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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 69ème jour de séance, 177ème séance 1ère SÉANCE DU JEUDI 4 MARS 1999 PRÉSIDENCE DE Mme Nicole CATALA vice-présidente SOMMAIRE : RÉGIME ÉTUDIANT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 1 LICENCIEMENT DES SALARIÉS DE PLUS DE CINQUANTE ANS (deuxième lecture) 10 ART. 3 18 La séance est ouverte à neuf heures trente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur le régime étudiant de Sécurité sociale. Mme la Présidente - Je rappelle que le rapport de la commission porte sur deux propositions de résolution, l'une de M. Claude Goasguen et de plusieurs de ses collègues, l'autre de M. André Angot. M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires sociales - Je voudrais d'abord examiner la recevabilité des demandes présentées par MM. Goasguen et Angot, que j'aurais aimé remercier de leur présence... (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Plusieurs autorités de contrôles se sont penchées sur la gestion de la MNEF, dont la Cour des comptes dans son rapport annuel au Parlement de septembre 1998. La Cour a porté une appréciation favorable sur la qualité du service rendu par l'ensemble des mutuelles aux étudiants, mais elle a constaté une coordination imparfaite avec les caisses primaires d'assurance maladie, les URSSAF et les établissements d'enseignement supérieur, qui entraîne une complication excessive et un manque de transparence des procédures. S'agissant des relations entre les mutuelles et la CNAM, la Cour a constaté que les remises de gestion versées par le régime général pour financer les frais induits par le service des prestations obligatoires aux étudiants par les sections locales ne correspondent pas toujours au coût réel du service rendu, avec d'ailleurs de fortes disparités selon les mutuelles. En ce qui concerne la gestion des mutuelles proprement dites, la Cour a noté qu'elles ont développé, souvent avec le soutien des pouvoirs publics, des filiales commerciales correspondant à des besoins nouveaux des étudiants : logement, stages, assurances, magazines... mais aussi parfois sans rapport direct : impression, informatique, communication... Enfin, la Cour a découvert dans la gestion des mutuelles certains faits de nature à motiver la saisine de la justice pénale. Elle en a avisé le procureur général près la Cour des comptes, qui a adressé le 31 juillet une communication au Garde des sceaux et aux ministres intéressés. Le Garde des sceaux a transmis ces éléments le 4 août au procureur général près la Cour d'appel de Paris. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a ouvert le 9 septembre 1998 une information judiciaire contre X des chefs de faux, usage de faux, abus de confiance, recel et conservation illégale d'intérêts sur une partie du dossier et a ordonné sur le reste une enquête préliminaire. Celle-ci a débouché le 10 janvier sur une seconde information judiciaire contre X pour abus de confiance, abus de biens sociaux, recel d'abus de biens sociaux et escroquerie. L'existence de ces procédures impose d'examiner la recevabilité des deux propositions de résolution au regard de l'ordonnance du 17 novembre 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires et de l'article 141 de notre Règlement, qui interdisent à l'Assemblée d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires. Le Garde des sceaux laisse, selon la formule classique, à l'Assemblée le soin d'apprécier si ces procédures sont de nature à faire obstacle à la création de la commission d'enquête. Pour éclairer votre décision, il faut rappeler que dès 1971 il a été admis que l'existence de poursuite judiciaire n'était pas à elle seule un motif d'irrecevabilité, mais que ces poursuites limitaient les pouvoirs d'investigation de la commission d'enquête. Plusieurs commissions ont ainsi déjà été créées, dont le champ d'investigation excluait les faits faisant l'objet de poursuites judiciaires, comme la commission d'enquête sur les activités du service d'action civique de 1982, celle sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques de 1991 ou celle sur le Crédit Lyonnais en 1994. Il en ressort que si la capacité d'enquête de l'Assemblée nationale peut être limitée, elle n'est pas anéantie, à condition que le champ d'investigation de la commission soit défini de manière large et souple. Centrer l'enquête sur la MNEF serait prendre le risque de se heurter constamment au principe de séparation des pouvoirs et donc d'aller dans une impasse. En revanche, on dispose d'une grande latitude pour enquêter sur l'ensemble du régime étudiant de Sécurité sociale. La Cour des comptes note en effet que "le régime étudiant est à la croisée des chemins" et que les bases sur lesquelles sa gestion a été déléguée aux mutuelles ainsi que le cadre du financement des politiques sociales et sanitaires en faveur des étudiants appellent un réexamen. Il est important que le Parlement se prononce sur un régime qui concerne 1,3 million de personnes et s'est ouvert à la concurrence dans les années 1970 avec dix mutuelles régionales en plus de la MNEF. Les mutuelles sont aussi concernées par l'harmonisation européenne et la transposition par la France de deux directives sur la libre prestation de services dans le domaine de l'assurance. Serait donc recevable, opportune et utile la création d'une commission d'enquête qui envisagerait dans sa globalité le régime étudiant de Sécurité sociale. Une telle définition ne soulève pas de difficulté au regard de la seconde condition de recevabilité posée par l'ordonnance de 1958 et par l'article 140 du Règlement relatifs à la définition précise soit de faits déterminés qui donnent lieu à enquête soit des services publics ou entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion, puisque le régime étudiant de Sécurité sociale constitue un service public, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat pour la Sécurité sociale dans son ensemble. En outre, même si cela n'en était pas l'intention originelle, une commission d'enquête sur un sujet concernant tant de personnes permettra au Parlement d'intervenir sur des sujets qu'il n'avait pas encore abordés, ce qui s'inscrit bien dans le cadre de l'élargissement des pouvoirs de contrôle du Parlement que nous recherchons. La commission propose donc la création d'une commission d'enquête sur le régime étudiant de Sécurité sociale, ce qui inclut bien entendu la MNEF et ses filiales. Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Si le Gouvernement n'a pas à se prononcer sur l'opportunité de créer une commission d'enquête, il doit en revanche vous exposer sa position sur le régime étudiant de Sécurité sociale, créé par la loi du 23 septembre 1948. Celle-ci donne en effet accès à des prestations identiques à celles du régime général mais gérées extérieurement à la CNAM par des mutuelles étudiantes. Le législateur a voulu de la sorte reconnaître la spécificité de la population étudiante, dont la couverture sociale devait être gérée conformément aux principes de la mutualité : représentation des adhérents, activité non lucrative et solidarité. Les mutuelles étudiantes ont su développer une large gamme de prestations et leurs avantages sont reconnus : accueil personnalisé, proximité, interlocuteur unique, simplification des procédures de remboursement. Dans son rapport de 1998 sur la Sécurité sociale, la Cour des comptes, suite aux contrôles réalisés à sa demande par les comités départementaux des comptes des organismes de Sécurité sociale, souligne la qualité du service rendu, même si la gestion des sections locales mutualistes devrait pouvoir être modernisée. Attaché à la Sécurité sociale étudiante, le Gouvernement souhaite qu'il soit remédié aux dysfonctionnements qui pourraient aboutir à sa remise en cause. Les mutuelles étudiantes doivent être gérées de manière rigoureuse, exemplaire, et faire l'objet d'un contrôle efficace. C'est leur intérêt comme celui de leurs affiliés. C'est pourquoi, dès que la Cour des comptes s'est interrogée sur le niveau atteint par les remises de gestion, j'ai diligenté, avec le ministre de l'Economie, une mission de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales en vue d'expertiser les coûts réels de la gestion du régime de base par les mutuelles étudiantes et de déterminer les moyens de contrôler leur évolution dans les années à venir. Le rapport va nous être remis prochainement. En outre, l'absence de séparation, dans les comptes des mutuelles étudiantes, entre leurs activités de gestion du régime de base, leurs prestations d'assureur complémentaire et leurs autres services peut se traduire par un certain manque de transparence. M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Tout à fait ! Mme la Ministre - Aucune disposition législative ne permet actuellement d'y remédier et rien ne garantit que les remises de gestion versées par la CNAM aux mutuelles ne servent pas à financer le développement d'activités commerciales sans rapport avec le régime de base, voire incompatibles avec les principes mutualistes. Par ailleurs, l'existence d'une pluralité de mutuelles, qui offrent également des prestations complémentaires, introduit dans la gestion du régime de base une concurrence sans équivalent dans le régime des salariés, ce qui peut occasionner des dérives. En effet, pour ces mutuelles, l'affiliation d'un étudiant au régime général lui donne l'opportunité de lui proposer des prestations complémentaires. Aussi ces organismes ont-ils parfois une politique de communication coûteuse, ce qui n'a pas lieu d'être pour un régime obligatoire. De plus, cette situation empêche l'utilisation commune de logiciels informatiques, alors que certaines mutuelles n'ont pas la surface financière suffisante pour amortir des investissements coûteux. Il faut donc s'interroger sur la compatibilité du système de délégation de gestion avec une situation de concurrence. Faut-il revoir les conditions de la délégation de gestion ? Faut-il définir de façon plus précise la répartition des rôles entre la CNAM et les mutuelles ? Faut-il organiser la mise en commun d'un certain nombre d'opérations, qui seraient confiées à une mission technique, comme l'ont déjà fait trois mutuelles régionales ? Ces thèmes de réflexion ne sont pas exclusifs, et votre commission d'enquête s'intéressera, j'en suis sûre, à d'autres sujets. Votre rapporteur s'est ainsi préoccupé des problèmes de coordination entre les sections locales des mutuelles, les caisses primaires d'assurance maladie et les établissements supérieurs, qui contribuent tous, à différentes étapes, au fonctionnement du régime étudiant : affiliation, immatriculation, recouvrement des cotisations, liquidation des prestations. Je serai très attentive aux remarques de la commission d'enquête et vous me trouverez prête à en tirer des conséquences législatives (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). M. Maxime Gremetz - Il ne s'agit pas, en créant une commission d'enquête, de remettre en cause la Sécurité sociale étudiante, mais d'analyser ses dysfonctionnements en vue d'y remédier. Rappelons d'abord ce qu'est une mutuelle, compte tenu de l'utilisation honteuse que font de ce terme certaines sociétés à but lucratif. En outre, d'authentiques mutuelles se comportent parfois en entreprises commerciales, perdant ainsi leur âme -voire l'argent des cotisants. La mutualité est un système de solidarité entre les membres d'un groupe professionnel. Elle repose donc sur l'entraide. Le mutualisme est une relation durable entre deux populations, avantageuse pour chacune, et l'assurance mutuelle est un organisme à but non lucratif. On le voit, cela n'a rien à voir avec le profit, la distribution de dividendes et la spéculation financière. Les mutuelles sont nées des confréries, des corporations et du compagnonnage. Elles furent proscrites par la loi Le Chapelier de 1791, qui a interdit aux travailleurs toute forme d'association jusqu'à la loi sur les syndicats de 1884. Il est choquant que des mutuelles se soient rendues coupables d'abus de confiance, de recel d'abus de biens sociaux et d'autres actes délictueux. C'est parce que sa gestion antidémocratique a écarté les adhérents des prises de décision que la MNEF a perdu de vue sa mission sociale. L'augmentation du nombre des adhérents a eu pour conséquence une politique de diversification des activités, avec la création d'une kyrielle de filiales intervenant dans des secteurs étrangers à la mutualité : l'imprimerie, l'informatique, la communication. L'opacité de la gestion a rendu possibles de nombreuses dérives : dépenses somptuaires, rémunération non justifiée des administrateurs, rapports troubles avec des partis politiques, l'Etat et certains groupes privés. Première mutuelle étudiante de France, la MNEF gère la couverture obligatoire de 800 000 étudiants et la couverture complémentaire de 200 000 cotisants. Elle est à l'origine de nombreuses avancées, comme la création de centres de soins ou le remboursement de l'IVG. Les détournements de fonds ont porté préjudice aux étudiants, la catégorie sociale la plus mal assurée. Les fonds disponibles auraient dû servir à réduire le montant des cotisations, à assurer la gratuité du service, à financer des forfaits à tarif réduit, à créer de nouveaux centres de soins, à maintenir le remboursement intégral de l'IVG, à prendre en charge les suivis psychologiques et à réduire les délais de remboursement. Seule la mutuelle est de nature à garantir la solidarité, les compagnies d'assurances n'étant motivées que par l'appât du gain. Faute de vigilance, des agissements frauduleux risquent de compromettre la gestion mutualiste de la sécurité sociale étudiante, qui pourrait alors tomber dans une simple logique d'assurance. On en arriverait à une politique de santé à deux vitesses. Madame la ministre, je suis très inquiet. Les directives technocratiques de la Commission européenne font peser de lourdes menaces sur nos mutuelles. Je sais que M. Rocard a été chargé de les transposer de manière à respecter la spécificité de ces organismes. Mais d'autres directives, qui devaient aussi respecter l'exception française, ont eu des conséquences très dures. Je propose que les mutuelles soient retirées de la liste des organismes visés par les directives relatives aux assurances. La réforme de la mutualité étudiante devrait aboutir à une gestion démocratique, au réinvestissement des recettes dans le mutualisme et à la transparence financière. Les étudiants doivent se réapproprier leurs mutuelles et définir en partenariat avec des institutions universitaires, les CROUS et des professionnels de la santé leurs grandes orientations. Souhaitant que la commission d'enquête contribue à atteindre ces objectifs, le groupe communiste votera en faveur de sa création. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) M. Germain Gengenwin - Voilà près d'un an, la presse se faisait l'écho de dysfonctionnements dans la gestion de la MNEF et de ses filiales commerciales. La Cour des comptes a en effet découvert des faits de nature à motiver la saisine de la justice pénale. L'été dernier, notre collègue Claude Goasguen, membre du groupe Démocratie Libérale, a proposé la création d'une commission d'enquête ; les groupes RPR et UDF ont fait de même. Il s'agissait de faire toute la lumière sur la gestion des dirigeants de la MNEF. Une information judiciaire ayant été ouverte sur une partie des faits mis à jour par la Cour des comptes, il fallait examiner la recevabilité de ces propositions au regard de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et de l'article 141 du Règlement. Le Garde des Sceaux a laissé à l'Assemblée nationale le soin de se prononcer. Des commissions d'enquête ont déjà été créés alors que des procédures judiciaires étaient en cours : celle sur le Crédit Lyonnais en est l'un des exemples les plus récents. Aucun obstacle ne s'oppose donc à la constitution d'une commission. Toutefois, le risque nous est apparu que, par un tour de passe-passe, la MNEF soit exclue du champ d'investigation. Je pense que les travaux qui seront menés nous prouveront le contraire. M. le Président de la commission - Ne soyez pas inquiet ! M. Germain Gengenwin - Le rapporteur a plaidé pour que l'enquête porte sur le régime étudiant de Sécurité sociale dans sa globalité. Cela nous apparaît nécessaire, mais ne doit pas pour autant occulter le problème de la MNEF. M. le Président de la commission - Eh bien voilà ! M. Germain Gengenwin - Le régime étudiant de Sécurité sociale étant un service public, il n'est pas anormal que la représentation nationale s'y intéresse de près. M. le Président de la commission - Nous sommes d'accord ! M. Germain Gengenwin - Au delà de la querelle politicienne, nous voyons bien l'enjeu démocratique de cette question. M. le Président de la commission - Eh oui ! M. Germain Gengenwin - Il s'agit de redonner confiance à nos jeunes concitoyens. La transparence doit plus que jamais prévaloir, afin de dessiner un nouveau contrat social dont les étudiants seraient les principaux acteurs. C'est la mission qui nous est impartie : nous devrons en être bien conscients pendant toute la durée de nos travaux. C'est dans ces conditions que le groupe UDF votera pour cette proposition de résolution (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL) M. Alain Tourret - La commission des affaires sociales, après le rapport très clair de M. Recours, nous propose que la commission d'enquête s'intéresse à l'ensemble de la Sécurité sociale étudiante. Je soutiens cette proposition. C'est l'honneur du Parlement de créer des commissions d'enquête. On nous reproche souvent de ne pas utiliser tous les moyens dont nous disposons ; lorsque nous exerçons ainsi notre mission de contrôle, nous contribuons à assurer un meilleur équilibre des pouvoirs. Il nous faut cependant, bien sûr, respecter la séparation des pouvoirs. La Cour des comptes qui, il faut le rappeler, a porté une appréciation globalement positive sur le système de Sécurité sociale étudiante, dont M. Gremetz a souligné les services qu'il rend, a mis en évidence certains faits répréhensibles. Les autorités judiciaires ont donc lancé deux procédures, une information et une enquête préliminaire. La saisine de l'autorité pénale peut s'élargir à tout moment par des réquisitoires supplétifs. Certes, la jurisprudence de notre Assemblée admet la création d'une commission d'enquête même si la justice est saisie ; mais cette commission ne peut devenir un deuxième juge d'instruction, et plus la saisine du Parquet est large, plus l'utilité de la commission d'enquête s'amoindrit. C'est la raison pour laquelle le rapporteur nous a proposé que la commission s'attache à l'ensemble du système de Sécurité sociale étudiante. La deuxième condition de recevabilité était qu'il s'agisse d'un service public. M. Goasguen le conteste ; pourtant, on peut s'en référer à la position du Conseil d'Etat, concernant l'ensemble de la Sécurité sociale, dont je ne vois pas comment l'un des éléments, la mutualité sociale étudiante, pourrait être dissociée : il y a donc service public. Dès lors, il y a possibilité d'étendre le champ d'investigations au-delà de ce qui avait été proposé au départ. J'ai, sur cette question de recevabilité, été pleinement convaincu par les explications lumineuses du rapporteur. Sur le plan de l'opportunité, je m'en rapporte aux propos de Mme la ministre. Le système de Sécurité sociale étudiante a une utilité incontestable, mais il est améliorable. Peut-être faudra-t-il concevoir un nouveau statut, et à recentrer la mutualité sur ses activités propres, en évitant avec les activités commerciales, un choc qui peut être douloureux. En cette dernière année du siècle, il est bon de rappeler les principes qui fondent la mutualité, et qui sont ceux-là même sur lesquels les radicaux ont construit leur parti : solidarité et entraide. Notre groupe votera donc en faveur de la proposition de résolution (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste). M. Claude Goasguen - Le 9 juillet 1998, je demandais au nom du groupe démocratie libérale la création d'une commission d'enquête sur les agissements de la MNEF, que la presse dénonçait quotidiennement sans que le Parlement ni le Gouvernement puissent réagir. Dès 1997, nous avons demandé des explications à ce dernier. Le silence qui nous fut opposé n'avait d'équivalent que l'absence assourdissante de poursuites. Pourtant la MNEF gère la couverture sociale de 660 000 étudiants, et les prestations complémentaires pour 200 000 de plus, soit 55 % de la totalité des étudiants. En 1997, elle a réalisé une activité de 390 millions et dégagé un résultat net supérieur à 29 millions. Il ne s'agit pas, on le voit, de créer une commission d'enquête anecdotique, mais d'approfondir la situation d'une institution importante. Le 25 novembre 1998, la commission des affaires sociales repoussait notre demande, qu'elle transformait en une commission d'enquête sur le régime de Sécurité sociale des étudiants. La MNEF demeurait ainsi un non-dit honteux et était placée sur le même plan que les autres mutuelles étudiantes. Il s'agissait d'habiller une situation peut-être délicate pour la majorité gouvernementale et la commission recourut donc à un subterfuge. En 1994, on aurait pu de la même façon élargir l'enquête sur le Crédit lyonnais à l'ensemble du secteur bancaire. Qu'aurait dit l'opposition d'alors ? Peut-on justifier l'extension qui nous est proposée ? Non. Dans son rapport de septembre dernier, la Cour des comptes distingue très clairement entre la MNEF et les autres mutuelles étudiantes. C'est au détriment de la MNEF seule qu'ont été relevés des engagements financiers grâce à des filiales de droit privé, la distribution de cartes de réduction, le développement de filiales commerciales. La Cour relève, au sujet de la MNEF seule, "un enchevêtrement de participations croisées générant un écheveau de filiales et de sous-filiales et une absence de mécanisme de contrôle des administrateurs". La Cour note aussi que certaines filiales avaient oublié de déposer leurs comptes au greffe du tribunal de commerce. Non sans humour, M. Spithakis a déclaré un jour : "Faute de réponse du secteur mutualiste, j'ai été contraint de passer par les circuits capitalistiques". Voilà qui ne manque pas de sel ! Les directives européennes interdisent pourtant de gérer toute activité non directement liée à l'objet social de la mutuelle et de subventionner les activités soumises à la concurrence. La MNEF ne respectait pas ces prescriptions. Il ne sert donc à rien de se cacher la réalité et de couvrir les activités de la MNEF sous une enquête abstraite. Deux informations judiciaires ont été ouvertes sur les relations étroites entretenues par la MNEF avec des sociétés de communication. Il apparaît que des largesses indues ont été consenties au détriment de la CNAM et des soupçons pèsent sur des fraudes électorales internes à la MNEF. La lenteur escargotique de l'enquête suscite notre étonnement sarcastique. Entre l'excessive précipitation dénoncée récemment par la Garde des Sceaux et la volonté délibérée de ne pas faire avancer le dossier, il existe un équilibre à faire respecter. Je souhaite donc que la Garde des Sceaux respecte ce qui est encore la loi et donne des instructions claires au Procureur général. Il faut refuser ce ponce-pilatisme judiciaire, qui augure mal du débat sur la réforme de l'action publique. L'Assemblée doit enfin s'interroger sur les relations entre la politique et la MNEF, qui a toujours été un enjeu pour factions gauchistes et trotskistes. M. le Président de la commission - Ce n'est pas le sujet ! M. Claude Goasguen - Bien sûr que si ! La pouponnière du parti socialiste, selon l'expression d'un de vos collègues, est aussi depuis longtemps la pépinière du gauchisme universitaire. Faut-il laisser se développer une politisation si active grâce à des moyens matériels dont l'utilisation est loin de toute activité mutualiste ? Je m'étonne aussi de l'incapacité des autorités de contrôle à faire le ménage. Le 17 septembre dernier, la commission de contrôle des mutuelles décidait de nommer un administrateur provisoire, puis elle est revenue un peu plus tard sur sa décision. Le conseil d'administration a alors désigné un directeur intérimaire, qui semble se borner à regarder passer les choses. Il est donc temps de déterminer par une enquête précise et objective si la MNEF est encore capable d'exercer ses fonctions. Les poursuites judiciaires empêchent-elles de créer une commission d'enquête, en application de l'article 6 de l'ordonnance de 1958 ? Appliquée sans nuance, cette règle priverait, comme l'a montré le rapporteur, notre assemblée de tout pouvoir d'enquête. L'existence de poursuites sera simplement un élément à prendre en compte pour limiter les pouvoirs d'investigation de la commission. M. le Président de la commission - Et voilà ! M. Claude Goasguen - Loin de moi l'idée de transgresser la loi ! C'est ainsi, par exemple, qu'a été créée en 1991 une commission d'enquête sur le financement de la vie politique... M. le Président de la commission - Dont je fus le rapporteur ! M. Claude Goasguen - ...alors que certains faits étaient susceptibles de relever de procédures judiciaires. Il serait souhaitable, et M. Gremetz a soutenu le même avis en commission, que l'opposition bénéficie d'un poste actif, ce qui donnerait à l'enquête un caractère objectif et incontestable. C'est ce qui s'est passé, Monsieur le président de la commission, pour le précédent de 1991 que j'évoquais. Notre groupe votera donc la proposition de résolution, sans être dupe ni de la supercherie initiale, ni de la démarche fallacieuse proposée par la commission pour tenter de noyer le poisson MNEF dans la sécurité sociale étudiante (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). M. Philippe Nauche - Tâchons de revenir à plus de sérénité. Depuis quelques années se sont succédé des enquêtes administratives, des articles de presse, des propositions de résolution, enfin le rapport de la Cour des comptes et ses suites judiciaires, relatifs aux mutuelles étudiantes. Voilà qui plante tout un décor. Faut-il attendre la fin des investigations judiciaires pour examiner le fonctionnement du régime étudiant de sécurité sociale ? Notre rapporteur a bien montré que non. Il est clair en effet que le système actuel a laissé se développer des problèmes de gestion et des dérives légales, voire peut-être illégales. La Cour des comptes met en lumière la multiplicité et la complexité des relations entre la MNEF et ses mutuelles régionales, les établissements d'enseignement supérieur, l'URSSAF, la CNAMTS, les ministères de l'éducation nationale et des affaires sociales, tous acteurs du régime de protection sociale des étudiants. La complexité de ces relations n'est pas facteur d'efficacité, relève la Cour des Comptes qui ajoute cependant que la liquidation des prestations s'effectue de façon plutôt satisfaisante. Elle note toutefois des difficultés dans l'application des textes en vigueur et elle fait état de diverses anomalies : absence de séparation des comptes relatifs aux différentes activités des mutuelles, retard dans la mise en oeuvre d'une comptabilité analytique, non-respect de la séparation classique entre ordonnateur et comptable... Elle s'inquiète aussi d'une diversification sans rapport avec la vocation mutualiste, relevant de façon elliptique que la compatibilité de ces activités avec le caractère non lucratif des missions assignées à ces organismes "reste à démontrer". D'autre part, on peut s'interroger sur les effets qu'a pour leur budget de communication la concurrence que se livrent des mutuelles qui détiennent, ensemble, une délégation de gestion de service public. Enfin, les investissements réalisés dans le secteur concurrentiel, le mode de désignation et de rémunération des dirigeants de filiales posent aussi question. Nous souhaitons tous que les étudiants bénéficient d'une protection sociale efficace. Depuis la loi du 23 septembre 1948, la situation, le nombre et les besoins des étudiants ont considérablement évolué : le système a-t-il pu s'adapter à ces changements ? La création d'une commission d'enquête sur l'ensemble du régime étudiant de sécurité sociale peut contribuer à consolider l'édifice. Selon moi, le champ d'investigation doit être vaste. Cependant, il ne peut être question d'empiéter sur les instructions judiciaires en cours : l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et l'article 141 de notre Règlement l'interdisent. Il nous faudra aussi écarter les tentations partisanes et centrer notre travail sur les modalités de fonctionnement du système de sécurité sociale étudiante, sur les faiblesses de la législation actuelle et sur les dérives qui ont pu se produire ici ou là, afin de proposer des solutions concrètes, de mettre fin aux errements et améliorer la qualité du service rendu. Par souci d'équité et de transparence, par souci aussi de l'intérêt général, le groupe socialiste votera la création de la commission d'enquête telle que la propose la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Bruno Bourg-Broc - Depuis quelques mois la presse se fait l'écho des déboires judiciaires de la MNEF mais elle a également relevé une dérive inquiétante pour l'esprit même de la mutualité. Or, dans le même temps, nous devons réfléchir à l'application d'une directive européenne sur le sujet. La majorité de la commission a choisi d'étendre le champ d'enquête de la commission que nous envisageons de créer à l'ensemble du régime étudiant de sécurité sociale, de sorte que les dix mutuelles régionales seraient concernées. Cela peut se justifier, mais il ne faudrait pas que cet élargissement de notre objet aboutisse à faire échapper la MNEF à l'enquête. Certes, le troisième alinéa du I de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et le deuxième alinéa de l'article 141 de notre Règlement nous interdisent d'enquêter sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires, mais les procédures en cours ne concernent pas, par exemple, les filiales de la MNEF dont l'objet est assez éloigné des missions essentielles de cette mutuelle. Comme il est d'habitude, le Garde des Sceaux, dans sa lettre du 2 septembre dernier, a laissé à l'Assemblée le soin d'apprécier si les procédures "ne sont pas de nature à faire obstacle à la création de la commission d'enquête". Le précédent de 1991, relatif au financement des campagnes électorales, ne devrait pas nous inquiéter : l'interdiction posée par l'ordonnance ne nous empêche que d'enquêter directement sur les faits reprochés à la MNEF, mais non de créer une commission spécifique à celle-ci. Je ne partage donc pas l'avis du rapporteur lorsqu'il estime qu'une telle décision nous exposerait à "rencontrer constamment l'obstacle résultant du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire". L'extension du champ d'intervention de la commission, s'il peut apparaître opportun, n'est pas nécessaire. D'autre part, il nous faut nous garder de tout amalgame entre les affaires en cours et les mutuelles régionales ou l'ensemble du régime étudiant. Evitons aussi de saisir le prétexte offert par les premières pour tenter d'uniformiser le régime étudiant. Or les propos tenus par Mme le ministre ne peuvent que nous inquiéter. Qu'il y ait des problèmes à la MNEF est une chose, mais il serait dangereux de généraliser : le régime étudiant doit rester pluraliste. Mme la Ministre - J'en suis d'accord. M. Bruno Bourg-Broc - Dont acte. Il serait d'ailleurs d'autant plus incompréhensible que les mutuelles régionales fassent les frais de l'opération qu'elles sont plutôt bien gérées, de l'avis même de la Cour des comptes. S'il est vrai que celle-ci s'interroge sur le montant des remises de gestion consenties par le régime général pour couvrir les frais induits par le service des prestations obligatoires, il faut se souvenir que, pendant plus de dix ans, les SMER ont souffert d'une discrimination par rapport à la MNEF. Un rattrapage a eu lieu en 1992, ce qui explique l'augmentation quasi exponentielle critiquée par la Cour, mais le retard passé n'a pas été compensé et, surtout, les SMER ne sont pas responsables de cet état de fait. Elles n'ont fait que réclamer la fin d'une distorsion de concurrence... Nous ne devons donc pas laisser le débat dévier sur ce point. Oui pour enquêter sur l'avenir de la Sécurité sociale et sur les dérives éventuelles des sociétés de mutuelles, mais s'il s'agit d'enterrer les problèmes de la MNEF pour faire porter le chapeau aux mutuelles régionales, il ne faudra pas compter sur le groupe RPR ! Il faudra d'autant moins y compter que le champ d'investigation est suffisamment large et intéressant, s'agissant de l'avenir du système mutualiste, de l'état sanitaire des étudiants et de leur statut social. La Cour des comptes a par exemple soulevé la question de l'affiliation des étudiants et de l'encaissement des cotisations : ces opérations sont actuellement effectuées par les universités. Est-ce bien le rôle de celles-ci ? Si l'on confiait cette mission aux mutuelles, cela aurait l'immense avantage de resserrer le lien entre les étudiants et elles, c'est-à-dire entre les étudiants et le système de santé. Trop souvent, l'étudiant se borne à payer pour son affiliation au régime général et à adresser les demandes de remboursement à son centre de gestion. Permettre un contact direct avec les mutuelles étudiantes ne pourrait que favoriser la prévention sanitaire et contribuer à faire prendre aux étudiants de bonnes habitudes. Le fonctionnement de la médecine préventive universitaire laisse à l'évidence beaucoup à désirer : la visite annuelle obligatoire n'a qu'une existence théorique et la qualité du service est très inégale selon les sites. En outre, cette médecine préventive n'est pas à même de prendre en charge ce qu'on a appelé le "mal-être" étudiant : c'est d'ailleurs une des raisons qui a conduit certaines mutuelles étudiantes à créer des centres de soins spécialisés. Mais, pour utiles qu'ils soient, ces centres relèvent-ils de la vocation des mutuelles ? Sont-ils de l'intérêt des étudiants ? Si la commission d'enquête vise à pointer les carences du système de protection sociale des étudiants et à analyser les dérives des mutuelles, notamment de la MNEF, le groupe RPR votera la proposition de résolution tendant à sa création. S'il s'agit en revanche de détourner le débat de la MNEF, nous dénoncerons vigoureusement le procédé. Votre conclusion, Monsieur le rapporteur, a certes été rassurante, mais nous restons très vigilants (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. le Rapporteur - Je remercie tous les orateurs, en particulier MM. Gremetz, Nauche, Tourret et Gengenwin. J'ai apprécié l'évolution de la position de ce dernier depuis la réunion de la commission et me félicite qu'il appuie maintenant totalement notre démarche. Quant à MM. Goasguen et Bourg-Broc, ils feraient bien de se référer précisément au rapport... ou de mieux écouter en séance. J'ai indiqué textuellement tout à l'heure, en conclusion de mon intervention, que la commission proposerait à l'Assemblée de "créer une commission d'enquête sur les régimes de Sécurité sociale étudiant, ce qui inclut bien entendu la MNEF et ses filiales". Peut-on être plus clair ? Où sont les "non-dits honteux" dont a parlé M. Goasguen ? Je n'ai pas passé sous silence l'enquête préliminaire qui a débouché en janvier sur l'ouverture d'une seconde information judiciaire contre X pour abus de confiance, abus de biens sociaux, recel d'abus de biens sociaux et escroquerie. Il me semble en revanche que le silence a été assourdissant depuis la réunion de la commission : rien dans la presse, y compris de la part de ceux qui se plaisaient à s'y exprimer sur le sujet, aucune question orale au Gouvernement... Et Jean Le Garrec et moi avons dû insister pour que cette proposition de loi trouve place dans un calendrier parlementaire passablement chargé. Aussi les silences ne sont-ils pas toujours là où on le croit... M. Claude Goasguen - Je parlais du Parquet général de Paris. M. le Rapporteur - Mon cher collègue, aujourd'hui comme en commission, vous avez suggéré que la commission d'enquête pallie les lenteurs de la justice. Ce serait contrevenir aux articles 140 et 141 de notre Règlement. Si la commission d'enquête est créée, comme il est probable, son champ d'action et ses possibilités d'investigation seront clairs. Aucune ambiguïté ne subsiste sur ce point. M. le Président de la commission - Je remercie tout d'abord M. Recours qui, dans son rapport, s'est livré à une démonstration particulièrement rigoureuse sur le plan juridique, beaucoup de nos collègues l'ont d'ailleurs reconnu. Il fallait en effet respecter le principe de la séparation des pouvoirs. Deux informations judiciaires sont ouvertes. Laissons la justice faire son travail. Monsieur Goasguen, nous n'avons aucun jugement à porter sur le rôle de Mme la Garde des sceaux, dont nous connaissons la compétence, la rigueur et la volonté. Dans le même temps, dès lors que nous traitions des mutuelles étudiantes il était hors de question d'exclure du champ d'investigation la MNEF, qui est la plus importante d'entre elles. Par ailleurs, quand bien même l'on en aurait eu la tentation absurde, la commission d'enquête qui définira elle-même, en toute indépendance, son champ d'enquête n'aurait pas suivi cette voie. Toute suspicion à cet égard est infondée. Ayant moi-même été le rapporteur de la commission d'enquête sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales, je sais que ces commissions peuvent enquêter de façon très large. Même si elle se limitait à prendre appui sur les neuf recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport à la page 521, la commission que nous proposons de créer aurait déjà un vaste travail. Organiser la transparence des comptes, stopper certaines dérives, conforter la protection sociale étudiante, autant de thèmes d'étude qu'elle pourra retenir. En adoptant la proposition de résolution présentée par M. Recours, nous renforçons le pouvoir de contrôle du Parlement sur l'action publique, tout en évitant de céder à la pression des médias et de politiser le débat. ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste) La discussion générale est close. Mme la Présidente - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91 alinéa 4 de notre Règlement, l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission. Toutefois, avant de le mettre aux voix, j'indique à l'Assemblée que le titre en est ainsi rédigé : "Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur le régime étudiant de Sécurité sociale". L'article unique de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. Mme la Présidente - Afin de permettre la constitution de cette commission d'enquête, les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l'article 25 du Règlement, avant le mardi 9 mars à 17 heures, le nom des candidats qu'ils proposent. La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel. La séance, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 10.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans. M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Le Sénat a rejeté, le 9 février dernier, la proposition de loi que vous aviez adoptée en première lecture en décembre visant à mieux protéger la fin de carrière des plus âgés de nos concitoyens. On ne peut que regretter cette position sans nuance. Chacun sait en effet les difficultés que rencontrent les personnes âgées de plus de cinquante ans pour retrouver un emploi. Près des deux tiers de ces chômeurs sont des chômeurs de longue durée alors que la moyenne nationale est d'un tiers. Chacun connaît aussi le coût pour la collectivité du licenciement des plus expérimentés d'entre nous : coût social bien sûr, et coût financier lié à l'indemnisation du chômage ainsi qu'aux pertes de recettes fiscales et sociales qui en résultent. Pour y remédier, la première priorité consiste à intervenir le plus en amont possible afin d'éviter les licenciements. Nous sommes tous d'accord sur ce point et le Gouvernement ne peut accepter que la majorité sénatoriale l'accuse de privilégier "les mesures pénalisantes et contraignantes pour les entreprises" au détriment "des dispositifs positifs, imaginatifs et dynamiques". Il faut favoriser les reclassements internes : Mme Aubry a donné des instructions en ce sens dès l'été 1997. Il faut aussi aider les entreprises à trouver des solutions alternatives, et nous mobilisons pour cela chaque fois que possible le volet défensif de la loi d'incitation à la réduction du temps de travail de juin 1998. Il faut enfin recourir à la formation pour améliorer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences : Mme Pery s'y emploie. Cette politique de prévention, conjuguée à une politique de croissance qui a redonné aux entreprises les moyens de maintenir l'emploi, porte aujourd'hui ses fruits. Le nombre de plans sociaux a baissé de 20 % en un an et les licenciements économiques ont connu la même évolution. La deuxième priorité du Gouvernement est d'améliorer la situation des personnes licenciées, notamment de celles qui ont travaillé longtemps, dans des conditions difficiles et dont les ressources sont très faibles. Quelques jours après notre débat en première lecture, les partenaires sociaux ont décidé une nouvelle avancée pour les salariés ayant cotisé pendant quarante ans. Le dispositif de préretraites contre embauches, l'ARPE, est ainsi étendu aux salariés ayant commencé à travailler à 14 ou 15 ans et âgés de plus de 56 ou 57 ans. Cette extension devrait concerner plus de 15 000 personnes dès 1999. Il faut se féliciter de l'adoption d'une telle mesure, souhaitée de longue date par le Gouvernement et par la majorité. Nous seront très attentifs à son application. Avec l'allocation chômeurs âgés, le régime d'assurance chômage des chômeurs indemnisés et l'allocation spécifique d'attente, instaurée en avril dernier en faveur des bénéficiaires de régimes de solidarité -RMI, allocation spécifique de solidarité...- un ensemble complet et cohérent a été mis en place qui a déjà permis d'améliorer la fin de carrière de plus de 200 000 personnes. Le dernier axe de notre politique en faveur des plus de 50 ans, consiste à faire contribuer davantage les entreprises, qui doivent prendre conscience du coût de leurs pratiques pour la collectivité. Le Gouvernement se félicite que les partenaires sociaux se soient inscrits dans cette logique en instaurant une contribution des entreprises pour les départs en ARPE. Il fallait également combattre les licenciements secs de salariés âgés, de plus en plus fréquemment utilisés par les entreprises pour éviter les préretraites. Je m'étonne que certains contestent cette réalité, alors que les licenciements de salariés de plus de 55 ans sont passés de 55 000 en 1994 à 71 000 en 1997. Il était donc devenu nécessaire de revoir le dispositif Delalande. C'est l'objet de cette proposition, qui en ferme les deux failles majeures. Il fallait en particulier mettre fin à l'utilisation des conventions de conversion pour contourner la loi. Des cas concrets, nous en connaissons tous, et contrairement à ce que prétendent certains, le phénomène est loin d'être marginal : entre 1990 et 1998, le nombre de conventions de conversion a quintuplé, et celui des conventions signées par des salariés de plus de 55 ans a été multiplié par quinze. Le faible taux de reclassement -18 % au-delà de 56 ans, contre 50 % en moyenne- montre bien que le dispositif des conventions de conversion est détourné de son objet. Il ne s'agit pas de faire son procès, mais d'empêcher les dévoiements. Cette proposition se révélera d'autant plus efficace que le Gouvernement, par la voie réglementaire, a doublé le montant de la contribution Delalande le 31 décembre dernier. La préretraite étant devenue deux fois plus coûteuse pour les entreprises qu'un licenciement sec, un rééquilibrage était nécessaire. Je rappelle que ce nouveau barème ne s'applique pas aux entreprises de moins de cinquante salariés, les cas de contournement y étant rares. Quant aux entreprises de moins de vingt salariés, elles continueront d'être exonérées. A ceux qui redoutent que cette mesure dissuade les entreprises d'embaucher des salariés âgés, je répète que la contribution n'est pas due si le salarié licencié avait déjà plus de 50 ans au moment de son recrutement. Avec cette proposition, le groupe communiste entend protéger la partie la plus fragile de la population salariée. Déplorant la position du Sénat, le Gouvernement ne doute pas que vous rétablirez le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, ainsi que vous l'a proposé votre commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires sociales - Le texte adopté par notre Assemblée le 10 décembre 1998 diffère considérablement de la proposition initiale, qui comportait quatre volets de dispositions visant à instaurer le droit à la retraite à taux plein, sans condition d'âge, pour les salariés totalisant quarante annuités de cotisations vieillesse ; proroger et étendre le bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi à tout salarié, sans condition d'âge, totalisant quarante annuités de cotisations vieillesse ; étendre la contribution Delalande en vue de mieux protéger les salariés de plus de cinquante ans contre les licenciements et enfin créer une contribution sur les revenus financiers dont le produit aurait été affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Le débat en première lecture a montré la cohérence de ces propositions financièrement réalistes. Depuis, le Commissariat général du plan a fait connaître ses conclusions exagérément alarmistes sur l'avenir des retraites et le dispositif de l'ARPE, prolongé pour un an seulement, n'a été étendu qu'a minima. Il faut donc regretter qu'on ait opposé l'article 40 à plusieurs articles de la proposition initiale. S'agissant du droit à la retraite, on ne peut accepter la suggestion du Commissariat général du plan visant à porter la durée de cotisation à 170 trimestres, soit 42 annuités et demie. La proposition initiale tendait au contraire, dans un souci de justice sociale, à accorder la retraite à taux plein sans condition d'âge aux salariés totalisant 160 trimestres de cotisation. Une telle mesure, favorable à ceux qui ont commencé à travailler très jeunes, aurait aussi favorisé l'embauche de jeunes en libérant 300 000 postes. Au total, je l'ai démontré, la réforme pouvait se faire à coût constant. Concernant l'ARPE, l'accord conclu par les partenaires sociaux du 22 décembre 1998 est très en deçà de la proposition initiale. Celle-ci tendait en effet à étendre le bénéfice de l'ARPE à tout salarié totalisant quarante annuités de cotisation, sans condition d'âge, et de proroger le dispositif sans limitation de durée. Pour financer ces deux mesures, la proposition reprenait un engagement du Gouvernement en posant le principe d'une participation de l'Etat. L'accord du 22 décembre ne reconduit l'ARPE que pour l'année 1999, avec une condition d'âge pour les salariés justifiant de 172 trimestres, soit 43 annuités. Il faut être complet, Monsieur le secrétaire d'Etat ! L'extension du dispositif reste, en outre, très limitée. Alors que les mesures contenues dans la proposition initiale auraient concerné plus de 200 000 salariés, l'accord n'étend le bénéfice de l'ARPE qu'à 45 000 personnes. L'accord, enfin, met à la charge des entreprises une participation équivalant à 2,4 mois de salaire par bénéficiaire. Il est regrettable que le MEDEF ait imposé un tel durcissement des conditions d'accès à l'ARPE, un dispositif auquel nous devons plus de 120 000 embauches compensatrices. En première lecture, certains, dont M. le président de la commission, ont estimé que les dispositions proposées étaient prématurées, préférant laisser aboutir la négociation avant de légiférer. Les résultats de celle-ci sont maintenant connus : ils sont très différents des dispositions prévues par la proposition initiale qui avaient reçu l'appui de l'ensemble de la majorité. La ministre de l'emploi a d'ailleurs indiqué le 26 janvier dernier, en réponse à une question de M. Serge Janquin, que l'accord du 22 décembre 1998 constitue une première étape et que le Gouvernement "souhaite aller plus loin". L'initiative parlementaire ayant été bridée, il serait donc souhaitable que le Gouvernement incite les partenaires sociaux à aller plus loin ou propose lui-même un texte. J'en viens à ce qui reste de la proposition. Il s'agit d'étendre le champ d'application de la contribution Delalande en y assujettissant les ruptures de contrats de travail des salariés de plus de cinquante ans aux cas d'adhésion à une convention de conversion ou de refus d'une préretraite totale. L'article 3 tend à appliquer ces mesures aux ruptures de contrats de travail intervenues à compter du 1er janvier 1999. On rappellera que le taux de la contribution Delalande a été majoré par décret en décembre 1998, afin de rééquilibrer le coût des diverses "mesures d'âge". Toutefois, la majoration n'est pas applicable aux PME. Les entreprises de moins de cinquante salariés restent assujetties au barème antérieur. Les entreprises de vingt salariés continuent à être exonérées. Demeurent en outre exclus du champ d'application de la contribution, les salariés qui, lors de leur embauche, intervenue après le 9 juin 1992, étaient âgés de plus de cinquante ans et inscrits depuis plus de trois ans comme demandeurs d'emplois. Le 9 février, le Sénat a rejeté cette proposition, contre l'avis du Gouvernement. Son rapporteur, M. Louis Souvet, a pourtant reconnu que des abus existent "chez certains employeurs peu scrupuleux". Mais il a refusé de les combattre. Votre rapporteur fait le même constat mais propose, lui, de protéger les salariés de plus de cinquante ans contre le licenciement. La commission a, sur proposition du rapporteur, maintenu le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). M. Bruno Bourg-Broc - Nos collègues du Sénat ont eu la sagesse de repousser ce texte qui n'atteint pas son but. Politique avant tout, il est destiné à faire plaisir à une partie de la majorité plurielle qui n'apprécie guère la privatisation d'Air France, ni l'ouverture d'EDF à la concurrence. La contribution que je n'ose plus appeler Delalande a été doublée par Mme Aubry en 1992. Elle a de nouveau été augmentée par un décret du 28 décembre 1998, qui fixe un taux progressif -de deux mois de salaire brut à 50 ans à douze mois à 56 et 57 ans- puis dégressif à partir de 58 ans. A l'origine, elle était fixée à trois mois de salaire brut. Le nouveau régime devrait reporter 1,4 milliard supplémentaire. Si cette contribution poursuivait un objectif de dissuasion, l'idéal serait que son produit soit quasiment nul ; mais il semble plutôt s'agir d'une contribution de rendement dont on augmente le taux et dont on élargit l'assiette : c'est en fait un impôt nouveau. Mme Aubry l'a elle-même avoué : alors qu'à ce jour, l'UNEDIC semble être le seul bénéficiaire de ces recettes supplémentaires, elle a déclaré que, pour cette année au moins, la majoration serait affectée au budget de l'Etat... En fait, on fait pression sur les partenaires sociaux pour qu'ils améliorent l'indemnisation du chômage des jeunes, dont la prise en charge dépend de recettes assises sur les licenciements des salariés les plus âgés : drôle de conception de la lutte contre le chômage au-delà de 50 ans. Nos collègues communistes, suivis par le Gouvernement, justifient l'extension de la contribution "Aubry" aux conventions de conversion par l'augmentation du nombre de celles-ci, qui résulterait de la volonté d'y échapper. C'est une attitude contradictoire : l'objet d'une convention de conversion est de faciliter le reclassement du salarié dont le licenciement n'a pu être évité ; l'objet de la contribution est de sanctionner le licenciement d'un salarié de plus de 50 ans. Doit-on conclure que le Gouvernement et le groupe communiste entendent sanctionner les conventions de conversion ? Qu'il y ait quelques abus, tout le monde en convient, mais faut-il pour autant appliquer une sanction collective ? Il est tout aussi étonnant de justifier l'extension de la contribution par des contournements dans le cas des préretraites FNE. En effet la mise en place d'une convention de préretraite se négocie avec l'Etat ; peut-on imaginer que celui-ci soit négligent ? Du reste, pour un total de 20 000 entrées en préretraite FNE chaque année, le nombre de refus ne concerne pas plus d'une soixantaine de salariés ; peut-on, dans ces conditions, raisonnablement parler de contournement ? La vérité est qu'on fait un procès d'intention aux entreprises pour justifier une opération destinée à faire plaisir à une partie de la majorité et à accroître le rendement d'un prélèvement auquel, de surcroît, on veut donner un caractère rétroactif. C'est la raison pour laquelle le groupe RPR ne votera pas ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). M. Alain Néri - Ce n'est pas une surprise ! Mme Hélène Mignon - Depuis le 10 décembre, deux éléments nouveaux sont intervenus : l'accord sur l'ARPE et le rejet de la proposition de loi par le Sénat. Même si les chiffres du chômage s'améliorent, ne baissons pas les bras ! Trop de nos concitoyens sont en effet exclus du monde du travail. Les licenciements économiques atteignent de plein fouet les salariés de plus de 50 ans, et près des deux tiers d'entre eux deviennent des chômeurs de longue durée. On se sépare d'eux d'autant plus aisément que la solidarité nationale peut jouer. Mais l'appel aux aides devient inadmissible lorsqu'il est trop fréquent ; or, ainsi que le notait dans son intervention au Sénat Marie-Madeleine Dieulangard, le rapport de la Cour des comptes de 1997 sur les plans sociaux montre que plus des deux tiers des allocations spéciales FNE ont été accordées par l'administration à douze entreprises qui se sont adressées au moins trois fois en six ans au fonds. Ces entreprises ont ainsi couvert à 41 % ce qu'elles considéraient comme des sureffectifs par des préretraites totales. L'esprit d'entreprise suppose, à mon sens, plus d'imagination et de dynamisme... La contribution Delalande, instituée en 1987 à la suite de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, avait pour but de dissuader les entreprises de licencier les salariés de plus de 50 ans, mais les chiffres montrent qu'il y a eu des contournements. C'est ainsi que le nombre de salariés âgés de plus de 50 ans en convention de conversion est passé de 9 % à 19 % entre 1993 et 1998 Il est évident que certaines entreprises utilisent ce dispositif pour se séparer de leurs salariés les plus âgés de la façon la moins coûteuse. Or le taux de reclassement se dégrade fortement après 50 ans, passant de 36 % à 52 ans à 18 % à 56 ans et plus. Dans ces conditions, il est normal, comme il est prévu à l'article premier, d'étendre la constitution Delalande aux salariés de 50 ans et plus qui ont adhéré à une convention de conversion. L'article 2 précise une disposition de l'article L 321-13 du code du travail, prévoyant que la contribution ne sera pas appliquée dans le cas où le salarié bénéficie effectivement d'une allocation spéciale de préretraite FNE. Certains employeurs, en effet, après avoir conclu une convention d'allocation spéciale, font ensuite pression sur leurs salariés pour qu'ils refusent le bénéfice d'une préretraite. Cette proposition de loi, même si elle ne compte que deux articles, est en rien un texte mineur. Il rend leur dignité aux salariés, qui ont mis à la disposition de l'entreprise leur force de travail et doivent pouvoir partir dans de bonnes conditions. A une période où l'on parle tellement de la responsabilité de la famille, donnons-leur les moyens d'être des hommes et des femmes debout, montrant à leurs enfants ou petits-enfants les contraintes de l'emploi, mais aussi la valorisation que chacun peut y trouver. Vous qui avez plus de 50 ans, vous avez votre place dans la société, vous avez des droits ; à nous, législateurs, de les faire respecter. Les chefs de PME devraient, quant à eux, recevoir aide et conseil dans leur gestion prévisionnelle de l'emploi, afin que les services publics ne soient pas requis d'intervenir seulement après l'application de dispositifs qui ne sont, à mes yeux, que des pis-aller. Le groupe socialiste votera la proposition. Ceux qui veulent y voir une manoeuvre politicienne se trompent. Nous voulons simplement combattre des abus. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) M. Gilbert Gantier - Comme en première lecture, le groupe Démocratie libérale votera contre cette proposition, que le Sénat a rejetée. Je tiens à féliciter le sénateur Louis Souvet de son excellent rapport. Avec ce texte, vous ressoudez peut-être votre majorité plurielle... M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Mais non ! M. Gilbert Gantier - ...mais vous ne résolvez en rien le chômage des salariés de plus de cinquante ans. En effet, la proposition se borne à étendre la contribution encore dite Delalande aux conventions de conversion et aux refus de conventions de préretraite. Mais la contribution elle-même ne résout pas le problème des licenciements des plus de 50 ans. En effet, créée en 1987 au moment de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, cette contribution est une pénalité que l'entreprise doit verser à l'UNEDIC pour compenser le surcoût de ces licenciements. En 1987, elle correspondait à trois mois de salaire brut pour le licenciement des salariés de 55 ans et plus. Depuis dix ans, elle n'a cessé d'être augmentée et étendue, sans pour autant remplir son rôle. Aussi, en 1992, le gouvernement socialiste fit passer son montant maximal de trois mois à six mois, et elle devint applicable à partir de 50 ans. Aujourd'hui vous constatez que les salariés de plus de 50 ans sont licenciés deux fois et demi plus souvent que la moyenne, et restent, pour les deux tiers d'entre eux, au chômage pendant plus d'un an, voire, hélas, ne retrouvent jamais un emploi. Cependant, vous avez décidé, Monsieur le ministre, de doubler la contribution à partir du 1er janvier 1999, par le décret du 28 décembre 1998. La proposition s'inscrit dans la même logique. En effet, la part des salariés de plus de 50 ans dans les conventions de conversion serait passée de 12 % en 1994 à 17 % en 1997. Vous en déduisez un détournement généralisé. De même, vous prétendez que les refus des préretraites FNE constituent un contournement de la loi. La proposition tend donc à sanctionner les entreprises et à accroître leurs charges. C'est peut-être une politique de bons sentiments, c'est sûrement une politique des mauvaises solutions, qui n'est qu'un cautère sur une jambe de bois. En effet, le doublement de la contribution augmentera les prélèvements obligatoires, alors qu'il faudrait les alléger. Un iconoclaste qui n'est pas à droite, Jean Boissonnat, n'écrivait-il pas récemment dans un quotidien qui n'est pas non plus de droite, que c'était une des clés de la fin du chômage ? M. le Secrétaire d'Etat - Il en parle pour 2010 ! M. Gilbert Gantier - Non ! Je le cite : "Désormais, on connaît les bonnes recettes : abaissement du coût du travail le moins qualifié...". M. Alain Néri - Ce n'est pas l'Evangile ! M. Gilbert Gantier - Plus que freiner les licenciements des plus de 50 ans, le doublement de la contribution renforcera les réticences à embaucher des personnes âgées de 45 à 50 ans, voire conduira à reporter les licenciements sur les salariés qui ont tout juste moins de 50 ans. M. le Président de la commission - Allons, allons ! M. Gilbert Gantier - C'est l'évidence. C'est ainsi que vous raisonneriez sans doute si vous étiez à la tête d'une entreprise ! Vous aboutissez ainsi au contraire de l'objectif recherché. Cette disposition s'ajoute à un ensemble de mesures défavorables à l'emploi, comme une éventuelle taxation des contrats précaires, le renchérissement des heures supplémentaires dans la seconde loi sur les 35 heures, le tout pour donner des garanties à une majorité qui s'inquiète de la faiblesse de projets sociaux du Gouvernement. Je dénonce l'affectation des recettes supplémentaires provenant du doublement de la contribution, soit 1,4 milliard environ, au budget de l'Etat et non à l'UNEDIC. Votre choix est destiné à faire pression sur les partenaires sociaux pour qu'ils améliorent l'indemnisation du chômage des jeunes, qui dépendrait ainsi de recettes assises sur les licenciements des salariés les plus âgés. On rêve ! De plus le caractère rétroactif de la proposition, qui s'appliquera aux licenciements effectués depuis le 1er janvier 1999, me choque. Plutôt que des mesures au coup par coup, il conviendrait de faciliter l'embauche en libéralisant le droit du travail, en allégeant les charges sociales, comme le suggère Jean Boissonnat, en facilitant la conversion professionnelle. Le Gouvernement et sa majorité plurielle n'ont à nous offrir que de vieilles recettes : taxation encore, réglementation toujours, alors que la solution consiste à faire confiance aux partenaires sociaux et aux entrepreneurs. Vous gaspillez les fruits de la croissance. Aussi le groupe DL ne votera pas la proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). M. Alain Néri - On s'en doutait ! M. Patrice Carvalho - Comme l'a indiqué Maxime Gremetz, le Sénat, en rejetant notre proposition, tient à éviter de faire contribuer davantage les grandes entreprises. Les propos que nous venons d'entendre traduisent une méconnaissance complète de la réalité. Chaque jour nous apprend le montant des profits réalisés par les grands groupes : 7 milliards l'an dernier pour la Société générale, dividende exceptionnel de 48 milliards versé par Unilever... Invoquer les difficultés, bien réelles, des petites entreprises, sert de prétexte pour défendre les grandes. C'est pourquoi instaurer le droit à la retraite à taux plein pour les salariés totalisant 40 années de cotisation, comme nous le proposions, est tout-à-fait justifié. Cette mesure permettrait de dégager 300 000 emplois. Sur la base d'un coût moyen pour une retraite à taux plein de 90 000 F, si les 550 000 personnes pouvant cesser leur activité demandaient la liquidation de leur retraite, le coût serait de 49,5 milliards. De ce montant, il faut déduire les 27 milliards destinés à financer des dispositifs dont bénéficient actuellement les personnes concernées, sans compter les effets positifs sur l'emploi résultant des postes dégagés, et donc les économies. Dans l'hypothèse où deux sur trois des 300 000 actifs concernés seraient remplacés, le nombre de chômeurs pourrait être réduit de 200 000. Sur la base du coût moyen d'un chômeur de 120 000 F l'économie représenterait 24 milliards. La réforme pourrait donc être réalisée à coût pratiquement nul pour la collectivité. Le débat sur la durée de cotisation la rend d'actualité. Sur ce point, l'hypothèse d'allongement de la durée de cotisation retenue par le rapport Charpin est inconcevable. En effet, alors que les salariés de plus de 50 ans ne retrouvent pas d'emploi lorsqu'ils sont licenciés, on voudrait qu'ils travaillent plus longtemps ! Certains ici n'ont pas paru conscients de cette contradiction ! Et comme nous l'avions relevé en première lecture, qu'il s'agisse de verser des pensions de retraites ou des indemnités chômage, le problème de financement est le même. Mme la ministre de l'emploi avait annoncé qu'elle examinerait la question des cotisations patronales. Mais c'est précisément de cela qu'il s'agit. Mettre à profit la baisse démographique, comme le fait le rapport Charpin pour essayer d'imposer un recul social est d'autant moins admissible que cette génération de retraités ne devrait pas coûter plus cher à la collectivité que lorsqu'elle était sur les bancs de l'école ! Il est donc urgent de revoir l'assiette des cotisations sociales, afin de favoriser les entreprises qui créent des emplois et augment les salaires et de décourager les autres. Il est également possible, comme nous le proposions, de faire cotiser les revenus financiers au même taux que les salaires, c'est-à-dire à 14,6 %. On ne peut se borner à dénoncer un système qui favoriserait le capital au détriment du travail, sans jamais agir ! Quant aux déclarations en faveur des fonds de pension, elles vont dans le même sens que le rapport Charpin. Leurs auteurs partent eux aussi du postulat selon lequel, faute de pouvoir financer les retraites, il faudrait favoriser l'épargne individuelle. Le grand patronat et le MEDEF espèrent ainsi drainer des fonds colossaux vers les places boursières, comme s'ils ne pouvaient tolérer qu'une part, même infime, de leurs profits continue de financer notre régime de répartition. M. Germain Gengenwin - Slogans ! M. Patrice Carvalho - Non. Je viens d'une grande entreprise qui tirait de ses placements financiers autant que de la production même ! Ne pouvant se résigner à l'abrogation de la loi Thomas, le patronat en veut une autre qui aille encore plus loin ! C'est pourquoi nous pensons urgent de favoriser le départ en retraite après 40 annuités de cotisation, comme y tendait notre proposition de loi. De celle-ci, il reste les trois articles que la commission nous soumet et qui permettront d'éviter les abus auxquels se livrent les entreprises quand elles licencient les salariés de plus de 50 ans. Il ne fait pour nous aucun doute que la majorité de l'Assemblée votera cette mesure de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Germain Gengenwin - En première lecture, le groupe UDF a voté contre cette proposition et le texte n'a pas reçu un meilleur accueil du Sénat. Pourtant, il s'inscrit dans le droit fil du "dispositif Delalande", que nous avons soutenu voici maintenant onze ans et qui a jusqu'ici permis une certaine maîtrise des licenciements lorsqu'ils concernent des salariés âgés. L'amendement de notre collègue à la loi du 10 juillet 1987 instituait au bénéfice de l'UNEDIC une pénalité équivalant à trois mois de salaire, pour tout licenciement de salarié âgé de plus de 55 ans. En 1992, Mme Aubry, déjà ministre du travail, a durci ce dispositif transposant dans la loi un accord signé par les partenaires sociaux, elle a contraint les entreprises à verser entre un et six mois de salaire lorsqu'elles licenciaient un salarié âgé d'au moins 50 ans. Vous n'êtes pas revenus sur ce qui a été voté alors et ce système a rapporté 1,7 milliard au régime d'assurance-chômage en 1997. En novembre dernier, la presse, nous a appris que la "contribution Delalande" pourrait cette fois être doublée... J'espère que nos travaux de ce matin nous permettront de prolonger nos échanges sur le sujet. Pour nous, la majorité plurielle témoigne d'une approche contestable de l'entreprise en faisant porter sur elle la responsabilité des licenciements de salariés âgés. Comme vous, nous savons certes que la part des salariés de plus de 50 ans indemnisés par l'allocation unique dégressive est passée de 25 à 27,9 % entre juillet 1997 et juillet dernier. Nous savons que ce chômage des plus de 50 ans ne recule pas -selon les chiffres de septembre, il a même crû de près de 3 % pour les hommes et de 5 % pour les femmes. M. le Président de la commission - Eh oui ! M. Germain Gengenwin - Nous savons que tout cela est à l'origine de drames personnels et familiaux, et nourrit l'exclusion, après épuisement des droits. Mais ce n'est pas en culpabilisant les entreprises qu'on arrêtera cette dérive ! Si des entreprises en difficulté, contraintes à des licenciements économiques, se tournent d'abord vers leurs salariés les plus âgés, c'est que ce sont ceux qui leur coûtent le plus cher... M. le Président de la commission - Et voilà ! M. Germain Gengenwin - Ces entreprises agissent ainsi indépendamment du fait qu'elles peuvent faire financer ces licenciements par la collectivité. Ne donnons donc pas de leur comportement une image caricaturale et fort éloignée de la réalité. Aucun chef d'entreprise ne licencie par plaisir. M. le Rapporteur - Sauf si cela rapporte ! M. Germain Gengenwin - Dans les PME, où ils travaillent aux côtés de leurs employés, c'est même pour eux une vraie souffrance. En adoptant une démarche pénalisante, répressive, vous allez figer la situation de l'emploi. C'est en amont que se situe le problème et notre collègue Delalande a raison de proposer une exemption de la contribution de 1987, lorsqu'a été conclue une convention de reclassement avec une autre entreprise, ou qu'existe une formation organisée dans le cadre d'un plan de formation et de reconversion arrêté dans les deux années précédant le licenciement. C'est en offrant une deuxième chance au plus grand nombre que nous garantirons les salariés contre les aléas économiques et technologiques. Il nous faut passer de l'obligation de former à l'obligation de qualifier et adapter notre système de formation professionnelle. Une telle évolution serait facteur de promotion et d'épanouissement social et elle apporterait aux travailleurs la considération dont ils ont besoin sur leur lieu de travail. Cette proposition de loi risque d'avoir, elle, l'effet inverse de celui que vous recherchez. Les entreprises redouteront d'embaucher des salariés de plus de 40 ans, de peur de ce que coûtera un éventuel licenciement ultérieur. Or, si nous devons à la conjoncture une très légère baisse du chômage, la France reste en la matière très en dessous de la moyenne européenne. Nous avons donc besoin de dispositifs plus imaginatifs, et non de celui-ci, lourd, contraignant et à effet nul pour l'emploi. Le groupe UDF votera donc contre cette proposition de loi, comme il l'avait fait en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). M. le Secrétaire d'Etat - Vous nous en voyez désolés ! M. Georges Sarre - Que l'opposition s'oppose, quoi de plus normal en démocratie ? Mais, dans une République, elle doit le faire en se comportant comme si elle était aux responsabilités. Cela n'est manifestement pas le cas ici (Exclamations sur les bancs du groupe UDF), alors même qu'il s'agit de faire reculer le chômage et l'injustice. La réalité est aisée à décrire : 25 % des salariés de plus de 50 ans inscrits à l'ANPE y sont venus après un licenciement économique, alors que la proportion moyenne se situe à 10 %. La situation des salariés en fin de carrière est, on le voit, particulièrement préoccupante. Comment comprendre dès lors que le Sénat ait réduit à néant une proposition de loi tendant à limiter le licenciement des salariés âgés ? Il s'agit aujourd'hui d'améliorer le dispositif de la contribution Delalande due par les employeurs qui licencient un salarié âgé de plus de 50 ans. En effet, certains chefs d'entreprise profitant des deux failles du dispositif, parviennent a y échapper, obtenant des salariés qu'ils renoncent à l'allocation spéciale de préretraite ou adhèrent à une convention de conversion. Nous souhaitons aujourd'hui mettre un terme à ces licenciements à moindres frais pour l'employeur en assujettissant ce dernier à la contribution Delalande, y compris dans ces deux derniers cas. Un regret maintenant. La proposition de loi comportait initialement neuf articles mais le bureau de la commission des finances a opposé à plusieurs d'entre eux l'article 40 de la Constitution. Le texte initial prévoyait, outre l'extension de la contribution Delalande, le droit à la retraite à taux plein après quarante années de cotisation ainsi que la prorogation et l'extension de l'ARPE. Je regrette que ces deux propositions n'aient pas été reprises. Certes, les partenaires de l'UNEDIC ont signé en décembre dernier un accord prorogeant d'un an l'ARPE. Il eût néanmoins été préférable d'inscrire dans la loi ce dispositif qui a fait ses preuves, évitant ainsi qu'il ne puisse être remis en question. Quant à la proposition de permettre à tout salarié ayant cotisé 160 trimestres de bénéficier d'une retraite à taux plein, qu'elle soit ou non au chômage, proposition que les députés du MDC avaient eux-mêmes faite, elle eût été une mesure de justice sociale bienvenue à un moment où l'inquiétude grandit chez les retraités et les futurs retraités. Si je me félicite donc de l'extension de la contribution Delalande, j'espère que nous aurons rapidement l'occasion de donner force de loi à ces propositions restées en rade. La discussion générale est close. M. le Président de la commission - Je remercie tout d'abord M. Gremetz pour la qualité de son rapport et de son intervention. Il a regretté que l'Assemblée ne puisse aller aussi loin qu'il le souhaitait mais l'article 40 de la Constitution l'interdisait. L'accord sur l'ARPE, signé par les partenaires sociaux en décembre 1998 a un champ beaucoup plus limité que ne l'auraient voulu M. Gremetz, mais aussi M. Sarre et bien des députés socialistes -je pense notamment à MM. Janquin et Dolez. Le Gouvernement avait proposé aux partenaires sociaux d'aider à la mise en place d'un dispositif plus large et de participer à son financement. Ils l'ont refusé. Nous le regrettons tous. Il conviendrait, sans doute, Monsieur le Secrétaire d'Etat, de relancer cette proposition. S'agissant de l'extension de la contribution Delalande, la position d'une partie du patronat est totalement schizophrénique. La France est en effet paradoxalement le pays européen où le taux de chômage reste, même s'il est en diminution, le plus élevé parmi les jeunes de moins de 25 ans et où la durée de la vie active est la plus courte. Il nous faudra aborder le problème avec lucidité et détermination pour trouver des solutions à la fois raisonnables et acceptables socialement. Certes, toutes les entreprises n'ont pas le même comportement et, du reste, nous en tenons compte. Ainsi, les entreprises de moins de vingt salariés restent exonérées de la contribution Delalande dont l'extension ne concernera pas celles de moins de cinquante salariés. Vos observations, Monsieur Gengenwin, sur les petites entreprises sont tout à fait justifiées. Ce que nous visons dans cette proposition de loi, ce sont les grande entreprises de main-d'oeuvre qui utilisent les licenciements comme un instrument de gestion économique, en reportant leur coût sur la collectivité nationale -quitte d'ailleurs à ce que celle-ci se retourne ensuite vers elles. C'est absurde sur le plan économique, inacceptable sur le plan social. Comment admettre, comme on me l'a récemment rapporté, qu'un salarié âgé de 51 ans, avec 27 ans d'ancienneté dans une entreprise puisse être licencié après un accident de travail ? Il faut absolument éviter de tels drames qui conduisent tout droit à l'exclusion. Le seul moyen est de durcir le dispositif actuel. Je suis le premier à regretter que l'Etat doive se comporter en gendarme mais il aura d'autant moins à le faire qu'une volonté collective de lutter contre ces pratiques aura été affirmée. Je ne comprendrais pas que le Parlement ne soit pas unanime sur le sujet. En agissant avec une telle légèreté, les entreprises se privent des compétences de salariés expérimentés qui pourraient notamment exercer un tutorat. A cet égard, je récuse l'assimilation, injustifiée et injuste, entre salariés peu qualifiés et salariés peu rémunérés. Parmi ces derniers, il y a beaucoup de détenteurs d'une qualification professionnelle de premier niveau. Nous voterons la proposition de loi de notre collègue Gremetz. En effet, si nous ne mettions pas un terme aux pratiques si dommageables des entreprises, il nous faudrait encore renforcer notre dispositif de lutte contre les exclusions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). M. le Secrétaire d'Etat - Je ne puis qu'approuver les propos du président de la commission. L'accord signé par les partenaires sociaux, en décembre dernier, aurait certes pu être plus large. Il ne faut néanmoins pas en minimiser la portée, puisqu'il devrait tout de même bénéficier à 15 000 personnes supplémentaires, soit 40 % des entrées, et précisément celles qui en ont le plus besoin, ayant commencé à travailler à 14 ou 15 ans. Il faut donc respecter les compromis trouvés par les partenaires sociaux, qui nous reprochent parfois de ne pas les laisser débattre suffisamment et veiller à son application. M. Gremetz a fait allusion au "souhait" de Mme Aubry. Lorsque celle-ci s'est félicitée de cet accord, elle a en effet dit qu'il s'agissait d'un soulagement pour tous ceux qui s'inquiétaient de l'avenir mais que nous souhaitions aller plus loin. Attendons au moins que l'accord porte ses fruits, d'autant que l'étape suivante est proche : la prorogation, à la fin de l'année 1999 de l'accord ARPE et le renouvellement de la convention d'assurance chômage, sur lesquels le Gouvernement sera très vigilant. Cette première étape est essentielle. Nous verrons ensuite. M. Sarre regrette que la loi n'accorde pas à tous les salariés après quarante années de cotisation, une retraite forte et stable. Mais c'est différent du dispositif de l'ARPE, particulièrement progressiste puisqu'il impose des embauches en contrepartie des retraites. Je voudrais enfin dire à l'opposition que je ne la comprends pas : le mot "libéral" ne suffit pas pour apporter des solutions. Il est employé de façon souvent intéressante, mais aussi opaque. Il ne suffit pas à garantir que les entreprises, dans le libre jeu du marché, puissent assurer la justice sociale pour les travailleurs qui ont travaillé si longtemps et dans des conditions si difficiles. MM. Gremetz et Le Garrec l'ont rappelé, on peut à 51 ans être licencié, pour des raisons de santé, et ne pas retrouver de travail. C'est inacceptable et je ne doute pas que l'Assemblée adoptera, comme en première lecture, ce texte nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. le Rapporteur - Il ne s'agit pas du passé, mais du présent et de l'avenir. Or, il ne faut pas confondre deux dispositifs : la proposition de loi qui prévoit le droit à la retraite sans condition d'âge après 40 ans de cotisation s'adresse aux chômeurs ; l'ARPE ne s'applique qu'aux salariés ! Nous souhaitions son extension. Certes, ce dispositif a été prorogé, mais pour un an seulement et son extension a été minime. De surcroît, pour prendre sa retraite à 56 ou 57 ans, il faudra cotiser 42 et 43 ans ! C'est injuste et cela augure mal du débat sur les retraites. La ministre de la solidarité avait indiqué que si l'accord sur l'extension de l'ARPC n'était pas satisfaisant, on légiférerait. Je pense qu'il le faut. Mme la Présidente - Le passage à la discussion des articles de la proposition de loi est de droit conformément à l'article 109 du Règlement, dans le texte précédemment adopté par l'Assemblée nationale et rejeté par le Sénat. L'article premier et l'article 2, successivement mis aux voix, sont adoptés. M. Bruno Bourg-Broc - Avant de défendre mes deux amendements, je voudrais m'étonner du discours inutilement polémique de M. Le Garrec à l'égard des chefs d'entreprise. Je ne crois pas que ce texte soit bénéfique pour l'emploi, mais si vous le pensez vous sincèrement, pourquoi faire l'amalgame entre les procédés de quelques uns et le plus grande nombre ? Mes amendements posent un problème de principe : il s'agit d'éviter la rétroactivité du dispositif des articles premier et 2. En effet, la date de promulgation du texte n'est pas encore connue. Si le Parlement a le droit inaliénable de définir les règles applicables, il doit éviter de voter des dispositifs qui s'appliqueront avant leur promulgation. La sécurité juridique doit être assurée, il en va de la confiance du citoyen à l'égard des élus. Appliquer rétroactivement de nouvelles dispositions n'a pas que des conséquences juridiques. Ainsi, l'amendement 1 prévoit l'application du texte à compter de sa date de publication. On peut en effet juger ce texte important, mais il n'est en aucun cas urgent, et je ne crois pas que les entreprises mettent ce délai à profit pour multiplier les conventions de conversion. Mon amendement 2 est de repli. M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements pour une raison majeure : l'article 3 est une mesure de précaution nécessaire pour éviter le contournement des nouvelles dispositions avant la promulgation de la loi. Je ne mets pas tous les entrepreneurs dans le même sac, mais je sais ce qui se passe. Je peux vous citer des noms ! Certaines entreprises qui bénéficient de fonds publics multiplient les licenciements sans justification et sont, du reste, condamnées par les tribunaux. Si je vous suis, pour ne pas faire d'amalgame, il ne faut pas faire de loi ? Si, et c'est justice. Il ne s'agit pas d'un combat contre les entreprises, mais de faire en sorte qu'elles embauchent. Et chez moi, Good Year n'embauche pas, alors que sa situation financière est bonne ! Au contraire, il y a un plan de licenciement et on propose aux salariés en guise de réduction du temps de travail de passer de 33 à 39 heures ! Je ne vois pas comment faire autrement que de légiférer. Je propose donc le rejet des deux amendements. M. le Président de la commission - Même position. M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. Les amendements 1 et 2, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. L'article 3, mis aux voix, est adopté. L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté. Prochaine séance cet après-midi à 15 heures. La séance est levée à 12 heures 45. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |