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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 48ème jour de séance, 123ème séance 1ère SÉANCE DU JEUDI 17 DÉCEMBRE 1998 PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER vice-président SOMMAIRE : COMPAGNON DE LA LIBÉRATION 1 ORGANISATIONS INTERNATIONALES NON GOUVERNEMENTALES (procédure d'examen simplifiée) 10 CHARTE SOCIALE EUROPÉENNE ET PROTOCOLE ADDITIONNEL SUR LES RÉCLAMATIONS COLLECTIVES 13 La séance est ouverte à seize heures. ADOPTION D'UNE RÉSOLUTION PORTANT SUR DES PROPOSITIONS M. le Président - J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du Règlement, la résolution sur la proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technique entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël, adoptée par la commission des affaires étrangères, est considérée comme définitive. RAPPEL AU RÈGLEMENT M. Maxime Gremetz - Les députés communistes condamnent les frappes aériennes contre l'Irak, décidées en violation du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies... M. le Président - Cela n'a rien à voir avec un rappel au règlement. M. Maxime Gremetz - Les premières victimes seront les populations civiles qui ont déjà beaucoup souffert de l'embargo. Que Saddam Hussein sacrifie son peuple pour renforcer son régime dictatorial ne saurait justifier l'attitude américaine d'ailleurs inspirée en partie par des considérations de politique intérieure. La paix dans le monde est gravement menacée par la volonté hégémonique des Etats-Unis qui considère l'ONU comme un instrument de leur politique. Il faut bannir tout recours à la force. Les autorités françaises doivent intervenir d'urgence pour que cesse cette action militaire et que le Secrétaire général des Nations Unies fasse appliquer strictement les résolutions du Conseil de sécurité. M. le Président - Convenez que votre déclaration n'avait vraiment rien à voir avec un rappel au Règlement. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi créant le Conseil national des communes Compagnon de la Libération. M. le Président - Je suis heureux, au nom de l'Assemblée, de saluer la présence aux côtés de M. le ministre du général Simon, chancelier de l'ordre de la Libération. (Applaudissements). M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants - L'ordre de la Libération compte assurément au nombre des créations qui symbolisent ce qu'a eu de plus pur l'engagement français dans la seconde guerre mondiale. Voulu et créé par le général de Gaulle, il est à lui seul une mémoire de la Libération. Il s'agit aujourd'hui de trouver un moyen qui lui permette de survivre à la disparition de son dernier membre. Dès la création de la France Libre, le général de Gaulle a souhaité récompenser d'une manière exceptionnelle le dévouement de ceux qui, si peu nombreux au départ, avaient accepté de tout risquer pour participer à une aventure dont on ignorait, au départ, l'issue : "Notre entreprise est hérissée de difficultés, disait-il en octobre 1940. Les Français seront lents à nous rallier (...) Je suis décidé à créer un insigne nouveau face à l'imprévisible conjoncture. Il récompensera ceux des nôtres qui se seront signalés dans cette haute et âpre campagne (...)" L'ordre de la Libération a donc été créé dès novembre 1940 à Brazzaville, avec l'aide de René Cassin, le plus éminent juriste de la France Libre. Les premiers compagnons furent nommés en janvier 1941. Le ruban est de deux couleurs : le noir du deuil et le vert de l'espérance. Le général de Gaulle accordait une extrême importance à cet ordre original qui devait "récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l'oeuvre de la libération de la France et de son empire". 1 036 croix seront décernées à des civils et des militaires, jusqu'au 23 janvier 1946, date de cessation d'attribution de cette très haute distinction, dont les conditions d'obtention étaient très rigoureuses. 238 compagnons furent nommés à titre posthume et 105 morts pour la France alors qu'ils avaient déjà reçu la distinction. La croix a également été attribuée à quatre villes -Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors- et à l'île de Sein, ainsi qu'à dix unités de l'armée de terre, trois de la marine et cinq unités de l'armée de l'air. L'Ordre de la Libération fait ainsi partie intégrante du patrimoine historique de la nation, dont il incarne une page exaltante au service de la patrie, de son indépendance et de ses libertés. Cet ordre, que le général de Gaulle a défini comme "cette chevalerie exceptionnelle créée au moment le plus grave de l'histoire de France, fidèle à elle-même, solidaire dans le sacrifice et dans la lutte" s'éteindra avec le dernier compagnon. Une place attend celui-ci dans le caveau numéro 9 de la crypte du Mont-Valérien, haut lieu de la Résistance. Il y existe seize autres caveaux dans lesquels reposent seize corps, symboles de la déportation, de la Résistance, de la France libre. Le tympan de la crypte porte cette inscription : "Nous sommes ici pour témoigner devant l'histoire que de 1939 à 1945 ses fils ont lutté pour que la France vive libre". André Malraux définissait ainsi l'Ordre de la Libération : "Il n'est pas formé d'hommes qui se sont séparés des autres par leur courage, mais bien d'hommes à qui leur courage a donné la chance de représenter tous ceux qui, le cas échéant, n'avaient pas été moins courageux qu'eux. Il n'est pas une hiérarchie dans la Libération, il est le symbole de la Libération". Pour toutes ces raisons, il n'est pas imaginable que cette page de notre histoire puisse sombrer dans l'oubli. Car alors se trouverait démenti le voeu solennel du général de Gaulle :"Que leur gloire soit à jamais compagne de notre espérance". Il fallait donc trouver une formule assurant la pérennisation morale de l'Ordre, en anticipant l'époque où le dernier survivant nous quitterait. Il est proposé de créer un établissement public national à caractère administratif, dénommé Conseil national des communes "Compagnon de la Libération", appelé à prendre la succession de l'Ordre. Placé sous tutelle du Garde des Sceaux, ce conseil devra non seulement assurer la continuité des traditions de l'Ordre de la Libération et en porter témoignage devant les générations futures, mais aussi prendre toutes les initiatives qu'il jugera utiles, dans les domaines pédagogique, muséographique ou culturel, en vue de conserver la mémoire de l'Ordre et de ses membres. Il aura également pour mission de veiller sur le musée de l'Ordre de la Libération, d'organiser, en liaison avec les autorités officielles, les cérémonies commémoratives de l'appel du 18 juin et de la mort du général de Gaulle, de participer à l'aide morale et matérielle aux veuves et aux enfants des Compagnons de la Libération. Ce projet de loi précise également les règles relatives à la composition et au fonctionnement du Conseil et de son conseil d'administration. Il comprendra, outre les personnes titulaires de la Croix de la Libération, chacun des maires en exercice des communes "Compagnon de la Libération", qui le présideront à tour de rôle, conjointement avec un délégué, nommé par le Chef de l'Etat après avis des membres du Conseil. Le conseil d'administration fixera les orientations de l'établissement public, arrêtera ses programmes, votera son budget et approuvera ses comptes. Le texte prévoit enfin les règles concernant la période transitoire entre le Conseil de l'Ordre de la Libération et le nouveau Conseil. Il précise que le délégué national doit présider la Commission de la médaille de la Résistance française. Le Conseil national assurera le service de cette décoration, créée en février 1943 par le général de Gaulle pour récompenser "les actes remarquables de foi et de courage" accomplis dans la lutte contre l'occupant. Le Gouvernement, en présentant ce projet de loi, permet le maintien de l'esprit de résistance qui a animé le fondateur de l'Ordre de la Libération et ceux qui furent ses compagnons. Je ne doute pas du vote positif de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Ce projet de loi est le résultat d'une réflexion engagée depuis plusieurs années par les Compagnons de la Libération légitimement inquiets pour la pérennité de leur Ordre. Dès avril 1996, la chancellerie de l'Ordre a communiqué un avant-projet de loi au ministre délégué aux anciens combattants de l'époque, M. Pasquini, qui a accepté, à la demande du Président de la République, de présenter le projet de loi. Ce dernier a été déposé à l'Assemblée nationale le 16 avril 1997 par MM. Pasquini et Toubon. Après la dissolution, le nouveau gouvernement a souhaité redéposer exactement le même projet, ce qui a été fait le 19 juin 1997, ce qui témoigne du consensus qui existe pour assurer la pérennité des traditions et des valeurs de l'Ordre de la Libération. Au-delà des clivages politiques, ce texte répond au souci de tous les républicains de ne pas oublier les sacrifices que certains ont consentis, à partir de 1940, pour libérer la France de ses occupants. L'Appel du 18 juin, qui visait à obtenir le ralliement de toutes les énergies françaises, annonce la création de l'Ordre de la Libération. Dès juin 1940, il apparut en effet au chef de la France libre qu'il convenait de récompenser d'une manière tout à fait originale le dévouement de ceux qui, bien peu nombreux au départ (environ un millier le 14 juillet 1940), avaient accepté de tout risquer pour participer à une aventure dont ils ignoraient l'aboutissement. Le 16 novembre 1940, à Brazzaville, capitale de l'Afrique équatoriale française, ralliée à la France libre, le général de Gaulle signait l'ordonnance no 7 créant l'Ordre de la Libération. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance, "l'insigne unique de cet Ordre est la Croix de la Libération". Selon l'article 3, "l'admission dans l'Ordre de la Libération est prononcée par le chef des Français Libres". Il est intéressant de noter qu'à l'origine, l'Ordre devait s'appeler "Ordre de la Délivrance" et ses membres, les "Croisés de la Délivrance". Il s'agissait bien d'instituer une nouvelle chevalerie, regroupant les serviteurs d'une cause et d'un idéal. Rapidement, le terme de "croisés" apparut quelque peu emphatique et fut remplacé, à l'initiative du professeur René Cassin, par celui de "compagnon". Je ne décrirai pas l'insigne, puisque M. le ministre vient de s'en charger. Deuxième ordre national après celui de la Légion d'honneur, l'Ordre de la Libération est élitaire. Le 3 décembre 1945, alors qu'on lui suggérait d'allonger la liste des titulaires, le général de Gaulle déclara : "On me propose des candidats qui, bien que très dignes et vaillants combattants, ne répondent pas aux conditions tout à fait exceptionnelles qui justifient l'accession dans l'Ordre". Le deuxième caractère de l'Ordre est de n'être pas exclusivement militaire : il accueille aussi des civils. L'Ordre est enfin égalitaire en son sein : il ne saurait y avoir de hiérarchie entre les titulaires. Une seule personnalité reste au-dessus des autres : celle du fondateur. Le recrutement est limité dans le temps et les critères d'admission nécessairement stricts. Aucune condition d'âge, de sexe, de grade, d'origine, ni même de nationalité, n'est exigé. Ne comptent que la valeur et la qualité des services rendus. Lorsque, le 23 janvier 1946, est signé le décret portant qu'à cette date, il ne sera plus procédé à l'attribution de la Croix de la Libération, le nombre des Compagnons s'élevait à 1 036. Parmi ceux-ci 238 reçurent cet insigne à titre posthume. Il faut distinguer trois catégories de Compagnons : les personnes physiques, certaines unités combattantes, au nombre de dix-huit, et cinq villes ou communes qui avaient consenti de tels sacrifices qu'elles devaient en être récompensées. Les premières villes Compagnons furent Nantes, dès le 11 novembre 1941, puis Grenoble, en mai 1944 ; se sont par la suite ajoutés Vassieux-en-Vercors, Paris et l'île de Sein. A propos de Nantes, le décret pris à Londres le 11 novembre 1941 évoque "une ville héroïque qui, depuis le crime de la capitulation, a opposé une résistance acharnée à toute forme de collaboration avec l'ennemi et (...) a donné aux Français par de nombreuses actions individuelles et collectives, un magnifique exemple de courage et de fidélité". J'en suis fière, puisque c'est ma ville. Par décret pris à Alger le 4 mai 1944, Grenoble a été décorée pour avoir "bravé les interdictions formulées par l'envahisseur et ses complices, et a manifesté le 11 novembre 1943 sa certitude de la victoire et sa volonté d'y prendre part". Quant à la ville de Paris, elle est restée, selon le décret du 24 mars 1945, une "capitale fidèle à elle-même et à la France", qui "a manifesté, sous l'occupation et l'oppression ennemies, et en dépit des voix d'abandon et de trahison, sa résolution inébranlable de combattre et de vaincre". La petite commune de Vassieux-en-Vercors a été récompensée pour s'être totalement sacrifiée pour la cause de la Résistance française en 1944. Principal centre de parachutage de l'aviation alliée sur le plateau du Vercors, elle a aidé les militaires du maquis dans des opérations de ramassage des armes. Très violemment bombardée les 14, 21 et 22 juillet 1944, elle a compté 72 morts parmi ses habitants et la totalité de ses maisons ont été brûlées. Par décret du 1er janvier 1946, l'île de Sein a été décorée pour avoir "envoyé tous ses enfants au combat sous le pavillon de la France Libre, devenant ainsi l'exemple et le symbole de la Bretagne toute entière". L'ordonnance du 10 août 1945 portant organisation de l'Ordre de la Libération a doté celui-ci de la personnalité morale et de l'autonomie financière, ce qui se traduit par l'existence d'un budget annexe à celui du ministère de la justice qui assure la tutelle de l'Ordre. Dans la loi de finances pour 1999, la subvention attribuée à l'Ordre s'élève à 5 millions. Le premier personnage de l'Ordre est son chancelier qui est dépositaire du sceau de l'Ordre et seul qualifié pour le représenter. Depuis 1978, le général d'armée Jean Simon, Compagnon lui-même, occupe cette fonction. Je le salue puisqu'il est parmi nous aujourd'hui. Le chancelier est choisi par le Conseil en son sein et sa nomination est soumise au Président de la République avant d'être officialisée par décret. C'est le chancelier qui assure l'administration de l'Ordre, de son musée et des services des médaillés de la Résistance. L'Ordre est chargé de coordonner les manifestations du 18 juin et de veiller à leur bon déroulement. Il assure aussi la préservation et la gestion du musée de l'Ordre de la Libération, créé en 1970 par M. Hettier de Boislambert, alors chancelier, et par son épouse. Ce musée a la forme juridique d'une association loi de 1901 et possède ses propres statuts. Plus de cent soixante dix vitrines retracent l'histoire des Compagnons, des médaillés de la Résistance extérieure et de la Résistance intérieure. Le premier étage est consacré à la déportation. On ne compte pas moins de trois mille quatre cents pièces dont certaines sont uniques, comme le manuscrit de l'Appel à tous les Français ou les vêtements personnels de Jean Moulin. Notons que le musée accueille en moyenne 400 visiteurs par jour. En outre, la commission nationale de la médaille de la Résistance, créée par une ordonnance du 10 août 1945, est placée sous la présidence du chancelier de l'Ordre de la Libération. Instituée à Londres le 9 février 1943 par une ordonnance du général de Gaulle, cette distinction a été attribuée à 42 902 personnes, dont 19 000 à titre posthume, à dix-huit communes et au Territoire de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'à dix-sept autres entités : des régiments, des bateaux de guerre, deux communautés religieuses et un lycée. Le mécanisme institutionnel proposé pour garantir la permanence de l'Ordre vient d'être présenté de manière très complète par le secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Un conseil national regroupera les cinq communes décorées, mais le ministère de la justice conservera sa tutelle sur cet Ordre hautement symbolique, qui n'est pas dissous par ce projet. Seul le Conseil de l'Ordre est appelé à disparaître, comme le veut l'article premier. J'ai proposé d'amender l'article 2, qui définit les tâches incombant à cette nouvelle instance. Dans le texte initial, la loi doit n'entrer en application que lorsque le chancelier de l'Ordre constatera que subsistent moins de quinze personne physiques titulaires de la Croix de la Libération. Il ne resterait donc que quatorze décorés au moment de l'entrée en vigueur de la loi. Il n'est pourtant pas souhaitable d'exclure les Compagnons survivants du futur Conseil national qui, chargé d'assurer une mission d'ordre morale et matérielle, doit pouvoir venir en aide aux compagnons survivants, et non pas uniquement à leurs familles. Il convient de combler cet oubli en prévoyant explicitement que cette assistance s'adresse également, comme dans la situation actuelle, aux titulaires de la Croix de la Libération eux-mêmes. De même, les médaillés de la Résistance, qui bénéficient actuellement du secours de l'ordre de la Libération, ne doivent pas être oubliés par le présent projet. A mon initiative, la commission a adopté un amendement en ce sens. Le Conseil national se composera, aux termes de l'article 3, de trois types de membres : un délégué national, nommé par décret du chef de l'Etat, après avis des autres membres du conseil d'administration, les maires en exercice des cinq communes décorées et les personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération. Ces dernières étant amenées à disparaître au fil des années, il est clair qu'à plus ou moins long terme, ce Conseil ne comportera plus que six membres : les cinq élus et le délégué national. La commission a adopté sur ma proposition un amendement visant à préciser que le délégué national exercera ses fonctions dans le cadre d'un "mandat de quatre ans renouvelable plusieurs fois". M. le Président - Veuillez conclure. Mme la Rapporteur - Nous apprécions cette institution d'un délégué national qui reprendrait notamment les fonctions dévolues au chancelier. Il présidera le Conseil national avec l'un des cinq maires, qui seront co-présidents à tour de rôle. Le rôle du délégué national est précisé dans l'article 6. En outre, toutes les décisions d'ordre mineur ou relevant de la gestion quotidienne, qui ne relèvent pas de la compétence du Conseil, seront de son ressort. M. le Président - Je vous prie de conclure. Mme la Rapporteur - Je me félicite que l'esprit de la Résistance ait été respecté dans ce projet. La commission a par ailleurs adopté un amendement à l'article 10. Sous réserve de l'adoption des trois amendements de précision, la commission vous invite à adopter ce texte. M. le Président - Je vous rappelle que le temps de parole des rapporteurs est fixé en Conférence des présidents et que j'ai le devoir de le faire respecter. M. Jacques Baumel - Monsieur le Président, Monsieur le ministre, mes chers collègues, mon Compagnon, ce projet est le résultat de plusieurs années de réflexion. En avril 1996, la Chancellerie a présenté un avant-projet au précédent gouvernement. Après approbation du conseil des ministres et du Conseil d'Etat, un texte a été déposé par votre prédécesseur", M. Pasquini. Le Gouvernement actuel l'a redéposé à l'identique le 19 juin 1997. L'Ordre de la Libération n'a pas d'équivalent dans les autres pays. Créé par le général de Gaulle en novembre 1940 dans la véritable capitale de la France Libre, qui n'était pas Londres mais Brazzaville, cet ordre est devenu une des plus hautes autorités morales du pays. Par la force des choses, le nombre des Compagnons de la Libération se réduit avec le temps ; nous ne sommes guère plus de 170. Heureusement, nous avons à côté de nous des communes Compagnons -Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'Ile de Sein- auxquelles je ne me suis d'ailleurs jamais expliqué que l'on n'ait pas ajouté Lyon, capitale de la Résistance, ainsi que dix-huit unités combattantes. La dissolution juridique de l'Ordre n'est pas souhaitable. C'est pourquoi, après mûre réflexion, a été prévu ce Conseil national des communes Compagnon de la Libération, établissement public administratif chargé de veiller à la sauvegarde de cette mémoire collective et à pérenniser l'Ordre et son activité sociale, nationale et humaine. Il sera composé des cinq maires des villes Compagnons, du délégué national qui sera choisi par le Chef de l'Etat et des personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération. Il aura à organiser les cérémonies commémoratives, à veiller sur le musée de l'Ordre de la Libération, à surveiller le mémorial du Mont Valérien, à assurer le service de la médaille de la Résistance française -qui été attribuée à 42 900 personnes, dont 19 000 à titre posthume. Il devra assurer la pérennité des traditions de l'Ordre, porter témoignage devant les générations futures et apporter une aide morale et matérielle aux veuves, aux enfants et aux descendants des Compagnons. Avant tout, il aura un devoir de mémoire, et c'est la raison pour laquelle ce texte devrait rassembler tous les Républicains qui souhaitent ne pas oublier les sacrifices consentis par des hommes et des femmes pour libérer la France de ses occupants. Comme l'avait déclaré dans un texte célèbre André Malraux, ces Compagnons, aux pires jours de la défaite, n'ont pas perdu confiance en la France. L'Assemblée s'honorera en votant à l'unanimité un texte qui permettra de perpétuer le souvenir et l'exemple de ceux qui se sont dressés pour la liberté et notre indépendance. "Quand le cercueil du dernier compagnon rejoindra au Mont Valérien le cercueil du premier, tombé dès 1940, la Croix de Lorraine de Colombey, l'avion écrasé de Leclerc, le dernier cheminot fusillé comme otage, la dernière dactylo morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres confondront leur ombre avec celle de notre dernier compagnon, et avant que l'éternelle histoire se mêle à l'éternel oubli, l'ombre étroite qui s'allongera lentement sur la France aura encore la forme d'une épée". Ainsi s'exprimait André Malraux. Je rends hommage à tous ceux qui entretiennent la mémoire des héros, inconnus ou non, dont les deux figures symboliques sont le Maréchal Leclerc, tombé dans les sables d'Afrique, et Jean Moulin. Au nom de tous ceux qui se sont donnés pour la patrie, je remercie mes collègues parlementaires de voter ce projet de loi. (Applaudissements) M. Maxime Gremetz - Ce projet, déposé sous la précédente législature et repris par l'actuel Gouvernement, a pour objet d'assurer la pérennité des traditions et des valeurs de l'Ordre de la Libération créé par le général de Gaulle. Il devra, et c'est essentiel, préserver la mémoire. Nous approuvons qu'il vise à permettre aux cinq communes Compagnons de la Libération et aux personnes titulaires de la Croix de la Libération de mettre en oeuvre les initiatives qu'elles jugeront utiles. Les communes distinguées ont chacune pris une participation active à la Libération de la France : Paris s'est dressée contre l'occupant ; Grenoble a participé à des actions de Résistance ; Nantes s'est opposée à la collaboration avec l'ennemi ; Vassieux-en-Vercors est connue pour son centre de parachutage ; l'île de Sein envoya la totalité de ses hommes au combat. Les organisations d'anciens combattants avaient, lors de l'examen du budget des anciens combattants, exprimé leur souhait que davantage de moyens soient consacrés aux actions de mémoire. Pouvez-vous nous préciser, Monsieur le ministre, à quelles sources de financement on fera appel, puisque malheureusement, le budget des anciens combattants diminue d'année en année ? Le Conseil national disposera-t-il de moyens suffisants pour que les communes concernées fassent oeuvre utile, par exemple pour que Paris participe au développement du musée national de la Résistance ? En conclusion, le groupe communiste s'associe pleinement à cet hommage rendu aux combattants de la Résistance. Le souvenir de leurs actes ne saurait disparaître avec les personnes, diverses dans leurs modes de pensée et leurs origines, mais qui avaient pour objectif commun la défense de la France contre l'occupant nazi. Mme Jacqueline Lazard - En 1756, après l'un de ces raz-de-marée qui touchent régulièrement l'île de Sein, le gouverneur de Bretagne proposa aux Sénans de s'installer sur le continent, moyennant une compensation de quelques écus. Tous refusèrent cette aide à l'exil, faisant ainsi preuve de leur attachement à ce bout de terre entre ciel et mer, et de leur fierté. C'est, paradoxalement, le même sentiment qui a conduit les Sénans, en juin 1940, à faire le choix de l'exil. Le 22 juin 1940, au moment même où l'armée allemande entre en Finistère, l'appel lancé quelques jours auparavant par le général de Gaulle est connu des Sénans. Immédiatement, après concertation entre les habitants de l'île, tous les hommes valides non mobilisés décident de rejoindre la France libre ; seuls le curé et le boulanger restent. Au total donc, 133 hommes partent ; le plus âgé a cinquante-quatre ans, le plus jeune, Jean-François Gueguen, en a quatorze. Deux jours après, le 24 juin, l'île est sous occupation allemande. Marins-pêcheurs pour la plupart, les Sénans rejoignent Londres et le général de Gaulle. Ils intègrent l'armée de la France libre et leur nombre fait dire au général de Gaulle, "Mais l'île de Sein, c'est le quart de la France !". D'aucuns assurent même qu'il aurait dit "l'île de Sein, c'est la moitié de la France !". Sein est la seule commune de France à compter plus de victimes militaires en 1939-45 qu'en 1914-18. 3 000 soldats alliés y transitèrent entre 1940 et 1944, avant de rejoindre la Résistance intérieure. C'est cette contribution exceptionnelle que le Général de Gaulle a tenu à reconnaître en la faisant Compagnon de la Libération et en venant à deux reprises sur l'île, en 1946 puis en 1960. "Remisez vos stylos, ici, nous sommes entre nous", ordonna-t-il aux journalistes... La création du Conseil national permettra de pérenniser le souvenir de ces actes individuels et collectifs qui sont autant d'exemples de fidélité aux valeurs de la France et de la République, de courage, mais aussi de simplicité. Les Sénans exilés ne revendiquent en effet nul héroïsme mais simplement la reconnaissance d'un devoir naturellement accompli. Ces exemples, qu'ils soient individuels ou collectifs, ont une valeur pédagogique. L'actualité récente ne doit pas nous amener à relâcher la vigilance. La République est une construction de chaque instant qui exige un effort incessant. Certes, histoire et mémoire peuvent éventuellement se heurter. La clarté de l'exemple contredit même parfois les ombres, les tâtonnements qui entourent souvent les choix et les motivations. Mais il serait infécond, inutile et même dangereux de rejeter l'impératif de la mémoire au nom de la complexité de l'histoire. Car si l'histoire nous apprend que les alternatives manichéennes sont rarement de notre monde, la mémoire doit aussi s'appuyer sur des choix clairs et exemplaires comme le fut celui des Sénans : non pas rester ou partir mais résister ou subir et d'autres, nombreux, ont fait ce choix tout en restant sur notre territoire ; je pense notamment à tous les Bretons qui rejoignirent le maquis de Saint-Marcel. C'est pour éclairer les choix présents et futurs que les actes simples de ces hommes et de ces femmes doivent être reconnus et leur souvenir entretenu. C'est pourquoi, avec les habitants de l'île de Sein, et des quatre autres communes "Compagnons de la libération", je me félicite du vote favorable que l'Assemblée ne manquera pas d'émettre à l'issue de cette discussion (Applaudissements). M. François Goulard - Ce projet obéit au souci hautement louable de perpétuer l'Ordre de la Libération et, bien entendu, le groupe DL le votera. L'ordre de la Libération revêt un caractère exceptionnel qui le rend incomparable aux autres ordres. Indissociablement lié à une page à la fois si glorieuse et si sombre de notre histoire, le nombre de ses membres ne peut que décroître avec le temps. Après la disparition du dernier titulaire de la Croix de la Libération, n'en resteront membres que dix-huit unités militaires et cinq communes, dont l'île de Sein. Il serait évidemment inconcevable que l'Ordre ne soit pas perpétué. Son maintien est essentiel si l'on veut que les générations futures gardent le souvenir de ce moment de notre histoire dont la singularité ne doit jamais être oubliée. Fruit de l'extraordinaire prémonition du général de Gaulle, l'Ordre fut créé à Brazzaville, le 16 novembre 1940 pour "récompenser les personnes ou les collectivités, militaires et civiles, qui se seront signalées d'une manière exceptionnelle dans l'oeuvre de la libération de la France et de son empire". Le 18 juin 1940, le général de Gaulle ne doutait pas de la victoire finale des alliés. En novembre, malgré les obstacles auxquels la France libre se heurtait, il crée un ordre pour distinguer ceux qui se seront illustrés dans l'exercice de libération de la France pour lui inéluctable. Extraordinaire situation que celle des premiers compagnons de la France libre : considérés comme des traîtres par le prétendu Etat français, souvent condamnés par coutumace par les tribunaux de Vichy, ils forment une faible légion dont la contribution à la victoire finale sera sans commune mesure avec leur nombre. Avoir à cette époque la certitude de la voie à suivre, du combat à mener et le courage de l'entreprendre, révèle chez ceux qui eurent l'un et l'autre un caractère hors du commun. Il fallait qu'une distinction particulière vînt reconnaître leur mérite, ainsi signalé aux yeux de la patrie et de l'histoire. Cette rencontre de la lutte pour la survie de la patrie et de la lutte pour le droit, qui furent alors engagées contre l'entreprise totalitaire allemande doit rester dans la mémoire des Français. La vie d'une nation peut, à tout moment, être menacée et les dirigeants de notre pays n'ont pas le droit d'abdiquer face à une puissance étrangère. La souveraineté dont ils sont les dépositaires est un bien sacré qu'ils ont le devoir de défendre envers et contre tout. Après que la souveraineté a été abandonnée, le règne de la force se substitue au règne du droit. Tous les malheurs de la France occupée, toutes les fautes et tous les crimes de Vichy découlent du choix qui fut fait d'accepter la loi de l'ennemi, au lieu d'entretenir la flamme de la souveraineté nationale. Si les Compagnons de la Libération méritent cette place si particulière dans notre mémoire et la France libre cette place si éminente dans notre histoire, c'est en raison du message qu'ils ont délivré, pour toujours, je l'espère. Si un homme d'abord -le général de Gaulle- quelques hommes ensuite -les premiers Compagnons de la Libération- ne s'étaient pas dressés dès les premiers jours, l'histoire de notre nation n'aurait jamais repris son cours. Sans doute la France aurait-elle été libérée par la victoire des alliés et les Français auraient-ils recouvré leur liberté, mais le fil de l'histoire aurait été rompu. Les nations supportent mal les éclipses et ce n'est pas la même France qui vivrait aujourd'hui en chacun de nous. Tel est le sens que j'attribue à ces grands événements dont l'Ordre de la Libération perpétue le souvenir. C'est pourquoi je me réjouis de voir son avenir assuré (Applaudissements). M. Michel Grégoire - Le Conseil national des communes "Compagnon de la Libération" qui pérennisera les traditions de l'Ordre de la Libération, sera porteur du devoir de mémoire auprès des générations futures. Député de la Drôme, j'ai l'honneur d'abriter dans ma circonscription la commune de Vassieux-en-Vercors, haut lieu de la Résistance, où d'importantes cérémonies du souvenir se déroulent le 21 juillet de chaque année. C'est, en effet, le 21 juillet 1944, que les troupes allemandes attaquaient le Vercors et Vassieux était envahi par les troupes aéroportées nazies, qui, après de rudes combats, maîtrisaient le village et le plateau. De nombreux civils et résistants y trouvèrent la mort. La plupart d'entre eux reposent dans une nécropole où, chaque année les membres de l'Association nationale des pionniers et combattants volontaires du Vercors, les élus, les populations viennent se recueillir et honorer le sacrifice de ces patriotes qui payèrent de leur vie leur attachement à la liberté et leur refus de la servitude. Le mémorial, site national historique de la Résistance en Vercors, inauguré le 21 juillet 1994, doit entretenir le devoir de mémoire lié aux combats sanglants qui ont marqué le Vercors durant la dernière guerre. Il doit être, pour les générations futures, le témoin de toutes les résistances. C'est en 1987 que d'anciens résistants, regroupés au sein d'une association nationale -"Les pionniers et combattants volontaires du Vercors"- ont interpellé les responsables du parc naturel régional du Vercors, pour étudier comment faire revivre les lieux de mémoire, symboles des sacrifices consentis par les Français qui refusaient l'oppression. C'est à la suite de cette initiative que fut proposé le projet de "site national historique de la Résistance en Vercors". Le mémorial du Col de la Chau est l'étape centrale d'un parcours qui incite les visiteurs à découvrir, dans tout le massif du Vercors, les lieux où se sont déroulés les événements et à mieux comprendre ce qui s'est passé là, il y a cinquante ans. Ce parcours comporte notamment le mémorial du Vercors, la Cour des fusillés à la Chapelle en Vercors, la Grotte de la Luire à Saint-Agnan en Vercors, le village de Valchevrière à Villard-de-Lans. Les investissements du site national historique de la Résistance en Vercors se sont élevés à 26 millions et sa fréquentation annuelle, soit environ 38 000 visiteurs, ne permet pas d'assurer son équilibre financier. Nous espérons que l'Etat apportera les moyens complémentaires nécessaires. Je saisis également cette occasion, Monsieur le ministre, pour vous suggérer d'instituer une journée nationale de la Résistance le 27 mai, date anniversaire de la première réunion du Conseil national de la Résistance en 1943. Ce serait le signe fort de notre détermination à satisfaire l'objet même de la création du Conseil national des communes Compagnon de la Libération : "conserver la mémoire". Cette journée officielle susciterait, à n'en pas douter, une multitude d'initiatives -expositions, information dans les écoles, cérémonies, débats. Lors du congrès de l'ANACR à Chambéry, vous vous êtes montré ouvert à cette proposition. L'attente est forte de la part de ceux qui se reconnaissent dans les valeurs toujours actuelles de la Résistance qui symbolisent le combat pour la "liberté, l'égalité, la fraternité" contre le nazisme. Comme celle des "Poilus", la voix des résistants, s'affaiblit au fil des ans. N'attendons pas qu'elle n'ait plus d'écho ! Le 80ème anniversaire de l'armistice de 1918 nous a montré à quel point les Français tiennent à leur histoire. Il nous appartient d'informer la jeunesse et d'assurer sa formation civique pour que vivent la France et ses valeurs. Merci pour le vote unanime que nous allons émettre sur ce projet. (Applaudissements). M. Maurice Ligot - Créé par le général de Gaulle au lendemain de l'Appel du 18 juin 1940, l'ordre de la Libération est "destiné à récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées d'une manière exceptionnelle dans l'oeuvre de la libération de la France et de son empire" notamment ceux qui, les premiers, s'étaient engagés dans le combat lors de la période difficile et cruelle de la Résistance et de la Libération de la France. Ce projet, déposé d'abord par le gouvernement d'Alain Juppé puis par celui de Lionel Jospin, fait l'objet d'un remarquable consensus. Il rassemble tous ceux qui désirent ne pas oublier l'audace, l'engagement, le sacrifice des hommes et des femmes qui ont participé à la libération de la France. Pendant des années nous avons regardé avec admiration ceux qui portaient le ruban noir et vert et le glaive de la croix de Lorraine et l'épée. Hélas, nos héros disparaissent avec le temps qui passe. Qu'allaient donc devenir l'ordre, l'idéal de résistance qu'il incarne, les missions qui lui incombent ? Comment assurer la pérennité de sa mission patriotique ? Ce projet vise à créer, en mémoire des titulaires de la croix, un établissement public national à caractère administratif dénommé Conseil national des communes Compagnon de la Libération qui, succédant au Conseil de l'Ordre de la Libération assurera la pérennité des traditions de l'Ordre de la Libération et portera témoignage de cet Ordre devant les générations futures, en liaison avec les unités combattantes titulaires de la Croix de la Libération. Il mettra en oeuvre toutes les initiatives jugées utiles, il protégera le musée de l'Ordre de la Libération et les archives de l'Ordre qui seront maintenus en leurs lieux dans l'Hôtel national des Invalides. Il organisera, en liaison avec les autorités officielles les cérémonies commémoratives de l'Appel du 18 juin au Mont Valérien, et de la mort du général de Gaulle. Il participera à l'aide morale et matérielle aux veuves et aux enfants des Compagnons de la Libération. Il assurera le service de la médaille de la Résistance française. Vous comprendrez aisément que le groupe UDF apportera son soutien à ce texte qui permettra à nos compatriotes de conserver présent à l'esprit l'honneur et le sacrifice de ceux qui ont participé aux combats historiques de la Résistance et de la Libération. La discussion générale est close. M. le Secrétaire d'Etat - Je remercie tous les participants à ce débat pour la qualité de leurs interventions et l'émotion dont elle était empreinte. Monsieur Gremetz, dès lors que le ministère de la justice prendra le relais de l'actuel budget annexe, le financement de l'établissement public sera assuré. Monsieur Grégoire, je vous propose de nous rencontrer pour examiner les difficultés rencontrées par les associations oeuvrant pour la mémoire de la Résistance dans le Vercors, même si une perspective de rencontre ne vaut pas promesse de subvention... (Sourires) Ce projet est un élément important de la politique consacrée au devoir de mémoire que nous avons à l'égard des jeunes générations. Nous devons les informer de notre histoire, des épreuves qu'il nous a fallu traverser au cours du siècle qui s'achève, afin qu'elles trouvent le sens d'engagements fondés sur la défense des valeurs de la République pour bâtir leur propre citoyenneté, exercer toutes leurs responsabilités. A elles pour cela de saisir l'exemple de ces hommes et de ces femmes qui ont accepté que leur destin personnel s'efface devant le destin collectif de la France. La représentation nationale rassemblée votera ce texte au service des valeurs de la République. M. le Président - J'appelle maintenant dans les conditions prévues à l'article 91-9 du Règlement les articles du projet dans le texte du Gouvernement. L'article premier, mis aux voix, est adopté. Mme la Rapporteur - L'amendement 1 fait référence aux médaillés de la Résistance, que l'on ne saurait oublier dans ce projet. M. le Secrétaire d'Etat - Favorable. L'amendement 1, mis aux voix, est adopté. L'article 2, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté. Mme la Rapporteur - L'amendement 2 précise que le délégué national pourra, comme le chancelier de l'Ordre actuellement, exercer plusieurs mandats successifs. L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. L'article 3, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté. Les articles 4, 5, 6, 7, 8 et 9 sont successivement adoptés. Mme la Rapporteur - L'amendement 3 vise à faciliter la transition entre les deux systèmes. Ainsi, la loi entrera en vigueur dès que le Conseil de l'Ordre ne pourra plus réunir quinze membres. Le chancelier de l'Ordre de la Libération, qui constatera ce fait, devra en informer immédiatement le chef de l'Etat. Celui-ci prendra alors un décret afin de marquer officiellement le changement de titre et de fonction du chancelier, qui deviendra "délégué national du Conseil national des communes Compagnon de la Libération". L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 10 est ainsi rédigé. L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté. (Applaudissements sur tous les bancs) M. le Président - A l'unanimité.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales. M. le Président - Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée dans les conditions prévues à l'article 106 du Règlement. M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, une nouvelle catégorie d'acteurs participe activement aux relations internationales : les organisations internationales non gouvernementales. Aujourd'hui reconnu par tous, leur engagement dans l'aide au développement, la défense des droits de l'homme, le secours d'urgence souffre cependant d'une absence de statut juridique. La Charte des Nations Unies fait certes référence, dans son article 71, à ces organisations privées à but non lucratif, en invitant le Conseil économique et social à les consulter et cette disposition inspire par ailleurs de nombreuses institutions internationales qui ont formalisé leurs rapports avec les OING, jusqu'à en faire parfois de véritables partenaires. Mais ces statuts consultatifs, s'ils favorisent la concertation et l'exécution de programmes en commun, ne sauraient tenir lieu de statut juridique et aucune législation internationale ne définit ces organismes, leurs compétences et leur rôle dans les relations internationales. Le Conseil de l'Europe a entrepris d'y porter remède en élaborant la Convention du 24 avril 1986 sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales. Ce texte, soumis aujourd'hui à votre ratification, constitue le fondement d'un droit international consacré aux OING. Il a été signé par la France le 4 juillet 1996, soit dix ans après son entrée en vigueur. Ce délai, qui peut légitimement vous paraître anormalement long, s'explique par les interrogations politiques que la convention a suscitées quant à la définition précise des OING, leur représentativité ou les risques liés à la reconnaissance d'organisations peu soucieuse de respecter les principes fondamentaux de la vie internationale. Ces incertitudes expliquent sans doute qu'à ce jour, neuf pays seulement aient signé la convention, sept l'ayant ratifié : la Grande-Bretagne, la Belgique, la Suisse, la Grèce, le Portugal, l'Autriche et la Slovénie. La France souhaitait depuis de nombreuses années la définition d'un statut juridique de ces organisations. Si la Commission européenne a élaboré en 1987 un projet en ce sens, les Quinze ne se sont pas encore accordés pour l'accepter. Le Gouvernement français a donc décidé de participer, outre aux travaux de l'Union, à ceux du Conseil de l'Europe. Les deux approches ne sont pas incompatibles, en effet. Le Conseil de l'Europe est l'institution où s'élaborent les principaux traités fondant l'organisation démocratique des Etats européens, tandis que l'Union définit des règles positives pour les acteurs d'une communauté économique, sociale, culturelle et, désormais, politique. Or le développement de la vie associative ne peut que bénéficier aussi bien à la vie économique et sociale qu'à l'enracinement dans la démocratie. Si la liberté d'association est reconnue par toutes les constitutions d'Europe, elle n'est pas toujours garantie de façon satisfaisante. En ratifiant la présente convention la France étendra la capacité juridique dont jouissent les organisations privées à but non lucratif implantées dans notre pays et leur assurera une plus grande sécurité. Ce texte prévoit en effet que les OING créées dans un Etat contractant, et dotées d'une certaine stature, pourront, sans formalité supplémentaire, exercer au sein d'un autre pays contractant l'ensemble des droits attachés à la personnalité juridique dont elles jouissent dans leur Etat d'origine. Il n'y a là nulle innovation pour le droit français. Celui-ci autorise déjà les associations étrangères à acquérir des biens ou à ester en justice sans formalité préalable. Et depuis 1981, leur reconnaissance n'est plus soumise à un régime d'autorisation. Certains ont craint un détournement de la convention par des organismes illicites, mais les sept Etats n'ont connu à ce jour aucun déferlement de sectes, de mafias ou de mouvements subversifs, directement expliqué par leur adhésion à cette convention. Au reste, la collaboration policière et judiciaire est là pour contrer le danger. En outre, la Convention offre de réelles sauvegardes en matière d'ordre public et garantit la pleine application du principe de la territorialité de l'impôt, qui interdit un détournement de notre fiscalité. La déclaration interprétative qui sera déposée à Strasbourg avec les instruments de ratification est à cet égard dénuée de toute ambiguïté. Cet accord ne favorisera donc en rien les entreprises illicites qui chercheraient à se camoufler sous l'appellation d'OING. De même que nos réticences à ratifier ce texte sont, semble-t-il, en partie responsables du faible nombre de signatures enregistrées jusqu'à présent, notre engagement devrait relancer le processus d'adhésion. A l'initiative de la France, le Conseil de l'Europe a organisé les 9 et 10 février un séminaire consacré à l'application de cette convention, au cours duquel nous avons annoncé que la procédure de ratification parlementaire était en cours. Je veux croire que cette information a commencé à porter ses fruits : le 28 mars, Chypre est devenu le neuvième Etat signataire et le Luxembourg serait sur le point d'adhérer également. Alain Juppé, alors Premier ministre, s'était engagé le 16 janvier 1996 devant le Conseil national de la vie associative en faveur d'une ratification rapide. Le gouvernement de Lionel Jospin, ayant décidé de respecter cet engagement, vous demande d'approuver le présent projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des affaires étrangères - La vie associative évolue : aujourd'hui, l'une de ses principales caractéristiques est son internationalisation. Nombreuses sont les OING, humanitaires notamment, agissant hors des pays où se situe leur siège. C'est en 1981 que le comité des ministres du Conseil de l'Europe s'est préoccupé du vide juridique qui affectait les relations de ces organisations avec les Etats et les institutions gouvernementales. Un comité d'expert a alors été mis en place pour "élaborer un instrument juridique approprié portant sur l'obtention, la perte de la reconnaissance juridique et le transfert de siège des organisations et fondations privées ayant un but international non lucratif". Cette convention, adoptée le 24 avril 1986, est entrée en vigueur le 1er janvier 1991. Bien que partie prenante à la négociation, la France ne l'a signée que le 4 juillet 1996. Il reste donc à la ratifier. Un délai de plus de dix ans entre le moment de la signature et de la ratification pourrait sembler a priori très long, mais en l'occurrence, chaque Etat a élaboré une déclaration interprétative, ce qui a ralenti les procédures. La convention va d'ailleurs devoir être amendée par un protocole additionnel reprenant la plupart de ces déclarations. D'autre part, les autorités françaises ont eu le souci de s'assurer du respect de l'ordre public par les OING étrangères et de leur volonté de lever des fonds dans des conditions parfaitement régulières. Seront concernées par la convention les associations, fondations et institutions de nature privée créées par un acte relevant du droit interne et exerçant une activité effective dans au moins deux Etats, sans que l'un de ceux-ci soit nécessairement membre du Conseil de l'Europe. Il faut en revanche que le siège de l'organisation soit fixé dans un Etat signataire. Dès lors qu'une OING entrera dans le champ d'application de la convention, elle se verra reconnaître par l'ensemble des pays signataires une personnalité et une capacité juridiques identiques à celles dont elle jouit dans l'Etat de son siège. La déclaration interprétative rappellera que, conformément à la tradition française, les lois de police, de sécurité et de procédure revêtent le caractère "d'intérêt public essentiel". De même, les autorités françaises, à l'occasion d'une demande de libéralités ou de subventions, pourront refuser d'octroyer à une OING l'application de la Convention, ce qui permettra de se prémunir contre l'installation d'associations douteuses ou de sectes. En revanche, conformément au principe de territorialité, le régime fiscal applicable sera le régime français, ce qui pourrait décourager l'installation, sur notre sol, d'OING. Il est difficile d'évaluer le nombre des OING dans les pays signataires. Dans l'ensemble de l'Europe, elles seraient quelque 65 000 et la plupart se consacrent à l'aide au développement et à l'assistance humanitaire. Quant aux OING françaises, l'entrée en vigueur de la Convention aura pour elles des effets bénéfiques. Elles bénéficieront en particulier d'une meilleure protection juridique dans les pays signataires, ce qui atténuera les effets d'une concurrence croissante avec leurs homologues européennes, voire avec leurs propres filiales. La convention récuse en effet les systèmes d'autorisation gouvernementale. Enfin, il est possible que cette ratification permette à nos OING, trop effacées par rapport à leurs homologues anglo-saxonnes, d'accroître leur rôle sur la scène internationale. Dès lors, plusieurs arguments militent en faveur de cette ratification : elle comble un vide juridique ; elle laisse un large pouvoir d'appréciation aux Etats signataires ; elle offre aux OING françaises de nouvelles possibilités de développement. La France, patrie des premières OING d'aide humanitaire d'urgence et du droit d'ingérence humanitaire, devrait donc en tirer largement profit. Aussi la commission vous recommande-t-elle d'adopter ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe socialiste). M. François Goulard - Complet et synthétique, le travail accompli par notre rapporteur sur ce texte déjà adopté par le Sénat éclaire parfaitement la teneur et la portée, mais aussi les limites de cet accord. En vérité, il ne s'agit que d'une étape dans l'élaboration du droit international, une étape qui pour être modeste ne saurait être tenue pour négligeable. Les organisations internationales non gouvernementales font l'objet d'une mention dans la Charte des Nations Unies, mais surtout affirment de plus en plus leur présence dans la vie internationale. Leur contribution à la défense des droits de l'homme et à l'assistance aux personnes démunies leur confère une véritable autorité morale. Il est donc heureux que les pays membres du Conseil de l'Europe étendent la reconnaissance, qui leur est accordée dès lors qu'elles jouiront de la personnalité et de la capacité juridiques dans un des Etats signataires. Le second alinéa de l'article 2 de la convention prévoit que les restrictions relatives à l'exercice des droits résultant de la reconnaissance de la capacité juridique décidées par certains pays lorsqu'un intérêt public essentiel est en jeu, s'appliquent aux OING. Il est conforme aux usages du droit international. La législation française sur ce point est fort heureusement très libérale. J'appelle seulement l'attention du Gouvernement sur d'éventuelles difficultés d'application de notre législation fiscale relative aux associations ; elle a certes été récemment clarifiée mais son application demeure délicate dans le cas d'organisations internationales. Le groupe Démocratie libérale, soucieux de voir partout s'imposer le droit international, comme il l'a d'ailleurs montré au sujet de la création d'une Cour pénale internationale, est favorable à l'adoption de ce projet de loi. M. Claude Evin - J'espère que l'Assemblée décidera à l'unanimité d'autoriser la ratification de cette convention très attendue des OING, même si elle n'est pas suffisante. Espérons, comme l'a souligné le Secrétaire d'Etat, que l'engagement français relance les adhésions à cette convention. Ayant l'honneur de représenter l'Assemblée à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je puis témoigner de l'extrême attention que portent les autres pays membres de cette institution au calendrier de ratification par la France de textes qui incarnent les valeurs et les principes fondamentaux de notre République. L'adoption de cette convention confirmera l'appellation d'"organisation internationale non gouvernementale". On eût pu souhaiter que lui soit préférée celle d' "organisation de solidarité internationale", qui aurait mieux traduit leur travail sur le terrain. Je profite enfin de ce débat pour rappeler l'urgence de soumettre au Parlement le projet de loi relatif au volontariat, très attendu de ces organisations. Le projet du Gouvernement doit encore être soumis à consultation avant d'être présenté en Conseil des ministres. Nous souhaitons qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le plus rapidement possible, en dépit du calendrier chargé de nos travaux. J'espère maintenant que cette convention sera ratifiée à l'unanimité. M. Patrick Delnatte - Le groupe RPR approuve le projet de loi autorisant la ratification de cette convention. M. le Secrétaire d'Etat - Je remercie le rapporteur et les orateurs. Ils ont eu raison de souligner combien les OING françaises, efficaces et courageuses, sont appréciées sur le terrain. Leur travail est de plus en plus difficile et l'adoption d'un statut national des volontaires devient en effet urgente. Elle sera plus facile que celle d'un statut international. Les deux sont pourtant nécessaires afin d'assurer la protection des membres de toutes les OING et des volontaires des Nations Unies. Des événements comme l'enlèvement de notre compatriote Vincent Cochetel, qui vient heureusement d'être libéré, après toutefois de trop longs mois de souffrances, ne doivent pas pouvoir se reproduire. Or, il est devenu extrêmement difficile pour les OING de travailler dans certains pays frontaliers de ceux du Conseil de l'Europe, voire membres de cette institution. Je remercie enfin le rapporteur d'avoir évoqué l'idée française que nous n'avons malheureusement pas entendu mentionner lors de la célébration du cinquantenaire de la déclaration universelle des droits de l'homme, d'un droit et d'un devoir d'ingérence qui ne consistent en rien d'autre qu'à protéger les populations avant qu'il ne soit trop tard. Si condamner les dictateurs a posteriori comme le permettra la Cour pénale internationale créée à Rome, constitue un progrès, mieux vaudrait néanmoins éviter d'avoir à le faire en intervenant en amont. C'est une tâche à laquelle la France pourrait s'honorer d'avoir contribué. L'article unique du projet de loi, mis aux voix, est adopté. M. le Président - A l'unanimité.
CHARTE SOCIALE EUROPÉENNE ET PROTOCOLE ADDITIONNEL L'ordre du jour appelle la discussion des projets de loi autorisant l'approbation de la charte sociale européenne et celle de son protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives. M. le Président - La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune et feraient l'objet d'une procédure d'examen simplifiée dans les conditions prévues à l'article 106 du Règlement. M. le Secrétaire d'Etat à la santé - La France a jouté un rôle majeur dans l'adoption de ces deux textes. Leur adoption par l'ensemble des Etats européens, y compris les pays d'Europe orientale et les pays de l'ex-URSS, permettra de promouvoir les droits sociaux fondamentaux qui fondent le modèle social européen et d'en assurer le respect effectif. La Charte sociale est le socle du modèle social auquel nous sommes attachés. Le traité d'Amsterdam reconnaît d'ailleurs les principes qu'elle édicte comme le fondement de la politique sociale de l'Union européenne. Les partenaires sociaux, français et européens, y sont très attachés. C'est un instrument de progrès des droits sociaux en Europe, en particulier pour les pays qui ont accédé récemment à la démocratie. La Charte sociale européenne révisée est née de l'initiative prise en novembre 1989 par Mme Lalumière, alors Secrétaire générale du Conseil de l'Europe, à l'occasion de la conférence ministérielle sur les droits de l'homme tenue à Rome pour le 40ème anniversaire de la convention européenne des droits de l'homme. Ainsi a été amélioré le mécanisme de contrôle de la Charte de 1961 grâce à un protocole portant amendement à cette dernière qui clarifie le rôle respectif des différents organes de contrôle et le facilite, et à un protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives ouvert à la signature en novembre 1995. Ce protocole permet aux organisations nationales et internationales d'employeurs et de travailleurs ainsi qu'à certaines organisations internationales non gouvernementales de présenter des réclamations au Secrétaire général du Conseil de l'Europe au cas où un Etat signataire du protocole n'appliquerait pas convenablement la charte. A titre optionnel, les parties contractantes peuvent ouvrir ce droit à des organisations nationales non gouvernementales. Une Charte sociale européenne révisée a par la suite été adoptée afin de tenir compte des évolutions intervenues depuis 1961. Elle regroupe dans un instrument unique l'ensemble des droits garantis dans la charte initiale dont certains ont été amendés ou complétés, ceux inscrits dans le protocole additionnel de 1988, ainsi que de nouveaux droits adoptés lors de la négociation de la charte révisée. Cette charte existe de manière autonome, avec le même mécanisme de contrôle que la charte de 1961, à laquelle elle a cependant vocation à se substituer à terme. La charte révisée ne prévoit pas la dénonciation de l'ancienne. Toutefois, son acceptation par un Etat a pour conséquence que les dispositions correspondantes de la charte initiale et de son protocole cessent de s'appliquer à cet Etat. A l'origine du protocole additionnel, l'idée d'instituer un système de réclamation collective a été reprise à partir de 1991 en vue de relancer la Charte sociale européenne. Il s'agit de rendre plus efficace un organisme de contrôle qui repose jusqu'à présent sur la soumission des rapports gouvernementaux. Le nouveau système vise aussi à renforcer le rôle des partenaires sociaux et des organisations non gouvernementales. Telles sont les caractéristiques de cette Charte révisée et du protocole additionnel dont le Gouvernement vous demande d'approuver la ratification (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Paul Dhaille, rapporteur de la commission des affaires étrangères - L'année 1999 sera importante pour la construction européenne : réforme de la PAC et des fonds structurels, élections au Parlement européen, ratification du traité d'Amsterdam... A mesure que l'Europe se construit cependant, son déficit social se fait plus apparent. Alors que les Etats membres sont soumis à des règles contraignantes en matière de finances ou de concurrence, le droit social européen accuse un certain retard. Quant aux pays d'Europe centrale et orientale, attirés par le mirage libéral, ils sont passés d'un système totalement réglementé à la disparition de toute protection pour le travailleur. Signée à Turin en 1961 et entrée en vigueur en 1965, la Charte sociale européenne, telle qu'elle a été ensuite révisée, est le socle sur lequel nous pourrons édifier un véritable modèle européen, différent des modèles américain ou asiatique, dans lesquels les hommes ne sont que des variables d'ajustement. M. François Goulard - C'est ce qu'on appelle une caricature ! M. le Rapporteur - Après avoir institué la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil de l'Europe propose à la signature de ses membres un texte garantissant un ensemble de droits sociaux. Bien plus que les pays de l'Union européenne, ceux d'Europe centrale et orientale auront beaucoup d'efforts à accomplir pour rendre leur droit interne conforme à cette charte. Le niveau de protection sociale garanti sera en effet plus élevé que celui exigé par l'Organisation internationale du travail. Le traité d'Amsterdam fait explicitement référence à la charte sociale européenne révisée, qui renforce considérablement la charte de 1961 en intégrant les dispositions du protocole additionnel adopté en 1988. Dans la mesure où la France respecte déjà la quasi-totalité des règles de la charte, qui vont en revanche se traduire par des avancées considérables en Europe centrale et orientale, j'invite le Gouvernement à faire de ce texte un instrument de progrès. Les règles édictées ne sont pas le résultat d'un travail d'experts, mais d'une négociation qui a réuni les représentants de l'OIT, de la Confédération européenne des syndicats, de l'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe, ainsi que des représentants des Etats-membres et des élus siégeant au Conseil de l'Europe. Le texte prend donc en compte, les intérêts de chacun. Il vise à concilier avec les nécessités de la vie économique l'intervention des Etats et les droits des travailleurs. Il serait trop long de détailler l'ensemble des dispositions de la charte, qui peuvent être regroupées en plusieurs catégories : protection juridique des travailleurs, protection de la santé, égalité entre les hommes et les femmes... Ce texte s'oppose à toutes les discriminations fondées sur le sexe, la race, l'appartenance culturelle, religieuse, politique ou syndicale. Il affirme la nécessité de combattre toute forme d'exclusion, que la pauvreté remonte à plusieurs générations ou qu'elle trouve sa cause dans un problème temporaire de chômage, d'alcoolisme ou de toxicomanie. La législation française n'a plus qu'à être améliorée de manière ponctuelle. Pour l'anecdote, le code de la marine marchande permet toujours de mettre aux fers à fond de cale les mutins. Plus sérieusement, il faut résoudre le problème de l'inégalité entre les enfants naturels et les enfants adultérins, déjà signalé par le rapport Théry. De même, les retenues sur salaire des fonctionnaires doivent être proportionnelles à la durée de grève, la règle des trentièmes indivisibles étant jugée abusive. Déjà l'adoption de la loi Chevènement a réglé la question du bénéfice du Fonds national de solidarité et de l'Allocation pour adultes handicapés. De même, la loi de lutte contre l'exclusion répond pleinement à l'exigence posée par l'article 30 de la charte, en vertu duquel les états signataires doivent mener "une politique coordonnée et globale pour promouvoir l'accès effectif à l'emploi, au logement, à la formation, à l'enseignement, à la culture et à l'assistance médicale des personnes se trouvant ou risquant de se trouver en situation d'exclusion sociale". La charte révisée prend en compte l'évolution des normes économiques et sociales mais aussi celle des modes de vie, ainsi que la nouvelle donne politique résultant de l'élargissement et de l'entrée des pays d'Europe centrale et orientale au Conseil de l'Europe. Ainsi, la charte porte de douze à quatorze semaines le congé de maternité. Elle interdit le licenciement d'une femme enceinte, renforce la protection des mineurs, porte à quatre semaines la durée annuelle minimale de congés, garantit le droit des travailleurs à connaître les termes de leur contrat de travail, et exige que tout licenciement soit motivé et indemnisé. Les Etats devront aussi mener une politique cohérente d'intégration des handicapés. Enfin, les signataires seront tenus de respecter au moins cinq des articles les plus fondamentaux de la charte, ce qui aura une influence considérable sur l'évolution des normes économiques et sociales de certains pays. Le protocole additionnel vise à simplifier le système de réclamation collective qui dans sa formule actuelle fait intervenir un trop grand nombre d'instances : un comité d'experts, un comité composé de représentants des gouvernements, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et le comité des ministres... En outre, les résultats des votes sont actuellement calculés sur la base du nombre de parties concernées, ce qui donne un pouvoir excessif aux abstentionnistes et aux absents. Désormais, la majorité des deux tiers, déjà exigée aujourd'hui, s'entendra sur la base des votants. De plus, ce seront les conclusions du comité des experts indépendants qui serviront de supports aux débats de politique sociale. Contrairement à ce que souhaitaient certains, il ne sera pas fait appel à la Cour européenne des droits de l'homme. Une fois épuisées les voies de recours internes, quatre catégories d'organisations pourront formuler une réclamation : les organisations internationales d'employeurs et de travailleurs, les organisations internationales non gouvernementales dotées du statut consultatif, les organisations nationales représentatives et les ONG représentatives particulièrement qualifiées dans les matières régies par la charte. Toutefois, la France n'a pas retenu l'option des organisations nationales représentatives. Le Gouvernement devrait reconsidérer sa position. Quinze Etats ont signé la charte révisée. Notre pays s'honorerait d'être le deuxième à le ratifier, après la Suède. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. François Goulard - Les Etats membres de l'Union européenne respectent déjà, peu ou prou, cette charte, dont la portée sera surtout considérable pour les autres pays signataires. Il s'agit d'un engagement solennel à donner un contenu social à la démocratie. Cet engagement n'est pas vain, même s'il sera difficile, pour certains de nos partenaires, de le traduire en droit interne. S'agissant de la France, il sera facile de mettre à niveau notre législation. Surtout, la progression des économies d'une part, de la démocratie d'autre part dans tous les pays concernés est le plus sûr garant du progrès social, comme elle l'a été dans l'histoire de la France. En ce qui concerne l'Union européenne, le volet social obéit au principe de subsidiarité. Le groupe DL votera ce projet. M. Claude Evin - Tout l'intérêt de la charte sociale européenne est d'aller au-delà des textes existants, en particulier de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée en 1989. En effet, elle prend en compte l'ensemble des droits sociaux de la population tout entière. Huit jours après la célébration du cinquantenaire de la déclaration universelle des droits de l'homme, il est bon que nous autorisions l'approbation de cette charte révisée et du protocole additionnel. Nous serons le deuxième pays, après la Suède, à ratifier la charte révisée ; en revanche, nous ne serons que le huitième pays à adopter le protocole additionnel, après Chypre, l'Italie, la Norvège, le Portugal, la Suède, la Grèce et la Finlande. Nous n'aurons donc pas été parmi les cinq qui, ayant approuvé le texte avant le 1er juillet dernier, ont permis qu'il entre en application à cette date ; c'est dommage... Le rapporteur a fait état des points sur lesquels la France devra légiférer sans tarder pour se mettre en règle avec la charte. A cet égard, j'ai noté avec satisfaction que le souffle du Conseil de l'Europe se faisait sentir jusque sur les bancs du groupe Démocratie libérale, puisque, par la voix de M. Goulard, il a déclaré ne pas être opposé à revoir, concernant le droit de grève des fonctionnaires, ce qui avait été décidé à l'initiative de M. Lamassoure. M. François Goulard - Je n'ai pas pris d'engagement formel ! M. Claude Evin - L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a formulé le voeu que, dans chacun des Etats membres, une procédure soit instituée pour suivre l'application de la charte. Je suggère que nous donnions cette mission au Conseil économique et social. Je veux rendre un hommage particulier à Catherine Lalumière, qui a été à l'origine de la révision de la charte sociale lorsqu'elle était Secrétaire générale du Conseil de l'Europe. En ce qui concerne le protocole additionnel, je me félicite qu'on mette en place un système de réclamations collectives ; je souhaite que le Gouvernement établisse la liste des organisations non gouvernementales qui pourront engager des procédures ; la France donnerait ainsi l'exemple à d'autres pays. Alors que le Conseil de l'Europe s'apprête à fêter, en 1999, son cinquantenaire, je me réjouis que l'Assemblée nationale puisse adopter à l'unanimité ces deux projets. M. Patrick Delnatte - Ces deux textes sont importants car ils donnent toute leur place aux préoccupations sociales des Européens. La Charte sociale européenne est le pendant social de la Convention européenne des droits de l'homme ; le protocole additionnel vise à renforcer l'efficacité des mécanismes de contrôle. La Charte sociale révisée énonce trente-et-un droits sociaux fondamentaux. Elle tient compte des évolutions, qui ont eu lieu dans le droit du travail et dans la conception des politiques sociales. Certains droits ont été renforcés, d'autres ont été introduits. Le protocole additionnel est le fruit d'un compromis mais constitue une réelle avancée car il existe peu de mécanismes de réclamations au niveau international dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Pour nous mettre en conformité avec la Charte, nous devrons réformer le code disciplinaire et pénal de la marine marchande, mettre fin au monopole syndical d'embauche dans le secteur du livre, revoir le calcul des retenues sur salaires des fonctionnaires qui exercent leur droit de grève, supprimer les différences existant entre les droits successoraux des enfants adultérins et ceux des enfants légitimes. Le respect de la charte par les pays de l'Union européenne et par ceux de l'Europe centrale et orientale créera les conditions d'une concurrence économique équilibrée. C'est pourquoi le groupe RPR est favorable à ces deux projets. La discussion générale est close. L'article unique du projet autorisant l'approbation de la charte sociale européenne, mais aux voix, est adopté. M. le Président - A l'unanimité. L'article unique du projet autorisant l'approbation du protocole additionnel, mis aux voix, est adopté. M. le Président - A l'unanimité. Prochaine séance demain vendredi 18 décembre, à 15 heures. La séance est levée à 18 heures 15. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |