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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 94ème jour de séance, 239ème séance 2ème SÉANCE DU MERCREDI 12 MAI 1999 PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS SOMMAIRE : QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2 INCENDIE CRIMINEL EN CORSE 2 VIOLENCES À L'OCCASION DU MATCH PSG-OM 3 FONCTIONNEMENT DE L'ÉTAT 3 NÉGOCIATIONS DE L'OMC 4 DISCRIMINATIONS RACIALES DANS LE MONDE DU TRAVAIL 5 AIDES À L'AGRICULTURE 6 LANGUES RÉGIONALES 6 CORSE 7 RETRAITES 8 ANANAS DE LA MARTINIQUE 8 STATIONNEMENT DES GENS DU VOYAGE 8 COMMUNES "COMPAGNON DE LA LIBÉRATION" -deuxième lecture- (procédure d'examen simplifiée) 9 CONVENTION FRANCE-UKRAINE ACCORD FRANCE-CUBA ACCORD UNIVERSITÉ FRANCO-ALLEMANDE RATIFICATION PROTOCOLE EUROPOL CONVENTION COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE ACCORD COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE-MEXIQUE (procédure d'examen simplifiée) 13 ACCORD SCHENGEN-ISLANDE-NORVÈGE ACCORD SCHENGEN-SUÈDE ACCORD SCHENGEN-FINLANDE ACCORD SCHENGEN-DANEMARK ACCORD FRANCE-ITALIE (Discussion générale commune) 13 ACCORD COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES-GÉORGIE ACCORD COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES-ARMÉNIE ACCORD COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES-AZERBAÏDJAN ACCORD COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES-OUZBÉKISTAN ACCORD FRANCE-AZERBAÏDJAN -Discussion générale commune- (Procédure d'examen simplifiée) 19 ENVIRONNEMENT SONORE AÉROPORTUAIRE (suite) 23 ARTICLE PREMIER (suite) 23 ART. 2 24 ART. 3 27 ART. 4 27 APRÈS L'ART. 4 27 ART. 5 28 ART. 6 28 ART. 7 29 TITRE 29 EXPLICATIONS DE VOTE 29 Sommaire @Z_SOMM NIV 1 = QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2 @Z_SOMM NIV 1 = COMMUNES "compagnons de la Libération" (deuxième lecture) 10 @Z_SOMM NIV 1 = 16 CONVENTIONS ET ACCORDS INTERNATIONAUX 14 à 26 @Z_SOMM NIV 2 = RAPPEL AU RÈGLEMENT 10 @Z_SOMM NIV 1 = ENVIRONNEMENT SONORE AÉROPORTUAIRE (suite) 26 @Z_SOMM NIV 3 = Article premier (suite) à article 7 26 à 33 @Z_SOMM NIV 3 = Titre 33 @Z_SOMM NIV 3 = Explications de vote 34 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. M. Christian Estrosi - Chacun a pu mesurer, Monsieur le Premier ministre, votre exceptionnelle capacité à vous défausser de vos responsabilités sur les autres. Vous n'êtes responsable de rien : ni de la nomination du préfet Bonnet, qui aurait été faite sur proposition du ministre de l'intérieur et décidée par le Président de la République -mais c'est bien vous qui l'avez choisi !-, ni de la création du GPS, qui ne résulte "que" d'une décision prise par un comité interministériel réuni à Matignon le 14 mai 1998 ! En bref, vous ne savez rien, vous ne connaissez rien et, surtout, vous ne décidez de rien. Cela n'est pas digne, et traduit la volonté de vous protéger des investigations de la justice, qui se poursuivent. Mais que craigniez-vous donc ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Comment pouvez-vous sérieusement estimer que vous n'avez rien su ? Comment pouvez-vous sérieusement affirmer que vous ne contrôliez pas l'action du préfet Bonnet alors que trois de vos collaborateurs directs le rencontraient régulièrement, alors que, fait très rare, une réunion a été organisée à votre cabinet, le 14 septembre 1998, à laquelle assistait non seulement ce préfet mais aussi le procureur général de Corse, alors, aussi, que le directeur de votre cabinet organisait des réunions sur la Corse, hebdomadaires pendant un long moment, puis mensuelles ? Vous, Monsieur le Premier ministre, qui avez été informé par l'opposition, dans cet hémicycle, des pratiques contestables qui avaient cours dans l'île, reconnaissez au moins que vous avez la responsabilité politique de contrôler les préfets, responsabilité que vous confère la Constitution et que le décret de 1982 établit nettement. Les préfets ne sont-ils pas les représentants des ministres, et du Premier ministre ? Nous attendons donc des explications sur la manière dont vous avez contrôlé ce préfet-là, que vous avez choisi et dirigé. Nous attendons surtout que, cette fois, vous ne vous défaussiez pas sur d'autres (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Vous semblez ne pas savoir, Monsieur Estrosi, comment fonctionnent l'administration et le Gouvernement ; je vous rappellerai donc que tous les préfets, dans tous les départements, représentent, en effet, le Gouvernement et donc, tous les ministres. Il n'est donc pas anormal que se rencontrent à l'Hôtel Matignon les représentants des ministères concernés par les affaires en cours. Ainsi, quand une enquête est lancée sur le fonctionnement du Crédit agricole de Corse où, pour 7 milliards d'encours, on relève 2 milliards de provisions pour créances douteuses (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), il n'y a rien d'anormal à ce que les représentants des ministères de l'agriculture, des finances, de la justice, de la défense et, bien entendu, des services du Premier ministre, se réunissent ! Comment pouvez-vous critiquer l'Hôtel Matignon de jouer son rôle de coordinateur ? Pour le reste, le préfet Bonnet, qui avait été chargé de la sécurité en Corse, était un homme expérimenté comme peu le sont, et il était volontaire pour ce poste. Dans une période aussi tragique que celle qui a suivi l'assassinat du préfet Erignac, ces éléments devaient être pris en considération. Certes, des dysfonctionnements peuvent toujours se produire, et ils doivent être sanctionnés. Mais ne vous engouffrez pas dans cette brèche, ne fondez pas votre opposition sur n'importe quelle base, et rappelez-vous qu'il s'agit d'empêcher de nuire ceux qui manipulent le revolver et le pain de plastic. Pendant que les coquins triomphent et que les fripons pavoisent, le Gouvernement maintient sa politique, qui est de rétablir l'Etat de droit en Corse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). VIOLENCES À L'OCCASION DU MATCH PSG-OM Mme Nicole Catala - A l'occasion du match de football qui a opposé, le 5 mai, au Parc des Princes, l'équipe du PSG et celle de l'OM, les supporters de l'OM se sont livrés à de très graves débordements, au point que sept véhicules de la RATP ont été détruits. La sécurité physique des automobilistes, des passants et des chauffeurs de ces autobus a été mise en péril, et deux d'entre eux ont été blessés. La presse avait pourtant fait état de l'affectation d'un millier de policiers à la surveillance des abords du stade et au maintien de l'ordre public. De plus, un PC de sécurité très efficace est installé à proximité immédiate. Pourquoi, alors, ces saccages et ces dégradations très coûteuses pour une entreprise publique ? Un responsable de la préfecture de police a affirmé, sur les ondes d'une radio publique, qu'aucune consigne précise ne lui avait été donnée sur la conduite à tenir. Qu'en a-t-il été exactement ? Quelles dispositions aviez-vous demandé que l'on prenne, Monsieur le ministre de l'intérieur, notamment pour contrôler les identités ? Des casseurs ont-ils été interpellés ? Qu'avez-vous fait, en bref, dans votre domaine de responsabilités pour éviter cela ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Le problème de la violence dans les stades n'est pas nouveau et le Gouvernement a présenté, au printemps 1998, des mesures législatives destinées à la réprimer. Des forces de police et de gendarmerie étaient présentes aux abords du Parc des Princes, car nous étions avertis de certains risques -mais ces risques sont toujours difficiles à estimer. A Lens, puisque j'entends que l'on parle de Lens, je rappelle que la situation n'était pas la même : ce sont des hooligans étrangers qui s'en sont pris, au prix que nous savons, au gendarme Nivel et à quelques-uns de ses collègues. Au Parc des Princes, des passions violentes se sont certes déchaînées, mais, fort heureusement, ce phénomène que je qualifierais d'"ethnisme" n'a pas eu de conséquences aussi tragiques qu'à Lens. Vingt-cinq personnes ont été interpellées, et les supporters de l'OM ont été raccompagnés à la gare de Lyon sous garde policière. Des dégradations ont néanmoins été commises, y compris dans le TGV. Cela dit, il est assez facile de parler de la manière dont les choses auraient dû se passer. Sachez que le préfet de police avait donné des instructions ; des débordements ont eu lieu, mais, que je sache, ils n'ont pas eu de conséquences aussi graves qu'à Lens. Pour autant, la violence qui s'est exprimée était telle qu'une vigilance sans faille s'impose (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). M. François Goulard - Je ne souhaite pas, aujourd'hui, vous parler de la Corse, mais du fonctionnement de l'Etat. Car c'est bien le fonctionnement de l'Etat qui, sous votre autorité, Monsieur le Premier ministre, est en cause, c'est l'Etat qui est ébranlé quand un membre du corps préfectoral et des officiers de gendarmerie -dont le commandant de la Légion dans le département- sont impliqués dans un incendie criminel. Sur tout notre territoire, c'est la capacité de l'Etat à faire respecter la loi qui est atteinte. Or, vous avez constamment esquivé vos responsabilités, et privilégié l'amalgame (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Huit jours après les faits, vous avez choisi de ne pas révéler à la représentation nationale ce qu'à l'évidence vous saviez déjà, et vous avez tenté de faire porter les torts à la gendarmerie, votre ministre de l'intérieur cherchant, contre toute raison, à protéger le préfet jusqu'au bout. Aujourd'hui, alors que la responsabilité de M. Bonnet est presque certainement établie, vous tentez, par une manoeuvre indigne, d'impliquer le chef de l'Etat, ce qui est proprement indécent. Vous continuez, aussi, de confondre responsabilité pénale et responsabilité politique, notions pourtant entièrement distinctes. Quand un ministre de l'intérieur ne contrôle pas ses préfets, quand un ministre de la défense ne contrôle pas ses gendarmes, enfin quand un Premier ministre pense assumer sa responsabilité politique en parlant à la télévision, on peut s'interroger sur la conception que chacun d'eux a de son rôle ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Monsieur le Premier ministre, comment entendez-vous aujourd'hui assumer votre responsabilité constitutionnelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste) Vous dites ne pas vouloir, aujourd'hui, parler de la Corse, mais vous ne parlez que de cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe DL) Vous vous interrogez, et c'est légitime, sur certains dysfonctionnements, mais nous nous en sommes déjà abondamment expliqués (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Et au fur et à mesure que les éléments étaient portés à la connaissance du Gouvernement, le Premier ministre a informé complètement l'Assemblée nationale (Mêmes mouvements). Quant à vos remarques sur le préfet en cause ou sur l'attitude de M. Chevènement et de M. Richard, elles m'amènent à vous répondre ceci : d'abord, personne au Gouvernement n'a sous-estimé la gravité des fautes commises ; ensuite, M. Bonnet a, comme tout prévenu, le droit de se défendre et de faire valoir ses arguments. En tant que Garde des Sceaux, je me dois d'insister sur ce dernier point (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). Le plus grave pour l'Etat et le respect de la loi serait qu'une affaire de ce genre soit étouffée. Pour la première fois dans l'histoire de la Vème République, ce n'est pas le cas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste ; huées sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) M. Yves Cochet - Ma question concerne l'Organisation Mondiale du Commerce, dont je crains qu'elle ne devienne l'organisation commerciale du monde... En effet, les quinze pays européens ont récemment envisagé d'étendre la libéralisation, et donc les prérogatives de l'OMC, à trois nouveaux domaines : les investissements, la concurrence et les marchés publics. Si cela se faisait, une multinationale pourrait être en droit de réclamer le même traitement que des petites entreprises locales. Elle pourrait aussi porter plainte, pour distorsion de concurrence, contre un gouvernement ou un Etat qui refuseraient par exemple d'ouvrir totalement à la concurrence des marchés concernant l'école ou la santé ! Des négociations vont commencer fin novembre, début décembre à Seattle en vue de ce "round du millénium". Mais déjà, il y a trois semaines, l'OMC a condamné l'Union européenne pour sa politique d'importation de bananes. Et elle lui reproche de refuser d'importer de la viande aux hormones. L'Union européenne pourrait bien être condamnée, pour ce motif, à payer 200 millions de dollars ! Le Gouvernement compte-t-il organiser un débat, en juin, afin d'associer la représentation nationale à la préparation des négociations de l'OMC ? La France va-t-elle proposer des réformes de nature à rendre le commerce plus équitable ? Enfin, le Gouvernement est-il favorable à l'extension des compétences de l'OMC et quel bilan tire-t-il de "l'Uruguay Round" ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste) M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur - Le conseil informel des ministres du commerce extérieur de l'Union européenne qui s'est tenu lundi dernier à Berlin a été l'occasion d'avoir un premier échange de vues (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) entre les Etats membres, dans la perspective de la réunion des ministres de l'OMC qui doit, fin novembre, début décembre, décider à Seattle du lancement d'un nouveau cycle de négociations commerciales. Nous reparlerons du sujet de manière plus formelle à Bruxelles, au conseil "affaires générales", fin mai, et encore à l'automne sous présidence finlandaise (Mêmes mouvements). Vous avez raison de dire qu'il faut tirer le bilan des accords d'Uruguay. Un travail technique est en cours sur ce point à Bruxelles et à Genève. Mais d'ores et déjà, nous avons, grâce au règlement des différends, un peu progressé pour équilibrer, au niveau de l'OMC, les tentations unilatérales de certains de nos partenaires (brouhaha). C'est une évolution favorable, parce que les dernières années, et notamment la crise des pays émergents, montrent bien que nous avons besoin d'un cadre plus solide pour l'échange économique international. J'ajoute qu'en 1998, nous avons exporté la moitié de notre production industrielle, contre moins d'un tiers en 1986, lors du lancement du cycle d'Uruguay. C'est dire qu'avec ou sans nous, les entreprises s'internationalisent. Faut-il, dans ce contexte, ouvrir l'OMC à de nouveaux sujets ? Je crois que oui. L'échange international ne peut plus, en effet, se limiter à la question des barrières tarifaires. Et si certains de nos partenaires, à commencer par les Etats-Unis, souhaitent limiter le champ de la prochaine négociation à quelques baisses de tarifs, pour ouvrir encore plus nos marchés, nous devons quant à nous peser pour que les prochaines négociations ne se limitent pas à la recherche d'une plus grande ouverture et pour qu'elles contribuent à la régulation de l'échange international... (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) notamment dans les domaines de l'environnement, de la protection des consommateurs, ou encore des normes sociales. J'ai donc demandé la création d'un groupe de travail entre l'OMC et l'OIT. En second lieu, rien ne se fera bien sans les pays en développement, en particulier les plus pauvres. Ce devra être aussi un point central de nos réflexions à venir (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Il ne serait pas raisonnable d'abandonner aux seules forces du marché des domaines tels que l'investissement international, la concurrence, les marchés publics. Cela doit être fait sans reproduire les erreurs de l'AMI : nous devons protéger notre exception audiovisuelle et négocier un accord qui ne menace pas la souveraineté des Etats. Enfin, ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) nous ferons deux nouvelles réunions, en juin, avec Jean Glavany et Dominique Voynet sur l'agriculture et l'environnement. Et j'organise un colloque le 15 juin sur les normes sociales. Il faudra en faire un autre, à l'automne, sur la prochaine négociation. Un débat avec la représentation nationale sera organisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste ; "bravo" sur quelques bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) DISCRIMINATIONS RACIALES DANS LE MONDE DU TRAVAIL M. Odette Grzegrzulka - Madame la ministre de l'emploi, vous avez réuni hier une table ronde consacrée aux discriminations raciales dans le monde du travail. C'est une première, que je salue car elle témoigne d'une prise de conscience et d'une mobilisation de tous les partenaires sociaux. De fait, un constat accablant avait été dressé par le Haut conseil à l'intégration et il était temps de briser la loi du silence. Souvent, les victimes ont du mal à prouver qu'elles ont été victimes de pratiques xénophobes et la justice ne peut donc guère les aider. Pouvez-vous nous dire quelles suites vous comptez donner à cette table ronde de façon à mettre fin à des comportements indignes de notre démocratie et de notre République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste) Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - La réunion d'hier, organisée à l'initiative de Claude Bartolone et moi-même, constitue en effet une première dans notre pays. Le monde du travail a très longtemps été un formidable facteur d'intégration, mais depuis plusieurs années, les discriminations à l'embauche ou à la promotion se sont multipliées à l'encontre de personnes dont le nom, l'origine, l'adresse ou la couleur de peau ne plaisaient pas à certaines entreprises. Hier, l'ensemble des organisations syndicales et patronales ont donc signé une déclaration commune afin de dénoncer ce genre de pratiques. Cette déclaration de Grenelle fait écho à une autre, signée à Florence en 1995 par les organisations européennes. Lorsqu'il est question de racisme, certains refusent de regarder la réalité en face et on cache la vérité. Hier, nous l'avons tous dite, sans rechercher de coupables, en reconnaissant que c'est la société qui génère de telles discriminations. Nous devons lancer à présent un message d'espoir, et agir ensemble. Un observatoire a été mis en place. Les agents des services publics et les militants syndicaux seront formés et sensibilisés. 30 000 jeunes seront parrainés cette année par les entreprises. Une réforme juridique doit permettre aux syndicats d'ester en justice, afin que notre belle loi de 1970 contre le racisme devienne davantage une réalité. Hier l'égalité, qui figure dans la devise de la France, a progressé contre le caractère inacceptable des discriminations raciales, et peut-être que la fraternité y gagnera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste) M. Jean-Paul Dupré - La détermination française a permis d'améliorer le contenu de la réforme de la PAC. Le compromis scellé le 26 mars au sommet de Berlin ne devrait pas remettre en cause l'évolution du revenu global des agriculteurs français. Cependant des disparités inacceptables demeurent. 80 % des aides bénéficient toujours à 20 % de nos agriculteurs. Les mécanismes de compensation profitent toujours aux mêmes grosses exploitations et aux mêmes zones de production. Il n'est pas normal que le montant des aides à un même type de culture aille de 2 600 F à l'hectare au nord de la Loire à 1 600 F dans des régions méridionales comme le Lauragais. Des versements compensatoires doivent bénéficier aux 32 départements du grand Sud, par un nouveau plan de régionalisation assis sur les bases des rendements nationaux. Le principe de modulation des aides, reconnu à Bruxelles comme à Berlin, autorise les Etats membres à réduire le montant des aides attribuées aux agriculteurs dans la limite globale de 20 %. Il serait judicieux de redistribuer des fonds collectés au moyen de cette modulation à travers les contrats territoriaux d'exploitation, au profit des petites structures et des régions et des productions défavorisées. Quelles sont les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je vous mets en garde contre certaines simulations relatives à l'évolution du revenu des agriculteurs après les accords de Berlin. On se souvient des simulations de 1992 ! Allons-nous mettre en oeuvre la modulation autorisée par les accords de Berlin ? Oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Les aides à l'agriculture seront ainsi, et c'est un grand virage, réorientées dans le sens d'une plus grande justice. Quant à la régionalisation des aides, mon prédécesseur Louis Le Pensec a déjà resserré, l'an dernier, l'écart entre les primes céréalières, au profit des zones à faibles rendements céréaliers comme le Lauragais. Pouvons-nous la même année mettre en oeuvre la modulation et avancer dans la régionalisation ? Je livre cette question à la concertation. Des groupes de travail y réfléchissent, et nous tirerons des conclusions à la fin de septembre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Jean Espilondo - Vendredi dernier, Monsieur le ministre des affaires européennes, vous représentiez la France au cinquantenaire de la création du Conseil de l'Europe. La France, à cette occasion, a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. C'est l'aboutissement d'une longue démarche. Le rapport commencé par Nicole Péry et achevé par Bernard Poignant en a jeté les bases. Les missions confiées à MM. Carcassonne et Cerquiligni ont défini les contextes juridiques et linguistiques. Notre assemblée a apporté sa pierre à l'édifice, avec le groupe d'étude présidé par Kofi Yamgnane. L'Etat a depuis longtemps engagé un effort substantiel en faveur de l'enseignement et de la promotion des langues régionales. Mais cette signature témoigne de la maturité d'un débat apaisé sur la place à donner aux cultures régionales. La langue de la République est le français. Mais la nation a pris conscience de la diversité de son patrimoine linguistique. Il est du devoir de la République de le préserver. Comment le Gouvernement compte-t-il poursuivre le processus engagé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - J'ai signé le 7 mai, au nom de la France, la Charte européenne des langues régionales... M. Jacques Myard - Scandaleux ! M. le Ministre - Non, c'est un signe de maturité. Le principe de cette signature a été discuté en 1992 et 1994, et le Premier ministre a souhaité, en 1997, procéder à un examen complet de la question. Il a confié à Mme Péry puis à M. Poignant des rapports sur les conditions d'application de cette Charte. Il a écouté les conclusions des travaux du groupe animé par M. Yamgnane. Une étude juridique a été demandée à M. Guy Carcassonne sur la compatibilité entre notre Constitution et la Charte. Puis le Gouvernement a décidé de signer la Charte. Je l'ai fait, muni des pouvoirs que m'a conférés le Président de la République, et j'ai signé, avec une déclaration interprétative, 39 des 98 engagements contenus dans la Charte. Dans le même temps, en application de l'article 54 de la Constitution, le Président de la République a décidé de saisir le Conseil constitutionnel. Celui-ci va dire le droit. Le Gouvernement a son opinion à ce sujet. Puis nous engagerons le processus de ratification, au terme duquel nous arrêterons la liste des langues régionales faisant l'objet des engagements pris. Nous aurons ainsi les moyens de promouvoir davantage encore notre très riche patrimoine linguistique et culturel, dans le respect de l'unité de notre République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) M. Edouard Landrain - Monsieur le Premier ministre, je vais encore parler de la Corse, en interrogeant plus particulièrement Mme Voynet. Faire brûler une paillote sur une plage corse dans des conditions ubuesques, c'est une chose. Les Français apprécieront, la justice jouera son rôle, l'histoire jugera. Mais laisser la reconstruire de façon voyante, illégale, sur le domaine maritime... (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Un député socialiste - Rossi ! M. le Président - Un peu de silence ! Peut-être même êtes-vous tous d'accord entre vous ! M. Edouard Landrain - ...ça, pour beaucoup de Français, c'est encore plus choquant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ne nous dites pas que la responsabilité du Président de la République est engagée ! Vous qui interdisez toute construction sur le domaine maritime, dans les zones inondables, voire dans les secteurs protégés, pourquoi n'êtes-vous pas intervenu ? Y aurait-il une réglementation spéciale pour l'île de beauté ? Pourquoi l'autorisation de reconstruire semble-t-elle avoir été au moins tacitement donnée ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Un député socialiste - Léotard ! Rossi ! M. Edouard Landrain - Y a-t-il en Corse des permis de construire à durée déterminée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) Un député socialiste - Rossi ! Rossi ! M. Edouard Landrain - Avez-vous été consulté, comme la loi applicable à tout le territoire français l'exige ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL, du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe socialiste) M. le Président - La parole est à Mme la Garde des Sceaux (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Revenons aux faits. Le 4 mai 1995, le tribunal administratif de Bastia a déclaré illégale la construction de la paillote "Chez Francis" et demandé que son propriétaire la détruise sous deux mois (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Ce jugement n'a été exécuté ni en 1995, ni en 1996, ni en 1997, alors que vos amis étaient au Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). En 1998, le préfet a décidé de la faire exécuter. Mais différents incidents se sont produits lors de destructions opérées ailleurs, et M. Rossi a conduit une délégation de l'Assemblée de Corse venue demander qu'on ne détruise pas les paillotes (Huées sur les bancs du groupe socialiste). M. Léotard est intervenu dans le même sens (Même mouvement). Dans un esprit de conciliation, il a été alors décidé de surseoir à l'exécution. M. Jean-Michel Ferrand - Rossi, c'est le ministre ? Mme la Garde des Sceaux - Là-dessus est intervenu l'incendie de la paillote. Le propriétaire ayant demandé l'autorisation d'exploiter à nouveau, celle-ci lui a été accordée comme un ultime sursis : le propriétaire devra démolir son établissement à la date prévue, afin que la décision du tribunal administratif de Bastia soit appliquée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Roger Meï - La publication du rapport Charpin a suscité une vive émotion par ses prévisions comme par ses conclusions. Le patronat s'en est aussitôt emparé pour proposer 45 ans de cotisation et le retour aux fonds de pensions. Mais il est indispensable de lier la question des retraites à une politique de l'emploi plus ambitieuse, ainsi qu'à une réforme des cotisations patronales permettant de mettre à contribution le revenu des placements financiers des grandes entreprises. Notre pays, qui est l'un des plus riches du monde, qui voit son PIB augmenter, sa bourse battre des records, et qui compte 12 % de chômeurs, doit pouvoir faire aussi bien que dans le passé en terme de justice sociale et de solidarité. En tout cas les députés communistes agiront pour le maintien des retraites par répartition avec 37 années et demie de cotisations et des retraites indexées sur les salaires. Le rapport Charpin n'épuise pas la question, et le Premier ministre ouvrira bientôt une nouvelle concertation. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste) Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je retiens du rapport Charpin un diagnostic sur la situation des retraites : le système par répartition a bien rempli son rôle, il a assuré la solidarité entre les générations, le pouvoir d'achat des retraites évoluant parallèlement à celui de l'ensemble de nos concitoyens. Il faut donc consolider ce régime. Reste que nous aurons à faire face à un choix démographique et à l'accroissement de l'espérance de vie, et qu'il faut prendre en compte ces données, ainsi que l'évolution de la croissance et la situation de l'emploi. Le Premier ministre a donc décidé de mettre en place un conseil parallèle avec les organisations patronales et syndicales pour élaborer des prévisions. Il m'a chargée, avec certains collègues, d'engager la concertation avec les partenaires sociaux. Nous partons de l'idée qu'il n'y a pas une seule piste possible, et qu'il faut replacer la question des retraites dans le cadre de l'évolution générale des conditions de vie des personnes âgées, en incluant dans la réflexion les questions relatives à la dépendance, mais aussi le problème des personnes ayant commencé à travailler très tôt -et souvent de façon pénible- ou, à l'inverse, celui des jeunes restés longtemps chômeurs, et qu'il ne faudrait pas pénaliser. Dans cette perspective, nous essaierons de trouver des solutions avec les partenaires sociaux afin de maintenir les retraites par répartition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Pierre Petit - Je veux lancer ici un ultime appel au ministre de l'agriculture, au nom des 1 500 martiniquais vivant de la filière de l'ananas. Cette production est en train de s'éteindre et la dernière conserverie serait bientôt fermée. Or, il y a déjà 52 000 chômeurs à la Martinique sur 380 000 habitants. Je voudrais que le Gouvernement et l'Europe se mettent d'accord pour éviter cette catastrophe. Que ferez-vous pour sauver l'ananas de la Martinique ? M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Il est vrai que la Commission européenne a remis en cause l'aide à l'ananas -mais pas sur le principe : elle ne conteste que le niveau et les modalités de l'aide. Le Gouvernement a demandé un sursis pour 1999-2000, et je ne crois pas qu'il y aura de menace immédiate pour la conserverie. La Commission devra ensuite se prononcer sur un dispositif-relais qui fera l'objet de discussions avec le Gouvernement français. En tout cas, d'ici quelques jours, nous devrions obtenir une réponse favorable à la demande de sursis, qui lèvera la menace pesant sur la conserverie. STATIONNEMENT DES GENS DU VOYAGE M. Daniel Vachez - Chaque jour, en France, des milliers de caravanes de gens du voyage stationnent de façon illicite. Cela entraîne des coûts financiers importants, et aussi, parfois, de vives tensions. La loi de 1990 a obligé les communes de plus de 5 000 habitants à aménager des aires d'accueil, mais 4 000 places seulement sont disponibles, alors qu'il en faudrait 30 000. Il est donc indispensable d'améliorer la législation, en équilibrant les droits et les devoirs des gens du voyage. Les communes souhaitent une aide financière, ainsi qu'une évacuation plus rapide si nécessaire. Quelles dispositions avez-vous proposées ce matin au conseil des ministres, Monsieur le secrétaire d'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Sur le constat, je suis en parfait accord avec vous. Le nombre des aires d'accueil n'est pas suffisant pour que l'on puisse accueillir dignement les gens du voyage, et les trop nombreuses installations irrégulières donnent lieu à des tensions. Le statu quo n'est donc pas possible, et le Gouvernement a décidé d'agir. Nous avons pris en compte les voeux de l'AMF et souhaité entendre aussi les gens du voyage. L'objectif est de parvenir à un équilibre satisfaisant des droits et devoirs de tous, en demandant un effort aux différentes parties : que les communes créent plus d'aires d'accueil ; que les départements accompagnent leur effort ; et que les gens du voyage respectent les installations. Quant à l'Etat, il fera son devoir en doublant sa participation financière : 70 % au lieu de 35 %. Ce projet vise aussi à créer une contribution à la gestion des aires d'accueil, sur le modèle de l'allocation de logement temporaire. De la sorte, la réalisation de telles aires sera plus facile et leur gestion, améliorée. Comme vous le savez, le Parlement a décidé d'examiner ce texte dès les premiers jours de juin. Je remercie les parlementaires qui, comme vous, se sont investis dans ce débat délicat. Ensemble, nous ferons en sorte qu'il aboutisse rapidement à des mesures positives (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de M. Forni. PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI vice-président RAPPEL AU RÈGLEMENT M. José Rossi - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58, alinéa premier ! Je regrette qu'aujourd'hui se soit répétée une situation qui s'est déjà produite la semaine dernière mais il semble que, chaque fois qu'on évoque les douloureux événements de Corse, certains veuillent systématiquement mettre en cause, personnellement, l'élu de l'île que je suis. Les questions que posent les représentants de la nation doivent recevoir des réponses à la mesure des problèmes soulevés. Cependant, Mme le garde des Sceaux a, je crois, répliqué comme il fallait aux interpellations -"Monsieur Rossi, Monsieur Rossi !"- lancées par les députés de gauche. A la question de savoir qui avait donné à M. Féraud l'autorisation de reconstruire la paillote incendiée, elle a en effet répondu que c'était le préfet Bonnet, au travers de la DDE. La décision venait donc de celui qui avait mis le feu ! Je souhaiterais qu'il soit pris acte de cette information et de ce que je n'ai moi-même effectué aucune intervention à l'appui de la demande du propriétaire. M. le Président - Plutôt que d'un rappel au Règlement, il s'agit d'un fait personnel, qui eût dû être renvoyé en fin de séance. Je comprends cependant les exigences de notre emploi du temps à tous et je vous donne donc acte de votre propos.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi créant le Conseil national des communes "Compagnon de la Libération". M. le Président - Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée. M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants - La création d'un établissement public des villes "Compagnon de la Libération" est une décision d'importance, arrêtée en conseil des ministres le 18 juin 1997 afin de perpétuer l'Ordre de la Libération en dépit de la disparition progressive des titulaires. La nation devait préserver une institution qui est pour la République tout un symbole : il faut que, demain, nous puissions continuer de témoigner de notre respect et de notre reconnaissance à celles et à ceux qui, à un moment difficile de notre histoire, se sont mis au service des valeurs communes, sacrifiant leur destin individuel au destin collectif. Ce projet vise à permettre ce devoir de mémoire en transmettant en quelque sorte le flambeau aux villes "Compagnon de la Libération", assurées d'une survie refusée aux hommes. Le Gouvernement et la République ne peuvent que se féliciter d'un texte qui nous a tous rassemblés, quelles que soient nos options politiques. Il nous a permis de dépasser nos engagements personnels pour servir les intérêts supérieurs de la France et préserver le devoir de mémoire que remplit l'Ordre de la Libération. A cette occasion, je tiens à saluer le général Jean Simon, grand Chancelier de l'Ordre, ainsi que les compagnons de la Libération survivants. En quelques mois, nous avons fait de l'excellent travail. Je ne doute pas qu'il se conclue au mieux dans un instant et je remercie par avance tous ceux qui vont témoigner de la fidélité de la France à l'oeuvre du Général de Gaulle et à cet Ordre, qui participe de notre histoire commune et qui appelle donc solidarité et reconnaissance (Applaudissements sur tous les bancs). Mme Jacqueline Lazard, suppléant Mme Marie-Françoise Clergeau rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Mme Clergeau, empêchée, m'a demandé de la remplacer, ce que je fais avec grand plaisir. Ce projet, que l'Assemblée a adopté en première lecture, le 17 décembre dernier, a recueilli l'approbation de l'ensemble des groupes politiques, ce qui explique aisément sa forte portée symbolique. Ce texte résulte d'une réflexion engagée depuis plusieurs années par les Compagnons de la Libération : la dissolution de leur Ordre n'étant pas envisageable, il convenait d'élaborer un mécanisme juridique qui en garantisse la pérennité. Ce sera la mission d'un organisme successeur, le Conseil national des communes "Compagnon de la Libération" qui, sous la forme d'un établissement public national à caractère administratif, sera chargé de veiller à la sauvegarde de cette mémoire. Ces communes sont, je le rappelle, Nantes, Grenoble, Vassieux-en-Vercors, Paris et l'île de Sein. Le texte répond à une nécessité morale : celle de commémorer les sacrifices que certains hommes et certaines femmes ont consentis, à partir de 1940, pour libérer la France de ses occupants. On ne peut oublier cette période sombre de notre histoire à mesure que disparaissent les témoins : lors de la première lecture du projet, en décembre 1998, on comptait encore 174 titulaires de la Croix de la Libération. Le 22 mars dernier, ils n'étaient déjà plus que 167. Le texte déposé par le Gouvernement a été amélioré et clarifié par l'Assemblée en première lecture. Mme Clergeau avait présenté trois amendements en ce sens qui furent adoptés à l'unanimité, le 17 décembre. Un fort consensus politique a marqué nos débats, au sein de la commission comme en séance publique et le même état d'esprit a prévalu au Sénat, qui, lors de sa séance du 3 mars, a adopté le texte que nous avions voté en n'apportant que des modifications mineures à quatre articles -les articles 2, 4, 7 et 10- les autres étant votés conformes. A l'article 2, le Sénat a adopté deux amendements de son rapporteur, M. Neuwirth : le premier visait à ajouter au troisième alinéa que le Conseil national des communes "Compagnon de la Libération" devra agir également en vue de conserver la mémoire des médaillés de la Résistance française, ce qui ne fait qu'officialiser le rôle effectivement joué par le musée de l'Ordre, qui expose des objets de collections concernant non seulement les titulaires de la Croix de la Libération, mais également les médaillés de la Résistance française. Le deuxième amendement consistait simplement à adjoindre l'adjectif "française" au mot "résistance", au dernier alinéa. A l'article 4, le Sénat a tenu à préciser que la présidence du Conseil national était la "présidence du conseil d'administration du Conseil national" et, à l'article 7, que la commission de la Résistance française était une commission "nationale". Enfin, à l'article 10, il a préféré écrire "Conseil de l'Ordre de la Libération" pour lever toute ambiguïté. Ces cinq amendements étant purement rédactionnels, à l'exception du premier qui ne pose cependant aucune difficulté, le rapporteur a proposé à la commission, le 24 mars, de voter conforme le texte adopté par le Sénat en première lecture. En effet, ce projet ne gagnerait en rien à être à nouveau modifié à la marge. Il doit être voté définitivement dès que possible, même si son entrée en vigueur concrète ne s'effectuera pas dans l'immédiat -en effet, aux termes de l'article 10, la loi entrera en vigueur lorsque le Conseil de l'Ordre ne pourra "plus réunir quinze membres, personnes physiques", ce qui ne devrait être le cas que dans une dizaine d'années. La commission vous demande donc d'adopter en l'état le projet transmis par le Sénat (Applaudissements sur tous les bancs). M. Christian Cuvilliez - Nous ne pouvons oublier les sacrifices que des hommes et des femmes ont consenti au péril de leur vie pour la libération de la France. Il fallait donc pérenniser l'Ordre de la Libération pour garder vivante la mémoire des combattants de la Résistance. Nous sommes bien sûr favorables à ce devoir de mémoire. Néanmoins, je souhaiterais vous faire part d'interrogations que nous ont transmises les associations de Résistants, depuis la première lecture au cours de laquelle était intervenu mon ami Maxime Gremetz. Certaines s'étonnent, par exemple, qu'aucune disposition ne soit prise pour assurer la permanence de l'Ordre de la Résistance, voué naturellement à la même extinction que l'Ordre de la Libération. 50 000 Résistants, dont 20 000 à titre posthume, et une cinquantaine de communes, établissements et unités militaires sont médaillés de la Résistance. Le souhait de ces associations serait donc que le Conseil national créé par ce projet soit celui des communes "Compagnon de la Libération" et des communes médaillées de la Résistance. Ce Conseil pourrait être présidé conjointement par deux maires, l'un d'une commune titulaire de la Croix de la Libération, l'autre d'une commune titulaire de la Médaille de la Résistance. Ces anciens résistants souhaitent aussi que le musée de la Libération et le futur musée des Français libres relèvent de l'administration des musées nationaux. Ils demandent que les témoignages irrécusables dont dispose l'Ordre de la Résistance soient versés aux Archives nationales lorsqu'ils seront du domaine public. Il serait inconcevable, en effet, que les générations futures ne puissent garder le souvenir de cette période à travers les traces qu'ont laissées tous les combattants de la résistance dont l'abnégation a permis de reconstruire la France après guerre. Tous les combattants de la Résistance méritent le même hommage et le même respect que les Compagnons de la Libération, dans l'esprit de ce que fut le Conseil national de la Résistance. C'est pourquoi plusieurs associations de résistants proposent que soit précisé, à l'article 2, que l'organisation des cérémonie commémoratives se font au Mont Valérien, emblème du martyr des combattants de la Résistance. Elles estiment que tous ceux qui souhaitent rendre hommage à l'engagement et au courage des résistants doivent pouvoir, ainsi, en perpétuer le souvenir (Applaudissements sur tous les bancs). M. Robert Galley - Chacun comprendra que j'éprouve une certaine émotion à exprimer la position du groupe RPR sur le projet de loi qui doit assurer la continuité de l'Ordre de la Libération. A ce moment se pressent en foule dans ma mémoire les visages de mes compagnons disparus dans ce combat de cinq années qui maintint la France dans l'honneur et lui permit, en mai 1945, de s'asseoir à la table des vainqueurs. Nombre d'entre eux se virent décerner la Croix de la Libération à titre posthume -il y avait des officiers, des sous-officiers mais aussi de simples soldats qui sont morts sans savoir que leur nom passerait ainsi à la postérité. Je songe aussi à tous ces résistants, morts sous la torture, fusillés ou disparus en déportation qui, à l'image de Jean Moulin, n'avaient jamais abdiqué ni parlé... C'est pour eux tous qu'à Brazzaville, dès le 16 novembre 1940, le général de Gaulle créa l'Ordre de la Libération, ordre de reconnaissance et de mémoire. Le général d'armée Jean Simon, grand chancelier, avait exposé en avril 1996 qu'il fallait pérenniser l'Ordre, dont les membres disparaissent inexorablement et qui ne sont déjà plus que 167 sur les 1 036 faits Compagnons de la Libération. Ainsi, ici même, à l'Assemblée, nous ne sommes plus que deux, contre une vingtaine il n'y a pas si longtemps. Les cinq communes françaises -Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en Vercors et l'île de Sein- faites Compagnons de la Libération pour leur conduite héroïque, aux côtés de 18 unités militaires étaient évidemment les seules à pouvoir maintenir le flambeau. L'avenir de l'Ordre reposera donc sur elles. Ainsi l'impérieux devoir de mémoire sera-t-il assuré. Le Sénat a modifié le projet adopté en première lecture par l'Assemblée pour inclure dans la même structure les médaillés de la Résistance, dont le service sera assuré par le Conseil national. Initiative heureuse, puisque cette médaille créée par le général de Gaulle le 9 février 1943, a vocation à "reconnaître les actes remarquables de foi et de courage qui, en France, dans l'empire et à l'étranger auront contribué à la résistance du peuple français contre l'ennemi et ses complices depuis le 18 juin 1940". Elle a permis d'honorer 43 000 résistants et 17 communes. Rendre aux Médaillés de la Résistance française la mission de mémoire du futur Conseil de l'Ordre c'est réunir tous ceux qui ont constitué la France libre sur les théâtres d'opérations extérieurs et ceux qui, en France, dans la Résistance poursuivaient le même combat pour la liberté. Evoquant les Compagnons de la Libération, le général de Gaulle écrivait : "Votre pensée fut naguère la douceur de nos deuils. Votre exemple est aujourd'hui la raison de notre fierté. Votre gloire sera, à jamais, la compagne de notre espérance". Telle est ainsi fixée la mission de mémoire du futur Conseil national, dont nous approuvons la création. (Applaudissements sur tous les bancs) M. Alain Barrau - C'est avec une grande émotion que je prends la parole à la place de mon collègue Michel Grégoire, député du Vercors, et en présence de Michel Destot, maire de Grenoble, l'une des communes qui composent le Conseil national. Il faut dire qu'élu de Béziers, j'ai toujours eu à l'esprit l'exemple de Jean Moulin, enfant de cette ville. Au moment où nous célébrons le centenaire de sa naissance, c'est lui rendre hommage que de rappeler, comme nous le faisons, le rôle que jouèrent les Compagnons de la Libération et les Résistants pendant les heures les plus noires. C'est pourquoi, en mon nom personnel et au nom du groupe socialiste, j'apporterai mon soutien à ce texte. En adoptant le projet de loi, nous ferons en sorte de maintenir vivante la mémoire de tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour sauvegarder leur patrie mais aussi les valeurs essentielles que sont la liberté, l'égalité et la fraternité, celles qui fondent la République, celles qui font que la France a été et est encore si souvent admirée dans le monde. Il est indispensable qu'au moment où se commettent des abjections soit perpétué le souvenir de ceux qui ont dit "non" à l'inacceptable. Adopter ce projet de loi, c'est préparer l'avenir, et garantir que les valeurs républicaines incarnées par les Compagnons de la Libération et par les Résistants subsisteront après que les individus auront disparu. Un tel objectif ne peut être que rassembleur. C'est donc avec détermination et la volonté de voir se transmettre les valeurs pour lesquelles tant d'anciens ont perdu la vie que j'apporte mon soutien à ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs) M. François Goulard - Je voterai bien entendu ce texte, destiné à perpétuer la mémoire de l'Ordre de la Libération ; je le voterai avec gravité, solennité, émotion, et non sans enthousiasme. L'Ordre de la Libération avait été créé par le général de Gaulle parce qu'il croyait en la France, cette France venue, disait-il, du fond des âges, mais qui aurait pu mourir pendant les heures tragiques de 1940, si elle avait perdu son âme. Si la France n'est pas morte, c'est en partie grâce à l'appel prophétique du 18 juin, et c'est parce que quelques hommes et quelques femmes ont rejoint le général de Gaulle dans son combat. Ceux-là ont été distingués à jamais, et leur mémoire demeure, lumineuse, même lorsqu'ils ne sont plus. Ils doivent rester à jamais présents. C'est pourquoi ce texte est nécessaire (Applaudissements sur tous les bancs). M. Maurice Ligot - L'Ordre de la Libération, créé par le général de Gaulle, visait à honorer cette phalange très restreinte d'hommes et de femmes qui, dès les premières heures du combat pour la liberté, ont fait preuve d'un courage et d'une fidélité exemplaires, en prenant des risques inouïs. Souvent décorés à titre posthume, ils ont connu la gloire mais pas la récompense. Ce serait une perte démesurée que, tous les compagnons disparus, la mémoire se perde de l'action qu'ils ont menée. Il fallait, donc, la perpétuer. Le texte s'y emploie, et c'est bien. De manière opportune, le Sénat a complété les missions du Conseil national des communes "Compagnon de la Libération" en lui confiant le service de la Médaille de la Résistance. Le groupe UDF confirmera son vote de décembre en disant son accord avec le texte ainsi modifié, qui prend une signification toute particulière à quelques jours de la commémoration du 8 mai 1945 (Applaudissements sur tous les bancs). La discussion générale est close. L'ensemble du projet de loi, mis aux voix dans le texte du Sénat, est adopté (Applaudissements sur tous les bancs). M. le Président - Je me félicite de cette unanimité.
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, de six projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant l'approbation de conventions et d'accords internationaux. M. le Président - Conformément à l'article 107 du Règlement, je vais mettre aux voix, successivement, l'article unique de chacun de ces textes. M. Jean-Claude Lefort - Le groupe communiste s'abstiendra sur le projet concernant Europol. Les articles uniques des six projets de loi, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'ordre du jour appelle la discussion : du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre les parties contractantes à la Convention de Schengen et l'Islande et la Norvège, sur la suppression des contrôles de personnes aux frontières communes ; de trois projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la Suède, de la Finlande et du Danemark à la convention d'application de l'accord de Schengen sur la suppression des contrôles de personnes aux frontières communes ; d'un projet de loi autorisant la ratification d'un accord entre la France et l'Italie relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière. M. le Président - La Conférence des présidents a décidé que ces cinq textes donneraient lieu à une discussion générale commune. M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Je présenterai d'abord les quatre projets de loi qui concernent la France et ses partenaires Schengen, puis celui qui concerne, à titre bilatéral, la France et l'Italie. Avec l'adhésion, le 19 décembre 1996, du Danemark, de la Finlande et de la Suède, et l'association, à cette même date, de l'Islande et de la Norvège, à Schengen, la réalisation d'une Europe sans frontières se trouve confortée. A l'heure actuelle, la Convention d'application de l'Accord de Schengen, signée le 19 juin 1990, qui définit les principales mesures permettant aux personnes de circuler librement, est déjà mise en oeuvre par dix Etats : la France, l'Allemagne, les trois Etats du Benelux, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, l'Autriche et la Grèce. La suppression progressive des contrôles aux frontières communes entre ces Etats -sauf la Grèce qui doit faire face à une situation particulière- a été accompagnée de mesures compensatoires afin d'éviter que la libre circulation des personnes ne conduise à un déficit de sécurité. Le visa uniforme, l'harmonisation des régimes de circulation des étrangers tiers, le renforcement de la coopération policière et judiciaire entre Etats, l'établissement de principes uniformes de contrôles aux frontières extérieures et l'instauration d'un système commun d'information automatisé constituent autant de garanties de sécurité pour les parties contractantes. Ces accords permettront donc d'étendre le champ d'application de la Convention aux cinq pays nordiques. Ils distinguent "l'entrée" en vigueur de la "mise" en vigueur. Une fois entrés en vigueur avec l'achèvement des procédures nationales de ratification, les accords d'adhésion et celui de coopération ne peuvent être mis en vigueur qu'après une décision du Comité exécutif Schengen ou du Conseil réuni dans le cadre de la coopération renforcée Schengen, en constatant que ces Etats remplissent toutes les conditions préalables. Compte tenu de la préparation des pays nordiques, la mise en vigueur des accords devrait pouvoir intervenir au plus tard au cours du second semestre de l'an 2000, date prévue du rattachement de ces pays au système d'information Schengen. Conformément aux trois premiers accords, le Danemark, la Finlande et la Suède adhèrent sans restrictions à la Convention d'application. Ces trois accords fixent les modalités de mise en oeuvre du droit d'observation et du droit de poursuite transfrontalière et désignent l'autorité nationale compétente pour la transmission et la réception des demandes d'extradition. Un article prévoit par ailleurs que la coopération peut se poursuivre dans le cadre de l'Union nordique des passeports dans la mesure où elle n'entrave pas les présents accords d'adhésion. L'accord d'adhésion du Danemark précise que les dispositions de l'accord ne s'appliquent pas aux îles Féroé et au Groenland. Le statut particulier des îles d'Aland est quant à lui traité par une déclaration du gouvernement finlandais contenue dans l'accord d'adhésion de la Finlande. Conformément au quatrième accord, la Norvège et l'Islande reprennent sans restrictions toutes les dispositions de la Convention d'application de Schengen relatives à la circulation des personnes. Cet accord de coopération permet en effet d'étendre à ces deux Etats, non membres de l'Union européenne, les dispositions de Schengen et, ainsi, de préserver le principe de la liberté de circulation des personnes existant au sein de l'Union nordique des passeports. Selon les modalités d'association prévues par cet accord, la Norvège et l'Islande s'engagent à reprendre l'ensemble de l'acquis Schengen, à l'exception des dispositions de la Convention relative au transport et au contrôle des marchandises. Elles participent à toutes les instances de Schengen, peuvent y exprimer leur opinion et présenter leurs propositions mais ne disposent pas du droit de vote. Si une décision Schengen, prise après consultation de ces deux pays, n'est pas acceptée par l'un ou l'autre, cela vaut dénonciation de l'accord par cet Etat. Un article précise que les dispositions de l'accord ne s'appliquent pas aux îles du Spitzberg. L'accord de coopération contient enfin une déclaration de la Norvège et de l'Islande destinée à garantir que les conditions pratiquées par ces deux Etats en matière d'extradition ne seraient pas plus restrictives que celles qui existent entre Etats Schengen. Il s'agit donc aujourd'hui de rendre possible l'élargissement de l'espace Schengen aux cinq pays nordiques sans pour autant préjuger de la date de suppression effective des contrôles aux frontières intérieures entre ces pays et les autres Etats parties à l'Accord. Ces pays ont fourni des efforts importants pour s'adapter aux règles Schengen. J'en arrive à l'accord entre la République française et la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière. Un accord précédent, conclu le 6 décembre 1990, s'était révélé peu satisfaisant. L'évolution de la situation en matière d'immigration et les problèmes particuliers auxquels l'Italie, et avec elle toute l'Union européenne, doit faire face aujourd'hui appelait des réponses plus adaptées. C'est la raison pour laquelle un nouvel accord a été négocié et signé à Chambéry, le 3 octobre 1997. Il vise à organiser, après accord entre les autorités chargées des contrôles aux frontières, le retour sur le territoire de l'une des parties contractantes, de toute personne -ressortissant de la partie requise ou d'un Etat tiers- qui ne remplit pas ou ne remplirait plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur l'autre, ainsi que le transit sur le territoire de la partie requise d'un ressortissant d'un Etat tiers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement. Il énonce les documents permettant de prouver la nationalité des ressortissants des deux parties contractantes et ceux permettant de la présumer. Lorsque les éléments de présomption s'avèrent insuffisants, les autorités consulaires compétentes ont la possibilité de procéder à l'audition de la personne à éloigner dans un délai de trois jours à compter de la demande de réadmission, afin qu'un laissez-passer puisse être émis durant le délai légal de la rétention administrative. La réadmission des ressortissants d'Etats tiers en situation irrégulière peut intervenir directement entre autorités frontalières dans les deux cas suivants : lorsqu'il est établi qu'ils ont séjourné ou transité sur le territoire de la partie requise ou lorsqu'il apparaît qu'ils disposent d'une autorisation de séjour en cours de validité délivrée par la partie requise. Des exceptions à l'obligation de réadmission concernent notamment les personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou d'apatride ou un titre de séjour des autorités de la partie requérante, ainsi que les personnes résidant depuis au moins six mois sur le territoire de cette partie. Le présent accord comporte également certaines dispositions novatrices relatives au transit aérien ou terrestre pour l'éloignement des ressortissants d'Etats tiers. Il prévoit ainsi la possibilité de faire assurer l'escorte de l'étranger sur le territoire de la partie requise par des agents de la partie requérante uniquement ou des deux parties contractantes, l'escorte de la partie requérante étant placée dans les deux cas sous l'autorité des services compétents de la partie requise. Les agents d'escorte assurent alors leur mission en civil et sans armes. Par ailleurs, il assimile un refus d'embarquement sur le territoire de la partie requise à un refus d'embarquement sur celui de la partie requérante. Vous le voyez, cet accord s'intègre dans un dispositif que nous avons voulu le plus efficace possible et qui comprend, outre la convention de Schengen, l'accord très important qui a permis la mise en place des commissariats communs à Modane et Vintimille. Il s'agit donc d'un élément essentiel de la politique européenne en matière de contrôle et de gestion des flux migratoires. C'est bien sûr aussi un outil indispensable de lutte contre l'immigration irrégulière et contre le travail clandestin en France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. François Loncle, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Les cinq projets en discussion traduisent le pragmatisme du système Schengen. Si l'accord de coopération est une condition indispensable à la conclusion des accords d'adhésion avec le Danemark, la Finlande et la Suède, tous constituent un renforcement de la coopération Schengen. De même l'accord franco-italien s'inscrit dans la démarche de l'Union européenne tendant à sécuriser son environnement proche. Le Danemark, la Suède et la Finlande présentent des traits communs laissant présager une intégration relativement rapide à l'espace Schengen. En revanche leur appartenance commune à l'Union nordique pose un problème pratique, tant il est difficile d'envisager l'insertion d'une partie seulement des Etats signataires dans l'espace Schengen. Sans doute est-ce pourquoi le Danemark ne l'a pas rejoint plus rapidement, bien qu'il soit membre depuis longtemps de l'Union européenne. L'adhésion de la Finlande et de la Suède le 1er janvier 1995 a servi de catalyseur. Cependant, le maintien de l'Union nordique des passeports a quelque peu ralenti les négociations, même si les trois pays concernés se sont engagés à reprendre l'intégralité de l'acquis Schengen. Vous trouverez dans mon rapport écrit des indications sur le traitement particulier réservé, s'agissant du Danemark, au Groenland et aux îles Feroé, et s'agissant de la Finlande, aux îles d'Aland. La situation géographique des trois candidats -et la géographie fait l'histoire- rend leur adhésion moins délicate que celle de pays exposés à des flux de biens et de personnes plus importants, comme l'Italie ou l'Autriche. L'accord de coopération avec la Norvège et l'Islande témoigne d'une recherche par les européens de l'Union d'une solution pragmatique à un problème complexe. La géographie scandinave rend impossible de bâtir une frontière extérieure entre la Norvège et la Suède à compter du moment où ces deux pays travaillent ensemble depuis la conclusion de l'Union nordique des passeports à la fin des années 1950. S'est ainsi établie une concertation étroite et systématique sur toutes les décisions relatives au franchissement des frontières extérieures, au point que les ressortissants de l'Union nordique peuvent se déplacer d'un pays à l'autre sans pièce d'identité. On comprend donc que les trois Etats scandinaves membres de l'Union européenne n'aient pas souhaité rétablir des contrôles aux frontières communes avec l'Islande et la Norvège. De là la nécessité d'un accord auquel sont parvenus les pays de Schengen, l'Islande et la Norvège, et grâce auquel le niveau de contrôle et les habitudes de coopération nouées par ces pays au sein de l'Union nordique devraient permettre de renforcer l'efficacité de la coopération Schengen. Je souhaite que cette coopération conduise l'Islande et la Norvège à reconsidérer leur approche de l'Union européenne. Le projet tendant à autoriser la ratification de l'accord conclu à Chambéry le 3 octobre 1997 entre la France et l'Italie sur la réadmission des personnes en situation irrégulière relève d'une double préoccupation : responsabilité et efficacité. Il s'agit de fournir une méthode et une base juridique sûres pour déterminer quel Etat doit agir. Les frontières italiennes sont un sujet suffisamment sensibles pour que cet accord, qui remet à jour celui de 1990 devenu inadapté, soit particulièrement opportun. Alors que la maîtrise de l'immigration constitue pour l'Italie un défi majeur, je salue le remarquable travail accompli par les Gouvernements Prodi et d'Alema. Depuis la chute du mur de Berlin, la construction européenne a changé de nature. Ses valeurs cardinales s'appellent désormais avancée de la démocratie, libertés fondamentales, droits de l'homme et prééminence du droit en Europe. Laboratoire de la citoyenneté, Schengen a besoin de jardiniers, de mécaniciens, de tisserands. Schengen, c'est l'Europe concrète, c'est un outil toujours à perfectionner. Le système a fait ses preuves, il s'est imposé grâce à son caractère pragmatique. Sa réussite a conduit à l'exporter à l'intérieur de l'Union. Je souhaite que son esprit demeure le même. La commission des Affaires étrangères vous invite à adopter les cinq projets. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean-Claude Lefort - Le renforcement de la lutte contre le crime organisé doit préserver un minimum de principes démocratiques. C'est pourquoi nous avons exprimé des réserves sur le projet relatif à Europol, qui offre à cet organisme une quasi-immunité et l'entoure de beaucoup d'opacité. Les projets d'adhésion du Danemark, de la Finlande et de la Suède à la convention de Schengen, sont l'occasion de constater l'échec relatif du système. La croissance des infractions à la législation sur les stupéfiants montre que le principe de libre circulation des personnes profite surtout aux trafiquants, alors que les nombreuses exceptions dont il est assorti font peser sur l'étranger extra-communautaire une quasi présomption d'irrégularité. La nécessité de lutter contre le crime organisé ne doit pas conduire à mettre en cause les libertés publiques ni à une politique de l'immigration fondée sur le tout répressif. Le fichage systématique des ressortissants de pays tiers dont le séjour a été refusé dans un des pays de l'espace Schengen, est un exemple de ces dérives. Nous souhaitons une Europe ouverte, et c'est pourquoi nous ne nous opposerons pas à l'élargissement de l'espace Schengen. Mais les raisons que je viens d'évoquer et le sentiment que l'on applique le traité d'Amsterdam avant l'heure motivent notre abstention. Dans l'accord relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signé par la France et l'Italie, le titre III comporte plusieurs dispositions sur le transit et l'éloignement des ressortissants de pays tiers qui scellent certainement la qualité des relations entre les deux pays, mais qui se bornent à renforcer l'efficacité de mesures policières et judiciaires contre les personnes en situation irrégulière. La convention n'aborde pas, par exemple, la lutte contre les vrais responsables de l'immigration clandestine. Ce projet d'accord illustre la manière dont est aujourd'hui pensée la politique de l'immigration à l'échelle européenne. Il reste muet sur les nouvelles coopérations à construire entre l'Europe et les pays du sud ou les ex-pays socialistes, alors que le cas de l'Albanie concerne particulièrement l'Italie. Cinquante ans après leur déclaration universelle, les droits de l'homme doivent être pleinement établis et respectés. Vous comprenez que nous nous abstenions, comme nous nous abstenons aussi sur la convention Islande-Norvège. M. Pierre Lequiller - Ces différents accords nous montrent une fois de plus que l'Europe se construit de manière pragmatique. Il s'agit, de façon classique, d'autoriser l'approbation d'actes d'adhésion aux accords de Schengen de la Suède, du Danemark et de la Finlande : ainsi l'espace Schengen se trouve-t-il quasiment élargi aux frontières de l'Union. La France, l'Allemagne et les pays du Benelux, initiateurs en 1985 de cet espace sans frontières intérieures, se sont vu rejoindre depuis par l'Italie en 1990, l'Espagne et le Portugal en 1991, la Grèce en 1992 et l'Autriche en 1995. Avec ces trois pays scandinaves, l'Union se trouve pratiquement recomposée au sein de Schengen, puisqu'il ne manque plus que le Royaume Uni et l'Irlande. Nous souscrivons d'autant plus à cette ratification que les trois nouveaux Etats disposent d'une tradition de contrôle efficace de leurs frontières extérieures, contrôle qu'ils ont encore renforcé dans la perspective de leur intégration à l'espace Schengen. Ils ont mis au service de la sécurité intérieure d'importants moyens humains et matériels, et adopté des législations sévères en matière de lutte contre l'immigration illégale et le trafic des stupéfiants. Ces Etats seront donc techniquement prêts pour l'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions Schengen, lorsqu'au deuxième trimestre de l'an 2000, ils seront rattachés au SIS, réseau informatique commun recensant les personnes ou objets recherchés par les polices des Etats signataires, et qui fonctionnent à présent de façon satisfaisante. En outre, les actes d'adhésion de ces trois pays ne comportent pas de clauses restrictives -l'ensemble des acquis de Schengen est repris. Du point de vue juridique, rien ne fait donc obstacle à la ratification de cet accord, qui se place dans la logique du traité d'Amsterdam. Néanmoins, elle a été étendue à la Norvège et l'Islande, qui ne font pas partie de l'Union européenne : les trois membres de l'Union concernés ont en effet lié leur adhésion à Schengen au respect de l'accord qu'ils ont conclu en 1957 avec la Norvège et en 1965 avec l'Islande au sein de l'Union nordique des passeports. Nous comprenons le souhait de la Suède, du Danemark et de la Finlande que leur adhésion à Schengen ne conduise pas à rétablir des contrôles frontaliers avec la Norvège et l'Islande, et cela d'autant mieux qu'à certains égards l'UNP va plus loin que les accords de Schengen -les ressortissants des pays nordiques n'ont pas besoin de pièces d'identité lorsqu'ils se déplacent d'un pays à l'autre, alors que la suppression des contrôles aux frontières de l'espace Schengen ne met pas un terme à l'exercice des compétences de police par les autorités compétentes, ni aux obligations de détenir un document. Par ailleurs, la Norvège et l'Islande reprennent l'intégralité de l'acquis et acceptent la primauté des dispositions Schengen. Ils sont également associés, mais sans droit de vote, à l'élaboration des futures dispositions. Nous ne méconnaissons pas les risques particuliers soulevés par l'extension de certains trafics à partir de la Russie, avec laquelle la Finlande partage des frontières communes. Néanmoins ces risques paraissent mieux maîtrisés depuis la conclusion d'accords bilatéraux entre la Finlande, la Russie et l'Estonie pour la lutte préventive contre le crime organisé et le trafic de stupéfiants. Nous devrons de toute façon nous attacher à ces problèmes dans la perspective de l'élargissement de l'Union à certains pays de l'Europe centrale et orientale. Le groupe Démocratie libérale considère que les accords de Schengen sont l'une des pierres angulaires de la construction européenne, car ils sont au confluent de deux droits inaliénables des citoyens européens : la libre circulation des personnes et le droit à la sécurité. Nous sommes particulièrement attachés au développement des coopérations judiciaires, policières et douanières entre les Etats membres. Le système Schengen a connu un certain nombre de difficultés. Mais les cinq nouveaux Etats pratiquent depuis longtemps ces coopérations renforcées, ils ne seront donc pas une source de problèmes, alors que l'Italie et la Grèce peinent encore à contrôler efficacement leurs frontières extérieures, très vulnérables aux flux migratoires clandestins. Chacun se rappelle les remous provoqués par la régularisation italienne de clandestins en novembre dernier, qui avait mis en lumière le manque de coordination entre Etats européens sur ce sujet sensible. C'est dire que, malgré les accords de Schengen, les frontières intérieures ne peuvent être laissées sans surveillance, et que la coopération bilatérale en matière policière et douanière est pleinement justifiée. Nous saluons en particulier l'accord récent passé entre la France et l'Italie, d'autant plus que notre frontière commune demeure un sujet de préoccupation, l'Italie restant confrontée à une forte pression migratoire des Balkans et de l'Afrique du Nord. Cet accord met en place de véritables centres de coopération policière et douanière, et il contribuera à créer des habitudes de travail en commun. Le groupe Démocratie libérale votera donc la ratification de ces accords, qui vont dans le sens d'une Europe plus soucieuse de sa sécurité et de celle de ses citoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). M. Henri Sicre - Nous sommes saisis d'abord de trois accords d'adhésion à l'espace Schengen passés avec la Suède, la Finlande et le Danemark. Le groupe socialiste se réjouit de l'adhésion de ces trois Etats membres de l'Union européenne, car elle permettra d'étendre l'espace communautaire de libre circulation des personnes. Ces trois Etats étant également membres de l'Union nordique des passeports, avec la Norvège et l'Islande, ont d'ailleurs une tradition de la libre circulation, accompagnée d'une législation rigoureuse en matière de lutte contre l'immigration illégale et contre le trafic de stupéfiants. L'élargissement signifie l'extension de la zone de libre circulation des personnes aux portes de la Russie, la Finlande ayant plus de 1 300 km de frontière avec ce pays. Mais cela ne devrait pas constituer une difficulté énorme pour l'Union, puisque la Finlande a su gérer cette frontière avec succès. L'accord avec l'Islande et la Norvège représente une nouveauté juridique car la convention de Schengen ne prévoyait pas l'adhésion d'Etats extérieurs à l'Union européenne. Cet accord résulte du souhait légitime de la Finlande, de la Suède et du Danemark de ne pas rompre leurs relations de libre circulation avec la Norvège et l'Islande, et donc de maintenir l'Union nordique des passeports. Il était normal de répondre favorablement à une telle demande, dans l'esprit de compréhension et de solidarité qui doit animer les Etats membres de l'Union européenne. Les deux Etats en question reprendront l'acquis et pourront participer aux instances de Schengen sans droit de vote. De plus, en cas de problème, les accords Schengen auraient la primauté. Au vu de tous ces éléments, le groupe socialiste approuve naturellement ces accords, car il a toujours souhaité un espace de sécurité et de justice. Le traité d'Amsterdam a entraîné une ventilation de l'acquis de Schengen entre le pilier communautaire -c'est-à-dire le nouveau titre sur l'immigration, l'asile et les visas- et le troisième pilier pour les dispositions relatives à la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Ce sujet, sous ses apparences techniques, est éminemment politique. Sans la volonté politique des Etats membres, et de la France en particulier, de vouloir coopérer plus étroitement, les Etats seraient restés renfermés sur eux-mêmes. La lenteur avec laquelle la libre circulation des personnes a été mise en oeuvre souligne la nécessité d'une impulsion politique pour réaliser pleinement cette liberté. Seule la solidarité entre les Etats membres peut permettre de lutter efficacement contre des problèmes communs comme le terrorisme, l'immigration illégale, le trafic de stupéfiants, et donc apporter une meilleure protection à nos concitoyens -les socialistes en ont toujours été convaincus. Ce travail doit être poursuivi, et vous y travaillez, avec vos collègues de l'intérieur et de la justice comme avec vos homologues européens. Il faut encore harmoniser par le haut certaines dispositions, comme le droit d'asile ou l'octroi des visas de longue durée. Le laboratoire Schengen n'a cessé d'accueillir de nouveaux membres, tel un club qui s'agrandit -ce qui prouve que l'expérience a réussi. Malgré l'intégration des acquis de Schengen dans le corps du traité, deux Etats membres se sont encore maintenus à l'écart. Mais nous ne désespérons pas de voir bientôt le Royaume-Uni et l'Irlande intégrer cet espace de liberté, de sécurité et de justice (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Robert Pandraud - Le groupe RPR votera lui aussi ces accords. Après tout, Schengen est un système ancien, qui s'est révélé très positif. Peut-être parce que son application fut lente, son périmètre élargi de façon progressive, sa philosophie étant empirique. Il est souhaitable que la Suède, la Finlande et le Danemark, qui sont des Etats traditionnellement bien gouvernés, entrent dans le périmètre de Schengen, et que l'Islande et la Norvège, par un accord d'association, continuent à bénéficier des mêmes avantages qu'auparavant. L'accord franco-italien constitue aussi un progrès. Cependant, pourquoi, au moment même où l'on sanctifie Schengen, passer à un autre système ? C'est certes prévu dans le traité d'Amsterdam, dont la ratification a été votée. Mais l'Islande et la Norvège vont-elles pouvoir obtenir un statut d'observateur au sein des organes européens, comme ce sera le cas au sein du comité Schengen ? La coopération entre Etats fonctionnait parfaitement. Que se passera-t-il quand seule la Commission européenne pourra formuler des propositions ? Vous nous demandez, Monsieur le ministre, de ratifier des accords qui sont déjà périmés. Vous avez certes d'excellents juristes au Quai d'Orsay, capables de trouver des astuces. Mais quid de la Cour européenne de justice ? Ne risque-t-on pas d'entrer dans une période d'insécurité juridique ? Je songe au problème de la chasse. Nous votons des lois contraires aux directives communautaires, si bien qu'après l'intervention de la Cour européenne de justice, c'est le contribuable français qui paie le droit de chasse... Au lieu de revoir l'organisation institutionnelle européenne, comme il était prévu, nous nous sommes contentés d'intégrer les acquis de Schengen dans le traité d'Amsterdam. Plaise à Dieu que cela marche. Vous l'avez compris : résolument conservateur, je ne comprendrai jamais qu'on change un système qui marche bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) La discussion générale commune est close. M. le Président - J'appelle maintenant le vote des articles uniques des projets autorisant la ratification des cinq accords. Les articles uniques des cinq projets, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'ordre du jour appelle la discussion de quatre projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification d'accords de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et, respectivement la Géorgie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, l'Ouzbékistan et d'un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre la France et l'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation. M. le Président - La Conférence des Présidents a décidé que ces cinq textes donneraient lieu à une discussion générale commune et qu'ils seraient discutés selon la procédure d'examen simplifiée dans les conditions prévues à l'article 106 du Règlement. Mme Bernadette Isaac-Sibille, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Je commencerai par l'accord entre la France et l'Azerbaïdjan, le premier que nous signons avec ce pays, qui a conservé de son ancienne appartenance à l'Union soviétique une réglementation de la circulation des personnes trop restrictive pour favoriser le renforcement de la présence française. La France a donc demandé l'ouverture de négociations, qui ont abouti à cet accord de libre circulation, signé le 14 janvier 1997 à l'occasion d'une visite officielle. Il y a trois ans encore, l'Azerbaïdjan semblait un pays moribond ; miné par ses divisions, déstabilisé par sa défaite devant l'Arménie, il avait des difficultés à se défaire de son héritage soviétique. Notre politique en Azerbaïdjan était peu audacieuse. Nous étions, il est vrai, handicapés par notre position ouvertement pro-arménienne. Je souhaite qu'Arméniens et Azéris surmontent leur rivalité, qui repose sur une série de malentendus, et que la France joue à l'avenir un rôle important en Azerbaïdjan. Dans ce pays prometteur, on ne compte encore que quarante Français, dont un tiers font partie du personnel diplomatique, pour 1 500 Américains et 2 500 Britanniques. Nous y exportons des produits pharmaceutiques et cosmétiques ainsi que des poulets congelés. Il existe des projets d'investissement, en particulier dans le secteur pétrolier, mais les investisseurs se plaignent de l'absence de données statistiques. Grâce à cet accord, nos ressortissants pourront circuler sans restriction à l'intérieur de l'Azerbaïdjan. Leur entrée pourra être soumise à l'obtention du visa, comme nous le faisons pour les ressortissants de l'Azerbaïdjan. La commission vous demande de voter ce projet de ratification. Nous examinons aussi quatre projets, très semblables, autorisant la ratification d'accords de partenariat et de coopération entre les communautés européennes et la Géorgie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et l'Ouzbekistan. Suite à la dislocation de l'URSS, le Conseil européen a adopté en 1992 des directives de négociation qui ont conduit à la signature de plusieurs accords avec les républiques de la Communauté des Etats indépendants. Ces accords sont l'expression de la solidarité européenne, dont les anciens pays socialistes, l'actualité le montre, ont le plus grand besoin. L'article premier de chaque accord fixe un cadre au dialogue politique et expose les objectifs recherchés : soutenir l'effort de ces pays vers la démocratie et l'économie de marché -j'aurais d'ailleurs préféré "l'économie sociale de marché"-, promouvoir les échanges et les investissements ainsi que des relations économiques harmonieuses et jeter les bases d'une coopération dans les domaines législatif, économique, social, financier, scientifique, civil, technologique et culturel. Ces objectifs sont donc ambitieux. La défense des droits de l'homme revêt une importance particulière en Ouzbekistan, le Gouvernement de ce pays, qui redoute la restauration de l'empire soviétique, ayant fait de la défense de l'indépendance nationale sa priorité. L'Ouzbekistan ne compte d'ailleurs pas reconduire le traité qui le lie à la CEI, estimant que cette communauté ne s'est pas montrée capable de garantir la stabilité de la région. Il s'agit là d'une position courageuse. Ces accords visent aussi à renforcer la stabilité des Etats de Transcaucasie par l'institution d'un dialogue politique -encore embryonnaire-, la libéralisation des échanges commerciaux et la coopération dans de nombreux domaines législatif, économique, culturel -en particulier avec l'Arménie et l'Azerbaïdjan-, défense des droits de l'homme, prévention des actes illégaux et contrôle de l'immigration clandestine. Je souhaite que la coopération porte aussi sur les droits de l'enfant, au sens de la convention de l'ONU du 20 novembre 1989 : sans être cités explicitement dans les accords, les droits de l'enfant font partie des droits de l'homme. La coopération sera aussi financière. D'ailleurs, 220 millions d'écus ont déjà été consacrés à ces quatre pays. Notre ambition est donc double : soutenir le processus de transition et associer ces pays à la construction européenne. C'est pourquoi je vous invite à adopter ces quatre projets, en insistant sur la nécessité de bien prendre en compte les impératifs culturels, sociaux et familiaux d'un développement harmonieux et humaniste de ces peuples. En conclusion, à la lumière de ces événements qui ont conduit à suspendre les procédures d'adoption avec le Vietnam, j'émettrai le voeu que tous les accords signés par la France et par la Commission européenne invitent les pays concernés à ratifier la convention des droits de l'enfant et les accords de La Haye sur l'adoption. Si tel était le cas, nous donnerions un nouveau témoignage de notre attachement au développement de chaque être humain ! (Applaudissements sur tous les bancs) M. René André - Par ces accords conclus avec trois Etats du Caucase, -l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie, et un pays d'Asie centrale, l'Ouzbékistan-, l'Union européenne se propose d'aider ces quatre pays membres de la CEI à consolider, parfois à amorcer, leur démocratisation, leur transition vers l'économie de marché et leur insertion dans l'économie mondiale. Ainsi s'accroîtra un groupe déjà constitué de la Russie, de l'Ukraine et de la Moldavie, en attendant que d'autres accords soient signés avec le Kazakhstan et la Kirghizie, celui qui concerne le Turkménistan l'ayant été le 25 mai dernier. Ces quatre accords s'inscrivent dans un processus de partenariat lancé depuis 1991 et témoignent de la volonté qu'a l'Union d'aider à la réunification du continent européen. Ces quatre pays ont bien sûr leur spécificité, qui tient à une histoire riche, mais leur position stratégique en fait des partenaires indispensables, du point de vue économique comme pour la sécurité et la stabilité européennes. Et tous aspirent à se rapprocher de l'Europe. Très schématiquement, ces accords visent à instaurer un dialogue politique, à faciliter des engagements commerciaux sans prévoir toutefois la création d'une zone de libre-échange, et à approfondir la coopération. Le rapporteur de la commission des affaires étrangères du Sénat a parlé à juste titre d'une "ambition pédagogique" de l'Union à propos de l'assistance technique organisée dans le cadre d'une coopération variée ainsi que du programme TACIS auquel la France a consacré près de trois milliards entre 1991 et 1998. Les trois Etats du Caucase doivent relever de graves défis, internes ou régionaux. La Géorgie, qui est tout récemment devenue le 141ème pays membre du Conseil de l'Europe, est toujours confrontée à deux séparatismes : celui de l'Ossétie du Sud et celui de l'Abkhazie. Des négociations sur le futur statut de ces deux provinces, aujourd'hui bloquées, dépendent pourtant le futur statut global du pays, fédération ou confédération, ainsi que les rapports avec la Russie, déjà difficiles. Quant à l'Arménie, le conflit du Haut-Karabakh qui l'oppose à l'Azerbaïdjan hypothèque grandement son avenir économique dans la mesure où il décourage les investissements étrangers. L'Azerbaïdjan est certainement le pays du Caucase qui dispose du potentiel économique le plus élevé, mais l'atout que représentent les gisements de pétrole de la mer Caspienne est amoindri en raison aussi du conflit du Haut-Karabakh. Enfin, l'Ouzbékistan connaît une transition difficile vers la démocratie et l'économie de marché. Sous le bénéfice de ces observations, le groupe RPR est favorable à la ratification de ces quatre accords de partenariat et de coopération. Je voudrais pour finir évoquer en quelques mots l'accord relatif à la liberté de circulation, signé entre la France et l'Azerbaïdjan le 14 janvier 1997. Ce traité est avant tout une marque d'encouragement et un moyen de faciliter la conclusion de conventions économiques et de susciter l'intérêt des investisseurs français pour l'Azerbaïdjan. Le groupe RPR est, par conséquent, tout à fait favorable à sa ratification. M. Jean-Paul Mariot - Le groupe socialiste va bien entendu voter la ratification de ces accords de partenariat et de coopération, ainsi que l'accord franco-azerbaïdjanais sur la liberté de circulation. Je ne reviendrai pas sur la teneur de ces textes, le rapporteur en ayant fait une présentation écrite et orale exemplaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). En revanche, au nom de mon groupe, je souhaite faire quelques remarques à propos de leur contexte. Pourquoi renforcer nos liens contractuels et ceux de l'Europe avec des pays aussi lointains, par leur géographie comme par leur histoire ? Ces pays nouveaux, hier partie de l'Union soviétique, attendent notre solidarité. L'Europe, la France la leur doivent, pour des raisons d'éthique évidentes. Obligés à une difficile reconversion économique et politique, ils ont besoin qu'on les aide à passer ce cap. Nous avons expérience et savoir-faire, pourquoi ne pas les partager ? Cela relève d'un devoir de solidarité envers les peuples. Notre intérêt nous pousse également à une coopération active. Ces pays sont dotés de ressources non négligeables et les Etats-Unis, le Japon, la Corée, la Turquie l'ont bien compris : leurs entreprises sont présentes à Erevan, Tbilissi, Bakou et Tachkent. Comment ne pas se féliciter que les responsables européens et français suivent le même chemin ? A cela s'ajoutent des considérations géopolitiques. Ces pays sans tradition démocratique, sans expérience du compromis négocié connaissent de fortes tensions sociales ou ethniques. Il convient de nous prémunir contre des dérives dramatiques comme celles que connaît l'ex-Yougoslavie et de favoriser la consolidation dans cette région d'Etats démocratiques soucieux de développement et de coopération régionale. Les présents accords y contribuent. Mais il faut aller au-delà et je souhaiterais vous poser, Monsieur le ministre délégué, deux questions. La première concerne l'Arménie et l'Azerbaïdjan. La France, membre du groupe de Minsk, est directement engagée dans la recherche d'un compromis entre ces deux pays amis. Ces négociations ont-elles avancé ? Ma seconde question porte sur l'ancien extrême-orient soviétique, l'Ouzbékistan et ses voisins, dont beaucoup connaissent une situation troublée. La France, l'Europe ont-elles un schéma de sécurité collective et de développement à proposer pour garantir la stabilité dans cette région ? Songez, Monsieur le ministre délégué, que c'est ici un parlementaire franc-comtois qui interroge un ministre franc-comtois, avec l'aveu d'un président franc-comtois ! (Sourires, applaudissements sur tous les bancs) M. le Président - Nous allons bientôt nous sentir entre nous ! (Sourires) M. Pierre Lequiller - Ces accords visent à instaurer entre l'Union européenne et les quatre pays concernés des relations rénovées, garantes d'un développement du dialogue politique, des échanges commerciaux et surtout d'une coopération technique variée. A travers ce partenariat, l'Union montre sa volonté d'aider ces jeunes Etats à consolider ou, à tout le moins, à amorcer leurs progrès démocratiques et économiques, malgré des situations difficiles. Bien que les séparatismes persistent, la Géorgie bénéficie de la stabilité politique. Depuis son accession au pouvoir en 1992, le président Chevardnadze est parvenu à restaurer un Etat, après l'anarchie qui avait présidé au retour de l'indépendance. De nouvelles institutions ont été installées dans le cadre d'un régime présidentiel fort, qui n'a cependant pas empêché l'émergence du pluralisme. Cela étant, l'avenir de cet Etat dépendra beaucoup de l'issue qui sera ou non trouvée en Ossétie du sud et en Abkhazie. Du point de vue économique, à une grave récession a succédé une croissance vigoureuse, de 9 % en 1997. En Arménie, la prospérité passe par le règlement du conflit au Karabakh. En 1992 et 1993, le pays est intervenu victorieusement contre l'Azerbaïdjan mais la négociation sur ce dossier, menée dans le cadre de l'OSCE sous l'égide du "groupe de Minsk", coprésidé par la France, la Russie et les Etats-Unis, se poursuit dans des conditions fort difficiles. Or ces tensions mettent en danger l'avenir économique de l'Arménie, qui a besoin d'investissements étrangers. Cela étant, ce pays a fait le choix d'une rigueur économique accrue, de la lutte contre la corruption et il poursuit les réformes dictées par les institutions internationales. L'Azerbaïdjan, également affaibli par le conflit du Karabakh, mise sur ses richesses pétrolières. La découverte de gisements en mer Caspienne peut en effet faire de ce pays un producteur important au cours de la prochaine décennie. Depuis 1996, le pays renoue avec la croissance, qui aurait atteint 8 % en 1998. Sur le plan intérieur, si le président Aliev est parvenu à mettre un terme à l'instabilité politique et à jeter les bases minimales d'un Etat de droit, les irrégularités qu'ont entaché sa récente réélection portent une sérieuse ombre au tableau tout comme la persistance de réseaux claniques dans la distribution du pouvoir et de l'argent. Tout autre est la situation de l'Ouzbékistan, qui connaît une transition difficile vers la démocratie et vers l'économie de marché. Dans ce pays, un pouvoir présidentiel autoritaire s'appuie sur une nomenklatura héritée de l'ancien régime et sur des allégeances régionales. Les partis d'opposition sont interdits et le pouvoir contrôle la presse et les élections. Cette emprise du pouvoir sur la société, l'exaltation de l'identité nationale et la réticence face aux changements font s'interroger sur l'évolution d'un pays qui dispose pourtant d'atouts non négligeables. Pour l'heure, la lenteur des réformes est un obstacle à l'essor du pays. La coopération que l'Union européenne souhaite engager avec ces quatre Etats s'appuie sur le programme TACIS d'assistance technique. Elle est d'abord d'ordre législatif, mais elle est également économique et culturelle, sans que l'apprentissage de la démocratie et des droits de l'homme soit pour autant négligé. Un titre spécifique est consacré à la coopération dans la prévention des activités illégales et sans le contrôle de l'immigration clandestine. Créé en 1991, le programme TACIS prend la forme d'une assistance technique aux réformes économiques et couvre les frais des fournitures nécessaires à la mise en oeuvre de cette assistance. Les crédits peuvent être affectés aux investissements dans les infrastructures transfrontalières et aux prises de participation dans les petites et moyennes entreprises, ce qui favorise la coopération industrielle et la création d'entreprises conjointes. Avec 3,2 milliards d'écus engagés entre 1991 et 1997, TACIS fait de l'Union européenne le premier fournisseur d'assistance technique à l'ex-URSS. La contribution de la France à ce programme a été de 450 millions d'écus entre 1991 et 1998. L'importance de la stabilité économique de cette région n'étant pas à démontrer, puisqu'elle déterminera le progrès politique, il est essentiel que les présents accords entrent en vigueur le plus rapidement possible. Le groupe démocratie libérale soutiendra donc l'effort de l'Union et votera en faveur de ces accords. M. René André - Très bien ! M. le Président - La discussion générale est close. M. le Ministre délégué - Je tiens à féliciter Madame le rapporteur, dont la présentation très complète, a mis l'accent sur les aspects essentiels des accords, en les replaçant dans leur contexte. La fin de la guerre froide imposait d'instituer avec les Etats nouvellement indépendants un partenariat global. Les communautés européennes ont donc choisi une voie médiane entre l'accord commercial classique et l'accord d'association, qui implique, avant d'être signé, de profondes réorganisations dans les pays tiers. J'ai pris note de votre souhait de voir intégrées à ces accords des dispositions relatives au respect des droits des enfants. Je vous rappelle que les différents textes comportent un très important volet relatif aux droits de l'homme. Il s'agit d'une clause suspensive, si bien que l'Union pourra décider de suspendre son aide si elle estime qu'un accord est violé sur ce point. M. Lequiller a insisté avec raison sur la nécessité de contribuer à la stabilité d'une région où des tensions subsistent. C'est, en effet, un élément déterminant. M. Mariot a fait valoir que les pays concernés par ces accords n'étaient pas en Europe. C'est un fait, mais ce sont nos voisins immédiats, et nous devons veiller à la stabilité d'une région si proche. L'Europe se doit d'anticiper les crises, l'actualité ne nous le montre que trop. C'est pourquoi le groupe de Minsk continue ses travaux. Il s'est fixé plusieurs objectifs : rétablir l'équilibre au Haut-Karabakh, trouver une issue pacifique au conflit, permettre aux 100 000 réfugiés d'Azerbaïdjan de retrouver leur foyer, obtenir pour le Haut-Karabakh un statut sûr, garanti par la communauté internationale. Je remercie tous les orateurs qui, en participant au débat, ont manifesté un large soutien à la ratification de ces accords. (Applaudissements sur tous les bancs) Mme la Rapporteur - Si j'ai insisté comme je l'ai fait sur le respect des droits des enfants, c'est que nous avons constaté, à l'occasion de la commission créée à l'initiative du président de notre Assemblée, que la France pourrait être condamnée à ce titre ! D'autre part, n'est-il pas intolérable qu'un Etat se permette d'envoyer au combat des enfants de 12 ans ? N'a-t-on pas dû suspendre récemment un accord avec le Viêt-nam en matière d'adoption, faute, pour les autorités de ce pays, d'avoir pris les mesures découlant de la convention de La Haye ? Il m'apparait indispensable de spécifier, dans toutes les conventions internationales, que s'impose le respect des droits "des hommes, des femmes et des enfants". M. le Président - J'appelle maintenant le vote des articles uniques des projets autorisant la ratification des cinq accords. M. Alain Barrau - Je saisi l'occasion qui m'est donnée de pouvoir expliquer mon vote pour réaffirmer le soutien du groupe socialiste à l'ensemble de ces textes mais aussi pour insister sur ce qui devrait être une application utile du programme Tacis, dans le droit fil de l'action que mène le Président Forni à la tête de la délégation du Bureau chargée des affaires internationales. L'Assemblée a déjà engagé un partenariat avec certains parlements du Caucase. Ainsi, des fonctionnaires parlementaires participent au développement d'une coopération bienvenue, et des contacts existent entre les parlementaires eux-mêmes. Mais il faut faire davantage encore, car les enjeux sont considérables ; il y va de la démocratisation effective de ces jeunes Etats. Des ressources supplémentaires, financières et humaines, devraient être dégagées, ce qui donnerait corps à l'idée que la coopération voulue n'est pas seulement commerciale et économique, mais qu'elle doit s'appuyer sur des échanges culturels et sociaux réels (Applaudissements sur tous les bancs). M. le Président - Vos propos me confortent dans l'idée qu'il faut renforcer les liens entre le Parlement français et ses homologues. Nous y veillerons. Les articles uniques des cinq projets, successivement mis aux voix, sont adoptés. La séance, suspendue à 18 heures 15, est reprise à 18 heures 20 sous la présidence de M. Cochet. PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET vice-président L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant création de l'Autorité de régulation et de contrôle de l'environnement sonore aéroportuaire. Après l'art. L. 227-4 du code de l'aviation civile M. Francis Delattre - L'amendement 5 est défendu. M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur de la commission de la production et des échanges - La commission a émis un avis défavorable car l'Autorité de régulation n'a pas vocation à se prononcer sur un problème d'aménagement du territoire. De plus, la loi sur l'aménagement du territoire, qui est en cours d'examen, remplace les schémas sectoriels tels le schéma national aéroportuaire par deux schémas multimodaux de services collectifs, l'un pour les voyageurs, l'autre pour les marchandises, ce que semble ignorer l'auteur de l'amendement. M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Même analyse, même conclusion : rejet. M. Francis Delattre - Il me semble tout de même que cette Autorité de régulation pourrait donner son avis sur, par exemple, la nécessité d'un troisième aéroport dans le Bassin parisien. Mais compte tenu de l'engagement pris par le ministre ce matin, à savoir qu'une décision sera prise avant la fin de l'année, je peux retirer l'amendement. Art. L. 227-5 du code de l'aviation civile M. le Rapporteur - L'amendement 90 de M. Cochet est satisfait par l'adoption de l'amendement 25, ce matin. M. le Président - Il tombe, donc. Mme Yvette Benayoun-Nakache - L'amendement 113 rectifié de M. Cohen tend à ce que des études puissent être confiées par l'Autorité de régulation à des associations agréées de protection de l'environnement. M. le Rapporteur - Avis favorable. M. le Secrétaire d'Etat - Je souhaite que cet amendement soit retiré, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable car l'Autorité que nous créons est indépendante et est donc libre de confier des études aux prestataires de son choix, qu'il s'agisse ou non d'associations de protection de l'environnement. Mais en même temps, elle doit respecter les règles relatives à la commande publique, règles dont l'amendement semble vouloir l'affranchir. L'amendement 113 rectifié, mis aux voix, est adopté. Art. L. 227-6 du code de l'aviation civile M. le Rapporteur - L'amendement 26 supprime une phrase inutile. L'amendement 26, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. Art. L. 227-8 du code de l'aviation civile M. le Rapporteur - Pour l'indépendance de la nouvelle Autorité, il vaut mieux qu'elle soit composée de fonctionnaires en détachement. M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. L'amendement 27, mis aux voix, est adopté. L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté. Mme Yvette Benayoun-Nakache - Avec cet article, la création de commissions consultatives de l'environnement devient de droit pour les neuf principaux aérodromes français : Orly, Roissy, Nice, Marseille, Toulouse, Lyon, Mulhouse, Bordeaux, Strasbourg. Actuellement, aux termes de la loi du 11 juillet 1985, elle n'était de droit que sur demande d'une commune dont une partie du territoire était couverte par un plan d'exposition au bruit. Ces commissions sont désormais composées pour un tiers de représentants des professions aéronautiques, pour un autre, de représentants des collectivités locales, pour le dernier, de représentants d'associations de riverains et d'associations de protection de l'environnement et du cadre de vie. Leurs missions sont étendues puisqu'elles pourront dorénavant émettre, de leur propre initiative, des recommandations sur toute question relative aux incidences sonores de l'exploitation et de l'aménagement. Elles peuvent saisir l'Autorité indépendante pour tout ce qui concerne le respect par les différentes parties de leurs engagements en matière de maîtrise des nuisances sonores. Enfin, pourquoi ne pas imaginer de reverser aux associations de riverains le produit des amendes ? M. Jacques Myard - Je m'exprime également au nom de M. Masdeu-Arus. L'augmentation du trafic aérien sur les principaux aéroports de Paris et aussi celle des vols de nuit provoquent de graves nuisances sonores. Les riverains n'en sont pas seuls victimes. Environ 3 millions de personnes en France souffrent de ce phénomène, qui revêt une gravité particulière dans le département des Yvelines, avec l'invention de la route aérienne Mosud, qui conduit depuis quelques années au survol de nombreuses communes de l'Ouest parisien. 35 communes des Yvelines se sont regroupées dans un comité pour la réduction des nuisances sonores, dont les conséquences sur la santé sont avérées, et aussi sur l'économie, en raison de la baisse de valeur des biens immobiliers. La réglementation actuelle demeure insuffisante, et il y a bien longtemps, à Orly et à Roissy, que les commissions consultatives de l'environnement ne se sont pas réunies. C'est dire que nous sommes à peu près d'accord sur votre projet, que M. Masdeu-Arus et moi proposerons d'amender pour en renforcer l'efficacité. Outre la création de la nouvelle route Mosud à Roissy, je signale que les vols de nuit sont insuffisamment réglementés au Bourget. Des mesures, là aussi, s'imposent, sans naturellement porter atteinte au caractère international de nos aéroports. M. le Rapporteur - Le projet tend à renforcer les pouvoirs des commissions consultatives de l'environnement. Dans le cadre de la loi du 11 juillet 1985, l'amendement 28 rectifié, qui satisfait le 91, tend à élargir la compétence de la commission à l'aménagement de l'aérodrome. M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. L'amendement 28 rectifié, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'article L. 227-4 nouveau du code de l'aviation civile, adopté à l'article premier, autorise les commissions consultatives de l'environnement à saisir l'Autorité en cas de non-respect des chartes de qualité, dont elles assurent le suivi de la mise en oeuvre. L'amendement 29 tire les conséquences de cette disposition. L'amendement 29, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Président - L'amendement 93 est défendu. M. le Rapporteur - Avis défavorable. L'amendement est inutile, puisque les comptes rendus sont, par définition, exhaustifs. M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement, lui, juge cette précision opportune. M. le Rapporteur - Dans ce cas, je m'y rallie. L'amendement 93, mis aux voix, est adopté. M. le Président - L'amendement 94 rectifié est défendu. M. le Rapporteur - Avis favorable. M. le Secrétaire d'Etat - Pas d'opposition. L'amendement 94 rectifié, mis aux voix, est adopté. M. le Président - L'amendement 95 rectifié est défendu. M. le Rapporteur - Rejet. Adopter l'amendement empêcherait de créer un comité permanent ailleurs que dans les neuf grands aérodromes, où il est obligatoire. Or cette faculté doit demeurer ouverte. M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Les acteurs locaux doivent pouvoir créer un comité s'ils le souhaitent. C'est pourquoi le Gouvernement préfère l'amendement 34 de la commission. L'amendement 95 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - Comme, plus loin, l'amendement 31, l'amendement 30 tend à renvoyer les modalités d'application de l'article 2 à un décret en Conseil d'Etat. M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. L'amendement 30, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - Le seuil requis pour provoquer une réunion des commissions consultatives, soit 50 %, est trop élevé. L'initiative des seuls riverains ne suffirait pas à l'atteindre. En effet, à Orly par exemple, les représentants des riverains ne sont que 8 sur 56 membres de la CCE. C'est pourquoi je propose, par l'amendement 32, d'abaisser le seuil à un tiers des membres. M. Jacques Myard - Vous légiférez pour les associations ! M. le Rapporteur - Non ! Il s'agit simplement que le dialogue se noue réellement. M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. L'amendement 32, mis aux voix, est adopté. M. le Président - L'amendement 98 est défendu. L'amendement 98, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. Francis Delattre - Nous souhaitons, par notre amendement 123, que la possibilité de créer un comité permanent au sein de la CCE soit réservée aux seuls neuf grands aéroports. J'ai cru comprendre que tel était aussi l'avis du Gouvernement, et que l'amendement 34 de la commission allait dans ce sens. S'il en est bien ainsi, je retirerai mon amendement au profit de l'amendement 34. M. le Rapporteur - Je vous confirme que c'est bien cela. L'amendement 123 est retiré. M. le Rapporteur - L'amendement 33 ajoute les mots "et représentatif de sa propre composition". M. le Secrétaire d'Etat - Favorable, puisque ce comité permanent exercera la même compétence que la commission consultative de l'environnement, dont il est issu. L'amendement 33, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 34 vise à assurer qu'un comité permanent sera constitué dans les commissions consultatives des aérodromes les plus importants. Pour les autres, ce sera une faculté. M. le Secrétaire d'Etat - Favorable. L'amendement 34, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 35 vise à garantir le fonctionnement effectif des commissions consultatives d'aide aux riverains. M. le Secrétaire d'Etat - Favorable. L'amendement 35, mis aux voix, est adopté. M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 129 complète ainsi le dernier alinéa du I : "Les représentants des administrations concernées participent avec voix délibérative à ses réunions". M. le Rapporteur - Non examiné. Je n'y suis pas forcément défavorable, mais il vaudrait peut-être mieux revoir cela en seconde lecture. M. le Secrétaire d'Etat - D'accord. L'amendement 129 est retiré. M. le Rapporteur - L'amendement 36, identique à l'amendement 99 de M. Cochet, est une disposition transitoire. Les amendements 36 et 99, acceptés par le Gouvernement et mis aux voix, sont adoptés. M. le Rapporteur - Je retire l'amendement 37 rectifié de la commission au profit de l'amendement 114 de M. Godin. M. André Godin - Les dispositions actuelles ne permettent pas d'assurer une composition équilibrée des commissions consultatives de l'environnement, où les riverains et les associations de protection de l'environnement sont sous-représentées. Il convient d'y remédier, tout en précisant qu'elles sont présidées par l'autorité administrative, et que les représentants de l'Etat peuvent participer à leurs réunions, avec voix consultative. Tel est l'objet de l'amendement 114. M. le Président - Il satisfait l'amendement 100 de M. Cochet. M. le Secrétaire d'Etat - Favorable, même si je regrette qu'on ne donne pas voix délibérative aux représentants de l'administration, alors que celle-ci est partie prenante dans la gestion des aéroports. L'amendement 114, mis aux voix, est adopté. L'amendement 101 rect. de M. Cochet, accepté par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. L'amendement 31 de la commission, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté. M. Jacques Myard - Depuis l'invention de la route Mosud, il paraîtrait souhaitable que les communes de l'ouest parisien exposées aux nuisances soient consultées. Je propose par l'amendement 64 2e rect. qu'elles le soient dans un rayon de 30 kilomètres autour des aérodromes. M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement ce matin, mais il y a là un problème bien réel. Les textes existants -loi du 11 juillet 1985, décret du 21 mai 1987, circulaire du 23 juillet 1987- laissent une certaine souplesse. La création d'une commission consultative de l'environnement est de droit à la demande des communes dont le territoire est couvert par un PEB. Les autres communes, comme Maisons-Laffitte, peuvent toujours saisir le préfet, qui apprécie. De toute façon la limite des 30 kilomètres n'a aucune valeur scientifique. Je vous propose qu'on étudie la question avec soin entre les deux lectures. M. le Secrétaire d'Etat - Je me rallierais volontiers à la sagesse du rapporteur. Mais je veux aussi donner acte à M. Myard de sa constance, il avait déjà pris la même position lors de la consultation sur les deux nouvelles pistes de Roissy. Cependant, on ne peut pas généraliser le cas de cet aéroport : selon l'intensité du trafic, le périmètre concerné peut varier beaucoup. N'étendons pas à la France entière une procédure propre à l'aéroport Charles-de-Gaulle. M. Jacques Myard - Je sens le rapporteur et le secrétaire d'Etat déstabilisés. Plus de 600 000 personnes subissent les nuisances causées par la route Mosud. Mon amendement ne vise qu'à prévoir une consultation des communes : celles-ci n'ont pas vocation à devenir membres de la commission consultative, qui doit conserver une taille raisonnable. J'ai compris que le rapporteur souhaitait se donner le temps de la réflexion. Je veux bien retirer mon amendement si le rapporteur et le secrétaire d'Etat me donnent leur parole de réexaminer la question. M. le Rapporteur - J'en prends l'engagement et j'y travaillerai en concertation avec M. Myard. L'amendement 64, 2ème correction, est retiré. L'article 2, modifié, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - Le Sénat a supprimé l'interdiction générale de certains vols d'hélicoptères qui figurait dans le projet initial, préférant confier au ministre en charge de l'aviation civile le soin de mettre au point une interdiction modulée. L'amendement 38 de la commission vise à interdire ces vols au-dessus des zones densément peuplées. M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 38, mais aussi au sous-amendement 132. M. André Godin - Ce sous-amendement vise à renvoyer à un décret la réglementation de l'ensemble des vols en hélicoptères, afin de protéger les riverains des héliports. Le sous-amendement 132, mis aux voix, est adopté. L'amendement 38, ainsi sous amendé, mis aux voix, est adopté. L'article 3, modifié, mis aux voix, est adopté. M. Jacques Myard - Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je retire mon amendement 65 compte tenu des engagements qui ont été pris. M. le Rapporteur - Je vous confirme mon engagement. L'amendement 39 de la commission, rédactionnel, vise à supprimer une disposition inutile. L'amendement 39, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. L'article 4, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté. M. François Asensi - Un certain nombre de bourgs et de villages se trouvent dans la zone C du PEB de Roissy, où la construction d'habitats collectifs et de petits lotissements n'est pas autorisée. Si nous n'assouplissons pas les règles d'urbanisme, ces villages vont dépérir. Celui de Goussainville, connu pour sa magnifique église, est en train de devenir un village fantôme : toutes les maisons y sont murées. Mon amendement 119 vise donc à alléger les contraintes d'urbanisme, sans pour autant laisser la population s'accroître de manière trop importante. M. le Rapporteur - Avis favorable. M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. L'augmentation de la population restera modérée, mais l'adoption de cet amendement autorisera, dans des secteurs déjà urbanisés et desservis par des équipements publics, la construction de logements groupés ou collectifs, d'ailleurs plus faciles à insonoriser que les logements individuels. Il faudra faire preuve de circonspection, mais le Gouvernement croit en l'esprit de responsabilité des maires (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). L'amendement 119, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - Les sénateurs ont créé une quatrième zone au sein des PEB. La création de cette zone D n'a d'intérêt que si les constructions nouvelles, à l'intérieur de celle-ci, font l'objet de mesures d'isolation acoustique. C'est ce qui justifie l'amendement 40 de la commission. M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. M. François Asensi - La création d'une zone D est facultative. Notre sous-amendement 118 vise à la rendre obligatoire autour des neuf principaux aéroports de France. On définirait de la sorte des règles générales en matière de prescriptions acoustiques, ce qui permettrait de mieux résister à la pression du lobby des constructeurs. L'habitat collectif en tirerait avantage, car ce type de logement ne fait pas toujours l'objet d'une bonne protection acoustique. M. le Rapporteur - La commission a adopté ce sous-amendement. Cependant, il me semblerait excessif de rendre systématique la création d'une zone D. M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement n'est pas favorable à la création systématique d'une zone D dans les PEB. Je conviens cependant qu'il faut le faire à Roissy et nous le ferons. Compte tenu de cet engagement, je souhaite le retrait de votre sous-amendement. M. François Asensi - Je le maintiens. La population de Marignane a les mêmes intérêts que celle de Meaux. J'aurais scrupule à retirer cet amendement. Le sous-amendement 118, mis aux voix, est adopté. L'amendement 41, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 41 de la commission est rédactionnel : il tire les conséquences de la création d'une quatrième zone dans les PEB. L'amendement reprend en outre une disposition transitoire proposée par le Sénat dans l'article 7 nouveau : la possibilité pour le préfet d'anticiper sur un plan d'exposition au bruit en cours d'élaboration ou de révision. L'amendement 41, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 42 vise à supprimer cet article qui, selon la commission, pourrait avoir des effets pervers. Imposer une clause d'information dans les contrats de mutation immobilière part certes d'un bon sentiment, mais cela risque de provoquer une forte dévalorisation des biens, pénalisant d'abord les riverains actuels et contribuant à appauvrir les collectivités. Au surplus, l'information demandée est déjà prévue par l'article L. 747-6 du code de l'urbanisme : le certificat d'urbanisme doit mentionner l'existence de la zone du bruit et donc obligation d'isolation acoustique. M. le Secrétaire d'Etat - Même position, pour des raisons voisines. M. Francis Delattre - Les sénateurs ont eu le mérite de partir d'un constat : l'aéroport d'Orly se trouve maintenant totalement pris dans la ville et Roissy risque de se trouver bientôt dans la même situation. J'ai eu le privilège d'inaugurer l'aéroport Charles-de-Gaulle avec M. Messmer : si l'on fait abstraction de Goussainville qui n'avait d'ailleurs que 10 000 à 12 000 habitants, on était en pleins champs. Mais aujourd'hui, la question qui se pose est de ne pas se trouver là avec les mêmes difficultés qu'à Orly. L'amendement de M. Asensi permet certaines précautions, mais seulement dans la zone D... Or, autant j'admets que cet article peut entraîner une dévalorisation des biens existants, autant je regrette l'argument s'agissant des constructions nouvelles, Monsieur le rapporteur : on ne peut tromper les futurs acquéreurs et locataires ! Je souhaiterais alors que l'article 5 ne soit pas totalement supprimé mais que l'obligation d'indiquer l'existence d'une zone de bruit soit limitée aux actes notariés relatifs à une première vente ou location, comme y tend mon amendement 122. Les promoteurs risquent certes d'être découragés, mais il faut dès à présent prendre des mesures dissuasives pour éviter à Roissy le sort d'Orly. C'est aussi le minimum qu'on puisse faire pour les consommateurs. Vous avez invoqué le certificat d'urbanisme, mais qui le lit ? En revanche, le notaire commente son acte... Acceptez donc de reprendre au moins partiellement les dispositions adoptées par le Sénat. L'amendement 42, mis aux voix, est adopté et l'article 5 est ainsi supprimé. M. le Rapporteur - L'amendement 43 vise à supprimer cet article, également en raison de ses effets pervers : paupérisation, baisse des prix immobiliers encore, Monsieur Delattre ! Les riverains et leurs associations, que nous avons entendues, perçoivent bien ce danger. Et si l'on ne fait pas l'usage qui conviendrait du certificat d'urbanisme, c'est tout de même un élément juridique dont on ne peut faire abstraction. Et s'il y a des contradictions, c'est que ce problème est terriblement difficile. Mais cela ne doit que nous inciter davantage à lutter pour l'avenir de nos villes et quartiers proches d'aéroports. M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable à l'amendement de suppression : l'amendement 40, accepté il y a quelques instants répond à la préoccupation initiale des auteurs de cet article. M. Francis Delattre - Sur ce point aussi, je n'entends pas défendre intégralement l'article introduit par le Sénat, mais en limiter l'application aux constructions nouvelles. Je comprends en effet les réserves qu'on peut avoir, s'agissant des biens existants, mais si l'on veut éviter une urbanisation des zones riveraines de Roissy, il faut bien s'en donner quelques moyens. Si l'on indemnise en continuant de délivrer des permis de construire, ce n'est pas face à des simples contradictions qu'on se retrouvera ! Il faut réserver les abords immédiats des aéroports à des activités, non à l'habitat ! M. le Rapporteur - Les plans d'exposition au bruit, et donc les POS, déterminent déjà les limitations à apporter aux constructions. Voilà les instruments qui préviendront l'urbanisation au voisinage des aérodromes. L'amendement 43, mis aux voix, est adopté, et l'article 6 est ainsi supprimé. M. le Rapporteur - Les dispositions transitoires proposées par le Sénat sont bonnes sur le fond mais, justement, elles ont été reprises dans l'amendement 41 de la commission. D'où l'amendement 44, de suppression de l'article. L'amendement 44, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté et l'article 7 est ainsi supprimé. M. le Rapporteur - Par l'amendement 46, la commission propose de changer l'intitulé de l'Autorité : le terme de régulation étant réservé au trafic, il convient de s'en tenir au "contrôle des nuisances sonores aéroportuaires" et, d'ARCESA, cette autorité deviendra ACNUSA. M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. Il ne s'agit d'ailleurs que d'une mesure de coordination après l'adoption de l'amendement 12. L'amendement 46, mis aux voix, est adopté. M. Jacques Myard - Le groupe RPR ne peut être que favorable à l'adoption d'un projet qui est l'aboutissement du travail mené depuis plusieurs années par un certain nombre de députés. Maintenant, il faut aller vite : les nuisances sonores sont celles qui causent le plus de dégâts, notamment dans la conurbation parisienne, et il convient de les combattre tous ensemble. Je me réjouis donc du caractère collectif du travail accompli ce soir ! M. Francis Delattre - Nous approuvons bien sûr nous aussi la création d'une autorité qui avait déjà été proposée par le sénateur Lachenaud et par M. Douffiagues. Cependant, la discussion a fait apparaître de nouveaux enjeux : ainsi, quel avenir pour les plates-formes d'Orly et de Roissy ? Nous avions demandé des précisions et des engagements au Gouvernement : si l'on ne fait rien, le trafic augmentant de 6 à 8 % par an, Charles-de-Gaulle sera saturé dans dix ans ! Or, sur ce point, nous n'avons eu qu'à moitié satisfaction. Le ministre perçoit bien le problème, mais il apparait quelque peu gêné. Il nous a renvoyés à un schéma national, à des commissions, laissant entendre qu'une décision pourrait être prise à la fin de l'année. On ne peut dire que l'engagement pris soit très précis... Or, c'est un sujet d'importance primordiale. Un autre point capital est celui de l'avenir de l'aéroport de Roissy alors que les zones urbaines ne cessent de s'étendre alentour. Les amendements du Sénat, aussi imparfaits qu'ils fussent, avaient du bon, et je déplore que l'effort n'ait pas été fait de trouver un terrain d'entente. Cependant, ce texte représente un progrès incontestable, et il va permettre que le dialogue se renoue entre les riverains et les autorités aéroportuaires, en vue d'un développement mieux maîtrisé des zones aéroportuaires. Toutefois, en attendant les navettes, le groupe Démocratie libérale s'abstiendra. M. François Asensi - Ce texte, que je pensais consensuel jusqu'à ce que M. Delattre prenne la parole, est très constructif, et le groupe communiste le votera. Il a été rappelé à diverses reprises au cours du débat que les nuisances sonores figurent au premier rang des préoccupations quotidiennes des Français. Il n'est plus admissible que les considérations économiques l'emportent sur la qualité de vie. Le groupe communiste votera donc, je l'ai dit, un texte qui prévoit de renforcer la concertation avec la population et avec les associations. M. André Godin - Ce texte, présenté par le Gouvernement et enrichi par la commission, était très attendu, et le groupe socialiste le votera. M. le Président - M. Schwartzenberg, président du groupe RCV, m'a confié une déclaration écrite dans laquelle il indique que son groupe est favorable à l'adoption du projet. L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté. Prochaine séance mardi 18 mai, à 10 heures 30. La séance est levée à 19 heures 35. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |