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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 38ème jour de séance, 99ème séance. 2ème SÉANCE DU MERCREDI 25 NOVEMBRE 1998 PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI vice-président SOMMAIRE : RÉVISION DE L'ARTICLE 88-2 DE LA CONSTITUTION (suite) 1 La séance est ouverte à vingt et une heures. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution. M. le Président - J'appelle, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement, l'article unique du projet de loi constitutionnelle dans le texte du Gouvernement et les amendements portant articles additionnels. M. François Guillaume - Mon amendement 41 tend à préciser que la Constitution l'emporte sur toute autre règle juridique. M. Henri Nallet, rapporteur de la commission des lois - La commission, après avoir délibéré de cet amendement, l'a repoussé. M. Jacques Myard - C'est un peu court ! Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Oui, dans l'ordre interne, la Constitution l'emporte sur toute autre règle juridique ; c'est même si évident qu'il est inutile de l'écrire. Les traités sont supérieurs aux lois en vertu de l'article 55 de la Constitution, mais ils sont inférieurs aux normes constitutionnelles. C'est bien le sens de l'article 54 de la Constitution, selon lequel, si un traité est contraire à la Constitution, l'autorisation de le ratifier ou de l'approuver ne peut intervenir qu'après révision de notre loi fondamentale. Bien entendu, rien n'oblige notre pays à réviser sa Constitution ; s'il le fait, c'est par un acte de volonté souverain : par conséquent, notre Constitution est bien la norme suprême. M. Jacques Myard - Mme le Garde des Sceaux, en dépit de ses arguties juridiques, vient de donner raison à M. Guillaume. Le peuple est souverain, la Constitution est sa loi fondamentale et un traité, quel qu'il soit, ne peut aller contre. L'amendement 41, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jacques Myard - La souveraineté nationale, c'est ma liberté, la liberté de chaque citoyen de ce pays. Quelque règle que ce soit ne peut nous enlever cette liberté fondamentale. C'est pourquoi je propose de rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 3 de la Constitution : "La souveraineté nationale est inaliénable. Elle appartient exclusivement au peuple, qui l'exerce par la voie du référendum et par ses représentants". Qu'on me permette une citation : "Une assemblée, même issue du suffrage universel, ne pourrait invoquer sa souveraineté pour couvrir ou ratifier des exigences destructives de la souveraineté nationale. Elle s'arrogerait un droit qui n'appartient même pas au peuple réuni dans ses comices" : ainsi s'exprimaient les députés alsaciens et lorrains dans leur protestation, le 17 février 1871. M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Elle n'a pas délibéré de l'amendement 57, mais sa décision aurait été la même. La souveraineté nationale n'est pas un principe de valeur supra-constitutionnelle. M. Jacques Myard - Quoi ? M. le Rapporteur - Dans une décision de 1992, le Conseil constitutionnel a affirmé ceci : "Le pouvoir constituant est souverain. Il lui est donc loisible d'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il estime appropriée". M. le Président - J'aurais dû donner préalablement la parole à Mme Catala pour défendre l'amendement 57. Mme Nicole Catala - Je suis très surprise par l'analyse du rapporteur. La Constitution de 1791 avait inscrit au fronton de notre République que la souveraineté nationale est une, imprescriptible, inaliénable et indivisible. Dans le même esprit que M. Myard, nous proposons, par l'amendement 57, de compléter le premier alinéa de l'article 3 de la Constitution par la phrase "Elle ne peut être aliénée". Ceux qui repousseront ces amendements manifesteront par là qu'ils admettent que la souveraineté de la France peut être aliénée. Je sais bien que dans le Préambule de 1946, il est dit que cette souveraineté peut connaître des limites dans l'intérêt de la sauvegarde de la paix ; mais il ne s'agit pas d'aliénation. Nous entendons défendre la souveraineté du peuple, principe fondamental de la République. Mme la Garde des Sceaux - La souveraineté nationale est en effet inaliénable. Cet amendement est donc inutile puisqu'il ne fait que le rappeler. Notre Constitution prévoit toutefois que le constituant est souverain. Le peuple par voie de référendum ou ses représentants au Parlement peuvent parfaitement réviser la Constitution, à une seule exception. Ils ne peuvent remettre en question la forme républicaine du gouvernement. On ne peut donc restaurer la monarchie, comme j'ai dû hier le faire observer à M. de Villiers. Enfin, Monsieur Myard, après vous être insurgé contre une révision de la Constitution, vous venez maintenant nous la proposer. Où est la cohérence ? M. le Rapporteur - Je m'étonne que Mme Catala ne se range pas aux arguments juridiques du Conseil constitutionnel. Au demeurant, ce qui s'oppose d'abord à l'amendement 57, c'est la plénitude même du pouvoir constituant. Enfin, permettez-moi de faire observer qu'en ratifiant le traité de Maastricht en 1992, le peuple a consenti un transfert de compétences. M. Jacques Myard - M. Nallet s'est abrité derrière une décision du Conseil constitutionnel, lequel, que je sache, est subordonné au souverain, c'est-à-dire au peuple et à ses représentants. La souveraineté est un droit naturel inaliénable des peuples. La construction européenne, qui consiste dans la délégation de certaines compétences nationales, ne saurait justifier qu'il soit porté atteinte à ce principe. Il s'agit ici de réaffirmer que seul le peuple est souverain, qu'il détient cette souveraineté parce qu'il existe et que parce qu'il existe, il est. M. Gérard Gouzes - M. Myard n'a pas écouté ce que j'ai dit hier. Nous sommes souverains pour décider ici de la souveraineté nationale. Le doyen Vedel explique fort bien que si l'on dotait la souveraineté d'un statut supra-constitutionnel, on ne pourrait plus invoquer de supra-constitutionnalité internationale puisque, à l'instant même où elle prendrait naissance, elle se heurterait à la souveraineté nationale en possession d'état de supra-constitutionnalité. Mme Nicole Catala - Le rapporteur méconnaît la portée des décisions du Conseil constitutionnel. Celui-ci estime qu'il y a lieu de réviser la Constitution quand un traité porte atteinte "aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté". Il n'a jamais admis que la souveraineté nationale puisse être aliénée de façon irréversible, ce qui serait le cas, en théorie du moins, avec les traités européens (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'amendement 10, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 57. M. Jean-Claude Lefort - L'amendement 48 rectifié a pour objet d'insérer avant l'article unique l'article suivant : "Après le premier alinéa de l'article 3 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : "Les projets de loi tendant à autoriser la ratification des traités qui auraient pour conséquence de modifier l'exercice de la souveraineté sont soumis à référendum." Avec cet amendement, nous touchons à une question fondamentale : à qui appartient la souveraineté nationale ? M. Jacques Myard - Très bien ! M. Jean-Claude Lefort - Si nous convenons qu'elle appartient au peuple, -de quoi pourrions-nous convenir d'autre ?- et que seul ce dernier peut décider de déléguer les modalités de son exercice, il ne nous appartient pas, à nous, représentants du peuple, de nous arroger le droit de décider à la place du pouvoir d'y renoncer et de l'aliéner. M. Jacques Myard - Il a raison. M. Jean-Claude Lefort - Je suis assez grand pour défendre seul mon amendement. Rien dans notre Constitution ne permet d'affirmer que les représentants du peuple peuvent disposer d'une souveraineté qu'ils n'exercent que par délégation. Comment pourrions-nous déléguer l'exercice de ce qui ne nous appartient pas ? Cette conception conforme donc à notre Constitution, l'est également à la charte des Nations Unies qui reconnaît le droit imprescriptible des peuples à disposer d'eux-mêmes, principe confirmé par deux résolutions de l'Assemblée générale de l'organisation de 1971 et 1974. Elle rejoint également le principe bien antérieur proclamé sous la Révolution française selon lequel la souveraineté nationale est inaliénable et imprescriptible. On ne peut pas révoquer le peuple... M. Michel Bouvard - Pas encore ! M. Jean-Claude Lefort - On ne peut lui dénier sa souveraineté. M. le Président - Veuillez conclure. M. Jacques Myard - C'est un point essentiel. M. Georges Sarre - M. Lefort commence juste sa démonstration. M. Jean-Claude Lefort - Le référendum en matière de transfert, d'abandon, de délégation de souveraineté ou de compétences que le peuple peut toujours décider... M. Michel Bouvard - Pourrait ! M. Jean-Claude Lefort - ...est par nature conforme aux principes constitutifs de notre droit national depuis la Révolution française, comme du droit international. Si d'aucuns votaient contre notre amendement, ils voteraient contre tout cet édifice ; je n'ose l'imaginer. Par principe, tout traité qui aurait pour conséquence de modifier l'exercice de la souveraineté doit être soumis à référendum (Applaudissements sur certains bancs du groupe RCV et du groupe du RPR). M. le Président - Sur l'amendement 48 rectifié, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public. M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été soumis à la commission. A titre personnel, il ne me paraît pas cohérent avec notre tradition démocratique, avec notre tradition parlementaire et représentative (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Mme la Garde des Sceaux - En effet, Monsieur Lefort, le peuple est souverain, et dans notre Constitution le référendum est une modalité par laquelle il fait connaître sa volonté. Je ne crois pourtant pas qu'il faille introduire une disposition qui rendrait le référendum obligatoire dans certains domaines. Par principe, le Parlement ne saurait être exclu d'aucun sujet législatif. Faire du référendum une modalité obligatoire de ratification des traités aurait cette conséquence. La Constitution procède d'un équilibre entre démocratie représentative et démocratie directe et l'on sait les dangers d'un recours trop systématique au référendum, que d'ailleurs vous ne proposez pas. Même sur les sujets concernant l'exercice de la souveraineté, il ne faut pas dessaisir automatiquement le Parlement de son pouvoir de décision. Cet amendement nous priverait de la souplesse qui permet d'un côté de soumettre à référendum un acte comme le traité de Maastricht -et vous savez que je l'ai préconisé, en raison des innovations fondamentales qu'il comportait- et de l'autre de privilégier la voie parlementaire quand c'est plus opportun. Je ne peux donc être favorable à cet amendement. M. Robert Pandraud - Je suis tout à fait contre le référendum obligatoire à compétence liée. Dans l'équilibre de la Constitution, il appartient au Président de la République de choisir la voie qui doit être suivie. Je m'étonne que M. Lefort préconise le référendum, car il n'y a pas si longtemps ses amis condamnaient le référendum comme étant un plébiscite. Pour ma part, je laisse le soin au Président de la République d'y soumettre éventuellement la ratification des traités, sur proposition du Premier ministre. M. Jacques Myard - Dès lors qu'un traité viole directement la souveraineté nationale, il est impératif que le peuple soit consulté. Je m'étonne des déclarations de Mme la Garde des Sceaux, pour qui il y aurait deux voies. Non ! Le peuple seul est souverain. Le consulter s'impose quand il s'agit de sa souveraineté. A la majorité de 99 voix contre 14, sur 113 votants et 113 suffrages exprimés, l'amendement 48 rectifié n'est pas adopté. M. François Guillaume - L'amendement 39 propose plusieurs articles additionnels, regroupés en raison de leur complémentarité. Il s'agit d'étendre le champ du référendum à tout projet d'acte des Communautés ou de l'Union européenne, dans la logique de l'élargissement du champ référendaire auquel nous avons procédé en juin 1995. L'amendement prévoit d'autre part qu'outre le Président de la République, les deux assemblées, statuant par un vote conforme à la majorité des trois cinquièmes, ainsi que les citoyens, par une demande cosignée par cinq cent mille électeurs, aient le pouvoir de décider un référendum portant sur les actes communautaires ou de l'Union européenne, ou sur la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. L'amendement prévoit également que, si un référendum a conclu à l'adoption d'une disposition contraire à un acte communautaire ou à un traité, celui-ci doit être immédiatement dénoncé par le Gouvernement et ne peut être appliqué sur le territoire de la République. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cette modification de l'article 11 de la Constitution n'est pas appropriée au sujet dont nous sommes saisis. Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement juge cet amendement inacceptable. On ne saurait étendre le champ du référendum aux actes communautaires, dont l'adoption ne relève pas de la décision unilatérale du peuple français. Quant à la refonte de l'article 11, vous êtes saisis aujourd'hui des seuls moyens constitutionnels requis par la ratification du traité d'Amsterdam, ni plus ni moins. On ne saurait en faire l'occasion de modifier nos équilibres constitutionnels. L'amendement 39, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jacques Myard - Le Président Fabius, quand il a été élu Président de notre assemblée, a réaffirmé avec force, dans l'esprit même de Philippe Séguin, qu'il convenait de revaloriser le Parlement. L'acte essentiel du Parlement est la loi. Or celle-ci, dans l'état actuel d'une certaine jurisprudence des tribunaux tant administratifs que civils, peut être écartée, ce qui est inacceptable, dès lors qu'elle est postérieure à un texte international. Ce qui est en cause dans mon amendement 11, c'est la position dans la hiérarchie des normes de la loi, votée par le Parlement, à l'issue de tout le processus législatif -incluant la possibilité pour le Président de la République d'en demander une deuxième lecture, et celle pour soixante députés ou sénateurs, pour le président de chacune des assemblées et pour le Premier ministre de la déférer au Conseil constitutionnel. A l'issue de tout ce processus, la loi votée doit s'appliquer, et s'imposer à toutes les autorités administratives et judiciaires. Il est temps de réaffirmer ce principe : c'est l'objet de l'article 34-1 nouveau que je propose. M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement, en se fondant sur l'article 55 de la Constitution. Mme la Garde des Sceaux - Même avis. L'amendement 11, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Georges Sarre - Personne ne conteste la nécessité de mieux associer les parlements nationaux aux processus communautaires. Mais, passé ce constat, que d'avis différents ! Deux options se dégagent. La première consiste à instituer une sorte de Sénat des Etats membres à côté du Parlement de Strasbourg, en renforçant les prérogatives de l'actuelle COSAC. Cela n'a de sens que dans la perspective d'une Europe fédérale. Est-ce cela que nous voulons ? Non. La seconde consiste à renforcer le rôle des parlements nationaux. Mais si chez certains de nos partenaires le législateur a de vastes prérogatives, ce n'est pas le cas en France. Nous n'avons organisé qu'un maigre et léger dispositif d'information, via une délégation qui émet des résolutions sans aucune portée juridique. Il faut évidemment renforcer, non seulement l'information, mais la capacité d'action du Parlement français, pour faire face à une production normative communautaire débordante : 80 % du droit français de niveau réglementaire ou législatif trouvent leur origine dans des décisions communautaires. Il est temps de créer une commission permanente des affaires européennes, qui puisse se tenir régulièrement informée des textes en cours d'élaboration et entendre les fonctionnaires qui représentent la France dans les instances européennes - car je ne tiens pas à ce que les diplomates deviennent des souverains. Quelles raisons peut-on opposer à notre amendement 1 ? Je n'en vois aucune. M. Gérard Gouzes - Changez de lunettes ! M. Georges Sarre - J'ai beau les enlever (l'orateur joint le geste à la parole), je n'en vois toujours aucune... (Rires) A ceux qui m'objecteraient qu'il ne restera plus aucun texte à examiner par les autres commissions, je répondrais que cette évolution s'est faite par leur volonté, et qu'une telle situation permettrait à chacun de mesurer l'étendue des transferts consentis. D'autres encore me diront sans doute qu'il faut renvoyer une telle réforme à la prochaine fois, mais je ne suis pas partisan, quant à moi, d'aller à Versailles tous les quinze jours ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV et du groupe RPR) M. le Rapporteur - La commission a considéré que cet amendement n'entrait pas dans le cadre de la révision constitutionnelle qui nous occupe aujourd'hui (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du RPR). Elle soulève, par ailleurs, de nombreuses questions, qui méritent une réflexion approfondie, tant de la part des responsables politiques que des hautes instances de l'Assemblée. M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Le ministre délégué aux affaires européennes ne peut, à titre personnel, que trouver confort et agrément à la transformation de la délégation en commission permanente, mais c'est une question qu'il conviendrait d'examiner dans le cadre d'une réforme d'ensemble de l'organisation du travail parlementaire, plutôt que d'une révision liée à la ratification d'un traité. Sur le fond, la délégation, telle qu'elle est, a l'avantage de fonctionner de façon souple. En outre, les six commissions actuelles sont toutes susceptibles d'être concernées par l'un ou l'autre des projets d'actes européens. M. René André - L'idée de créer une septième commission permanente est une fausse bonne idée : la délégation fonctionne à la satisfaction de tous. M. Georges Sarre - Non ! M. René André - Elle examine avec sérieux tous les textes européens qui lui sont transmis, sans que les autres commissions soient dépossédées de la compétence qui leur revient. Mme Nicole Ameline - Le groupe DL considère qu'il est temps d'adapter les institutions nationales à la réalité européenne. La transformation de la délégation en commission marquerait une forte volonté d'impliquer davantage le Parlement dans le débat et le processus décisionnel européens. Je regrette que le Gouvernement ait opposé à cet amendement, fût-ce avec courtoisie, une fin de non-recevoir. M. Gérard Gouzes - Je note avec intérêt que Mme Ameline, dont les convictions européennes sont pourtant vivaces, se trouve sur la même position que M. Sarre... (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe DL, du groupe communiste et du groupe RCV) Si la délégation a été créée, c'est parce que le RPR, au pouvoir à l'époque,ne souhaitait pas donner trop d'importance à l'Europe en lui consacrant une commission permanente (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). M. Jean-Claude Lefort - Je n'aurais pas demandé la parole si M. Gouzes n'avait pas tancé M. Sarre, car je considère qu'il faut respecter l'opinion d'autrui ("Très bien !" sur plusieurs bancs du groupe du RPR). L'idée d'une commission des affaires européennes, au demeurant, n'appartient pas au seul M. Sarre : le président de l'Assemblée l'a lui-même émise dans son discours de clôture de la dernière session ! ("Très bien !" sur plusieurs bancs du groupe du RPR et du groupe RCV) Si toutefois le Gouvernement s'engageait formellement à lancer une réforme tendant à renforcer les droits du Parlement, non seulement son argumentation serait recevable, mais encore les amendements après l'article unique tomberaient. M. Robert Pandraud - Pas plus que M. Sarre, je ne souhaite que les diplomates, à qui le fait de rester couchés fait parfois perdre jusqu'à leur colonne vertébrale, fassent la loi, mais je ne suis pas favorable à son amendement. Ancien président de la délégation, j'affirme que sa force tient précisément au fait qu'elle comprend des membres de toutes les commissions permanentes, ce qui assure le lien avec chacune d'elles. Si elle devait être érigée en commission, elle perdrait beaucoup d'énergie en conflits de compétences avec les autres commissions. S'il y a une réforme à faire, c'est plutôt d'obliger ces dernières à statuer dans un délai donné sur les résolutions de la délégation. L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jacques Myard - Rappel au Règlement ! L'honneur des diplomates ayant été mis en cause (Exclamations et rires sur divers bancs), je me dois de souligner, bien qu'étant, paraît-il, fort peu diplomate moi-même (Sourires), que les diplomates sont les instruments du Gouvernement et que, s'il leur arrive de mal agir, c'est parce qu'ils ont reçu de mauvaises instructions ! M. le Président - Vous conviendrez vous-même que c'était un curieux rappel au Règlement ! M. Pierre Lequiller - Les années à venir seront décisives, et le citoyen est en droit d'attendre des gouvernants une information complète sur l'euro, la nouvelle PAC, la réforme des institutions de l'Union et son élargissement. L'amendement 45 tend donc à réserver une séance par mois, au moins, aux questions des membres du Parlement sur les politiques mises en oeuvre par l'Union européenne. M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. A titre personnel, je considère que cela n'a pas à figurer dans la Constitution, mais que c'est une proposition intéressante, qui mérite réflexion. Je vous suggère de retirer l'amendement, et je prend l'engagement de soumettre cette question à la Conférence des présidents, puisque le Président Fabius a décidé d'engager une réflexion avec l'ensemble des groupes. M. le Ministre délégué - Au Sénat, il existe des questions orales avec débat sans vote. Je serais prêt, quant à moi, à me livrer avec vous à un tel exercice. M. Pierre Lequiller - Je veux bien retirer l'amendement si le ministre s'emploie à traduire cette idée dans les faits. M. Robert Pandraud - Je le reprend. L'amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Après le premier alinéa de l'article 53 de la Constitution, l'amendement 6 insère l'alinéa suivant : "Les traités et accords internationaux qui aménagent les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi adoptée par référendum". En effet, la souveraineté nationale appartient au peuple en application de l'article 3 de la Constitution. Imaginons un traité par lequel la France aliénerait sa souveraineté en matière de justice, d'immigration, de sécurité. Peut-on accepter qu'en pareil cas, le Parlement ait seul à se prononcer ? M. le Rapporteur - Rejet. L'Assemblée a déjà tranché. Mme la Garde des Sceaux - Contre. Je m'étonne que le RPR veuille limiter la liberté de choix du Président de la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Nicole Catala - L'amendement 58 a un objet similaire. Le général de Gaulle distinguait les "réformettes" et les réformes, et il considérait que ces dernières devaient être consacrées par référendum. Nous estimons que, si un traité comporte des dispositions contraires à la Constitution -et cela se produira encore-, il faut consulter le peuple. L'amendement 58, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté. M. Georges Sarre - Par l'amendement 2, nous entendons affirmer que le droit des représentants du peuple français de faire la loi est entier. La tradition juridique française ne connait pas l'inféodation du droit interne aux traités, et la jurisprudence internationale a précisé de longue date que la signature d'un traité ne limite en rien la souveraineté d'un Etat. La convention de Vienne de 1969 admet qu'un Etat puisse se retirer d'un Traité : rien n'empêche donc la France de revenir sur un engagement international, dût-ce implicitement, en adoptant une loi contraire au traité. Après tout, en droit interne, le traité, c'est une loi de ratification, et ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Ce que nous proposons ici n'a donc rien de novateur. Il s'agit seulement de préciser à l'article 55 que les traités ne sont supérieurs qu'aux lois qui leur sont antérieures. Cette précision s'impose depuis qu'un revirement de la jurisprudence administrative a consacré la primauté des traités, règlements européens et autres directives sur les lois françaises, fussent-elles postérieures. Cela met directement en cause les prérogatives du Parlement, car on entérine ainsi la prétention de la Cour de justice de Luxembourg, depuis les avis préjudiciels de 1962 et 1963, à construire un Etat fédéral européen doté d'un ordre juridique autonome. Telle n'est pas notre conception de l'Europe. Il y a aussi une mise en cause indirecte, car le juge administratif est conduit à engager la responsabilité de l'Etat comme il l'a fait pour le tabac en 1992. A quand l'arrêt qui mettrait en cause une faute du législateur ? Ce serait un comble ! M. Jacques Myard - L'amendement 12 est identique, et M. Sarre a défini l'enjeu de façon excellente. Nous sommes ici au coeur du débat. Jamais le constituant de 1958 n'aurait pensé qu'un juge puisse écarter la loi française pour appliquer une norme internationale. Si vous rejetez l'amendement, vous direz que cette Assemblée est de seconde catégorie, une sorte de comice agricole, et non une assemblée souveraine. La loi doit s'imposer à tous, et nous devons réaffirmer que c'est toujours la loi française qui s'applique. Sinon, la pyramide sera posée sur la pointe. M. le Rapporteur - Repoussé pour les raisons qui ont déjà été exposées (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). M. Michel Bouvard - On se moque de nous ! Mme la Garde des Sceaux - Avec ces amendements, on aurait une hiérarchie des normes à géométrie variable, selon que les lois seraient postérieures ou antérieures au traité. Défavorable. Les amendements 2 et 12, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Pierre-André Wiltzer - La France est engagée aussi dans un autre espace, celui de la communauté francophone. Une première institution gouvernementale a vu le jour en 1970, l'Agence de coopération culturelle et technique. Puis on décida de tenir des réunions régulières de chefs d'Etat et de gouvernement -le premier sommet eut lieu en 1986. La coopération entre pays francophones ne porte pas seulement sur la culture et la formation, elle concerne aussi le développement économique, les nouvelles technologies, la santé publique, la nature, mais aussi la politique -droits de l'homme, démocratie parlementaire. Il y a donc beaucoup de raisons, à l'occasion de cette réforme, d'inscrire une référence à cette donnée capitale que sont la solidarité et la coopération francophones. Ce n'est pas une simple composante de notre politique étrangère. La France, aux yeux de plus de 50 pays, a à assumer une vocation qui transcende les contingences. C'est pourquoi, avec 28 collègues membres comme moi de l'assemblée parlementaire de la francophonie, je propose d'amender dans ce sens le projet. Nous avions demandé au Premier ministre, dans une lettre du 3 novembre, de prendre l'initiative de cette démarche. Bien que respectueuse et francophone, cette lettre est demeurée sans réponse, tout comme celle de 23 sénateurs appartenant à tous les groupes. Nous demeurons pleins d'espoir, car qui ne dit mot consent. Nous sommes nombreux à considérer que la francophonie doit être reconnue comme une mission essentielle de la République. Aujourd'hui même s'est tenu ici un colloque sur la nouvelle politique africaine de la France. Nous y avons rencontré des présidents d'assemblées africaines, des chefs d'Etat réunis à Paris par le Président Chirac à l'occasion du sommet franco-africain. Tous souhaitent développer de façon institutionnelle le partenariat, au sein de la francophonie, entre pays riches et pays pauvres. La coïncidence entre ce colloque et notre débat devrait lever toutes les hésitations. Le thème de la francophonie réunit le consensus de toutes les forces politiques. Au reste, notre amendement 51 reprend presque au mot près un amendement défendu le 15 janvier 1996 par M. Chevènement à l'occasion d'une révision constitutionnelle tendant à donner au Parlement le pouvoir de se prononcer sur l'équilibre financier de la sécurité sociale. Le 7 février, les sénateurs Schumann et Legendre défendaient le même amendement. A tous il avait été objecté que l'amendement était sans rapport avec l'objet de la révision constitutionnelle. Aujourd'hui, cet argument est sans portée. C'est pourquoi nous proposons d'insérer, avant l'article 88 de la Constitution, l'article suivant : "La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les Etats et les peuples ayant le français en partage". L'abrogation par la loi constitutionnelle du 4 août 1995 des articles formant le titre XIII relatif à la communauté rend notre proposition facile à mettre en oeuvre. M. le Président - Je considère que vous avez défendu aussi l'amendement 52 qui est de repli. M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ces amendements. Je n'ai donc pas d'avis à donner. M. Hervé de Charette - On s'en passera ! Mme la Garde des Sceaux - Notre pays est très profondément engagé en faveur de la francophonie. Nombreuses sont les actions qui permettent de le mesurer. En 1998, le budget global consacré à la francophonie s'est élevé à 620 millions, il atteindra 700 millions l'an prochain. Faut-il pour autant intégrer cette solidarité francophone dans notre acte fondamental ? Cela mérite d'y bien réfléchir. La priorité du Gouvernement va aux dispositions concrètes, du soutien au canal TV5 à la défense de l'usage du français dans les organisations internationales. La proposition qui nous est faite est difficile à rattacher à la présente révision constitutionnelle. La réflexion n'est pas mûre. C'est pourquoi je ne suis pas favorable aux amendement de M. Wiltzer. M. René André - J'attire à nouveau l'attention sur l'insupportable dérive communautaire qui conduit à un usage préférentiel de l'anglais au détriment du français à Bruxelles. Par exemple, pour les programmes PHARE et TACIS, vous n'avez de chance d'être "short-listé" que si vous présentez vos projets en anglais. M. Jacques Myard - Le français n'est pas euro-compatible ! M. René André - Outre l'abandon de notre langue, cela signifie que sont adoptés à Bruxelles les modes de pensée anglo-saxons, si bien que les sociétés anglo-saxonnes sont avantagées par rapport aux nôtres. Le Gouvernement, nos dirigeants doivent agir vigoureusement à Bruxelles pour mettre fin à cette dérive. M. Hervé de Charette - Sous l'apparence anodine d'une disposition constitutionnelle peu contraignante, s'exprime un des axes fondamentaux de la diplomatie française. Dans quelques jours vont se réunir tous les pays africains autour du Président de la République et du Gouvernement. C'est un moment très fort de notre diplomatie, qui signale la réussite de l'influence de la France dans les pays qui ont le français en partage. Nous devons y attacher une importance capitale. En quoi est-il inopportun d'inscrire dans la Constitution une disposition qui marque l'intention durable de la France de donner toute sa place à la francophonie ? Vous allez être sollicitée tout au long de ce débat, vous le serez à chaque occasion. Il nous serait agréable que ce soit aujourd'hui, à la demande du groupe UDF, que vous répondiez positivement -c'est le moment, faites-le ! M. Pierre-André Wiltzer - Cette question est posée depuis plusieurs années. Les gouvernements hésitent à sauter le pas. Nous avons suffisamment réfléchi, il faut maintenant prendre position. La France doit son rôle dans le monde à sa puissance nucléaire et aussi à la solidarité de 40 ou 50 pays dont l'essentiel appartient à l'espace francophone. Ils nous regardent et attendent ce geste. Faisons-le. Les amendements 51 et 52, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. Mme Nicole Catala - Nos amendements 14 et 54, identiques, tendent à inscrire dans la Constitution le principe selon lequel l'Union européenne exerce des compétences d'attribution et les Etats membres des compétences de droit commun. Je crois que chacun est d'accord sur ce point, y compris M. Nallet. De fait, à l'article 3 B, il est écrit que la Communauté agit dans les limites "des compétences qui lui sont conférées" -formule qui me convient-, mais aussi "des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité" : là, les choses se brouillent, car si la Communauté peut agir dans le cadre d'objectifs imprécis, le principe posé perd tout contenu. M. Michel Bouvard - Je défends l'amendement 54, identique. Il est nécessaire d'apporter cette précision, d'une part pour savoir quels sont les champs de compétence de l'Union européenne -ce qui facilitera le travail du Parlement et du Gouvernement- d'autre part pour éviter les empiétements progressifs du droit communautaire dans des domaines qui n'étaient pas prévus. M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces amendements qui sont inutiles. Par définition, les transferts de compétences ne peuvent résulter que de traités. Mme Nicole Catala - Ce n'est pas une réponse ! Mme la Garde des Sceaux - Même avis que la commission. M. Jacques Myard - On ne peut pas rejeter ces amendements comme cela, alors que la Communauté aspire petit à petit de multiples compétences pour construire un droit communautaire totalitaire. La compétence de la Communauté devient la compétence de droit commun, celle des Etats devient la compétence d'exception. On ne peut pas vous pardonner, Monsieur Nallet, car vous savez ce que vous faites ! Les amendements 14 et 54, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Charles Millon - Aussi bien le Président Giscard d'Estaing que le Président Delors ont affirmé leur attachement au principe de subsidiarité. Nous avions obtenu qu'il soit inscrit dans le traité de Maastricht ; pourtant, on continue à assister à l'édification d'une Europe inopérante qui harmonise, centralise, uniformise, sans du tout tenir compte de singularités locales, des spécificités régionales ou même des identités nationales. Or nous n'avons pas les moyens juridiques de nous opposer à cette évolution, le principe de subsidiarité n'étant pas inscrit dans notre Constitution. C'est pourquoi je propose par mon amendement 4 de le faire figurer à l'article 88-1. Le président de la commission des affaires étrangères a fait observer que cela élargirait les compétences du Conseil constitutionnel ; j'en suis conscient, et je le souhaite. M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement pour plusieurs raisons. La première est que la construction communautaire est, par elle-même, une construction de subsidiarité. La deuxième est que la notion de subsidiarité est plutôt un guide pour l'action qu'un principe juridique, son contenu positif étant assez difficile à déterminer. M. Michel Bouvard - Il faut le définir ! M. le Rapporteur - Enfin, la commission a considéré que la rédaction de cet amendement était vague. Mme la Garde des Sceaux - Même avis. M. Philippe de Villiers - L'adoption de cet amendement permettrait de stopper les dérives de Bruxelles... Le principe retenu depuis le traité de Rome était que les Etats avaient la compétence générale et que l'Europe avait des compétences d'attribution ; or le traité d'Amsterdam inverse les choses : ainsi, l'article 13 donne à la Communauté la mission de combattre toute forme de discrimination, et lui confère donc une compétence générale en la matière ; et le protocole no 7, dit relatif à la subsidiarité, explique que le droit communautaire, même quand il est dérivé, sera supérieur au droit national, même lorsqu'il est constitutionnel. M. Charles Millon - Je rappellera à M. le rapporteur, qui conteste la portée juridique du principe de subsidiarité, que celui-ci est inscrit dans la Constitution autrichienne. Refuser qu'il soit inscrit dans la nôtre, ce serait exprimer la crainte que la construction européenne ne le respecte pas. En effet, si elle obéit d'ores et déjà à ce principe, on ne risque rien à l'inscrire dans notre Constitution... En continuant à construire une Europe qui uniformise, on risque de provoquer un réveil des nationalismes ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Les véritables Européens sont tous favorables au principe de subsidiarité. L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jacques Myard - La boulimie de compétences de l'Union européenne va la mettre en danger ; le sentiment anti-européen qui est en train de se propager dans tous les pays membres en est la preuve. Il faut faire maigrir l'Europe, en lui imposant de se concentrer sur l'essentiel. C'est pourquoi je propose par mon amendement 16 de compléter l'article 88-1 par une phrase ainsi rédigée : "Afin de respecter le principe de subsidiarité, toute délégation peut être reprise par la République". Cela ferait beaucoup de bien au mastodonte. M. le Rapporteur - Avis défavorable comme sur l'amendement précédent. Mme la Garde des Sceaux - Même avis. M. Hervé de Charette - Le groupe UDF attache une grande importante à la question de la subsidiarité. Bien des réticences, voire des inquiétudes, face à la construction européenne tiennent au fait qu'elle n'a pas été clarifiée. Lors de la négociation du traité d'Amsterdam, je n'ai cessé de demander que l'on prenne enfin ce problème à bras-le-corps et que l'on y apporte une solution. Je me suis d'ailleurs aperçu alors que les adversaires de la subsidiarité se cachent là où on ne les attend pas. D'éminents diplomates français expliquent à l'envi que c'est précisément parce que le principe de subsidiarité n'a pas été respecté que notre pays a pu obtenir une décision favorable tantôt aux éleveurs de bovins, tantôt aux producteurs de pommes de terre... A la violation quotidienne du principe de subsidiarité, on trouve les mêmes satisfactions coupables qu'à la violation quotidienne dans la vie parlementaire du principe de séparation entre ce qui relève de la loi -article 34- et ce qui relève du domaine réglementaire -article 37. Enfin, tant qu'il n'y aura pas de juge à la subsidiarité, celle-ci ne pourra pas être respectée. Il convient donc de créer une instance ad hoc au niveau européen. Car c'est à ce niveau seulement que peut s'apprécier la subsidiarité. Et c'est pourquoi nous voterons contre l'amendement de M. Myard. Mais la Cour de justice s'est pour l'heure instituée davantage en protectrice de la compétence européenne que du principe de subsidiarité. Ce faisant, elle a commis une erreur historique qu'elle paiera un jour. M. Charles Millon - Le principe de subsidiarité dispose que tout ce qui peut être traité à un niveau donné le soit, sans recours au niveau supérieur. Cela vaut au niveau de la personne, de la commune, de la nation ... M. Arnaud de Montebourg - C'est du Gollnisch ! M. Charles Millon - Cela n'a rien à voir. Monsieur de Charette, ce ne peut être une instance supérieure qui apprécie la subsidiarité. Seule l'instance concernée peut décider si une instance supérieure peut avantageusement la supplanter. C'est pourquoi il faut un juge national à la subsidiarité. M. le Président - Le débat sur chaque amendement ne doit pas être l'occasion pour chacun de chercher à convaincre du bien-fondé de ses positions. Notre débat risque autrement de durer longtemps... L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté. M. François Guillaume - L'amendement 35 a pour objet de préciser que les même règles s'appliquent à tous les traités, qu'ils concernent des pays tiers ou qu'ils soient communautaires. Dans tous les cas, il revient au peuple par la voie du référendum -c'est la procédure normale- ou au Congrès -c'est l'exception- de se prononcer. Ne commençons pas de distinguer, comme l'a fait tout à l'heure Mme le Garde des Sceaux, selon qu'il s'agit ou non de traités européens, pour lesquels notre liberté de ratification ne serait pas aussi grande. Ce serait là une grave erreur. M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Mme la Garde des Sceaux - Les règles relatives aux traités et accords internationaux s'appliquent bien évidemment aux traités européens. Cet amendement est donc inutile. L'amendement 35, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Charles Millon - L'Europe est une noble querelle, peut être la seule qui vaille aujourd'hui. A vouloir sacrifier à l'illusion du consensus, ce débat démontre une fois de plus que la France n'a pas de vision ambitieuse et généreuse de l'Europe. Jusqu'à présent on nous a expliqué qu'il fallait être pour l'Europe parce que l'on ne pouvait être contre. Nous sommes loin de l'Europe exaltée par Julien Benda et Paul Valéry. Pourquoi ce malaise ? Tout d'abord parce que la vision d'une souveraineté nationale absolue, ébranlée par la mondialisation des échanges ne répond plus à aucune réalité. Ensuite parce que nous, Français, avons des difficultés à concevoir l'Europe autrement qu'à travers notre modèle égalitaire et centralisé. Nous avons de la peine à accepter que les libertés et les spécificités nationales auxquelles nous sommes viscéralement attachés, aient pour contrepartie des différences et donc des inégalités dans les autres pays européens. Nous avons du mal à imaginer que les lois ne soient pas les mêmes partout. Nous ne pouvons pas nous contenter d'une Europe par défaut. Nous devons dire quelle Europe nous voulons et redéfinir la souveraineté de la France. Nous avons le choix entre deux visions de l'Europe. Une Europe impériale qui centralise et uniformise et une Europe politique au service des nations qui n'interviendrait que lorsqu'elle est mieux placée que les Etats pour le faire. C'est une Europe subsidiaire que nous défendons. A ce choix deux raisons. Tout d'abord une répartition claire des compétences. C'est pourquoi je propose de reconnaître le principe de subsidiarité en l'inscrivant dans la Constitution. Je suis certain que l'on regrettera un jour de ne pas l'avoir fait. Je souhaite que l'Europe prenne en charge les seules compétences que les Etats décident de lui déléguer s'ils considèrent qu'elle est mieux à même de les assumer. L'Europe impose aujourd'hui la normalisation des bâtiments d'élevage ou contrôle la qualité de l'eau alors qu'elle est incapable d'intervenir au Kosovo, comme hier en Bosnie, ou de maîtriser les flux migratoires. Seconde raison de ce choix : le respect des diversités pour éviter que s'édifie une Europe qui normaliserait et harmoniserait sans tenir compte des spécificités locales, des singularités régionales et des identités nationales. Pour ma part, je refuse une Europe qui se construirait sur une harmonisation totale des régimes sociaux et fiscaux que prônent certains responsables français au nom d'une vision socialiste archaïque que ne partagent d'ailleurs pas nos voisins allemands et anglais. Au contraire, une émulation, sinon une concurrence, est nécessaire entre les pays pour préserver la souplesse indispensable au développement des économies. Avec l'euro, elles ne pourront plus s'ajuster par les taux de change. Si demain, nous avons les mêmes coûts, les mêmes impôts, les mêmes charges, comment se fera la différence ? La France doit privilégier souplesse et liberté à l'exemple de ses voisins anglais et néerlandais. Avec la réduction uniforme et obligatoire du temps de travail à 35 heures, nous allons exactement dans le sens inverse. Je comprends que les socialistes souhaitent les mêmes lois partout. Cela cacherait les erreurs qu'ils ont commises. M. le Président - Veuillez conclure. M. Charles Millon - Seule une Europe politique sera capable de concilier les identités nationales et l'unité européenne, de faire de l'Union européenne le garant de la diversité des peuples et des nations. Encore faut-il que le Parlement français puisse affirmer sa volonté, sans remettre en cause les pouvoirs de l'exécutif. Je proposerai donc un autre amendement tendant à permettre au Parlement de contrôler plus strictement les actes communautaires et donc de peser davantage dans la construction européenne. M. Thierry Mariani - Le traité d'Amsterdam, chacun en est conscient depuis la décision du Conseil constitutionnel du 31 décembre dernier, est contraire à la Constitution dans la mesure où il porte atteinte à l'exercice de notre souveraineté en matière d'immigration, de visas et de droit d'asile. C'est pourquoi il nous faut aujourd'hui modifier notre texte fondateur pour permettre sa ratification. Il n'est pas question aujourd'hui d'approuver ou non le traité. Quel que soit notre vote et quel que soit le résultat du vote du Congrès sur ce projet, le traité d'Amsterdam ne sera pas approuvé pour autant. Quels sont les motifs juridiques incontestables qui nous amènent à réviser notre Constitution ? Reportons-nous aux considérants de la décision du Conseil constitutionnel du 31 décembre 1997 sur la conformité du traité d'Amsterdam à notre Constitution. Le Conseil considère d'abord que le passage automatique à la règle de la majorité qualifiée et à la procédure de codécision, au terme d'une période de cinq ans, pour la détermination des procédures et conditions de délivrance des visas de courts séjours par les Etats membres (...) constitue une modalité nouvelle de transfert de compétences dans des domaines où est en cause la souveraineté nationale. Le Conseil considère d'autre part que le passage de l'unanimité à majorité qualifiée et à la procédure de codécision dans de telles matières pourrait affecter les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Pour ces raisons, il déclare contraire à la Constitution les dispositions du 2ème paragraphe de l'article 73-0. Son argumentation est la même sur l'immigration. Les motifs d'inconstitutionnalité sont donc loin d'être mineurs. Le traité d'Amsterdam touche au plus profond de ce qui constitue un Etat Nation, en ce qu'il modifie les conditions d'exercice de la souveraineté nationale. En effet, cinq ans après la ratification du traité, la France pourra se voir imposer par ses partenaires une politique de l'immigration qu'elle n'approuverait pas. Le Conseil pourrait décider, par exemple, de modifier les critères du regroupement familial dans un sens contraire à l'intérêt du pays. Une nation qui n'est plus souveraine ne peut plus être qualifiée de nation. C'est au mieux un territoire autonome, au pire une région parmi d'autres dans un ensemble fédéral. Nous devons donc, au-delà de la révision même de la Constitution, nous demander si nous sommes compétents pour modifier, sans en appeler directement au peuple, les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Sommes-nous compétents pour effectuer, par la voie parlementaire, un bouleversement aussi radical de l'équilibre des pouvoirs tels qu'il résulte des institutions de la Ve République ? Permettez-moi de ne pas le penser. Les conditions d'exercice de la souveraineté nationale sont définies par l'article 3 de notre Constitution : "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum." Il y a donc deux modes d'exercice de la souveraineté : d'une part le Parlement français, de l'autre le peuple se prononçant directement par référendum. La révision proposée, ne modifie en rien cet équilibre général. Ce n'est qu'à l'occasion de la ratification du traité que nous transférerons réellement nos compétences. Or, là, sont en cause les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, il me semble que nous devrions consulter directement nos concitoyens. Cette consultation n'est d'ailleurs pas indispensable lors de l'étape actuelle de révision de la Constitution. J'aurais certes préféré que nous appliquions la procédure de révision prévue au deuxième alinéa de l'article 89, par la voie du référendum plutôt qu'en réunissant le Congrès. Tel ne sera pas le cas et je ne peux que m'incliner devant cette décision qui d'ailleurs se justifie par certains aspects. En revanche, il est indispensable que nous inscrivions dans notre Constitution à l'occasion de la présente révision, les traités ou accords internationaux qui touchent aux conditions d'exercice de la souveraineté ne pouvant être ratifiés qu'au moyen d'une loi adoptée par référendum. C'est tout l'objet, à mon sens essentiel et acceptable par chacun de nous, de l'unique amendement que j'ai déposé avant l'article premier. Son but est de confier directement au peuple et à lui seul le soin de déléguer à une institution internationale l'exercice de sa souveraineté. Dans la mesure où les Français ont directement approuvé par référendum en 1958, les modalités d'exercice de la souveraineté nationale dont ils sont les seuls détenteurs, il me semble juridiquement indispensable et conforme à l'esprit de nos institutions, que la ratification d'un traité international opérant un transfert de compétence de nature à modifier les conditions d'exercices de la souveraineté soit effectuée par la voie du référendum. Sur des sujets de cette importance, la démocratie impose que nous consultions directement le peuple. C'est d'ailleurs ce qui fut fait lors de la ratification du traité de Maastricht. C'est de ce débat qu'aujourd'hui nous n'aurions pas dû faire l'économie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du RPR). M. François Loncle - Nous devons adopter la Constitution afin que la France puisse honorer sa signature sur l'intégralité du traité d'Amsterdam, et notamment sur la liberté de circulation des personnes -l'une des quatre libertés de circulation affirmées par l'acte unique de 1986. Cette liberté était régie par la convention de Schengen ; il s'agit d'une liberté organisée et d'une organisation plus efficace que les dispositifs nationaux de contrôle. J'y reviendrai dans un rapport sur le bilan et les perspectives de Schengen. La réalité de l'Europe aujourd'hui, c'est le marché unique, l'espace Schengen et l'union économique et monétaire. Nous devons donc envisager désormais l'Europe comme notre bien commun, héritage, mais aussi lieu d'invention de formes inédites, qui pourront devenir plus explicitement politiques. Nul ici ne songe à construire l'Europe contre les nations, puisque les acteurs de sa construction sont les nations, les citoyens, les peuples. La relation entre l'idée d'Europe et l'idée nationale n'est donc pas d'antagonisme, mais d'interaction. Sur la question trop évoquée du référendum, je me réfère souvent aux conceptions qui opposent le général de Gaulle et Michel Debré à Pierre Mendès France. Toute procédure référendaire est une forme de dessaisissement de la représentation nationale de son rôle éminent de décider au nom du peuple. Le clivage politique, et peut-être philosophique, qui nous oppose à intervalles réguliers sur l'Europe, au sein de la majorité comme de l'opposition, peut se résumer ainsi : il y a ceux pour qui les identités nationales sont exclusives de toute autre et ceux qui pensent comme nous qu'elles peuvent s'enrichir d'une idée européenne. Nous défendons cette conception de l'Europe comme bien commun, dont nous souhaitons être non les spectateurs mais les acteurs. Par conséquent nous défendons l'article unique, cette révision a minima de la Constitution qui nous permettra de ratifier le traité d'Amsterdam et de poursuivre notre chemin sans nous satisfaire de la marche des choses, sans quoi notre engagement politique n'aurait pas de sens (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). Mme Nicole Catala - La révision constitutionnelle devrait avoir au moins le mérite de combler en partie le retard du Parlement français sur ses homologues de l'Union et le déficit démocratique dont chacun se plaint. La participation de notre Parlement à l'élaboration des décisions européennes souffre d'un décalage par rapport aux principes affirmés en Allemagne, par exemple. Dans ce pays, la Cour constitutionnelle a rappelé, par une décision du 12 octobre 1993 que, tant que l'Union européenne était une union d'Etats et non un Etat européen, sa légitimité démocratique était d'abord garantie par les parlements nationaux. Chacun ici sera d'accord, je l'espère, pour reconnaître que cette affirmation correspond, peut-être pour peu de temps, mais encore aujourd'hui, à notre réalité juridique et politique. Nous devons donc faire progresser le "suivi" -terme faible et insatisfaisant- des activités normatives de l'Union par l'Assemblée et le Sénat, tout comme nous devons enfin parvenir à une vérification systématique par le Conseil constitutionnel de la conformité des textes européens à notre loi fondamentale. Ce suivi a été décrit en 1994 par M. Pandraud, alors président de la délégation, comme lacunaire et d'esprit notarial. Aujourd'hui, le Gouvernement n'est tenu de soumettre à l'Assemblée que les projets relatifs au marché unique et aux politiques communes, bref au "premier pilier". Il ne nous transmet pas les projets concernant la politique extérieure, ni les affaires intérieures et de justice. Encore ces projets ne sont-ils soumis à l'Assemblée que s'ils sont transmis au Conseil. Une lecture littérale de l'article 88-4 conduit à ne pas nous soumettre les accords conclus entre les institutions de l'Union, alors qu'il en est d'importants. Ainsi l'accord inter-institutionnel de 1993 sur la discipline budgétaire ne nous a pas été soumis. D'autre part les projets de l'Union ne sont soumis au Parlement français que s'ils comportent des dispositions de nature législative. Cela peut sembler naturel, au regard de la summa divisio de notre ordre constitutionnel entre la loi et le règlement. En réalité, à l'épreuve du droit européen, cette règle aboutit à des situations ubuesques. Ainsi avons-nous été saisis de propositions de règlements concernant les droits de douane sur les harengs ou l'orge de brasserie, mais non de l'Agenda 2000, document fondamental de la Commission qui fixe le calendrier et les modalités d'élargissement de l'Union aux pays de l'Est ! Ce projet met en cause la survie des politiques communes et l'ensemble des équilibres budgétaires et financiers des institutions de l'Union : et nous n'avons pu avoir à son sujet aucun débat en séance publique. Il faut sortir de cette situation absurde. Le Gouvernement doit soumettre au Parlement tous les projets d'actes communautaires ou de l'Union, y compris ceux qui concernent les deuxième et troisième piliers, qu'ils soient ou non transmis au Conseil, et qu'ils comportent ou non des dispositions de nature législative. Car la distinction entre la loi et le règlement a volé en éclats au contact du droit européen, et au demeurant nous n'exerçons pas, en nous penchant sur ce qui est du domaine réglementaire, notre fonction législative, mais notre fonction de contrôle (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du RPR) M. Lionnel Luca - Nous sommes réunis depuis hier pour réviser la Constitution. Les Français le savent-ils ? En janvier, le Congrès sera convoqué. Les Français le savent-ils ? Avant fin mars, le Parlement sera appelé à ratifier le traité d'Amsterdam. Les Français le savent-ils ? Ce traité comporte pourtant des stipulations de première importance, qui réduisent encore la portée de la souveraineté nationale. Selon ses partisans, il ne s'agirait que d'aménagements techniques, destinés à compléter le traité de Maastricht. Ce discours de banalisation ne rend pas service à l'Europe, car il donne au peuple l'impression que la construction européenne se fait loin de lui, et sans transparence. En vérité, la nation se trouve dépouillée de pans entiers de sa souveraineté : non seulement par le passage à la majorité qualifiée dans les domaines liés à l'entrée et au séjour sur le territoire, mais aussi par l'article 7, qui prévoit des sanctions, allant jusqu'à la suspension du droit de vote au Conseil, à l'encontre des Etats qui ne respecteraient pas certains principes vaguement définis, et par le protocole n7 sur la subsidiarité, qui fait prévaloir, à travers la jurisprudence de la Cour de justice, tout droit communautaire, même dérivé, sur tout droit national, même constitutionnel : comment croire que le principe de souveraineté nationale ait encore un sens, si un règlement pris à Bruxelles à la majorité qualifiée peut déroger à la Constitution ? A force de prévoir des dérogations "portant atteinte aux conditions essentielles de l'exercice de la souveraineté nationale", c'est l'idée même de souveraineté nationale qui perd toute sa substance. Or, il ne s'agit pas d'un principe de second rang : le préambule de la Constitution le place sur le même plan que les droits de l'homme et du citoyen ! Cette souveraineté, que d'aucuns, dans leur "novlangue" européenne, appellent "partagée", ressemble fort à la "souveraineté limitée" chère à feu Leonid Brejnev ! Sitôt le traité ratifié, un Etat européen va naître, qui battra monnaie à Francfort, fera la loi à Bruxelles et rendra la justice à Luxembourg, laissant à Paris la seule prérogative, ô combien populaire, de lever l'impôt ! Les Irlandais et les Danois se sont prononcés par référendum. Les Français y seraient-ils inaptes ? Nous sommes indignement peu nombreux pour décider en leur nom que le Parlement français va être ravalé au rang d'un simple conseil régional. A ceux qui disent que l'histoire nous départagera, je rappelle l'un de ses enseignements : c'est bien souvent la minorité qui dit non qui a raison ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du RPR) M. Jean-Claude Lefort - Si nous n'avons pas déposé d'amendements, c'est d'abord parce qu'il nous semble inopportun de vouloir changer de sujet. Il nous est proposé de modifier la Constitution en vue de la ratification d'un traité. On peut être pour ou contre ce traité, mais la question est là et nulle part ailleurs, et tous les amendements qui ont été déposés sont autant de fausses fenêtres, car les faits sont têtus : les traités ratifiés ont une force supérieure à celle des lois. En 1977, l'Assemblée nationale avait voté une résolution aux termes de laquelle toute modification du rôle du Parlement européen serait de nul effet à l'égard de la France. Plus récemment, elle a adopté une autre résolution demandant au président du directoire de la future banque centrale européenne de rendre périodiquement compte des objectifs et de l'action de cette institution aux organes compétents de la représentation nationale. Ces résolutions, comme les quinze autres que notre Assemblée a adoptées, sont restées lettre morte. Je ne dis pas qu'il soit négligeable de renforcer le rôle consultatif du Parlement français, mais être consulté n'est pas décider. Nous aurions pu déposer un amendement demandant aux ministres concernés par telle ou telle décision du Conseil européen de venir exposer à la commission compétente la ligne de conduite qu'ils entendent suivre dans la négociation, voire recevoir d'elle un mandat, souple mais clair, à cet effet. Si nous ne l'avons pas fait, c'est parce que la Constitution n'est, à nos yeux, ni un artichaut ni un patchwork. Bien d'autres questions constitutionnelles se posent : le cumul des mandats, l'égalité des sexes, le Conseil supérieur de la magistrature, le nombre des commissions permanentes, etc. (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) Il faut les traiter dans leur ensemble, et non par des cavaliers constitutionnels. Je demande donc une nouvelle fois au Gouvernement de s'y engager, ce qui serait de nature, non seulement à faire évoluer notre attitude à l'égard de l'article additionnel, mais encore à faire tomber les autres amendements déposés. M. Jacques Myard - Je suis conscient que l'amendement 23, qui tend à supprimer l'article unique, a peu de chance d'être adopté... Le 2 octobre 1997, un ministre dont le bureau n'est pas très éloigné d'ici apposait sa signature sur un traité, dont le Conseil constitutionnel devait déclarer un peu plus tard qu'il remettait en cause les conditions essentielles de l'exercice de la souveraineté nationale en matière de contrôle des flux migratoires, ce qui n'était pas pour nous surprendre. Le Gouvernement nous propose, en conséquence, de modifier la Constitution pour l'adapter au traité, mais je m'étonne qu'il n'ait pas choisi l'option inverse, qui était de renégocier le traité afin qu'il ne porte pas atteinte à la Constitution et aux droits du peuple souverain. M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement, pour les raisons que vient d'exposer, excellemment, M. Myard... (Sourires) L'amendement 23, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. François Guillaume - L'amendement 18 remplace "consentis les transferts" par "consenties les délégations". En effet, un transfert est définitif, alors qu'on peut toujours reprendre une délégation. Pourquoi, Madame la Garde des Sceaux, transférer avant cinq ans puisque le maintien de la règle de l'unanimité permet à chaque Etat de s'opposer à une décision mettant en cause sa souveraineté ? M. le Président - Vous avez ainsi défendu les amendements 18 et 32. L'amendement 18, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 32. M. François Guillaume - La commission et le Gouvernement ne sont guère prolixes dans leurs réponses ! Je propose par l'amendement 32 de supprimer "libre" avant "circulation"... M. le Président - L'amendement 32 a été voté. Nous en sommes à l'amendement 33. L'amendement 33 de M. Guillaume, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Lionnel Luca - L'amendement 9 précise "qui doivent être préalablement et précisément définies", à propos des compétences transférées. Nous allons ratifier en effet deux clauses inédites : une clause arbitrale, permettant à Bruxelles d'intervenir très largement -et clause très redoutable entre les mains des "tontons flingueurs" de Bruxelles, voyez ce qui s'est passé pour le travail de nuit des femmes ; ensuite une clause punitive permettant de mettre en tutelle les pays n'ayant pas respecté la première clause, si vaguement définie. M. le Rapporteur - Contre. Mme la Garde des Sceaux - Contre. M. François Guillaume - J'avais trois amendements, et vous m'en avez subtilisé un, Monsieur le Président... M. le Président - Je suis peut-être allé un peu vite, mais je n'ai escroqué personne ! M. François Guillaume - Vous présidez de façon anormale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) En tout cas, l'amendement 9 est indispensable pour éviter des interprétations extensives. M. Jacques Myard - Il faut bien savoir ce qui est délégué -compétence d'attribution-, et la formulation du Gouvernement est trop vague. L'amendement 9 précise bien les choses. L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté. M. René André - L'amendement 44 complète ainsi l'article : "l'engagement du Gouvernement, au terme de la période transitoire de cinq ans après l'entée en vigueur dudit traité, devant procéder de la loi". -une loi dont la nature sera précisée par l'exécutif, loi simple, loi organique, loi référendaire. Cela n'est pas une condition préalable à l'application du Traité, et ne préjuge pas non plus le choix des Etats européens -le passage à la majorité qualifiée n'étant qu'une faculté. Nous avons entendu beaucoup d'arguments étonnants au cours de ce débat, dont le moindre n'était pas celui du tac-O-tac de M. de Charette, qui déclarait hier : "Le dispositif que certains proposent reviendrait à une ratification en deux temps. C'est en quelque sorte, la double chance pour les adversaires de la ratification, comme au tac-O-tac : une chance au tirage, et dans cinq ans, une nouvelle chance au grattage !". Et vous avez conclu que ratifier aujourd'hui, c'était accepter par avance de passer, dans cinq ans, à la majorité qualifiée. Non ! Ce n'est qu'une possibilité. Et nous souhaitons que le Parlement ne laisse pas, dans cinq ans, le Gouvernement décider seul. Le Traité permet à chaque pays de se décider selon ses propres formes, et ce n'est pas une affaire de droit international. On ne saurait donc parler de ratification à double détente ou de nouvelle condition pour la ratification du Traité. Il n'y a là, Madame la garde des Sceaux, que l'application stricte de l'article 54 de la Constitution. Vouloir se contenter d'un résolution du Parlement pour une affaire aussi importante que le passage à la majorité qualifiée, c'est réduire le Parlement à un rôle par trop mineur. L'amendement doit marquer l'importance de ce changement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) M. le Rapporteur - La commission des lois a repoussé l'amendement pour quatre raisons. D'abord, il est contradictoire avec la décision du Conseil constitutionnel qui a estimé qu'il convenait de réviser la Constitution parce que, éventuellement, dans cinq ans, la modification du système de décision serait arrêtée selon les règles du droit dérivé et non par traité et loi de ratification. (M. Lellouche s'exclame). En second lieu, cette proposition porterait gravement atteinte à un élément fondamental de nos institutions, qui veut qu'une décision internationale relève d'abord de l'exécutif, sans mandat de l'Assemblée. (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) En troisième lieu, que vous le vouliez ou non, adopter cette disposition reviendrait à organiser la ratification du traité en deux étapes. (Mêmes mouvements) M. Alain Barrau - C'est l'évidence ! M. le Rapporteur - Enfin, si la motivation des auteurs de l'amendement est de permettre un débat politique public avant que le Gouvernement prenne sa décision conformément à la Constitution, rien ne s'y oppose. Comme pour l'euro, le Parlement peut examiner et voter une résolution. Que ferait un gouvernement si l'Assemblée émettait un vote lui interdisant de passant à la majorité qualifiée ? Si votre motivation est bien celle-là, la Constitution vous donne satisfaction et votre amendement n'ajoutera rien, sinon de la défiance, à vouloir mettre une nouvelle condition à la ratification. Mme la Garde des Sceaux - Je vois que je n'ai pas convaincu M. André. Bien que M. Nallet ait expliqué brillamment, après M. de Charette tout aussi brillamment hier, pourquoi l'amendement n'était pas acceptable, je vous redis nos raisons. Il est exact que si nous subordonnions aujourd'hui l'action du Gouvernement dans cinq ans au vote d'une loi, nous rendrions inutile la révision constitutionnelle dont nous débattons. Cette conclusion résulte du considérant 24 de la décision du Conseil constitutionnel : "Un tel passage ne nécessitera le moment venu aucun acte de ratification ou d'approbation national, et ne pourra ainsi pas faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou de l'article 61-2 de la Constitution" (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). M. Jacques Myard - Cela n'a rien à voir ! Mme la Garde des Sceaux - C'est pourquoi il n'y a pas lieu de procéder à la ratification en deux étapes. Dans cinq ans, le Parlement pourra toujours se prononcer. La décision du passage à la majorité se prendra à l'unanimité des Etats membres. Si le gouvernement français, dans cinq ans, décide de bloquer cette décision, il le pourra. Si le Parlement le lui demande par un vote, comment pourrait-il agir autrement ? M. Jacques Myard - C'est ce que nous voulons inscrire dans la Constitution ! M. Pierre Lequiller - Il est normal que le Parlement soit associé à la décision de passer à la majorité qualifiée. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que dans cinq ans le Gouvernement ne pourra pas souscrire à ce passage sans l'aval de l'Assemblée, de même que nous avons voté une résolution sur le passage à l'euro. On n'imagine pas un gouvernement passer outre le vote du Parlement. C'est à la demande du Président de la République et du Premier ministre que ce délai de cinq ans figure dans le traité. Ils ont voulu ainsi qu'au terme de cinq ans la France puisse faire le point. Il est normal que le Parlement soit alors consulté, comme le sera aussi le Bundestag. Sur l'euro, les parlementaires allemands ont été consultés pendant quatre mois, après quoi le Gouvernement a fait une déclaration, le Bundestag a débattu, le texte a été renvoyé en commission et un vote a eu lieu auquel j'ai assisté. Je voterai l'amendement 44... M. Jacques Myard - Très bien ! M. Pierre Lequiller - ...mais pas pour les mêmes raisons que M. Myard. Je crois que l'Europe a tout à gagner à des décisions prises démocratiquement. Je souhaite le succès du traité d'Amsterdam et j'espère que dans cinq ans l'Europe passera à la majorité qualifiée, conformément au traité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). M. Pierre Lellouche - Deux attitudes sont en présence. La première, partagée par Mme Guigou, M. de Charette et aussi M. de Villiers et le groupe communiste, consiste à considérer que la révision constitutionnelle et la ratification valent par avance approbation par la République française d'un éventuel transfert vers la communautarisation après l'accord du seul exécutif dans cinq ans. Autrement dit, tout se joue aujourd'hui. Les uns en tirent argument pour demander un référendum tout de suite parce que l'affaire est trop grave, les autres expliquent qu'il ne faut pas toucher à l'équilibre de la Constitution et du traité sous peine d'en venir à une double ratification. Cette interprétation me paraît infondée. En effet le traité d'Amsterdam n'est pas le traité de Maastricht. Ce dernier était conçu pour mener inmanquablement à la monnaie unique. Le traité d'Amsterdam est à double détente : ouvrir d'abord l'éventualité de passer ensuite, sur la base d'un vote à l'unanimité des Etats membres, à la communautarisation. Il existe bien deux phases distinctes, quoiqu'en dise le Conseil constitutionnel qui, je le rappelle, ne fait pas la loi, mais l'interprète. En quoi en effet l'article 67 du traité d'Amsterdam interdit-il à la représentation nationale ou au peuple d'être consulté au moment où les exécutifs auront à se décider ? Madame la ministre, vous nous demandez d'interpréter la Constitution comme donnant à l'exécutif, dans 5 ans, 6 ans, 8 ans, une sorte de chèque en blanc, de délégation de compétences dans des matières qui relèvent de la loi, pour une durée sans précédent, puisque l'article 38 de la Constitution dispose que l'autorisation donnée par le Parlement au Gouvernement de légiférer par ordonnances ne vaut que pour un délai limité. Vous nous demandez de transférer la compétence souveraine de faire la loi dans le domaine de l'immigration, de l'entrée et du séjour des étrangers, voire du code de la nationalité, sans délai, et au profit d'une Union dont nous ignorons quelle sera dans l'avenir la composition (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). M. de Charette, du haut de sa science, nous a dit hier que c'était le grattage et le tirage. Moi, je dis qu'une délégation de souveraineté aussi importante est un véritable loto ! Si vous n'acceptez pas cet amendement, je vous propose une autre solution : écrivez dans la Constitution que tout gouvernement, dans cinq, six ou sept ans, engagera sa responsabilité devant l'Assemblée. Supposez en effet que l'exécutif soit d'accord avec ses partenaires pour passer au vote à la majorité qualifiée et que, le lendemain, le gouvernement soit renversé ; la décision du Conseil s'imposerait à la France, mais nous n'aurions plus de gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe DL)... M. le Président - Je ne souhaite pas empêcher le débat mais je rappelle que ces explications ont déjà été données dans le cadre de la discussion générale. M. Hervé de Charette - Je voudrais m'adresser au groupe RPR, en regrettant que M. Lellouche mette tant de passion dans son propos. Nous devons être capables de nous exprimer avec calme, même si c'est pour constater nos divergences (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Nous n'avons pas intérêt à laisser croire dans l'opinion publique qu'il y a un doute sur ce que nous voulons faire. En ratifiant le traité d'Amsterdam, nous décidons d'agir en commun en matière d'immigration, de libre circulation, de visas et d'asile, afin d'être plus efficaces. M. Philippe de Villiers - C'est de la folie ! M. Hervé de Charette - Par mesure de précaution, nous prenons un temps probatoire, qui ne remet pas en cause l'objectif final : nous disons ce qui se passera dans cinq ans, sauf si l'on s'aperçoit que des Etats membres ne jouent pas le jeu. Nous devons, en effet, être clairs vis-à-vis de nos concitoyens : telle est, au-delà des arguments de droit, la raison politique de la position du groupe UDF. M. Jacques Myard - C'est faible ! M. Jean-Claude Lefort - Pour ma part, je comprends la passion de notre collègue Lellouche. Il est bien normal qu'il soit très en colère, ce traité ayant été négocié par le Président de la République et l'ancien gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). M. Pierre Lellouche - Parlez du fond ! M. Jean-Claude Lefort - Le problème, Monsieur Lellouche, c'est que vous vous placez dans une nasse en faisant dépendre votre vote sur le traité d'Amsterdam du sort de cet amendement : il va vous falloir, alors, voter contre Amsterdam ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) M. Henri Cuq - Vous êtes mal placé pour donner des leçons ! M. Gérard Gouzes - Monsieur André, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué... Le Conseil constitutionnel dit clairement que la potentialité d'inconstitutionnalité ne viendra que lorsque le Conseil, à l'unanimité, aura décidé de passer à la majorité qualifiée. Vous posez donc un problème qui n'existe pas. (M. Myard s'exclame) Si vous le faites, c'est parce qu'au RPR certains sont convaincus que l'Europe n'est pas une bonne chose. M. Jean-Louis Debré - Demandez l'avis de M. Chevènement ! M. Gérard Gouzes - Il est difficile au RPR de ne pas apparaître divisé ; je ne lui ferai pas le reproche d'essayer de conserver son unité. M. Jean-Louis Debré - Occupez-vous de l'unité du parti socialiste ! M. Gérard Gouzes - Mais vous êtes, chers collègues, obligés de faire le grand écart. Pour cela, vous faites de la manipulation constitutionnelle. Ecoutez ce que disait l'un des vôtres. "La révision, la ratification, c'est à prendre ou à laisser. Nous ne pouvons pas nous prononcer sur la réforme constitutionnelle sans mesurer à quoi nous engage ce traité. Maastricht n'est pas négociable, on ne changera pas le traité par le biais d'une manipulation constitutionnelle". C'était Philippe Séguin... A l'époque, il avait des convictions. Je crains qu'aujourd'hui, à vouloir les avoir toutes, vous n'avez ayez plus aucune ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR) M. Robert Pandraud - Madame le Garde des Sceaux, je n'arrive pas à comprendre votre respect du Conseil constitutionnel. Nous sommes ici en tant que constituants ; nos décisions s'imposent donc au Conseil constitutionnel. J'ai regretté, en son temps, l'élargissement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; si celui-ci avait exercé le même contrôle sous la IIIème République, le droit syndical n'aurait peut-être pas été autorisé... En ce qui concerne le vote de résolutions, nous y avions cru, notamment au sujet de l'euro, mais on en voit les effets... Enfin, nous prenons un pari : nous ne savons pas si la communautarisation permettra ou non des progrès en matière de contrôle aux frontières. Il serait donc souhaitable que dans cinq ans, la majorité parlementaire prenne position par le vote d'une loi. Quand on aborde l'inconnu, mieux vaut avoir quelques repères... L'amendement 44, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Lionnel Luca - Mon amendement 7 tend à compléter le dernier alinéa du II par la phrase suivante : "L'atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale est définie indépendamment du caractère régalien ou autre, des domaines concernés par le transfert des compétences consenties". Le 30 décembre 1997, le Conseil constitutionnel a considéré que la souveraineté nationale s'exerçait dans certains domaines. En réalité, le Conseil constitutionnel a joué sur le mot "essentielles". Si ne sont pas touchées les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, le transfert de compétences peut n'être pas contraire à la Constitution, selon cette jurisprudence. Ce nouvel assouplissement, après les décisions du 22 mai 1985 et du 30 décembre 1996, pose problème. Notre amendement propose de remédier à cette difficulté. L'amendement 7, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Lionnel Luca - L'amendement 8 tend à compléter le dernier alinéa du II de l'article par la phrase suivante : "L'atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ne s'apprécie pas plus libéralement lorsqu'il s'agit de contrôler la conformité de la Constitution à un engagement communautaire et de contrôler cette même conformité à un engagement international autre que communautaire". L'amendement 8, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Nicole Catala - M. Deniau souffrant m'a demandé de défendre son amendement. Lors de l'audition de M. Moscovici par la commission des affaires étrangères le 27 mai dernier, il avait fait part de sa préoccupation sur l'imprécision du concept de subsidiarité comme sur le fait que la Cour de justice avait tendance à placer les instruments juridiques de la construction européenne au-dessus de notre Constitution. On lui avait alors répondu que le protocole sur la subsidiarité n'affectait en rien les compétences du Conseil constitutionnel mais qu'un conflit n'était pas exclu entre ce dernier et la Cour de justice. M. Deniau a donc souhaité que soit réaffirmée la prééminence du Conseil constitutionnel sur toute autre juridiction, et celle de notre norme suprême sur les textes européens. C'est l'objet de son amendement 50. M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. J'imagine qu'elle l'aurait repoussé. Mme la Garde des Sceaux - Le Conseil constitutionnel n'est bien sûr pas subordonné à la Cour de justice. Cet amendement est donc une simple pétition de principe. Le Conseil exerce son pouvoir en tant que juridiction souveraine de la République et c'est à la suite de l'une de ses décisions souveraines que la Constitution est révisée. L'amendement 50, mis aux voix, n'est pas adopté. L'article unique, mis aux voix, est adopté. M. le Président - Sept amendements peuvent être soumis à discussion commune. M. René André - Dans la discussion générale, j'ai insisté sur le souhait du groupe du RPR de renforcer le contrôle du Parlement sur les actes européens et de combler le déficit démocratique ressenti par nos concitoyens dans la construction européenne. C'est pourquoi nous proposons une refonte totale de l'article 88-4 de la Constitution. C'est l'objet de l'amendement 42. Il vise à étendre le dispositif de cet article à tous les projets ou propositions d'actes des communautés ou de l'Union européenne, ainsi qu'à tous documents émanant d'une institution européenne. Ainsi le Parlement serait-il placé au coeur du dispositif. Ce n'est plus le Gouvernement qui déciderait des documents qui seront soumis ou non à la Délégation. Le droit communautaire ignore la distinction entre ce qui relève du domaine législatif et ce qui relève du domaine réglementaire. En outre, il n'existe pas à proprement parler d'exécutif européen et force est de constater que le Parlement européen, en devenir, n'exerce pas encore de véritable fonction législative. La distinction opérée par les articles 34 et 37 de notre Constitution, sur laquelle vous vous fondez, Madame le ministre, pour vous opposer à nos amendements, ne tient donc pas en droit communautaire. Notre amendement propose également que le Parlement puisse adopter une résolution sur tous les documents de l'Union européenne. Il adresserait ainsi au Gouvernement un message clair et fort, qui aurait d'autant plus de poids qu'il aurait été adopté en des termes identiques par les deux assemblées. Enfin, notre amendement propose d'inscrire dans la Constitution "la réserve d'examen parlementaire" prévue seulement par une circulaire de M. Balladur en date de 1994, et d'en allonger le délai à six semaines, afin de permettre au Parlement de travailler dans de bonnes conditions. En permettant d'améliorer le contrôle parlementaire sur les textes européens, notre amendement vise à rapprocher l'Europe des citoyens. Mme Nicole Catala - L'amendement 15 corrigé est très proche de celui que vient de défendre M. André. Agenda 2000 n'est pas le seul texte important que le Gouvernement n'a pas transmis à l'Assemblée au sens de l'article 88-4. Bien d'autres ne le sont pas non plus, soit qu'ils n'aient pas été transmis par la Commission au Conseil, condition expresse posée par l'article 88-4, soit qu'ils n'ont pas le caractère d'acte communautaire et ne comportent pas de dispositions de nature législative stricto sensu. Deux exemples récents peuvent être versés à ce dossier. Ils convaincront, je l'espère, la gauche de cet hémicycle que la situation actuelle ne peut durer. Ainsi n'avons-nous pas été saisis du projet de décision du Conseil sur le représentation internationale de l'Union dans le domaine économique et monétaire au motif qu'il n'a pas été transmis par la Commission et qu'en outre, il ne relèverait de toute façon pas du domaine de la loi. Il est pourtant essentiel de savoir qui s'exprimera demain dans les instances européennes au nom des pays ayant adopté la monnaie unique. De même, n'avons-nous pas été saisis du projet de décision de la Commission modifiant une de ses décisions antérieures relatives à l'encéphalopathie spongiforme bovine. Nous n'aurons donc pas à connaître de la levée de l'embargo sur la viande bovine britannique au motif toujours qu'il n'a peut être pas été transmis au Conseil et que certains articles du code de la consommation et du code rural prévoient de toute façon en ce domaine une large délégation au pouvoir réglementaire. Situation absurde à laquelle il faut mettre un terme en soumettant au Parlement tous les projets communautaires sauf ceux ne comportant que des mesures d'exécution. M. Michel Bouvard - A travers les amendements 42 et 15 comme à travers le 55 de M. Baumel que je défends, nous pourrons vérifier si le Gouvernement entend répondre à deux préoccupations largement partagées sur ces bancs : voulons-nous, oui ou non, revaloriser le rôle du Parlement ? Voulons-nous, oui ou non, faire que la subsidiarité s'applique effectivement et que le Parlement puisse contrôler toutes les dispositions de subsidiarité ? C'est là le coeur du débat. Ces amendements permettront au Gouvernement de montrer s'il est prêt à aller jusqu'au bout de ses propres déclarations, ou si celles-ci ne sont que des mots, et si le Parlement restera hors d'état d'intervenir vraiment dans le contrôle de la subsidiarité. Mme Nicole Ameline - Mon amendement 46 va dans le même sens que les précédents, peut-être pas avec les mêmes motivations, car je demande cette prise en compte du pouvoir du Parlement afin que celui-ci s'engage résolument sur la voie européenne. Je n'ajouterai guère aux arguments déjà avancés, que je partage en grande partie. Sans prendre modèle sur les parlements voisins, il est intéressant de s'inspirer de ce qui a fait ses preuves. Il faut aujourd'hui donner toute sa place au Parlement, dans ce qui reste un rôle consultatif -nul n'a remis en cause la compétence de l'exécutif en ces matières ; nous aurions pu être plus audacieux- mais un rôle consultatif élargi : c'est le sens de la modernité, le sens de l'histoire. Si nous ne construisons pas un dialogue adulte entre l'exécutif et le législatif sur les questions européennes, ce sont les parlementaires qui subiront les premiers les effets du déficit démocratique. Notre légitimité est en jeu. Eu égard à l'importance croissante des questions européennes pour la vie de nos concitoyens, et du fait que l'article 34 n'est pas adapté au droit communautaire, le groupe Démocratie libérale juge qu'il faut profiter de cette révision pour revaloriser le rôle du Parlement par une extension de sa saisine à tous les actes communautaires (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). M. Maurice Ligot - Mon amendement 53 va dans le même sens. Cette révision constitutionnelle offre l'opportunité de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement français sur les affaires européennes en général. Nous avons depuis 1992 un droit de contrôle sur les textes à caractère législatif, mais l'expérience montre que c'est tout à fait insuffisant pour nous donner une vision complète des questions européennes. On a cité le cas de l'Agenda 2000. Il faut intégrer mieux la préoccupation européenne dans le débat politique national. L'invocation d'un risque pour notre équilibre institutionnel est largement injustifiée, puisqu'en toute hypothèse le Parlement resterait limité à un rôle consultatif. Quant à l'amendement de la commission, il est beaucoup trop timoré, car il accorde un pouvoir complémentaire au Parlement, mais seulement sur proposition du Gouvernement. C'est tout à fait insuffisant. Le Parlement doit avoir une prise directe sur les propositions de toute nature de la Commission. Je souhaite donc que mon amendement 53 soit préféré à celui de la commission des lois. M. François Guillaume - Sur tous les bancs, on a le sentiment que les parlements nationaux risquent de souffrir du fameux déficit démocratique et de nombreux amendements visent donc à renforcer leur pouvoir, émanant même de ceux qui s'apprêtent à approuver sans réticence le traité d'Amsterdam. Mon amendement 34, conformément au protocole no 13 annexé au traité, tend comme les précédents à renforcer le pouvoir des parlements nationaux. Son originalité est de prévoir en outre que le président de l'Assemblée et celui du Sénat aient le droit de demander au Gouvernement la transmission de tout document émanant d'une institution de l'Union. M. Hervé de Charette - Le groupe UDF a présenté un sous-amendement 49 à l'amendement 42 du groupe RPR. Chacun ici semble d'accord pour étendre le champ du contrôle parlementaire des actes communautaires. Une première question est à peu près réglée : c'est son extension aux actes législatifs relevant des deuxième et troisième piliers. Une autre reste posée : faut-il s'en tenir strictement aux actes de nature législative ou retenir une formule plus large comme le propose le groupe RPR ? De prime abord, la distinction entre la loi et le règlement paraît bien fondée. Mais le Parlement ne rend de toute façon qu'un avis : rien ne s'oppose donc de façon dirimante à ce que lui soient soumis tous les actes communautaires. L'UDF soutiendra donc l'amendement 49. Mais l'opposition souhaite également permettre que les deux assemblées puissent débattre et voter sur une même résolution, préalablement élaborée par un organisme paritaire. Cela donnerait à une telle résolution une autorité accrue. Notre sous-amendement 42 fait référence à la procédure des commissions mixtes paritaires. M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. Quant aux amendements qui viennent d'être défendus, elle les a repoussés au bénéfice de son amendement 19. Voici pourquoi. Notre débat est très intéressant, et consensuel sur nombre de points. Nous sommes d'accord pour accroître le contrôle du Parlement sur les actes communautaires. Nous sommes d'accord pour rester dans le système actuel de résolutions, et ne pas instituer d'injonctions au Gouvernement. Où nous divergeons, c'est sur l'étendue de ce contrôle. M. André propose qu'il s'étende à tous les actes communautaires, et que sur tous nous puissions prendre une résolution. Il y a là une première difficulté. Ayant la double casquette de rapporteur de la commission des lois et de président de la Délégation, je voudrais vous décrire le système actuel. Tous les actes communautaires de toute nature sont aujourd'hui à la disposition de votre Délégation, et nous pouvons nous saisir de tous. Il est vrai que nous ne pouvons prendre de résolutions que sur les actes du premier pilier ayant des conséquences législatives. Là est la difficulté. Faut-il élargir à tous les actes la possibilité de prendre des résolutions ? Je demande alors comment notre Parlement va pouvoir faire le tri, sur plus de cinq mille actes communautaires par an. Il faudrait décider nous-mêmes de ce qui relève d'une résolution, ou créer un système de filtre automatique, ou encore nous en remettre comme aujourd'hui à la science du Conseil d'Etat, mais sur quels critères ? Une proposition que je comprends, et qui part d'un bon sentiment, poserait ainsi des problèmes très concrets pour le fonctionnement du Parlement. L'amendement 19 de la commission est donc peut-être plus sage. Il s'agit de soumettre au Parlement tous les actes des trois piliers ayant des conséquences législatives. C'est l'essentiel : ce sont les propositions de directives et de règlements. Bien sûr il y a quelques déchets, Madame Catala, mais nous avons l'habitude de les examiner rapidement, et ils n'encombrent pas l'ordre du jour de la Délégation. Et quand il y a un document important, ayant des conséquences politiques, nous nous en saisissons, et nous essayons de convaincre la commission compétente au fond de le reprendre à son tour. C'est ce que nous avons fait, sans que personne ne nous le demande, sur Agenda 2000. La solution proposée par la commission est plus prudente, me semble-t-il, qu'un système dans lequel nous nous saisirions de tout sans pouvoir faire le tri (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR), et si certains souhaitent que nous contrôlions systématiquement tous les actes, je les invite à participer davantage aux travaux de la Délégation, où nous ne sommes souvent guère plus de quatre ou cinq, et à se charger d'au moins quelques-uns des rapports que nous avons en stock et qui n'ont pas trouvé preneur ! Puissions-nous avoir déjà les moyens de faire tout ce que le texte actuel nous demande de faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. le Ministre délégué - Le Gouvernement comprend et partage le souci d'associer davantage le Parlement au processus d'élaboration des textes communautaires, et apporte donc son soutien à l'amendement de la commission des lois. Il ne souhaite pas, en revanche, supprimer le critère législatif, car cela remettrait subrepticement en cause la distinction fondamentale entre le champ de l'article 34 et celui de l'article 37 (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Je sais que cette distinction n'existe pas en droit communautaire, mais il s'agit d'un principe constitutionnel. En outre, le Conseil d'Etat joue avec efficacité son rôle de tri dans les textes du domaine réglementaire. J'ajoute, comme l'a fait M. Nallet, que l'examen approfondi de plusieurs milliers de textes par la Délégation paralyserait son fonctionnement. M. René André - Ce n'est pas à vous de le dire ! M. le Ministre délégué - Les Etats qui ne distinguent pas entre domaine législatif et domaine réglementaire s'exposent à de graves dysfonctionnements du processus législatif, telle l'Italie, qui doit recourir à des décrets-lois reconductibles tous les six mois. Notre pays a assez souffert des excès du régime parlementaire pour continuer à le rationaliser, conformément à l'esprit de la Constitution de 1958 (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). M. Jean-Luc Warsmann - Que vous n'avez pas votée ! M. le Ministre délégué - Quant à prévoir que les résolutions devront être adoptées en termes identiques par les deux Assemblées, ce serait prendre le risque d'allonger excessivement les délais, et conférer à ces résolutions, qui plus est, un caractère quasi législatif. De même, il serait inopportun d'imposer un délai à l'examen des projets d'actes, car ce serait se priver d'une souplesse utile : je demande assez souvent à la délégation, dans un cas sur dix environ, de se prononcer en urgence. M. Pierre Lellouche - Notre amendement maintient cette possibilité ! M. le Ministre délégué - A fortiori, il n'est pas souhaitable que les résolutions revêtent un caractère contraignant, car cela porterait atteinte à la capacité d'action internationale de l'exécutif, c'est-à-dire du président de la République et du Gouvernement. Mme Nicole Catala - Quelle mauvaise foi ! MM. Michel Hunault et Jean-Luc Warsmann - Personne n'a applaudi ! M. Pierre Lellouche - Je suis franchement étonné par l'argumentation du Gouvernement. Notre souci est de parer au risque qu'un fossé se creuse entre la construction européenne et le peuple, et de profiter, partant, de la présente révision de la Constitution pour accroître, non pas le pouvoir législatif de l'Assemblée et du Sénat, mais leur pouvoir de contrôle sur la fabrication de la législation par les organes auxquels nous transférons des compétences, à savoir le Conseil, le Parlement européen et la Commission. On nous met en garde contre un possible retour à la IVe République ; cela ne manque pas de sel, venant d'un parti qui criait au coup d'Etat permanent à l'époque du général de Gaulle ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) M. Gérard Gouzes - Vous n'étiez même pas né ! M. Pierre Lellouche - Il est encore plus extravagant de tirer argument du trop grand nombre de textes à contrôler pour nous inviter à en contrôler le moins possible. Je suis rejoins M. Nallet pour déplorer l'insuffisance des moyens de la Délégation, mais cela devrait le conduire à demander plutôt qu'on les renforce ! M. Pierre Carassus - Il fallait voter notre amendement ! Mme Nicole Catala - Le président de la Délégation ne m'a pas convaincue. La Délégation reçoit bien, il l'a lui-même reconnu, tous les textes, et ceux-ci sont donc examinés par les services. Comment aurait-il détecté, sinon, la communication de la Commission sur Agenda 2000 ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) M. le Rapporteur - Point n'était besoin d'être grand clerc ! Mme Nicole Catala - Ensuite, vous avez dit que nous n'étions saisis que de "déchets". Mais la question de la représentation extérieure de l'euro, ce n'est pas un déchet ! C'est au contraire un enjeu majeur sur lequel nous ne pourrons voter de résolution. M. Jacques Myard - C'est l'euro qui est un déchet ! Mme Nicole Catala - Enfin, les autres parlements européens reçoivent toutes les propositions d'actes communautaires, et ils se saisissent des textes qui les intéressent : nous demandons à être placés à leur niveau, ni plus ni moins, il n'est pas question ici de mandat impératif. Le sous-amendement 49 mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 42. Les amendements 15 et 55 sont retirés. L'amendement 46, mis aux voix, n'est pas adopté. L'amendement 53, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 34. L'amendement 19, mis aux voix, est adopté. M. Jacques Myard - Il fait froid pour les SDF de notre pays, mais je crains que les députés de soient devenus des SDF "sans pouvoir législatif". Nous allons présenter des résolutions, dont le Gouvernement prendra connaissance : cela n'est pas très sérieux. Je crois qu'on pourra bientôt affecter le Palais Bourbon au ministère de la Culture comme musée national. Nous avions le pouvoir législatif, aujourd'hui, on nous "octroie", comme dans la Charte de Louis XVIII, le droit de prendre quelques résolutions. Je propose par l'amendement 17 que le Gouvernement soit au moins tenu de respecter à Bruxelles les résolutions communes des deux assemblées. L'amendement 17, repoussé par la commission et le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté. M. Charles Millon - Chacun se souvient que le traité de l'Elysée de 1963 avait donné lieu au Bundestag à une déclaration préalable interprétative. Aujourd'hui, beaucoup de parlementaires souhaiteraient de même rappeler qu'avant tout nouvel élargissement de l'UE, il faudra réformer les institutions. Cela serait un signal fort. Malheureusement, il est interdit au Parlement de présenter des résolutions à propos des lois de ratification, l'article 88-4 ne concernant que les actes communautaires. Je propose par l'amendement 5 de compléter ainsi cet article : "Des résolutions peuvent être votée par l'Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre de l'examen de tout projet de loi autorisant la ratification d'un texte modifiant les traités visés à l'article 88-1, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée". Ce faisant, nous n'agirions pas autrement que les autres Parlements européens. Certes, le Gouvernement entend ajouter un article 2 allant dans ce sens au projet de loi de ratification du traité d'Amsterdam que nous verrons en février. Mais cela n'aura pas de valeur juridique, et une résolution aurait beaucoup plus de poids. L'amendement 5, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. François Guillaume - On a fréquemment observé, dans la période récente, un usage abusif de l'article 235 -308 nouveau- du traité européen, qui permet au Conseil, à l'unanimité, d'accorder à la Communauté des "pouvoirs d'action" non prévus par les textes, dès lors qu'ils paraissent conformes aux objectifs généraux des traités. Afin de freiner cette pratique regrettable, qui conduit souvent à des extensions déguisées des traités, je propose, par l'amendement 38, de soumettre de telles propositions à une approbation obligatoire et explicite de la part des assemblées. Ainsi, pour changer le nom de la monnaie unique d'écu en euro, le Conseil s'est référé en 1997 à cet article 235. Au reste, la Cour de justice s'était émue de cette pratique en mars 1996. L'amendement 38, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Georges Sarre - L'amendement 3 est inspiré par deux considérations. L'une est politique : le Parlement est souverain, et aucun engagement international n'est irréversible. Or la révision constitutionnelle vise à autoriser les transferts de souveraineté, mais au profit de quel organe ? D'un ensemble hétéroclite... M. Jacques Myard - D'un machin. M. Georges Sarre - ...qui ne peut être tenu pour un organe souverain, puisque tout processus fédéral a été récusé. Il n'est donc pas question de transferts irréversibles, et il faut organiser la réversibilité des transferts. On nous demande ensuite pourquoi infléchir l'équilibre des institutions, qui laisse au seul exécutif la conduite des négociations internationales. Cette objection ne tient pas, car la négociation reste du ressort du seul exécutif : mais le Parlement aurait un moyen supplémentaire de participer à l'élaboration de nos engagements internationaux. Par la force des choses, le Gouvernement informerait le Parlement en temps réel de l'état de la négociation et celui-ci pourrait donner son avis en amont, obtenant ainsi une prérogative que d'autres Parlements européens exercent -sans aller aussi loin que celui du Danemark qui donne à son gouvernement des mandats de négociation : notre amendement est beaucoup plus modeste ! M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement. Je suis un peu perplexe, à vrai dire. S'il s'agit de garantir la prééminence du Parlement, vous êtes satisfait, puisque la loi de ratification lui sera soumise. S'il s'agit de mandats de négociation, on risque de bouleverser l'équilibre de nos institutions... M. Jacques Myard - Mais non ! M. le Rapporteur - Le Danemark n'est pas un bon exemple en matière européenne... Mme Nicole Catala - Les Danois sont pourtant très efficaces. M. le Rapporteur - Mais les mandats du Folketing empêchent leur Gouvernement de négocier, car il est rivé à ces mandats. La communauté européenne, tous ceux qui en ont l'expérience le savent, c'est d'abord un exercice de négociation. Chercher à imposer son point de vue conduit à coup sûr à l'échec. M. le Ministre délégué - Même avis que la commission. L'amendement est en contradiction totale avec l'esprit de la Constitution et avec la logique de la construction européenne. En application de l'article 52 le Président de la République négocie et ratifie les traités et en application de l'article 53 certains traités ne peuvent être ratifiés que par une loi. Permettre au Parlement d'enjoindre à l'exécutif de renégocier les traités conduirait à un bouleversement complet de ces équilibres, et à un désordre total dans l'Union. C'est peut-être l'objectif de cet amendement. M. Pierre Carassus - Ce n'est pas acceptable ! M. Jacques Myard - Cet amendement est parfait. Nous n'avons pas affaire à des traités internationaux classiques, mais à une construction de délégation de souveraineté à un organisme supra-national. Si la souveraineté a un sens, mais pour certains ici elle semble n'en plus avoir, il est logique d'inscrire dans la Constitution que tout ce qui est délégué peut revenir et que les traités peuvent être renégociés. A la majorité de 71 voix contre 15 sur 86 votants et 86 suffrages exprimés, l'amendement 3 n'est pas adopté. Mme Nicole Ameline - Je connais le sort qui sera réservé à mon amendement 47. Il me donne l'occasion de déplorer que la proposition de M. Nallet nous ait conduits dans un système où le Parlement n'est plus qu'un incapable au sens juridique. Transformer la Délégation en commission permanente, comme je le demande, était une façon de lui donner davantage de moyens et de lui accorder une place plus importante dans nos institutions. L'amendement 47, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. François Guillaume - Mon amendement 36 tend à instaurer un contrôle de constitutionnalité du droit dérivé, pour éviter toute contradiction entre les actes communautaires de droit dérivé et notre Constitution. Dès 1996, M. Mazeaud, dans son rapport "Droit communautaire et constitution nationale" proposait de mettre un terme à l'immunité constitutionnelle du droit dérivé. Pour éviter d'exposer notre pays à une action en manquement, ce contrôle doit être exercé en amont, le Conseil constitutionnel devant se prononcer dans le délai d'un mois sur le projet d'acte communautaire qui lui est soumis. M. Michel Bouvard - L'amendement 56 est défendu. M. Jacques Myard - L'amendement 13, identique, est également défendu... Il s'agit d'une garantie contre le dérapage continu. M. René André - Actuellement, le droit communautaire dérivé échappe à tout contrôle de constitutionnalité. Notre amendement 43 tend à mettre un terme à cette immunité constitutionnelle. Il n'est pas dans la mission des juges européens de Luxembourg, Madame le ministre, de contrôler la conformité des actes communautaires de droit dérivé avec notre Constitution, encore moins les projets d'actes. Le contrôle que nous proposons est a priori, ce qui n'entraînerait aucun déséquilibre institutionnel, ni aucun désordre dans le fonctionnement de l'Union européenne. En ne conduisant pas la France à s'opposer unilatéralement à l'application d'un acte définitivement adopté, il n'expose pas notre pays à des condamnations pour des actions en manquement. Enfin, nous proposons que la saisine du Conseil constitutionnel soit confiée uniquement au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents des deux assemblées. Mme Nicole Catala - Je n'ai pas défendu mon amendement ! M. le Président - M. Myard, qui en est cosignataire, m'a dit que l'amendement 13 était défendu. M. le Rapporteur - Avis défavorable à ces quatre amendements. Je suis malheureux que nos explications n'aient pas été entendues. Si le système qui nous est proposé était accepté et généralisé, le mécanisme de décision communautaire serait totalement paralysé. Si c'est ce que l'on veut, qu'on le dise. Je suis surpris que des parlementaires qui ont exercé des responsabilités à l'intérieur de la Communauté puissent, sans nous dire ce qu'ils cherchent réellement, soutenir de pareils amendements. Parce que ceux-ci contiennent un risque de mort pour l'Union européenne, il faut s'y opposer à tout prix ! Mme la Garde des Sceaux - Avis également défavorable. La constitution nationale et le droit communautaire dérivés appartiennent à deux ordres juridiques différents. L'article 54, qui règle les rapports entre les traités et la Constitution, s'applique au droit dérivé, qui ne peut que mettre en oeuvre le traité. Enfin, à chaque texte son juge ; en cas de conflit entre la Constitution et le traité, l'article 54 dispose qu'il faut modifier la Constitution pour ratifier le traité, comme nous sommes en train de le faire. Deuxième cas : le conflit entre la Constitution et le droit dérivé. Une loi transposant une directive communautaire peut être soumise au Conseil constitutionnel ; un règlement communautaire peut être contesté par l'Etat devant la Cour de justice. M. Jacques Myard - Pas sur la base de la Constitution ! Mme la Garde des Sceaux - Troisième cas : le conflit entre la loi nationale et le traité. La primauté du traité est instituée par l'article 55 de la Constitution. Quatrième cas : le conflit entre la loi nationale et le droit dérivé. La jurisprudence donne la primauté au droit dérivé. Mme Nicole Catala - C'est ce que nous voulons changer ! Mme la Garde des Sceaux - Enfin, je rappelle que la Cour de justice a jugé depuis 1964 que "la force exécutoire du droit communautaire ne saurait varier d'un Etat à l'autre sans mettre en péril la réalisation des buts du traité". Depuis trente-quatre ans, la France adhère à ce principe ; je ne suggère pas de le remettre en cause ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Nicole Catala - Rappel au Règlement. Monsieur le Président, vous présidez avec courtoisie mais il vous arrive de vouloir faire avancer le débat trop rapidement. Je déplore que vous ne m'ayez pas laissé le temps de défendre l'amendement 56. Lors du débat sur le traité de Maastricht, vous aviez escamoté de la même façon un amendement auquel je tenais... M. le Président - Le premier signataire de l'amendement 56 était M. Baumel, le deuxième était M. Michel Bouvard ; j'ai demandé si cet amendement était défendu, M. Bouvard m'a indiqué qu'il l'était. Si vous voulez prendre la parole, je vous la donne pour répondre au Gouvernement ou à la commission. Moi, je ne suis pas pressé ; simplement, il m'a semblé qu'il y avait une certaine répétition dans les arguments. Mme Nicole Catala - On ne peut pas écarter la possibilité d'un conflit entre le droit produit par les institutions communautaires et nos normes constitutionnelles. Ne pas reconnaître la nécessité d'un contrôle de constitutionnalité, qu'il soit a priori ou a posteriori, c'est reconnaître qu'on a insidieusement placé l'ensemble de l'ordre juridique communautaire au-dessus de notre ordre juridique constitutionnel : il s'agit d'un renversement de la hiérarchie des normes, sur lequel nos concitoyens n'ont jamais été éclairés ni appelés à débattre, et dont nous contestons donc la légitimité. M. Jacques Myard - Les propos de Mme Guigou, qui figureront au Journal officiel, sont inquiétants. Elle a en effet admis que la Constitution était un chiffon de papier et qu'il fallait, en tout état de cause, se plier aux règlements et directives communautaires. Vous êtes, Madame la garde des Sceaux, le fossoyeur de la Constitution. Vous reconnaissez que, sous l'effet de la multiplication des actes communautaires, ce pays n'a plus de statut juridique ! L'amendement 36, mis aux voix, n'est pas adopté. Les amendements 56 et 13 ne sont pas adoptés. L'amendement 43, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jacques Myard - Il fut un temps où, en France, il y avait un gouvernement... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il avait obtenu, en janvier 1966, ce qu'on a appelé le "compromis de Luxembourg". Je propose, par mon amendement 24, que celui-ci prenne place dans la Constitution. Mme Christine Lazerges, vice-présidente de la commission des lois - Avis défavorable. M. le Ministre délégué - Vous avez, Monsieur Guyard, une interprétation un peu baroque du compromis de Luxembourg. Il s'agit d'une règle de bonne conduite, selon laquelle la majorité du Conseil ne peut imposer une décision à un Etat si celui-ci considère qu'elle porterait atteinte à ses intérêts essentiels. La France avait indiqué, à l'époque, que la discussion devrait alors se poursuivre jusqu'à ce qu'on parvienne à un accord unanime. Le compromis de Luxembourg constatait qu'un désaccord subsistait sur ce point, mais qu'il ne faisait pas obstacle à la poursuite des travaux de la Communauté ; c'était donc un accord sur un désaccord. Ce serait un contresens que de vouloir le codifier. En outre, cette arme de dissuasion n'a d'efficacité que si elle est utilisée de manière exceptionnelle et sert surtout de menace. Donc, le compromis de Luxembourg demeure mais n'a rien à faire dans la Constitution. L'amendement 24, mis aux voix, n'est pas adopté. M. François Guillaume - Mon amendement 40 reprend les principes établis par le traité à son article 36 relatif à la clause de sauvegarde du traité d'Amsterdam transformant celle-ci en simple demande de dérogation. L'amendement 40, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. François Guillaume - Par mon amendement 37, je propose que, si le Gouvernement s'oppose à un projet d'acte communautaire qui serait contraire à la Constitution, cet acte ne puisse s'appliquer à notre pays, mais puisse en revanche être mis en oeuvre par les autres pays membres, au titre d'une "corporation renforcée" -prévue par le traité d'Amsterdam. Cet amendement s'inspire de l'arrêt de 1993 de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe ; pourquoi les Allemands et pas nous ? C'est, en fait, une légalisation du compromis de Luxembourg. En 1992, Mme Guigou avait déclaré que celui-ci était caduc, ce qui avait obligé le ministre des affaires étrangères et le Premier ministre de l'époque à dire qu'il n'en était rien. Tout à l'heure, M. Moscovici nous a indiqué que le compromis était toujours valable. Mais nous préférons que les choses soient claires... L'amendement 37, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 59 est de coordination. M. René André - L'Assemblée a malheureusement rejeté tous nos amendements, qui voulaient simplement sauvegarder les droits du Parlement, résorber le déficit démocratique dans la construction de l'Europe, et non paralyser la construction européenne, comme certains voudraient le laisser croire. M. Jacques Myard - Elle se paralysera seule ! M. René André - Nous ne comprenons donc pas votre position en contradiction totale avec vos propos. Sans doute avez-vous pensé que vous pouviez passer outre nos amendements, nous sachant profondément attachés à la construction européenne et à la ratification du traité d'Amsterdam, étape indispensable. Notre combat n'est pas fini : il se poursuivra au Sénat. Quoi qu'il en soit, on se souviendra que c'est nous qui avons combattu pour renforcer le contrôle du Parlement et rapprocher l'Europe des citoyens. L'amendement 59, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Président - Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé en application de l'article 65-1 du Règlement de reporter les explications de vote et le vote sur le projet de loi constitutionnelle au mardi 1er décembre après-midi après les questions au Gouvernement. MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR Mme la Garde des Sceaux - Conformément au pouvoir que lui confère l'article 48 de la Constitution, le Gouvernement retire de l'ordre du jour de cette séance l'examen du projet de loi relatif aux animaux dangereux, qui sera examiné le 9 décembre prochain. Prochaine séance ce jeudi 26 novembre, à 10 heures. La séance est levée à 1 heure 45. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |