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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 63ème jour de séance, 159ème séance 1ère SÉANCE DU JEUDI 11 FÉVRIER 1999 PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET vice-président SOMMAIRE : DÉLÉGATIONS AUX DROITS DES FEMMES 1 La séance est ouverte à neuf heures. M. le Président - A la demande de la commission des lois, la séance est suspendue. La séance est reprise à 9 heures 10. M. le Président - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Laurent Fabius et plusieurs de ses collègues, tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des lois - Christine Clerc, dans un éditorial du Figaro Madame, se demandait si le XXème siècle avait été le siècle des femmes, citant "les victoires et les avancées faisant d'elles des conquérantes". Mais elle ajoutait : "D'où vient alors ce tremblement de voix, d'où viennent ces rires mêlés de larmes ?" La réponse se lit simplement, cruellement, dans quelques statistiques. Le taux d'activité des femmes est presque équivalent à celui des hommes, mais 60 % d'entre elles sont ouvrières ou employées ; en 1995, 30 % avaient un contrat de travail à temps partiel, contre 5 % des hommes. On vous expliquera que beaucoup d'entre elles l'ont souhaité, pour éduquer leurs enfants ; mais si les enfants se font à deux, il devrait en être de même pour leur éducation. En réalité, beaucoup d'emplois dits féminins ne sont offerts qu'à temps partiel. Les chômeurs de longue durée sont surtout des chômeuses ; les femmes, mal protégées par les conventions collectives font les frais de la flexibilité. Il serait bon, Madame la ministre, que vous veilliez particulièrement aux conditions d'application des 35 heures pour les femmes. Mes statistiques ajoutent, cruellement, que les femmes, à diplôme égal, n'ont pas accès aux mêmes responsabilités que les hommes. J'ose à peine parler de nos 11 % de députées et des 6 % de sénatrices... Si 57 % des fonctionnaires sont des femmes, elles ne sont que 13 % dans la haute fonction publique. Seules 11 femmes sont ambassadeurs, 4 sont préfets, 15 sont inspecteurs des finances et, si dans la magistrature elles occupent 52 % des postes, elles ne sont que 4 % dans les grades élevés où elles servent un peu, ou beaucoup, d'alibis. Bien entendu cela a des conséquences sur les rémunérations : l'écart reste toujours important et a même tendance à augmenter à nouveau puisque de 1996 à 1997, il est passé de 22 % à 22,5 %. C'est pourquoi plusieurs de nos collègues, dont le plus éminent d'entre eux, le président Laurent Fabius, que je tiens à saluer en ce jour... (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste) ainsi que Martine Lignières-Cassou et l'ensemble des membres du groupe socialiste ont déposé le 14 décembre dernier une proposition de loi tendant à instituer dans chaque assemblée une délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances. Une proposition semblable avait été déposée le 27 octobre par Mme Hélène Luc, présidente du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat. Il s'agit d'aider le Parlement à prendre en compte les problèmes de l'égalité entre les sexes dans l'élaboration des lois. En effet, les organismes existants sont tous au service de l'exécutif, qu'il s'agisse du secrétariat d'Etat chargé des droits des femmes, de la délégation interministérielle, du service des droits des femmes, du comité interministériel chargé des droits des femmes, du conseil supérieur de l'égalité professionnelle, du conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale, ou encore de l'Observatoire de la parité. Au sein de nos assemblées en revanche, rien qui puisse nous aider à améliorer la législation. Certes, toutes nos commissions se sont intéressées à la parité, toutes ont oeuvré à réparer la vieille injustice napoléonienne, à peine corrigée par la République. Mais seules des délégations parlementaires, comme celles qui existent pour l'Union européenne, nous permettront d'avancer. Cette proposition, complétée par un amendement que j'ai eu l'honneur de déposer et qui a été adopté par la commission, vise à créer une délégation de trente-six membres dans chaque assemblée. Ces délégations doivent être paritaires, car à la seule représentation proportionnelle, compte tenu des chiffres cités tout à l'heure, elles ne comprendraient que quatre députées et deux sénatrices. Ces délégations auraient pour rôle d'examiner les textes en préparation, s'ils peuvent contribuer à rétablir l'équilibre entre les hommes et les femmes, mais aussi d'informer le Parlement de manière permanente. Elles établiront des rapports, mettront à la disposition des parlementaires l'ensemble de l'information collectée et publieront un rapport annuel rendant compte de leurs travaux. Elles nous indiqueront où en est la parité -ou pour mieux dire, l'égalité, qui figure dans la devise de notre République. Comment, en effet, notre société pourrait-elle être harmonieuse, si elle ne repose que sur des rapports de force ? Nous avons besoin de respect et de confiance envers les unes, les uns et les autres. Je ne suis pas de ceux qui se sentent menacés par la volonté légitime des femmes de construire une société d'égalité, reposant sur la confiance, la courtoisie et, pourquoi pas, la tendresse. Comme dit la chanson : "Femmes, je vous aime..." (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - C'est avec plaisir que je viens devant vous pour soutenir votre proposition tendant à créer deux délégations parlementaires, j'en approuve la double vocation : droits des femmes et égalité des chances. Tel est le sens de mon action depuis que, le 17 novembre 1998, la responsabilité m'en a été confiée par le Premier ministre et Martine Aubry. Cette proposition est le résultat d'un travail de réflexion accompli par un groupe de députées et de sénatrices. Deux propositions identiques ont été déposées le 14 décembre : l'une présentée par Mme Danièle Pourtaud et les membres du groupe socialiste du Sénat, l'autre par M. Laurent Fabius. Elles rejoignent la proposition déposée par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat. Je tiens à saluer la persévérance de nos députées, Martine, Nicole, Yvette, Odette, Catherine et autres Béatrice, ainsi que l'engagement de la majorité dans son ensemble. Je félicite M. Floch pour la qualité de son analyse et la pertinence de ses propositions. La plupart de nos partenaires européens ont voulu se doter d'instances capables d'éclairer les travaux parlementaires sur le problème de l'égalité des chances. Seule une approche globale, en effet, peut nous aider à répondre aux questions qui se posent sur la place des femmes dans la société. L'égalité des chances est en jeu dans chacun des textes que vous votez. Toutes nos politiques peuvent y concourir. C'est pourquoi la délégation interministérielle de Geneviève Fraisse était utile. Quant à moi, avant même que mon champ de compétence soit élargi aux droits des femmes. J'ai intégré cette problématique à mon approche de la formation professionnelle. Savez-vous, en effet, qu'une ouvrière travaillant dans une PME n'a que 2 % de chances d'accéder à une formation continue, contre 60 % de chances pour un cadre d'une entreprise de plus de 2 000 salariés ? C'est cette approche intégrée de la formation professionnelle que j'exposerai courant mars en Conseil des ministres. Vous avez montré que les commissions parlementaires existantes ne peuvent pas remplir la fonction que vous avez assignée à la future délégation, qu'il s'agisse du droit de la famille, du droit social, du droit européen ou du droit public. Seule cette nouvelle délégation est de nature à garantir une approche globale. Enfin je suis de votre avis, Monsieur le rapporteur : le principe d'universalité justifie que la démarche législative soit indifférenciée. Mais lorsque la loi est la même pour tous, la spécificité des droits des femmes et l'inégalité de leur situation ne sont plus visibles. Vous avez raison de prévoir des modalités de saisine très souples car le champ est immense. Le rôle des délégations ne se limitera pas à une mission générale d'information des assemblées. Ces nouvelles instances contribueront à l'élaboration du droit, ce dont le Gouvernement ne peut que se réjouir. De même, vos rapports ne se borneront pas à des recommandations portant sur les questions ayant fait l'objet d'une saisine mais comprendront des propositions visant à améliorer la législation. Le Premier ministre a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes un des enjeux de la rénovation de notre vie publique. Je compte appuyer mon action sur le service des droits des femmes. Il s'agit certes d'une administration légère, qui dispose au niveau central d'une cinquantaine d'agents et, au niveau déconcentré, de 145 personnes. Force de proposition, ce service travaille aussi à mettre en oeuvre les politiques publiques que le Gouvernement décide et dont j'ai la responsabilité. Son activité m'est précieuse. Je vous rappelle que ses moyens financiers ont augmenté de 11 % entre 1998 et 1999. Je m'emploierai à lui donner des moyens en rapport avec nos ambitions et à intégrer son personnel dans la grille du ministère de l'emploi. J'ai déjà engagé une discussion dans ce sens avec la puissante administration de Bercy. Le Gouvernement s'appuiera également sur l'Observatoire de la parité. J'ai déjà eu l'occasion d'annoncer que Martine Aubry et moi-même avions proposé Dominique Gillot à la fonction de rapporteuse. J'attends beaucoup des propositions de l'Observatoire. Mais l'exigence d'égalité concerne avant tout ce que les femmes vivent au quotidien, dans leur travail, leurs activités sociales, syndicales et, bien sûr, familiales. La persistance des inégalités professionnelles nous a conduites, Martine Aubry et moi-même, à demander au Premier ministre de charger Catherine Génisson d'une mission d'analyse et de réflexion. Les jeunes filles accèdent en plus grand nombre que les garçons à l'enseignement supérieur : 120 filles pour 100 garçons. Mais où sont-elles, quand on regarde la composition des états-majors des entreprises et des instances de décision ? Je m'attacherai à renforcer les droits des femmes à la contraception et à l'IVG. Sur ce dernier thème, le professeur Nisand doit nous remettre dans les jours prochains ses conclusions et ses propositions pour améliorer le dispositif légal. Je lancerai dès cette année une grande campagne d'information sur la contraception, dotée d'un budget de 20 millions de francs. Je souhaite par ailleurs mener une campagne de sensibilisation sur les violences faites aux femmes, dans la sphère privée, mais aussi sur les lieux de travail. On voit, à l'étendue du champ concerné, que ces questions doivent être abordées aujourd'hui avec la double approche que j'ai évoquée plus haut. En dernière analyse c'est le regard de la société sur les femmes qui doit changer. Elles sont encore victimes de discriminations insupportables et ce constat justifie la poursuite d'actions spécifiques positives à leur égard. Mais elles sont surtout actrices à part entière de notre vie sociale et économique et de notre démocratie. Les grandes évolutions à venir, tant sur le marché du travail que dans les nouveaux modèles à promouvoir pour mieux articuler vie familiale et vie professionnelle, ne pourront se faire qu'avec elles. Ces objectifs, on le voit, rejoignent vos préoccupations. Je retrouve dans ce texte la même volonté que le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont manifestée pour faire aboutir la révision constitutionnelle relative à l'égal accès aux mandats et fonctions et qui s'exprimera à nouveau mardi prochain, lors de la deuxième lecture du projet. A l'évidence, nous nous donnons là les moyens d'accélérer les mutations indispensables à l'épanouissement de notre société (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Mme Martine Lignières-Cassou - Cette proposition de loi est le résultat d'un travail collectif réalisé par des femmes députées et sénatrices socialistes à l'automne dernier, avec le soutien du président de l'Assemblée, M. Laurent Fabius, pour qui j'aurai une pensée amicale ce matin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Ce désir de création d'une délégation parlementaire est partagé par l'ensemble des groupes. Le groupe communiste a déposé au Sénat un texte équivalent et l'ensemble de notre commission des lois a donné son accord à cette proposition. L'excellent rapport de Jacques Floch s'ouvre sur un chapitre intitulé "l'inégalité des droits et des chances demeure plus que jamais d'actualité". Je voudrais attirer votre attention sur le fait que rien ne s'acquiert sans une réelle volonté politique. Dans les années 70, nous nous sommes battues pour les droits propres des femmes, dont le premier est le droit de maîtriser sa maternité : ce furent les grandes campagnes sur la contraception et l'avortement. Nous avons ensuite applaudi le travail "bulldozer" d'Yvette Roudy, ministre des droits des femmes de 1981 à 1986. Je relisais ces derniers jours les deux ouvrages qu'elle a écrits A cause d'elles et De quoi ont-ils peur ? Elle s'est attaquée à tous les domaines, mais elle n'a pas été suffisamment soutenue. Ainsi la loi sur l'égalité professionnelle n'a pas été appliquée parce que nous n'avons pas su nous en saisir. Puis, pendant plus de dix ans, il n'y a pas eu d'avancée significative. Les femmes sont redevenues "invisibles" dans la sphère politique, jusqu'au coup d'éclat en 1996 du groupe des dix - dix anciennes ministres, de droite comme de gauche, qui ont osé ouvrir en France le débat sur la parité. Les femmes sont également redevenues invisibles dans la sphère sociale. On parle de familles monoparentales, en oubliant que 90 % de ces chefs de famille sont des femmes. On parle de travail à temps partiel, sans prendre en compte que 80 % de ces travailleurs sont des femmes qui, dans leur majorité, subissent le temps partiel. Comme le dit Geneviève Fraisse, les inégalités qui pèsent sur les femmes peinent à éclater au grand jour car la question est, soit diluée dans les problèmes de société en général, soit marginalisée. Sylviane Agacinski soulignait d'ailleurs dans un article récent "les paradoxes du féminisme oscillant entre le particulier et l'universel". L'histoire a montré qu'il n'y a pas à attendre d'avancée "naturelle" des droits des femmes et de l'égalité des chances. C'est pourquoi nous souhaitons que le Parlement se mobilise, lui aussi, sur ce sujet et se donne un outil de travail et de réflexion qui lui permette d'intervenir en amont sur des projets, des propositions de lois ou des textes communautaires. Cet outil est pour nous complémentaire du travail effectué par le secrétariat d'Etat aux droits des femmes dont nous regrettons, Madame la ministre, qu'il ne soit pas un ministère de plein exercice, ce qui vous permettrait de disposer de plus de moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Cette délégation est également complémentaire de l'Observatoire de la parité, instrument d'aide à la décision du Gouvernement. Les chantiers à ouvrir ou à relancer sont nombreux. Concernant les droits des femmes proprement dit, vous nous avez annoncé une campagne d'information sur la contraception -il n'y en a pas eu depuis plus de 15 ans- et le lancement d'une campagne d'information et de formation sur les violences faites aux femmes. Nous devrons également travailler avec vous-même et la Garde des Sceaux sur la réforme des droits de la famille. En ce qui concerne l'égalité des chances, vous avez confié une mission sur l'égalité professionnelle à notre collègue Catherine Génisson. Nous attendons beaucoup de ce travail, dont la délégation devra se saisir. L'accès aux postes à responsabilités, tant dans la sphère politique -le sujet est d'actualité- que dans la sphère sociale et professionnelle, sera aussi un de nos principaux objectifs. L'Europe nous montre l'exemple en préconisant déjà la mise en place d'actions de discriminations positives (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Pierre-Christophe Baguet - Le 15 décembre dernier, à l'occasion de l'examen des textes sur l'égalité des femmes et des hommes en politique, tous les orateurs ont fait un triste constat. L'égalité n'existe pas non plus dans l'ensemble du pays. Personnellement, j'avais insisté sur la difficulté pour les femmes d'assumer dans de bonne conditions à la fois leur vie familiale et leur vie professionnelle. Un mensuel vient de rappeler des chiffres alarmants. Parmi les 25-39 ans, neuf femmes diplômées sur dix travaillent, mais seulement six femmes non diplômées sur dix ont un emploi ; 30 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 5 % des hommes : ce travail à temps partiel est "subi" et non volontaire pour 38 % des femmes de moins de 25 ans. Les femmes sont plus touchées par le chômage que les hommes, surtout les plus jeunes : un quart des femmes actives de moins de 25 ans est au chômage, contre 18,7 % des hommes. Les femmes qui travaillent sont en majorité des ouvrières -55,1 % contre 46 % pour les hommes ; en revanche, elles n'occupent que 9,7 % des fonctions de cadres et des professions intellectuelles, contre 15,9 % pour les hommes. Il est donc temps de se donner les moyens de rétablir l'équilibre. Tous les organes existants sont au service de l'exécutif. Le gouvernement d'Alain Juppé avait, en octobre 1995, créé l'Observatoire de la parité, et il faut lui en rendre hommage (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Mais là encore, il s'agit d'un instrument d'aide à la décision du Gouvernement. Aussi fallait-il créer une délégation parlementaire pour traiter les problèmes de façon transversale et étudier en amont les différents textes et leurs répercussions sur l'égalité entre hommes et femmes. Encore faudra-t-il que cette délégation parlementaire soit saisie ou se saisisse très en amont des textes, pour avoir le temps de les étudier, et donc que le Gouvernement joue le jeu. Il faudra aussi que ses rapports ne finissent pas dans des tiroirs. Y avait-il d'autre solution que de créer un nouvel organe ? Peut-être, par exemple en divisant en deux la commission des affaires culturelles et en rendant obligatoire sa saisine pour avis sur les projets renvoyés à une autre commission ; ou encore en créant au sein de chaque commission permanente un "comité d'avis", comme en Belgique, composé de parlementaires spécialement attentifs aux droits des femmes. Mais ces solutions ne sont pas satisfaisantes. Les formules retenues par les pays étrangers ayant ouvert la voie ne sont pas toutes adaptées au nôtre. Des délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances doivent donc être créées, sur le modèle des délégations pour l'Union européenne de nos deux assemblées. Les offices d'évaluation, quant à eux, ont plutôt vocation à exercer une mission d'expertise a posteriori sur des dossiers particuliers. La composition des délégations devra assurer une représentation proportionnelle des groupes, une représentation équilibrée des six commissions permanentes, ainsi que des hommes et des femmes. Je me félicite de la définition des compétences qui a été donnée, ainsi que de la reconnaissance d'un pouvoir d'autosaisine, le droit de saisine étant lui-même étendu aux bureaux des Assemblées, aux commissions, aux délégations pour l'Union européenne et aux groupes politiques. Ces délégations devront trouver le mode de fonctionnement le plus adéquat et s'imposer par leur compétence, par leur capacité à traiter les problèmes "transversaux". Elles devront être des forces de proposition et d'incitation et, grâce à une large publicité de leurs débats, se faire les moteurs de l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est à ces conditions qu'elles trouveront leur raison d'être : souhaitons simplement que les femmes de notre pays n'aient pas à attendre pour cela les dix ans qu'ont mis les délégations pour l'Union européenne pour s'imposer ! Pour sa part, le groupe UDF Alliance votera avec enthousiasme la création de ces délégations parlementaires et les femmes de France peuvent compter sur sa détermination pour oeuvrer au succès de l'entreprise. Mme Chantal Robin-Rodrigo - Après l'encouragement donné par l'élection, en juin 1997, d'un nombre de femmes accru à l'Assemblée, la discussion de cette proposition vient confirmer l'importance que revêt, au sein du Parlement, la question du droit des femmes. On ne peut cependant en rester à l'affirmation de principes car trop d'inégalités subsistent entre les hommes et les femmes dans la vie professionnelle : inégalités des chances, inégalité dans les rémunérations, inégalité dans l'accès aux emplois qualifiés et aux responsabilités. Comme le rappelle le rapport, 83 % des actifs occupant un emploi à temps partiel subi sont des femmes et les salaires masculins sont supérieurs de 30 % aux salaires féminins. Malgré les avancées de la loi enregistrées au début des années 1980, l'égalité des droits n'a pas encore pris corps. La révision de notre Constitution, votée ici en première lecture le 16 décembre, permet d'accélérer un processus législatif en panne faute d'évolution spontanée. Ce pas doit être suivi d'autres, la loi devant donner l'impulsion. Mais il est à souhaiter que la sagesse l'emporte au Sénat lors de la deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, si l'on ne veut pas que la réforme soit bloquée. Selon un sondage paru ce jour, 85 % des Français souhaitent la parité dans le monde politique, où les inégalités sont encore plus grandes que dans la société civile ! Notre Parlement étant le seul de l'Union européenne à n'être pas doté d'un organe spécifiquement chargé de traiter des droits des femmes, il s'imposait de combler cette lacune qui ne nous honore pas. La présente proposition nous fournira un excellent moyen de mesurer exactement la situation en matière de droits des femmes. Les nouvelles délégations seront à même d'engager une réflexion permanente dans tous les domaines de compétence des commissions, pour prendre toute sa part au progrès vers l'égalité juridique et plus de justice sociale. Les radicaux de gauche sont donc favorables à cette proposition qui prolonge le débat sur l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives, et ils apprécieront sans condition cette initiative (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Mme Jacqueline Fraysse - La discussion du projet de loi constitutionnelle relative à l'égalité entre les femmes et les hommes a permis de souligner avec force l'ampleur des inégalités et des discriminations subies par les femmes. Et si notre siècle a été marqué par des avancées, notamment dans la période récente, les femmes les doivent d'abord à elles-mêmes, à leurs luttes, à leur courage et à leur détermination : pensons au droit de vote pour lequel la place qu'elles ont prise dans la Résistance a beaucoup pesé, mais aussi au droit à la contraception, au droit d'interrompre une grossesse non désirée, au droit au divorce par consentement mutuel, au droit de gérer leurs biens propres ou encore d'accéder à des métiers jusque là "réservés aux hommes"... encore qu'il y aurait beaucoup à dire sur ce dernier sujet, l'exemple de la magistrature dans laquelle elles occupent 54 % des emplois mais seulement 4 % des plus hauts grades est éloquent ! C'est encore leur ténacité qui a conduit à un projet de révision constitutionnelle où la parité devrait trouver un point d'appui solide. Mais l'écart entre le droit et la réalité est encore immense, comme en fait foi l'exposé des motifs de la proposition : un écart de 30 % sépare les salaires des hommes de ceux des femmes, tandis que 90 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes. Plus touchées que les hommes par la précarité et le temps partiel subi, elles sont aussi plus exposées au chômage et représentent 53 % des chômeurs de longue durée. Au surplus, leur sous-représentation dans les assemblées élues freine les initiatives susceptibles d'améliorer la situation. Cette injustice, privant la société de l'apport de la moitié des citoyens, nous avons l'obligation d'en rechercher les causes et d'y apporter des remèdes. Nous le faisons quand nous travaillons à introduire dans notre Constitution l'objectif de la parité dans les fonctions électives, mais cela ne saurait suffire et il faut aussi des mesures de fond garantissant aux femmes un réel accès à l'exercice de la citoyenneté. Il faudra bien, par exemple, se décider à élaborer un statut de l'élu et à modifier les modes de scrutin, pour les rendre plus équitables. Sachons en effet mesurer ce que signifie pour une femme concilier vie professionnelle, vie familiale et activités au sein d'une association, d'une organisation syndicale ou d'une formation politique, le tout sans négliger de garder un peu de temps pour soi ! L'entreprise est d'autant plus compliquée que les revenus sont faibles et les chances de conserver ou de trouver un emploi limitées. Pour une femme qui élève seule ses enfants, cela relève de la gageure, ou de l'utopie ! On ne peut s'accommoder d'une situation où l'égalité des droits serait reconnue, mais bafouée dans la pratique. Il est donc essentiel que les assemblées législatives soient en mesure d'évaluer la situation dans tous les domaines, la façon dont elle évolue et la nature des freins rencontrés afin de contribuer utilement à réduire les inégalités. Toutes ces questions sont trop vastes et diverses pour pouvoir être traitées par les actuelles commissions permanentes. D'où cette proposition, semblable à celle qu'ont déposée nos collègues sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen, et qui vise à doter les assemblées d'un organisme permanent. Le groupe communiste estime que ces délégations aideront de manière concrète à la réflexion, à l'information, à l'élaboration de propositions. S'agissant d'un enjeu de démocratie au sens plein du terme, il estime que dans leur composition, ces délégations doivent être un reflet équilibré de la représentation politique de nos assemblées. De ce point de vue, le nombre de membres prévu dans le texte actuel, lui semble trop restreint, excluant certaines sensibilités au mépris du pluralisme. Aussi proposerons-nous un amendement afin de le porter de 36 à 45, ce qui garantirait la représentation de tous les groupes. Sous cette seule réserve, que le débat permettra sans doute de lever, le groupe communiste votera sans hésiter la proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Mme Marie-Jo Zimmermann - Cette proposition de loi du groupe socialiste me laisse perplexe. Je l'ai lue et relue, et je ne parviens pas à en voir l'intérêt concret, à voir en quoi elle peut améliorer la situation des femmes. Ce dont celles-ci ont besoin aujourd'hui, c'est d'un effort permanent pour faire disparaître les discriminations de fait qui subsistent à leur détriment ; dans certains cas, il demeure même des discriminations ou des distorsions légales. Pour coordonner la réflexion sur les problèmes des femmes, l'Observatoire de la parité a été créé par Alain Juppé à l'initiative de Jacques Chirac. De nombreux parlementaires y siègent. Je ne vois pas pourquoi créer en outre une délégation parlementaire pour les femmes, qui fera double ou triple emploi par rapport à ce qui existe déjà. De plus, si une réflexion spécifiquement parlementaire était malgré tout indispensable, les mécanismes existants du Sénat et de l'Assemblée sont amplement suffisants. Ainsi notre Règlement permet la création de groupes de travail ou de groupes d'étude, qui pourraient remplir sans difficulté l'hypothétique mission d'une hypothétique délégation parlementaire pour les femmes. En cas de besoin particulier, il serait également possible de demander à l'Observatoire de la parité de se pencher sur telle ou telle conséquence pour les femmes d'un projet législatif. En présentant cette proposition, le groupe socialiste a donc manifestement voulu faire un effet d'annonce. Il enfonce les portes ouvertes, puisque la délégation n'aura aucune utilité réelle. Elle compliquera la procédure, car elle fera double emploi avec l'Observatoire de la parité et avec les groupes d'études que l'Assemblée pourrait éventuellement créer. Le groupe RPR ne s'opposera certes pas au vote de ce texte. Toutefois, mon intervention se limitera à ces quelques remarques, dont la brièveté n'est que le reflet de l'intérêt concret que mérite la proposition du groupe socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). M. Claude Goasguen - Ce texte, que nous voterons sans ambiguïté mais sans ostentation, s'inscrit dans un climat politique favorable à l'idée d'un égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. Ce débat, ouvert depuis plusieurs années, n'est pas "politique" au sens partisan. Ce n'est pas, comme on veut parfois le faire croire, un débat droite-gauche. L'une et l'autre ont contribué dans l'histoire à promouvoir l'égalité d'accès : qu'on pense au général de Gaulle, mais aussi à Valéry Giscard d'Estaing, qui a créé le premier ministère chargé des droits des femmes ; qu'on se rappelle le combat de Mme Pelletier, comme celui de Mme Roudy. Il faut donc dépasser ici ce clivage droite-gauche. Tout comme M. Floch a cité des propos de Christine Clerc qui allaient dans le sens de ses idées, de notre côté Mme Badinter nous a agréablement surpris. Ce n'est donc pas un débat droite-gauche. Ce n'est pas non plus un débat hommes-femmes. Il serait pervers d'y voir un combat des femmes pour les femmes, alors que c'est aussi un combat des hommes, à côté des femmes, pour une démocratie moderne. M. le Rapporteur - Très bien ! M. Claude Goasguen - Je me garderai donc d'entonner la louange des égalités arithmétiques : même si j'en connais la nécessité, elles ne sont que des moyens. La vraie finalité, c'est de donner à tous ceux qui en sont capables et dignes, hommes et femmes, une meilleure mobilité et une meilleure possibilité d'accès aux fonctions de notre société. A cet égard il est des points sur lesquels l'apport des femmes à une démocratie moderne est incontestable ; je pense notamment à l'effort considérable des femmes de l'immigration pour une meilleure intégration. Nous devons être solidaires du combat des femmes musulmanes, car c'est pour beaucoup grâce aux femmes que s'opérera la stabilisation d'une situation sociale difficile. Il est donc regrettable que parfois ces vrais débats de société soient dénaturés par des approches partisanes ; ainsi le veut le jeu politique. C'est dans ce climat que se déroule le débat sur la "parité" -terme mal choisi, qui prête à confusion et peut rebuter des parlementaires attachés à la tradition, alors qu'il s'agit en réalité d'égalité d'accès, c'est-à-dire d'un thème mobilisateur et non d'une vision arithmétique. Je souhaite qu'à l'Assemblée ce débat continue d'être consensuel et unanimitaire, et que nous puissions persuader nos collègues du Sénat qu'il ne s'agit pas d'une manoeuvre pour les déstabiliser, mais d'un débat qui dépasse les enjeux électoraux. Je me suis félicité d'entendre le Gouvernement nous donner des assurances quant à ce qui, relativement au scrutin législatif, aurait pu venir derrière la modification constitutionnelle. Mais je regrette qu'il n'ait pas encore donné aux sénateurs d'explications sur leur avenir électif. Si ce geste pouvait être fait dans les jours qui viennent, je crois que le débat sénatorial en serait apaisé, et que nous retrouverions ce consensus qui correspond à la réalité de notre pays. C'est dans cet esprit que nous voterons la présente proposition. Comme l'a dit le rapporteur, plusieurs parlements européens se sont déjà donné des instances internes chargées de prendre en compte, pour l'élaboration des lois, les problèmes d'égalité des chances. Il s'agit parfois de commissions permanentes, comme en Allemagne et en Italie ; parfois d'autres institutions spécifiques, comme en Autriche, en Belgique ou en Espagne. En France, les institutions chargées du suivi des droits des femmes relèvent à ce jour du pouvoir exécutif et de l'administration. Le Gouvernement a mis en place, tardivement, un secrétariat d'Etat compétent, venant après une Déléguée interministérielle dont notre rapporteur a lui-même mis en question l'efficacité. Les auteurs de la proposition pensent, avec raison, que le Parlement doit disposer par lui-même de moyens d'études et d'information sur les questions transversales que pose l'égalité d'accès dans tous les domaines. Nous soutiendrons cette démarche. Toutefois, la création d'une délégation, à l'image de celle qui veille aux affaires européennes, pose quelques problèmes pratiques. La délégation à l'Union européenne a en effet une telle charge de travail que nous avons estimé qu'il faudrait la transformer en commission permanente... Certes, le cas est différent, la délégation européenne étant saisie d'un nombre considérable de textes. Mais la souplesse des délégations parlementaires n'est souvent que la contrepartie de leur faiblesse de moyens. La nouvelle délégation risque de n'être qu'une instance parlementaire parmi d'autres, réduite à une approche théorique. Si l'on veut qu'elle ne soit pas contemplative, mais incitative, il faut qu'elle en reçoive les moyens. Je souhaite que les réponses qui nous seront faites nous rassurent sur ce point : il faut que cette institution donne à ses membres les moyens de travailler dans de bonnes conditions, sans être dépassés par l'actualité en raison de délais excessifs de travail. Il y a en effet un énorme travail incitatif à mener, et qui est lié à l'actualité, lorsqu'il s'agit par exemple de la condition des femmes de l'immigration ; un tel travail requiert une capacité d'intervention rapide, donc des moyens. A ceux-ci se mesurera la crédibilité de la délégation que nous allons créer. Par ailleurs il est exclu de remettre en cause, par quelque manipulation, la représentation proportionnelle des groupes des deux assemblées. Le débat sur les femmes perdraient beaucoup s'il était pollué par des considérations qui lui sont extérieures. Sénateurs et députés devront donc retrouver dans la délégation la représentation proportionnelle qui est la leur. C'est dans cet esprit positif et consensuel, que nous souhaitons inscrire dans ce qui doit être un moment fort pour l'égalité d'accès des femmes à notre démocratie moderne, que le groupe Démocratie libérale votera -sans ambiguïté, mais sans ostentation, car nous avons quelques critiques- le texte proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Odile Saugues - Pour assurer l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, il est nécessaire de porter un regard global sur notre législation. Chacune de nos commissions permanentes est concernée par des questions touchant aux droits des femmes : la commission des lois examine les modifications à apporter à notre Constitution pour permettre la parité, la commission des affaires étrangères débat des atteintes à la dignité humaine dans le monde, la commission des affaires sociales, réfléchit sur la bioéthique, la contraception ou l'avortement, la commission de la production se penche sur le rôle des femmes dans le monde rural, le commerce ou l'artisanat... La création de délégations parlementaires à compétence transversale permettra de réfléchir à l'ensemble de ces questions. On pourrait multiplier les exemples de sujets sur lesquels un tel outil de réflexion collective serait utile ; je m'en tiendrai à la législation du travail et à la lutte pour l'emploi. Le combat que nous menons aux côtés du Gouvernement depuis juin 1997 porte ses fruits. A ce jour, 171 500 emplois jeunes ont été créés. Beaucoup sont occupés par des femmes, mais surtout dans des domaines traditionnels comme l'éducation, la santé ou la culture ; elles sont beaucoup moins nombreuses dans d'autres secteurs. De plus, il serait bon de comparer le niveau de qualification des hommes et des femmes. En ce qui concerne la réduction du temps de travail, la réforme trouve son rythme de croisière. Elle a des répercussions importantes sur la vie des femmes, qui attendent avec impatience la mise au point de la seconde loi relative au passage aux trente-cinq heures. La mise en place de délégations parlementaires nous permettra de réfléchir à l'évolution du marché du travail, qui fait des femmes les premières bénéficiaires de la reprise économique mais rend leur situation fragile : elles sont en effet particulièrement concernées par le développement du travail temporaire et par celui du travail à temps partiel -qui, pour 70 % des femmes en charge d'une famille monoparentale, n'est pas choisi, mais contraint. "Les femmes représentent un pouvoir économique non négligeable. Leur travail salarié fait entrer plusieurs milliards chaque année dans les caisses de la Sécurité sociale. En dépit des rêves secrets de beaucoup, il paraît impossible de les renvoyer à la maison." Ainsi s'exprimait Yvette Roudy en 1985... Il reste que régulièrement, on voit ressortir des cartons le salaire maternel, sans qu'il soit besoin d'aller jusqu'aux publications de l'extrême-droite. Les délégations parlementaires nous permettront donc d'affirmer notre volonté politique -volonté qui n'aurait jamais pu se concrétiser sans la ténacité des femmes députées et sénatrices, ou sans l'engagement décisif du groupe socialiste et du Président Fabius (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Guy Hascoët - Les délégations parlementaires qu'il s'agit de créer n'auraient aucun intérêt si l'on y restait contemplatif : l'objectif doit être de faire évoluer la situation. Je suis d'accord avec ce qui a été dit jusqu'à présent, sauf sur un point : je ne crois pas que le sort de 250 personnalités, fussent-elles importantes, nécessite de prendre en otage la moitié de la société... Outre la place des femmes en politique dont on a déjà parlé, deux sujets me paraissent particulièrement importants. Le premier concerne la dérégulation du travail. Les femmes sont particulièrement concernées par la précarisation des contrats et la multiplication des contraintes : il est devenu courant notamment dans le secteur textile de demander aux gens d'être disponibles six jours sur sept, quand ce n'est pas les jours fériés, mais pour travailler en moyenne dix-huit heures par semaine... Il faudra prendre des mesures concrètes pour faire reculer ces pratiques inadmissibles. Un deuxième sujet fondamental est l'information sur la contraception. Dans une circonscription comme la mienne, qui compte 30 % de chômeurs et où beaucoup de gens sont dans une situation sociale très difficile, les jeunes mères de 15, 16 ou 17 ans sont légion... La raison en est notamment dans une certaine pudibonderie : il a fallu huit ans pour qu'on convienne de la nécessité de mettre des moyens de contraception à disposition des adolescents dans des lieux publics... On constate actuellement un retour à des combats idéologiques dépassés, conduisant les jeunes à être privés d'une information qu'ils ne reçoivent pas davantage dans leur milieu familial. C'est un véritable recul ; il faut prendre à bras-le-corps cette question, affirmer la volonté d'informer et dégager les moyens nécessaires. Là encore, il ne suffit pas de constater le phénomène, il faut agir... J'espère que les délégations parlementaires s'y emploieront (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Mme Jacqueline Lazard - Le débat sur l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives a permis de rappeler la faible place que notre pays accorde aux femmes dans la vie publique. L'écho médiatique salutaire de ce débat ne doit pas faire oublier que, dans la vie quotidienne et notamment dans le travail, hommes et femmes ne sont pas dans une situation d'égalité. Les deux sujets sont liés. En effet, encourager la parité dans la représentation, c'est permettre aux femmes de faire entendre leur voix, mais travailler à l'égalité entre hommes et femmes dans la société, c'est aussi agir en aval en faveur d'une représentation plus équilibrée. Michelle Perrot et Françoise Héritier ont bien montré, en effet, la discrimination résultant de modèles culturels, d'habitudes et de carences de nos politiques publiques qui font peser sur les femmes l'essentiel des tâches domestiques. Certes, ces trente dernières années, des progrès ont été accomplis, que la loi a tantôt entérinés, tantôt anticipés, tantôt confortés. Mais que de blocages dans la pratique ! Que de droits acquis souvent de haute lutte, aujourd'hui contestés, parfois au sein même de cette Assemblée ! De multiples structures ont été crées, même si elles sont souvent dépourvues de moyens pour peser sur les décisions. Mais nos assemblées sont restées trop souvent à l'écart, par frilosité, par manque d'intérêt, parfois par mépris. C'est la raison pour laquelle il nous paraît utile de créer des délégations parlementaires qui auront pour double mission de veiller, dans la législation, à l'égalité des hommes et des femmes, une question transversale qui ne peut être du ressort de la seule commission des affaires sociales et d'être un lieu de proposition, d'information et d'anticipation. Le Parlement, en effet, n'est pas seulement le lieu où l'on vote la loi, mais aussi celui où il faut tirer des enseignements du contrôle et de l'évaluation de son application. Pour que ce rôle soit pleinement exercé, les délégations doivent disposer de la plus grande liberté. La proposition de loi paraît garantir cette capacité d'initiative et de contrôle. J'ose espérer que cette voie novatrice et pragmatique réunira un large consensus qui préfigurera l'accord, souhaité par nos concitoyens, sur la parité. Mais l'égalité entre les hommes et les femmes ne doit pas être effective au seul niveau de la représentation nationale, elle doit l'être en son sein même : trois femmes à la commission des finances, une seule femme présidant aux destinées d'une commission ; on est bien, ici, à la croisée des deux débats inscrits à l'ordre du jour de nos assemblées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Béatrice Marre - Le retard de la France quant à l'égalité des hommes et des femmes dans l'exercice des responsabilités politiques est patent : 11 % de députées et 6 % de sénatrices ! Et comme l'a dit Jacqueline Lazard, c'est également au sein même de notre assemblée qu'il faudra améliorer la situation. Mais le retard ne se cantonne pas à la sphère politique. Dans le secteur privé, les salaires féminins sont inférieurs de 28 % à travail égal et à responsabilités égales ; et, à compétences égales, les femmes ont moins de responsabilités. Lanterne rouge de l'Europe, nous sommes le seul pays de l'Union à ne pas disposer d'un organe parlementaire spécifique. Même la Grèce en est dotée ! Un réseau de coopération a été mis en place en 1997 à l'initiative du Sénat belge : la Conférence des organes parlementaires chargés de la politique de l'égalité des chances des femmes et des hommes dans les Etats membres de l'Union européenne et au Parlement européen. Et, nous n'en sommes pas, bien sûr. La création de ces délégations nous permettra d'y entrer. Au-delà des sujets qui concernent spécifiquement les femmes, le problème doit être abordé de façon transversale. Sur tout sujet, les délégations parlementaires aideront à dépister et à alerter. La revendication d'une parité effective est l'objet d'un consensus, dans notre assemblée comme dans l'opinion, et j'espère que le Sénat saura se montrer plus raisonnable en seconde lecture. Mais il faudra avoir les moyens de la mettre en oeuvre au niveau même de l'Assemblée. A cet égard, je salue l'appui apporté dans la préparation de cette proposition de loi, par le président Fabius, et je souhaite que le président Poncelet adopte la même attitude au Sénat. J'espère aussi que nous serons nombreux et nombreuses à participer à ces délégations afin que la quatrième puissance économique du monde, qui occupe la 41ème position en matière de représentation politique des femmes, comble enfin son retard (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Avec la révision constitutionnelle relative à l'égalité d'accès des hommes et des femmes aux responsabilités politiques, la création de ces délégations parlementaires marquera un tournant historique dans le fonctionnement de notre démocratie. Mais ces innovations ne prendront pleinement leur sens que si elles se traduisent rapidement par des mesures législatives et par des changements concrets. L'utilité de ce texte -sur laquelle Mme Zimmermann s'interrogeait- est réelle ; elle a été reconnue par M. Goasguen dont je salue l'engagement sans réserve pour la parité et en faveur de la création de ces délégations. Ce texte, dû à l'initiative du président Fabius, a reçu l'appui déterminant de tous les groupes de la majorité. Laurent Fabius connaît bien nos assemblées, il connaît trop bien la lourde charge de travail des commissions, charge qui, trop souvent, sert d'alibi pour ne pas traiter comme il le faudrait des droits des femmes. Ces nouvelles délégations seront donc l'indispensable aiguillon qui permettra de défendre ces droits en tout domaine, au-delà même du respect de la parité dans l'accès aux responsabilité politiques. Mais ces délégations auront besoin de moyens. Mme Yvette Roudy - Tout à fait ! Mme Catherine Tasca, présidente de la commission - Je souhaite que les membres, hommes et femmes, de ces délégations soient aussi membres actifs des commissions afin de peser, et de résoudre, les problèmes spécifiques des femmes, à l'occasion de chaque texte qui y sera débattu. Avec votre aide, Madame la ministre, ces délégations feront faire à notre société une avancée trop longtemps attendue, au bénéfice des femmes comme des hommes, tous embarqués sur le même bateau de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). La discussion générale est close. Mme Yvette Roudy - En ce cinquantième anniversaire du Deuxième sexe, analyse brillante, actuelle et qui fait autorité -davantage, curieusement, à l'étranger qu'en France-, cette discussion est significative. Elle prouve que, même lentement, les choses bougent. D'un point de vue juridique, elles ont bougé, incontestablement, depuis la déclaration d'Olympe de Gouges en 1793. L'article 113 du traité de Rome a en effet permis d'élaborer un arsenal satisfaisant de directives européennes. Mais si les femmes ont maintenant des droits, ceux-ci ne sont pas appliqués : reste donc à les faire entrer dans les faits. Le premier impératif est d'obtenir, enfin, des données chiffrées précises au lieu de statistiques asexuées qui n'indiquent pas par exemple que les femmes ont la charge de 90 % des familles monoparentales, qu'elles sont concernées par 90 % des contrats de travail à temps partiel et que, en matière de formation, 30 métiers sont ouverts aux filles, contre 300 aux garçons. Nous avons été nombreuses à nous étonner que des textes importants, relatifs par exemple à la lutte contre l'exclusion, aux 35 heures, à l'immigration, ne fassent pas la moindre allusion aux femmes. L'intérêt de ces délégations sera, précisément, de ne plus les oublier dans l'élaboration des textes. C'est en amont qu'il faut intervenir. Quand le train est passé, il est trop tard. Le soutien du président de l'Assemblée nationale et des groupes sera donc décisif : à défaut cette délégation ne sera pas autre chose qu'un de ces gadgets dont on nous gratifie depuis quelques temps. Madame la ministre, vous nous avez annoncé une campagne d'information sur la contraception. Il vous faut un vrai ministère des droits des femmes, sans quoi nous ne verrons jamais venir cette campagne. On nous a d'abord dit qu'il n'y avait pas d'argent. On en a pourtant trouvé pour la fondation Lejeune. Des lobbies puissants s'opposent à l'organisation de cette campagne. Sont-ils en train de gagner ? Il est tout de même curieux que rien n'ait pu être fait en dix-huit mois. De même, tout ce qu'on a décidé en faveur de l'égalité professionnelle, c'est de commander un rapport. Nous allons, bien entendu, aider notre collègue à le réaliser, mais il me semble que la situation est déjà connue. Cette délégation devra se montrer vigilante, afin de faire évoluer les pratiques. Elle doit bénéficier de moyens financiers et être animée d'une véritable volonté politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Jacqueline Fraysse - Notre amendement 2 vise à porter de 36 à 45 le nombre des membres de ces délégations, de façon que l'ensemble des groupes puissent y être représentés. C'est une exigence démocratique. Si les délégations ne comptent que 36 membres, certaines formations, insuffisamment représentées, pourraient en être exclues, au Sénat en particulier. Certes, la parité est un objectif important, mais les femmes sont avant tout des personnes dotées d'un cerveau, qui ont des opinions politiques. La parité ne doit pas contrarier le pluralisme. M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Pour des raisons pratiques, nous avons repris le nombre de membres des délégations pour l'Union européenne. En outre, avec 36 membres, nous sommes sûrs que tous les groupes siégeront à ces délégations. Ils pourront d'ailleurs se faire représenter par des femmes. Mme Fraysse a raison d'estimer que les femmes ne doivent pas siéger en tant que telles, mais en leurs qualités d'élues et de militantes. Toutefois, il faut prendre des initiatives pour que les droits des femmes deviennent réels. Mieux vaut en rester à 36 membres. Comme l'a indiqué Mme la présidente de la commission, les membres de la délégation devront rester actifs dans leur commission. On ne comprendrait pas qu'ils ne participent plus au travail législatif. M. Jean Vila - Nous serons exclus de ces délégations ! M. le Rapporteur - Pas du tout. Vous y serez représentés, comme à la délégation pour l'Union européenne. M. Jean Vila - Quelles garanties nous donnez-vous ? M. le Rapporteur - Dans son amendement 1 corrigé, la commission va proposer d'assurer une représentation "équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes, et proportionnelle des groupes parlementaires". Vous allez donc avoir satisfaction. Mme la Secrétaire d'Etat - Je répondrai d'abord à Mme Roudy. Il est certain qu'un ministère de plein exercice dispose de plus de moyens qu'un secrétariat d'Etat, et j'aurais été très heureuse qu'un tel ministère soit créé. En tout état de cause, comptez sur ma détermination. S'agissant de la campagne en faveur de la contraception, il existe depuis 1992 des règles très contraignantes en matière d'appels d'offres. Dès ma prise de fonctions, je me suis souciée du problème, trouvant anormal que rien n'ait été fait en six mois alors que nous avions obtenu le plus difficile : un financement de 20 millions. Soyez assurée que nous ne perdrons pas un jour au-delà des contraintes légales. Quant à l'amendement 2, il me semble que M. le rapporteur a apporté les garanties demandées. Mme Jacqueline Fraysse - J'aimerais que nous débattions de l'amendement 1 corrigé avant de mettre aux voix notre amendement 2. M. le Rapporteur - Je regrette qu'il n'ait pas été possible de mieux discuter votre amendement en commission. Je vous propose d'inverser l'ordre des exigences dans l'amendement de la commission, qui viserait ainsi à assurer une représentation "proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes". Mme Martine Lignières-Cassou - Précisons : représentation proportionnelle de tous les groupes parlementaires. M. le Rapporteur - C'est inutile. L'expression "les groupes" a ce sens. Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable à l'amendement 1 corrigé ainsi rectifié. L'amendement 1 corrigé, rectifié, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. Mme Jacqueline Fraysse - J'approuve la proposition du rapporteur, dont j'ai compris l'allusion à l'insuffisance du travail en amont. Je ne veux toutefois pas retirer notre amendement 2, auquel tiennent beaucoup nos collègues du Sénat. L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 3 est une modification rédactionnelle. Nous avons oublié, et je vous prie de m'en excuser que nous étions allés à Versailles modifier la Constitution. Il ne faut donc plus parler de "propositions d'actes communautaires", mais de "textes soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution." Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable. L'amendement 3, mis aux voix, est adopté. Mme Christiane Taubira-Delannon - L'ambiance est tellement consensuelle dans cette assemblée que j'ai envie de favoriser le dialogue avec ceux, masculins ou féminins, qui représentent l'arrière-garde du passé. Ici et ailleurs, nous les entendons, avec intérêt souvent et ébahissement parfois. Je commencerai par une invitation au voyage en vous rappelant que je viens d'Amazonie, terre farouche où les femmes sont fleuves qui rugissent contre les mâles défaillances avant d'inonder les hommes de leurs amours envahissantes ! (Exclamations et applaudissements sur divers bancs) Terre où les femmes sont fleurs qui envoûtent, flammes qui embrasent avant de rechercher l'épaule de l'homme pour y poser leurs têtes de guerrières. Femmes d'ici ou de là-bas, petites filles d'amazones et de suffragettes, nous sommes fatiguées d'être condamnées à l'excellence et aux éclats. Pourtant nous connaissons bien tous les recoins de ces citadelles que nous avons conquises dans cette société, trop peu civilisée pour accepter avec sérénité de voir surgir dans vos univers protégés vos filles et vos soeurs, vos amantes et vos amies, vos voisines et vos concurrentes loyales. Nous sommes lasses de vous voir déserter les métiers dès que nous nous y installons en nombre. Nous ne sommes pas que beauté et douceur, même si nous aimons parfois l'être, nous ne sommes pas que le havre du capitaine et la muse du poète. Et parce que nous savons à quel point nous sommes dévastatrices dans nos aversions et excessives dans nos querelles, nous comprenons vos peurs. Mais nous les comprenons aussi parce que nous vous connaissons intimement. Avant d'être nos hommes, vous fûtes nos fils, ces petits garçons que nous avons pansés, consolés et armés pour la vie, mais que nous avons aussi parfois meurtris à force de passion et d'exigences, voire fourvoyés dans l'illusoire croyance d'une supériorité épuisante... Vous avez raison d'avoir peur car notre irruption dans l'aire sacrée de la chose politique nous conduit à bousculer l'équilibre inégal et injuste de votre monde viril. C'est en toute connaissance de cause que nous pouvons donner des coups de volant brutaux pour établir l'égalité devant l'emploi et dans les salaires. Donc vous avez peur, mais vous avez tort de ne pas domestiquer cette peur, car sur la durée, vos meilleurs alliés, ce sont nous car nous sommes profondément attachées à un monde différencié. De toute façon, nous sommes là, telles que nous sommes, vous n'avez plus le choix, même plus la prérogative de nous immoler ! (Rires et exclamations sur divers bancs) Donc nous allons installer ensemble ces délégations parlementaires et finirons par construire ensemble une société équitable où hommes et femmes seront placés dans une loyale compétition quand ce ne sera pas dans une joyeuse complicité. Pourtant, par stratégie, nous préférons prendre d'assaut les citadelles en mêlant le génie militaire à la ruse et à la séduction. Mais comme vous semblez peu empressés d'abattre les barrières qui empêchent l'accomplissement de la citoyenneté politique des femmes qui doit compléter leur citoyenneté civile et sociale, conquise de haute lutte, et comme entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère, devant la force obstinée de votre sureprésentation et la faiblesse incongrue de notre participation aux décisions, nous allons aujourd'hui mettre un morceau de loi. Nous le faisons avec vous, consentants ou résignés, et vous saviez bien que vous y gagneriez en harmonie. L'avenir de l'homme, c'est la femme : elle est la couleur de son âme, sa rumeur et son bruit, sans elle il n'est qu'un blasphème, un noyau sans le fruit, dit Aragon mieux que moi (Applaudissements sur tous les bancs). M. Pierre-Christophe Baguet - Le groupe UDF-Alliance votera ce texte tout en rappelant qu'il reviendra au Gouvernement et à la présidence de notre Assemblée d'assurer le succès de son travail en la saisissant très à l'avance. Nous serons très attentifs à cette volonté gouvernementale (Applaudissements sur divers bancs). Mme Jacqueline Fraysse - La création de ces délégations parlementaires est une mesure positive et un outil important pour faire progresser les droits des femmes et ceux de la société dans son ensemble. La démocratie impose de reconnaître la place des femmes dans la société comme l'ensemble des sensibilités politiques. Pluralisme et parité doivent aller de pair. Les femmes ont des convictions, elles n'entendent pas troquer leur reconnaissance en tant que femmes contre leurs droits citoyens. C'est dans cet esprit que le groupe communiste votera la loi. Les communistes avaient présenté des femmes à des élections à l'époque où elles n'étaient pas encore éligibles. On pourra compter sur eux pour que la délégation fasse un travail utile, se traduisant par des propositions concrètes, susceptibles de faire évoluer le droit, mais surtout les faits (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). M. Claude Goasguen - En tant qu'homme de droite libéral, je voterai le texte qui permettra l'égal accès des hommes et des femmes à une démocratie moderne, qui a tout à gagner à l'apport des femmes. Mme Martine David - Dites-le à vos amis du Sénat ! L'article unique de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures. La séance est levée à 11 heures 10. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |