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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 73ème jour de séance, 188ème séance 3ème SÉANCE DU MARDI 16 MARS 1999 PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT vice-président SOMMAIRE : AVIATION CIVILE (deuxième lecture ; procédure d'examen simplifiée) 1 SÉCURITÉ ROUTIÈRE (deuxième lecture) 6 APRÈS L'ARTICLE PREMIER 20 ART. 2 21 ART. 4 21 APRÈS L'ART. 6 21 ART. 7 bis 21 AVANT L'ART. 8 22 APRÈS L'ART. 8 22 ART. 8 bis 22 APRÈS L'ART. 11 22 ART. 13 22 ART. 14 22 ART. 15 23 APRÈS L'ART. 15 23 La séance est ouverte à vingt et une heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile. M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Je remercie les parlementaires d'avoir examiné ce texte de manière constructive et je salue le travail de votre rapporteur ainsi que de M. Le Grand au Sénat. Il est nécessaire d'améliorer la sécurité du transport aérien. Le développement du trafic, parfaitement prévisible, risque d'accroître le nombre des accidents. La communauté aéronautique doit tout faire pour empêcher qu'un tel scénario devienne réalité. Ce n'est pas simple, compte tenu de l'encombrement de l'espace aérien et de l'organisation actuelle : la déréglementation a dilué les responsabilités. Analyser systématiquement les incidents en vue de prévenir les accidents, telle est la raison d'être de l'organisme d'enquête créé par ce projet. L'enquête technique n'aura pas pour objet de doubler l'enquête judiciaire, de rechercher des fautes ni de déterminer des responsabilités, mais de trouver les causes des incidents et des accidents. Conformément aux dispositions de la directive européenne du 21 novembre 1994, l'organisme d'enquête sera indépendant de toute autorité, ce qui garantit la bonne qualité de son travail. Il sera rattaché à l'inspection générale de l'aviation civile. S'agissant de la transparence des enquêtes, ce projet tend à renforcer le droit à l'information tout en respectant les principes fondamentaux du secret de l'instruction, du secret industriel et commercial ainsi que du respect de la vie privée. En outre, le rapport d'enquête pourra être rendu public. Je remercie votre commission de la production, présidée par André Lajoinie, d'avoir adopté ce projet dans le texte du Sénat. Nous allons ainsi oeuvrer ensemble pour améliorer la sécurité aérienne. M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur de la commission de la production - L'Assemblée nationale a adopté ce projet en première lecture, le 18 juin 1998, sans lui apporter de modifications substantielles. Le Sénat, qui a examiné ce texte le 16 février, a su en préserver l'économie générale. Les amendements du Sénat, rédactionnels ou de précision, même s'ils n'améliorent pas toujours le texte, n'emportent pas de conséquences juridiques. Ils ont donc été acceptés par votre commission, dans un souci d'efficacité. Ce texte fait suite à l'adoption de la directive européenne du 21 novembre 1994 établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile, qui impose aux Etats membres de transcrire dans notre droit des dispositions permettant de parfaire la qualité des enquêtes techniques et de doter les enquêteurs techniques des pouvoirs d'investigation qui leur sont indispensables. Cette directive s'inspire elle-même des principes posés dans l'annexe 13 de la convention de Chicago de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale. La croissance soutenue du trafic aérien fait de ce mode de transport un enjeu considérable. Nous aurons bientôt l'occasion de revenir sur la question des enjeux environnementaux, mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est la prévention des risques d'accidents. La France a largement contribué aux progrès accomplis au sein de l'OACI, comme la mise en place du programme SOP de supervision de la sécurité. Il revient à la puissance publique de renforcer la prévention et la sécurité aérienne et de rendre le droit français conforme aux mesures internationales dans le domaine de la sécurité technique, qui visent à accroître significativement les garanties d'indépendance de l'organisme chargé des enquêtes techniques, à renforcer les pouvoirs d'investigation des enquêteurs et à rendre plus transparentes les procédures. L'enquête technique sera désormais obligatoire en cas d'incidents ou d'accidents et les rapports d'enquête auront un caractère public. L'enquête technique a pour objet l'analyse des causes. Elle permettra ainsi d'émettre des recommandations pour prévenir les accidents. Les origines d'un incident ou d'un accident sont souvent multiples. C'est pourquoi l'enquête technique portera aussi bien sur l'appareil, ses composants et les équipements que sur le comportement du personnel navigant. D'après l'OACI, les collisions, les pertes de contrôle et les incendies constituent les causes les plus fréquentes. Les facteurs liés au personnel sont le mauvais maniement de l'aéronef, une mauvaise utilisation du matériel ou une mauvaise perception de l'environnement. Je tiens à souligner que les risques d'accidents augmentent à l'atterrissage et au décollage, c'est-à-dire aux abords des aéroports. Les riverains sont donc non seulement exposés aux nuisances sonores, mais aussi aux risques d'accident. Elu du secteur de Roissy, je considère que ce texte marque incontestablement une avancée. Il est important que l'Etat joue un rôle régulateur dans le domaine de la sécurité, d'autant que la libéralisation du transport aérien a exacerbé la concurrence. Certaines compagnies aériennes n'hésitent pas à faire des économies sur la maintenance des appareils, auxquels on impose des rotations toujours plus importantes. Avec pour seule motivation la rentabilité financière, des appareils vieillissants sont revendus aux compagnies des pays sous-développés. Cela fait cinquante ans que la France pratique l'enquête technique. Elle est confiée au Bureau Enquête Accident, dont les travaux portent autant sur les accidents aériens que sur les incidents graves. Cet organisme a acquis un savoir-faire reconnu à l'échelle internationale, ce qui constitue, d'une certaine manière, une garantie d'indépendance. L'analyse des incidents graves est utile à la prévention des accidents eux-mêmes. Si l'enquête technique n'entraîne aucune sanction et aucune mise en cause, elle a pour objet d'émettre, sur la base de l'analyse des circonstances et des causes des accidents, des recommandations de sécurité à l'attention des compagnies aériennes et des constructeurs. Il est donc important de préciser le cadre d'action des enquêtes techniques et de donner une base légale aux interventions des enquêteurs. Enfin, il convient de clarifier les rapports entre les enquêtes judiciaires et les enquêtes techniques. Ce projet indique comment les enquêteurs pourraient accéder à l'épave et aux informations. Il encadre, en outre, les relations avec les responsables de l'enquête judiciaire et ceux des entreprises concernées. Les risques d'interférence entre les deux enquêtes sont ainsi supprimés. Dans certains cas, une commission d'enquête peut être également constituée. La dernière en date a étudié l'accident du Mont Sainte-Odile du 20 janvier 1992. A cet égard, je veux saluer l'association des victimes dont j'ai rencontré les responsables avec mon collègue Armand Jung, et qui a compris l'intérêt de votre projet, Monsieur le ministre. Conformément à la directive européenne, ce qui était facultatif devient obligatoire. Et le projet va au-delà des exigences de la directive pour laquelle seuls les incidents ou accidents graves doivent faire l'objet d'une enquête. Les enquêtes techniques pourront porter en France sur des incidents plus mineurs. Les pouvoirs étendus des enquêteurs techniques permettront d'accroître l'indépendance de l'organisme d'enquête. Toujours dans le même souci d'efficacité, le texte prévoit l'exonération de sanction disciplinaire pour les personnes qui signalent spontanément un incident. Enfin, pour plus de transparence, le projet accentue le caractère public des rapports d'enquête. Ce rapport public de fin d'enquête ne fait état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l'accident sans faire état du nom des personnes. Il ne s'agit pas ici de déterminer des responsabilités. Animé par un souci de prévention, l'organisme permanent d'enquête, avant même la publication de ce rapport, pourra rendre publiques des informations sur le déroulement de l'enquête et transmettre aux autorités chargées de la sécurité de l'aviation civile, aux dirigeants d'entreprises de construction ou d'entretien des avions ou aux personnes chargées de l'exploitation, les informations de nature à prévenir un accident ou un incident. Les recommandations édictées à l'issue de chaque enquête technique doivent être suivies d'effets. J'insiste, Monsieur le ministre, pour que vous nous précisiez dans quelles conditions ce suivi est ou sera effectué. Par ailleurs, j'émets le voeu que le délai nécessaire à l'élaboration du rapport soit beaucoup plus court. Par exemple l'incident grave, survenu le 24 septembre 1994, pendant l'approche sur Orly de l'Airbus A310 de la TAROM, n'a toujours pas donné lieu à la publication du rapport définitif ! Ce nouveau cadre législatif contribuera à renforcer la sécurité du transport aérien en France, en Europe et dans le monde. Ce dispositif est d'autant plus important que la prise de conscience européenne et mondiale de l'importance de la prévention et de la sécurisation maximale du transport aérien conduira dans les prochaines années à des dispositifs de plus en plus contraignants. La France aura tout intérêt à conserver un rôle moteur car les exigences qualitatives s'aligneront sur la législation la plus stricte. Au nom de la commission de la production, je vous propose de voter le texte tel qu'amendé par le Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Gilbert Biessy - La forte croissance du transport aérien, la concurrence exacerbée entre les compagnies françaises, européennes et internationales appellent de nouvelles mesures en matière de sécurité, faisant une large place à la prévention. C'est ce qui rend ce projet nécessaire, au même titre que la transposition de la directive de 1994, mais aussi que la transparence voulue par les familles des victimes d'accidents aériens. Et nous savons, Monsieur le ministre, que vous mettez l'accent sur les mesures de prévention à prendre à tous les niveaux. Ce texte ne bouleversera pas fondamentalement les méthodes d'investigation, néanmoins, il clarifiera les compétences des enquêteurs, leurs obligations, leurs prérogatives. La volonté de séparer l'enquête technique de l'enquête judiciaire nous semble de nature à clarifier les différentes procédures. La publication du rapport d'enquête ainsi que les mesures destinées à prévenir les incidents et accidents nous paraissent très positives. Les enquêtes techniques, en recherchant les causes des incidents ou accidents, mettent l'accent sur les améliorations nécessaires chez les constructeurs, les compagnies et parmi les personnels. La prévention passe aussi par un entretien accru des appareils, par des vérifications plus fréquentes, donc par des personnels en plus grand nombre et par de meilleures conditions de travail. Elle suppose aussi des mesures de sécurité pour les infrastructures, pistes et contrôle aérien. L'enquête technique doit aussi déboucher sur de nouvelles règles si elles apparaissent nécessaires. Les victimes, leurs familles, l'opinion publique ne comprendraient pas que de nouvelles mesures de prévention ne soient prises. C'est pourquoi le groupe communiste souscrit tout à fait à la logique de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste). M. Gilbert Gantier - Cette deuxième lecture devrait être rapide, puisque ce texte, voté ici à l'unanimité en première lecture, n'a pas été fondamentalement modifié par nos collègues sénateurs, qui lui ont cependant apporté quelques utiles précisions rédactionnelles. Je suis heureux de voir ainsi aboutir un projet qui reprend celui qu'avaient déposé en 1997 M. Pons et Mme Idrac. Il est important de donner une base légale aux enquêtes techniques régies jusqu'à maintenant par des dispositions réglementaires. L'enquête technique, menée afin d'analyser la cause de l'accident ou de l'incident, principalement pour émettre des recommandations et pour prévenir sa répétition, ne se substitue en rien à l'enquête judiciaire. Il est aussi plus que temps de transposer en droit interne la directive du 21 novembre 1994, qui établit les principes fondamentaux régissant les enquêtes. Le caractère permanent et indépendant de l'organisme d'enquête et les dispositions concernant les pouvoirs des enquêteurs sont destinées à accroître la sécurité dans le transport aérien. Si les accidents sont rares, leur effet psychologique peut être redoutable. Puisque tout a été dit sur ce projet consensuel, j'en viens à notre compagnie nationale, Air France. Nous approuvons l'ouverture du capital, mais vous n'êtes pas allé assez loin. Nous aurions préféré une privatisation totale. M. le Ministre - Cela ne m'étonne pas... M. Gilbert Gantier - Dans les faits, Air France conserve un statut d'entreprise publique. L'Etat disposera, au terme du processus, de 53 % de ce capital. Il y a un an, le Gouvernement avait pris l'engagement de céder 20 % du capital, il n'en cède que 17,4 % : il est donc pris en flagrant délit de retrait par rapport à ses propres déclarations. La compagnie continuera donc à faire bande à part parmi ses dangereuses concurrentes. M. le Ministre - Vous verrez... M. Gilbert Gantier - Pourtant, Air France suscite l'intérêt de nombreux partenaires, ne serait-ce qu'en raison des réserves foncières de l'aéroport de Roissy. Mais elle ne parvient pas à surmonter les méfiances liées à son statut. Le transport aérien exige la souplesse du capital et des capacités de réactions rapides, qualités qu'une entreprise publique ne présente pas. Engluée dans la fiction d'un service public qui n'existe pas dans le domaine aérien international, Air France est condamnée à subir seule une concurrence croissante au risque de devenir une compagnie de second rang. A moins qu'une volonté politique forte prenne la décision que la réalité impose : la privatisation. British Airways, Lufthansa et toutes les compagnies américaines sont déjà privées. Même Iberia et Alitalia sont en voie de l'être. En outre, la privatisation est conforme aux engagements de la France. En effet, lorsque la Commission européenne a autorisé l'Etat, en 1994, à recapitaliser Air France à hauteur de quelque 20 milliards, les pouvoirs publics se sont engagés à privatiser la compagnie. Par ailleurs, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, notamment, les gestionnaires d'aéroports sont des entreprises privées. Il faudrait donc que la France réfléchisse aussi au statut des gestionnaires d'aéroports. La sécurité est primordiale pour une compagnie aérienne et pour son image dans le monde. Nous sommes d'accord sur ce point, c'est pour cela que le groupe Démocratie Libérale votera ce texte. Mais notre désaccord persiste sur l'avenir d'Air France. Vous faites fausse route avec le statut d'entreprise publique, au lieu d'engager, avant qu'il ne soit trop tard, la privatisation totale d'Air France. M. Armand Jung - Dans son livre Le accidents aériens, pour mieux comprendre, M. Jean Belotti, expert judiciaire des crashs de Habsheim et du mont Sainte-Odile, indique que 1 000 personnes trouvent la mort chaque année dans un accident d'avion, qu'un accident majeur survient tous les six jours et que l'on devrait passer à un tous les deux jours d'ici 2005. Aujourd'hui, un avion décolle chaque seconde d'un aéroport dans le monde. Face à un phénomène d'une telle ampleur, la politique de prévention n'en est encore qu'à ses prémices. Le texte que nous examinons vise précisément à la renforcer, en généralisant, même pour des incidents mineurs, les enquêtes techniques, menées par un organisme permanent spécialisé et composé d'enquêteurs à l'abri de toute pression. Cette réforme est si évidente que la presse n'en a même pas parlé ! Le groupe socialiste considère qu'il s'agit d'une véritable révolution, tant pour la recherche des causes que pour la prévention elle-même. L'enquête technique tire les leçons de chaque incident ou accident, afin d'éviter qu'il ne se répète ; l'enquête judiciaire, en revanche, vise exclusivement à déterminer les fautes et les responsabilités. Le projet tend à améliorer la coordination entre l'une et l'autre, coordination qui a tant fait défaut après l'accident de Habsheim : scellés posés deux semaines après les faits, rétentions d'information, climat de suspicion réciproque, débouchant sur des perquisitions chez certains enquêteurs et sur la mise en doute de l'authenticité des boîtes noires retrouvées ! Si les interrogations des associations de victimes sont légitimes, leur exploitation l'est moins. L'indépendance des enquêteurs va de pair avec la transparence, mais celle-ci ne saurait conduire à empiéter sur la vie privée des personnes, à publier des informations non avérées ou à mettre les enquêteurs sous pression permanente. Le projet prévoit cependant que les rapports d'enquête seront systématiquement rendus publics, que leurs responsables pourront communiquer toutes informations de nature à améliorer la sécurité du trafic et que des renseignements portant sur des faits avérés pourront, au cours de l'enquête, être fournis à la demande. Les associations ont néanmoins, à la suite de la première lecture, formulé quatre demandes qui méritent examen : être représentées dans les commissions d'enquête dont la création est autorisée par l'article L. 711-2 ; distinguer plus clairement les informations concernant des personnes physiques de celles concernant des personnes morales ; rendre systématiquement publics certains éléments strictement techniques, tels que les paramètres de vol ; suivre l'application de la loi une fois adoptée, afin d'en déceler les difficultés éventuelles. Elles souhaitent, sur ces points qui ne remettent pas en cause le fond du projet, quelques ouvertures du Gouvernement. Le groupe socialiste votera sans hésitation ce projet, qui constitue un progrès décisif pour la prévention des accidents d'avion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Jean-Claude Lemoine - L'indépendance des commissions d'enquête, la transparence des procédures et l'objectivité des rapports publics sont autant de garanties quant à la sécurité du transport aérien. L'objet du texte qui nous est soumis est de combler certaines lacunes, que ressentent cruellement les victimes d'accidents et leurs familles, contraintes de batailler ferme pour établir clairement les responsabilités. Il suscite cependant quelques réserves de leur part, étant donné la pratique abusive du secret par les autorités enquêtrices : ainsi, près de sept ans après l'accident du mont Sainte-Odile, les paramètres de vol de l'appareil n'ont toujours pas été rendus publics. Nous craignons en outre que la nouvelle taxe, trop élevée, ne porte préjudice à l'aménagement du territoire en pesant sur la compétitivité des petits aéroports, alors que certaines grandes plates-formes sont proches de la saturation. J'espère, à ce propos, que le projet sur l'environnement sonore aéroportuaire, promis pour le mois prochain, répondra enfin à la légitime inquiétude des riverains. Le groupe RPR votera néanmoins ce projet qui, s'il valide des décisions censurées par le Conseil d'Etat, permettra de déterminer en toute sérénité les responsabilités et d'analyser tous les facteurs de l'accident, afin d'éviter que celui-ci se renouvelle (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). La discussion générale est close. M. le Ministre - Je remercie les orateurs qui ont bien voulu souligner que la clarification des rapports entre enquête technique et enquête judiciaire oeuvrera, contrairement à ce que d'aucuns ont pu craindre, au bon déroulement de l'une et de l'autre. Ainsi que l'a observé M. Jung, un avion décolle toutes les secondes dans le monde, et si nous ne faisons pas un net effort pour renforcer la sécurité, il y aura immanquablement plus d'accidents, d'où la nécessité de développer la prévention et donc d'analyser les causes des moindres incidents. Le rapport annuel du BEA, qui fera des recommandations au ministre sur les suites à leur donner, sera rendu public. S'agissant de l'incident de la TAROM, qui aurait pu être d'une extrême gravité et qui a d'ailleurs pesé sur les choix faits à propos d'Orly, le rapport définitif sera remis avant l'été - soit cinq ans après les faits, mais mieux vaut tard que jamais... J'ai apprécié le soutien apporté au projet par M. Gantier, mais moins son plaidoyer pour la privatisation d'Air France : je ne suis pas certain que la déréglementation soit le meilleur gage de sécurité et de bonne organisation du trafic. Quant à dire que le statut public de l'entreprise soit pour elle un handicap, je m'inscris également en faux : si tant de salariés d'Air France ont souhaité souscrire des parts, c'est justement, dans bien des cas, parce qu'ils avaient la garantie que l'entreprise ne serait pas privatisée ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL) Enfin, il n'est pas conforme à la vérité, pour employer un euphémisme, de prétendre que nous nous y soyons engagés auprès de la Commission européenne. Monsieur Lemoine, tout en donnant votre approbation à ce projet, vous avez émis certaines réserves. Mais ce dont il s'agit ici, ce n'est pas de trouver des responsables, mais d'identifier des causes pour éviter que l'on ne passe d'incidents à des accidents. Nous refusons de nous substituer à la justice et c'est pourquoi nous ne donnons les noms que des personnes morales, et non ceux des personnes physiques. Je vous remercie tous à nouveau, convaincu que vous vous apprêtez à voter une bonne loi ! L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté. M. le Président - A la demande du Gouvernement, je vais suspendre la séance. La séance, suspendue à 21 heures 45, est reprise à 22 heures. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs. M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Nous disposons depuis quelques semaines du bilan définitif de la sécurité routière pour 1998 : ce bilan est particulièrement mauvais. Nous avons en effet enregistré 8 437 tués, contre 7 889 l'année précédente, soit une hausse de 5,6 %. Il y a eu d'autre part 33 977 blessés graves, dont beaucoup resteront handicapés. Si l'on examine les résultats en détail, on constate que pour certaines catégories d'usagers de la route, l'augmentation du nombre de tués est sensiblement plus forte que la moyenne. C'est sur ces populations que devront porter en priorité nos efforts. Il s'agit par exemple des jeunes de 18 à 24 ans, chez qui le nombre de tués sur les routes a dépassé 1 800 en 1998, en hausse de plus de 9 %. Ils représentent aujourd'hui 21 % du nombre de tués dans des accidents de la circulation, alors que leur part dans la population n'est que de 10 %. La sécurité des motocyclistes se dégrade également, avec une hausse de plus de 8 %, ce qui porte à 900 le nombre de motocyclistes tués en 1998. On constate en revanche une nette amélioration chez les cyclomotoristes, puisque le nombre de tués baisse de 12 %. Certes, la diminution régulière du parc y contribue largement depuis de nombreuses années. Mais le nombre de tués a baissé de plus de 37 % chez les utilisateurs de cyclomoteurs âgés de 14 à 16 ans. Le brevet de sécurité routière, dont la partie pratique a été mise en oeuvre dès novembre 1997, n'y est peut-être pas pour rien. L'évaluation du BSR qui sera lancée prochainement nous le confirmera sans doute. Ce constat est de nature à renforcer notre confiance dans la formation des usagers de la route et des conducteurs, qui reste l'axe central de la politique du Gouvernement. Ces données confirment l'urgence des mesures qui vous sont proposées. Il faut regarder la réalité en face : quel que soit l'indicateur retenu, nous nous situons dans les derniers rangs des pays de l'Union européenne, et les écarts n'ont souvent fait que s'amplifier dans la période récente. Cette situation est inadmissible socialement, politiquement, économiquement et d'abord humainement. Face à l'intolérable, face aussi à une sorte de fatalisme et de résignation chez certains de nos concitoyens, nous devons réagir et provoquer un véritable sursaut en faveur de la sécurité routière. Nous savons qu'on peut faire reculer ce fléau. C'est ce qu'illustrent du reste les chiffres en ma possession pour le début 1999 : ceux de février devraient montrer une sensible amélioration. Ainsi les appels à la responsabilité et l'accentuation des contrôles qui ont suivi l'hécatombe de la Saint-Sylvestre ont porté leurs fruits. Le présent projet n'est qu'une partie d'un ensemble, adopté par le comité interministériel de la sécurité routière du 26 novembre 1997, qui comporte vingt-cinq mesures dont la plupart ne relèvent pas de la loi, et qui sont mises en oeuvre sous l'impulsion de Mme Massin, déléguée interministérielle à la sécurité routière. Il faut considérer tout cet ensemble pour apprécier la politique du Gouvernement dans ce domaine. Sa règle de base est en effet de maintenir un équilibre entre la prévention, la formation et la sanction. Toutes sont indispensables, et doivent être conçues et appliquées en cohérence. On a tort d'opposer l'éducation, la formation et la communication aux contrôles et aux sanctions. Il s'agit encore moins de choisir une voie au détriment de l'autre, ce qui nous condamnerait inévitablement à l'impuissance. C'est dans cet esprit que nous avons pris, dans la période récente, deux séries de mesures. Il s'agit d'actions qui impliquent directement les jeunes et qui font appel à leurs capacités de proposition et de création. Ainsi, sous l'impulsion de trente préfectures volontaires, et grâce aux efforts des sociétés d'assurances et d'opérateurs compétents dans les domaines de la sécurité routière et de l'apprentissage de la conduite, des formations spécifiques pour les conducteurs titulaires du permis de conduire depuis moins d'un an se mettent en place et vont se développer en 1999. De même, des rendez-vous d'évaluation seront proposés en 1999 aux conducteurs qui ont le permis depuis plus de dix ans. Deuxième exemple : la table ronde sur le thème de la "mobilisation des jeunes pour la sécurité routière", que j'ai organisée le 18 janvier dernier avec Mme Buffet et Mme Royal, a permis de mettre en place deux groupes de travail, l'un avec les fédérations sportives, l'autre avec la Fédération nationale de l'hôtellerie -concernée au titre des discothèques-. Leurs propositions seront examinées au prochain comité interministériel de la sécurité routière. Nous avons lancé par ailleurs l'opération "label vie", qui doit susciter la réalisation de projets relatifs à la sécurité routière de la part des jeunes de 14 à 28 ans. Nous espérons que 1500 projets pourront être élaborés, et nous avons prévu d'aider financièrement ceux qui seront distingués par le jury. Enfin, Mme Royal, ministre déléguée à l'enseignement scolaire, a indiqué que les "initiatives citoyennes" organisées dans les établissements scolaires en octobre 1999 porteront sur la sécurité, et en particulier sur la sécurité routière. Ainsi, se met en place, pièce après pièce, une formation pour tous les âges de la vie, de la maternelle à l'âge adulte, afin de modifier en profondeur les comportements sur la route. Par ailleurs, j'ai adressé le 15 janvier aux préfets une circulaire signée par le ministre de l'Intérieur, le ministre de la défense et moi-même, afin qu'ils renforcent les contrôles routiers quantitativement et qualitativement. C'est indispensable pour améliorer à court terme les bilans de sécurité routière. Il importe d'intensifier la présence des forces de l'ordre sur les routes, et de mieux orienter les stratégies de contrôle en fonction des exigences de la sécurité routière. Cette action n'est pas seulement répressive, mais comporte un volet pédagogique : il est demandé d'instaurer une réelle concertation sur ces problèmes, notamment avec les jeunes, tout en multipliant les contrôles préventifs la nuit, le week-end et à la sortie des boîtes de nuit. Le comité interministériel qui se tiendra prochainement complétera ces mesures, dans le même esprit d'équilibre et de recherche d'une cohérence. J'en viens au projet, en soulignant d'emblée le travail accompli par les deux assemblées, qui a amélioré le texte du Gouvernement tout en confortant ses objectifs et sa philosophie. Plusieurs dispositions fondamentales ont été votées conformes par l'Assemblée nationale en première lecture et le Sénat en seconde lecture, ou bien ne sollicitent aujourd'hui de votre part que des décisions d'ordre rédactionnel. C'est le cas de la création d'un délit en cas de récidive dans l'année pour un excès de vitesse de plus de 50 km/h, et de la responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules dès lors que le conducteur n'a pu être identifié. Sur ce point les apports des deux assemblées ont permis de clarifier le sens du texte, levant ainsi d'éventuelles ambiguïtés. Autres points d'accord : les dispositions visant à assainir le fonctionnement des auto-écoles et à améliorer la qualité de leurs prestations, mesures importantes et attendues par toute une profession et par les consommateurs ; enfin, la première partie du projet, qui rend obligatoire un stage de sensibilisation sur les accidents de la route pour les conducteurs novices auteurs d'infractions graves. La cinquième partie du projet, qui concerne le dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans des accidents mortels, a été votée conforme en première lecture. Cependant, une difficulté est apparue avec l'article additionnel voté par le Sénat en seconde lecture, qui prévoit une incrimination identique à celle qui existe en cas de délit d'alcoolémie. Nul ne saurait aujourd'hui sous-estimer les graves conséquences de la consommation de drogues illicites, qui a sans doute des effets sur la conduite automobile. C'est pourquoi le Gouvernement, en s'appuyant sur le livre blanc élaboré sous l'autorité du professeur Lagier, a proposé un dépistage systématique pour connaître scientifiquement le phénomène et évaluer le rapport exact entre la consommation de tel ou tel type de drogue et le comportement au volant. Nos connaissances en la matière sont insuffisantes, comme elles l'étaient pour l'alcool au début des années 1960. Rappelons-nous la démarche qui fut celle de nos prédécesseurs. La loi du 15 avril 1954 a autorisé la recherche du taux d'alcoolémie pour les conducteurs impliqués dans des accidents graves, le juge restant souverain pour apprécier l'opportunité de sanctionner. L'ordonnance du 15 décembre 1958 a créé un délit pour conduite en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique. Des travaux de recherche systématique ont ensuite été entrepris, qui ont permis une bonne connaissance scientifique des relations entre l'alcoolémie et le risque d'accident. Alors a pu se mettre progressivement en place une réglementation précise et bien fondée, aujourd'hui unanimement admise dans son principe. C'est une approche de même nature que nous proposons pour les stupéfiants. Nous avons donc décidé de procéder d'abord à un dépistage sur un échantillon suffisamment important, puisque les conducteurs impliqués dans des accidents mortels sont plusieurs milliers chaque année. Sur la base des résultats de ce dépistage, nous pourrons alors décider, en toute connaissance de cause, s'il faut instaurer une sanction spécifique pour conduite sous l'empire de stupéfiants. En l'état actuel, il serait prématuré de prévoir une telle incrimination, que nous aurions d'ailleurs les plus grandes difficultés à mettre en oeuvre. Je souhaite donc qu'en supprimant cet article additionnel, l'Assemblée confirme la position qu'elle avait prise en première lecture. Quelques mots, enfin, sur des points qui ont fait l'objet d'observation en première lecture. En ce qui concerne les garanties de bonne fin des contrats de formation, la voie appropriée paraît consister à rendre obligatoire dans le contrat passé entre l'élève et l'auto-école, une clause indiquant la souscription ou la non-souscription d'une assurance ou d'une garantie financière pour couvrir le remboursement des sommes correspondant à des prestations non effectuées. Cette obligation figurera dans le décret d'application. L'élève sera ainsi clairement informé et pourra en tenir compte dans le choix de l'auto-école. S'agissant de la détermination du nombre de places offertes aux examens du permis de conduire, je suis d'accord pour revoir le système actuel, dont il faut accroître l'efficacité et l'équité. La formation des conducteurs aux cinq "gestes élémentaires de survie" -appel des secours, balisage, bouche à bouche, arrêt des hémorragies et mise en position de sauvegarde- est une préoccupation louable, mais pose de redoutables questions, notamment quant aux risques que pourraient faire courir aux victimes des gestes mal pratiqués. Aussi ai-je demandé à mes services d'examiner comment compléter ce qui existe déjà dans le programme national de formation. En soulignant une nouvelle fois l'excellent travail de votre commission des lois et de son rapporteur, je vous invite à adopter ce texte qui constitue une contribution importante à cette grande cause nationale qu'est la lutte contre l'insécurité routière (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois - Depuis notre première lecture, nous avons eu connaissance du bilan de la Saint-Sylvestre : en trois jours, il y a eu ce chiffre inadmissible et l'augmentation de 4 % du nombre des tués en 1998 démontre, s'il en était encore besoin, l'urgence d'une réaction forte des pouvoirs publics ; ce texte y contribue partiellement. Le débat sur la vitesse reste passionné et paradoxal. Un sondage paru dans la revue du comité de la sécurité routière montre que 80 % des personnes interrogées jugent la lutte contre les excès de vitesse nécessaire ; mais dans le même temps, 1 Français sur 2 dépasse les limites autorisées sur les voies rapides et les autoroutes, 3 sur 5 sur les routes et 4 sur 5 en ville. Si l'on effectuait un sondage parmi les parlementaires, j'espère que les résultats seraient bien meilleurs... L'essentiel du projet tenait à l'origine en cinq dispositions : la formation obligatoire des conducteurs novices auteurs d'infractions graves au code de la route -article premier ; la moralisation et l'assainissement du secteur des auto-écoles -articles 2 et 3 ; la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule en cas d'infraction -article 4 ; la création d'un délit de grande vitesse en cas de récidive dans la même année -articles 5 et 6 ; l'instauration d'un dépistage systématique de l'usage de stupéfiants -article 7. En première lecture, l'Assemblée avait apporté quelques améliorations. A l'article premier, elle avait substitué le stage obligatoire à l'amende ; le Sénat a émis un vote conforme. Elle avait souhaité étendre à l'ensemble des auto-écoles les mesures limitées initialement aux établissements créés après la promulgation de la loi. Le Sénat l'a accepté, en fixant, de façon heureuse, un délai de deux ans pour y parvenir. Divers autres amendements avaient été adoptés ; le Sénat a voté conforme la quasi-totalité des dispositions inscrites aux articles 2 et 3. L'article 4 traite de la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule en cas d'infraction grave. Sur ce point, un consensus existe entre les deux assemblées ; je vous proposerai un vote conforme, les modifications apportées par le Sénat étant mineures. Les articles 5 et 6 créent un délit de grande vitesse en cas de récidive dans la même année. Ils ont été votés conformes par l'Assemblée nationale en première lecture. Certains prétendent qu'un bon conducteur roulant à 180 km/h au volant d'une voiture puissante est moins dangereux qu'un chauffeur moyen conduisant une petite voiture à 100 km/h. Ce type d'argument implique, de manière pernicieuse, qu'il devrait y avoir des règles différentes pour ceux qui peuvent se payer une voiture puissante et les autres. En réalité, on ne saurait négliger les principes fondamentaux de la biomécanique : les "améliorations techniques" n'auront jamais raison des conséquences d'une brusque décélération. En 1967, 10 % des voitures françaises pouvaient dépasser 150 km/h ; vingt ans plus tard, près de 73 % ; aujourd'hui, plus de 90 %. Il conviendrait donc de mettre en place des dispositifs qui limitent la vitesse du véhicule en fonction des vitesses autorisées, comme le réclamait, en première lecture, notre collègue Jacques Fleury. Cependant, sur ces divers points restant en discussion, je vous propose d'adopter le texte remanié par le Sénat. En revanche, un désaccord subsiste sur deux points. Le premier concerne l'instauration d'un délit spécifique en cas de conduite sous l'empire de substances stupéfiantes. En adoptant dans les mêmes termes l'article 7, les deux assemblées ont repoussé l'institution d'une infraction spécifique, estimant insuffisantes les connaissances scientifiques et les moyens de détection. L'article 7 bis introduit par les sénateurs remet en cause cet accord ; en instaurant une sanction en cas d'accident ayant entraîné un dommage corporel, il est contradictoire avec l'article 7, qui n'autorise le dépistage qu'en cas d'accident mortel. Il est nécessaire, avant tout débat sur le dispositif répressif, de connaître les effets de l'usage de stupéfiants sur la conduite ; or nous ne disposons pas de données statistiques fiables. Je vous propose donc de supprimer l'article 7 bis, en vous rappelant que l'article L. 628 du code de la santé publique punit d'un an d'emprisonnement et de 25 000 francs d'amende l'usage illicite de stupéfiants. L'autre point de désaccord concerne le contrôle de la sécurité des infrastructures routières. Dans les pays, comme le Royaume-Uni, où des efforts ont été faits dans ce domaine, on a abouti à des résultats nettement positifs. En France, les élus locaux et les fonctionnaires, tout en étant conscients du problème, restent réticents. J'avais déposé en première lecture un amendement selon lequel "la sécurité des infrastructures routières fait l'objet d'un contrôle dont les conditions sont définies par décret en Conseil d'Etat". Pour prendre en compte les observations qui ont été formulées, j'ai précisé que les dispositions ne s'appliqueront qu'aux infrastructures nouvelles, dès lors que leur réalisation aura débuté dans trois ans. Ce délai permettra la concertation nécessaire avec les collectivités locales. Un accord devrait pouvoir intervenir en CMP sur cette nouvelle rédaction. Au total, ce texte devrait recueillir l'accord unanime de l'Assemblée, ce qui facilitera un accord en CMP, lequel constituerait un bel exemple de notre préoccupation commune de lutter contre l'insécurité routière (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Georges Sarre - Le Sénat ayant voté conforme deux des dispositions du projet de loi sur la sécurité routière, c'est-à-dire le délit de grande vitesse et la responsabilité du propriétaire, je n'évoquerai que les mesures en faveur des jeunes conducteurs, après vous avoir dit, Monsieur le ministre, mon accord profond avec ce que vous avez déclaré au sujet des gestes de secours d'urgence ; il faut être prudent sur ce sujet, et j'engage mes collègues à suivre le Gouvernement. L'enjeu est de taille. L'insécurité routière est la première cause de mortalité chez les jeunes. En 1997, 2 061 jeunes de 15 à 24 ans ont trouvé la mort sur la route, soit le quart de l'ensemble des tués dans un accident de la circulation. La nuit tragique du 31 décembre 1998 nous a rappelé cette cruelle réalité. Si on ajoute que les accidents de scooter, qui touchent surtout les jeunes, ont augmenté de 27 % en un an à Paris, passant de 769 en 1997 à 978 en 1998, il me paraît urgent de prendre des mesures bien plus importantes que l'institution d'un simple stage obligatoire pour les conducteurs novices. Le rapport Verré, d'ailleurs, préconisait le passage au permis probatoire, ce qui me paraît une excellente mesure. Devoir repasser le permis en cas de faute ou d'accident grave sera beaucoup plus dissuasif que l'obligation de suivre un stage. Or les deux années qui suivent l'obtention du permis constituent une période essentielle pour l'assimilation des règles de prudence sur la route. A la suite de la table ronde du 18 janvier dernier, plusieurs ministres se sont penchés sur le problème. Il en est sorti une action de communication et de mobilisation appelée "label de vie" pour les jeunes entre 14 et 28 ans, qui sont invités à concevoir des projets événementiels en vue de sensibiliser leur tranche d'âge à la sécurité routière. Tout cela est louable, mais hors de proportion. Pour comprendre la recrudescence de l'insécurité routière, il faut examiner attentivement les chiffres. Les pouvoirs publics n'ont commencé à se mobiliser que vers la fin de l'année dernière, quand on a réalisé que les chiffres de l'année 1998 n'allaient pas être bons et que le nombre de morts, par exemple, serait au moins supérieur de 300 à celui de l'année précédente. Or la dégradation date de 1997. N'oublions pas que cette année-là, en janvier et février, la France était en grande partie sous la neige et que la plupart des départements avaient installé des barrières de dégel jusqu'à la mi-février. Il en a résulté une baisse forcée de la circulation et, mécaniquement une baisse du nombre des accidents. C'est pourquoi il y eut près de 300 morts de moins par rapport aux deux premiers mois de l'année 1996. Ainsi, l'année 1997 a été considérée, à tort, comme une bonne année. La dégradation de la sécurité routière était prévisible, car la loi de 1989 sur le permis à points... M. le Rapporteur - Très bonne loi ! M. Georges Sarre - ...n'a eu d'effets qu'à partir de juillet 1992. C'est entre 1992 et 1996 que les conducteurs ont commencé à perdre des points. Conformément à la loi, ceux qui n'avaient pas commis de nouvelles infractions ont pu les récupérer trois ans plus tard. Or certains, reconstituant leur capital de points entre 1996 et 1998, ont eu l'impression de retrouver leur "droit de tirage" en matière d'infractions. Comme, à partir de l'instauration du permis à points, les chiffres de l'insécurité routière ont commencé à être excellents, le ministère de l'équipement ne s'est battu que très mollement pour sauver les crédits de la sécurité routière, qui sont passés de 615 millions en 1992 à 429 millions en 1997. Certes, ils sont remontés à 455 millions dans le projet de loi de finances pour 1999, mais il ne faut pas oublier qu'ils avaient diminué de 10 % tous les ans depuis 1993. Ceci est d'autant plus fâcheux que certains de ces crédits allaient aux actions locales de sécurité et qu'ainsi, les dotations de l'Etat faisaient levier en accroissant la participation des collectivités locales. Dans le même temps, la doctrine de M. Pons consistait, vous le savez, à abandonner la répression et à ne procéder qu'à des contrôles visibles. Aussi les forces de l'ordre ont-elles compris que la sécurité routière n'était plus une priorité du Gouvernement (Murmures sur les bancs du groupe UDF). M. Jean-Pierre Baeumler - Il faut le rappeler. M. Georges Sarre - Nous payons aujourd'hui le prix de cet affaiblissement des contrôles. Que faire pour resserrer le dispositif de contrôle et obtenir de meilleurs résultats ? Je souhaite, dans la perspective du prochain conseil interministériel de la sécurité routière, formuler quelques propositions qui seront, compte tenu de mon expérience, susceptibles de faire reculer sensiblement le nombre des victimes de l'insécurité routière. C'est pourquoi, Monsieur le ministre, je vous adresserai lundi prochain, ainsi qu'à vos collègues de l'Intérieur et de la Défense et à M. le Premier ministre, un mémorandum qui vous aidera dans votre tâche difficile. Les députés de mon groupe voteront ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Alain Ferry - Ce projet s'attaque à un fléau qui touche chacun de nos concitoyens : l'insécurité routière. Nous l'avons indiqué en première lecture, l'importance du nombre d'accidents mortels dans notre pays est un sujet d'inquiétude pour tous les parlementaires. Le groupe UDF partage entièrement la volonté du Gouvernement de combattre ce fléau et d'épargner des vies humaines. Nous nous interrogeons seulement sur l'opportunité de certaines mesures. La Haute Assemblée a adopté conformes plusieurs dispositions de votre projet. S'agissant de la formation des conducteurs novices auteurs d'infractions, je me félicite que les deux chambres aient été d'accord pour instituer un stage de sensibilisation obligatoire lorsque les infractions commises entraînent à elles seules la perte de quatre points. Cette mesure de responsabilisation me paraît justifiée. Quant au délit de grande vitesse en cas de récidive, je prends acte de son approbation par le Sénat, tout en réaffirmant mon opposition à cette mesure. Il existe en effet un risque de double emploi avec le délit de mise en danger d'autrui. En outre, l'arsenal répressif est déjà considérable. Créer un délit supplémentaire, c'est se donner bonne conscience. Mieux vaudrait faire appliquer les règles déjà en vigueur. L'aggravation des sanctions en cas d'agression des agents des transports publics est justifiée. Les dispositions relatives à l'enseignement de la conduite appellent peu de commentaires. Le cadre juridique et les obligations des auto-écoles ne sont pas suffisamment précis. Ce projet vise à combler cette lacune et nous nous en félicitons. En revanche, nous demeurons hostiles à l'extension de la responsabilité pécuniaire du propriétaire de véhicule à de nouveaux cas d'infractions graves. Aux arguments exposés en première lecture s'ajoute le danger d'inégalité des citoyens devant la loi : en effet, les entreprises pourront inclure dans leurs charges les amendes infligées à leurs salariés, alors que les particuliers devront les acquitter. De plus, on risque d'instaurer une présomption de culpabilité. Les moyens de défense des personnes mises en cause seront très faibles. Comment, concrètement, démontrer son innocence ? Mais la principale pierre d'achoppement entre les deux assemblées demeure la sanction de la conduite sous l'empire de stupéfiants. Il est anormal que l'alcool et les drogues fassent l'objet d'un traitement différent, alors que leurs effets seuls sont distincts. Curieusement, le dispositif du Gouvernement ne prévoyait aucune sanction spécifique pour réprimer la conduite sous l'emprise de drogues. J'ai donc défendu en première lecture un amendement visant à créer un délit de conduite sous l'empire de stupéfiants, relevant à cette occasion que, dans notre pays, il vaut mieux rouler shooté que bourré ! Certes, la consommation d'alcool n'est répréhensible qu'à partir d'un certain taux d'alcool dans le sang, alors que l'absorption de drogues est illégale quelle que soit son importance. Mais est-ce une raison suffisante pour ne rien faire ? Le Sénat a repris mon amendement et je m'en félicite. Hélas ! La commission des lois de notre assemblée l'a écarté. J'ai donc redéposé un amendement instituant ce délit. Nous ne pouvons accepter que 8 400 personnes meurent chaque année d'accidents de la route, mais votre projet reste insuffisant. Il faudrait assurer la formation des futurs conducteurs dès le plus jeune âge, harmoniser les politiques de sécurité routière au niveau européen et multiplier les contrôles à la sortie des discothèques, comme vous l'a conseillé mon collègue Rochebloine en proposant que les conducteurs, en cas de contrôle positif, se voient retirer les clefs de leur véhicule et rentrent chez eux en taxi, à leurs frais. Cette idée méritait examen. Le groupe UDF ne votera pas ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). M. Jean-Pierre Baeumler - Les statistiques de ce début d'année ne désavouent malheureusement pas le bilan désastreux que je dressais en première lecture. En 1998, 8 312 personnes ont trouvé la mort sur notre réseau routier. Ce chiffre, en augmentation de 4 % par rapport à 1997, rompt avec l'évolution, positive quoique trop lente, de la mortalité routière constatée depuis le début des années 1970, puisqu'en 1972, nos routes tuaient 16 500 personnes, contre 7 989 en 1997. Notre vigilance ne s'est-elle pas relâchée ? Pourtant, les mesures, souvent perçues d'abord comme répressives -limitation des vitesses autorisées, obligation du port de la ceinture, renforcement de la lutte contre l'alcool au volant, instauration d'un contrôle technique- invitent le législateur à poursuivre son effort, car elles se sont accompagnées d'une réduction du nombre de morts. Les trois premiers jours de 1999, particulièrement meurtriers, avec 91 morts, nous rappellent l'urgence du sursaut. Les Français tendent, à tort, à se résigner à ces drames humains qui les endeuillent quotidiennement : 23 de nos concitoyens décèdent, chaque jour, sur nos routes, 20 % d'entre eux ont moins de 25 ans. Pourtant, les résultats encourageants que nos partenaires européens obtiennent, grâce à des politiques déterminées et novatrices, montrent que l'hécatombe routière n'est pas une fatalité. Les orientations d'une politique globale et cohérente de sécurité routière, définies par le conseil interministériel de sécurité routière du 26 novembre 1997, devraient permettre, dès qu'elles seront formalisées, de diviser par deux en cinq ans le nombre de tués. Le présent projet poursuit cet objectif ambitieux et donne les moyens, préventifs, dissuasifs et répressifs de sa réalisation. Une réunion du CISR permettra chaque année d'apprécier la pertinence et l'efficacité des mesures, afin d'éviter toute superposition néfaste et de promouvoir une conduite citoyenne, garante du respect d'autrui, donc de sa vie. Je déplore que ce comité ait été ajourné en 1998. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, profiter de ce débat pour nous indiquer la date de ce rendez-vous ? L'adoption rapide de ce projet, avant la période estivale et la recrudescence du nombre de tués, symboliserait notre motivation et notre mobilisation. Ce texte est largement dissuasif. Il s'inscrit dans une démarche pédagogique, que l'application des décisions du CISR de novembre 1997 contribuera à matérialiser. On peut en attendre un renouvellement de l'action publique routière, garant de la résorption de ce problème de société. La dissuasion prend ici la forme d'une extension de la responsabilité pécuniaire -et non pénale- des propriétaires de véhicules, déjà effective en cas d'infractions aux règles de stationnement, d'excès de vitesse, de franchissement de feu rouge et de non-respect d'un stop. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, cette infraction ne fera l'objet d'aucune inscription au casier judiciaire. Par ailleurs, il est inacceptable que des conducteurs non reconnaissables lors d'un flash, mais dont le véhicule est identifié, puisse se soustraire par un petit mensonge à leur responsabilité. L'empêcher rétablit une égalité, aujourd'hui bafouée, des citoyens devant la loi, responsabilise le conducteur-propriétaire, crédibilise les contrôles et donne ainsi leur pleine signification aux peines encourues. La dissuasion passe aussi par l'institution d'un délit en cas de récidive de dépassement égal ou supérieur à 50 km/h de la vitesse autorisée. La vitesse tue, elle est la cause de 54 % des accidents mortels. Malheureusement, les slogans, aussi menaçants soient-ils, échouent à convaincre les Français de cette réalité. Un dispositif dissuasif spécifique s'impose donc, qui ne concernera qu'un petit effectif de conducteurs, qui pratiquent sciemment les grandes vitesses. Cette mesure, contestée par quelques-uns, est approuvée par la grande majorité de nos compatriotes. En 1996, le respect des limitations actuellement en vigueur aurait permis de sauver 3 300 vies. L'étoffement de l'arsenal judiciaire se justifie donc pleinement. Il conviendrait en outre, dans un souci d'efficacité, de multiplier les contrôles de vitesse inopinés car la peur du gendarme est forte. Donner une large publicité à cette augmentation de la fréquence des contrôles induirait un changement de comportement des conducteurs qui auraient tendance à lever le pied. Le volet éducatif de votre politique mérite d'être salué. L'enseignement de la route de la maternelle aux lycées sensibiliserait dès leur plus jeune âge les futurs conducteurs à l'usage du réseau routier. Acte social, la conduite s'apprend et participe intégralement de l'éducation citoyenne. En outre, ce projet contraint les conducteurs novices, titulaires du permis depuis moins de deux ans, auteurs d'une infraction entraînant une perte de points au moins égale au tiers du nombre initial, à participer à une formation spécifique de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route. Le risque de se tuer sur la route est trois fois plus élevé pendant les trois premières années qui suivent l'obtention du permis. Par cette disposition qui autorise la reconstitution d'un capital points, la philosophie gouvernementale de répression pédagogique s'affirme pleinement. L'accent est singulièrement porté sur la formation, pierre angulaire de la réflexion du CISR, qui invite à organiser un rendez-vous d'évaluation après une année de conduite puis, tous les dix ans, afin de vérifier les connaissances et les aptitudes des conducteurs. De même, l'idée d'une généralisation de l'apprentissage progressif de la conduite automobile sur une période de deux ans, soit par le suivi du programme de conduite accompagnée, qui donne d'excellents résultats mais dont l'impact demeure limité, soit par l'obtention d'un permis probatoire validé après deux ans de conduite non délictueuse, paraît de nature à endiguer la forte et indécente mortalité de notre jeunesse sur les routes. Nous souhaiterions être assurés de l'engagement du Gouvernement sur ces deux points fondamentaux. Les moyens affectés à la réalisation de campagnes de communication sont d'autre part trop faibles. Elles sont trop édulcorées pour interpeller les jeunes, qui payent le plus lourd tribut à l'insécurité routière. Il faudrait leur présenter par des supports médiatiques qui les touchent des situations concrètes. Plusieurs de nos voisins européens ont choisi de montrer froidement la mort sur les routes. Glaciales, ces publicités ne laissent pas indifférent. A trop ménager les sensibilités, l'insécurité routière est banalisée et semble ne concerner que les autres. Nos campagnes de sensibilisation doivent bénéficier des fonds nécessaires. Il faudrait envisager de faire appel aux compagnies d'assurance et d'utiliser le produit des amendes de police non redistribué. L'avis du ministre nous intéresse au premier chef. Afin de parfaire le dispositif de lutte contre l'insécurité routière, il faut accélérer l'harmonisation européenne des politiques de sécurité routière. Les progrès réalisés sont modestes. L'uniformisation des vitesses autorisées, du taux d'alcoolémie, de la signalisation et des normes des véhicules consoliderait la légitimité et l'efficacité des actions nationales. Je me félicite de l'adoption par nos collègues sénateurs des principales mesures de ce projet. Ce large consensus aurait pu aboutir à un vote conforme de l'Assemblée, mais l'article 7 bis nouveau sanctionnant la conduite sous l'emprise de stupéfiants en cas d'accident corporel ne peut être voté par les députés socialistes. Le dispositif prévu par les sénateurs -deux ans d'emprisonnement, 30 000 francs d'amende- est inadapté car prématuré en l'état actuel de nos connaissances. Plus réaliste, la disposition proposée par le Gouvernement qui prévoit un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel, recueille notre adhésion. Ainsi, les pouvoirs publics disposeront de données comportementales et pourront élaborer un système adapté de répression. Si les incidences des drogues sont avérées, des peines telles celles définies par le Sénat pourraient être envisagées. Enfin, trois amendements de retour au texte adopté par l'Assemblée me semblent bienvenus. Le premier est relatif au marquage des véhicules à deux roues non motorisés, le deuxième incontournable, prévoit la formation à la conduite d'un quadricycle léger à moteur, le troisième a trait au contrôle de la sécurité des infrastructures routières. Ce projet, ainsi modifié, permettra de réduire sensiblement l'insécurité routière. Son impact sera renforcé par la mise en oeuvre des décisions arrêtées par le comité interministériel. Nous appelons de nos voeux l'adoption de cette loi dans les plus brefs délais. Nous invitons le Gouvernement à s'assurer que les recommandations du CISR relevant principalement du domaine réglementaire seront rapidement suivies d'effets. Les citoyens comptent sur notre détermination à endiguer ce fléau, nous ne devons pas les décevoir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Jean-Claude Lemoine - "Si vous acceptez certains de nos amendements, nous pourrons voter ce texte", avais-je conclu en première lecture, parce que nous ne pouvons qu'adhérer à votre objectif de diminuer de moitié le nombre de morts sur la route ; parce que 8 000 morts sur la route c'est intolérable ; parce que nous sommes convaincus qu'avec plus de formation, plus de campagnes d'information, qu'avec une répression forte mais adaptée nous pouvons combattre ce fléau efficacement ; parce que nous croyons sincèrement qu'en analysant les causes des accidents et en nous y attaquant nous pouvons, comme dans les autres pays, faire reculer l'insécurité. Mais vous n'avez accepté aucune modification, et, la mort dans l'âme, nous avons dû refuser votre texte qui ne donnera aucun résultat. D'ailleurs depuis la première lecture, les routes de France ont encore été le théâtre d'une hécatombe intolérable lors des fêtes de fin d'année qui a fait suite aux catastrophes survenues lors de la finale du Mondial. Or aucune des mesures contenues dans votre texte n'aurait pu changer les choses. Le Gouvernement a d'ailleurs, attendu depuis avril 1998 pour nous soumettre son projet. Si le texte devait être efficace, le Gouvernement pourrait donc être tenu pour responsable d'une grande partie des tués depuis un an... M. le Ministre - C'est cela... M. le Rapporteur - Vous souhaitiez que le Gouvernement déclare l'urgence ? M. Jean-Claude Lemoine - Je préfère croire que c'est parce que vous doutiez de son efficacité... Certes, les dispositions destinées à parfaite la formation des conducteurs sont novatrices. Le volet relatif aux auto-écoles qu'avait prévu votre prédécesseur mérite d'être retenu et les conditions requises pour l'enseignement à titre onéreux devraient d'être étendues aux autres organismes qui assurent cette formation sans but lucratif. Quant aux stages obligatoires prévus pour les jeunes conducteurs, pourquoi ne sont-ils pas étendus à tous ? Ceux qui ont passé leur permis depuis longtemps ont pu oublier certaines notions, voire prendre de mauvaises habitudes. M. Alain Ferry - Très juste ! M. Jean-Claude Lemoine - Cette disposition bafoue l'égalité devant la loi. M. le Ministre - Il ne s'agit pas des jeunes conducteurs, mais des conducteurs novices. Ce n'est pas une question d'âge. M. Jean-Claude Lemoine - Il conviendrait également de faire le bilan des stages alternatifs aux sanctions pénales, afin de les généraliser s'il apparaît qu'ils sont efficaces. Les autres mesures contenues dans le projet sont inefficaces, incomplètes et surtout injustes, voire contraires aux règles élémentaires de l'état de droit. L'article 4, qui étend le principe de responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule, déroge au principe d'individualité des délits et des peines, posé par l'article L. 121-1 du code pénal et confirmé par la jurisprudence constante de la Cour de cassation. M. le Ministre - Il ne s'agit pas de responsabilité pénale ! M. Jean-Claude Lemoine - Une amende est bien une sanction. M. le Ministre - Le Sénat ne partage pas votre point de vue ! M. Jean-Claude Lemoine - Il a certes prévu, avec votre accord, qu'il n'y aurait ni retrait de points, ni inscription au casier judiciaire, mais l'atteinte aux principes fondamentaux du droit pénal demeure. Cette mesure ne vise d'ailleurs pas tant à améliorer la sécurité qu'à récupérer des sommes jusqu'à présent irrecouvrables. Je ne suis pas sûr que le Conseil constitutionnel donne son aval à cette mesure inégalitaire, qui favorise doublement les entreprises par rapport aux particuliers dans la mesure où elles pourront s'assurer contre le risque de responsabilité pécuniaire et déduire les amendes de leurs bénéfices. Surtout, cet article organise l'impunité des véritables auteurs de délits routiers. M. le Ministre - Sauf si on les retrouve ! M. Jean-Claude Lemoine - Oui, mais dans le cas contraire ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) J'en viens à l'article 5, qui punit de prison, en cas de récidive, le dépassement de plus de 50 kilomètres par heure de la vitesse autorisée. Nous savons qu'un accident sur deux est dû à un excès de vitesse, mais pour que les conducteurs respectent la réglementation, encore faut-il qu'elle soit juste. Or, la mesure que vous nous proposez ressortit d'une pensée unique qui sanctionne de façon uniforme tout excès, sans tenir compte des circonstances. M. Alain Ferry - Très bien ! M. Jean-Claude Lemoine - Il serait bien plus justifié de réprimer un simple dépassement de 25 kilomètres par heure en ville, ou sur autoroute par temps de brouillard, mais vous n'avez pas voulu retenir nos suggestions. Enfin, cette mesure n'a pas de raison d'être, puisque la contravention de cinquième classe est cumulable avec le délit de mise en danger de la vie d'autrui ou de risque causé à autrui, invocable même en l'absence de tout accident. Le projet soumet au dépistage de stupéfiants les conducteurs impliqués dans un accident mortel. Nous ne pouvons qu'approuver cette disposition, attendue depuis longtemps : selon des études réalisées à l'étranger, 15 % des accidents mortels seraient dus à l'usage de drogues, et même le double la nuit et le week-end. Or l'Académie de médecine a établi, en avril dernier, que ce dépistage était à la fois fiable et peu coûteux - de l'ordre de 30 F. Il faut donc l'étendre, en autorisant les forces de l'ordre à y procéder lorsque le comportement du conducteur apparaît perturbé. Il y va de la sécurité de nos jeunes. M. le Ministre - Pourquoi ne pas l'avoir proposé avant ? M. Jean-Claude Lemoine - Le rapport de l'Académie de médecine ne date que d'avril 1998. Ces observations sont le fruit des réflexions de l'ensemble des utilisateurs du réseau routier. Un certain nombre de mesures permettraient d'améliorer nettement la sécurité, mais vous repoussez nos propositions au motif qu'elles sont du domaine réglementaire. L'un de vos prédécesseurs, M. Sarre, nous avait promis un grand débat parlementaire sur la sécurité routière ; c'était le 14 juin 1989 ! M. Alain Ferry - Nous attendons toujours ! M. Jean-Claude Lemoine - Nous insistons pour qu'il ait lieu, car il faut tout mettre en oeuvre pour combattre ce qui est la première cause de mortalité chez les jeunes. Nous avions obtenu, en 1997, de bons résultats, grâce à une excellente campagne d'information, qui semble, hélas, complètement abandonnée. Pouvez-vous nous dire quels sont vos projets dans ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) M. Gilbert Biessy - Nul ne peut rester indifférent aux terribles chiffres, égrenés régulièrement, du nombre des accidents de la route, ni se résigner à voir tant de vies gâchées, arrêtées net à cause d'un moment d'inattention, d'une vitesse excessive ou d'une trop forte consommation d'alcool. Des mesures répressives sont nécessaires, mais je salue également l'accent mis sur la prévention, sur la sensibilisation, sur la responsabilisation des jeunes conducteurs. Il importe aussi de renforcer la sécurité des infrastructures routières et celle des véhicules eux-mêmes. Ne pourrait-on envisager une concertation plus étroite avec les constructeurs ? Ne pourrait-on aussi leur demander une implication plus forte ? Cela permettrait de préfinancer l'équipement systématique des véhicules, trop coûteux pour beaucoup mais bien nécessaire quand on considère les dernières statistiques sur les profits de ces grands groupes. De même, il faudrait avancer dans la recherche et cela suppose aussi un accroissement des moyens qui y sont consacrés. Certaines routes, certains équipements -ainsi les passages à niveau- ont vieilli et sont sources d'accidents. Ne pourrait-on, sur ce point aussi, admettre un prélèvement sur les bénéfices des grandes industries, qui tirent avantage de ces infrastructures ? La logique qui régit le financement des transports urbains à Paris pourrait trouver à s'appliquer là. Je vous rappelle aussi votre engagement d'équiper les boutons d'appel d'urgence de signaux lumineux, de manière à ce que les sourds et mal-entendants puissent obtenir une réponse de la gendarmerie... Ce projet n'est qu'une des armes dans le combat que mène le Gouvernement pour la sécurité routière. Les députés communistes et apparentés renouvelleront donc le vote positif qui fut le leur en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Dominique Bussereau - Ministre, rapporteur, orateurs, tous ont rappelé le lourd bilan de l'insécurité routière. Au vu de ces chiffres, j'avoue que je comprends mal que le Gouvernement ait tant tardé à présenter ce projet et que l'année 1998 ait été l'année zéro de la politique de sécurité. Vous vous êtes, pour tout dire, rendus coupables d'un délit de trop grande lenteur ! Première lecture au Sénat en avril 1998, à l'Assemblée en décembre -le PACS occupait trop le Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)-, deuxième lecture au Sénat en février, ici en mars : tout cela aura pris près d'un an, alors que les statistiques des accidents s'affolaient dramatiquement... et que ces dispositions, à 97 % de nature réglementaire, auraient pu être prises très rapidement. Mais vous cherchiez sans doute l'effet d'annonce, la sécurité routière n'étant pour vous une priorité que lorsqu'il s'agissait de vous débarrasser du fonctionnaire qui en était chargé au ministère ! Les moyens qui y ont été consacrés ont d'ailleurs été réduits : pour la première fois depuis la nuit des temps, les grands départs de cet été n'ont été précédés d'aucune campagne télévisée, ce qui représente une faute politique. Les dispositions que vous proposez ici partent d'un bon sentiment mais, y compris la création d'un délit d'excès de vitesse, je n'y vois que des mesures "d'annonce", insuffisantes ou inutiles car le code de la route et l'arsenal législatif permettent déjà de sévir. Le problème n'est pas d'instituer de nouvelles sanctions, mais de contrôler de façon efficace. Or vous venez de reconnaître que vous avez attendu le 15 janvier pour adresser, avec vos collègues de l'Intérieur et de la Défense, une circulaire aux préfets : que ne l'avez-vous fait dès votre entrée en fonctions ? Tous, nous notons une réduction du nombre de cinémomètres mis à la disposition de la police et de la gendarmerie. Et, dans ma commune de 5 000 habitants, le commissaire de police, qui en a la volonté, n'a pas les moyens d'organiser des contrôles de vitesse les rares moments où la direction départementale de la sécurité routière met un de ces appareils à sa disposition. Comme l'a rappelé M. Dosière, lors du débat sur la police municipale, j'ai demandé à M. le ministre de l'intérieur s'il accepterait que les policiers municipaux soient dotés de ces cinémomètres. Je souhaite qu'il tienne la promesse qu'il a faite en réponse : rien ne servirait d'instaurer un nouveau délit si on ne pouvait assurer le respect de la loi ! Quant au fameux article 4, celui du propriétaire-payeur, il est à mes yeux parfaitement inconstitutionnel car il viole le principe de l'égalité des citoyens devant la loi, celui de la séparation des pouvoirs, celui de la responsabilité pénale personnelle, celui de la personnalisation des peines, celui de la présomption d'innocence, celui de l'établissement par la loi des peines strictement nécessaires, ainsi que les droits de la défense. Nous saisirons donc sur ce point notamment le Conseil constitutionnel et je ne doute pas qu'il saura défendre les libertés publiques ainsi mises à mal. Même si vos objectifs sont généreux et votre bonne foi entière, vous comprendrez qu'avec tous ces griefs, nous voterons contre votre projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR) M. Jean-Pierre Baeumler- Et contre le Sénat, donc ? M. André Aschieri - Ce projet permettra de lutter avec de nouveaux moyens contre les excès de vitesse et toutes les infractions qui, chaque jour, font 22 morts et près de 500 blessés : nous ne pouvons donc que l'approuver globalement. Cependant, pour les députés verts, le meilleur moyen de réduire le nombre des morts de la route consiste à réduire les risques, et donc de freiner le trafic automobile. La priorité donnée à la route a été une erreur. Dans ma région, la situation de la technopole de Sophia Antipolis en fournit une illustration frappante : pour 20 000 emplois, on recense 17 000 véhicules/jour ! Prétendre endiguer les accidents tout en persistant dans la vieille politique des transports constitue une contradiction. Donner une place au train, au tramway, au vélo, aux transports en site propre, ce n'est pas seulement affaire de cadre de vie ou de rationalité économique : c'est aussi faire preuve de cohérence pour mieux protéger les personnes ! Mais nous vous savons attaché au développement des transports en commun et les choses vont peut-être changer... La sécurité routière doit devenir l'affaire de chacun. Tout le monde sait qu'il faut boucler sa ceinture, éviter de boire et ne pas commettre d'excès de vitesse, mais combien en tiennent compte pratiquement ? Expliquer et signaler les dangers ne suffit plus : il faut créer un électrochoc pour provoquer un changement d'état d'esprit, pour changer la manière dont on considère l'automobile. On accepte trop comme une fatalité les risques de la route : il faut donc renouveler la façon dont on parle de la sécurité routière. Il faut tenir au public un discours plus direct, plus concret ; il faut analyser plus finement les caractéristiques des populations à risque et les pratiques des différents groupes d'âge et de population pour élaborer des argumentaires diversifiés. Il faut tenir un propos plus attractif, plus proche des préoccupations de nos concitoyens. Repenser la politique de sécurité routière, c'est aussi s'attacher à l'éducation des plus jeunes, qui forment près de la moitié des victimes. L'apprentissage de la sécurité doit être beaucoup plus précoce : parce que sécurité rime avec citoyenneté, il faut apprendre les bons comportements le plus tôt possible. Repenser la politique de sécurité, c'est enfin impliquer chacun dans la prévention. Vice-président du groupe d'études sur le sujet, j'ai pu mesurer l'enthousiasme et la passion des représentants d'associations et la qualité de leur travail. Mais, si l'on veut franchir une nouvelle étape, le militantisme ne suffit plus. Nous devons mobiliser les citoyens en leur faisant prendre conscience, dès l'apprentissage de la conduite, du lien qui existe entre la route et le danger. Ils doivent comprendre que leur véhicule est une arme redoutable, que la voiture tue plus en France que toutes les armes à feu. Au regard de ces objectifs, le projet apparaît en retrait. Les députés Verts regrettent par exemple que le Gouvernement n'ait pas inscrit au programme du permis de conduire une initiation au secourisme. Le Conseil pour la prévention des accidents a montré l'intérêt d'un enseignement systématique des cinq gestes qui sauvent. Les sapeurs-pompiers le font auprès des enfants : pourquoi ne pas le faire auprès des conducteurs ? Vous avez dit, Monsieur le ministre, que quelques heures ne suffisaient pas pour cet apprentissage. Pourtant il ne s'agit que d'apprendre la conduite à tenir en cas d'accident, et non pas tout le secourisme. Près de 70 % des Français sont favorables à cette obligation. La commission du secourisme du ministère de l'intérieur la préconise depuis 1970 en diffusant des documents à ce sujet. Alors que les premières minutes après l'accident sont décisives, le refus de cette mesure est incompréhensible. La réduction du nombre des tués ne peut être l'objectif du seul Gouvernement, mais de toute la société et de chacun de nous. D'où l'intérêt d'impliquer les usagers dans ce combat. Chacun, avec de petites actions, là où il est, peut faire beaucoup. Par conséquent, Monsieur le ministre, les députés Verts expriment une certaine déception, et attendent des engagements de votre part avant de voter cette loi. (MM. Jean-Pierre Baeumler et Armand Jung applaudissent) M. Armand Jung - Depuis la première lecture de ce projet, le 10 décembre, la situation au regard des accidents de la route n'a fait qu'empirer : plus 4 % de morts et d'accidentés graves, avec une Saint-Sylvestre dramatique. Près de quatre cents cyclistes ont trouvé la mort, et plus de mille piétons. Monsieur le ministre, votre objectif de réduire de moitié en cinq ans le nombre des tués est ambitieux et chacun peut y souscrire. Votre détermination est grande, et je salue la création du délit de grande vitesse. Les réactions des lobbies de la vitesse, de la voiture et de la moto de grosse cylindrée me confortent dans mon soutien. Une association de motards m'a envoyé une lettre où le délit de grande vitesse est qualifié d'atteinte grave à la liberté et de mesure totalitaire. On croit rêver ! Mais, malgré votre détermination, je doute que ce texte suffise à freiner l'hécatombe. Il faudra tôt ou tard des mesures plus radicales, car nous sommes devant une catastrophe humaine, qui se double d'une délinquance routière. Je veux évoquer les plus vulnérables des usagers de la route, les cyclistes et les piétons. La première lecture a permis d'adopter une mesure importante : l'obligation à partir du 1er janvier 2000 du marquage des cycles. Le Sénat a supprimé cette mesure, la jugeant d'ordre réglementaire. Même si c'était vrai, je proposerai son rétablissement ; elle est demandée par les élus locaux, et serait de notre part un signal fort en faveur de l'usage du vélo. En première lecture vous avez aussi annoncé un second train de mesures en faveur des cyclistes. Je vous invite à ne pas trop tarder, car l'effervescence est grande non seulement chez les élus locaux, mais dans les associations de défense du vélo. S'il faut, pour faire entendre sa voix, créer un lobby du vélo, nous le ferons ! Et je vous invite, Monsieur le ministre, à en être la cheville ouvrière. Plus généralement, votre projet vise à instaurer un état d'esprit différent face à la vitesse. Je réclame le même changement de mentalité face à l'usage du vélo. Tout déplacement à la même valeur, puisque l'effet est le même : le transport d'une personne d'un lieu à un autre. Un déplacement en vélo a donc la même valeur intrinsèque qu'un déplacement en voiture. Il faut donc s'attaquer aux automatismes de pensée. C'est pourquoi je plaide pour une nouvelle fiscalité en faveur du vélo. Car l'automobiliste, contrairement à ce qu'on dit trop souvent, n'est pas une "vache à lait". Selon les chercheurs, les taxes sur l'essence et la voiture couvrent à peu près les frais d'infrastructures. Mais qu'en est-il des coûts sociaux et environnementaux : santé, accidents, pollution, bruit, détérioration des monuments... ? Il faudra bien prendre en compte les coûts externes entraînés par l'automobile : l'effet de coupure, le mitage et l'extension des villes en taches de léopard, l'effet d'auto-génération du trafic automobile. Quand se décidera-t-on enfin à évaluer le "revenu en nature" que pourrait engendrer une autre politique de l'aménagement et des transports ? Je vous réitère mon entier soutien, quels que soient mes doutes sur les résultats, et en vous encourageant à mettre en oeuvre une grande politique d'encouragement du vélo (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). La séance, suspendue à 23 heures 40, est reprise à 23 heures 55. M. le Ministre - En première lecture, nous avons discuté longuement des différents aspects de la politique de sécurité routière. Des parlementaires de tous les groupes ont contribué à améliorer ce projet ; qu'ils en soient remerciés. Après l'excellent rapport de M. Dosière, je me contenterai en réponse aux orateurs, de quelques observations. Je ne m'attarderai pas sur le délit de récidive de grand excès de vitesse ; nous prenons une mesure de dissuasion, qui se veut pédagogique : l'accord de l'Assemblée et du Sénat montre que cette démarche a été comprise par beaucoup de parlementaires. Monsieur Ferry, la responsabilité personnelle du propriétaire a fait l'objet d'un débat très nourri. Grâce aux travaux des deux assemblées, le texte a été nettement amélioré. Nous ne faisons que nous rapprocher de ce qui existe dans de nombreux pays européens. Sur la question des stupéfiants, il nous paraît nécessaire d'évoluer en terrain sûr. Nous voulons disposer de données plus fiables avant de franchir de nouvelles étapes. Monsieur Aschieri, je ne pourrai approuver votre amendement sur les cinq gestes qui sauvent. De nombreux spécialistes ont insisté sur les risques que nous ferait courir son adoption. Mais une réflexion est en cours pour intégrer davantage de notions de secourisme dans la formation des conducteurs. On a longuement discuté du contrôle de la sécurité des infrastructures. N'oublions pas que notre pays compte 8 000 km d'autoroutes, 24 000 km de nationales, 360 000 km de départementales et 480 000 km de voies communales, soit un réseau de presque un million de kilomètres. Conformément au souhait du rapporteur, l'Etat s'est engagé à contrôler les infrastructures neuves, le contrôle des routes existantes soulevant d'importantes difficultés pratiques et juridiques. M. le rapporteur, en outre, nous laisse un délai suffisant pour rédiger des textes d'application en concertation avec les maires et les présidents de conseil général. Les arguments que je vous ai opposés en première lecture tombent donc, Monsieur le rapporteur, et j'accepterai votre amendement. M. le Rapporteur - Je vous remercie. M. le Ministre - Je partage le sentiment de M. Sarre sur le drame que constitue la mort de nombreux jeunes sur les routes. Nous n'avons pas attendu décembre pour agir, même si c'est le 1er décembre 1997 que s'est réuni le comité interministériel de la sécurité routière. Il n'avait pas été réuni depuis 1993 ! M. Jean-Pierre Baeumler - Il faut le rappeler. M. le Ministre - C'est délibérément qu'on a cessé de réunir ce comité interministériel. Je n'accuserai personne, je ne dirai pas que cette décision est à l'origine de l'actuelle aggravation de l'insécurité routière, mais il faut noter que la sécurité routière est une des premières questions sur lesquelles a travaillé le Gouvernement. N'oublions pas qu'outre ce projet, vingt-cinq mesures ont été prises, dont un certain nombre en faveur des jeunes. Il est faux de dire que ce projet additionne les dispositions réglementaires. En revanche, de nombreuses mesures ont été prises indépendamment de ce texte, sous l'autorité de Mme Massin, déléguée interministérielle à la sécurité routière. Certaines sont longues à entrer en vigueur et j'en souffre, mais ne doutez pas de la volonté du Gouvernement. M. Sarre a approuvé la tenue d'une table ronde mais en trouve les résultats insuffisants. L'opération "label vie" n'est pourtant pas sans intérêt. En outre, avec Mmes Buffet et Royal, nous avons sensibilisé les fédérations sportives au problème. Il ne faut pas sous-estimer la portée de cette initiative, quand on sait ce qui se passe le week-end, après la "troisième mi-temps". Il est indiscutable que les crédits de la sécurité routière ont fortement diminué depuis 1993. On a pensé que le nombre des victimes allait se réduire spontanément, semble-t-il. J'ai quant à moi amorcé un redressement. On peut estimer que les crédits restent insuffisants, mais nous sommes tout de même passés du déclin à une progression budgétaire. Ce sera avec intérêt que je prendrai connaissance du mémorandum de M. Sarre. Prônée par M. Ferry, la rétention du permis de conduire est déjà possible et je l'ai rappelé aux préfets. A M. Baeumler je précise que le prochain comité interministériel de la sécurité routière se tiendra dans les jours qui viennent, début avril au plus tard. Comme vous, je trouve trop faibles les moyens alloués aux campagnes publicitaires et je procède en ce moment à des redéploiements en vue d'y remédier. Vous proposez de faire contribuer à cet effort les compagnies d'assurance. Nous y travaillons, en concertation avec elles. L'affectation à la sécurité routière du produit des amendes est certes une suggestion intéressante, mais une partie de cette ressource va déjà aux collectivités locales. Le budget pour l'an 2000 devra se signaler par un effort important en faveur de la sécurité routière. Il nous faudra concevoir des campagnes mieux ciblées, plus directes. M. Lemoine nous a dit, en première lecture, que son groupe ne pourrait pas accepter notre projet si celui-ci n'était pas amendé. Or il a été adopté à l'unanimité au Sénat. Vous avez certes le droit d'avoir entre vous des divisions, mais j'observe que vous êtes en désaccord total avec la majorité sénatoriale et le rapporteur Lanier. En écoutant vos accusations, je me demandais pourquoi vous en vouliez tant à M. Lanier... (Sourires) Chaque fois que vous durcissez le ton, Monsieur le député, vous tapez sur vos amis. Au demeurant, ceux qui ne votent pas comme vous ne sont pas nécessairement animés des pires intentions. Outre M. Sarre, mes prédécesseurs -Mme Idrac, M. Bosson- ont tenu à faire savoir qu'ils soutenaient ce projet. M. Biessy a rappelé l'engagement que j'ai pris le 10 décembre en faveur des personnes handicapées. Je tiendrai cet engagement. S'agissant des passages à niveau, l'élimination des plus dangereux se poursuit. Je trouve pertinente votre idée de veiller à ce que les constructeurs intègrent les exigences de la sécurité routière. Il faut créer un partenariat avec les constructeurs pour rendre la conduite moins agressive. M. Bussereau après m'avoir reproché mon manque de rapidité -mes prédécesseurs, je l'ai dit, n'ont guère été plus véloces-, a souhaité le rejet du projet... Où est la cohérence ? Il a aussi déploré, comme moi, l'insuffisance des effectifs de police et de gendarmerie. Mais n'est-ce pas son groupe qui, dans les débats budgétaires, veut sans cesse réduire les dépenses de fonctionnement de l'Etat ? Où est, là aussi, la cohérence ? Il a par ailleurs affirmé que tout dans ce texte est réglementaire. Ce n'est pas vrai. Cela vaut en revanche pour les dispositions concernant les auto-écoles que j'ai reprises du texte préparé par mes prédécesseurs... Quant au retard dans les moyens de contrôle, il ne date pas d'hier. Surtout, j'ai été particulièrement choqué par son allusion à une chasse aux sorcières. Je travaille avec tout le monde et je n'ai rencontré que des gens d'une compétence et d'un dévouement remarquables. Il est inadmissible de prétendre que certains auraient été mutés en raison de leurs positions politiques. En ce qui concerne la constitutionnalité, les parlementaires sont libres de saisir le Conseil constitutionnel. Pour ma part, j'ai sollicité l'avis du Conseil d'Etat. Sur la responsabilité des propriétaires et le délit de récidive de grands excès de vitesse, nos voisins, qui ne sont pas que je sache liberticides, ont adopté des mesures plus sévères encore. Monsieur Aschieri, vous avez raison, il faut moins de camions et de voitures, mais l'automobile est aussi un instrument de liberté et je n'ai nulle intention de m'en prendre au besoin de liberté, même si j'entends favoriser les autres modes de transport pour les déplacements contraints. Par ailleurs, c'est souvent la nuit, sur les petites routes peu fréquentées, que se produisent les accidents les plus graves. Ce sont donc bien toujours la vitesse et les comportements qui sont en cause. Je suis d'accord avec vous sur le refus de la fatalité, sur la nécessité d'une communication mieux ciblée, sur le rôle des associations. Monsieur Jung, comme vous l'aviez souhaité, à la suite du comité interministériel de 1997, le code de la route a été modifié par arrêté le 16 septembre 1998, afin de faciliter la circulation des cycles et d'améliorer leur sécurité. Le partage de la route, la conduite apaisée, les accords avec la RATP et la SNCF sont destinés à rendre plus aisé l'usage de la bicyclette. Mon ministère publiera prochainement un guide des aménagements techniques de la voirie. La place du vélo sera étudiée dans le cadre des plans de déplacements urbains. Bien sûr, beaucoup reste à faire, mais les collectivités locales disposent désormais d'outils mieux adaptés. Je remercie tous les participants à ce débat pour leurs apports constructifs à l'amélioration de la sécurité routière (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique. M. Patrick Delnatte - Vous avez fait, Monsieur le ministre, de la formation l'axe central de la politique de sécurité routière. Mon amendement 20 répond parfaitement à cet objectif. J'ai déjà souligné l'intérêt d'introduire dans l'apprentissage de la conduite la formation aux gestes de survie. Le débat avait été escamoté en première lecture. Aujourd'hui vous reconnaissez qu'il s'agit d'une préoccupation louable. Le concept des cinq gestes qui sauvent a été testé à de nombreuses reprises auprès de tous les publics ; un projet pédagogique a été élaboré pour une formation pratique en 5 heures. Il a trouvé un écho très favorable auprès des médecins des premiers secours, des SAMU, des sapeurs-pompiers, des enseignants du secourisme et de beaucoup de mes collègues, sur tous les bancs. Cet enseignement serait dispensé par les associations de secourisme agréées et non, comme vous l'aviez dit, par les moniteurs de conduite. Vous nous avez d'abord objecté qu'il existait un programme de formation au secourisme routier, alors que celui-ci est destiné essentiellement aux professionnels du secours. Puis, vous avez fait étudier un nouveau programme de "premiers secours sur la route", qui n'est qu'une formation complémentaire pour les personnes déjà titulaires de l'attestation de formation aux premiers secours, donc qui ne concerne en rien le secourisme de masse. D'autres pays ont déjà mis en place un système d'éducation généralisé. En France les fondateurs du secourisme approuvent cette démarche. Vous avez également mis en avant le refus de la commission nationale du secourisme d'accorder un crédit à une proposition à la formation de base aux premiers secours. Or s'il n'est pas utile d'apprendre aux usagers de la route les gestes qui peuvent attendre, en revanche il faut préparer les témoins à intervenir en cas de péril immédiat. Pour le reste, ils se borneront à alerter les secours, à baliser les lieux, à protéger les victimes et à les surveiller. En outre, dès 1970, cette commission suggérait la diffusion des gestes qui sauvent. Enfin, il est inexact que l'enseignement de tels gestes pourrait être dangereux : on les enseigne aux jeunes, et cette expérience a été renouvelée récemment dans le Nord par la Croix Rouge auprès de 7 500 collégiens. Vous arguez, enfin, de la nécessaire adhésion des personnes concernées. Or 67 % des Français demandent à ce que les premiers gestes de secours soient rendus obligatoires pour le permis de conduire. Alors que nous cherchons tous à réduire les comportements égoïstes et violents de trop de conducteurs, apprendre les gestes de survie irait vers plus de responsabilité et d'humanité. Ne manquez pas cette chance. M. Jean-Claude Lemoine - Très bien ! M. André Aschieri - Mon amendement 26 est identique. Sur 100 victimes d'accidents de la route, 10 meurent immédiatement et 50 lors du transport à l'hôpital. Il s'agit donc bien ici de gestes qui peuvent sauver. Même si ce n'est pas aujourd'hui, il faudra bien un jour y faire référence dans le code de la route. M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement 20 et elle aurait sans doute fait de même pour le 26, si elle l'avait examiné, pour les raisons exposées en première lecture et rappelées par le ministre. M. le Ministre - Pour les mêmes raisons, avis défavorable. Les amendements 20 et 26, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Jean-Claude Lemoine - Cet article, qui insère dans le code de la route les dispositions actuelles relatives à l'enseignement de la conduite, nous donne pleine et entière satisfaction. M. Daniel Marcovitch - Il convient de veiller à ce que les agents publics chargés du contrôle aient un niveau au moins égal à celui des personnes qu'ils contrôleront. Je souhaite également savoir où en est la réflexion du Gouvernement sur l'affichage obligatoire, dans les auto-écoles, des garanties de suivi de l'enseignement. L'article 2, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 2 ter. M. Jean-Claude Lemoine - L'amendement 5 et l'amendement 22 tendent à supprimer cet article, qui viole les principes fondamentaux de notre droit en instituant la responsabilité automatique du propriétaire de véhicule. Puisque le ministre a voulu me mettre en contradiction avec mes amis du Sénat, je lui rappellerai que M. Gouzes a émis de vives réserves et que Mme Guigou a qualifié la présomption d'innocence de "principe cardinal" de la procédure pénale. M. le Rapporteur - Nous ne sommes pas en matière pénale ! M. Jean-Claude Lemoine - Cet article n'aura aucun effet, sinon celui de procurer quelques recettes supplémentaires au Trésor public. Il créera, en revanche, une injustice flagrante, puisque le vrai coupable, s'il n'est pas dénoncé par le propriétaire du véhicule, restera impuni. Les amendements 5 et 22, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés. L'article 4, mis aux voix, est adopté. M. le Président - L'amendement 24 après l'article 6 est en discussion commune avec l'amendement 8 après l'article 7. M. Alain Ferry - L'amendement 24 crée une nouvelle incrimination pour conduite sous l'emprise de stupéfiants. M. Jean-Claude Lemoine - Mon amendement 8 est analogue. La prise de substances illicites est à l'origine d'une part non négligeable des accidents, surtout dans certaines circonstances et à certaines heures. Le rapporteur et le ministre m'ont répondu tout à l'heure que les tests n'étaient pas encore très sûrs, mais ce n'est pas l'avis de l'Académie de médecine. M. le Rapporteur - La commission les a repoussés pour les raisons que j'ai dites, et aussi parce que les deux assemblées ont déjà voté en termes identiques l'article 7, qui prévoit le dépistage systématique en cas d'accident mortel. Je rappelle, enfin, que le code pénal réprime déjà l'usage de stupéfiants. Les amendements 24 et 8, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Patrick Delnatte - Cet article, que la commission veut supprimer, tend à sanctionner la conduite sous l'emprise de stupéfiants en cas d'accident corporel, et non pas seulement d'accident mortel. Le phénomène n'est pas marginal : dans ma circonscription, limitrophe de la Belgique, de plus en plus de jeunes rentrent en voiture de boîtes de nuit ou de rave-parties où ils ont pris des drogues. La revue Toxicorama a publié une étude épidémiologique, réalisée par des experts agréés auprès des tribunaux, dont il ressort que plus de la moitié des échantillons sanguins analysés à la suite d'accidents corporels graves comportent des traces de stupéfiants ou de psychotropes ! Rappellerai-je, par ailleurs, qu'une directive européenne, entrée en vigueur le 1er juillet 1996, prévoit de ne plus délivrer ni renouveler le permis de conduire aux personnes dépendant ou abusant de ces substances ? Saisissez, de grâce, l'occasion que vous offre ce texte de lutter contre la drogue au volant et de réduire significativement le nombre de tués et de blessés sur les routes ! M. le Rapporteur - L'amendement 16 tend à supprimer cet article. Tous les scientifiques ne sont pas d'accord sur la fiabilité des tests, et en commission l'un de nos collègues, M. Guédon, pharmacien-biologiste, a défendu l'opinion selon laquelle ils n'étaient pas encore au point. M. le Ministre - C'est aussi l'avis de l'Agence française du médicament. M. Jean-Claude Lemoine - Il est bien rare, quel que soit le sujet, que tous les scientifiques soient du même avis... Pour ma part, j'aurais tendance à faire confiance à l'Académie de médecine. L'amendement 16, mis aux voix, est adopté, et l'article 7 bis ainsi supprimé. M. Jean-Claude Lemoine - L'amendement 21 de M. Bussereau est soutenu. L'amendement 21, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Claude Lemoine - Les amendements 3, 4 et 1 sont défendus. Les amendements 3, 4 et 1, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Jean-Claude Lemoine - L'amendement 2 de M. Bouvard tend à rétablir l'article que nous avions adopté en première lecture, après que le ministre s'en fut remis à la sagesse de l'Assemblée. Les motoneiges seraient ainsi soumises à immatriculation comme tout autre véhicule, ce qui semble logique car elles empruntent de plus en plus fréquemment routes et sentiers. En outre, la mesure faciliterait les sanctions en cas d'infraction au code de la route. M. le Rapporteur - La commission a accepté le rétablissement de l'article. M. le Ministre - Il est exact que je m'en étais remis à la sagesse de l'Assemblée, en première lecture, mais le rapporteur du Sénat a jugé la mesure peu opportune. En outre, le Club alpin a fait valoir que son adoption risquerait d'entraîner une banalisation de ces engins. Comme elle est de surcroît d'ordre réglementaire, je m'engage à lancer une concertation avec toutes les parties intéressées, avant de prendre une décision. Compte tenu de cette promesse, ne pourriez-vous retirer l'amendement, Monsieur Lemoine ? L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté et l'article 8 bis demeure supprimé. M. Jean-Claude Lemoine - L'amendement 23 est défendu. L'amendement 23, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. L'article 12 bis, mis aux voix, est adopté. M. Jean-Pierre Baeumler - Défendant déjà cet amendement 19 corrigé en première lecture, j'ai dit qu'il me paraissait inadmissible que les conducteurs de voiturettes soient dispensés de toute formation au code de la route et que cela serve d'argument de vente aux constructeurs. Il est incongru aussi que les conducteurs privés de permis de conduire puissent emprunter avec ces véhicules les routes sur lesquelles ils ont mis en péril la vie des autres ! Il est vrai que les voiturettes sont rarement impliquées dans des accidents, mais nul ne devrait être exonéré de l'effort de formation exigé de tous les chauffeurs. Je souhaiterais que le Gouvernement rappelle fermement ce principe. M. le Rapporteur - La commission a accepté l'amendement. M. le Ministre - Je souscris au principe, Monsieur Baeumler, mais la disposition relève du règlement. J'en souhaite donc le retrait. L'amendement 19 corrigé est retiré. M. le Président - L'article 13 demeure supprimé. M. Jean-Claude Lemoine - Le Sénat a supprimé cette disposition et, comme elle relève en effet du pouvoir réglementaire, il ne semble pas opportun de la rétablir. Je souhaiterais cependant que le Gouvernement s'engage à étudier la possibilité du marquage des bicyclettes car la sécurité des cyclistes y gagnerait. M. Armand Jung - M. Mangin et moi-même demandons au contraire, par l'amendement 18 corrigé, le rétablissement de cet article car ce geste s'impose en faveur des utilisateurs de vélos. Le vol de ceux-ci est en effet un frein au développement de leur usage et, même avec l'aide de la police, les propriétaires n'ont pratiquement aucune chance de retrouver leur engin, faute de moyen d'identification dont la nature et l'emplacement serait identique sur tous les cycles. Le besoin de cette identification est ressenti non seulement par les usagers, mais aussi par les collectivités locales. Aujourd'hui même, le Club des pistes cyclables a consacré une grande partie de la réunion de son bureau à examiner cette question. Je vous demande donc, Monsieur le ministre, de faire preuve de la même compréhension qu'en première lecture. M. le Rapporteur - La commission a accepté l'amendement. M. le Ministre - Si on adopte cette disposition, nous risquons d'avoir des difficultés avec la Communauté et je préférerais donc que nous réfléchissions à la question plutôt que de prendre une mesure qui ne serait pas imitée dans les autres Etats membres. M. Armand Jung - Je le répète, nous avons là l'occasion de prendre une mesure concrète en faveur des usagers du vélo et, même si je ne sous-estime pas le risque de difficultés, un veto de la Commission apparaîtrait comme une réaction bien disproportionnée. L'amendement 18 corrigé, mis aux voix, est adopté et l'article 14 est ainsi rétabli. M. Jean-Claude Lemoine - La commission souhaite rétablir cet article en limitant le contrôle aux infrastructures futures. Pouvez-vous nous assurer, Monsieur le ministre, que le décret en Conseil d'Etat prévu dans cette disposition donnera lieu à une large concertation préalable ? Cela apaiserait les inquiétudes des sénateurs et de notre collègue Cazenave. M. le Rapporteur - L'amendement 17 tend à rétablir le dispositif que nous avions adopté en première lecture, mais en limitant en effet le contrôle aux projets d'infrastructures routières réalisées au moins trois ans après la publication de la loi. Ce délai devrait permettre la concertation que vous demandez avec les collectivités et les associations, Monsieur Lemoine. M. le Ministre - Etant favorable à cette concertation, je le serai aussi à l'amendement. L'amendement 17, mis aux voix, est adopté et l'article 15 est ainsi rétabli. M. Jean-Claude Lemoine - L'amendement 12 corrigé tend à limiter au maximum les accidents dus à l'alcool : à compter du 1er janvier prochain, tous les véhicules neufs à moteur d'au moins 50 cm3 de cylindrée devraient être équipés à leur sortie d'usine d'un dispositif "éthylotest anti-démarrage". L'amendement 10 corrigé est un amendement de repli. M. le Rapporteur - Avis défavorable. M. le Ministre - Même position. M. Jean-Claude Lemoine - Pourquoi cette opposition ? La technique sera bientôt commune et elle n'est pas très onéreuse. On a en outre accepté des dispositifs similaires pour empêcher des démarrer tant que la ceinture de sécurité n'était pas mise. Or, ici, le danger n'est pas seulement pour le chauffeur ! La mesure aiderait les conducteurs concernés à en prendre conscience. M. le Ministre - Je vous avais déjà fait observer en première lecture que cette mesure technique relevait obligatoirement d'une directive communautaire. En outre, rien de garantit qu'elle serait efficace : il suffirait qu'un autre que le conducteur démarre le véhicule. Les amendements 12 corrigé et 10 corrigé, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Jean-Claude Lemoine - L'amendement 9 corrigé vise à obliger les conducteurs habituels à obtenir, à partir d'un certain âge, un certificat médical. Trop de personnes souffrent sans le savoir de troubles de la vue, par exemple. M. le Rapporteur - Rejet. L'article R.128 du code de la route permet déjà au préfet de prescrire un examen médical lorsqu'il estime que l'état physique d'un conducteur est incompatible avec le maintien de son permis. M. le Ministre - Défavorable. M. Jean-Claude Lemoine - Je connais bien sûr l'article qu'évoque M. le rapporteur. Mais il ne permet au préfet d'intervenir qu'après un accident ou le constat d'une difficulté de conduite, alors que la mesure que je propose est préventive. L'amendement 9 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Claude Lemoine - On constate que les panneaux de circulation sont parfois implantés de façon incompatible avec la visibilité nécessaire dans les croisements. L'amendement 15 a pour objet d'y remédier. L'amendement 15, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Claude Lemoine - Je propose par l'amendement 13 de décider qu'à compter du 1er juillet 1999, les véhicules à moteur devront de jour et de nuit et par tous temps faire fonctionner leurs feux de croisement. A certaines heures en effet, on a parfois du mal à discerner le véhicule qui vient en face. M. le Rapporteur - La commission est défavorable. Cet amendement, quoique sympathique, risque de banaliser la situation des motards. M. Patrick Delnatte - Cela se fait dans de nombreux pays. M. le Ministre - Plusieurs études préconisent cette mesure, sans qu'on soit en état d'en quantifier l'impact réel. Par ailleurs les motards y sont très hostiles. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement souhaite une concertation avant toute décision. A l'issue de cette concertation, si l'intérêt de la mesure est confirmé, elle relèvera du domaine réglementaire. Avis défavorable donc. M. Jean-Claude Lemoine - Tout à l'heure j'ai demandé à M. le ministre s'il acceptait la demande faite par M. Sarre d'un grand débat sur la sécurité à l'Assemblée et au Sénat. Un tel débat permettrait de discuter de certaines dispositions de nature réglementaire, mais qui pourraient accroître la sécurité. M. le Ministre - L'examen du présent projet a permis ce débat dans les deux assemblées. Par ailleurs le proche conseil interministériel de sécurité routière sera aussi l'occasion d'un débat dans le pays. Enfin, j'entends associer sur le terrain tous les acteurs susceptibles de se mobiliser pour la sécurité routière et le développement de cette mobilisation sur le terrain participera du débat. Et je suis d'avis d'encourager régulièrement la discussion, y compris avec les députés et les sénateurs, sur l'état d'avancement de notre objectif de réduire de moitié en cinq ans le nombre des tués. L'amendement 13, mis aux voix, n'est pas adopté. L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté. Prochaine séance ce matin, mercredi 17 mars, à 9 heures 30. La séance est levée à 1 heure 5. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |