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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 42ème jour de séance, 108ème séance 1ère SÉANCE DU JEUDI 3 DÉCEMBRE 1998 PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT vice-président SOMMAIRE : RÉGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET 1995 (deuxième lecture) 1 ART. 15 7 COLLECTIF 1998 7 ANNEXE ORDRE DU JOUR 33 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1995. M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Le Sénat a modifié, le 29 octobre, l'article 15 du projet relatif au transport aux découverts du Trésor de l'écart d'intégration des CCP. La Cour des comptes a relevé, en 1993, une disparité dans les modalités de comptabilisation des dépôts CCP entre les comptes de la Poste et ceux de l'Etat, à la suite de la clôture du budget annexe des PTT et de la création de l'exploitant public autonome, la Poste, le 1er janvier 1991. Le compte de la Poste au Trésor figurant au passif du bilan de l'Etat est, en effet, présenté comme la contraction d'un crédit correspondant aux dépôts des fonds, CCP et d'un débit d'un montant de 18 milliards de francs, figurant dans un sous-compte intitulé "Ecart d'intégration des dépôts des CCP, ex-budget annexe des PTT". Du coup, le montant du compte de la Poste figurant au passif de l'Etat ne correspond pas à celui figurant en pied de bilan de la Poste. Cette situation résulte du déficit structurel de la branche postale du budget annexe des PTT. En exécution, ce besoin de financement de l'exploitation était assuré non seulement par le recours à l'emprunt mais aussi par un mécanisme pouvant s'assimiler à des avances du Trésor. Lors de la clôture du budget annexe, le bilan de la branche postale affichait donc une situation nette négative. Malgré la réévaluation de l'actif transféré à la Poste, la reprise de l'écart d'intégration au passif aurait conduit à créer le nouvel exploitant public avec des fonds propres à l'origine fortement négatifs. Il n'a donc pas été retranscrit dans le bilan d'ouverture de la Poste et a été isolé, au sein des comptes de l'Etat, dans le sous-compte "Écart d'intégration des dépôts des CCP" mentionné précédemment. Cette présentation comptable a été jugée par la Cour des comptes non compatible avec l'exigence d'une présentation sincère et cohérente des comptes de l'Etat et de la Poste. La Cour a donc appelé les gouvernements successifs à y remédier. Tel est l'objet de la mesure proposée, qui met en cohérence les comptes de l'Etat et de la Poste en constatant une perte de trésorerie de 18 milliards dans les comptes de l'Etat. Il est précisé que la dette publique, calculée selon les règles servant à l'appréciation des critères de convergence définis par le traité de Maastricht et notifiée à la Commission européenne, intègre déjà le montant des dépôts CCP figurant au bilan de la Poste. La mesure n'a donc aucun impact sur les statistiques de la comptabilité nationale et n'affecte en rien nos engagements européens. Le Sénat a cru devoir adopter un amendement diminuant à compter du 1er janvier 1996 le montant des avoirs des CCP rémunérés par l'Etat de 18 milliards de francs. Or le patrimoine de la Poste découle de son bilan d'ouverture défini, conformément à la loi du 2 juillet 1990, par l'arrêté du 13 octobre 1992. Depuis la création de l'exploitant public, les avoirs des déposants des CCP sont identiques dans les comptes de la Poste et dans les comptes de l'Etat. Dans ces conditions, la rémunération de la Poste est strictement conforme aux dispositions définies par la loi. Du point de vue juridique, comptable ou de l'opportunité financière, il n'est ni fondé, ni légitime de revenir sur la rémunération de la Poste depuis 1991. J'ajoute que le taux de rémunération des avoirs déposés par la Poste est fixé, conformément à la loi, par le contrat de plan conclu entre l'exploitant public et l'Etat. La formule de rémunération actuellement en vigueur, qui indexe la rémunération de la Poste sur le taux des bons du Trésor sur formules à 13 semaines, a été arrêtée en 1994 par le gouvernement de l'époque, dans le cadre de la préparation du contrat de plan 1995-1997. Elle a été reprise dans le contrat de plan conclu en juin dernier pour la période 1998-2001, en fixant un taux-plancher de 4,75 % en application des dispositions de la loi du 2 juillet 1990 dont l'article 16 stipule que la rémunération des fonds des CCP déposés au Trésor doit atteindre "un niveau au moins égal" au coût de collecte de ces fonds "en tenant compte des gains de productivité obtenus". Le Gouvernement se prononce, en conséquence, pour un retour au texte initialement adopté par l'Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Le Sénat ayant modifié son article 15, ce texte revient donc devant nous en deuxième lecture, ce qui est peu courant s'agissant d'un projet de loi de règlement. Un tel approfondissement de l'examen de ce type de projet peut être l'occasion d'un meilleur contrôle parlementaire. Toutefois, le sujet soulevé par le Sénat ne pose pas réellement problème. Celui-ci a adopté un amendement présenté par M. Yves Fréville, visant à diminuer de 18,16 milliards la base de rémunération des avoirs aux comptes chèques postaux déposés par la Poste auprès du Trésor. Compte tenu de la nature très technique des dispositions en discussion, je reviendrai sur l'origine de l'écart d'intégration des dépôts des comptes chèques postaux de l'ex-budget annexe des PTT et sur son traitement comptable. Sous le régime du budget annexe des PTT, la branche postale était en déficit structurel. En l'absence d'une gestion distincte des flux de trésorerie, des prélèvements sur les avoirs des CCP ont été opérés pour couvrir les besoins de financement courants de l'exploitation, ce qui pouvait s'assimiler à des avances du Trésor. Lors de la transformation de la Poste en exploitant public autonome au 1er janvier 1991, une commission a été chargée de procéder à l'identification et à l'évaluation définitive des éléments d'actifs et de passif constituant le patrimoine d'origine de l'établissement. Il est alors apparu que l'écart entre le montant crédité dans les écritures du Trésor au titre des dépôts des CCP et les écritures de la Poste atteignait 18,16 milliards de francs. Cette perte pouvait être imputée soit sur les comptes du nouvel exploitant public, soit sur les écritures du Trésor. Il a été décidé de faire supporter cette charge à l'Etat, afin de ne pas compromettre la situation financière de départ de la Poste. Dans le cas contraire, l'exploitant public aurait, en effet, présenté un bilan d'ouverture faisant apparaître des capitaux propres négatifs, ce qui n'était guère envisageable. C'est donc moins la prise en charge de la perte par l'Etat que le traitement comptable de cette décision dans les écritures du Trésor qui a fait l'objet de critiques de la part de la Cour des comptes. Ce traitement comptable a deux conséquences peu conformes à l'orthodoxie financière : d'une part, un écart de 18,6 milliards existe entre les comptes de l'Etat et ceux de la Poste, au titre des avoirs CCP en dépôt au Trésor ; d'autre part, cet écart, qui constitue une perte, n'est pas enregistré comme telle dans les comptes de l'Etat, contrairement à la règle de non-compensation entre éléments d'actifs et de passif. Cela affecte donc la transparence en matière de rémunération versée à la Poste pour le dépôt au Trésor des encours collectés sur les CCP. En effet, selon la loi du 2 juillet 1990, la Poste dépose au Trésor les fonds des comptes courants postaux et la rémunération de ce dépôt ne peut être actuellement inférieure à un taux plancher de 4,75 %. Or "l'assiette" de la rémunération n'apparaît pas dans son intégralité dans les écritures du Trésor. Parallèlement, depuis 1993, le compte 427 supporte en débit 18,16 milliards de francs. En réduisant l'"assiette" de la rémunération de ce montant, l'amendement du Sénat revient sur un arbitrage désormais ancien relatif au patrimoine d'origine de la Poste, établissement public, ayant conduit à faire peser la perte constatée de l'administration postale sur les comptes de l'Etat. Cet amendement aurait pour l'exploitant public de lourdes conséquences financières. L'objet du présent article est d'apurer une situation comptable insatisfaisante relevant de l'Etat et dont le traitement a été différé d'année en année, sans que la Poste ait une quelconque responsabilité sur ce point. Le transport en augmentation des découverts du Trésor, proposé par l'article 15 dans sa rédaction initiale, permet de constater définitivement la perte, restée "latente" depuis 1993, et de rétablir la concordance entre les écritures du bilan de la Poste et celles du Trésor. Il convient donc de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. M. Jean-Jacques Jegou - Permettez-moi de revenir sur cette affaire de comptes chèques postaux, sur ce "petit lézard" découvert par notre ancien collègue Yves Fréville, aujourd'hui sénateur. Chacun sait que des prélèvements étaient opérés sur les CCP pour financer le déficit structurel de la branche postale du budget annexe des PTT. Lorsque la Poste est devenue autonome, on a découvert un écart d'un peu plus de 18 milliards entre les écritures du Trésor et celles de la Poste. Dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 1994, la Cour des comptes a révélé l'existence d'un sous-compte 427-9 "Écart d'intégration des dépôts des CCP de l'ex-budget annexe des PTT" justement débité de ces 18,16 milliards. L'article 15 de ce projet avait donc pour but d'apurer ce sous-compte en transportant aux découverts du Trésor le montant du sous-compte 427-9, ce qui revient à transformer l'avance de trésorerie en dépense définitive, ou plus précisément, en subvention de l'Etat à la Poste, qui plus est rémunérée à 4,75 % l'an, de quoi faire dresser l'oreille aux marchés financiers... Or, comme l'a dit le sénateur Charasse, qui connaît également bien ces questions, "à partir du moment où cette somme est transformée en subvention, les intérêts ne peuvent plus être versés". Tel était finalement l'objet de l'amendement de M. Fréville, adopté par le Sénat et que notre assemblée devrait également voter. Un mot, enfin, à propos des marchés financiers. Après avoir noté la hausse de 2,6 % du CAC 40, qui réjouira chacun d'entre nous, une dépêche de l'AFP évoque une baisse des taux. M. Christian Cuvilliez - C'est exact. M. Jean-Jacques Jegou - Peut-on continuer à rémunérer à 4,75 % la subvention à la Poste que je viens d'évoquer alors que la Bundesbank a réduit son taux de prise en pension de 3,30 à 3 % et que la Banque de France a fait de même pour son taux d'appel d'offres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) M. Jacques Desallangre - L'examen de ce projet présente comme intérêt l'examen de la disposition introduite par le Sénat relative aux prétendus milliards fantômes de la Poste. Il nous faut mettre fin à cette tentative de coup médiatique, qui fait un flop, mais qui avait pour objet d'embarrasser le Gouvernement, qui est pourtant le premier depuis 1992 à régulariser le compte "Écart d'intégration des départs des comptes chèques postaux de l'ex-budget annexe des PTT", et de porter préjudice à la Poste à l'heure où celle-ci doit continuer à remplir ses missions de service public tout en s'adaptant à la concurrence européenne. Un rapide historique mettra en exergue l'impéritie de nos collègues sénateurs. Avant d'obtenir la personnalité juridique, la Poste, comme d'ailleurs France Télécom, relevait du budget de l'Etat et bénéficiait depuis 1923 d'un budget annexe. Le poids des sujétions de service public, notamment la présence postale en tout point du territoire, entraînait un déficit d'exploitation structurel. Mais ces sujétions avaient un coût intégralement couvert par les recettes provenant de l'exploitation, le prix unique du timbre permettant la péréquation mais ne couvrant pas la totalité des coûts d'acheminement. Le budget général de l'Etat participait donc directement au financement de ce service public bénéficiant par ailleurs également des excédents d'exploitation de l'activité télécommunication. Cette participation du budget général au budget annexe était toutefois insuffisante et le déficit structurel connu de tous s'élevait à plus de 13 milliards entre 1970 et 1979 et à plus de 7 milliards entre 1980 et 1990. Les budgets faisaient clairement apparaître ce déficit qui devait être couvert par des emprunts ou par un financement déterminé. Le Parlement, qui votait ces budgets a donc sa part de responsabilité dans cet imbroglio comptable. La Poste devait-elle pour autant cesser de remplir ses missions, ne plus respecter le principe d'égalité des usagers, diminuer la qualité de son service ? Les gouvernements de droite comme de gauche ont judicieusement refusé cette solution. Mais dès lors, où trouver les fonds ? L'Etat a opéré des prélèvements sur les avoirs CCP pour couvrir les besoins de financement courant de ses services, ce qui fut rendu possible par l'unicité du circuit de trésorerie du budget annexe. Cette pratique fort contestable et ne répondant pas au principe de présentation sincère du budget n'a pourtant autant jamais fait courir le moindre risque aux épargnants ayant déposé leurs fonds auprès de la Poste. En effet, celle-ci ne possédant pas de personnalité juridique propre, l'Etat, qui est toujours solvable, était directement responsable des avoirs déposés par les particuliers et les entreprises. Lors de la réforme du statut par la loi du 2 juillet 1990, la Poste est devenue un établissement public industriel et commercial bénéficiant ainsi d'une personnalité juridique propre, donc d'une plus grande autonomie, notamment financière, et d'un patrimoine. Cette réforme impliquait une évaluation des éléments d'actifs et de passifs composant le patrimoine de cette nouvelle entité et une commission fut constituée à cet effet. Lors de la clôture du budget des postes et télécommunications, un écart de 18,16 milliards apparut entre le montant des avoirs des CCP et celui effectivement mis à la disposition du Trésor. Le Gouvernement aurait pu alors considérer ces 18 milliards comme une dette de l'entité juridique nouvellement créée, ce qui semblait peu justifié car l'attitude de l'Etat qui n'avait pas suffisamment financé sa propre administration en était à l'origine. De plus, la nouvelle institution n'aurait pas été viable, incapable dès lors de supporter un patrimoine négatif, avec 37 milliards d'immobilisations et 53 milliards de dettes à moyen et long termes. La seconde solution envisageable était de considérer que le nouvel établissement public devait certes reprendre l'actif et le passif mais non être tenu pour responsable des problèmes de financement de l'Etat, l'écart de 18,2 milliards étant assimilé à une avance faite par le Trésor. C'est cette seconde solution qui fut retenue en 1992, car elle seule garantissait la pérennité du service public. Depuis la clôture du budget annexe, le montant des fonds CCP reçu de la Poste par le Trésor correspond exactement à ce qui figure au bilan de la Poste. Néanmoins, il aurait été nécessaire que le Gouvernement clarifie et régularise comme il le fait aujourd'hui cet écart d'intégration. La décision d'apurement ne fut pas prise en 1992 car se posait alors la question des critères de convergence imposés par le traité signé à Maastricht. Ce retard fut fort justement relevé par la Cour des comptes qui, dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 1994, le qualifiait de perte et précisait que la non-inscription de cette perte dans les comptes de l'Etat portait atteinte au principe de présentation sincère et cohérente des comptes de l'Etat. C'est ce qui a conduit le présent gouvernement à prendre ses responsabilités et à régulariser une situation léguée par ses prédécesseurs. L'opposition choisit donc la facilité en dénonçant aujourd'hui une hypothétique dissimulation. La CSSPPT comme tous les gouvernements de 1970 à 1995 avaient une connaissance précise de ces pratiques contestables et cet écart se retrouvait dans les rapports sur la gestion financière et la marche des services du budget annexe, réglementairement publiés au Journal officiel. Les dispositions introduites par le Sénat visant à ne plus rémunérer les fonds CCP déposés à hauteur de 18,2 milliards par la Poste auprès du Trésor se fonde sur une interprétation erronée. Il est en effet inexact que le montant des fonds rémunérés et des fonds effectivement déposés fasse toujours l'objet d'un écart. La carence en trésorerie imputable aux gestions des années 1970 à 1991 fut intégralement transférée sur un compte séparé, rétablissant ainsi l'identité des comptes CCP entre la Poste et le Trésor. Cette proposition est en outre incohérente car les sénateurs ont voté le premier alinéa de l'article 15 qui révèle précisément que l'écart de 18 milliards était depuis 1992 transféré sur un compte distinct, il y a bien depuis cette date identité des écritures comptables entre la Poste et le Trésor. L'Assemblée saurait donc voter cet article 15 en l'état. Cette disposition serait en outre désastreuse pour la Poste qui aurait à reverser dès 1998 2,6 milliards et se verrait ensuite amputée de 860 millions. Or son bilan est fragile. Après de nombreuses années de déficit, 1997 marque le retour à l'équilibre avec un bénéfice de 58 millions pour un chiffre d'affaires de 90 milliards. Cet effort de tous les postiers ne doit pas être anéanti par un amendement injustifié et irresponsable qui marquerait la fin d'un service public auquel tous les citoyens sont attachés. L'amputation que subirait la Poste entraînerait, en effet, la suppression de 2 000 bureaux ruraux ou de 6 000 emplois. Avec la transposition de la directive postale, la Poste sera demain confrontée à une concurrence extrêmement vive de la part des autres postes européennes, mais aussi de groupes privés. Le moment est-il bien choisi pour porter un coup peut-être fatal au seul établissement garantissant un service public de qualité sur tout le territoire ? Je m'interroge vraiment sur les motivations de nos collègues sénateurs. M. Gilles Carrez - Je voudrais rassurer M. Dessalangre. Si vous aviez connu M. Yves Fréville, vous ne parleriez pas "d'impéritie" ou de "coup médiatique". Notre ancien collègue, qui est aujourd'hui sénateur, est un spécialiste reconnu des finances publiques, animé par le seul souci de la sauvegarde des intérêts financiers de l'Etat. Tous les ministres, de droite comme de gauche, ont toujours écouté attentivement ses interventions (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Ce n'est donc pas un esprit polémique ou politicien qui a inspiré le Sénat, mais la préoccupation de respect et de défense des contribuables qui, trop souvent, qu'il s'agisse du Crédit Lyonnais ou de la Société marseillaise de crédit, sont appelés à financer des dépenses qui ne leur incombent pas. Bien entendu, l'opposition est consciente des difficultés de la Poste et des coûts qu'entraîne sa mission de service public. Vous avez d'ailleurs fait une confusion entre les 18 milliards, dont nous n'avons jamais dit que la Poste devait les rembourser à l'Etat, et le traitement comptable de cette somme, qui devrait être considérée comme une avance de l'Etat donnant lieu à intérêts. C'est d'ailleurs ce qu'a dit M. Charasse, sénateur socialiste et ancien ministre du Budget. Il n'y a donc aucune intention politique dans cette affaire, mais un souci de rigueur financière. Pour en revenir à l'ensemble de cette loi de règlement, je fais remarquer qu'en 1995 le déficit budgétaire a été ramené à 323 milliards, contre 350 milliards auparavant, et ceci dans un contexte économique difficile. Cela s'est fait grâce à la maîtrise de la progression de la dépense publique qui a été limitée à 2,3 % pour une inflation de 1,3 %. Cette réduction courageuse du déficit a ralenti la progression de la dette (Interruptions sur les bancs du groupe communiste), ce qui vous a permis de trouver, en 1997, des comptes publics assainis (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). M. Gilbert Gantier - L'examen de ce projet de loi doit nous permettre de tirer du passé des enseignements pour l'avenir : en particulier, il prouve que l'exercice consistant à tabler sur des prévisions de croissance pour afficher un objectif budgétaire est délicat -le gouvernement actuel devrait s'en souvenir. Deuxième constat, ce même gouvernement n'a pas su poursuivre la politique de réduction de déficit public de ses prédécesseurs. Ce projet comporte en son article 15 une disposition tout à fait contestable. C'est un nouvel exemple de l'art du Gouvernement de faire passer en catimini des dispositions dont il ne cherche pas à se vanter. En effet, cet article 15, dont la suppression a été votée au Sénat, tend à apurer une distorsion comptable constatée entre le budget de la Poste et les dépôts de l'exploitant de droit public au Trésor en transformant la "dette" de l'exploitant public vis-à-vis du Trésor en dépense définitive effectuée par l'Etat à son profit. C'est donc bien une subvention déguisée. En effet, le montant inscrit au bilan de la Poste au titre des comptes chèques postaux est de 168 milliards alors que celui effectivement déposé au Trésor est de 150 milliards. L'écart porte donc sur environ 18 milliards de francs. L'article 15, pour régler la question, élimine tout simplement cet écart. Pourtant, un problème majeur se pose. La rémunération que l'Etat verse à la Poste au titre de ses dépôts au Trésor porte sur les 168 milliards constatés au bilan de celle-ci, et non sur les 150 milliards de francs effectivement déposés. Donc 18 milliards de trop ont été rémunérés par l'Etat, au taux très avantageux de 4,75 %. Ces intérêts indus peuvent être évalués à environ 800 millions. Ceci constitue le premier étage de ce qui apparaît comme une subvention déguisée de l'Etat, décidément fort généreux. Mais, de plus, le taux de rémunération des comptes courants spéciaux est fixé, à 4,75 %, alors que le taux d'intérêt au jour le jour se situe aux alentours de 3 %. L'Etat verse donc une surprime à la Poste sans aucune justification économique. Ceci constitue le deuxième étage de la subvention déguisée de l'Etat à l'établissement public. La Cour des comptes, dans son rapport sur le règlement du budget de l'exercice 1994, avait d'ailleurs relevé l'anomalie en précisant que l'écart de 18 milliards constaté provenait des pertes cumulées de la Poste. Par l'article 15, le Gouvernement cherche à régler définitivement une situation anormale sans pour autant donner de justifications. S'il semble en effet légitime de vouloir régler une anomalie constatée par la Cour des comptes, il est très contestable de fermer les yeux sur le passé en "blanchissant" en quelque sorte les opérations de paiement d'intérêts sur une somme de 18 milliards qui n'a jamais été déposée au Trésor. La Poste, qui bénéficie du statut particulier d'exploitant public autonome depuis la loi du 2 juillet 1990, a continué ainsi à profiter des largesses de l'Etat, alors qu'elle ne faisait plus partie de l'administration publique (Interruptions sur les bancs du groupe communiste). M. Christian Cuvilliez - Qui gouvernait à l'époque ? M. Gilbert Gantier - Cette situation reflète en fait l'échec de l'Etat actionnaire dans la gestion des entreprises publiques, ou de celles à statut équivalent, comme la Poste. Plus de transparence financière serait nécessaire pour éviter que des situations anormales soient entérinées de fait par une loi de règlement. Le présent projet de loi montre les travers habituels du Gouvernement (Interruptions sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste), à commencer par l'excès de confiance, le gaspillage systématique des efforts des gouvernements précédents (Interruptions sur les bancs du groupe communiste) et le recours à des opérations en catimini pour régler des situations contestables ou bénéficier de rallonges budgétaires, comme cela a été le cas avec le prélèvement de 5 milliards sur les caisses d'épargne opéré par la loi de finances pour 1999. Sous cette réserve, le groupe Démocratie Libérale votera ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. le Secrétaire d'Etat - Je me félicite, comme M. Jegou, que les banques centrales de France et d'Allemagne aient diminué de 0,3 % leurs taux d'intérêt, ce qui va renforcer la croissance. Les pronostics de M. Gantier seront, je l'espère, infirmés. En ce qui concerne la Poste, la bonne foi de M. Fréville n'est pas en cause, mais il a confondu deux questions : la rémunération des comptes chèques postaux, dont le montant est passé de 140 milliards en 1990 à 160 milliards en 1997, et les déficits accumulés de la Poste, soit 18 milliards. Il a été décidé en 1990 que l'Etat les prendrait à sa charge en mettant cette créance dans un compte particulier. En 1993, la Cour des comptes a déclaré que cette procédure n'était pas correcte. En accumulant aujourd'hui la créance de 18 milliards que l'Etat avait sur la Poste, le Gouvernement ne fait que rétablir la transparence, comme l'a relevé M. Desallangre. L'article 15 ne touche en rien aux comptes chèques postaux : s'il a pu y avoir confusion à cet égard, cela ne provient que d'une erreur de présentation -les comptes chèques postaux et les avances du Trésor étaient regroupés sur une même ligne. L'Etat rémunère évidemment les sommes que lui confie la Poste, et ce au taux normal, qui est celui des bons du Trésor à 13 semaines. Un taux plancher a été défini par ailleurs dans le contrat de plan 1995-1997. Ce taux de 4,75 % a été reconduit dans le prochain contrat de plan, approuvé par la commission supérieure du service public de la Poste. Il convient, en effet, de tenir compte des charges particulières qui incombent à celle-ci. J'espère que ces précisions vous convaincront de revenir au texte initial adopté par l'Assemblée. M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle dans le texte du Sénat l'article du projet de loi sur lequel les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique. M. le Rapporteur général - Je pense avoir défendu déjà l'amendement 1. Je me bornerai donc à signaler que, si nous maintenions la disposition présentée par M. Fréville, la Poste perdrait 860 millions par an ! M. Jacques Desallangre - J'ai également présenté mon amendement 2, identique. M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. M. Jean-Jacques Jegou - La référence au contrat de plan signé entre l'Etat et la Poste ne saurait m'impressionner : les parlementaires, à l'exception d'un ou deux sans doute, n'en ont pas été informés. Vous avez avancé, Monsieur le secrétaire d'Etat, le chiffre de 160 milliards pour le montant des dépôts : il y va donc chaque année d'une somme qui n'est pas mince -7,6 milliards, me souffle M. Hériaud, qui est un spécialiste. Même si la Poste est un service public dont nous n'avons certes pas à rougir, elle doit améliorer encore son fonctionnement, comme on le lui a d'ailleurs demandé quand on a modifié son statut. Il me semble en outre que l'Etat rémunère à un taux excessif le service qu'elle lui rend, surtout compte tenu de la baisse générale des taux. Il ne s'agit certes pas de demander la restitution de ces 18 milliards, mais on peut souhaiter un progrès en matière de productivité. C'est pourquoi nous voterons contre l'amendement. Les amendements 1 et 2, mis aux voix, sont adoptés. L'article 15 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté. L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1998. M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Strauss-Kahn, retenu à Saint-Malo par le sommet franco-britannique. Ce projet de loi de finances rectificative, très semblable à celui de l'an passé, diffère en revanche notablement des collectifs antérieurs. Tout d'abord, le déficit a été réduit de trois milliards par rapport à ce que prévoyait la loi de finances initiale. Ensuite, les surcroîts de dépenses courantes apparus en cours d'année, pour 20 milliards, sont entièrement financés par des économies. Enfin, les plus-values de recettes enregistrées grâce à une relance de la consommation intérieure qui nous a valu une croissance de plus de 3 %, sont pour l'essentiel utilisées à apurer les retards de paiement accumulés par l'Etat. A cette stimulation de la croissance, à cette réduction du déficit et à cette maîtrise des dépenses publiques, s'est ajoutée une volonté de transparence : ce collectif démontre que les recettes et dépenses qui vous ont été soumises il y a un an, étaient calibrées aussi exactement que possible. Enfin, ce collectif accentue la préoccupation sociale qui nous avait animés l'an passé. Un premier décret d'avance d'un milliard a été ouvert le 16 janvier pour venir en aide aux chômeurs en grande détresse. Un autre, de 5 milliards, a suivi le 21 août pour accroître le nombre des contrats de qualification et pour abonder les crédits de rémunération de la Défense. Par ailleurs, 5,7 milliards sont prévus au titre de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire versée à l'automne dernier -le Gouvernement ayant quadruplé cette allocation, ces deux dernières années, conformément à sa politique familiale (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Un crédit d'un milliard est par ailleurs inscrit pour couvrir la revalorisation des allocations versées au chômeurs en fin de droits, ainsi que le coût de la nouvelle allocation servie aux chômeurs âgés. Ce milliard, s'ajoutant à celui du premier décret d'avance, témoigne de notre souci d'alléger le fardeau des Français en grande difficulté. Enfin, 900 millions figurent ici au titre du RMI. Comme le souligne de M. Migaud dans son rapport remarquable, le montant des ouvertures proposées ici ne tranche pas avec ce que l'on trouve d'habitude dans un collectif. Il est même moindre que celui des collectifs des années 1994-1996. Si donc ce Gouvernement n'est pas hostile par principe à la dépense publique, il sait la maîtriser ! Je n'insisterai pas sur le contraste avec d'aucuns de nos prédécesseurs qui, tenant un discours de rigueur, devaient en fin d'année corriger fortement leur estimation des dépenses ! Par rapport à la loi de finances initiale, les recettes ont crû de 13,9 milliards, dont 600 millions ont servi à financer le décret d'avance du 21 août. Les recettes fiscales ont été révisées à la hausse de 11 milliards, grâce au surcoît de TVA procuré par la relance de la demande intérieure ; les recettes non fiscales progressent quant à elles de 1,6 milliard, mais sont toutefois inférieures de 2 milliards à celles que nous avons prévues pour l'an prochain car nous avons revu à la baisse les recettes de la COFACE en raison de la situation internationale incertaine. Enfin, les prélèvements sur recettes ont été réduits de 1,3 milliard, pour tenir compte d'un moindre dynamisme du FCTVA. S'agissant des dépenses, les ouvertures de crédits s'élèvent à 30,8 milliards, soit 20,5 milliards au titre des dépenses courantes et 10,3 milliards pour apurer des dettes héritées du passé et anticiper des allégements d'impôts locaux. La ligne du Gouvernement est claire : les dépenses courantes seront financées par redéploiement, les excédents étant consacrés aux autres opérations. Dans les dépenses courantes, mentionnons les 5,3 milliards de l'allocation de rentrée scolaire, le milliard débloqué au profit des chômeurs en fin de droits ou âgés, les 900 millions consacrés au RMI et les 2,5 milliards de la recapitalisation du GIAT. En outre, 2,2 milliards ont servi à renforcer la participation française à différents fonds internationaux de développement et de garantie. Quant aux apurements de dettes, 5,6 milliards ont servi à financer l'exonération des charges sur les bas salaires, 2,4 milliards sont allés à la construction navale et 700 millions ont permis de rattraper certains retards de paiement, qu'il s'agisse des routes ou du ministère de l'intérieur. Par ailleurs, un crédit de 1,6 milliard a été prévu pour compenser les conséquences, sur les finances régionales, de la baisse des droits de mutation sur les immeubles d'habitation, votée en première lecture dans la loi de finances pour 1999. De même, 2,5 milliards sont inscrits pour financer la suppression des droits sur les cartes d'identité et les permis de conduire, l'encouragement à la transmission anticipée de patrimoine et certains allégements d'impôts. Les annulations de crédits s'élèvent à 20,5 milliards, dont 11,6 milliards sur les budgets civils, 7,4 sur les crédits d'équipement militaires et 1,5 sur la charge nette de la dette. Celle-ci en effet diminue, pour la deuxième année consécutive, en raison de la politique du Gouvernement, de notre gestion active de la dette et de l'évolution favorable des taux d'intérêt. Le compte d'affectation spécial no 902-24 a reçu 15 milliards en conséquence de la cession d'actifs de France Télécom. Le déficit de l'Etat est passé de 257,9 milliards en loi de finances initiale à 254,6 milliards en loi de finances rectificative. Cette réduction de 3 milliards est cohérente avec la volonté du Gouvernement, notifiée à ses partenaires européens, de réduire la part dans le PIB des déficits publics de 3 à 2,9 %. Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement est en situation de respecter les équilibres de la loi de finances initiale, mais aussi de préparer l'avenir, en apurant certaines dettes et en tablant de manière prudente sur les recettes liées à l'évolution du contexte international. Telles sont les grandes lignes de ce projet que je vous demande d'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Après la correction de trajectoire qu'a imposée, à l'automne 1997, la situation de nos finances publiques, dans la perspective de la qualification de la France pour l'euro, le présent projet de loi de finances rectificative présente une physionomie plus habituelle. Il ne vise en effet qu'à corriger les prévisions initiales et de procéder à l'ajustement des crédits aux besoins. C'est ainsi que la première partie est réduite à sa plus simple expression : un tableau d'équilibre retraçant l'évolution des recettes et fixant de nouveaux plafonds de charges. Les dépenses de la loi de finances pour 1998 ont été affectées en cours d'exercice par deux décrets d'avance. Le 16 janvier 1998, le Gouvernement a débloqué 1 milliard pour les chômeurs en situation difficile, dotation entièrement gagée par des économies réparties sur la quasi-totalité des fascicules budgétaires. Le 21 août 1998, il a fallu ouvrir 5 milliards de crédits, dont 3,8 milliards pour les rémunérations de personnels militaires et 500 millions pour le financement de la formation professionnelle. Le collectif 1998 tend à ouvrir 50,4 milliards de crédits nets, dont une grande partie correspond à des ajustements classiques de fin d'année : 5,8 milliards pour l'allocation de rentrée scolaire, 5,6 milliards pour le financement des allégements de cotisations sur les bas salaires, 2,3 milliards pour l'ajustement de la charge brute de la dette, 530 millions pour un apurement de dépenses FEOGA, sans oublier les 15 milliards demandés sur le compte d'affectation spéciale no 902-24, qui ont une contrepartie exacte en recettes nouvelles. Un certain nombre de dépenses résultent d'opérations exceptionnelles et non reconductibles : la recapitalisation de GIAT Industries, la participation de la France au capital de divers organismes et fonds internationaux, la compensation aux collectivités locales de la réduction des droits de mutation intervenue par anticipation au début du mois de septembre 1998, le règlement d'un contentieux concernant l'EPAD, le financement du recensement général de la population, le remboursement des dettes de l'Etat envers France Télécom, et le plan d'urgence en faveur des lycées. Par ailleurs, 300 millions sont nécessaires pour aider la SNCF à financer l'augmentation des péages dus à Réseau ferré de France et 230 millions pour résorber une partie des retards dans les crédits de paiement des routes, générés par les régulations budgétaires aveugles du précédent gouvernement. Ces demandes d'ouverture de crédits sont tout à fait comparables à celles effectuées dans le projet de loi de finances rectificative pour 1994, 1996 et 1997, dont le total s'élevait, respectivement, à 37,3, 34,3 et 46,3 milliards. Les annulations de crédits associées au collectif, qui représentent 15,7 milliards, sont moins élevées qu'en 1997 -23,8 milliards- ou 1996 -21,8 milliards-, mais inférieures au total de 1994, qui était de 5,6 milliards. La principale annulation, de 7,5 milliards, porte sur le budget de l'emploi, l'amélioration de la conjoncture économique et les premiers effets de la politique du Gouvernement permettant de réduire les entrées dans un certain nombre de dispositifs. L'incidence sur le niveau de la dépense des annulations opérées sur le budget d'équipement de la Défense, soit 3,2 milliards, devrait être nulle en raison de l'absence de tensions constatée sur les besoins de paiement du ministère, constatée lors du débat sur le budget 1999 de la Défense. L'impact des annulations se fera cependant sentir sur les reports de crédits de l'exercice 1998 vers l'exercice 1999. Un examen serein et objectif de ce collectif ne permet donc pas de conclure sans mauvaise foi à ce "dérapage des dépenses" stigmatisé par certains. S'agissant des ressources, la conjoncture économique et le recentrage de la croissance sur la demande intérieure ont fait progresser les recettes nettes du budget général de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale. Cette situation est connue depuis le dépôt du projet de loi de finances pour 1999, car les prévisions figurant dans le présent projet s'écartent peu des prévisions révisées de septembre dernier. Les plus-values, non négligeables, sont loin cependant de constituer ce pactole que d'aucuns soupçonnent le Gouvernement de dissimuler. Au total, les recettes nettes du budget général s'élèveraient à 1 368,2 milliards. Leur total n'a été que très marginalement modifié. Le recul de 656 millions s'explique surtout par certaines décisions d'appliquer de manière anticipée des mesures adoptées lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 1999, dont 330 millions au titre de l'exonération de TVA pour les acquisitions de terrains à bâtir réalisées par les particuliers aux opérations réalisées par un acte authentique signé à compter du 22 octobre 1998. Je ne reviendrai pas sur les plus-values constatées au titre de l'impôt sur le revenu ni sur les moins-values d'impôt sur les sociétés, déjà étudiées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1999. Toutefois, l'évaluation révisée se fonde sur une croissance des recettes de TVA de 3,9 %, contre 5,5 % en "glissement annuel", de septembre à septembre. Pourquoi conserver une prévision de recettes aussi prudente pour 1998, compte tenu des encaissements constatés ? Il semble que certains remboursements et dégrèvements attendus ne soient pas encore intervenus. Par ailleurs, la baisse notable des importations induit mécaniquement une baisse de la TVA correspondante. Ce phénomène, constaté sur les recouvrements de septembre, pourrait avoir une incidence notable jusqu'à la fin de l'année. C'est une situation que notre commission suivra avec attention, en liaison avec le secrétariat d'Etat au budget. Comme il est d'usage, les principaux ajustements de recettes concernent les recettes non fiscales. Le présent projet prévoir leur diminution, limitée il est vrai. Elles baisseraient de 2,52 milliards, dont 2 milliards du fait d'une réduction des prélèvements sur la COFACE. Au total, les recettes non fiscales progresseraient de 5,6 % par rapport aux prévisions initiales, contre 7,3 % dans l'évaluation révisée associée au projet de loi de finances pour 1999. L'évaluation des prélèvements sur recettes n'a été que très légèrement modifiée, tout comme les remboursements et dégrèvements. Au total, les recettes nettes du budget général progressent de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale. Hors recettes d'ordre, cette croissance est de 1 %, soit une plus-value de 13,92 milliards. En définitive, le déficit général est ramené de 257,88 à 254,62 milliards, pour l'essentiel en raison de l'amélioration du solde des opérations à caractère définitif. La part du déficit de l'Etat dans le PIB est ramenée de 3,1 % à 3,05 %. Quant aux dispositions permanentes, très hétérogènes, elles n'ont qu'une portée relative. Nous reviendrons sur ces dispositions à l'occasion de l'examen des articles. Je n'évoquerai, à ce stade, que deux dossiers, qui touchent à l'information du Parlement. En premier lieu, la commission a débattu des conditions d'intervention du Fonds monétaire international dans la crise financière qui, depuis l'été 1997, a successivement frappé l'Asie du Sud-Est, la Corée du Sud, la Russie puis le Brésil et, à un moindre degré, l'Amérique latine. L'action du FMI a pu être contestée et des réflexions sont en cours, en vue de renforcer la solidité du système monétaire international et de le remodeler. Dans ce contexte, avec l'article 18 du présent projet, il est demandé au Parlement d'autoriser l'augmentation de la quote-part de la France au FMI. Il convient qu'à cette occasion, sa capacité à évaluer la politique du FMI et l'action de la France au sein de ses instances dirigeantes soit renforcée. M. Christian Cuvilliez - En effet ! M. le Rapporteur général - En second lieu, la commission a rejeté l'article 21 du projet de loi, qui vise à autoriser le ministre de l'économie, à accorder à la banque Chaix, repreneur de la Société marseillaise de crédit, la garantie de l'Etat contre certains risques potentiels, dans la limite de 435 millions. La commission ne conteste pas le bien-fondé de cette garantie, mais veut marquer son irritation quant à la façon dont le Parlement a été informé sur cette affaire. M. Jean-Louis Idiart - Très bien ! M. le Rapporteur général - Nous avons, en effet, éprouvé quelques difficultés à obtenir des précisions sur les circonstances qui ont provoqué cette faillite virtuelle de la SMC, sur l'action des autorités de contrôle et sur la façon dont les responsables de cette situation seront appelés à en rendre compte. J'espère que la lenteur de certaines administrations à répondre aux interrogations du Parlement s'explique par leur ardeur nouvelle à renforcer leur action, comme autorité de tutelle et de contrôle. Nous nous en féliciterions d'autant plus que l'actuel Gouvernement a su saisir à bras le corps un dossier que les précédents avaient laissé pourrir. M. Germain Gengenwin - Il serait temps de tourner la page ! M. le Rapporteur général - Nous nous félicitons aussi de l'adoption, par le conseil des ministres, du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière qui tend notamment à renforcer les moyens d'action des autorités de contrôle du secteur financier. En définitive, l'année 1998 aura permis de franchir une première étape de la réalisation des objectifs définis par la nouvelle majorité : réduire les déficits publics, amorcer la décrue des prélèvements obligatoires ; financer les priorités choisies par les Français, au service de la croissance, de l'emploi et de la solidarité. Dans ces conditions, votre commission, sous réserve des amendements, qu'elle vous propose, a adopté ce projet de loi de finances rectificative et invite l'Assemblée à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense - Comme chaque année, la commission de la défense s'est saisie pour avis du projet de loi de finances rectificative. C'est souvent l'occasion de constater que le budget du ministère de la défense a servi de variable d'ajustement du budget de la nation et que, de gels en annulations, les crédits votés en loi de finances initiale ont beaucoup contribué à la maîtrise des dépenses publiques. Une lecture partielle -sinon partiale- du présent projet pourrait laisser penser qu'il en est de même cette année. Ainsi, en 1998, les annulations brutes s'élèvent à 7,4 milliards sur les crédits d'équipement. Quant aux ouvertures de crédits, elles sont de 4,5 milliards. Une comparaison hâtive suggèrerait donc que le ministère de la défense a été fortement mis à contribution, malgré un contexte favorable de rentrées fiscales supplémentaires. En fait, une autre grille de lecture s'impose. D'abord, une partie des annulations a été gagée sur des reports de crédits de 1997 pour un montant de 3,8 milliards. Ensuite, ces annulations ont largement des origines internes. Les 2,8 milliards d'annulation nette portent sur des crédits qui de toute façon, n'auraient pu être consommés. En effet, la réforme de la comptabilité d'investissement entreprise par le ministère a empêché la consommation de crédits durant les premiers mois de l'année et ce retard n'a pu être rattrapé. Cette ambitieuse réforme a donc un prix à court terme. A moyen terme, elle rendra plus efficace la dépense d'investissement militaire, ce dont nous nous réjouissons. Et s'il reste des esprits chagrins, un bref rappel du solde entre annulations et ouvertures de crédits des années précédentes -7 milliards en 1995, 4,6 milliards en 1996, et un peu plus de 3 milliards en 1997- montrera que le niveau d'annulation de cette année reste correct. D'autre part, l'ouverture de 700 millions de crédits pour le titre III permettra de réduire les reports de charge pour l'an prochain et de compenser les insuffisances de la dotation initiale en matière de fonctionnement ou de rémunérations. 225 millions de francs sont ouverts pour la gendarmerie, 185 millions pour l'armée de terre, 75 pour l'armée de l'air, enfin 215 millions serviront à abonder les subventions de la France à l'OTAN. Ainsi, les entreprises françaises ne seront plus pénalisées dans les choix de l'alliance pour la réalisation de ses travaux d'infrastructure. La loi de finances rectificative est aussi traditionnellement l'occasion de régler les surcoûts liés aux opérations extérieures qui s'élèvent à 2,1 milliards pour 1998 -contre près de 3,5 milliards en 1997-, soit 160 millions pour huit opérations menées sous la bannière des Nations Unies, 1,28 milliard pour les cinq opérations menées sous commandement international, comme en ex-Yougoslavie, enfin près de 270 millions pour les opérations extérieures menées sous commandement national, principalement en Afrique. La nette diminution de ces sommes par rapport aux années précédentes, s'explique d'abord par le redimensionnement de notre dispositif en Afrique, avec la suppression du prépositionnement en Centrafrique, ensuite par la réforme du régime indemnitaire des personnels, laquelle met fin à un système injuste qui pénalisait les célibataires. Je voudrais aussi aborder la question de la définition des opérations extérieures et d'une meilleure évaluation de leur coût en loi de finances initiale. Sur le premier point, une différence subsiste entre le surcoût global des OPEX -2,1 milliards et l'addition des opérations que j'ai citées plus haut. Elle s'explique par le fait que certaines opérations sont considérées à tort comme des opérations extérieures. C'est le cas de l'opération Epervier au Tchad qui, au fil des ans, est devenue un véritable dispositif prépositionné et ne devrait donc être financée en loi de finances initiale, ou encore de l'envoi d'escadrons de gendarmerie dans les DOM-TOM pour 54 millions. Pour le Tchad, la situation devrait s'éclaircir l'an prochain. Pour ce qui est du surcoût des opérations de maintien de l'ordre dans les DOM-TOM, il conviendrait que l'ordonnateur, à savoir le ministère de l'intérieur, soit également le payeur. Ces opérations seraient ainsi considérées comme des missions internes, ce qui serait moins choquant. Plus généralement, dans la mesure où elles sont prévisibles, les dépenses liées aux opérations extérieures devraient faire l'objet d'un financement en loi de finances initiale sans que cela se fasse au détriment des crédits prévus par la loi de programmation et par la revue de programmes. Les opérations extérieures permettent à notre pays de garder son rang international. Il faut donc financer sans priver les armées des moyens de les exercer. En conclusion, la commission se félicite de l'absence de lien entre les annulations du budget de la défense et les 2,5 milliards prévus dans ce collectif pour la recapitalisation du GIAT. Il aurait été pour le moins paradoxal d'augmenter la trésorerie de GIAT Industries tout en diminuant les capacités du ministère de la défense à lui passer des commandes. Sous réserve de ces remarques, le présent collectif est globalement bon et la commission de la défense l'a majoritairement adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. le Secrétaire d'Etat - Après l'excellent rapport de M. Lamy, je tiens à compléter votre information sur les opérations extérieures. M. Alain Richard, qui l'a déjà fait devant votre commission, aurait aimé le faire aujourd'hui devant vous mais il est retenu pour le sommet franco-britannique de Saint-Malo. Tout d'abord, il faut souligner le rôle important joué par notre pays comme agent de paix et de sécurité au service du droit. La plupart de nos opérations, dans le cadre fixé par les Nations Unies, apportent dans des régions troublées l'apaisement et la stabilité dont les populations sont les premières à bénéficier. Sur le plan budgétaire, les surcoûts liés aux opérations extérieures diminuent sensiblement de 2,1 milliards en 1998 contre 3,45 milliards en 1997, dont les quatre cinquièmes représentent des dépenses de rémunération et de fonctionnement. Cette réduction s'explique par la modification du dispositif militaire extérieur -en particulier la suppression de la force prépositionnée en République Centrafricaine et par la réforme du régime indemnitaire des personnels participant aux opérations. La France est actuellement engagée dans huit opérations de maintien de la paix : la FINUL -Force intérimaire des Nations Unies au Liban- créée en application d'une résolution de mars 1978, dont le mandat est régulièrement renouvelé et à laquelle participent 257 militaires français ; la MINURCA -Mission des Nations Unies en République Centrafricaine- dont le mandat a été reconduit jusqu'en février 1999 et à laquelle participent 240 militaires français ; la MINUBH -Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine- créée par une résolution du 15 décembre 1995 et instituant un groupe international de police chargé de former et d'assister les forces de police locale, qui compte 119 gendarmes français ; la MINURSO, au Sahara occidental, décidée en avril 1991, et à laquelle la France fournit 25 observateurs ; la MIPONUH -Mission de Police civile des Nations Unies en Haïti- chargée pour une année, par la résolution du 28 novembre 1997, d'aider le gouvernement haïtien à créer une force de police, à laquelle participent 24 gendarmes français ; la MONUA, en Angola, déployée en application de la résolution du 30 juin 1997, qui comprend 13 observateurs français ; la MONUIK, pour l'Irak et le Koweit, soumise à réexamen tous les six mois et dont le mandat est d'assurer le contrôle de la zone démilitarisée entre l'Irak et le Koweit. La France lui fournit un détachement de 11 militaires ; la MONUG, en Géorgie, créée en 1993, à laquelle participent cinq observateurs français. Les charges supportées à l'occasion de ces opérations font l'objet de remboursements partiels de la part de l'ONU, mais ceux-ci interviennent généralement avec un décalage de deux années. La France est également engagée dans cinq opérations dont la conduite est déléguée à des commandements internationaux par le conseil de sécurité des Nations Unies : l'action menée par la SFOR pour mettre en oeuvre les aspects militaires de l'accord de paix en Bosnie-Herzégovine, cette mission fait l'objet d'un réexamen semestriel. Un détachement de 3 714 hommes y participe ; l'opération Southern Watch visant à interdire à l'Irak l'utilisation de ses moyens aériens et anti-aériens au sud du 32ème parallèle et à laquelle contribuent 174 militaires français ; la mission d'observation de la Communauté européenne et de l'OSCE en ex-Yougoslavie, qui joue un rôle d'observation, de médiation et de compte rendu, et à laquelle participent 46 militaires français. Enfin, la France a conduit en 1998 diverses opérations sous commandement national, notamment en Afrique, en vue d'assurer le maintien de la paix, la sécurité des ressortissants français, le respect des accords de défense ou le désengagement des forces françaises. Parmi ces opérations, je citerai la protection de l'ambassade de France en Algérie, la sécurisation d'une zone frontalière du Cameroun, l'accompagnement du désengagement des assistants opérationnels en République Centrafricaine, l'évacuation des ressortissants français au Congo, ou encore la mission Epervier au Tchad. M. le Président - J'ai reçu de Monsieur José Rossi et des membres du groupe DL une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement. M. Francis Delattre - Pourquoi défendre une motion de procédure sur un texte technique tel que ce projet de loi de finances rectificative, qui n'est pour beaucoup qu'une simple formalité ? C'est que les collectifs budgétaires sont en marge de la scène médiatique, et par là permettent de faire passer beaucoup de mesures en catimini, et ce texte ne déroge pas à ces regrettables usages gouvernementaux. Il est aisé d'afficher des objectifs ambitieux dans la procédure initiale, mais trop souvent ces derniers se trouvent mis à mal dès le mois de février, par des mesures dites de "régulation". Les deux objectifs que vous vous étiez proposé d'atteindre lors de la discussion du budget 1998, la réduction du déficit budgétaire et la baisse des prélèvements obligatoires, la loi de finances rectificative les a oubliés. Le collectif budgétaire de fin d'année permettra, dites-vous, de finir l'année comme prévu. Non, l'année finit mieux que prévu, puisque le Gouvernement dégage un bonus fiscal de 11,6 milliards. Mais il opte pour des dépenses nouvelles à hauteur de 10,3 milliards, sous la forme d'un saupoudrage, d'un patchwork inintelligible ne concernant qu'un secteur d'activité fort limité. Nous soulevons donc l'exception d'irrecevabilité parce que cette loi de finances donne des signaux extrêmement négatifs pour le pays. Vous utilisez une croissance fragile pour financer des dépenses nouvelles alors qu'il eût été plus sage de réserver ce bonus fiscal inattendu au déficit, voire à des dépenses consacrées aux grands investissements publics. Or les dépenses nouvelles dégagées par redéploiement de crédits iront pour la plupart aux dépenses d'assistance, alors que les politiques menées depuis vingt ans dans ce sens se sont soldées par l'aggravation de la fracture sociale. La loi de finances initiale pour 1998 tablait sur des perspectives de croissance de 2,5 %, quand il est avéré aujourd'hui que la croissance effective sera de 3 %. Or votre collectif s'efforce d'ignorer le retour de la croissance. Le dynamisme de la consommation intérieure a même surpris le ministère des finances, puisque Bercy avait prévu 3,1 % pour la croissance de la consommation et que l'INSEE revoit plutôt le chiffre à la hausse avec 3,7 %. Ces rentrées fiscales inattendues vous ouvraient deux possibilités. Soit, en gestionnaire avisé, vous affectiez du bonus fiscal au déficit, afin de ne pas alourdir la charge de la dette pour l'an prochain, et de ne pas en accroître le stock qui ne cesse d'augmenter depuis 1993. En volume, la dette est passée de 45,6 % du PIB en 1993 à 58,2 cette année pour atteindre 58,7 % du PIB en 1999. Soit, soucieux d'épargner le contribuable et de ne pas donner des signes de rigueur précoces à l'ensemble des agents économiques, vous affectiez le surplus de recettes à des réductions d'impôts, notamment de l'impôt sur le revenu. C'eût été logique, puisque vous tablez sur le dynamisme de la consommation intérieure pour tirer la croissance. Au lieu de cela, vous augmentez les dépenses de 10,3 milliards. Il est vrai que contrairement à l'an dernier, le Premier ministre n'a pas l'ardente obligation de réduire le déficit en deçà des 3 % du PIB, seuil de qualification pour l'euro. En ramenant le déficit à 254,6 milliards pour 1998 et avec un déficit prévu pour 1999 à 237 milliards, la réduction totale sera sur une année, de presque 7 %. C'est habile, car vous montrez ainsi le pragmatisme du Gouvernement. En affectant dès cette année les 14 milliards de surplus fiscal à la réduction du déficit, il ne serait plus réduit l'an prochain que de 3 %, chiffre beaucoup moins convaincant. Mais cette habileté pourrait se révéler fort dangereuse si la croissance était inférieure aux 2,7 % prévus. Avec un taux de 2,4 %, conforme aux prévisions de tous les instituts de conjoncture, le déficit pour 1999 se creuserait bien au-delà de 237 milliards. Et, selon les conjoncturistes d'entreprise, la croissance pourrait même ne pas excéder 2,1 %. L'effet d'optique serait alors renversé : 243,9 milliards de déficit en 1998, plus de 250 milliards en 1999... Vraiment, on peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut : la baisse du déficit budgétaire n'est que le résultat d'une présentation des chiffres en trompe-l'oeil. Le Gouvernement gaspille par ailleurs sciemment les fruits de la croissance. Avec 0,5 % de taux de croissance en plus par rapport aux 2,5 % prévus par la loi de finances initiale, notre pays a retiré 13,9 milliards de recettes supplémentaires. Qu'allait faire le Gouvernement de cette nouvelle marge ? L'affecter à la réduction à due concurrence du déficit budgétaire eût été un mauvais signe pour la gauche plurielle, un avant-goût de rigueur difficile à assumer. Alors que la loi de finances initiale prévoyait 257,9 milliards de déficit et que 14 milliards de recettes supplémentaires sont engrangés, 3,3 milliards seulement seront consacrés à la réduction du déficit budgétaire. Est-ce raisonnable alors que nous avons été les derniers à nous qualifier pour l'euro ? Pour agréer aux composantes de sa majorité plurielle, le Gouvernement dépense dès que la croissance permet d'engranger un surplus de recettes fiscales, et il taxe dès que les déficits se creusent. La logique exigeait pourtant l'inverse : une politique de réduction des déficits et d'assainissement des finances publiques. C'est d'ailleurs ce qu'on fait tous les gouvernements sociaux-démocrates. Ces milliards nouveaux ne permettent même pas de relever sérieusement les minima sociaux et ne représentent qu'une goutte d'eau dans l'océan de la précarisation. Or, si l'efficacité de la dépense n'est pas prouvée, la réduction du déficit budgétaire liée à l'abaissement des prélèvements reste le meilleur soutien d'une saine croissance, donc de l'emploi. De plus, la réduction du déficit budgétaire annoncée est tout artificielle, puisqu'elle n'est pas le résultat d'une politique volontariste. Elle ne provient que du jeu des stabilisateurs automatiques, qui, à recettes fiscales inchangées, voit le rendement des impôts se gonfler grâce à la croissance. Si l'on sort du cadre annuel pour se placer dans une perspective cyclique, le solde conjoncturel est nul en moyenne. L'annualité biaise donc le raisonnement, puisque c'est seulement sur la durée du cycle qu'on peut se rendre compte de la réduction effective du déficit. Or, à niveau de PIB constant, au contraire, il augmente. Vous faites des choix que nous paierons lorsque la croissance fléchira. Si l'on compare la loi de finances rectificative pour 1997 et le collectif budgétaire de 1998, l'ouverture de 30 milliards de crédits n'est pas nouvelle. Mais dans le cadre du collectif de 1997, en raison des critères de Maastricht, on avait opéré un financement par redéploiement de crédits. Certes, cette année, 20,5 milliards de dépenses nouvelles sont compensées par des économies équivalentes, mais 10,3 milliards représentent des dépenses nouvelles nettes, sans économies en contrepartie. Troisième point : les économies sont toujours réalisées sur les mêmes postes. C'est le budget de la défense qui, comme chaque année, subira les principales restrictions budgétaires : 3,2 milliards en 1998. Ces crédits sont l'éternelle variable d'ajustement fiscal... Les études de la délégation générale pour l'armement sont amputées de 1,35 milliard, 985 millions sont annulés au titre des fabrications d'armes. 120 millions sont supprimés pour les services communs et la gendarmerie, 83,7 millions pour le nucléaire militaire, 147 millions pour l'espace et 431 millions pour les infrastructures. Ces mesures vont bien sûr à l'encontre des lois de programmation militaire votées par le Parlement, mais que le Gouvernement grignote chaque année un peu plus : 3,9 milliards ont ainsi été annulés en 1997 sur les crédits d'équipement du titre V et 3,2 milliards le seront cette année. Que proposez-vous en contrepartie ? Une énorme dotation en capital de 2,5 milliards à GIAT Industries, dont les pertes sont chaque année considérables. Cette dépense n'est absolument pas productive (M. le rapporteur pour avis s'esclaffe). GIAT a perdu 2,85 milliards en 1997, il se retrouve cette année avec une ardoise de 5,5 milliards. Cette politique de rebouchage des trous, au jour le jour, ne peut plus durer. Surtout que des secteurs stratégiques de pointe, comme le nucléaire militaire ou la recherche spatiale, sont laissés de côté. Des corps comme la gendarmerie en sont arrivés à la plus extrême indigence. Les moyens qui lui sont accordés ont atteint une limite en deçà de laquelle elle ne pourra plus assurer ses missions, qui ne cessent de s'accroître. Une telle politique de défense est-elle crédible ? Vous privilégiez les dépenses à rendement électoral, le médiatiquement correct, le saupoudrage des crédits ! Vous avez économisé par ailleurs 7,7 milliards sur le budget de l'emploi, ce qui est paradoxal au regard de la politique affichée en ce domaine. Vous prétendez réaliser des économies sur les aides à l'emploi, certains dispositifs comme les CES ayant été moins coûteux en raison du chômage. Sans doute, mais ces contrats permettaient un premier contact avec le marché du travail. Dès 1997, vous avez choisi de recentrer la politique sociale vers d'autres publics : allocataires du RMI, travailleurs handicapés, bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité, etc. Ce budget va dans le même sens, avec 900 millions de plus pour les allocataires du RMI, et 1 milliard pour une nouvelle allocation pour les chômeurs âgés. En privilégiant l'assistance, en salariant l'exclusion, vous la pérennisez. J'en viens à la Société marseillaise de crédit. La garantie obscure apportée par le Gouvernement témoigne de son habituel mépris pour l'autorisation parlementaire, de son goût pour les dispositions prises en catimini, à l'occasion des collectifs budgétaires. Les conditions de sortie de l'Etat du capital des entreprises du secteur financier public font toujours l'objet du moins de publicité possible. L'an dernier, les parlementaires avaient toutefois réussi à poser un plafond pour garantir les pertes futures du GAN. Aujourd'hui, vous expliquez en un peu moins de 8 lignes, comment l'Etat va garantir à une filiale du CCF, la banque Chaix, une garantie de cession à hauteur de 435 millions, que le Parlement n'a en fait qu'à enregistrer... Je pensais même que le rapporteur général avait demandé le rejet de l'article 21 en commission, afin de demander au Gouvernement ce qu'il nous est demandé exactement de garantir. La Marseillaise de crédit, véritable petit Crédit Lyonnais, a déjà englouti 6,3 milliards d'aides d'Etat. Et vous présentez le présent dispositif de garantie, comme une nécessité pour épargner au contribuable français quelques milliards de plus... En cas d'échec d'une cession, la banque devrait entrer en liquidation, et reverser à l'Etat les 6 milliards perçus au titre de ces dotations en capital, qui n'ont jamais reçu le feu vert de la Commission européenne. Le commissaire européen Karel Van Miert aurait été sensible à vos arguments, Monsieur le ministre. En raison du changement de direction à la SMC et de la nécessité de procéder à un examen complet du groupe, la Commission a accordé un délai supplémentaire. Elle ne se montrera pas conciliante pour autant, car la France a accumulé un tel nombre de sinistres d'entreprises publiques que les services de Bruxelles sont plus que perplexes sur le fonctionnement de notre secteur public bancaire. Pressé de vous débarrasser d'une nouvelle banque publique, vous oubliez d'éclairer les parlementaires sur la situation financière de la SMC, sur le dispositif précis et sur les conditions de la garantie ainsi octroyée. Et le courrier reçu ce midi par la commission des finances n'a guère convaincu que son rapporteur général... Avec ce collectif, vous jouez sur les effets d'optique, pour nous faire croire qu'avec des marges de manoeuvre budgétaires étroites, on peut dépenser plus et réduire le déficit. Vous gâchez les marges de manoeuvre que vous offre la croissance. Vous hypothéquez l'avenir par vos imprévoyances. Pour toutes ces raisons, je demande à l'Assemblée de voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). M. le Secrétaire d'Etat - Vous avez souhaité vous exprimer sur ce collectif, c'est votre droit, mais pas une fois vous n'avez fait référence à la Constitution pour défendre votre exception d'irrecevabilité... J'ai toutefois le sens du dialogue républicain et je vous répondrai. Vous avez opposé le taux de croissance réel -3 %- aux prévisions -2,5 %. Mais ces prévisions étaient celles de l'opposition. Pour sa part, le Gouvernement misait bien sur un taux de 3 %, qui sera légèrement dépassé. Vous considérez que les plus-values de recettes ainsi dégagées devraient être affectées à la réduction du déficit. Mais un Gouvernement qui les utilise pour raccourcir des délais de paiement et pour apurer des dettes de trésorerie fait-il preuve de mauvaise gestion ? Vous avez par ailleurs affirmé que le GIAT était improductif. Salariés et élus apprécieront cette déclaration peu responsable. Si telle est vraiment votre pensée, que n'avez-vous fermé l'entreprise entre 1993 et 1997 ? Les salariés qualifiés, déjà inquiets pour leur avenir, méritent mieux que de tels propos à l'emporte-pièces. M. Francis Delattre - J'ai le droit de dire ce que je pense ! J'assume mes propos. M. le Secrétaire d'Etat - J'ai quant à moi le droit de dire le contraire. Vous avez dit par ailleurs que le RMI a créé la fracture sociale... M. Francis Delattre - Je n'ai jamais dit cela ! M. le Secrétaire d'Etat - Au contraire, il a été créé parce que de nombreuses personnes étaient en situation d'exclusion. Vous êtes donc dans une logique qui n'est pas celle du Gouvernement, mais celle de la majorité sénatoriale, qui a voulu réduire de 5 % les crédits du RMI pour 1999. Nous, nous pensons que la nation doit aider ses membres les plus faibles. MM. Jean-Louis Idiart et Gérard Bapt - Tout à fait ! M. le Secrétaire d'Etat - En ce qui concerne le SMC, vous avez fait preuve de peu d'esprit de responsabilité. Quand nous sommes arrivés au Gouvernement, en juillet 1997, nous avons aussitôt demandé un audit à la commission bancaire. M. Francis Delattre - Il était déjà commencé ! M. le Secrétaire d'Etat - Cet audit a montré que l'année 1997 allait se solder par une perte de 3,1 milliards. Le Gouvernement a alors remplacé les responsables de cette banque et l'a recapitalisé à hauteur de 2,9 milliards. Au total, cet établissement pourrait coûter 6 milliards au contribuable ! Le Gouvernement a joué la transparence, puis il a cherché à adosser la SMC à un partenaire solide : la banque Chaix l'a reprise pour 10 millions, ce qui montre que la SMC n'avait pas la valeur mirifique que certains lui prêtaient ! Le Gouvernement a donc évité que la charge pesant sur le contribuable n'augmente encore. En outre, si la SMC avait continué à décliner, des milliers de PME de la Côte d'Azur auraient été menacées. Le Gouvernement a donc bien agi à la fois du point de vue financier et du point de vue économique. M. le Rapporteur général - J'invite notre assemblée à rejeter cette exception d'irrecevabilité, notre collègue n'ayant soulevé aucune objection d'ordre constitutionnel. En ce qui concerne la SMC, dans un premier temps la commission des finances a repoussé l'article 21 ; depuis, le ministère nous a fait part d'informations complémentaires. Mais nous y reviendrons en discutant cet article. L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée. M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une question préalable, déposée en application de l'article 91-4 du Règlement. M. Gilles Carrez - Quand nous avons discuté, il y a un mois et demi, du projet de loi de finances pour 1999, des doutes sérieux pesaient déjà sur vos hypothèses de croissance. Depuis, ils n'ont fait que se confirmer. Or le Gouvernement n'en tient aucun compte dans ce projet : la dépense publique augmente et la dette ne cesse de s'enfler. Pourtant, les signaux se multiplient : baisse de 0,7 % de la consommation en octobre, stagnation des projets d'investissement, reflux des exportations depuis juin dernier, les bons résultats de septembre n'étant dus qu'à la vente d'avions Airbus et de matériel militaire. D'ailleurs, vous avez affirmé vous-même que vous teniez compte de la dégradation de la conjoncture internationale en réduisant de 2 milliards le remboursement de la COFACE à l'Etat en 1998. Il conviendra d'être cohérent en faisant de même dans le budget 1999, qui prévoit 7 milliards de remboursement COFACE. Au troisième trimestre, la croissance n'a été que de 0,5 %, alors qu'elle avait repris en 1997-1998 : au cours de ces années, la consommation intérieure a été importante et l'alourdissement de la fiscalité semble avoir eu des effets limités -encore que la baisse de 8 milliards du rendement de l'impôt sur les sociétés soit un peu inquiétante : nous en sommes sans doute arrivés au point de rendement décroissant de cet impôt, dont le taux est le plus élevé d'Europe. M. le Secrétaire d'Etat - Il va baisser ! M. Gilles Carrez - Je l'espère ! La dégradation actuelle touche aussi nos partenaires de l'Union européenne, avec qui nous réalisons 60 % de nos exportations. En outre, ces dernières semaines, la consommation a été découragée par les effets très négatifs de l'alourdissement de la CSG décidé l'an dernier. Des millions de Français, en recevant leur avis de paiement, ont été stupéfaits et furieux de l'extravagante envolée de leur CSG. Ils avaient cru comprendre que seules les grandes entreprises et les ménages les plus riches seraient pénalisés et ce n'est pas le cas. Pour beaucoup de couples de retraités ou de ménages à revenus moyens, la CSG a doublé, voire triplé ! La sanction a été immédiate, c'est le mauvais chiffre de consommation d'octobre. C'est dans ce climat de détérioration, que vous nous présentez un projet de loi de finances rectificative qui gaspille les fruits de la croissance réalisée en 1998. Le rapporteur général a qualifié ce collectif budgétaire de "banal". Certes, dans la mesure où il illustre à l'extrême votre incapacité à maîtriser la dépense publique. Ainsi, sur les 14 milliards de recettes supplémentaires, 3 seulement sont affectés à la réduction du déficit. La dépense publique engloutit le reste, avec 31 milliards d'ouverture de crédits face à 15 milliards d'annulations réelles. Vous comparez ce collectif, avec ceux des exercices antérieurs. Mais je rappelle qu'en 1994 il était absolument indispensable de relancer l'économie car en 1993, pour la première fois depuis la Libération, la croissance avait été négative. M. le Secrétaire d'Etat - M. Carrez est keynésien ! M. Gilles Carrez - Je le suis quand il faut l'être mais, aujourd'hui, je ne le serai pas. Je pense qu'il faut au contraire faire refluer une dépense publique qui, avec les dépenses sociales, absorbe chaque année 54 % de la richesse produite. Parmi tous les grands pays de l'OCDE, seuls deux font "mieux" que nous à cet égard : la Suède et, dans une mesure d'ailleurs de plus en plus faible, la Finlande. Or les études de la même OCDE le montrent, il existe une corrélation entre le niveau de la dépense publique et le taux de chômage, corrélation qui s'explique au reste aisément : des prélèvements obligatoires excessifs entravent l'initiative, favorisant les délocalisations et décourageant les agents économiques. En dépit de ces évidences, la dépense publique s'accroîtra en 1999 de 2,3 %. Vous nous avez expliqué il y a un mois et demi que, l'inflation devant s'établir à 1,3 %, ces dépenses ne croîtraient que de 1 % en volume, ce qui serait raisonnable. Mais vous ne pourriez plus tenir le même propos aujourd'hui ! En effet, selon les derniers chiffres de Bercy, l'inflation sera comprise entre 0,5 et 0,8 % et ces dépenses vont en réalité croître quatre fois plus vite qu'elle. Le cas est unique dans l'Union européenne ! Ce choix compromet l'avenir et creusera entre les Français des inégalités déjà criantes. L'augmentation sera en effet d'abord celle des rémunérations de personnel, comme d'ailleurs dans ce collectif. A ce propos, je ne comprends pas que vous ayez accepté l'accord salarial de février, qui prévoit une revalorisation indiciaire de 1,3 %, en 1998 comme en 1999, soit du double si l'on tient compte de l'effet GVT : le pouvoir d'achat des fonctionnaires croîtra ainsi de 2 % de plus que celui des autres Français ! Or leur revenu moyen est déjà supérieur de 12 % à celui des salariés du privé... Nous sommes pour que les fonctionnaires soient correctement rémunérés, que leurs mérites soient récompensés et qu'ils soient intéressés aux résultats de leur administration. Vous préférez augmenter le nombre, sans le dire : en 1999, de 3 000 à 4 000 seront recrutés à l'Éducation nationale, sans qu'il y ait créations correspondantes de postes budgétaires ! La chose est d'autant plus critiquable que des redéploiements s'imposeraient, au bénéfice de la sécurité notamment. Nos partenaires de l'Union européenne ont adopté la politique contraire et les deux qui ont fourni le plus gros effort en ce sens, réduisant de 25 % en quinze ans le nombre de leurs fonctionnaires, sont aussi ceux qui ont le taux de chômage le plus faible : il s'agit des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne. Dans cette loi de finances rectificative, vous privilégiez les dépenses qu'il sera difficile de réduire en cas de retournement de la conjoncture : les dépenses de fonctionnement, les dépenses récurrentes. En corollaire, les dépenses d'investissement sont sacrifiées et, d'abord, les dépenses d'investissement militaire : en trois arrêtés, vous avez annulé pour 12,5 milliards de crédits sur un total d'un peu plus de 80 ! En matière civile, les annulations se montent à 5 milliards : 1 milliard par l'arrêté de janvier et 4 par ce collectif ! M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances - Mais il y a eu des ouvertures ! M. Gilles Carrez - Certes, mais elles ne vont ni à l'équipement ni à l'investissement. Elles visent pour l'essentiel à recapitaliser GIAT Industries, à aider les chantiers navals et à tenir nos engagements internationaux. Autrement dit, on supprime des routes et des voies ferroviaires ! La conséquence de cette défaillance de l'Etat est que les collectivités réalisent déjà 75 % de l'investissement civil. M. Jean-Louis Idiart - Vous oubliez la SNCF ! M. Philippe Auberger - Il s'agit d'un compte d'affectation spéciale. M. Gilles Carrez - D'autre part, comme M. Delattre l'a démontré, vous anticipez dans ce collectif sur les dépenses de 1999 afin de présenter sous un meilleur jour votre politique de réduction des déficits. Ainsi vous abondez de 400 millions le fonds d'études et d'aide au secteur privé, sous prétexte de mettre en place un fonds de garantie destiné à remplacer le CODEX, mais ce fonds n'est toujours pas créé à la date d'aujourd'hui : peut-on sérieusement croire que la somme sera dépensée d'ici au jour de l'an ? Etait-il indispensable d'anticiper ainsi alors que les dépenses croîtront l'an prochain quatre fois plus vite que l'inflation ? En réalité, votre souci semble avoir été de ne pas réduire trop le déficit pour 1998, de peur qu'il ne soit proche de celui que vous avez annoncé pour 1999 ! Il faut que l'effort dont se vante M. Strauss-Kahn pour l'an prochain n'apparaisse pas pour ce qu'il est : des plus limités. C'est pourquoi vous vous contentez d'affecter à cette réduction 3 des 14 milliards de recettes : si vous y aviez consacré le total, nous serions arrivés à peu près aux 238 milliards programmés pour 1999 ! Le souci politique l'a donc emporté sur le souci de la gestion, ce qui ne vous ressemble guère, Monsieur le secrétaire d'Etat ! Le rapporteur général a donné dans son rapport un tableau fort intéressant : il montre que la France est, des Quinze, le seul pays où la dette publique continue d'augmenter. Même la Grèce et l'Italie la réduisent ! Nous sommes le plus mauvais élève de la classe ! Ainsi, entre 1997 et 1999, alors qu'au Royaume-Uni, cette dette sera tombée de 53,5 à 49,9 % du PIB et en Espagne de 68,9 à 66 %, elle passera chez nous de 58,1 à 58,6 %. Pourtant, nous nous souvenons tous que M. Strauss-Kahn, présentant son budget, s'est employé une demi-heure durant à prouver qu'elle baisserait. Un colloque s'imposerait entre lui et M. Migaud... Le constat est le même pour les prélèvements obligatoires : entre 1996 et 1999, les recettes fiscales nettes de l'Etat passeront de 1 359 à 1 533 milliards -abstraction faite de la part de la CSG non concernée par le basculement des cotisations sociales. La croissance s'établira donc à 14,1 % alors que le PIB n'aura progressé que de 11,6 % en valeur. Sans être polytechnicien, je crois bien que la pression fiscale se mesure au rapport entre les prélèvements de l'Etat et la production. S'ils progressent plus vite que le PIB, la pression fiscale augmente. M. le Président de la commission des finances - Vous additionnez des choux et des carottes ! M. Gilles Carrez - Pas du tout. Certains chiffres donnent le vertige. Ainsi, la CSG acquittée par les Français s'élevait à un total de 43 milliards en 1996. Elle se montera à 352 milliards en 1999, c'est-à-dire neuf fois plus ! Même en tenant compte du basculement des cotisations d'assurance maladie, il s'agit d'une somme colossale. Nos concitoyens n'ont pas l'impression que les prélèvements obligatoires diminuent. A propos de la CSG, un hebdomadaire vient de parler d'arme fatale... Elle est déjà fatale au contribuable et elle le sera sans doute à terme pour le Gouvernement et sa majorité. Je ne vois aucune baisse d'impôts, si ce n'est la diminution des droits de mutation à compter du 1er septembre. Encore le coût de cette mesure pour les finances locales, d'un montant de 1,6 milliard, apparaît-il en dépense dans le budget général de l'Etat. Or le contribuable national n'est pas différent du contribuable local. En définitive, les Français continuent de payer et il n'y a aucune diminution d'impôts. Quel contraste avec les décisions du nouveau chancelier allemand, qui va réduire de 50 milliards le produit de l'impôt sur le revenu ! A croire qu'il s'est inspiré du plan Juppé... (Rires sur les bancs du groupe socialiste) M. le Président de la commission des finances - Soyons sérieux ! Racontez cela à vos électeurs, mais pas à nous. M. Gilles Carrez - Certes, le plan Juppé portait sur 75 milliards, alors que M. Schröder se contente de 50 milliards. Mais on observe en Allemagne la même tendance qu'au Royaume-Uni, sous les gouvernements conservateurs comme sous celui de Tony Blair : une baisse constante et importante des prélèvements obligatoires. Nous sommes les seuls à faire le contraire. Comment allons-nous réussir à nous coordonner avec nos partenaires européens ? Ne comptez-vous pas, en définitive, sur la discipline européenne pour faire revenir notre pays à la vertu ? Ce serait un grave abandon de responsabilités, et même de souveraineté. M. Michel Bouvard - Ce ne serait pas le seul ! M. Gilles Carrez - Par ailleurs, je m'associe au rapporteur général pour souligner que la représentation nationale a droit à plus d'égards. Il est anormal que nous ne disposions pas d'une information synthétique sur les engagements extérieurs de la France, dont certains ont un coût élevé. Je pense aux dépenses de l'article 7, qui visent à consolider les dettes envers la France de certains pays étrangers. De même, l'article 18 majore de 27 milliards notre quote-part au FMI, sans que nous ayons reçu la moindre information préalable ! Aux Etats-Unis, le Congrès a longuement débattu de la quote-part américaine. M. Auberger a déposé un amendement visant à améliorer l'information du Parlement, ce que souhaite aussi le rapporteur général. Du moins l'a-t-il affirmé en commission. J'espère qu'à l'avenir, la commission pourra se réunir pour examiner l'ensemble des engagements extérieurs de la France et les programmer sur plusieurs années. J'en viens au compte d'affectation spéciale recevant les produits de cession d'actifs détenus par l'Etat. Majoré de 29 milliards l'année dernière, il en collectera encore 15 cette année. On ne peut que féliciter le Gouvernement pour le dynamisme de sa politique de privatisation ! Il faut continuer dans cette voie. Mais je voudrais insister sur la Société marseillaise de crédit, sorte de concentré de Crédit Lyonnais... Depuis six ans, à travers une demi-douzaine de recapitalisations, elle a reçu de l'Etat l'équivalent de son produit net bancaire, c'est-à-dire 6 milliards ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) M. Michel Bouvard - De quoi boucler le TGV Est ! M. Gilles Carrez - En 1982, pour des raisons idéologiques, vous avez voulu nationaliser le crédit. L'Etat a acheté des banques pour des sommes astronomiques. A cette époque déjà, la SMC ne valait pas grand-chose. Vous l'avez achetée 400 millions. Quelle aubaine pour les actionnaires ! Ils n'en revenaient pas. Certains, même, sont restés aux commandes de la banque, avec un salaire à la clef... Aujourd'hui, vous voulez vendre la SMC pour 10 millions, et comme c'est encore trop cher, vous nous demandez d'approuver une garantie de l'Etat à hauteur de 435 millions ! Il y a de quoi se sentir amer. Dans cette affaire, toute la chaîne de responsabilité a été défaillante (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), qu'il s'agisse de la commission bancaire, de la direction du Trésor, des commissaires aux comptes et de dirigeants. Vous nous avez dit que la commission bancaire était intervenue en 1998. Elle l'a fait aussi en 1992, 1994 et 1996... En août 1993, elle évaluait à 3,7 milliards l'insuffisance de provisions du Crédit Lyonnais, qui se révéla, un an plus tard, de 50 milliards ! Avant toute recapitalisation, avant que l'Etat apporte sa garantie, je demande que les comptes de la SMC soient examinés par la Cour des comptes plutôt que par la commission bancaire, dont l'avis ne nous inspire qu'une confiance limitée. M. Robert Pandraud - Aucune confiance ! En outre, je ne comprends pas bien l'articulation entre une clause de retour à meilleure fortune, demandée par la commission de privatisation et qui ne porte que sur un an, et une demande de garantie à l'Etat qui, elle, va durer trois ans. Quand vous étiez dans l'opposition, vous étiez très prompts à défendre le contribuable, à l'occasion des privatisations. Il ne fallait pas brader le patrimoine de l'Etat, disiez-vous. Je me demande si vous n'avez pas perdu cette ardeur, avec cette privatisation à la hussarde. Qui fait la bonne affaire ? Est-ce l'Etat, ou le CCF ? J'approuve la position du rapporteur général et du président de la commission, qui vous ont demandé de ne pas voter l'article autorisant l'Etat à apporter sa garantie. La Société française de production offre un autre exemple de l'incapacité des entreprises publiques de s'adapter à la concurrence. Cette société bénéficiera d'une recapitalisation supérieure à 1 milliard qui représente trois années de chiffre d'affaires... M. Michel Bouvard - Et plus que la diminution du budget des routes ! M. Gilles Carrez - ...Les contribuables et les parlementaires seraient en droit de connaître les projets de l'Etat pour cette entreprise. Ce milliard en assurera-t-il la pérennité ? Servira-t-il à financer un programme de modernisation et d'investissement ? Les relations de la SFP avec les chaînes de télévision seront-elles clarifiées ? Il n'en est rien ! Ce milliard ne servira qu'à financer un plan social pour réduire les effectifs de plus de moitié. La subvention de l'Etat n'est qu'une sorte d'anesthésiant préparant la disparition de l'entreprise. Ce sont les mêmes raisons qui font que l'Etat est incapable d'assurer un avenir à la SFP et qui expliquent le report sine die du projet de loi sur l'audiovisuel public (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). J'en viens à l'ensemble SNCF, Réseau ferré de France -RFF- qui sera affectataire de 23 milliards sur les exercices 1998-1999. Chaque année, la SNCF bénéficie de 55 milliards de crédits publics ; autrement dit, chaque Français paie environ 1 000 F par an. J'invite les Français à prendre le train le plus souvent possible pour amortir cette dépense ! Pendant combien de temps supporterons-nous encore de telles charges ? Les structures de défaisance qui ont été créées pour réparer des erreurs de gestion des entreprises publiques appellent les mêmes observations. Pour conclure sur le compte d'affectation spéciale, il conviendrait que les parlementaires connaissent à l'avance la programmation des aides de l'Etat aux entreprises publiques et non, comme cette année, au mois de décembre pour l'année en cours ! Lorsque les administrations de tutelle protègent aussi mal le contribuable, il est normal que les parlementaires disposent de tous les moyens de contrôle nécessaires pour pallier cette carence. M. le Président - Je vous prie de conclure pour respecter l'accord qui a été passé. M. Gilles Carrez - Bref, nous sommes inquiets pour l'avenir. Nous avions dénoncé par anticipation le gaspillage des fruits de la croissance au titre du budget pour 1999. Le présent projet illustre parfaitement les occasions perdues de diminuer les impôts, en particulier la TVA (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), de réduire le déficit pour le ramener à un niveau comparable à celui de nos partenaires européens. Tous comptes faits, comme l'a dit le rapporteur général, ce collectif est, en effet, assez banal puisqu'il ne rompt pas avec la routine d'une dépense publique qui n'est toujours pas maîtrisée. Cette situation est contraire à l'intérêt du pays : c'est ce qui justifie notre question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. le Secrétaire d'Etat - Outre que M. Carrez a dit certaines choses inexactes, il a fait preuve d'une amnésie étonnante de la part d'un parlementaire aussi talentueux. En ce qui concerne la conjoncture et la croissance, les comptes économiques du troisième trimestre de 1998 font apparaître une progression de la consommation de 3,7 %, cependant que les ventes d'automobiles augmentent de 17 % par rapport à l'an dernier. C'est dire que les consommateurs n'ont pas ce comportement timoré que vous leur prêtez. Quant aux exportations, elles sont le signe d'une compétitivité satisfaisante. A cet égard, la prudence du Gouvernement sur le risque financier étranger appelle davantage les compliments que la critique... D'autre part, l'investissement des entreprises sera élevé cette année. Enfin, vous connaissiez l'adage "quand le bâtiment va, tout va" : or les mises en chantier progresseront de près de 9 % par rapport à 1997. Les entreprises ont fait preuve d'une certaine attention et, au cours de ce troisième trimestre, au lieu de produire davantage pour satisfaire une demande qui existe, elles ont puisé dans leurs stocks. Par nature, ce phénomène est passager. Peut-être ont-elles aussi été impressionnées par la crise financière mondiale. Bref, la prévision de croissance de 2,7 % du Gouvernement est une bonne cible. Pour l'atteindre, il faut que les consommateurs gardent confiance et que les investissements des entreprises conservent un dynamisme qui contraste avec la langueur constatée de 1991 à 1997. Vous avez critiqué les choix opérés dans l'utilisation des plus-values fiscales. Ils tiennent au fait que la croissance repose davantage sur une demande intérieure qui acquitte de la TVA que sur une demande externe qui n'en paie pas. Pour ce qui est des 5,6 milliards destinés à rembourser les dettes de l'Etat à la Sécurité sociale au titre des exonérations de charges, ils ne s'expliquent que par les retards de paiement accumulés avant 1998. S'agissant de l'inflation, sa baisse équivaut à une augmentation du pouvoir d'achat des retraites et des salariés, donc de la consommation et de la croissance. J'en viens aux sujets sur lesquels vous avez fait preuve d'une certaine amnésie. Vous avez tenu des propos un peu alarmants sur la dette publique qui passerait de 58,1 % à 58,6 % du PIB. Mais entre 1994 et 1997, et j'ai choisi deux années pour lesquelles les responsabilités sont claires -elle a progressé de 7 %. M. Gilles Carrez - C'était la conséquence du déficit de 1993. M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement entend stabiliser cette dette en 2 000 : vous l'avez promis, nous le ferons. En ce qui concerne les prélèvement obligatoires, vous nous avez donné des leçons, mais dois-je vous rappeler que la CSG a été relevée de 1,3 % par le gouvernement Balladur, puis de 0,5 % par le gouvernement Juppé. En revanche, la hausse de 1998 était la contrepartie d'un allégement des cotisations sociales salariales (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. Michel Bouvard - Les citoyens ne s'en sont pas aperçus. M. le Secrétaire d'Etat - Enfin, lorsque le Gouvernement a repris le dossier de la Société marseillaise de crédit, celle-ci connaissait une chute abyssale. Face à une telle situation, il y a d'un côté les spectateurs vociférants qui n'ont rien fait de 1993 à 1997, malgré les rapports de la commission bancaire, et les acteurs clairvoyants (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le Gouvernement cherche à ne pas aggraver le passif de l'Etat qui s'est beaucoup creusé de 1993 à 1997. Pour toutes ces raisons, je demande le rejet de la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. le Rapporteur général - Loin de démontrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer, M. Carrez a expliqué qu'il y avait de nombreuses raisons de débattre. C'est une première raison de repousser la question préalable. Il est vrai que les dépenses d'investissement sont sacrifiées par rapport aux dépenses de fonctionnement mais, sur ce point, l'actuel gouvernement fait quand même beaucoup mieux que ses prédécesseurs. C'est ce qu'on peut déduire des observations de la Cour des comptes l'année dernière. Ainsi, les dépenses civiles en capital sur la loi de finances rectificative augmentent beaucoup plus en pourcentage que les dépenses civiles ordinaires, ce qui traduit le souci de privilégier les dépenses d'investissement. En ce qui concerne la réduction des déficits, je regrette votre vision subjective des chiffres présentés dans mon rapport. La réduction des déficits publics doit résulter d'une politique équilibrée, car l'imposition d'un rythme trop rapide de diminution des déficits publics s'avère incompatible avec notre volonté de financer des actions prioritaires tout en diminuant les prélèvements obligatoires. L'objectivité commande de reconnaître que la dette n'a pas été maîtrisée certaines années, particulièrement 1994, 1995 et 1996, sous les gouvernements de MM. Balladur et Juppé. On constate en effet un surcroît de dette de 1 100 milliards sur cette période, l'écart entre 1994 et l'année précédente se montant par exemple à 442 milliards. Nous nous efforçons de renverser la pente que vous avez suivie et de limiter cet endettement à 240 milliards en 1999. Les résultats rapportés par la Commission européenne sont d'ailleurs conformes aux prévisions de printemps. Concernant la Société marseillaise de crédit, faut-il rappeler que la procédure de privatisation a été engagée dès le 26 octobre 1995, mais qu'on n'a pas su alors la mener à terme ? La solution présentée par le Gouvernement a quand même le mérite de sauver l'entreprise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée. La séance, suspendue à 18 heures 5 est reprise à 18 heures 20. M. le Président - A la demande du Président et du rapporteur général de la commission des finances, un accord a été passé en Conférence des présidents pour essayer de terminer ce soir. J'invite donc chacun à respecter son temps de parole. M. Gilbert Gantier - Voici un collectif, sans relief, qui traduit clairement le manque d'imagination d'un Gouvernement paralysé par les soubresauts de sa majorité. Il nous promettait une grande réforme de la taxe d'habitation... Nous avons droit qu'à 21 articles techniques, à moins que le Gouvernement tienne en réserve quelque article additionnel. Ce projet n'en est pas moins pernicieux car il relève du laxisme budgétaire. En effet, sur près de 14 milliards de recettes supplémentaires, 3,3 milliards seulement seront consacrés à la réduction du déficit, la plus grande partie des plus-values fiscales étant utilisée pour financer des dépenses nouvelles et pour colmater des dettes. Le Gouvernement prévoit 31 milliards de dépenses nouvelles. Même avec 20 milliards d'annulations de crédits, le total des dépenses supplémentaires est de 10 milliards. En affectant l'ensemble des recettes supplémentaires et des annulations de crédits à la réduction du déficit, il n'aurait plus été que de 2,5 % du PIB, ce qui nous aurait placé dans la moyenne européenne. En ne pratiquant qu'une baisse homéopathique, le gouvernement Jospin maintient la France au dernier rang des pays qualifiés pour l'euro. Nous aurions pu au moins espérer un allégement de la pression fiscale qui pèse sur les ménages. Las, le Gouvernement fait un hold-up sur la croissance et les Français n'en profiteront en rien. Il n'y a dans ce projet ni baisse de la TVA, ni baisse d'impôt sur le revenu, ni baisse des impôts locaux, ni suppression de la redevance télé. Pourtant, face à la grogne anti-impôt, vous auriez dû faire un geste. En effet, les Français comprennent cet automne que la réduction des prélèvements obligatoires que vous annoncez depuis des mois est une illusion. Ils croulent sous les feuilles d'impôts. Ils ont dû acquitter, ces dernières semaines, leur troisième tiers, la CSG, dont le produit est passé d'une centaine de milliards à plus de 350 milliards en un an, les impôts locaux, la vignette. Ils ont bien vu qu'il n'y avait aucune baisse. 1998 sera l'année des occasions manquées. Avec un taux de croissance de plus de 3 %, le meilleur de la décennie, le Gouvernement aurait dû engager des réformes de structures et mieux préparer la France à l'euro. Il a opté pour la facilité des dépenses. Au lieu de se projeter dans l'avenir, il tente de colmater la sphère publique. Ainsi 8,7 milliards de recettes nouvelles sont affectés à des apurements de dettes : 5,6 milliards pour la Sécurité sociale, 2,4 milliards pour la construction navale, 700 millions pour compenser des retards de paiement de l'Etat. Et, pour financer les dépenses supplémentaires, le gouvernement Jospin a recours, une fois de plus, à des annulations de crédits d'équipement militaire. Ce projet est aussi celui des occasions manquées par un Gouvernement qui a mangé son pain blanc. Malgré l'optimisme de façade affiché par le ministre de l'économie, les indicateurs économiques traduisent tous un ralentissement. Au troisième trimestre, le taux de croissance trimestrielle est passé de 0,8 % à 0,5 %, il pourrait même s'affaisser à 0,2 %. En septembre, la production industrielle a reculé de 1 % et la consommation de 0,7 % en octobre. Les carnets de commandes se dégarnissent et les programmes d'investissement se resserrent. Selon une étude de l'INSEE, l'investissement stagnerait l'année prochaine, alors que le Gouvernement table sur une progression de 8 %. Il est malheureusement de plus en plus improbable que le taux de croissance atteigne les 2,7 %. Or, moins de croissance, c'est plus de dépenses et moins de recettes. Vous devriez donc vous mettre à revoir dès maintenant le projet de loi de finances pour 1999 ou du moins préparer un collectif budgétaire pour 1999, d'autant que l'inflation prévue ne serait pas de 1,3 % mais de 0,5 % et que de ce fait, le dépenses de l'Etat en francs constants n'augmenteront pas de 1 %, mais de 1,8 %. Pour respecter la norme de progression des dépenses de 1 % qu'il s'est fixée, le Gouvernement devrait donc réduire de 0,8 % le montant des dépenses pour 1999. Votre politique budgétaire est donc mal orientée et les Français commencent à le comprendre : selon BVA, ils sont 47 % à juger votre politique mauvaise, contre 42 % qui la jugent bonne. L'article 21 sur la Société marseillaise de crédit est une parfaite illustration de ce retour en arrière. La Société marseillaise de crédit a été nationalisée par la loi du 11 février 1982. Nous nous y sommes bien opposés, mais en vain. A l'époque, Pierre Mauroy voyait dans la nationalisation "l'une des formes du génie français". M. Philippe Auberger - C'est un poète ! M. Gilbert Gantier - André Labarrère la qualifiait de "cadeau à notre pays". M. Michel Bouvard - Pas pour les contribuables ! M. Gilbert Gantier - Pour François Mitterrand, les entreprises nationalisées étaient "les outils du monde prochain" (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Dix-sept ans après, le bilan est lourd, mais il était prévisible. Je disais déjà à cette tribune, le 14 octobre 1981, que les nationalisations appartenaient au passé et ne sauraient constituer une bonne politique. On serait bien en mal d'en citer de bénéfiques. M. Christian Cuvilliez - EDF-GDF ! France Télécom ! Même Renault ! M. Gilbert Gantier - Nous en reparlerons ! J'annonçais que "le secteur public ne serait en aucun cas une source de croissance et d'emplois". De fait, les entreprises publiques n'ont pas été des pôles de croissance et de progrès. M. Christian Cuvilliez - Mais si, mais si ! M. Gilbert Gantier - Bien au contraire, elles ont licencié encore plus que le secteur privé et elles ont coûté cher aux contribuables. Mon collègue Carrez a rappelé les sommes payées pour acquérir la Société marseillaise de crédit, puis pour la maintenir en vie, enfin pour s'en débarrasser ! Lors des sept dernières années, les entreprises publiques ont été déficitaires, et l'excédent de 1997 résulte uniquement de l'excédent de France Télécom. Pendant la même période, 100 000 emplois ont été supprimés dans le secteur public. Le Crédit Lyonnais est le symbole le plus médiatique de l'échec des nationalisations. Mais, si on prend en compte sa petite taille, la Société marseillaise de crédit bat tous les records. Elle qui compte 2 000 salariés, 162 agences, 17 milliards de francs de dépôts, elle a perdu plus de 3 milliards en 1997. Dans les cinq dernières années, l'Etat l'a recapitalisée à hauteur de 6 milliards. Le 22 octobre dernier, le ministre de l'économie a décidé de la céder à une filiale du CCF pour 10 millions de francs. Comme l'article 21 de ce projet prévoit l'octroi par l'Etat d'une garantie de plus de 400 millions, la Société marseillaise de crédit n'a pas fini de coûter de l'argent au contribuable. Le Gouvernement fait ainsi payer aux Français la facture d'une mauvaise gestion publique et l'incapacité des autorités de tutelle à contrôler les entreprises publiques. Le rapporteur général a d'ailleurs dénoncé "les insupportables insuffisances du contrôle tant des entreprises publiques que des activités bancaires" et mis en cause la direction du Trésor, la commission bancaire, la Cour des comptes et les commissaires au comptes. Si son analyse est juste, il se trompe néanmoins de cibles. Le problème, ce n'est pas le contrôle des entreprises publiques, mais leur possession par l'Etat. Par définition, l'Etat est incapable de veiller au bon développement et à la bonne gestion d'une entreprise. En commission des finances, j'avais déposé un amendement de suppression de cet article 21. Le rapporteur s'y est opposé, mais ensuite il a fait voter cette suppression par la commission. Je comprends mal cette logique, n'étant député que depuis vingt-cinq ans... (Sourires) Les mécanismes de contrôle ne peuvent pas fonctionner pour les entreprises publiques. Nous avons pu le constater avec le Crédit Lyonnais, avec le GAN, avec le Crédit Foncier, et maintenant avec la Société marseillaise de crédit. Les Français ne s'y trompent pas. Ils sont majoritairement favorables, selon le sondage de BVA, à la privatisation du Crédit Lyonnais, d'Air France et de la SNCF. Le parti socialiste est en retard, une fois de plus, par rapport aux évolutions de notre économie. Dans la déclaration finale de sa convention sur l'entreprise, les 21 et 22 novembre dernier, il se prononce pour l'autorisation administrative de licenciement, la restriction des contrats à durée déterminée, le durcissement de la loi sur les 35 heures et contre les fonds de pension. A la différence de plusieurs partis socialistes européens, le PS français demeure profondément étatiste. Ce retard est d'autant plus criant que nous sommes entrés dans un processus de concentration à l'échelle mondiale qui suscite quelques inquiétudes. M. Yves Cochet - Eh bien, c'est le libéralisme ! M. Gilbert Gantier - En quelques semaines, nous avons assisté au mariage de Daimler Mercedes avec Chrysler, au rachat de Bankers Trust par la Deutsche Bank et au rachat par Exon de Mobil. Cette valse mondiale préfigure la course à la productivité qui concerne les principales firmes mondiales. Or, dans ce combat de titans, la France ne semble pas très bien placée. Le premier groupe français n'occupe, en effet, que la 18ème place dans le monde. A force de nous enfermer dans nos "exceptions" qui ne sont que des archaïsmes, nous risquons d'être définitivement exclus de la compétition mondiale. C'est la raison pour laquelle le groupe DL votera contre ce collectif budgétaire, qui organise le gaspillage des fruits de la croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). M. Jean-Louis Idiart - Ce projet s'inscrit très clairement dans les orientations définies par le Premier ministre et correspond aux voeux de la majorité des Français : réduire les déficits publics et servir la croissance, l'emploi et la solidarité. Cette politique de bon sens est opposée aux dogmes du libéralisme prôné par les gouvernements précédents. Ses effets se sont fait immédiatement sentir, comme en témoigne cette loi de finances rectificative. La partie recettes, d'ordinaire riche de "mesures nouvelles", est cette année réduite à sa plus simple expression. Cette année 1998 aura vu une croissance de 3,1 %, supérieure aux prévisions, et le déficit est tombé au-dessous de 3 % du PIB. Cela témoigne à la fois de la confiance retrouvée et de l'esprit de responsabilité du Gouvernement. Les 30,8 milliards de dépenses nouvelles portent essentiellement sur la solidarité -augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, baisse des cotisations sur les bas salaires, revalorisation des allocations de chômage et du RMI-, sur la sécurité -moyens de fonctionnement de la police, programme ACROPOL, rénovation des commissariats etc.- et sur les aides à certaines industries en difficulté -GIAT, construction navale, etc. Nous adhérons à toutes ces mesures. Toutefois, trois dispositions de ce texte appellent quelques éclaircissements de votre part, Monsieur le ministre : l'affectation de la redevance pour la télévision, la garantie de l'Etat sur la cession de la SMC et la réforme du droit de bail. Votre texte ne précise pas l'affectation de 71,5 millions issus de la redevance télévision. Notre devoir est de ne faire aucune concession sur la transparence de cette affectation. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement répartissant cette somme entre les trois chaînes publiques. La commission a voté contre l'article 21, par lequel l'Etat accorde, pour 435 millions, sa garantie à la banque Chaix à raison des préjudices qu'elle subirait du fait de la cession de la Société marseillaise de crédit. Nous ne l'avons pas fait pour des raisons de fond : les gouvernements précédents avaient tardé à régler le problème... M. Michel Bouvard - Il fallait ne pas l'acheter ! M. Jean-Louis Idiart - Vous avez laissé dégénérer la situation pendant quatre ans : nous, nous prenons nos responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Nous approuvons le principe de cette garantie, mais nous n'accepterons jamais que l'administration tarde à informer les parlementaires : d'où notre vote. Cela étant, vous nous avez donné des éclaircissements convaincants, Monsieur le secrétaire d'Etat et les compléterez tout à l'heure. A l'article 11 enfin, la réforme du droit de bail et de la taxe additionnelle constitue, à première vue, une simplification administrative : il n'y aura plus à porter les revenus tirés de locations immobilières sur une déclaration spécifique. Cependant, venant après la simplification relative à la TVA payée par les micro-entreprises, celle-ci a forcément des incidences sur l'organisation de l'administration fiscale. Or la "modernisation" de celle-ci se fait de façon trop classique, trop verticale, sans concertation avec l'extérieur, notamment quant aux incidences qu'elle peut avoir pour les territoires. M. Michel Bouvard - Exact ! M. Jean-Louis Idiart - L'administration s'éloigne ainsi des contribuables se repliant sur elle-même et négligeant les réalités humaines, au rebours de ce que devrait faire une administration réellement moderne. Les réformes et les simplifications que nous votons ne doivent pas servir à de simples transformations internes. Sous ces réserves, cette loi de finances rectificative est conforme aux engagements que nous avions pris envers les Français en juin 1997 et le groupe socialiste le votera donc (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Philippe Auberger - Faire le point sur la conjoncture économique n'est pas hors sujet, quoi que vous en disiez, Monsieur le secrétaire d'Etat : apprécier la situation en cette fin d'année nous permettra de dire si les prévisions que vous faisiez il y a deux mois pour 1999 ont quelque chance de se réaliser. Or il faut bien constater que ce que le ministre de l'économie qualifiait il y a quelques semaines de sornettes prend de la consistance : la croissance est en train de se ralentir. Mais il est vrai que le Gouvernement n'en est plus à un cafouillage près... A défaut d'aller à Canossa, M. Strauss-Kahn est d'ailleurs venu à repentance hier : il a reconnu que nous n'étions plus sur la trajectoire des 2,7 % de croissance. Les derniers chiffres de la comptabilité nationale confirment ce retournement de la conjoncture : après avoir été de 0,7 % au premier trimestre et de 0,8 % au deuxième, la croissance n'était plus que de 0,5 % au troisième, au lieu des 0,9 % prévus en octobre encore. L'erreur est du double au simple ! Si l'on prend en compte le nombre de jours ouvrables, on tombe même à 0,2 ou 0,3 %. Les perspectives sont très inquiétantes en ce qui concerne les investissements des entreprises : la progression, qui était de 2,5 % au premier trimestre, a été ramenée à 1,6 % au deuxième et à 0,9 % au troisième. Selon la dernière enquête, ces investissements pourraient être étaler l'an prochain, alors qu'il y a trois mois, vous annonciez qu'ils croîtraient de 9 % ! Si donc les 3 % de croissance sont à peu près assurés pour 1998, il vous faut revoir totalement vos prévisions pour l'an prochain. D'autre part, il semble peu réaliste de penser que l'inflation va compenser le défaut de croissance. On peut certes se réjouir que les recettes fiscales dépassent ce qui était prévu, mais on le doit pour l'essentiel à la bonne tenue de la consommation, qui a crû de 3 %, au lieu des 2 % attendus. Vous avez évalué les plus-values de TVA à 12 milliards et l'estimation est même prudente, mais il faut bien voir que cela se traduit par une aggravation de la pression fiscale, aggravation que vous ne voulez pas reconnaître. Contrairement à tous vos engagements, les prélèvements obligatoires ne diminueront pas en 1998 ! A l'automne 1997 puis lors de la dernière discussion budgétaire, vous aviez annoncé que les prélèvements sociaux seraient stabilisés à 22,3 %, que ceux de l'Etat passeraient de 15,2 à 15 % et ceux des collectivités de 7,2 à 7,1 %. Or les premiers seront plus élevés que prévu, en raison d'une sous-estimation des effets de l'extension de la CSG ; compte tenu de 12 milliards de plus-values et d'une moindre progression du PIB en valeur, les seconds seront au mieux étalés, s'ils ne progressent pas légèrement ; enfin, selon la dernière note de conjoncture de la DGCL, le produit de la fiscalité locale a crû de 3,9 %, cependant que le PIB devrait augmenter de 4 ou 4,1 % : le poids de ces prélèvements ne devrait donc pas diminuer. Au total, on aura une nouvelle fois trompé les Français. En 1997, alors qu'on annonçait une stabilisation, les prélèvements fiscaux ont battu un record historique, s'établissant à 46,3 %. Vous allez pourtant poursuivre sur la lancée, en 1998 mais aussi en 1999 puisque les recettes de l'Etat augmenteront alors de 62 milliards, soit de 4,3 %, alors que le PIB ne croîtra que de 3,5 ou 3,6 %, probablement. L'essentiel des 14 milliards de recettes supplémentaires sera consacré à des dépenses nouvelles : 3,3 milliards seulement iront à la réduction du déficit. Une fois de plus, vous privilégiez délibérément la dépense, alors que l'endettement public, de 58,1 % du PIB en 1997, passera à 58,2 % en 1998 et à 58,7 % en 1999. Le seuil des 60 % risque d'être atteint rapidement. De surcroît, le fait de consacrer plus de 10 milliards à des dépenses nouvelles remet en cause les arbitrages intervenus lors de la loi de finances initiale pour 1998 : ces dépenses ne devraient pas augmenter de plus de 21 milliards, soit de 1,36 %. En fait, elles progresseront de moitié plus, soit de plus de 2 % ! Beaucoup de dépenses n'ont pas leur place dans un collectif de fin d'année : ainsi, la fameuse majoration de l'allocation de rentrée scolaire, inscrite ici pour 5,7 milliards, était annoncée à l'automne dernier et aurait donc dû figurer dans la loi de finances initiale. Le milliard demandé pour le recensement général de l'an prochain devrait, lui, être porté dans la loi de finances pour 1999. De même, les 450 millions d'indemnisation des commissaires-priseurs : le texte qui décidera la mesure n'a pas encore été examiné. Etait-ce si urgent de prévoir 161 millions pour la célébration de l'an 2000 ou d'inscrire des crédits d'investissement pour des immeubles diplomatiques ? Ce sont au total 10 milliards de dépenses qui n'avaient pas leur place ici. Tout cela témoigne d'une gestion bien laxiste, à un moment où les Français ont bien du mal à acquitter leurs impôts. Le Parlement a été traité de manière très désinvolte. Alors que le FMI engage des sommes de plus en plus importantes pour faire face aux crises de paiement de la Russie et des pays d'Amérique latine et d'Asie, alors que ses actions structurelles sont de plus en plus contestées, on nous demande d'augmenter ses ressources, sans nous apporter aucune garantie sur l'utilisation des fonds. Tandis que le Congrès américain a discuté pendant dix mois de l'augmentation de la quote-part américaine, qui n'a été accordée qu'assortie de conditions draconiennes, on prétend en France procéder au détour d'un collectif... Il y a un fossé entre la démocratie américaine et la démocratie française. De même, on a pris l'habitude d'annuler les dettes des pays surendettés sans en informer le Parlement autrement qu'a posteriori. Ainsi, vous nous demandez d'augmenter les prêts aux pays endettés auprès de la France, sans information préalable. Quant aux reversements sur provisions de la COFACE, ils ont fondu entre septembre et novembre, sans qu'aucune explication nous soit fournie. Dans le passé pourtant, les socialistes nous ont régulièrement demandé d'augmenter substantiellement les dotations de la COFACE. Pour tout ce qui concerne nos interventions extérieures, votre désinvolture confine à l'irresponsabilité. Le groupe RPR ne peut accepter ce collectif (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. le Président - Je vous propose de prolonger cette séance jusqu'à 20 heures pour terminer la discussion générale. La séance de ce soir pourrait commencer après 21 heures. M. Christian Cuvilliez - Monsieur le ministre, je suis surpris que ce collectif ne porte que sur 30 milliards alors que la marge de manoeuvre dans laquelle vous nous proposez de faire évoluer le projet de loi de finances pour 1999 est de 75 milliards dont le tiers est intangible puisqu'il servira à réduire le déficit à 2,3 % pour nous conformer aux critères de convergence. 30 milliards de francs d'un côté, 50 milliards de l'autre. Ma surprise est d'autant plus grande que ces 30 milliards ont été dégagés par le Gouvernement en cours d'exercice, sans que le Parlement ait à en débattre. Ce n'est pourtant pas nous, communistes, qui vous aurions fait grief de consacrer 8 milliards à des interventions sociales aussi nécessaires que le renouvellement de l'allocation de rentrée scolaire pour les familles, la nouvelle allocation pour les chômeurs âgés ou l'abondement de l'enveloppe consacrée au RMI. Tout au plus, si nous avions été consultés, aurions-nous demandé davantage. L'opposition en aurait fait des gorges chaudes, mais vous y auriez peut-être souscrit. Au lieu de cela, il nous est demandé de constater et d'entériner les décisions prises. Quand je songe au tintamarre que font certains parlementaires à propos de la révision constitutionnelle et de l'article 88-4, en exigeant un droit de contrôle du Parlement sur les directives européennes, je me dis que peut-être, dans notre propre maison, il y aurait lieu de renforcer notre pouvoir. Je ne parle pas de ces dépenses obligées que constituent l'apurement des dettes de l'Etat et la compensation de la baisse des droits de mutation. En revanche, on peut s'interroger sur les 10 milliards d'abondement et les 20 milliards d'économies qui affectent les dotations de plusieurs ministères. Quand on sait combien les redéploiements ont été douloureusement ressentis à la Culture et à la Défense, ne fallait-il pas nous consulter avant de procéder à tout arbitrage ou de geler 3,3 milliards au nom de la lutte contre les déficits ? Nous avons déjà donné notre point de vue sur cette manière, peu contraignante pour les marchés financiers, de lutter contre l'endettement de l'Etat. Nous préférerions que soient dégagées des ressources nouvelles en approfondissant la réforme fiscale ou en levant un emprunt obligatoire qui mette à contribution ceux qui tirent profit de l'endettement public. Vous répondrez qu'en évitant ce débat délicat, vous nous épargnez un discours incantatoire et dénué de portée. Il suffirait pourtant que la majorité plurielle se décide, pour qu'il en aille autrement. Puisque nous disposons d'un excédent de recettes, pourquoi ne pas le consacrer à soutenir la croissance ? Mon groupe s'apprêtait à profiter des fenêtres ouvertes dans notre ordre du jour pour déposer une proposition relative aux conditions d'admission à la retraite, avec l'assentiment du groupe ami. On nous a opposé l'article 40, alors que notre proposition coûterait tout juste 2 à 2,5 milliards. Le gel en début d'année de dépenses programmées et votées par le Parlement, de même que les annulations de crédits en cours d'exercice sont des pratiques à proscrire. Il y va du respect des engagements pris par le Parlement comme de la crédibilité de certains des membres du Gouvernement. On nous dit souvent : "Bercy met son veto" "Bercy ne l'entend pas de cette oreille", Bercy ceci, Bercy cela... Je vous pose donc la question, Monsieur le secrétaire d'Etat : Bercy est-ce l'arbitre des élégances, ou une école de lycanthropie ? (Sourires) J'imagine assez bien la discussion que nous aurions pu avoir en janvier dernier, quand les associations de chômeurs demandaient l'augmentation des minima sociaux, ce qu'elles n'ont cessé de faire depuis et qu'elles s'apprêtent à redemander avec force à l'approche des fêtes de fin d'année. J'imagine assez bien l'arbitrage que nous aurions pu rendre, entre annulations ou réaffectations de crédits. En tout cas, je souhaite qu'en 1999, sauf nécessité impérieuse et déclarée, il n'y ait pas de gels de crédits qui ne soient d'abord soumis à l'appréciation de l'Assemblée. Cette demande me paraît d'autant plus justifiée que de toutes parts, on voit se modifier les pronostics sur l'évolution de la crise financière, dont la propagation serait pour le moment contrôlée dans les pays du G7, mais dont les ravages économiques et sociaux en Russie, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine sont considérables et peut-être contagieux. Dans une de ses réponses aux questions d'actualité, M. Dominique Strauss-Kahn a attisé nos craintes en affirmant que 1998 serait la meilleure année budgétaire de la législature. Il serait donc dangereux d'admettre que, par gel, redéploiement ou restrictions de crédits, on puisse nous enlever les moyens budgétaires encore ouverts pour soutenir la croissance et la consommation intérieure. Ce serait revenir aux politiques d'austérité rejetées par nos concitoyens en 1997. Ce serait donner satisfaction à la droite et à tous les néo-libéraux qui nient et qui sapent l'autorité des Etats pour rétablir à l'échelle mondiale le "laisser-faire, laisser-passer" archaïque, ce serait cautionner la doctrine scandaleuse du FMI et de la Banque mondiale, pour qui la dépense publique, et donc la dépense sociale, doivent nécessairement être réduites. Il nous demande d'abonder la contribution de la France au FMI de 27 milliards. On nous explique doctement que cette opération sera neutre, puisque la France récupérera en droits de tirage spéciaux le montant de sa contribution. Cependant ces 27 milliards sont inscrits en dépenses, mais les DTS font l'objet d'une créance. Dans ces conditions, je ne suis pas certain que l'opération soit aussi neutre que cela. Pouvons-nous, par les DTS dont nous disposons, soustraire le FMI à l'influence des marchés financiers et des Etats-Unis ? A l'heure où certains mettent en cause la légitimité du FMI, quelle influence pouvons-nous exercer pour que la coopération financière soit orientée vers le soutien au développement de l'économie réelle et de l'emploi ? Quel rôle le Parlement peut-il espérer jouer dans la détermination de l'utilisation des DTS et de notre stratégie générale à l'égard du FMI ? Nous avons appris ce matin que, suite à vos efforts et à ceux de M. Schröder auprès de la nouvelle Banque centrale européenne, gardienne de l'orthodoxie monétariste, les taux d'intérêt allaient baisser. Est-ce le résultat de votre action ? Est-ce une nécessité ? En tout cas, dans un contexte de crise, la baisse des taux peut stimuler la croissance. C'est Jacques Delors qui, évoquant la persistance de facteurs explosifs comme le rétrécissement du crédit ou l'effondrement des cours des matières premières, a estimé que seule une croissance forte en Europe peut nous permettre d'éviter un nouveau krach. Nous proposons que la monnaie et le crédit devienne des instruments non plus de prédation, mais d'incitation à la croissance et à l'embauche. Il faut en finir avec les schémas conformistes des réseaux financiers. Le projet de marché paneuropéen des actions devrait nous inciter à renforcer le pôle public bancaire, éventuellement européen, pour donner à la monnaie et au crédit leurs véritables fonctions d'outils de développement et de progrès social. Est-ce bien le moment pour les banques centrales françaises et allemandes de ne chercher qu'à harmoniser les taux, alors que l'urgence commande de les baisser et d'orienter le crédit vers la formation, l'emploi, la création et le développement d'activités de productions et de services ? A ce propos, je déplore que le projet de restructuration des caisses d'épargne sur lequel nous avons exprimé des désaccords ait été déposé hier devant le conseil des ministres. Que devient, dans ces conditions, l'engagement de débattre de la constitution d'un pôle public bancaire, sur la foi duquel nous avions renoncé à opposer une motion d'irrecevabilité à l'article 36 de la loi de finances pour 1999 relatif au prélèvement de 5 milliards sur les réserves des caisses d'épargne ? Et, surtout, que devient ce projet de pôle public réunissant les caisses d'épargne, le CCF, le Crédit Lyonnais et les autres éléments du système bancaire national ? Faute de temps, je passe sur l'audiovisuel. D'une manière générale, l'examen du présent projet révèle les mêmes insuffisances que celui du projet de loi de finances pour 1999 qui doit nous être soumis en deuxième lecture. Dans les deux cas, la discussion reste formelle. Des améliorations significatives pourraient être apportées en deuxième lecture. C'est pourquoi le groupe communiste ne fera pas de ce collectif budgétaire un ferment de division de la majorité plurielle. Toutefois, nos questions appellent les réponses et même des actes. Ce n'est pas pour nous-mêmes que nous voulons être entendus comme composante à part entière de la majorité, mais parce que nous ne faisons qu'exprimer les attentes et les revendications de ceux qui luttent -journalistes, professionnels des médias, cheminots, enseignants, lycéens, ouvriers menacés de licenciement, chômeurs. C'est pour eux que nous devons donner de la consistance à nos projets. M. Gérard Bapt et M. Yves Cochet - Très bien ! M. Jean-Jacques Jegou - J'avais cru être précédé à cette tribune par un orateur de la majorité plurielle, mais rien dans ce projet n'a semblé trouver grâce à ses yeux, au point que je vois mal, Monsieur le secrétaire d'Etat, comment vos alliés communistes pourront le voter ! L'avenir nous réserve peut-être des surprises. Cela dit, une croissance qui s'essouffle, des dépenses qui progressent, un déficit qui ne se réduit guère malgré des excédents de rentrées fiscales, tel est le contexte dans lequel s'inscrivent la loi de finances pour 1999, et ce collectif. S'agissant de la loi de finances, vous aviez quelques excuses : au moment des arbitrages budgétaires, en juillet 1998, la croissance était forte. Hélas, elle s'est ralentie depuis quelques semaines, et risque d'être inférieure aux 2,7 % que vous avez prévus pour 1999. Alors que l'objet principal de ce collectif semble être de continuer à accroître les dépenses, d'autres choix auraient été plus judicieux. En effet, si la tendance actuelle persistait ou, pire, s'aggravait, on pourrait vous demander, dans quelques mois : "Que faisiez-vous aux temps chauds ? Je dépensais, et bien taxez maintenant !" (Sourires) Ou, si vous préférez une métaphore empruntée à la voile, quand on traverse un grain, il faut réduire la toile. Or, ce grain, nous risquons d'avoir à l'essuyer en 1999, si l'on en croit les articles des journaux financiers, en particulier les prévisions sectorielles publiées dans Les Echos d'hier, à propos des biens intermédiaires, des biens d'équipement et de consommation. Peut-être la construction gardera-t-elle un certain dynamisme, mais il n'est dû qu'aux acquéreurs qui se bousculent pour profiter de la loi Périssol avant sa suppression. Il est, du reste, regrettable de mettre fin à ce problème, véritable "booster" de la construction. M. le Secrétaire d'Etat - Pour les résidences secondaires de luxe ! M. Jean-Jacques Jegou - C'est faux. Dans ma ville, qui n'est pas spécialement favorisée, l'amortissement Périssol a permis à de jeunes couples d'acheter à des conditions intéressantes. M. le Secrétaire d'Etat - M. Besson a prévu un dispositif de remplacement. M. Jean-Jacques Jegou - Nous verrons ce que nous proposera M. Besson. Quoi qu'il en soit, si nous sommes sur la tangente des critères de Maastricht, -c'est bien le moins à vingt-neuf jours de l'euro-, nous restons bons derniers de la classe avec 2,9 % de déficit, soit loin derrière l'Espagne ou l'Allemagne et de l'Italie. N'est-ce pas contradictoire avec votre volonté que la France soit le moteur de l'Europe ? Pour revenir au collectif, avec 11 milliards de recettes fiscales supplémentaires, 1,6 milliard de recettes non fiscales et 1,3 milliard de baisse des prélèvements sur recettes des collectivités locales -FCTVA-, ce sont près de 14 milliards de marges supplémentaires pour le budget de l'Etat. Pour ce qui est du FCTVA, il est un peu cynique, de la part du Gouvernement, de parler d'une absence de dynamisme qui résulte précisément du fait que l'Etat "chipote" depuis plusieurs années sur les dépenses d'investissement qui donnent lieu à remboursement de TVA. Je m'en voudrais d'oublier les 14,8 milliards d'annulations de crédits, que vous avez pratiqués méconnaissant ainsi les décisions du Parlement, mais c'est une habitude. M. Christian Cuvilliez - Une mauvaise habitude ! M. Jean-Jacques Jegou - En fait, vous modifiez vous-même ce que vous avez décidé ! Ce qui prouve bien que vous avez des marges de manoeuvre. Que dire des psychodrames qui ont lieu sous tous les gouvernements, chaque fois qu'un parlementaire tente de supprimer ou de déplacer 1 milliard ! Le Gouvernement considère, en fait, le Parlement comme un incapable majeur, lui-même ayant toujours raison, ayant tous les droits. Non seulement, les décisions du Parlement ne sont pas respectées, mais son pouvoir de contrôle est inexistant ! Bref, les recettes supplémentaires que j'ai énumérées ne serviront pas à réduire significativement le déficit, qui est seulement ramené de 257,9 milliards à 254,6 milliards de francs ! Ces recettes n'auraient-elles pu être utilisées pour abaisser les impôts des ménages ou des entreprises ? Croiriez-vous que les Français qui paient des impôts ne font pas partie de votre électorat ? Ce collectif illustre bien la formule "trop d'impôt tue l'impôt". En effet, alors que vous avez ajouté à l'impôt sur les sociétés une contribution temporaire de 15 % l'an dernier, vous enregistrez un manque à gagner de 8 milliards ! En fait, les bonnes rentrées fiscales viennent de la TVA encaissée grâce à une augmentation de la consommation des ménages, alors que les entreprises ont réduit la toile, pour poursuivre une métaphore maritime, parce qu'elles savaient qu'elles auraient à acquitter beaucoup d'impôt. D'autre part, la politique menée à l'égard de la fonction publique a abouti à couper les Français en deux catégories. Il y a quelques années, être fonctionnaire présentait le double avantage d'échapper au chômage et d'être assuré d'une bonne retraite, au prix de salaires moins intéressants que ceux du privé. Tel n'est plus le cas aujourd'hui, si j'en juge par les informations de Bercy, selon lesquelles "le salaire net médian des fonctionnaires est supérieur de 32 % à celui des salariés du privé" -11 330 F pour les fonctionnaires contre 8 600 F pour la salariés du privé. Bref, les fonctionnaires sont désormais mieux rémunérés, ils ont un emploi plus sûr, et la garantie d'une bonne retraite, sans même parler du système PREFON dont eux seuls bénéficient. En revanche, les salariés du secteur privé, exposés à la précarité de l'emploi, voient leur pouvoir d'achat diminuer sous l'effet des prélèvements croissants que l'Etat effectue pour financer une fonction publique pléthorique et un système de retraite qui s'effondre. Ils ne bénéficient même pas d'un système de retraite par capitalisation, faute d'accord sur ce sujet au sein de la majorité plurielle. Actuellement, la fonction publique représente 41 % du budget de l'Etat, excusez du peu, soit 18 milliards de plus que l'année dernière, avec l'accord salarial du 10 février dernier qui coûtera 9,5 milliards en 1999 et 23,3 milliards en 2000 ! Ces chiffres s'expliquent par l'augmentation des rémunérations des fonctionnaires -3,4 % en 1999- mais aussi parce que l'Etat compte aujourd'hui pas moins de 40 000 fonctionnaires supplémentaires depuis 1990. Le contribuable français appréciera, d'autant que l'on s'attend à un rapport l'an prochain faisant état de la dérive du coût de la fonction publique et des dettes de l'Etat hors budget. La seule politique responsable consisterait d'abord à baisser les déficits, et ensuite à faire partager par tous les fruits de la croissance, et pas seulement à une catégorie de Français. Cela suppose de redonner du pouvoir d'achat aux salariés du privé en diminuant leurs prélèvements, et en leur construisant le plut tôt possible un système de retraite satisfaisant. Ce collectif est déterminé par l'augmentation des dépenses, sans doute pour payer une partie des promesses faites ces derniers mois. Cependant le groupe UDF ne conteste pas toutes ces dépenses, en particulier celles qui sont productives ou créatrices d'emplois, comme les 5,6 milliards de la ristourne dégressive sur les bas salaires. Mais qu'en est-il de la baisse des charges patronales, seule base valable d'une véritable reprise de l'embauche ? Car ce n'est 5 pauvres milliards qu'il aurait fallu y consacrer, mais trois ou quatre fois plus. On peut cependant espérer que vous évoluez puisque Mme Aubry élabore un projet allant dans ce sens. A part l'allocation de rentrée scolaire ou le plan d'urgence en faveur des lycées, toutes les autres dépenses nous paraissent superflues, particulièrement dans la période que nous traversons. S'agissant de la Société marseillaise de crédit, les contribuables, un peu plus de quinze ans après, doivent payer au prix fort une nationalisation désastreuse. Aujourd'hui, cet établissement est bradé à 10 millions, et comme le dit très justement notre rapporteur : "Le dossier de la SMC illustre de nouveau les insuffisances insupportables du contrôle tant des entreprises publiques que des activités bancaires dans notre pays". A mon sens, c'est tout le contrôle de la dépense publique qui est insuffisant. Ce collectif apporte la garantie de l'Etat à hauteur de 435 millions, pour clore enfin cette mauvaise affaire. Mais l'article du projet est fort imprécis En conclusion, j'émets le voeu de voir le Gouvernement revenir à la réalité : celle du déficit de l'Etat qu'il faut réduire, celle aussi du manque d'énergie de notre pays du fait de prélèvements beaucoup trop importants pour décider les employeurs à embaucher. En attendant, le groupe UDF se prononcera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). M. Yves Cochet - L'augmentation régulière de la quote-part de la France au FMI se trouve inscrite dans le collectif : cette procédure fait d'ordinaire l'objet d'un projet de loi à part entière, dont le rapporteur est généralement le président de la commission des finances. Notre rapporteur général y a consacré près de 40 pages de son rapport, en compensation, pourrait-on dire, du débat qui n'a pas eu lieu. Car le FMI mérite un vrai débat de fond, sur la base d'un rapport annuel du Parlement. On ne peut continuer à contribuer à hauteur de 27 milliards sans en débattre. Quid des rapports entre le FMI, la spéculation et l'économie réelle ? Tout à l'heure, M. Auberger citait la démocratie américaine en exemple. Or qu'il s'agisse du directeur général de Soros investissment fund, du senior vice-président de la Fed, ou encore du secrétaire général adjoint aux affaires économiques pour l'ONU, que j'ai rencontrés récemment à New York, chacun s'accorde sur le fait qu'il existe un découplage complet entre la sphère financière et l'économie réelle. L'inflation spéculative, qui n'a plus rien à voir avec les bases fondamentales de l'économie, n'a pas contribué à la croissance de cette dernière, tandis que les investissements ont un comportement irrationnel. Il convient de le souligner : les marchés ne reflètent pas en permanence l'état de l'économie, comme voudrait le faire croire la théorie néo-libérale qui est en fait une fable idéologique. La France est-elle capable de proposer une réforme des statuts et du fonctionnement du FMI ? En premier lieu, il faudrait que l'éligibilité au FMI soit corrélée à l'application de la taxe Tobin, que chaque Etat devrait mettre en oeuvre. Le FMI devrait d'ailleurs cesser de collaborer avec ce que M. Jacques Attali -qui fut un temps banquier (Murmures sur les bancs du groupe du RPR)- appelle "économie de la panique". Les Etats-Unis se sont servis du FMI pour forcer les pays asiatiques à ouvrir leurs frontières -on a vu le résultat... Permettez-moi de vous signaler, Monsieur Auberger, qu'aux Etats-Unis, il y a 50 millions d'illettrés, soit 20 % de la population ; 90 millions de jeunes n'atteignent pas la fin des études primaires. Quel exemple ! En deuxième lieu, il convient de se pencher sur un "aléa moral" qui est en vérité une défaillance en matière de prévention, d'expertise et de transparence. Le rapporteur propose à juste titre de renforcer la politique en créant un organe collégial de décision, en mettant en place une gestion préventive des crises, et en améliorant les règles prudentielles nationales. Enfin, il convient de proposer une nouvelle forme d'action du FMI, consistant à encourager le micro-crédit, de manière à aider le développement local, au lieu de déstabiliser les pays du Sud par l'ajustement structurel à l'échelon des Etats. J'en viens plus directement au collectif budgétaire, et j'y observe que plus de 50 % des économies budgétaires sont réalisées sur le budget de l'emploi et de la solidarité. N'est-il pas paradoxal de voir un tel budget diminuer de 5,56 % ? Sur les 7,5 millions d'économies réalisées, 5,62 milliards sont redéployés. Mais d'où viennent ces 7,9 milliards ? Essentiellement du fonds national pour l'emploi, puisque l'on comptabilise 350 000 emplois-solidarité au lieu des 500 000 prévus. Je voudrais d'ailleurs évoquer la suppression et le remplacement de ces CES qui ont démontré leur inefficacité. Dans les collectivités territoriales et les établissements publics, il faudrait revenir aux fonctionnaires titulaires et aux contractuels standard. Dans le secteur privé à but non lucratif, il faudrait promouvoir un tiers secteur d'utilité sociale et écologique, subventionné par l'Etat à hauteur du RMI et dispensé de cotisations sociales, réservé aux organisations à but non lucratif. Les CES pourraient être transformés en postes de contractuels ou relever de ce statut du tiers secteur. Les 5,62 milliards redéployés via une dotation budgétaire aux charges communes destinée à la politique de l'emploi iront ainsi à l'allègement des charges sociales pour les entreprises, intégralement compensé par l'Etat. Mais, puisque c'est votre ministère qui contrôle ce chapitre et non Mme Aubry, pouvez-vous nous dire pour combien d'emplois créés ? Fortement augmentées en 1993 par M. Balladur, les exonérations de charges atteignent 50 milliards par an pour, selon une évaluation bien imprécise de 1996, 40 à 200 000 créations d'emplois. Mieux vaudrait selon nous utiliser ces crédits pour relever les minima sociaux, ce qui relancerait de 1 % la consommation des ménages en entraînerait dans un cercle vertueux toute l'économie, les entreprises ayant un besoin immédiat de 170 000 embauches pour satisfaire la demande. Il s'agirait ainsi d'emplois réels alors que les emplois prétendument créés par les allègements de charges sont virtuels. M. Jean-Jacques Jegou - Parce que les allègements sont virtuels ! M. Yves Cochet - Efficacité économique et justice sociale iraient ainsi enfin de pair. Nous pensons vraiment que les marges de manoeuvre dégagées par la bonne croissance auraient dû être consacrées à un effort en faveur des minima sociaux. Nous souhaitons aller vers un revenu social universel -l'insertion ne concerne que 20 % des bénéficiaires du RMI- étendu aux 18-25 ans et incluant la gratuité des transports, la simplification des démarches, l'allocation logement. Autre dossier auquel nous attachons une grande importance, nous l'avons montré lors du débat sur l'exclusion, le surendettement. Face à un nombre croissant de dossiers, il faut augmenter les moyens humains, afin d'en accélérer le traitement. Cela vaut aussi pour les dossiers de naturalisation. Sous réserve de ces observations, les députés verts voteront ce collectif. M. Christian Cuvilliez - Très bien ! M. Gérard Bapt - Le collectif de fin d'année permet de financer des dépenses non prévues et d'ajuster et de redéployer des crédits. Cette année, les dépenses nouvelles atteignent 30,8 milliards, financés pour moitié par des annulations-redéploiements, et pour moitié par une diminution des charges de la dette et par le surplus de recettes. La loi de finances initiale avait été construite avec une hypothèse de croissance de 3 %, le résultat final sera de l'ordre de 3,1 %, les recettes de l'Etat augmentant ainsi de 13,9 milliards. Je limiterai mon intervention au budget de l'emploi et de la solidarité. Les dépenses consacrées au RMI sont ajustées à la hausse de 900 millions pour répondre aux besoins en année pleine, même si le nombre des allocataires concernés croît maintenant moins vite. Les dépenses nouvelles portent sur d'importants engagements sociaux : 5,7 milliards pour la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, 960 millions pour la revalorisation des allocations de chômage et de solidarité, ce qui correspond à l'engagement d'indexation des minima sociaux pris par le Premier ministre. J'insisterai surtout sur les dépenses nouvelles inscrites au titre de la ristourne dégressive sur les charges sociales patronales, qui s'élèvent à 5,620 milliards. Les besoins seront supérieurs de 2,7 milliards à la prévision, en outre des arriérés datant de la gestion du gouvernement précédent doivent être apurés auprès de l'ACOSS, pour près de 3 milliards. Alors que l'opposition reproche sans cesse au Gouvernement de ne pas faire assez pour l'allégement des charges sociales patronales sur les bas salaires, ce collectif ajuste les dépenses aux besoins de l'exercice 1998, et prend en charge celles que le gouvernement Juppé n'avait pas financées... Il apparaît toutefois nécessaire de réformer l'assiette de ces charges dans un sens plus favorable à l'emploi et de corriger l'effet pervers de trappe à bas salaires de l'effet de seuil qui se manifeste à 1,3 fois le SMIC. Toutes les pistes doivent être explorées, y compris celle d'un transfert de tout ou partie de ces cotisations sur une assiette constituée par la valeur ajoutée par l'entreprise. M. Yves Cochet - Très bien ! M. Gérard Bapt - La piste valeur ajoutée semblait, ces dernières semaines, devoir être abandonnée au profit d'une modulation des taux. Mais celle-ci peut aussi présenter des effets pervers et le rapport Malinvaud lui-même n'exclut pas totalement la piste valeur ajoutée. Au titre du budget de l'emploi, 7,720 milliards concernent des annulations de crédits au titre du CIE et du chapitre préretraites. La baisse de consommation des crédits CIE est due à son recentrage vers les publics les plus en difficulté : chômeurs de longue durée, titulaires de minima sociaux, handicapés, personnes de plus de 50 ans ou jeunes de faible qualification. Le chapitre préretraites -notamment les allocations spéciales du FNE et les préretraites progressives- permet des annulations de crédits en rapport à la fois avec l'amélioration de la situation économique, mais aussi avec la volonté du Gouvernement de mieux gérer les effectifs lorsque cette gestion est financée sur fonds publics. La polémique sur la diminution des crédits inscrits aux mêmes chapitres de la loi de finances initiale pour 1999 était donc bien artificielle. Au total, la balance de ce collectif est positive de 500 millions pour le budget emploi et solidarité, ce que confirme la priorité donnée par le Gouvernement à l'emploi et à la solidarité. Un mot enfin, concernant la dépense nouvelle de 100 millions inscrite au chapitre "rapatriés". Elle s'ajoute aux 135 milliards déjà inscrits à l'article 46-03 de la loi de finances initiale. Ces crédits feront l'objet de reports, puisque la liquidation de ces dossiers ne se fera pas en 1998 ne serait-ce que parce que la commission nationale, qui doit prendre le relais des commissions départementales, n'est pas encore créée. Les crédits pourront donc être réexaminés, au vu de leur consommation, au cours du prochain exercice. Il faut aujourd'hui retenir la signification politique de cet abondement, d'ailleurs réclamé par le rapporteur spécial de la commission des finances, dont on ne peut donc que s'étonner qu'il ait tout à l'heure éprouvé le besoin de défendre une exception d'irrecevabilité contre ce collectif... Le 9 novembre, Mme la ministre de la solidarité s'est engagée à solder définitivement les 300 derniers dossiers de désendettement en instance de rapatriés réinstallés dans une profession non salariée. Des amendements seront présentés pour améliorer ce traitement, je ne doute pas qu'ils recevront un avis favorable du Gouvernement. C'est dans le même esprit constructif que le groupe socialiste votera ce collectif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). La discussion générale est close. M. le Secrétaire d'Etat - M. Gantier clamant "Déficit ! Déficit" me rappelait ce personnage de Molière réclamant "La saignée ! La saignée !" (Sourires). Nous sommes parvenus à une médecine moins primitive... Quant aux crédits militaires, il n'y aura pas en 1998 de difficultés en matière d'investissement. M. Idiart a employé des termes excellents, parlant de "texte concret, de valeur, attendu par nos concitoyens". Il m'a interrogé sur l'affectation de la redevance télé. Nous aurons l'occasion d'en reparler, de façon positive. Je reconnais, au nom du Gouvernement, que nous aurions dû informer plus rapidement la commission des finances à propos de la SMC. M. Idiart a en outre souligné l'importance de l'effort proposé par le Gouvernement pour alléger les formulaires fiscaux des entreprises et des particuliers. Il faut, en effet, tenir davantage compte du point de vue des citoyens et des élus. Dans le programme de modernisation décidé par Dominique Strauss-Kahn et les secrétaires d'Etat, la priorité est donnée à l'usager. Vous avez, Monsieur Auberger, évoqué la croissance. M. Strauss-Kahn a reconnu que la pente actuelle n'allait pas vers 2,7 %. Mais l'économie ne progresse pas de façon rectiligne, un sursaut est possible pour la consommation comme pour l'investissement productif. Il demeure donc possible d'atteindre, pour l'ensemble de 1999, la cible de 2,7 %. En ce qui concerne le FMI, la majorité républicaine du Congrès américain, que vous ne pouvez renier, se montre isolationniste. La France -Président de la République, Gouvernement et, je pense, large majorité de l'Assemblée- souhaite que l'on continue à stabiliser le système financier international. Elle doit pour cela tenir toute sa place au sein du FMI. Je vous rappelle que les droits de vote sont proportionnels aux quotas des différents pays. M. Cuvilliez a attiré l'attention sur des pratiques budgétaires qui étaient davantage celles des gouvernements précédents. En 1998, il n'y a pas eu de régulation. Il y a eu deux décrets d'avance gagés, l'un d'un milliard en janvier en faveur des chômeurs en détresse, l'autre de 5 milliards en août. Les 14 milliards d'économies ne résultent pas de décisions brutales, il s'agit simplement de crédits non utilisés. En particulier, les économies constatées sur certains dispositifs d'aide à l'emploi ont permis de rattraper des retards de paiement de l'Etat à la Sécurité sociale. Vous avez salué, comme nous, la baisse des taux d'intérêt annoncée aujourd'hui par les banques centrales : c'est une contribution positive à la croissance. Vous avez insisté sur la nécessité d'un débat sur l'avenir du système financier. Nous tiendrons notre promesse : ce débat aura lieu avant l'examen du texte sur la sécurité financière. Sur ce dernier sujet, M. Auberger a fait en 1996 un rapport remarquable, qui n'a eu aucune suite. M. Philippe Auberger - J'ai déposé une proposition de loi ! M. le Secrétaire d'Etat - C'est nous qui donnerons suite à ces travaux. Selon M. Jegou, le Gouvernement considère le Parlement comme un incapable majeur. Cela me paraît excessif. Les 14 milliards d'économies constatées n'étaient pas prévisibles en janvier, pas plus que les recettes supplémentaires. M. Jegou n'aime pas les fonctionnaires, ni les entreprises publiques. C'est son droit. Mais le cas de la SMC est exceptionnel : le rapport récent de M. Dominique Baert montre que le secteur public est dans une situation financière convenable. Quant aux nationalisations des années 1980, elles ont permis de sauver beaucoup d'entreprises, dans la sidérurgie notamment, et la plupart ont été revendues beaucoup plus cher -je pense notamment à Paribas et Suez. M. Cochet, selon son habitude, a ouvert de vastes débats et son intervention alimentera la réflexion du Gouvernement. Il tirera également tout son fruit des remarques intéressantes de M. Bapt sur les cotisations patronales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance. MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR M. le Président - Il résulte d'une lettre de M. le ministre des relations avec le Parlement en date du 3 décembre que l'ordre du jour prioritaire des mardi 8, mardi 15, jeudi 17 et vendredi 18 décembre est modifié. L'ordre du jour des mercredi 9, jeudi 10 et mercredi 16 décembre reste inchangé. L'ordre du jour ainsi modifié sera annexé au compte rendu de la présente séance. DÉCLARATION D'URGENCE M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre des lettres m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, du projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale, du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la Nouvelle-Calédonie. DÉSIGNATION DE CANDIDATS À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de renouvellement du mandat des deux membres de l'Assemblée nationale au sein de la commission centrale de classement des débits de tabac. Le soin de présenter les candidats a été confié à la commission des finances. Les candidatures devront être remises à la Présidence avant le 18 décembre 1998, à 17 heures. Prochaine séance ce soir, à 21 heures 45. La séance est levée à 20 heures 5. Le Directeur du service L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 18 décembre inclus tel qu'il résulte de la lettre du Gouvernement en date du 3 décembre 1998, a été ainsi fixé : MARDI 8 DÉCEMBRE, à 10 heures 30 : - questions orales sans débat ; à 17 heures et à 21 heures : - suite de la discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité. MERCREDI 9 DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement : - explications de vote et vote par scrutin public sur la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité ; - deuxième lecture du projet sur l'accès au droit et la résolution amiable des conflits, ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée ; - quatre projets adoptés par le Sénat autorisant l'approbation de conventions internationales, chacun de ces quatre projets faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée ; - proposition de loi sur la validation législative d'actes pris après avis du comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères, ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée ; à 21 heures : - éventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi ; - proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et financiers, et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire ; - nouvelle lecture du projet sur les animaux dangereux, ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée ; - projet adopté par le Sénat sur l'emploi des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction. JEUDI 10 DÉCEMBRE, à 9 heures : - proposition de loi adoptée par le Sénat et proposition de loi de M. Brard et plusieurs de ses collègues tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire ; - proposition de loi de M. Belviso et plusieurs de ses collègues tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans ; (séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution) à 15 heures et à 21 heures : - éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ; - projet adopté par le Sénat sur l'organisation de certains services au transport aérien ; - projet adopté par le Sénat portant diverses mesure relatives à la sécurité routière. MARDI 15 DÉCEMBRE, à 10 heures 30 : - questions orales sans débat ; à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures : - lecture définitive du projet sur les conseils régionaux ; - projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes. MERCREDI 16 DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures : - projet sur les conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance, ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée ; - texte de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 1999. JEUDI 17 DÉCEMBRE, à 9 heures, 15 heures et 21 heures : - projet de loi créant le Conseil national des communes "Compagnons de la Libération" ; - projet de loi autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales ; - projet de loi autorisant l'approbation de la charte sociale européenne (révisée) ; - projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives ; - proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les agissements, l'organisation, le fonctionnement, les objectifs du groupement de fait dit "Département protection sécurité" et les soutiens dont il bénéficierait. VENDREDI 18 DÉCEMBRE, à 15 heures : - lecture définitive du projet de loi de finances pour 1999. © Assemblée nationale © Assemblée nationale |