priorité à l'emploi et prévenant l'exclusion.

Cela implique un engagement politique excluant les alliances telles que celles contractées par la droite dans trois régions au moins et dont les résultats sont désastreux.

On ne peut calquer un mode de scrutin sur un autre en invoquant une prétendue analogie entre la région et la commune.

Vous connaissez nos réserves concernant le niveau de la prime introduite pour la liste majoritaire au premier tour ou arrivée en tête au second.

Puisque ce dispositif disparaîtra dès la mise en oeuvre du nouveau mode de scrutin et que nous sommes en accord avec les propositions de notre rapporteur, le problème s'est cristallisé pour nous sur les conditions de présence des formations politiques au second tour.

Les partis politiques sont indépendants. Cette indépendance est primordiale pour la diversité de la vie politique.

Or le projet de loi ne permet pas à une liste ayant obtenu moins de 10 % des suffrages au premier tour de se présenter au second.

Le respect du pluralisme appelle donc, ainsi que la commission des lois l'a accepté sur notre proposition, de réduire sensiblement ce seuil afin que les partis puissent choisir librement de négocier...

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Dans les soupentes et les sous-sols !

M. Jacques Brunhes - ...pour faire liste commune au second tour ou au contraire de s'y présenter seuls. C'est une question d'identité pour les formations politiques : pour celles-ci, cette liberté constitue une invitation à la responsabilité. En effet, si elles ne participaient pas à une liste commune alors que ses électeurs le souhaitent, la sanction électorale serait certaine.

L'abaissement du seuil, sans multiplier les listes au second tour, permet des négociations sans abus de position dominante.

On peut fixer son niveau à 5 %, seuil qui existe déjà en droit électoral, à la différence de seuils de 7 à 6 %. Cela permettrait de garantir le pluralisme auquel les formations de la majorité sont attachées.

De même, toute liste obtenant plus de 5 % des suffrages au premier tour doit pouvoir fusionner avec de petites listes rassemblant plus de 3 %.

Faute de cette disposition, le groupe communiste avait voté contre en première lecture.

L'introduction de ce double seuil de 5 à 3 %, qui serait une garantie démocratique, nous conduirait à voter ce projet en seconde lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Robert Pandraud - Ite missa est !

Mme Michèle Alliot-Marie - Nous votons beaucoup de textes, peut-être trop.

M. Christian Paul - C'est notre métier.

Mme Michèle Alliot-Marie - La question est de savoir si nous faisons de bons textes, cher collègue.

Or un bon texte est un texte compréhensible par le plus grand nombre, bénéficiant d'une durée gage de sécurité juridique, un texte qui améliore la situation de nos concitoyens et le fonctionnement de nos institutions.

Nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'améliorer le fonctionnement et les modes d'élection des conseils régionaux. Mais plusieurs gouvernements ont cherché en vain la solution. Il est vrai que le précédent gouvernement souhaitait, lui, un consensus général...

Toutefois, les dispositions relatives au mode de scrutin nous laisseront le temps de l'obtenir puisqu'elles ne s'appliqueront qu'en 2004. Etait-il dès lors nécessaire de déclarer l'urgence et nous faire travailler dans des conditions aussi abracadabrantes en découpant en morceaux cette discussion ?

Ce projet méritait pourtant davantage de réflexion, car en l'état il me paraît contraire à l'intérêt général, à la nécessaire transparence de la vie politique et aux besoins de l'aménagement du territoire.

L'intérêt général implique en effet que nos concitoyens adhèrent à nos institutions politiques, notamment régionales. Ce n'est pas le cas aujourd'hui puisque près de 50 % d'entre eux ne participent pas à l'élection de représentants en lesquels ils ne se reconnaissent pas. Or pour renforcer le lien entre les citoyens et les élus, il faut que les électeurs puissent demander des comptes à un élu qu'ils connaissent personnellement, ce que seul permet le scrutin uninominal.

Vous nous proposez au contraire un scrutin proportionnel à deux tours qui ne peut qu'éloigner les électeurs de leurs élus.

Ce texte ne permet pas des choix politiques clairs. L'abaissement des seuils prévu autorise l'accès au second tour des listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages. L'existence même de ce second tour permet toutes les combinaisons, tous les chantages au maintien et encourage les triangulaires.

Ceux qui évoquent le Front national aujourd'hui seraient plus crédibles s'ils avaient autant critiqué un certain président de région élu avec ses voix tout en participant à leur gouvernement !

Ces seuils sont très faibles puisque compte tenu de l'abstention ils ne correspondent en réalité qu'à 2,5 % ou 1,5 % des électeurs inscrits.

Enfin, les départements qui ont le plus besoin de l'action de développement économique conduite par les régions sont souvent les plus petits. Or avec votre système électoral, les conseillers régionaux ne seront plus liés à un département précis. Le risque est donc réel que les intérêts des départements les plus vastes, électoralement décisifs, soient privilégiés par les conseils régionaux. Cela serait contraire à tout effort d'aménagement du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Insuffisante dans son contenu, la première partie de ce projet est en outre éphémère, puisqu'elle ne doit s'appliquer que pendant quelques années. Ce n'est pas ainsi qu'on légifère.

En outre, nous savons qu'il sera un jour nécessaire de revoir les lois de décentralisation. Ne vaudrait-il pas mieux débattre du mode de scrutin à cette occasion ? De la sorte, nous pourrions trouver une formule en cohérence avec nos ambitions (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christian Paul - Ce projet a été rejeté par le Sénat. Ce n'est cependant pas l'institution sénatoriale que je veux mettre en cause,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Merci pour elle !

M. Christian Paul - ...mais la majorité de cette chambre. Le Sénat revendique un rôle particulier en matière de décentralisation et le fait savoir chaque fois qu'il examine un texte relatif aux collectivités locales.

Mais s'il a rejeté ce projet au lieu de l'amender, c'est parce que les formations de la droite ne veulent pas de réforme du scrutin régional. L'opposition n'est pas parvenue à se mettre d'accord sur un mode de scrutin. Il y a quelques années déjà, les majorités de M. Balladur et de M. Juppé se sont penchées sur ce problème, chaque expert y allant de sa suggestion. Vous avez reconnu vous-mêmes votre échec et votre impuissance.

Mme Michèle Alliot-Marie - Contrairement à vous, nous recherchions le consensus !

M. Christian Paul - Au sein de l'opposition, les partisans de la région s'opposent à ceux du département, et il était déchirant d'entendre tour à tour, cet après-midi, MM. Clément et Giscard d'Estaing se contredire.

Le mérite du Gouvernement et de sa majorité, c'est d'avoir, par le débat, dégagé un accord.

Mme Michèle Alliot-Marie - Ce n'est pas ce qu'a dit M. Gouzes !

M. Christian Paul - Quelle réforme électorale pourrait aboutir sans un accord des formations politiques rassemblant une majorité ? On ne peut s'en indigner que pour dissimuler l'impuissance politique passée et présente.

La désertion du Sénat l'a montré, et vos divergences l'attestent également.

Notre débat apporte une nouvelle preuve de l'irresponsabilité totale de l'opposition, qui aborde en ordre dispersé un sujet majeur pour la démocratie locale (Interruptions sur les bancs du groupe UDF).

Ce projet aura pour premier effet l'affirmation du fait régional. Nous avons tous déploré la tiédeur du débat public qui a précédé les dernières élections. Le choix de la circonscription régionale va renforcer l'institution régionale, qui entrera dans l'âge de la maturité.

Mme Michèle Alliot-Marie - Au contraire !

M. Christian Paul - Cette réforme va aussi renforcer la participation des citoyens, qui adhéreront à des politiques régionales plus lisibles et mieux identifiées. Si nous parvenons à diminuer sensiblement l'abstention, nous aurons porté remède à un dysfonctionnement majeur. Ce texte est donc bien l'un des projets de la rénovation de la vie publique, axe majeur de l'action du Gouvernement, comme l'a affirmé Lionel Jospin en juin 1997.

Enfin, ce texte va permettre de mettre fin à des situations politiques particulièrement dommageables, que nous observons depuis le printemps 1998.

Les régions souffrent en effet de deux maux : le risque d'instabilité et le non-respect du suffrage universel. La majorité n'est que relative dans plusieurs régions et il arrive qu'une minorité gouverne sous couverture d'une alliance douteuse.

Au besoin de stabilité, nous répondons par l'instauration d'une prime majoritaire et pendant une période transitoire, par des mécanismes de décision qui évitent les soubresauts ainsi que le dispositif de "défiance constructive".

En revanche, pour garantir le respect du suffrage universel, nous avançons avec plus de difficultés, parce que la règle électorale à elle seule ne peut apporter une solution.

Le débat en commission des lois a été ahurissant. L'opposition a défendu quatre ou cinq formules différentes, à un ou à deux tours, avec plusieurs variantes. En matière électorale, votre créativité est sans limites.

M. Robert Pandraud - Nous ne sommes pas des godillots, nous !

M. Christian Paul - Sans doute, les intérêts de vos formations ne sont-ils pas convergents. Je voudrais évoquer vos propositions pour montrer ce qu'elles recèlent de risques et d'incohérence.

Le scrutin proportionnel à un tour empêche les regroupements et les alliances permettant de dégager une majorité. Au contraire, il implique des alliances postérieures au scrutin. Le remède est pire que le mal.

Le scrutin de liste à deux tours réservant le second tour aux deux listes arrivées en tête constituerait une régression démocratique. En proposant d'appliquer à un scrutin de liste un mécanisme tiré de l'élection présidentielle, vous envisagez de verrouiller l'élection à un point incroyable.

En outre, M. Rossi nous a présenté sa version présidentialiste, avec un président élu au suffrage universel. Il y a eu encore le projet baroque et attachant de M. Pandraud, qui propose de dépêcher au conseil régional les suppléants des députés. Merci pour eux !

La preuve est faite, une nouvelle fois, de l'incapacité de l'opposition à arrêter une position claire.

Dès la première lecture, vous avez voulu travestir les intentions du Gouvernement et de la majorité. Nous en savons la raison.

Le choix fait par une fraction heureusement minoritaire de la droite française, d'une stratégie d'alliance locale avec le Front national pèse comme un fardeau sur l'ensemble de l'opposition.

M. Christian Jacob - Grâce à vous !

M. Christian Paul - Votre langage se durcit à propos de l'immigration comme du Pacs. Vous refusez, à travers ce texte, la possibilité pour les partis républicains d'exercer leurs responsabilités sans renier leurs valeurs.

Le débat porte aujourd'hui sur le seuil permettant le maintien d'une liste au second tour. Fallait-il ôter leur droit d'expression aux formations minoritaires ?

Le mécanisme des alliances du second tour va améliorer la transparence, puisque les alliances sont conclues durant les élections. Le contrat est passé devant les électeurs.

Vous en appelez au consensus. Or vous ne savez pas l'établir en votre sein. Le Gouvernement a recherché une synthèse avant les élections, mais vous n'avez pas voulu vous associer à sa démarche. Vous parlez de "précipitation". Avant les élections, c'eût été une manipulation. Après les élections, c'est inopportun. Les Français ne s'y tromperont pas et mettront cette réforme à notre actif.

En outre, aucun des effets pervers que vous annoncez n'aurait été observé si l'on avait utilisé ce mode de scrutin pour les dernières élections. Tant qu'on fera croire qu'on combat le Front national avec le code électoral -même si on ne peut l'oublier- ou le code pénal -même s'il faut s'en servir- on s'éloignera du seul terrain sur lequel cette lutte doit être menée, qui est le terrain du débat public et des actions concrètes.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - C'est bien ce que j'ai dit !

M. Christian Paul - Comment pouvez-vous être crédibles, tant que votre dénonciation des présidents gouvernant avec le Front national reste purement platonique ?

Mme Michèle Alliot-Marie - Et Soisson ? N'a-t-il pas été de votre côté ?

M. Christian Paul - Demandez à MM. Soisson ou Blanc si vos incantations les impressionnent. Demandez à leurs lieutenants, à leurs vice-présidents, membres du RPR ou de l'UDF... M. Rossi aurait été plus crédible si son groupe n'avait pas accueilli M. Blanc à bras ouverts.

Votre complicité avec le FN vous permet d'espérer quelques gains électoraux ou, en tout cas, d'indulgence plénière de son état-major.

Je regrette que l'opposition n'ait à aucun moment souhaité s'associer à ce texte. Je me réjouis en revanche que le Gouvernement ait présenté et défendu un projet qui devrait rendre plus paisible et plus efficace la démocratie régionale. C'était la responsabilité de notre majorité que d'engager cette réforme. C'est pourquoi les socialistes voteront ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. José Rossi - Je vais tâcher d'expliquer en termes simples la position de mon groupe.

J'ai d'abord le sentiment que ce texte ne présentait pas d'urgence, dans la mesure où nous ne voterons que dans cinq ans sauf, si d'aventure, tel ou tel conseil régional était dissous...

M. Christian Estrosi - Sûrement !

M. José Rossi - Mieux vaudrait s'intéresser à l'évolution de la décentralisation et chercher à lui donner un nouvel élan alors que, après les fortes avancées du début des années 1980, on a l'impression qu'une certaine routine s'est installée. Le groupe Démocratie Libérale marquera d'ailleurs bientôt, par le dépôt d'une proposition de loi, sa volonté d'aller plus loin dans la décentralisation régionale, car il n'y a pas grand-chose à attendre en la matière d'un Gouvernement surtout préoccupé de récupérer des pouvoirs dans une recentralisation insidieuse et une démarche jacobine rampante. Il faudra aussi, selon nous, clarifier les relations avec les départements. Enfin, la petite musique selon laquelle des régions fortes remettraient en cause la République n'est aujourd'hui plus de saison : des régions gérées démocratiquement permettraient à l'Etat de mieux maîtriser ses ressources et de se consacrer pleinement à ses missions régaliennes en matière de sécurité, de justice, de solidarité. Pour cela, il lui faut s'appuyer sur des régions vivantes, capables de s'autogérer, bénéficiant d'une architecture suffisamment efficace et démocratique.

Cela suppose, certes, une majorité stable. C'est un des objectifs que vous poursuivez avec ce projet et vous allez sans doute l'atteindre grâce à la prime majoritaire. Mais c'est précisément ce qui nous inquiète profondément car cela exclura toute alternance et c'est bien ce que vous cherchez, d'une part parce que l'actuelle alliance rouges-roses-verts vous paraît pérenne, d'autre part parce que vous pensez que l'opposition n'est pas en mesure de vaincre sans s'allier avec le Front national. Méfiez-vous : les choses évoluent vite et s'il est hors de question de fusionner nos listes avec celles du Front national, comme l'a prédit M. Brunhes, il y aura bien, demain, une force d'opposition capable de remporter les élections.

Votre préoccupation immédiate est aussi de faire voter ce projet toutes affaires cessantes pour vous permettre de gouverner certaines régions dans les années qui viennent. Pour cela, vous prévoyez un dispositif dérogatoire au droit commun.

Le mode de scrutin corse, à deux tours avec prime majoritaire et fusion de listes, peut servir de modèle -il n'y a pas en Corse que des choses qui ne marchent pas... Le Front national y recueille moins de 5 % des voix, il est vrai que nous rencontrons d'autres problèmes...

Lors de l'adoption du statut particulier de la Corse, les communistes, comme aujourd'hui, avaient fait pression pour que la prime majoritaire soit moins forte. Partis de 15 %, nous étions ainsi finalement parvenus à 7,5 %, la fusion étant possible pour les listes recueillant au moins 5 % des voix. Ce système permet de parvenir à un équilibre entre majorité régionale et exécutif.

Avec le vôtre, une fois la majorité installée, le risque est réel de faire du président un potentat, d'autant que l'opposition très divisée ne sera pas en mesure de donner une réplique forte. Et vous allez être soumis à une très forte pression des présidents de région afin que ce système transitoire si commode soit pérennisé.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois - Nous serons vigilants !

M. José Rossi - J'en prends note...

Pourquoi par ailleurs réduire de 5 à 3 % le seuil d'éligibilité au deuxième tour ? Si une liste ne fait pas 5 %, pourquoi participerait-elle à la répartition des sièges ? Vous allez de la sorte balkaniser les forces qui ne feront pas partie de la majorité régionale et empêcher que soit défendu un projet alternatif. Vous obtiendrez donc une majorité stable au prix de l'éclatement, et au détriment de l'alternance, qui suppose un débat clair, projet contre projet.

Ces multiples combinaisons rendent vote projet suspect. En outre vous réduisez à cinq ans le mandat des seuls conseillers régionaux. Certes, cette proposition figurait dans le programme socialiste, mais pour tous les mandats. L'appliquerez-vous aussi aux conseillers municipaux avant les prochaines élections ? Pour ma part, je considère que le mandat de six ans est gage de stabilité.

Les dispositions transitoires prévues pour le fonctionnement des conseils régionaux font aussi de ce projet un texte de circonstance. Vous utilisez la défiance constructive pour renverser un président. Vous prévoyez de voter les textes budgétaires en l'absence de majorité. Je comprends que vous cherchiez à rendre les conseils régionaux gouvernables, mais dès lors que le nouveau mode de scrutin s'appliquera en cas de dissolution, il y aurait une majorité et le 49-3 pour le vote du budget...

M. le Rapporteur - Ne s'appliquerait plus.

M. José Rossi - Certes, mais pourquoi prévoir un système provisoire s'il est déjà possible de dissoudre le conseil régional en cas de blocage manifeste de l'institution ? Le recours au peuple nous paraît préférable.

M. Christian Estrosi - Très bien !

M. José Rossi - Enfin, si le scrutin secret est de règle pour l'élection des personnes, le couplage avec l'adoption du budget empêchera la tenue d'un scrutin public pour ce dernier. On nous répondra que la liste des signataires de la motion sera publique, mais est-il certain que tous la voteront si le scrutin est secret ? Par définition, non. Nous aurions préféré deux votes séparés (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Guy Hascoët - Nous avions nous-mêmes déposé un texte alternatif, d'inspiration proportionnaliste ainsi que le rapporteur l'a souligné, mais aussi régionaliste, guère départementaliste en tout cas. D'autres, à l'opposé, voudraient éviter de faire de la région le territoire de référence, engoncés qu'ils sont dans une conception des collectivités locales qui reste plus nationale que représentative.

La logique du texte est la même qui préside à la limitation du cumul des mandats : c'est une logique de renforcement des pouvoirs des collectivités locales. Elle suppose que soit encouragée une attitude de responsabilité. Pour avoir fait partie, six ans durant, d'un exécutif régional minoritaire, je puis témoigner qu'il n'est guère de projet intelligent et bien préparé qui ne finisse par trouver une majorité, mais encore faut-il n'avoir pas affaire à des individus tels que ceux dont le jeu, voici dix-huit mois, a contribué à décrédibiliser l'institution régionale.

Le point commun entre le texte du Gouvernement et le nôtre est de s'attaquer au problème que pose la situation actuelle au regard de l'adoption des budgets régionaux. S'agissant du mode de scrutin lui-même, je comprends que l'on veuille limiter à deux le nombre des participants au second tour, mais cette démarche me paraît préjudiciable à l'expression de la diversité politique, traditionnelle dans notre pays. Le seuil de 3 % peut être facteur de dispersion des suffrages, mais entre 3 et 5 % il n'y aura de fusion possible que sur une base politique claire, et quant à atteindre 5 % dans l'ensemble d'une région, c'est tout autre chose que d'y parvenir dans un seul département. Le système retenu concilie diversité et rassemblement ; il contribue ainsi à la stabilité de l'institution.

Enfin, il va de soi que nous serons vigilants, tout autant que d'autres, face à d'éventuels détournements ou abus de procédure, mais je suis sûr que ceux qui auront, demain, à diriger nos régions ne prendront pas le risque de remettre tout l'édifice en cause. Nous soutenons ce texte équilibré (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Mme Anne-Marie Idrac - En plaçant habilement ce débat un jeudi soir, au coeur d'un ordre du jour surchargé, où se succèdent des textes sur le financement de la Sécurité sociale, sur le dopage, sur le droit des enfants, vous espérez faire adopter à la sauvette, dans l'indifférence générale, un projet qui bouleverse le mode d'élection et le fonctionnement des conseils généraux.

M. Christian Paul - L'indifférence est surtout le fait de vos amis !

Mme Anne-Marie Idrac - La nécessité de disposer de majorités stables et dépourvues de compromission, ainsi que le besoin de présenter des choix clairs aux électeurs, auraient dû vous interdire tout calcul cynique à court terme. Si vous imposez l'urgence, ce n'est pas en raison de la proximité de l'échéance de 2004, mais pour rabibocher votre majorité plurielle, comme l'a bien compris un quotidien du soir. Ce faisant, vous malmenez deux principes essentiels : celui de la démocratie locale et celui de la libre administration des collectivités locales.

Au-delà des discours moralisateurs dont vous aimez tant nous abreuver, qu'est-ce que la démocratie, sinon le libre choix des élus par les électeurs ? C'est en renforçant la transparence, en apportant une réponse claire à la question "qui fait quoi ?", que nous combattrons l'abstention et le découragement. Les citoyens acceptent, voire souhaitent le compromis, mais refusent les compromissions. La position de l'UDF est claire : nous sommes favorables, même si nous n'avons pas su la mener à bien, à une réforme du scrutin régional et même à l'instauration de la circonscription régionale, éventuellement assortie de sections départementales, car elle est susceptible de favoriser l'émergence de la région comme territoire pertinent à l'échelle de la compétition européenne. Nous ne sommes pas non plus hostiles au mandat de cinq ans, sous réserve que la durée de l'ensemble des mandats soit harmonisée.

Nous ne sommes pas non plus opposés à la mixité des mandats, mais ce sujet majeur aurait mérité mieux qu'un amendement subreptice et pouvait attendre jusqu'à la prochaine révision constitutionnelle.

Nous sommes attachés à un système assurant à la fois la représentation de chaque sensibilité politique et l'émergence d'une majorité claire.

Or vous avez concocté un mode de scrutin inspiré du scrutin municipal en minorant la prime majoritaire à 25 % et en faisant à votre aile gauchiste (Exclamations sur les bancs du groupe communiste) des concessions qui ouvrent la porte à d'inacceptables compromissions d'entre deux tours. Vous criez au loup et vous le faites entrer dans la bergerie !

Pour notre part, nous avons proposé des solutions simples. Ainsi, l'amendement de Valéry Giscard d'Estaing portant à 10 % des électeurs inscrits le seuil d'accès au second tour : vous le refusez.

M. le Rapporteur - Il a été retiré !

Mme Anne-Marie Idrac - ...ou encore l'amendement de M. Donnedieu de Vabres ne retenant que les deux listes en tête au premier tour pour le deuxième : vous le refusez. Votre attitude est un déni de la démocratie locale, alors que l'abstention massive constatée au printemps aurait du être interprétée comme un appel à plus de clarté.

Notre deuxième grief a trait au principe de libre administration des collectivités locales. Nous aurions pu trouver ensemble une solution équilibrée. La loi du 7 mars 1998, adoptée dans la précipitation littéralement à la veille des élections régionales, n'a pas réglé grand chose. L'Ile-de-France et la région Centre n'ont pu adopter leur budget. Le "49-3", arme prétendument infaillible, est contesté devant les tribunaux administratifs.

Face à cette situation, votre projet apparaît comme une usine à gaz. Cette réforme fumeuse suscite de nombreuses interrogations. Moins de huit mois après l'adoption de la première loi, elle constitue un aveu de faiblesse. Point ne serait besoin de vote bloqué ou de pseudo 49-3 si les majorités étaient stables.

M. le Rapporteur - Vous avez raison sur ce point.

Mme Anne-Marie Idrac - Mais vous n'avez pas pu empêcher la substitution du préfet au conseil régional. Gaston Defferre doit se retourner dans sa tombe ! Désormais, ce n'est plus le préfet qui interviendra mais le président de l'assemblée régionale qui délibérera tout seul à sa place, assisté, il est vrai, d'un Bureau mais qui procédera de lui. A la prochaine étape, vous pourriez tout simplement supprimer les conseillers régionaux eux-mêmes !

Vous faites du contre-budget une arme entre les mains des extrêmes. Avec ce stratagème cynique, votre réforme, outre qu'elle sera inefficace, sera dangereuse. L'importance des missions exercées par les régions -éducation, planification des équipements, protection de l'environnement- impose qu'elles soient gérées dans la transparence.

Le groupe UDF, attaché à la démocratie locale et à la libre administration des collectivités, est opposé à ce replâtrage. Les régions méritent mieux qu'une réforme empreinte d'arrière-pensées et votée dans une urgence que rien ne justifie. En fait, le Gouvernement se montre ainsi hostile à l'émergence de contre-pouvoirs locaux solides et fait à son aile gauche des concessions intéressées. Les régions et les citoyens méritent mieux que cela. C'est pourquoi le groupe UDF votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Christian Estrosi - Après l'intervention de Michèle Alliot-Marie, je me contenterai d'intervenir sur la réforme du mode de fonctionnement des institutions régionales. Il y a exactement un an, nous nous réunissions pour y procéder dans un esprit consensuel, à la veille des élections régionales. Mais, à l'usage, la réforme ne vous a pas donné satisfaction et vous décidez, tout à coup, de modifier les règles du jeu. Avant les élections, c'est acceptable, mais certainement pas après, car les électeurs se sont prononcés en connaissance de cause. Nous devons donc nous accommoder du mode de fonctionnement des conseils régionaux jusqu'au terme de leur mandat.

On crie au loup et aux alliances contre nature, mais j'observe que le Front national vote un coup avec vous, un coup avec nous et cela ne vous gêne apparemment pas lorsqu'il vote avec vous !

Mais vous voulez retrouver un pouvoir sans partage sans disposer d'une majorité absolue de sièges. C'est ce qui explique votre curieux cheminement depuis la précédente loi. Vous entendez permettre un débat démocratique sur le budget, puis, au terme de celui-ci, au cas où des amendements ne vous convenant pas seraient adoptés, l'exécutif pourrait proposer le budget initial et la majorité qui le repousserait serait contrainte de réunir 50 % de signatures sur un contre-budget ainsi que sur le nom d'un présidentiable.

Imaginez que, pendant cinq ans d'affilée, cinq présidents successifs soient ainsi remplacés !

M. le Rapporteur - Ce n'est pas sérieux !

M. Christian Estrosi - Tel est le jeu pervers dans lequel vous vous lancez. Pour ma part, je propose que les institutions régionales continuent de fonctionner selon les règles du jeu établies jusqu'à la prochaine échéance en 2004.

Sur notre extrême-gauche, Monsieur Brunhes, on nous parle d'alliances contre nature. Mais n'est-ce pas vous qui cherchez à assurer le confort de présidents de conseils régionaux que vous dénoncez pour avoir accepté des voix venues de l'extrême-droite ?

Je conclurai sur une histoire de science-fiction sans lien avec des personnages réels. Elle se passerait dans la deuxième région de France. Ce serait celle d'un président de conseil régional dont le leader de l'opposition, appartenant à la majorité plurielle, dénoncerait l'alliance contre nature et réclamerait la démission. Il serait ministre de la République et présenterait au Parlement un projet de loi pour mieux maintenir pendant cinq ans ce président à la tête de l'exécutif régional !

Voilà ce qui risque de se produire. C'est pourquoi le groupe RPR souhaite le rejet.

M. le Président - Conformément à l'article 109 du Règlement, j'appelle les articles du projet dans le texte adopté par l'Assemblée et repoussé par le Sénat.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. José Rossi - Mon amendement 26 est un amendement de principe, fondé sur l'idée qu'on aurait pu commencer à réfléchir à une extension des compétences des régions et à une architecture régionale qui permette à la fois la stabilité de l'exécutif et l'expression de l'opposition. Cet amendement n'est certes qu'une pierre jetée à l'eau, j'en ai conscience : il propose que le président de la région soit élu au suffrage universel direct à deux tours et ne soit pas responsable devant l'assemblée, mais obligé de s'entendre avec elle pour gouverner la région. Cela dit, je retire cet amendement un peu utopique.

M. le Président - Il en faut !

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Mes amendements 89, 87 et 88 concernent les élections législatives, cantonales et municipales. Notre démocratie a besoin de repères, et je souhaite que, pour toutes les élections, on applique le même scrutin à deux tours, puisque telle est la tradition française. Nous aurions souhaité...

M. le Rapporteur - C'est qui, nous ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Le groupe UDF avec le soutien des deux autres groupes de la majorité, à l'exception de telle ou telle personnalité -M. Pandraud, je crois. Nous souhaiterions que le système des deux tours s'applique aussi bien aux scrutins uninominaux qu'aux scrutins de liste. Vous me direz : mais on peut toujours se regrouper, dans la clarté, avant le second tour. Il me semble que, dans le climat d'indifférence actuel, un second tour bipolaire, opposant deux projets, deux programmes, serait plus intéressant. Il aurait en outre l'avantage de décourager l'extrémisme, et d'obliger la droite républicaine à un surcroît de vertu...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Il n'y en a jamais trop !

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Vous savez, le soir d'une élection, lorsque votre camp vous accuse d'avoir livré votre région à la gauche parce que vous refusez un accord avec le FN, il faut des trésors de pédagogie !

Par ailleurs, en fixant le seuil trop bas pour le maintien au second tour, vous rendez le FN maître du jeu politique. Nous avons été surpris qu'un Premier ministre qui se dit novateur ne fasse ici que reprendre les pratiques antérieures. Certes, il ne crée pas le FN, mais ce système électoral va pérenniser un mouvement politique qui se trouve pourtant aujourd'hui dans une crise profonde (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. le Rapporteur - La commission a repoussé les trois amendements. Votre dispositif pourrait se concevoir pour les scrutins uninominaux -et encore-, mais je ne peux l'imaginer pour un scrutin de liste, en l'absence de possibilité de fusion. Ce serait une régression démocratique. Alors que les minorités peuvent aujourd'hui entrer au conseil municipal, il n'y aurait plus que deux blocs.

Quant au seuil, l'amendement de M. Giscard d'Estaing sur les 10 % ayant été retiré, je me demande pourquoi on en parle autant ! Au reste, j'avais montré en première lecture qu'avec un seuil de 10 %, on n'empêcherait pas le Front national d'être présent.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - On est bien éloigné ici des élections régionales ! Défavorable.

L'amendement 89, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 87 et 88.

M. Robert Pandraud - L'amendement 20 est un amendement de principe. Partant du constat que les élections régionales ne font plus recette, les abstentions étant de plus en plus nombreuses, je propose que les conseils régionaux soient formés de nos suppléants -qui en seraient ravis. Je sais bien qu'avec un amendement aussi novateur, je n'ai aucune chance d'être entendu, mais je prends date -après tout, quand je proposais de supprimer le cumul des mandats, je n'obtenais que trois voix : outre la mienne, celles de Pierre Mazeaud et de Raymond Barre ! Je me demande en outre s'il est normal que les élections régionales constituent dans notre pays un problème politique majeur.

Je vous invite donc à réfléchir au système que je vous propose.

M. le Rapporteur - Cet amendement a été tout à l'heure qualifié de baroque. Il me paraît être plutôt iconoclaste, témoignant de l'originalité intellectuelle de son auteur.

La commission ne l'a pas adopté. Il supprime en effet une élection, ce qui est peu démocratique.

M. Christian Estrosi - Pas du tout, les conseillers régionaux seront simplement élus en même temps que les députés.

M. le Rapporteur - Il réduirait la taille de certains conseils régionaux...

M. Christian Estrosi - ...autant d'économies !

M. Robert Pandraud - On travaille mieux quand on est moins nombreux !

M. le Rapporteur - Il conduirait de plus à une multiplication des systèmes électoraux puisqu'il ne s'applique ni à l'outre-mer, ni à la Corse. Et que se passerait-il en cas de dissolution de l'assemblée ? Ce sont des choses qui arrivent (Sourires). Les conseillers régionaux verraient-ils leurs mandats écourtés ?

M. le Secrétaire d'Etat - Quoique astucieux, cet amendement est un peu irréel. Il me paraît aussi inconstitutionnel parce qu'il établit des régimes électoraux différents dans les départements d'outre-mer et dans ceux de métropole.

M. Robert Pandraud - J'estime qu'il y a une assemblée de trop dans les DOM.

M. le Secrétaire d'Etat - Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel s'est prononcé en 1982. Le nombre des conseillers régionaux dans le Limousin serait réduit à huit : n'est-ce pas excessif ? Cela dit, je comprends votre souci de vouloir donner un statut aux suppléants...

L'amendement 20, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. José Rossi - L'amendement 27 est défendu.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - L'amendement 56 est défendu.

Les amendements 27 et 56, rejetés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article premier mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. José Rossi - L'amendement 28 est défendu.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - L'amendement 57 est défendu.

Les amendements 28 et 57, rejetés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Robert Pandraud - Mon amendement 21 est un amendement de repli. Il tend à réduire de moitié la taille des assemblées, ce qui permettrait de réaliser des économies et d'améliorer leur fonctionnement.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement, même si je trouve personnellement sympathique l'imagination de M. Pandraud.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui empêcherait de maintenir une représentation adéquate de tous les départements.

L'amendement 21, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Renaud Donnedieu de Vabres - En matière électorale, il faut des principes clairs.

Votre dispositif va paradoxalement mettre en péril l'unité des régions que vous prétendez renforcer.

Les mécanismes de seuil et de fusion entraîneront l'éclatement des régions en incitant à des listes catégorielles, par exemple dans ma région pour défendre les intérêts des deux départements du sud.

Il appartient pourtant aux élus de réaliser les synthèses permettant de faire vivre ensemble les habitants des villes et ceux des campagnes, les retraités et les actifs, les gens du nord et ceux du sud.

Vous allez m'objecter la nécessité de représenter les minorités. Mais jusqu'où doit aller le droit de l'opposition ? Peut-on accepter qu'il conduise le système démocratique à la paralysie ?

Votre dispositif ne permettra pas aux électeurs de choisir entre deux programmes clairs, progressivement élaborés au fil des réunions comme vous l'avez fait lors de la campagne des élections régionales, et comme l'ont fait les deux familles de la majorité d'alors.

M. Michel Bouvard - J'avais déposé avec mes collègues Bosson, Birraux et Chavannes un amendement tendant à créer une région Savoie.

Une interprétation stricte de l'article 40 a empêché qu'il vienne en discussion. Quelle marge d'initiative reste-t-il aux parlementaires s'ils ne peuvent plus légiférer sur l'organisation administrative du pays ? Je signale en outre qu'une proposition de loi que nous avions déposée sur le même sujet avait été, elle, jugée recevable.

L'initiative appartient désormais au Gouvernement, maître de l'ordre du jour.

Les Savoyards ont toujours contesté leur insertion dans la trop vaste région Rhône-Alpes. Il y a un peu plus d'un an, le syndicat interdépartemental Savoie-Haute-Savoie indiquait ainsi que la mise en place d'une circonscription régionale unique justifierait la création d'une région Savoie.

M. Jean-Claude Lefort - Irrédentistes !

M. Michel Bouvard - La spécificité de ces départements est en effet particulièrement forte au sein d'une région peu homogène.

Je ne reviendrai pas sur la question de l'identité savoyarde au sujet de laquelle je vous renvoie à l'ouvrage de deux universitaires que chacun de vous a reçu.

Je voudrais insister sur les difficultés rencontrées par un territoire marqué par la montagne. Son agriculture est donc extensive et centrée sur les productions de qualité, son industrie souvent liée à l'hydroélectricité, son économie dominée par le tourisme.

M. Jean-Claude Lefort - Et la Ligue ?

M. Michel Bouvard - C'est vous qui l'entretenez !

M. Jean-Claude Lefort - Nationaliste !

M. Michel Bouvard - Les très nombreux morts de la Savoie pendant la Première Guerre mondiale vous opposent un démenti !

M. le Président - Seul M. Bouvard a la parole.

M. Michel Bouvard - Nos départements frontaliers aimeraient développer des partenariats avec les régions italiennes du Piémont et du Val d'Aoste ainsi qu'avec les cantons suisses. La région, surtout préoccupée de défendre Lyon sur la scène internationale, préfère s'associer au Bade-Wurtemberg, à la Lombardie, à la Catalogne, voire à la province chinoise de Shangaï.

Une région Savoie se comporterait différemment. Elle compterait un million d'habitants : plus que la Corse et que le Limousin, autant que la Franche-Comté, autre région frontalière, dont le découpage respecte les réalités historiques et géographiques. Elle aurait autant de départements que l'Alsace ou le Nord-Pas-de-Calais.

On m'objectera que nos régions doivent conserver une dimension qui soit à l'échelle européenne. Mais la Sarre, Brême, le Val d'Aoste, le Trentin, le Frioul sont moins peuplés que cette région Savoie dont je souhaite la création.

Monsieur le ministre, dans votre déclaration de candidature à la présidence du conseil régional, vous avez reconnu la légitimité d'un tel débat.

La création d'une région Savoie ne signifierait d'ailleurs pas la rupture avec la région Rhône-Alpes, l'une et l'autre pourraient s'entendre pour atteindre des objectifs communs. A l'initiative de Louis Besson, la loi autorise la constitution de syndicats interrégionaux. Il existe même des regroupements de régions à l'échelle européenne, tel l'Arc atlantique.

Enfin, qui dit région dit services de l'Etat. C'est sans doute ce qui nous a valu de nous voir opposer l'article 40. Peut-on parler de déconcentration lorsque tous les services régionaux sont concentrés dans le chef-lieu d'une région de huit départements et dont certains fonctionnaires n'ont jamais visité plusieurs ? Peut-on parler de déconcentration, alors qu'en dix ans, aucune réunion du comité de massif ne s'est tenue en dehors de Lyon et que la DRAC demeure sous l'influence de Lyon et de Grenoble ?

L'avenir incertain de l'institution départementale constitue aussi un argument en faveur de la création d'une région Savoie. Cette aspiration est celle d'élus de toutes les sensibilités, du PS à l'UDF en passant par le RPR et les Verts.

M. Jean-Claude Lefort - Ce ne sont donc pas "toutes" les sensibilités !

M. Michel Bouvard - Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à cette demande des Savoyards, qui souhaitent affirmer leur identité au sein de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Michel Inchauspé - Nous avons déjà eu un débat semblable en 1994, sans que le président de la commission des finances de l'époque ne nous oppose l'article 40.

La création d'une circonscription unique, si elle va conforter l'intégration régionale, aura aussi des inconvénients, comme l'ont indiqué Mme Alliot-Marie et MM. Donnedieu de Vabres et Bouvard. Votre dispositif fera prévaloir le choix des partis sur celui des électeurs. En outre, il renforcera la représentation des zones les plus peuplées, en particulier dans nos trois régions les plus étendues, l'Aquitaine, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes, dont le territoire équivaut à celui des Pays-Bas. Il convient donc de créer une région Adour-Pyrénées, regroupant les départements frontaliers des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques, ce dernier devant être quant à lui divisé en deux départements : Béarn et pays Basque-Adour. Le ministre Edmond Michelet nous l'avait promis en 1959. Les deux tiers des maires basques ont approuvé cette idée en 1997 par un vote à bulletins secrets et 65 à 70 % des électeurs concernés se sont prononcés en sa faveur au cours d'un référendum postal.

Vous me renverrez à la loi de 1972, revue en 1986. Mais il ne s'agit pas de mettre les populations devant le fait accompli. La loi prévoit qu'en cas de modification de nos limites territoriales, les assemblées locales en cause soient consultées.

J'ajoute qu'outre-Pyrénées, où existent des mouvements séparatistes, une trêve a été conclue et demeure effective. Vous participerez bientôt, Monsieur le ministre, au sommet franco-espagnol. M. Aznar attend beaucoup de cette trêve et la France fera oeuvre utile si elle prend sa part au processus de pacification. Si rien n'est fait, les séparatistes s'activeront davantage, de l'autre côté de la frontière. Il faut leur enlever leur fonds de commerce. J'espère une ouverture de la part du Gouvernement.

M. Bernard Bosson - Cet article aura de sérieuses conséquences, je tiens à vous en avertir solennellement. Notre pays n'a pas choisi entre grandes et petites régions. Immense, la région Rhône-Alpes ne correspond à aucune réalité culturelle, humaine ou économique. C'est encore acceptable tant que la représentation de chaque département reste garantie. Ce ne sera plus le cas.

Vous connaissez l'attachement des Savoyards à la France. Ils ont voulu devenir Français et l'on fait par référendum. Vous connaissez aussi nos engagements républicains et européens.

Mais ce projet, en faisant fondre notre représentation, va provoquer des réactions populaires des plus négatives, donnant ainsi des arguments à une force dont certains rient et que nous combattons : les indépendantistes savoyards.

Je souhaite connaître la position du Gouvernement sur la création d'une région Savoie, idée qui, dans mon département, a été approuvée par trente-deux conseillers généraux sur trente-quatre, dont la totalité des élus de gauche (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances - L'article 40 n'a été opposé qu'à une proposition de loi et le président de la commission des finances n'est pas compétent dans ce cas.

Par ailleurs, il est indiqué dans un excellent ouvrage de M. Jacques Barrot que l'interprétation libérale des charges de gestion ne peut s'appliquer lorsque la création d'une nouvelle entité administrative doit s'accompagner d'un recrutement d'agents publics ou que cette entité dispose d'un budget propre. Je ne sais par quel miracle un amendement créant une telle charge a pu arriver en discussion en 1994 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Secrétaire d'Etat - MM. Bouvard et Bosson ont plaidé pour la création d'une région Savoie et M. Inchauspé pour une région Adour-Pyrénées avec un nouveau découpage départemental. Le débat sur les régions a eu lieu devant l'opinion publique avant l'adoption de la loi de 1972. Je ne sais s'il a ensuite été porté par les délibérations des assemblées territoriales. Le choix a été fait alors de constituer, d'une part, une grande région Rhône-Alpes de huit départements, d'autre part, une région Aquitaine et une région Midi-Pyrénées.

Le débat sur la création de nouvelles régions est légitime dans les régions en question comme dans les autres. Le découpage actuel n'est d'ailleurs par immuable puisque l'article L. 4122-1 du code des collectivités territoriales prévoit que "les limites territoriales des régions peuvent être modifiées par la loi après consultation des conseils régionaux et des conseils généraux intéressés, la même possibilité étant ouverte pour les départements par l'article 3112-1. Que le débat s'ouvre à l'initiative des collectivités concernées ne heurte donc pas le sentiment du Gouvernement.

Les plaidoyers que nous avons entendus doivent d'abord trouver une traduction dans les assemblées concernées. Moi-même, je me suis d'ailleurs prononcé en faveur de la légitimité d'un tel débat devant le conseil régional de Rhône-Alpes. Je ne vois pas pourquoi ma position varierait.

M. José Rossi - L'amendement 29 est défendu.

L'amendement 29, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. José Rossi - Les amendements 58 et 59 sont retirés.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Vous mesurez bien, Monsieur le ministre, que vous venez d'ouvrir la porte à la création de nouvelles régions et que le débat va s'ouvrir au sein de chacune des 22 régions existantes, imposant de faire le point sur leurs compétences et sur leur périmètre géographiques. Peut-on ainsi, en quelques minutes, trancher définitivement un tel sujet ?

J'en viens à l'amendement 96 qui fait en sorte qu'au premier tour toutes les forces politiques puissent être représentées dès lors qu'elles ont été reconnues par le scrutin universel, mais qui consacre la bipolarisation en n'attribuant la prime majoritaire qu'aux deux listes arrivées en tête.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, jugeant les dispositions du projet plus équilibrées et plus lisibles.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement prévoit une prime de 50 %, équivalant à celle des municipales. Mais je crains que, dans le cadre régional, on écrase ainsi la représentation des petits mouvements. Mieux vaut donc une prime de 25 %, qui n'empêche pas qu'une majorité se dégage. Avis défavorable.

L'amendement 96, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Je laisse M. Brunhes défendre l'amendement 1 que la commission a adopté à son initiative.

M. Jacques Brunhes - Les archives de l'Assemblée regorgent sans doute de débat sur le mode de scrutin. Mais on ne saurait rendre le baromètre responsable du temps qu'il fait : le mode de scrutin ne saurait régler le problème des alliances politiques, lié au fait qu'en France aucun parti n'a la majorité à lui tout seul. Au mode de scrutin de permettre la représentation des fractions les plus faibles du corps électoral, aux partis de passer des alliances.

Monsieur Donnedieu de Vabres, on fait le jeu du Front national quand on compose avec lui sans le combattre.

L'amendement 1, comme d'ailleurs l'amendement 2 à l'article 4, vise à concilier la représentativité du scrutin proportionnel et la gouvernabilité des régions. Dès lors qu'une majorité se dégage, il faut veiller à la représentation de toutes les sensibilités, il en va de la démocratie et du pluralisme.

Avec le seuil de 10 % initialement retenu, seuls seraient restés en jeu le PS, les partis de droite et, hélas, le Front national. On pouvait donc craindre un hégémonisme contraire à la tradition démocratique de la France qui n'est pas prête à une bipolarisation à l'américaine.

Nous proposons de ramener de 5 à 3 % le seuil requis pour qu'une liste soit admise à la répartition des sièges, le seuil requis pour qu'une liste se représente au deuxième tour étant lui abaissé de 10 à 5 % par l'amendement 2. Je me réjouis que soit ainsi résolu un problème de fond.

M. le Secrétaire d'Etat - Sur l'amendement 1, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Je comprends la prudence du ministre auquel je n'infligerai pas à nouveau la lecture de ses déclarations du 20 octobre. Cet amendement conduirait en effet à l'éclatement de l'entité régionale. Il s'agit en fait d'un parachute pour les communistes. Il leur sera déjà possible de se maintenir au deuxième tour si les négociations n'ont pas abouti dans les 48 heures, au mépris de la bipolarisation voulue par l'opinion, sur le modèle de l'élection présidentielle. En ramenant de 5 à 3 % le seuil pour accéder à la répartition des sièges, ils pourront avoir des représentants au conseil régional en dépit d'un tassement entre les deux tours.

Ce qui est à craindre, c'est que les mêmes forces auxquelles vous faites des concessions aujourd'hui vous obligent à leur en faire de nouvelles, demain, sur le scrutin municipal, avec toutes les conséquences qui s'ensuivront quant à la possibilité de faire vivre ensemble, au sein d'une même ville, des quartiers très différents.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 3 ainsi modifié.

APRÈS L'ART. 3

M. Christian Estrosi - L'amendement 25 de M. Hunault est défendu.

L'amendement 25, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4

M. Renaud Donnedieu de Vabres - L'adoption de cet article, et en particulier de son deuxième alinéa relatif à la parité entre les hommes et les femmes, peut faire problème, selon que la loi sera votée définitivement avant ou après la révision constitutionnelle. Comment, d'autre part, donner un contenu concret à cette parité ? A quoi nous engageons-nous en écrivant que "chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins" ? L'objectif est éminemment louable, mais il ne signifie pas forcément qu'un nombre égal d'hommes et de femmes sera élu, ni que les responsabilités seront partagées de façon équilibrée entre les sexes.

Mme Nicole Bricq - Faites confiance à la vie !

M. Christian Estrosi - Le deuxième alinéa, non content d'anticiper dangereusement sur la révision constitutionnelle, sera inapplicable : tous les conseils régionaux sont composés d'un nombre impair de membres ! Les recours seront immanquablement innombrables.

Quant à abaisser les seuils, c'est jouer un bien mauvais tour à la démocratie locale et ouvrir la porte à toutes les alliances contre nature. Alors que l'esprit du projet est de donner aux exécutifs régionaux une majorité stable et cohérente, vous cédez aux pressions, voire aux chantages de votre majorité plurielle en abaissant à 5 % le seuil de maintien et à 3 % celui d'accès à la répartition des sièges. S'il s'agit d'assurer la représentation des petites listes, il suffit d'autoriser la fusion à partir de 3 %.

Mme la Présidente de la commission - Nul n'est obligé de saisir le Conseil constitutionnel, et s'il l'est, il est permis de penser qu'il ne s'en tiendra pas forcément à la stricte chronologie de l'adoption des textes par le Parlement. Au demeurant, la révision constitutionnelle elle-même ne prendra son sens que si l'application du principe de parité se traduit dans des textes législatifs, et il serait tout à fait anormal que nous débattions du mode de scrutin régional sans évoquer la question de la parité.

M. José Rossi - L'amendement 31 rectifié tend, comme l'amendement 85 de M. Donnedieu de Vabres, à limiter à deux listes l'accès au second tour, à ceci près que le mien tient compte de la possibilité de fusion avec d'autres listes.

M. le Rapporteur - La commission les a repoussés. Soit dit en passant, les modalités de fusion proposées par M. Rossi -modification possible de l'ordre de présentation des candidats, voire de la tête de liste- ne contribueraient pas à la clarté du choix offert aux électeurs.

Les amendements 31 rectifié et 85, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jacques Brunhes - Lorsque MM. Donnedieu de Vabres et Estrosi parlent d'instabilité, ils oublient de dire que la prime de 25 % attribuée à la liste victorieuse assurera la parfaite gouvernabilité des conseils régionaux. Rien ne saurait s'opposer, dès lors, à ce que les petites formations ou les groupes émergents soient représentés : c'est une question de démocratie élémentaire.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 2.

M. le Secrétaire d'Etat - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Christian Estrosi - Les petites listes pourront être représentées, si elles fusionnent avec de plus grandes. Etant donné que le rapporteur n'a cessé, tout au long du débat, de nous renvoyer à la loi électorale municipale, je lui dis : chiche ! Appliquez donc aux régions la loi électorale municipale, seuils y compris - c'est-à-dire 5 % pour les fusions et 10 % pour le maintien.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - L'amendement 83 tend à relever de 3 % à 5 % le seuil à partir duquel les listes peuvent fusionner, afin d'éviter la prolifération de listes défendant des intérêts géographiques ou catégoriels au premier tour.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé puisque précisément, en première lecture, l'Assemblée avait souhaité abaisser ce seuil à 3 %.

M. le Secrétaire d'Etat - Sagesse.

L'amendement 83, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je mets aux voix l'amendement 86 qui tend à supprimer le dernier alinéa de l'article.

L'amendement 86, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4 amendé, mis aux voix, est adopté.

Les articles 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 15

M. José Rossi - Conformément au statut particulier de la Corse, son assemblée régionale a été saisie de la réforme en cours sur laquelle elle a rendu un avis très clair. L'Assemblée régionale corse marche bien avec une majorité qui fonctionne et une opposition respectée. Dans la mesure où nous avons un statut particulier, nous souhaitons que la durée du mandat de cette assemblée, soit six ans, ne soit pas modifiée. C'est l'objet de mon amendement 42, qui traduit la position unanime des conseillers régionaux corses, communistes y compris.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement considérant que la durée des mandats ne pouvait être en Corse différente de celle des autres régions. Un des objectifs de la modernisation de la vie politique consiste à harmoniser la durée de tous les mandats.

En revanche, sur les autres points, le projet ne touche en aucune façon au système particulier de la Corse et l'Assemblée adoptera vraisemblablement tout à l'heure un amendement préservant le mode de fonctionnement actuel de l'assemblée régionale corse.

M. José Rossi - En ce qui concerne la durée des mandats, vous faites un choix politique mais rien n'oblige notre assemblée à vous suivre dès lors que le statut particulier de la Corse en fait une collectivité sui generis.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Si le Premier ministre a l'intention d'étendre le quinquennat à l'infini, j'aimerais savoir si toutes les élections seront alors organisées simultanément. Quelles sont les orientations du Gouvernement à ce sujet ? S'il a l'intention de modifier la durée du mandat des conseils municipaux, je prends le pari que le groupe communiste demandera alors d'étendre à cette assemblée l'amendement que nous avons adopté tout à l'heure relatif au seuil d'accès au second tour.

Les amendements 42 et 71, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 15, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. José Rossi - Mon amendement 100 rectifié tend à exclure la collectivité territoriale de Corse du champ d'application du seuil de répartition des sièges de 3 %. Il me semble que le rapporteur a admis ce raisonnement.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais s'est fixée pour doctrine de ne pas modifier le mode de fonctionnement actuel de l'assemblée de Corse. J'émets donc un avis favorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Autant le Gouvernement tient à aligner la durée des mandats, autant, sur ce point, il n'est pas opposé à la proposition qui vous est faite : il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 100 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 16 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

Les articles 16 bis, 17, 18, 19 et 20, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 21

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Cet article, en principe transitoire, donnera des habitudes fort peu démocratiques aux présidents de région en leur permettant de se passer de leurs conseillers régionaux.

Nous devons nous interroger sur les prérogatives ainsi données à l'exécutif qui n'a qu'une légitimité indirecte, n'ayant pas été élu au suffrage universel direct sur son nom. La responsabilité politique que vous lui conférez me semble donc excessive.

D'autre part, peut-on parler de paralysie du fonctionnement d'une région lorsque, librement, un certain nombre de conseillers régionaux font des choix qui s'imposent au président ?

Votre raisonnement, transposé au plan national, interdirait la cohabitation entre le Président de la République et une nouvelle majorité de l'Assemblée nationale, puisque celle-ci remettrait en cause ses prérogatives ! Nous, démocrates, nous considérons que la majorité issue de l'élection législative s'impose au Président de la République.

Alors pourquoi, s'agissant du fonctionnement des assemblées régionales, les choix d'une majorité de conseillers régionaux, notamment sur le budget, ouvriraient-ils une crise politique majeure ?

Il y a débat sur le sujet. Avec votre système, tous les présidents de région en place sont assurés d'un long avenir -sauf décision du Conseil d'Etat-, cependant que les conseillers régionaux seraient réduits à la portion congrue -le Bureau n'étant que l'équipe du président. Il faudrait au moins que l'opposition soit associée au projet que le président soumet au conseil -je note au passage, Monsieur Brunhes, que, pour la validité de votre raisonnement, il faudrait qu'une liste fasse au moins 33 %. Si l'opposition n'est pas associée aux nouveaux choix du président de région, il y aura un débat en première lecture, puis on recevra une lettre recommandée avant qu'enfin le préfet arrête le budget. C'est la négation du principe constitutionnel selon lequel les collectivités s'administrent par des conseils élus. On donne des prérogatives excessives aux présidents de région.

M. Christian Estrosi - Ce qui est grave, c'est qu'on change les règles du jeu en cours de mandat.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - C'est du sur-mesure !

M. Christian Estrosi - Pour secourir vos présidents de région en situation inconfortable, vous modifiez le choix démocratique des électeurs -et si nous en sommes là, c'est à cause de vous, Monsieur le rapporteur ! C'est vous qui avez proposé le texte adopté l'an dernier. Puis, ayant constaté que ça ne marchait pas très bien, vous revenez avec une nouvelle mouture -vous l'avez dit nettement en commission, il s'agit de tirer les conséquences de la décision du TA d'Orléans. Vous voulez donc supprimer tout débat démocratique. Lorsqu'une majorité sera en désaccord avec le président sur telle ou telle disposition budgétaire, c'est lui qui aura le dernier mot. Il s'agit donc bien d'assurer le confort de vos six pésidents de région et du président de la région Rhône-Alpes.

M. José Rossi - Il nous faut bien nous étonner de ces dispositions aberrantes. Pendant cinq ans, les choses étant ce qu'elles sont, il n'y aura pas de majorité alternative possible, et les budgets seront donc tous adoptés sans vote après avoir été élaborés par le seul président -après consultation du Bureau. Mais vous allez provoquer la révolution ! Vous ferez le jeu de l'extrémisme. Il y a pourtant moyen, quand cela est nécessaire, de faire des compromis pour trouver une majorité, vous le faites bien ici-même avec M. Brunhes ! On peut trouver des majorités à géométrie variable, dans l'intérêt général. J'espère que la navette permettra de progresser sur ce point.

M. le Rapporteur - La loi du 7 mars 1998, Monsieur Estrosi, je ne l'ai pas fabriquée tout seul, vous me faites trop d'honneur. D'autres y ont contribué, M. Ayrault, mais aussi M. Mazeaud...

M. Christian Estrosi - Alors, gardons-la !

M. le Rapporteur - A l'époque, vous étiez moins enthousiastes !

M. Christian Estrosi - Nous avons voté pour !

M. le Rapporteur - Suite aux élections régionales, certaines difficultés sont apparues, on a vu des budgets adoptés par des majorités de circonstance, qui variaient selon les chapitres. Et l'on peut aboutir à des budgets ne correspondant plus à la volonté de l'exécutif.

M. Christian Estrosi - Et alors ?

M. le Rapporteur - On a fait tout à l'heure une comparaison infondée avec le Président de la République. Par contre, on peut faire la comparaison avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale : le dispositif proposé ici est inspiré par le vote bloqué de l'article 44-3 de la Constitution. Ainsi, l'exécutif de la collectivité pourra compter sur un budget conforme à ses voeux et la continuité sera assurée. En outre, cela évitera que ce soit le préfet qui règle le budget régional. Au reste, l'existence de cette disposition peut amener les oppositions à être un peu plus sages et à faire moins d'obstruction, elle peut donc faciliter le dialogue.

M. José Rossi - Monsieur le rapporteur, on ne peut pas comparer le fonctionnement des conseils régionaux à celui de l'Assemblée nationale. S'il n'y a pas de majorité à l'Assemblée, compte tenu des nombreuses procédures existantes, il n'y a pas non plus de Gouvernement.

Au demeurant, les dispositifs en vigueur sont satisfaisants. Si un président de région est incapable de faire voter un budget de compromis, le budget est refusé par le préfet. Il faut ensuite y avoir dissolution et appel aux électeurs. Or votre mode de scrutin qui garantit une majorité s'appliquera dès la première élection, donc le cas échéant suite à une dissolution. Il suffirait donc de revenir une seule fois devant les électeurs pour que la situation soit débloquée.

Au contraire avec votre système, le blocage peut perdurer quatre ou cinq ans, provoquant l'indignation croissante des citoyens.

M. le Rapporteur - Je vous rappelle que le président de région peut être renversé.

M. Christian Estrosi - L'amendement 78 est de suppression.

Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi, Monsieur le rapporteur, le dispositif que vous instituez ne serait plus utile après le prochain renouvellement. Des présidents pourront en effet se trouver en minorité sur tel ou tel sujet sur lequel les élus régionaux se prononcent par-delà leurs appartenances partisanes, en fonction de leur origine géographique. Ainsi dans ma région, PACA, certains élus de sensibilités diverses souhaitent que la percée alpine avec l'Italie soit réalisée sous le Mercantour et s'opposent à ceux qui veulent qu'elle le soit sous le col de l'Echelle.

Les amendements 48 et 77 successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - L'amendement 90 de Mme Idrac est de suppression.

Le mécanisme que l'article institue devrait, en effet, conduire les exécutifs régionaux à mettre absolument toutes les dispositions importantes dans le document budgétaire qu'ils pourront faire adopter sans majorité. La vie démocratique des conseils régionaux sera ainsi réduite à néant.

Or les élus sont responsables devant l'opinion. Nous assumons, par exemple, notre opposition aux emplois-jeunes. De même, ceux qui empêcheraient les conseils régionaux de fonctionner en répondront devant leurs électeurs. Cela dit, nous aurions pu accepter cet article si la commission permanente, constituée à la proportionnelle des groupes et associant donc toutes les forces politiques, intervenait à la place du Bureau.

L'amendement 90, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3 de la commission précise qu'il s'agit du budget "primitif". Et je rappelle à cet égard que la responsabilité du président de région peut être mise en jeu par une motion de renvoi comportant le nom de son remplaçant sur lequel se serait rassemblée une majorité absolue.

L'amendement 3, approuvé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 102 est rédactionnel.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. Je l'approuve à titre personnel.

L'amendement 102, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 4 est de coordination.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Je propose de le sous-amender pour remplacer "Bureau" par "commission permanente".

M. le Rapporteur - Je suis défavorable à ce sous-amendement contraire à la logique du dispositif puisque la commission permanente, reflet de l'assemblée, connaît les mêmes problèmes de majorité que celle-ci.

Le sous-amendement oral de M. Donnedieu de Vabres, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 5 est rédactionnel.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 est également rédactionnel.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 21 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 22

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Les dispositions de cet article cadenassent absolument le fonctionnement de l'assemblée régionale et assurent ainsi la tranquillité des exécutifs en place. La seule menace qui pourrait peser sur eux est l'adoption d'une motion de défiance désignant un autre président à la majorité absolue. Or vous savez parfaitement que la droite républicaine n'est pas décidée, dans la plupart des régions, à obtenir l'élection à la présidence de l'un des siens grâce aux voix du Front national.

Vous assurez donc, Monsieur le ministre, la tranquillité des présidents en place dans toutes les régions, y compris la vôtre.

M. le Président - J'appelle les orateurs à la concision.

M. Christian Estrosi - Cette disposition accorde un pouvoir absolu à un homme seul, le président de région. Une fois celui-ci élu, les conseils régionaux deviendront inutiles tout comme la commission permanente, puisqu'il sera tout puissant. Un tel dispositif est inapplicable. Vous allez renforcer tous vos amis, mais aussi ceux que vous dénoncez si fréquemment...

Les amendements 50, 78 et 91 sont de suppression.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. José Rossi - En Ile-de-France, le président, minoritaire, ne peut faire adopter ses propositions. Grâce au vote bloqué, il pourra présenter ensemble son projet de budget et les amendements de ses amis. Comme il n'y aura pas de majorité alternative unissant le RPR, l'UDF et Démocratie Libérale au Front national, il pourra donc faire son budget tout seul, en ne consultant que les membres de son Bureau.

Les amendements 50, 78 et 91, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 7 de la commission est de précision.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 8 rectifié, 9 et 10 sont rédactionnels.

L'amendement 8 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 9 et 10.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Mon amendement 92 vise à supprimer certaines dispositions de cet article en vue de garantir le vote à bulletins secrets quand il s'agit d'un vote personnel. Il faudrait au moins deux votes. Vous rompez avec une tradition très ancienne, alors qu'à l'issue des dernières élections, c'est sous les huées, les quolibets et les crachats que nous avons dû procéder à la désignation des présidents de région. Ne considérez pas que ce point ne mérite pas réflexion.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. C'est la liste des signataires de la motion de renvoi qui sera rendue publique. Le vote restera secret.

M. Christian Estrosi - Le vote du budget ne sera donc pas public !

L'amendement 92, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 11 de la commission vise à préciser que la motion de renvoi doit être accompagnée d'une déclaration de politique générale du candidat à la présidence.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 12, 13, 14 et 15 de la commission sont rédactionnels.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 13, 14 et 15.

L'article 22 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 22 bis

M. José Rossi - Les amendements 51 et 79 sont de suppression. Contrairement aux séances du conseil régional, les réunions de la commission permanente ne doivent pas être publiques, car cet organe, outre l'exercice des compétences de la région, organise aussi les travaux du conseil régional. Vous imaginez la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale délibérant en public !

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La commission permanente est une instance délibérative composée à l'image du conseil régional.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Modèle réduit du conseil régional, la commission permanente ne peut être comparée à la Conférence des présidents.

Les amendements 51 et 79, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 22 bis, mis aux voix, est adopté.

ART. 22 ter

M. Renaud Donnedieu de Vabres - L'amendement 94 est défendu.

L'amendement 94, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 16 de la commission se justifie par son texte même.

M. José Rossi - Mon sous-amendement 98, pour limiter la composition du Bureau au président et aux vice-présidents, vise à supprimer la mention des "membres de la commission permanente ayant reçu délégation". Cependant, j'ai déposé ce sous-amendement avant d'entendre les explications du rapporteur en commission et je suis prêt à le retirer s'il me confirme que ces délégués de la commission permanente ne seront appelés à siéger au Bureau qu'en cas d'empêchement d'un vice-président.

M. le Rapporteur - Je le confirme.

M. José Rossi - Je retire mon sous-amendement.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 22 ter, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 22 quater

M. le Rapporteur - L'amendement 17 de la commission vise à supprimer cet article.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 22 quater est supprimé.

L'article 23, mis aux voix, est adopté.

ART. 24

M. le Président - Vous souhaitez vraiment prendre la parole, Monsieur Donnedieu de Vabres ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Monsieur le président, nous ne faisons pas d'obstruction. Ce débat est important, car la gauche est en train de revenir sur ce qu'elle a fait en 1982. Vous ne pourrez plus vous prétendre des pionniers de la décentralisation.

Par ailleurs, tout en voulant nous rassurer en disant que les principales mesures n'auront qu'un caractère temporaire, vous êtes en train d'introduire des pratiques autocratiques dans la gestion des collectivités locales -dans le même temps où vous tolérez que la politique du Premier ministre soit remise en cause au sein même du Gouvernement.

Sans compter qu'avec ce projet vous faites du sur-mesure.

En effet, la majorité plurielle et le Gouvernement se sont concertés afin de régler chacun des cas où les comportements démocratiques et républicains leur sont insupportables.

M. le Rapporteur - L'amendement 18 précise que ces dispositions favorables à un régionalisme rationalisé sont transitoires car liées à l'existence d'un mode de scrutin qui ne permet pas de dégager de majorité.

Ces dispositions s'appliqueront à tous les présidents, Monsieur Donnedieu de Vabres, quelle que soit leur appartenance politique.

L'amendement précise également qu'en cas de dissolution, la nouvelle élection aurait lieu selon le nouveau mode de scrutin et que les dispositions des articles 21 et 22 n'auraient alors plus lieu de s'appliquer.

M. José Rossi - Mon sous-amendement 99 exclut la Corse du champ d'application du II de cet amendement, dans la mesure où le système de défiance constructive rend inutile le recours au vote bloqué.

M. Christian Paul - Mon sous-amendement 101 précise les conditions d'application de l'article 22 dans le cas où l'adoption des budgets régionaux serait en cours au moment de la promulgation de la loi.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable à l'amendement comme aux deux sous-amendements. En ce qui concerne celui de M. Paul, j'indique que les possibilités offertes par l'article 21 pourront être utilisées dès lors que la région ne disposera pas d'un budget à la date d'entrée en vigueur de la loi ou que l'Assemblée, même en ayant adopté certains chapitres, ne se sera pas prononcée par un vote d'ensemble. Elle pourra alors être reconvoquée pour ce faire, à condition que ce vote intervienne avant la date limite du 20 mars. En revanche, si le conseil ne s'est pas prononcé de la sorte avant l'entrée en vigueur de la loi, il ne sera plus possible d'organiser un vote d'ensemble.

M. le Rapporteur - La commission a adopté le sous-amendement 99 dans le souci de ne pas modifier le fonctionnement de l'Assemblée de Corse.

Elle n'a pas examiné le sous-amendement 101 mais j'y suis personnellement favorable dans la mesure où il vise à éviter des contentieux.

Les sous-amendements 99 et 101, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 18, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l'article 24 est ainsi rédigé.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Christian Estrosi - Je regrette, au nom du groupe RPR, qu'à l'issue d'un débat tronqué soit ainsi remise en cause l'organisation de nos collectivités régionales, que l'on cherche ainsi à éloigner les élus de leurs électeurs et du terrain, que l'on renonce, jusqu'à la prochaine échéance, à assurer un fonctionnement démocratique des assemblées régionales.

Avec ce projet, vous donnez un chéquier aux présidents de conseils régionaux, qui n'auront plus qu'à signer sans organiser le moindre débat budgétaire. Telle est sans doute la conception qu'a la majorité plurielle de la démocratie.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera contre ce budget.

M. Christian Paul - Je me réjouis du travail accompli ce soir pour ériger le nouveau socle de l'institution régionale, marquant ainsi une nouvelle avancée considérable vers la décentralisation engagée en 1982.

La prime majoritaire assurera la stabilité des majorités régionales et détournera de la tentation des alliances honteuses. Quant aux dispositions transitoires, elles n'auront pas d'autre vertu que de permettre pour quelques années une rationalisation du fonctionnement de l'institution.

Une fois de plus, l'opposition s'est fait l'adepte du double langage, dénonçant le malaise actuel des conseils régionaux tout en plaidant sans relâche pour l'immobilisme.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - S'il est parfois des moments où l'on s'oppose par principe (Exclamations sur les bancs du groupe communiste), il en est d'autres où l'on est fier de voter contre un texte. Tel est le cas ce soir pour le groupe UDF. Ainsi n'avons-nous aucune responsabilité dans les conséquences des décisions prises ce soir. Avec la proportionnelle à deux tours, vous pérennisez le Front national dans son action politique, que nous combattons, dans nos régions.

Très attaché à la décentralisation, le groupe UDF attend avec impatience qu'un texte clarifiant les compétences de l'Etat et des collectivités locales soit soumis à l'Assemblée. Incapables de le porter plus longtemps, vous nous transmettez le flambeau allumé en 1982. Nous saurons l'entretenir grâce à des propositions constructives pour lier effectivement communes, départements, régions, Etat, Europe.

C'est donc avec fierté que le groupe UDF votera contre ce texte.

M. José Rossi - Le groupe Démocratie libérale votera également contre ce projet.

Si nous nous opposons sur le mode de scrutin, nous pouvons toutefois entendre sur ce sujet les arguments de la majorité et comprendre sa volonté de dégager des majorités stables et de permettre aux régions d'être dirigées efficacement. Nous avons toutefois une conception différente de la démocratie : nous préférons laisser jouer l'alternance démocratique au lieu de la bloquer.

Et nous déplorons beaucoup plus vivement que vous cherchiez à balkaniser l'opposition régionale en abaissant le seuil de répartition des sièges à un niveau sans précédent de 3 %.

Sur le fonctionnement même des conseils régionaux, en revanche, il n'y a pas eu de vrai débat. Or nous sommes convaincus que le système adopté n'est pas viable et que vous le vérifierez à vos dépens -et surtout à ceux de la démocratie régionale. Nous vous adjurons de trouver, avec le Sénat, une formule meilleure. Enfin, et surtout, nous souhaitons que les deux ou trois années à venir ne soient pas consacrées à la seule réforme des modes de scrutin et de fonctionnement, mais à l'approfondissement de la décentralisation. Si tel est le cas, vous trouverez en nous, non des opposants systématiques, mais des "proposants" constructifs.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance ce matin, vendredi 20 novembre, à 9 heures 15.

La séance est levée à 1 heure 15.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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