Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1998-1999) |
Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 98ème jour de séance, 250ème séance 2ème SÉANCE DU MARDI 25 MAI 1999 PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS SOMMAIRE : QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1 KOSOVO 1 PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES 2 PROTECTION SOCIALE ET SANTÉ 3 ENQUÊTE SUR L'ASSASSINAT DU PRÉFET ERIGNAC 4 COLLÈGE 4 GYNÉCOLOGIE 5 VOIES NAVIGABLES 6 KOSOVO 6 INCIDENT DU 8 MAI 6 "RAVE PARTIES" 7 POLITIQUE EN FAVEUR DE L'EMPLOI 8 PRISE EN CHARGE DES HANDICAPÉS 9 MOTION DE CENSURE 9 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. M. Alain Bocquet - Je veux dire avant tout que le groupe communiste se félicite, comme chacun ici, de l'arrestation des personnes soupçonnées d'avoir assassiné le préfet Erignac (Applaudissements sur tous les bancs). Il est temps d'en finir avec les crimes non élucidés en Corse. M. Renaud Muselier - Ailleurs aussi ! M. Alain Bocquet - Ma question concerne la guerre au Kosovo. Comme vous l'avez dit récemment, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, "une guerre qui dure est une guerre qui lasse". Une guerre qui se voulait éclair est en train de s'enliser. Nous ne devons pas céder à l'accoutumance et à la banalisation. Ce qui se passe dans les Balkans est très grave. Encore aujourd'hui, rien ne garantit que ce conflit, qui a déjà fait trop de victimes, ne peut pas dégénérer. Les semaines se suivent et se ressemblent ; la diplomatie est active mais ne débouche pas. Le dictateur Milosevic sévit toujours aussi cruellement, avec autant de morgue. L'OTAN pèse toujours sur la situation avec autant de cynisme. Chaque jour qui passe voit son lot de destructions, d'exactions et de victimes civiles innocentes, alors que se poursuit l'exode de la population kosovar et que grandit le risque de voir une catastrophe écologique décupler les effets de la catastrophe humanitaire. Sans compter le coût financier de cette guerre. Le risque demeure d'une déstabilisation dramatique de la région des Balkans. Il ne pourrait qu'être accru si un engagement de combat au sol était décidé. On peut légitimement se demander qui a intérêt à installer un foyer durable de guerre en Europe... Au troisième mois des frappes aériennes, dont les effets demeurent en deçà des objectifs annoncés, la question est de savoir comment sortir de cet enlisement. Les dirigeants britanniques évoquent ouvertement la perspective d'une guerre totale, intervention terrestre comprise, ce qui semble confirmer que les buts de guerre ont bel et bien changé. L'objectif doit être réaffirmé : permettre le retour des réfugiés dans un Kosovo disposant d'une autonomie substantielle garantie par la communauté internationale. L'accord intervenu au G8 dessine le cadre d'une solution juste, en offrant une porte de sortie à la partie serbe. Il a reçu un accueil positif de la communauté internationale. Des voix officielles à Belgrade ont même déclaré acceptable l'esprit de la position commune. Il ne faut rien négliger pour avancer sur le chemin difficile de la paix. Dans ce contexte qui bouge, la suspension des frappes demandée par la Russie et la Chine, mais aussi par l'Italie, la Grèce et la Tchéquie, faciliterait l'adoption rapide d'une résolution par le Conseil de sécurité. Qui mieux que l'ONU, qui seule a légitimité pour parler et agir au nom de la communauté internationale, peut faire entendre raison au régime serbe ? Suspendre les frappes, c'est aussi lever les obstacles à un retrait significatif des forces serbes du Kosovo, en mettant Milosevic au pied du mur. Ce geste aiderait les forces démocrates serbes à reprendre l'initiative et à faire pression sur le dictateur ; c'est d'ailleurs ce qu'elles nous demandent. L'Europe joue aujourd'hui très gros. Elle n'aurait rien à gagner à se laisser entraîner par Washington dans une dramatique impasse dont elle paierait seule le prix. Elle ne saurait se dessaisir de ses responsabilités propres. Le débat se poursuit au sein de l'alliance. Le poids des dirigeants américains est certes considérable au sein de l'OTAN, mais une initiative forte de la France peut contribuer de manière décisive à débloquer la situation. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à demander au nom de la France une suspension des bombardements, concomitante du retrait des forces serbes du Kosovo sous contrôle de l'ONU, pour que s'ouvrent enfin les négociations et que se tienne une conférence internationale sur les Balkans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV) M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - C'est grâce à l'action diplomatique de la France qu'il a été acté, dès le début de la phase où dix-neuf pays démocratiques de l'Alliance atlantique ont décidé de recourir à la force, que la solution devrait être élaborée par le Conseil de sécurité. Ce premier objectif a été atteint, et c'est dans ce cadre que nous travaillons. Par un travail patient, nous devons atteindre plusieurs objectifs indissociables. Le premier est l'acceptation par Belgrade des principes énoncés par la communauté internationale. Nous travaillons, d'autre part, à organiser la force sans laquelle les réfugiés ne pourront rentrer au Kosovo ; ce point fait l'objet de discussions entre occidentaux, mais aussi avec les Russes. Le troisième point, qui doit être combiné aux autres, est la suspension des frappes. Les pays que vous avez cités prennent part à cette discussion ; il est trop tôt pour en présenter les résultats. Vous avez raison d'évoquer une conférence internationale sur les Balkans. La solution pour le Kosovo, à laquelle nous voulons donner la légitimité d'un engagement de toute la communauté internationale, s'inscrira dans une politique d'ensemble pour la péninsule, incluant une Yougoslavie démocratique et tous les pays voisins. Ces derniers nous demandent d'ailleurs de ne pas dissocier les trois aspects de la démarche : l'acceptation par Belgrade des cinq points, le vote de la résolution et la suspension des frappes. Cela forme un tout, qui constitue la solution. Je ne peux en dire plus aujourd'hui. Nous y travaillons avec les Russes, les Allemands, les Anglais, les Italiens, et également les Américains (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES M. Pierre Méhaignerie - Dans un communiqué, l'INSEE s'est aujourd'hui déclaré pessimiste pour l'investissement dans les PME -indicateur inquiétant si l'on fait la comparaison avec d'autres pays européens. En même temps des milliers d'artisans et de PME -que ce soit dans le BTP, les transports, la restauration ou même les industries agricoles et alimentaires- ne trouvent pas les salariés dont ils ont besoin, et cela même dans des zones où le taux de chômage dépasse 12 % ! Ce problème risque d'être aggravé par les 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Des gouvernements voisins -en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, au Danemark- ont pris des mesures pour faciliter les reprises d'emploi. Mais le Gouvernement ne semble pas à ce jour conscient de cette situation. Peut-il nous informer des moyens qu'il compte employer pour remédier à un déséquilibre qui peut être un handicap sérieux, avec l'application rigide des 35 heures, quelles que soient la situation des différents secteurs professionnels et les aspirations des salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Mme Aubry et M. Strauss-Kahn sont ensemble à Bruxelles (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) pour un conseil conjoint des ministres européens de l'économie et des affaires sociales consacré à un dossier très important : le programme d'action européen pour l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). C'est pourquoi je vous réponds à leur place. Par parenthèse, le travail qu'ils font avec nos partenaires européens favorisera la croissance et l'emploi, y compris dans les PME. S'agissant de l'emploi dans ces PME, le Gouvernement entend alléger les cotisations patronales sur les bas salaires. Nous prenons l'engagement de réduire les cotisations sur le travail, non pas dans n'importe quelles conditions, comme autrefois, mais avec une contrepartie en termes d'emploi : la signature d'un accord sur les 35 heures. En second lieu, pour financer cette mesure, il sera fait appel à une contribution sociale sur les bénéfices. Elle épargnera les PME dont vous avez souci aujourd'hui plus qu'en 1995, où elles furent frappées d'une surtaxe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Nous y ajoutons une extension de la taxe générale sur les activités polluantes, qui pèsera principalement sur les entreprises à forte intensité de capital. Nous pensons donc qu'en 1999 et 2000 les créations d'emplois seront nombreuses dans les PME ; je rappelle les 400 000 emplois créés en 1998, meilleure année de la décennie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). M. Jean-Luc Préel - J'observe que M. le ministre du budget a répondu à côté de la question précédente, qui portait sur les 35 heures... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) Ma question s'adressait à Mme Aubry. Vous allez réunir le 31 mai la commission des comptes de la sécurité sociale -enfin ! Vous semblez avoir hésité à le faire : cette réunion aura-t-elle réellement lieu ? Très attachés à leur protection sociale, les Français sont légitimement inquiets. En effet vous aviez promis l'équilibre des comptes en 1999, et nous en serons loin. Vous n'aurez pas les recettes attendues, les dépenses seront supérieures, et le déficit sera d'environ 15 milliards. Or, malgré ces dépenses, vous n'améliorez pas l'accès aux soins, ni leur qualité. Vous ne prenez pas en compte les besoins des populations. Vous n'avez pas de vraie politique de prévention et d'éducation à la santé. Dans toutes nos villes, les hôpitaux manquent aujourd'hui de moyens humains et financiers. Quant aux cliniques, elles sont en grande difficulté. Pour la première fois depuis dix ans, vous n'êtes pas parvenu à un accord ; vous avez réduit autoritairement les tarifs de 2 %. Comment vivront-elles demain ? Pour ce qui est de la médecine de ville, vous avez réussi l'exploit de dresser contre vous la quasi-totalité des professionnels. Enfin, vous n'avez pas clarifié les relations avec les caisses d'assurance maladie : qui est responsable de la gestion ? Allez-vous vers l'étatisation ? Or, si nous voulons sauvegarder notre protection sociale -et c'est possible !-, il faut responsabiliser chacun et réunir les conditions d'une confiance réciproque : en bref, me semble-t-il, le contraire de ce que vous faites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Je n'ai pas entendu de question, mais j'ai bien perçu la tonalité générale de votre propos ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Je vous répondrai donc d'abord sur la commission des comptes de la sécurité sociale : elle se réunira lundi et, quoi que vous prétendiez, il n'a jamais été question de repousser cette date ! Cette commission examinera d'abord le déficit de 1998, puis le déficit éventuel de 1999, pour lequel vous avez avancé un montant excessif (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Mme Aubry n'a jamais cité le chiffre de 15 milliards. Elle a parlé de 5 à 10 milliards. Mais dois-je vous rappeler que ce déficit était de 53 milliards quand nous sommes arrivés ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) En 1997, sous M. Juppé, il se montait encore à 35 milliards... M. Philippe Briand - Et quand a-t-il atteint 73 milliards ? M. le Secrétaire d'Etat - L'objectif de l'équilibre ne sera peut-être pas atteint cette année, mais nous nous en rapprocherons bien plus que vous ne l'avez jamais fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Les dépenses pharmaceutiques et biologiques sont en effet excessives, mais nous nous sommes attachés à les réduire en concertation avec les professionnels. Des accords ont été signés avec les radiologues et avec les biologistes, d'autres vont peut-être l'être avec les cardiologues, et nous poursuivrons l'effort. Jamais jusqu'ici l'on n'avait tenté d'évaluer l'efficacité médicale des médicaments : nous allons le faire classe par classe et nous espérons ainsi tendre vers l'équilibre parfait en 2000. L'exercice n'est certes pas simple, mais la critique est facile, surtout quand vous réclamez par ailleurs de nouveaux effectifs pour les hôpitaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) ENQUÊTE SUR L'ASSASSINAT DU PRÉFET ERIGNAC M. Christian Paul - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur ("Ah !"bancs du groupe du RPR). Le 6 février 1998, Claude Erignac, préfet de Corse, était assassiné à Ajaccio. Au drame qui frappait sa famille s'ajoutait un coup grave porté à l'Etat républicain et au fonctionnement de notre démocratie. L'Assemblée nationale n'a pas oublié cette tragédie. Depuis, les enquêteurs ont déployé leurs efforts sans relâche, démontrant ainsi l'intégrité de l'action de l'Etat. On vient ainsi d'avancer dans la recherche de la vérité. Quelles informations pouvez-vous nous communiquer aujourd'hui à ce sujet, Monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste) M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - L'élucidation des conditions de cet assassinat est l'oeuvre conjointe des juges anti-terroristes de la 14ème section et de la police nationale, en particulier de la division nationale anti-terroriste, dirigée par le commissaire Marion, et de la direction générale des renseignements généraux, mais aussi des services locaux de ceux-ci et de la P.J. Un député RPR - Et le GPS ? M. le Ministre - C'est une éclatante victoire pour la Corse et pour la République et vous en mesurez tous, je pense, la portée : en effet, depuis plus de quinze mois, ce meurtre non élucidé, odieux et sauvage, obscurcissait l'avenir. Mais je rappelle qu'il a fallu plus de six ans pour élucider l'assassinat du juge Michel, cinq pour élucider les crimes d'Action directe et plus de deux ans pour démasquer Rouillan et Ménigon ! Le temps d'une enquête n'est pas le temps des médias, non plus que celui de la politique politicienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste) Il faut réunir des preuves ! Le 19 août 1998, une réunion conspirative a été surprise au domicile de la soeur d'Alain Ferrandi, mais il ne suffisait pas de connaître le nom des participants, même si d'autres renseignements, parvenus à la connaissance du préfet, étaient venus corroborer les premiers obtenus. Il fallait connaître le nom des membres du commando auteur de l'assassinat. Ce ne fut chose faite qu'au début de l'année, après analyse des appels passés à partir du portable d'Alain Ferrandi. Tout un travail restait encore nécessaire sur les listings et les documents techniques fournis par la direction de France Télécom, que je tiens à en remercier. Quand ces documents ont été exploités, il a alors été possible de dresser une cartographie du crime qui a permis de confondre les assassins en détruisant leurs alibis. C'est ainsi que plusieurs mises en examen ont pu être décidées hier et que d'autres suivront sans doute aujourd'hui, sur des bases tout aussi solides. C'est une belle victoire pour la République tout entière : justice est rendue à la mémoire du préfet Erignac et à sa famille et c'est le gage que la politique pour laquelle il s'est sacrifié, la défense de l'Etat de droit, sera poursuivie avec fermeté et sérénité. Cette victoire, sachons la saluer, en oubliant les arrière-pensées ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste) Un député socialiste - La droite n'applaudit pas ! M. Jean-Pierre Baeumler - Madame la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, vous avez lancé à l'automne dernier un débat national sur le présent et sur l'avenir des collèges, débat alimenté par la consultation de ceux qui font vivre au quotidien cet élément essentiel de notre système éducatif. Le succès de cette entreprise audacieuse a confirmé sa pertinence et son opportunité. Elle a certes révélé l'importance des difficultés rencontrées par les acteurs du collège, mais elle a aussi montré les espoirs qu'ils placent dans votre volonté de rénover l'ensemble de ces établissements. Ils mesurent en effet mieux que quiconque l'enjeu, pour l'éducation, l'instruction et la socialisation des enfants. Symbole d'intégration, le collège unique engendre aussi d'inacceptables exclusions et conforte les inégalités sociales et géographiques. En revanche, le rapport bat en brèche l'idée selon laquelle, par découragement, les équipes pédagogiques en viendraient à renier les principes fondateurs de ce collège unique. Les enseignements sont fortement attachés à cette ambition égalitaire et démocratique. Mais ils souhaitent que les moyens leur soient donnés de répondre à la diversité des aptitudes ou des aspirations des élèves. Quelles mesures comptez-vous prendre pour donner corps à ce collège "pour tous et pour chacun" dont vous avez dessiné les contours ? Comment envisagez-vous d'associer la représentation nationale à cette ambitieuse entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire - Pour rester fidèle à ses ambitions, le collège pour tous, celui qui accueille tous les enfants de la nation, doit aussi devenir le collège de chacun en prenant beaucoup mieux en considération la diversité des élèves : c'est ce qu'ont demandé les enseignants des 5 000 collèges -plus de 80 % du total- qui ont participé à la consultation nationale. Et, pour y parvenir, ils ont réclamé des outils, de la formation et du temps pour la concertation, afin de réussir sans rien renier des exigences éducatives ni renoncer à l'hétérogénéité des classes. J'ai écouté, j'ai vu -en deux ans, je me suis rendue dans 152 établissements scolaires- et, ce matin, j'ai annoncé un certain nombre de décisions dont j'énumérerai seulement ici les principales. En premier lieu, l'effort sera concentré sur les élèves de sixième, afin que ceux qui "décrochent" puissent raccrocher immédiatement sans que les autres en soient freinés. Il pourra y avoir jusqu'à six heures de remise à niveau par semaine en sixième, et trois en cinquième ; les études dirigées seront renforcées, de même que la liaison avec le primaire. Dès la rentrée prochaine, un "journal du collégien" sera distribué à tous les élèves de sixième pour les informer sur les programmes. Pour prendre en compte la diversité des élèves, chacun d'eux pourra s'appuyer sur un tuteur, sur un élève-référent qui les aidera à surmonter leurs problèmes. En troisième lieu, pour aiguiser l'appétit d'apprendre et accroître l'autonomie, la culture professionnelle, la culture de la fabrication fera son entrée au collège. En quatrième, des travaux pluridisciplinaires seront organisés. Il s'agit, enfin, de mieux vivre au collège. Ces années doivent aussi être des années heureuses. C'est ainsi que l'heure de vie de classe sera intégrée à l'emploi du temps et qu'en concertation avec les présidents de conseils généraux, une charte de la qualité est en préparation. Notre objectif est double : nous voulons d'abord un collège plus efficace, tirant vers le haut tous les élèves tels qu'ils sont dans le monde tel qu'il est ; un collège plus juste, ensuite, pour les collégiens comme pour les enseignants et les familles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Mme Danielle Bousquet - Il existe dans notre pays une gynécologie médicale, à laquelle les Français sont très attachés. Or faute d'un enseignement spécifique, celle-ci pourrait disparaître dans les 15 ou 20 ans à venir. La société française de gynécologie a appelé l'attention sur ce problème : où en est la réflexion du Gouvernement ? Quelles sont vos intentions, Monsieur le secrétaire d'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - En tout cas nos intentions passent mal, puisque après avoir expliqué depuis des mois que la gynécologie médicale n'est pas menacée, je continue de recevoir des milliers de lettres. La gynécologie médicale est une spécialité française, mais l'Europe imposant une formation unique, nous avons renoncé aux certificats et il ne reste plus que l'internat. Seules 60 % des femmes ont accès à un gynécologue. Il est donc nécessaire de renforcer la formation des généralistes pour améliorer le dépistage des cancers féminins. Cela ne signifie pas que nous voulions détruire la spécialité. Celle-ci continuera de s'appeler "gynécologie-obstétrique", conformément au souhait des professionnels, et il y aura cette année 111 places, puis 200 l'an prochain -dont une centaine de gynécologues médicaux. Il n'est pas question d'obliger les femmes à passer par un généraliste, référent ou non. Par ailleurs, nous avons décidé de constituer un groupe avec le collectif de défense de la gynécologie médicale, afin d'examiner comment enseigner davantage celle-ci, qui semble intéresser moins que l'obstétrique dans les services hospitaliers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). M. François Dose - Le rapport de Bouard tend à classer les voies navigables en quatre catégories, la dernière étant prise en charge par les collectivités territoriales à hauteur de 70 %. En outre, l'Etat pourrait cesser l'exploitation de certaines voies d'eau non essentielles. Ces considérations suscitent l'inquiétude. Le désengagement de l'Etat aurait pour effet de supprimer certains investissements essentiels pour la prévention des inondations -et entraînerait donc un transfert de charges. Pouvez-vous nous rassurer, Monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Au fil des ans, la situation des voies navigables n'avait cessé de se détériorer. Depuis notre arrivée (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), nous avons accru les crédits de 30 % et mis l'accent sur la complémentarité des modes de transport. L'an dernier, le trafic fluvial a progressé de 10 %. Mais la voie d'eau, c'est aussi le tourisme, c'est aussi l'environnement. Nous souhaitons associer les collectivités territoriales -les régions en particulier- dans le cadre d'un partenariat, au développement de la voie d'eau. Pour programmer les travaux à réaliser, une analyse technique et financière a été effectuée. Il n'entre pas dans les intentions du Gouvernement d'abandonner les voies de 4ème catégorie -2 500 km sur les 7 000 existants. Nous voulons déterminer quelles sont, en fonction des moyens budgétaires, les meilleures interventions à faire pour valoriser l'ensemble de la voie d'eau (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Michel Suchod - Monsieur le ministre des affaires étrangères, j'ai trouvé évasive votre réponse de tout à l'heure à M. Bocquet. Pourriez-vous m'apporter des précisions, d'abord, quant au rôle que joue la France dans les négociations -qui semblent se passer à peu près exclusivement entre M. Tchernomyrdine et M. Talbott, car Mme Albright serait, dit-on, peut diserte lors des conférences interalliées. La semaine dernière a été nommé un diplomate finlandais pour représenter l'Union, mais il ne s'est pas rendu sur le terrain. Ensuite, quant au fond, le Conseil de sécurité va être enfin associé. Mais quel type de résolution va-t-on lui présenter ? Se référencera-t-on au chapitre 6, qui suppose un accord de toutes les parties, ou privilégiera-t-on une logique d'affrontement comme on le demande encore trop souvent aux Etats-Unis, en Angleterre et dans quelques secteurs de l'opinion française ? La guerre entre dans son troisième mois : face au drame subi par les Kosovars, au drame subi par la Serbie -où le coût de la reconstruction dépasserait déjà 100 milliards de dollars-, quel rôle joue la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste) M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Voici un an et demi que la diplomatie française a fait son possible, et notamment lors des négociations de Rambouillet. Pour l'avenir, nous souhaitons qu'une solution collective soit trouvée par le Conseil de sécurité, sur la base du chapitre 7 -car il faut voir les choses en face. M. Talbott est venu spécialement à Paris pour en parler, et une délégation française a été envoyée à Moscou pour examiner les modalités pratiques du déploiement sur le terrain d'une force capable d'assurer la sécurité des réfugiés. Quant au diplomate finlandais auquel vous faites allusion, M. Marrti Ahtisaari, il n'est autre que le président de la République de Finlande, qui sera bientôt le président de l'UE. Il a été mandaté par cette dernière pour la représenter, mais souhaite qu'au préalable ait été définie une position claire par les Occidentaux et les Russes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Charles Ehrmann - Madame la ministre déléguée à l'enseignement scolaire, je suis un orphelin de 1914-1918, mon père a été tué à la bataille de la Marne à 23 ans, et ma mère est restée seule à 19 ans avec ses deux enfants. Vingt-cinq ans plus tard, c'est moi qui suis parti à la guerre de 1939-45. Puis j'ai enseigné l'histoire pendant 38 ans, en essayant de faire de mes élèves des hommes et des femmes de qualité, mais aussi des jeunes aimant la France et la République, prêts s'il le fallait à se sacrifier pour elle. Le lycée Masséna de Nice a eu cinq élèves fusillés en juin 1944 en criant "Vive de Gaulle ! Vive la France !". Tous les ans, le 8 mai et le 11 novembre, dans de nombreuses communes, les élèves vont avec leurs enseignants, en présence des anciens combattants, rendre hommage devant le monument aux morts, à ceux qui ont donné leur vie pour la République. Aussi ai-je souffert d'entendre le Premier ministre parler comme il l'a fait des mutins de 1917... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Laissez un professeur vous apprendre un peu d'histoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Je souffre, avec tous les fils de tués, les anciens combattants, et au nom des nombreux enseignants morts pour la France, d'entendre le ministre chargé de l'enseignement scolaire excuser une directrice d'école punie pour avoir fait chanter, un 8 mai, devant le monument aux morts, Le Déserteur de Boris Vian. N'y voyez-vous pas une insulte pour les anciens combattants et tous ceux qui sont morts pour défendre le pays ? Trop libéral pour ne pas vouloir que cette directrice reste dans l'enseignement, j'estime cependant qu'en l'excusant, vous banalisez les valeurs de la République et de la France, que les enseignants et leur ministre se doivent de défendre (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire - Je comprends votre émotion. Le 8 mai, devant un monument aux morts érigé en mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour la défense du pays, entonner Le Déserteur est une erreur (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La directrice elle-même l'a reconnu. Mais ce qui me préoccupe -comme vous d'ailleurs, Monsieur Ehrmann-, c'est ce que les enfants peuvent comprendre de cette affaire. Ils ont un sens aigu de la justice, si bien que la sanction doit être proportionnelle à la faute. J'ai pris contact avec les associations d'anciens combattants de Montluçon, qui ont été elles-mêmes étonnées par la gravité de la sanction prononcée. L'éducation civique se fait de manière vivante. J'ai écrit en début d'année à toutes les associations d'anciens combattants pour leur demander de venir dans les écoles. Les associations de Montluçon iront ainsi expliquer aux élèves pourquoi cette chanson pouvait les heurter, pourquoi certaines guerres devaient être menées et quel est le sens des monuments aux morts. Si les adultes se parlent, les enfants en tireront profit. Là est le rôle de l'école (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). M. Michel Hunault - Monsieur le ministre de l'intérieur, ce week-end, en Loire-Atlantique, 30 000 jeunes se sont réunis en toute illégalité pour une rave party. Ce rassemblement, qui s'est soldé par la mort par overdose d'une jeune Parisienne, a donné lieu à des trafics illicites en tout genre. Ma question est simple. Elle vous a déjà été posée, d'ailleurs, par mon collègue Thierry Lazaro. Que fait le Gouvernement pour empêcher de tels rassemblements et pour rechercher les organisateurs qui en tirent un réel profit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Le problème des rave parties préoccupe le ministère de l'intérieur depuis des années. Il est difficile de prévenir ces manifestations, dont l'emplacement n'est connu que par le bouche-à-oreille, par l'utilisation de portables ... ("Ah" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) ou de réseaux comme Internet. Aussi la police et la gendarmerie -celle-ci est particulièrement concernée, car ces rassemblements sont souvent organisés en zone rurale- ne peuvent-elles en général que canaliser ces mouvements. J'ai reçu les responsables d'un certain nombre d'associations, afin de faire en sorte que ces manifestations se déroulent dans le cadre fixé par la loi. Une circulaire a été adressée aux préfets dans ce sens. Si les règles relatives à la lutte contre le trafic de stupéfiants sont ouvertement violées, des mesures répressives doivent intervenir, et elles interviendront. Les organisateurs, qui passent souvent d'un pays à un autre, doivent pouvoir être confondus. Ils devront rendre des comptes, à la justice comme à l'administration fiscale. Il s'agit d'un phénomène de mode, qui ne touche pas la partie la plus défavorisée de la jeunesse. Pourtant, ces manifestations sont gratuites. S'ils les financent, les organisateurs ont certainement la possibilité de récupérer leur mise. C'est là qu'il faut frapper (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste). POLITIQUE EN FAVEUR DE L'EMPLOI M. Patrick Delnatte - Ma question s'adresse au remplaçant de Mme le ministre de l'emploi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). La semaine dernière, M. Strauss-Kahn nous a brossé un tableau idyllique de l'économie française. On a rarement fait preuve d'une telle autosatisfaction. La France est pourtant le pays d'Europe où les coûts salariaux sont les plus élevés, un pays où l'investissement productif stagne et où les prélèvements obligatoires sont supérieurs de moitié à la moyenne européenne. Plusieurs députés communistes - C'est faux ! M. Patrick Delnatte - Votre bilan des 35 heures reste mitigé. Pour les plus lucides, il s'agit d'un véritable ratage. En tout cas, c'est un nouveau carcan pour les entreprises. Quant aux syndicalistes, ils nous parlent des effets pervers de votre dispositif, qui ne fait que préparer les plans de restructuration. Après avoir critiqué vos prédécesseurs, vous reprenez à votre compte leur politique de baisse des charges sociales. Appellation trompeuse, d'ailleurs : vous comptez financer les 35 heures non par des économies mais par un prélèvement supplémentaire. L'industrie textile est confrontée à une des plus graves crises de son histoire. Environ 230 000 emplois sont menacés. Un plan de restructuration risque d'en supprimer 1 830 dans le Nord-Pas-de-Calais. A Roubaix-Tourcoing, 510 emplois vont encore disparaître. Pour survivre, les entreprises sont obligées de délocaliser leur fabrication. Les autorités de Bruxelles tardent à faire jouer les clauses de sauvegarde. Avant de généraliser les 35 heures, accepterez-vous d'appliquer un plan d'allégement des charges sociales sur les emplois peu qualifiés sans surcoût pour les entreprises ? Le textile, industrie de main-d'oeuvre, a besoin d'un tel plan, conforme à la réglementation européenne. Le succès est assuré : voyez le plan Borotra ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Par ailleurs, quand vous nous présenterez votre second projet sur les 35 heures, accepterez-vous de reprendre l'ensemble des dispositions des accords de branche, et en particulier de celui du textile, signé par tous les syndicats ? Si ce n'est pas le cas, votre "politique contractuelle" n'a aucun sens (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Vous avez commencé par une série de contrevérités. La croissance française est actuellement la plus forte. Selon les organismes internationaux, elle sera de 2,3 % cette année, soit un point de plus qu'en Allemagne et en Italie. L'investissement productif, d'après une enquête publiée aujourd'hui, a augmenté de 4 % : nous sommes sortis de la stagnation des années 1991-1997. S'agissant de l'industrie textile, ne revenons pas sur le plan Borotra, incompatible avec les règles européennes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Martine Aubry se bat pied à pied pour éviter que nos entreprises, induites en erreur, ne soient contraintes par Bruxelles à un remboursement. Nous allons proposer un plan de passage aux 35 heures aux entreprises qui le souhaitent. Il sera très avantageux pour l'industrie textile. Les entreprises de main-d'oeuvre et les PME paieront moins. Celles qui paieront davantage seront celles qui seront assujetties à la contribution sociale sur les bénéfices et à la fiscalité écologique. Nous nous efforçons de sauvegarder l'emploi par des moyens corrects dont les salariés verront les effets à terme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). PRISE EN CHARGE DES HANDICAPÉS M. Jean-Pierre Dupont - Le 26 mai, c'est-à-dire demain, l'Association des paralysés de France et l'Association française contre la myopathie organisent une grande manifestation pour appeler l'attention des pouvoirs publics sur les difficultés des personnes handicapées, qu'il s'agisse de leurs ressources ou de leur prise en charge. Les handicapés, en outre, ne comprennent pas le retard pris dans la révision de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, dont la paternité revient à Jacques Chirac, Premier ministre à l'époque et aussi fondateur du centre médico-social du Limousin, que je préside actuellement. Vous aviez promis la révision de cette loi pour 1997, puis pour 1998 et, enfin, pour 1999. Il faudra peut-être, annonce-t-on, attendre l'an 2000. Pourtant, toutes les consultations nécessaires ont été menées et le conseil consultatif des personnes handicapées, présidé par notre collègue Roselyne Bachelot, a rendu un avis favorable. Les lois de finances et de financement de la Sécurité sociale se succèdent sans améliorer la situation des handicapés, comme en témoignent les courriers qu'ils nous adressent. Ils méritent notre attention et notre respect. Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, quand consacrerez-vous un peu de temps aux six millions d'handicapés de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Vous n'avez pas tort d'appeler notre attention sur cette manifestation, signe d'un désarroi certain. Vous n'avez pas raison, en revanche, de dire que nous n'avons rien fait. Nous n'avons pas fait assez. Nous avons créé un nombre considérable de places d'accueil en établissement pour les handicapés les plus lourds. Restent maintenant à développer les prises en charge à domicile. Comme vous le savez, nous soutenons certaines expérimentations réalisées par des associations, en accordant un financement et en mettant à disposition des outils d'évaluation. Un groupe de travail doit par ailleurs remettre un rapport sur le sujet avant la fin juin. Enfin, la révision du TIPS facilitera beaucoup les prises en charge à domicile. C'est en effet sur ce point que doit maintenant porter l'effort. La tâche est considérable, nous nous y sommes attelés. Martine Aubry a reçu ce matin même les organisateurs de la manifestation ; je les recevrai, pour ma part, jeudi encore. La révision de la loi de 1975 est maintenant presque achevée. Mais vous êtes bien placé, Monsieur le député, pour savoir qu'aucun créneau législatif n'est disponible. Soyez en tout cas assuré de notre détermination à agir au plus vite, en concertation avec les associations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20. L'ordre du jour appelle la discussion et le vote de la motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution, par MM. Philippe Douste-Blazy, Jean-Louis Debré, José Rossi et 83 membres de l'Assemblée. M. le Président - Le texte de cette motion de censure a été communiqué à l'Assemblée dans sa troisième séance du mardi 18 mai 1999. M. François Bayrou - Depuis hier, on nous annonce que les assassins du préfet Claude Erignac sont enfin identifiés ! Notre première réaction est un grand soulagement. Enfin la Corse, enfin la République voient s'alléger la chape de plomb qui pesaient sur elles depuis plus d'une année. Enfin on peut espérer que les assassins seront capturés et châtiés. En cette occasion, nous avons tous une pensée pour M. Erignac, serviteur de l'Etat, pour son sacrifice et pour les siens, victimes comme lui. Nous vous demandons, Monsieur le Premier ministre, de transmettre à tous les services qui ont pris part à cette enquête les remerciements de la représentation nationale. Pour l'honneur de la République, à laquelle nous croyons tous, je me refuse à penser que la concomitance entre cette découverte, l'audition du préfet Bonnet par le juge d'instruction, voire cette discussion, soit due à autre chose qu'au hasard. Des questions se posent sans doute. L'avocat de M. Bonnet vient d'annoncer à la radio que son client avait fourni tous les détails de cette affaire au mois de novembre et des explications nous seront probablement fournies sur ces six mois de délai. Mais je ne veux pas voir là de lien de cause à effet. Car imaginer que, dans une affaire aussi grave, le calendrier ait été sollicité pour des raisons d'opportunité, ce serait beaucoup plus grave encore que tout ce qui a été révélé depuis le début de cette affaire d'incendie volontaire de paillotes. Je ne retiendrai donc pas cette hypothèse (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Certains se sont demandé, dans ces circonstances, s'il ne convenait pas de retirer cette motion de censure. Et bien non, car l'affaire des paillotes n'est pas l'affaire Erignac, et les lourdes dérives qui ont conduit à son avènement ne sont pas effacées pour autant. La motion de censure est le seul moyen dont dispose l'opposition pour obtenir un débat sur un sujet d'intérêt national. Elle est un appel à la responsabilité. Car nous croyons en une responsabilité collective dans l'affaire Bonnet, au-delà du huis clos, de la dérive psychologique, au-delà de l'homme qui pète les plombs. Il faut saisir cette occasion de réfléchir à l'avenir, non pas seulement de la Corse, mais de l'organisation des pouvoirs en France, de la société française tout entière. Nous voulons le faire de manière responsable et mesurée. D'abord parce que les difficultés et les dérives ne datent pas de votre gouvernement. On nous annonce que la réponse de votre groupe renverra à l'opposition, comme autant de boomerangs, les affaires anciennes, l'indécente manifestation de Tralunca, les tractations secrètes, les crimes demeurés impunis. Et l'opposition pourrait, de même, vous renvoyer à la volée la politique de Pierre Joxe, les négociations avec les poseurs de bombes. Cet échange serait vain et même ridicule. Ce n'est pas la gauche ou la droite qui sont en difficulté en Corse depuis vingt ans, c'est la République française, c'est l'Etat, c'est la démocratie. Et cette dernière affaire des paillotes les affaiblit plus encore. Si cette affaire d'Etat pouvait nous faire réfléchir à ce mal français, elle ne serait pas seulement un immense gâchis, elle pourrait être une occasion d'avancer tous ensemble. La Corse est fragile et déchirée. Tout a été écrit sur la crise profonde d'une société jadis habituée à trouver dans l'aventure coloniale de remarquables réussites individuelles, dans la fonction publique des carrières, dans le pays où l'on revient un jour, des racines, une manière plus chaleureuse et originale de se sentir Français. Ce rapport à l'Etat qui dispense avantages et carrières s'est noué autour d'un certain clientélisme, de la recherche de protecteurs efficaces et bien placés. Ce modèle n'est pas seulement Corse, mais sa mutation a provoqué là une crise plus grave qu'ailleurs. Parce que l'économie de l'île n'a pas pu offrir sur place l'emploi et la prospérité autrefois garantis à l'extérieur, la crise d'identité a été plus forte qu'ailleurs, le recours à des crispations identitaires plus violent et plus désespéré, l'installation de mafias diverses plus fréquente et plus dangereuse. D'Aleria à Tralunca, de bombe en bombe, de provocation en provocation, la Corse n'a cessé de s'enfoncer jusqu'en ce jour de février où Claude Erignac a payé de sa vie une action de défense de l'ordre et de la loi, une action demandée par le gouvernement précédent, une action de défense de l'Etat de droit. C'est dans ce climat que le préfet Bonnet a été nommé, qu'il a commencé son action. Et ses résultats ont été à deux faces : d'un côté le sentiment que le respect de la loi serait imposé par des moyens plus énergiques, de l'autre, une impression de persécution tatillonne, d'isolement, d'incompréhension. L'un devrait-il aller nécessairement avec l'autre ? Nous ne le croyons pas ! C'est pourtant la thèse de beaucoup, comme s'il fallait faire payer aux Corses les dérives de la Corse, comme s'ils n'étaient pas, pour l'immense majorité d'entre eux, les premières victimes, comme si ce n'était pas avec eux et non contre eux qu'il fallait construire l'avenir de l'île. Quoi qu'il en soit, l'Etat, en toute circonstance, doit donner l'exemple. Or en Corse, il a choisi une démarche hors-la-loi, criminelle, décidée d'une manière concertée entre les plus hautes autorités civile et militaire présentes sur l'île. C'est un plan d'ensemble : au moins deux paillotes brûlées, le 7 mars et le 19 avril, et six ou huit autres déjà inscrites, nous dit-on, sur la liste. C'est un plan concerté. C'est tout sauf une faute vénielle et aisément pardonnable dans le climat de l'île, comme certains voudraient nous le faire croire. Et ce n'est surtout pas, contrairement à ce qui a été écrit partout, une réponse passionnelle à l'impossibilité d'obtenir la démolition des paillotes, un sursaut d'orgueil blessé. Le calendrier est éloquent. La protestation des élus contre la démolition d'un de ces bâtiments date du 9 avril. Dans les jours qui suivent, le préfet signe la convention qui donne aux propriétaires jusqu'à la fin octobre pour démolir le bâtiment. Or de quand date le premier incendie volontaire ? Du 7 mars ! C'est à l'époque où elles disposaient de tous les moyens légaux que les autorités de l'île procèdent au premier attentat. C'est bien d'un plan, concerté et de long terme, qu'il s'agit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) Qui ne voit à quel degré d'affaiblissement de l'esprit civique, à quelle perte de repères on parvient en paraissant excuser une telle action ? L'incendie volontaire est un crime, passible de la cour d'assises. Un crime, en bande organisée, associant des personnes investies de l'autorité publique est un crime aggravé. Et un crime commis par l'autorité publique, lorsqu'on affirme défendre la loi et le droit, c'est une faute contre l'idée que des millions de Français, de Corse et d'ailleurs, peuvent se faire de la République. C'est une atteinte à la République. Tout cela pouvait-il être conduit sans qu'aucune autorité hiérarchique, aucun collaborateur du ministère de l'intérieur, de la défense ou de Matignon ait eu la moindre information ? C'est la thèse du Gouvernement. Pardonnez-moi : j'ai le plus grand mal à le croire. J'admets volontiers que si quelqu'un, dans les sphères du pouvoir, avait été informé en détail du plan de destruction des paillotes, il aurait eu le réflexe de dire non. Mais je n'imagine pas que, dans leurs nombreux entretiens avec leur hiérarchie, des hommes comme le préfet de région et le colonel de gendarmerie, ou l'un de leurs subordonnés, n'aient pas averti, entre les lignes, que cette entreprise de déstabilisation était en cours. Cela ne leur ressemble pas. Et cela ne ressemble pas à un Etat qui gère l'affaire corse par d'aussi fréquentes interventions. On voit bien dans quel cadre cette connivence aurait pu s'exprimer : c'est sans doute dans celui de l'enquête parallèle, dont vous avez assuré le 13 février qu'elle n'existait pas, et dont on sait aujourd'hui qu'elle donnait lieu à des notes régulières. Mais admettons un instant la thèse -à mes yeux incroyable- de l'ignorance générale. Alors nous sommes en droit de dire : s'il est vrai que le Gouvernement n'a eu aucune information, c'est pire ! Cette perte de contrôle, ce manque de soin dans le choix des fonctionnaires exerçant l'autorité, cette ignorance de dérives aussi graves, cette incompétence dans le suivi, ce serait le signe pour l'Etat d'une impuissance et d'une paralysie si graves qu'elles méritent sans doute plus grave condamnation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) Monsieur le Premier ministre, lors de votre déclaration de politique générale, vous affirmiez qu'un de vos objectifs était de revenir à l'esprit républicain. Vous disiez "qu'avant même de s'inscrire dans des institutions, la République est un état d'esprit. De la base au sommet de l'Etat, une seule façon d'agir doit prévaloir : celle du service de la nation. Nous sommes des citoyens responsables de l'Etat au service des citoyens, nous leur devons compte, nous leur rendrons compte". Cette motion de censure a pour premier objectif de vous permettre de rendre compte, et d'assumer réellement vos responsabilités face aux Français. Mais elle a pour nous un autre objectif, c'est d'essayer de réfléchir ensemble aux leçons à tirer des événements de Corse. Ce problème dépasse le clivage droite-gauche : c'est une certaine conception de la République qui est en jeu. Ces leçons concernent l'organisation et le fonctionnement de l'Etat. Pourquoi les plus hautes autorités de l'Etat dans l'île se sentaient-elles intouchables, couvertes ? Parce que les signes avaient été multipliés en ce sens. Ainsi le ministre de l'intérieur écrivait à Jacques Blanc : "Le 17 avril dernier, à Perpignan, vous avez tenu, à l'endroit du préfet de Corse, des propos qui font injure à M. Bernard Bonnet lui-même, au ministre de l'intérieur qui a proposé sa nomination et aux pouvoirs publics qui l'ont décidée. M. Bernard Bonnet exerce ses difficiles fonctions avec l'appui complet des pouvoirs publics. Dans l'action résolue qu'il a engagée pour que la loi soit respectée en Corse, comme sur tout le territoire national, il applique strictement les instructions qu'il reçoit du Gouvernement. Toute critique, toute agression qui le vise, vise aussitôt l'Etat". C'est à la lumière de tels propos qu'on comprend comment un sentiment d'impunité a pu se forger. Pourquoi ce sentiment ? Parce qu'en France, l'Etat, c'est l'Etat centralisé, jacobin ! C'est l'idée qu'un pays se gouverne d'en haut ; qu'on est d'autant plus efficace que le nombre de ceux qui participent à la décision est restreint ; que l'épreuve de force est le langage naturel ; que les locaux, les provinciaux, le terrain, sont toujours corporatistes, pris dans des intérêts personnels. Monsieur le Premier ministre, c'est le mal français ! Que les grandes décisions d'équipement, par exemple, soient toujours prises à Paris, que les attributions d'avantages dépendent de l'arbitraire du sommet, c'est un trait français, et non seulement corse. L'autre face du jacobinisme, c'est la déresponsabilisation et le clientélisme ! Parfois, les symptômes localisés expriment une maladie générale. Nous croyons qu'il existe une maladie générale de la France, et que vous ne la soignez pas. Nous croyons que la Corse ne nous parle pas seulement de la Corse, mais d'un mal français : la centralisation excessive et l'impuissance d'un Etat mal équilibré. Car il n'y a pas qu'en Corse que la République française est en difficulté. Les zones de non-droit ne sont pas limitées à la Corse. C'est la France entière qui souffre de non-droit. Lorsque des émeutes prennent pour cible des quartiers entiers de nos villes, où les services de police ou de sécurité annoncent qu'ils n'osent plus entrer, ce n'est pas en Corse, c'est à Toulouse, c'est à Vauvert, c'est partout en France. Lorsqu'une bande de prétendus "supporters" met en pièces sept autobus de la RATP, faisant des millions de dégâts, avec deux voitures de police devant et deux voitures de police derrière, ce n'est pas en Corse, c'est à Paris (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Lorsque les mêmes peuvent prendre tranquillement le TGV, qu'ils y font cinq millions de dégâts, et que la seule réponse donnée à l'opinion est "l'assurance paiera", cette impuissance, elle n'est pas en Corse, elle est à Marseille... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) Or ce jacobinisme, cette centralisation, cette impuissance d'un Etat mal équilibré, notamment en matière de sécurité, au lieu de les combattre et de les réduire, vous les aggravez à chacune de vos décisions : la loi sur la dépendance, la loi contre les exclusions, la taxe générale sur les activités polluantes et la centralisation du système des agences de l'eau, la loi sur l'intercommunalité, la mauvaise consommation des crédits provenant des fonds structurels du fait de la paralysie de l'administration française... Chaque fois, on renforce l'Etat central, et on affaiblit les pouvoirs de proximité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). L'Etat régente tout mais ne veut rien assumer, cependant que les acteurs locaux ne régentent rien mais doivent tout assumer. C'est pourquoi nous pensons que le problème corse n'est pas isolé. A certains égards, c'est toute la France qui est corse (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et souffre de faiblesses et de dérives. Et c'est pourquoi on ne pourra vraiment aider la Corse sans choisir pour toute la France une politique nouvelle de responsabilité et de confiance. Un mot, enfin, sur l'Etat. Les hauts fonctionnaires et les fonctionnaires de tout niveau se sont sentis salis par les rires gras, hélas inévitables, qui ont entouré la mise en prison d'un préfet, d'officiers de gendarmerie, et le ridicule de l'Etat, du droit, de la loi qu'ils ont pour mission de défendre. Cet Etat doit se réformer. S'il évite les formations d'exception, notamment en matière de sécurité, les groupements mystérieux et hors contrôle, il n'en sera que plus respecté. S'il accepte l'équilibre des pouvoirs et se contrôle lui-même, il sera plus transparent et plus efficace. S'il comprend que l'Etat n'est pas en situation de conflit avec les élus de terrain mais que ceux-ci font partie de l'Etat autant que les fonctionnaires, et que tous ensemble ne peuvent réussir sans confiance, il n'en sera que plus efficace. C'est cette révolution des esprits que nous souhaitons. Monsieur le Premier ministre, au-delà de la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement dans la gestion du dossier corse, nous avons voulu par cette motion de censure vous signifier qu'à la lumière de ces événements, pour restaurer la République, il est urgent de réformer l'Etat et que nous sommes disposés, sans parti pris, à y prendre toute notre part (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). M. Michel Vaxès - La Corse, une fois de plus, vit des moments difficiles. Aux maux du chômage et de la précarité, à ceux du droit bafoué et d'une image injustement ternie, aux souffrances d'une pauvreté qui désespère notamment de nombreux jeunes, fallait-il que s'ajoute une nouvelle épreuve ? Celle-ci, qui une fois de trop désigne l'île comme une exception négative, vient aggraver la souffrance et l'inquiétude de femmes, d'hommes qui continuent pourtant dans leur majorité à croire à l'unité et à la solidarité nationale. Ils continuent à espérer que le combat contre le clanisme, le clientélisme, l'individualisme, le nationalisme et ses dérives mafieuses sera poursuivi avec détermination et discernement. Ces Corses-là continuent d'espérer en un développement progressif et harmonieux de l'île, en un développement conforme à l'intérêt général : l'intérêt de ceux, dignes, honnêtes, démocrates qui ne veulent ni assistance ni privilèges, mais seulement la justice, et particulièrement la justice sociale. L'intérêt de ceux-là se confond plus que jamais en effet avec celui de toute la nation. Fallait-il ajouter à leur inquiétude par une hypocrisie ? Car c'est bien d'hypocrisie qu'il s'agit quand, après de longues hésitations et, probablement, de difficiles compromis, affichant une unité de façade, l'opposition tente d'exploiter un événement détestable et affligeant -l'incendie d'une paillote ! Détestable : il met en cause des représentants de l'Etat, chargés de veiller au respect des lois. Affligeant : il manifeste la difficulté persistante de faire appliquer le droit en Corse... M. Michel Hunault - C'est vous qui êtes affligeant ! M. Michel Vaxès - Nous avons entendu certains affirmer ici avec véhémence qu'il y aurait, au coeur du débat, non point la Corse mais l'Etat : quel crédit accorder à ce discours vertueux quand, dans les mêmes rangs, on s'interpose entre la parole de la République et les actes de ceux qui contreviennent aux lois de cette même République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV) Et quand la droite insulaire critique vivement, dès sa parution, le rapport Glavany, pourtant adopté à l'unanimité, qui met le feu ? En vérité, en s'approchant trop des braises, cette droite est à nouveau en train de se brûler ! Ni les Corses, ni la Corse, ni les corps de l'Etat, ni la France n'avaient besoin de cette nouvelle épreuve : l'utilisation d'un drame à des fins partisanes (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). La seule leçon à tirer de ces événements, c'est que l'Etat de droit ne sera pas rétabli en Corse par la force illégitime, mais par celle du droit, de la démocratie, de la justice sociale. L'Etat de droit ne peut se décréter du sommet, surtout s'il est perçu comme un carcan vexatoire. Il doit être assuré par tous ceux qui aspirent à être, dans la République, acteurs de l'intervention citoyenne. Non, les Corses n'avaient pas besoin d'une opération politicienne qui entretient la confusion et détourne de la réflexion collective. Les Corses, les organisations démocratiques qui les représentent, ont, comme hier, surtout besoin qu'on les écoute, qu'on les assure d'une totale transparence sur toutes les questions qui les concernent, qu'on les associe à toutes les décisions importantes et qu'on leur donne les moyens de développer leur île. Ils savent en effet que ce n'est pas le terrorisme qui libérera le peuple corse, mais une intervention populaire et démocratique qui reste à construire. Beaucoup souhaitent que nous les aidions dans cette entreprise et la nation s'honorerait à s'engager plus nettement à leurs côtés pour que la Corse ne devienne pas terre de peur et d'abandon, mais reste terre de dignité et de partage. Mais ce n'est pas à ces aspirations légitimes que l'initiative de la droite parlementaire vise à répondre. Pis : elle occulte le diagnostic de la commission d'enquête, qu'elle avait pourtant fait sien mais qui traduit, il est vrai, pour une part, l'échec de sa politique. Mais pouvait-il en être autrement ? Son bilan, en Corse comme sur le continent est solidaire de ses motivations et de ses objectifs véritables : plus de libéralisme, plus de déréglementation, pour plus d'accumulation financière et plus de privilèges. Cependant ceux qui ont censuré la droite en 1997 n'ont pas oublié les dégâts d'une politique ultra-libérale qui a cassé l'emploi, réduit le pouvoir d'achat, mis à mal les services publics. La Corse compte 15 000 chômeurs et autant de travailleurs précaires, à qui on a essayé de faire croire à des solutions miracles... Faut-il à cette île des dispositions spécifiques ? Oui, évidemment ! Celles qui ont été prises servent-elles son développement ? Evidemment non ! M. Gilbert Meyer - Et celles d'aujourd'hui ? M. Michel Vaxès - Deux cent soixante dix millions d'exonérations fiscales -l'équivalent de 2 000 emplois !- n'ont fait reculer ni le chômage ni la précarité. Au contraire, par la façon dont ces aides ont été conçues, elles n'ont fait qu'aggraver l'austérité qui est l'effet du libéralisme sauvage et qui asservit les ressources de la région aux intérêts particuliers (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). M. Pierre Lellouche - Neuf milliards de subventions, aussi : on est loin du libéralisme ! M. Michel Vaxès - Dans une enquête d'août 1998, l'INSEE a montré que pour la richesse créée par habitant, la Corse n'arrive qu'au 143ème rang des 196 régions européennes et affiche un PIB de 18 % inférieur à la moyenne. De 1993 à 1997, le nombre de demandeurs d'emplois à temps plein a augmenté de 18 % et la zone franche créée en 1996, si elle a procuré des avantages supplémentaires au patronat, a surtout aggravé l'exclusion, la précarité, l'inégalité et les discriminations fiscales. Elle n'a fait, au fond, qu'accuser les effets du statut de 1994 qui, en exonérant sans discernement de la taxe professionnelle, a alourdi la charge des ménages. Ces dispositions fiscales spécifiques, d'un coût d'un milliard et demi, profitent au seul patronat, mais la dette qu'a celui-ci à l'égard des organismes sociaux et du fisc, déjà énorme, a continué d'enfler... La politique de la droite, c'est aussi l'accélération des transactions occultes avec les clandestins (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le Garde des Sceaux en fonction le 26 février 1996 n'a-t-il pas déclaré que, "comme prévu", le FLNC-Canal Historique s'était transformé en parti politique ? L'histoire nous dira peut-être ce qu'il en est... M. Francis Delattre - Vous, vous êtes Canal Préhistorique ! M. Michel Vaxès - Quoi qu'il en soit, c'est la population la plus modeste, c'est-à-dire la très grande majorité des Corses, qui paie en définitive le tribut de cette politique. Et la droite voudrait nous convaincre de revenir à cette politique-là ? Non, les Corses ont déjà donné. Le Gouvernement doit poursuivre l'action engagée, en l'élargissant, pour ouvrir à nouveau à la Corse une perspective économique et politique. Les matériaux nécessaires à cette construction sont, à l'évidence, difficiles à réunir quand les forces de l'argent multiplient les obstacles. Sans doute faut-il affirmer avec plus de vigueur et d'audace, une volonté de passer de logiques de concurrence à une logique de coopération, de codéveloppement, de partage plus équitable des richesses et des aides, et c'est pour nous, communistes, une raison supplémentaire de continuer d'agir pour ce que nous croyons juste pour la Corse, pour chaque région française et pour l'Europe sociale que nous voulons construire. Les communistes sont partisans d'un haut niveau d'autonomie et de responsabilité pour toutes les collectivités territoriales et particulièrement pour la Corse. Cette démocratisation sans précédent va plus loin que le respect mécanique de l'Etat de droit : elle ne peut se concevoir sans un surcroît de solidarité nationale et un engagement de l'Etat, des services publics et des entreprises nationales (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Le Gouvernement a eu raison de confirmer sa volonté de rétablir l'Etat de droit. Mais il faut aussi dissiper les doutes quant à la crédibilité de son action. Il faut un contrôle politique efficace des décisions prises. Quant on s'attaque à de tels intérêts, il faut apporter au plus grand nombre, aux honnêtes gens, la démonstration que le rétablissement de l'Etat de droit est le seul chemin praticable pour briser la dérive mafieuse et le terrorisme et pour assurer l'essor de la Corse. Et cette Corse-là n'est ni un paradis fiscal, ni la Corse du non-droit souhaitée par une minorité.. Ce choix recevra un soutien d'autant plus large qu'il s'accompagnera de mesures aptes à améliorer réellement la vie des travailleurs et des plus démunis. La société insulaire a plus que jamais besoin de justice, de transparence et de démocratie. L'arbitraire, d'où qu'il vienne, est insupportable et les Corses, dans leur écrasante majorité, aspirent à un fonctionnement normal et civilisé. Pour avancer dans ce sens, on peut s'appuyer d'abord sur les 360 communes que compte l'île, autant de foyers potentiels de démocratie qui devraient disposer de compétences étendues et de moyens supplémentaires. En outre, l'Assemblée territoriale et les deux départements pourraient être, dans le respect de leurs compétences respectives, de haut lieux de la concertation et de la coordination des politiques publiques, susceptibles d'orienter les financements publics vers la production, l'emploi, la formation et la recherche, et de favoriser un contrôle démocratique de l'utilisation des crédits. La spécificité corse, réelle, ne peut s'accommoder sans dommage des exigences d'une Europe qui, sous prétexte de normaliser, nivelle vers le bas les acquis démocratiques les plus essentiels et, particulièrement, les services et secteurs publics. Les préserver, les développer, exige de donner aux Corses, comme à l'ensemble des forces vives de la nation, les moyens d'exercer pleinement leur citoyenneté. Cela signifie des droits nouveaux pour les salariés dans les entreprises, pour les locataires dans les offices HLM, pour chaque citoyen, enfin. Les élus, en Corse comme sur le continent, ne devraient-ils pas bénéficier d'un statut qui leur permette d'exercer leur mandat dans de meilleures conditions, et notamment pour leur permettre de développer des pratiques de démocratie directe ? Nous allons achever bientôt une révision constitutionnelle sur la parité. C'est très bien. Mais quels moyens spécifiques seront-ils donnés à la Corse pour réduire le taux d'inactivité féminine ? La Corse a des atouts naturels et historiques remarquables. Une politique d'industrialisation moderne, non polluante, une politique offensive pour les nouvelles technologies, la recherche, la culture, le tourisme, permettraient de mieux valoriser ses potentialités naturelles. Le logement social doit pouvoir répondre à une demande accrue (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Mais je vois que la vie concrète des Corses ne vous intéresse guère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) Le développement des infrastructures de transports, la maîtrise du développement énergétique sont décisifs pour l'avenir de la Corse. L'essor de l'île est aussi lié à la renaissance de l'identité corse dans le cadre de l'unité nationale. Cette identité ne renvoie pas seulement à la beauté des paysages et à la spécificité linguistique, elle concerne la qualité des rapports sociaux et des traditions, si malmenées par l'évolution mercantile et les dérives mafieuses. Ces quelques réflexions sont en phase avec les orientations que la commission d'enquête a adoptées à l'unanimité en septembre dernier. Mais la droite veut-elle de ce débat sur les droits de la communauté vivante du peuple corse ? Dans l'intervention qui nous a proposé la censure, j'ai trouvé des préoccupations bien éloignées de l'essentiel, c'est-à-dire de ce qui conditionne le présent et l'avenir de la Corse. Je crains que les Corses éprouvent un grand sentiment d'amertume de se voir une fois de plus utilisés. En nous éloignant de la Corse et des problèmes de la société insulaire, cette motion de censure nous empêche de faire toute la clarté sur l'ensemble des affaires qui, depuis des années, empoisonnent le climat politique et bloquent le développement de l'île. Nous nous réjouissons que l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac paraisse toucher à son terme. Il faut à présent élucider plusieurs dizaines d'autres affaires. Nos compatriotes corses attendent autre chose que de grandes manoeuvres sous influence électorale. Ils attendent des changements significatifs, qu'il appartient au Gouvernement d'engager. Seul un développement dynamique favorisera l'épanouissement de la Corse dans l'Etat républicain. Pour répondre à ces aspirations, le Gouvernement peut compter sur les députés communistes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). M. Nicolas Sarkozy - Avant même son dépôt, cette motion de censure avait donné lieu à de nombreuses interprétations. D'abord une précision : ce serait une vision réductrice de la démocratie que de limiter le dépôt d'une motion de censure à un seul objet, renverser le Gouvernement. A ce compte, une seule aurait été légitime en 40 ans, celle de 1962 ! Ensuite, le Premier ministre a dit qu'il voulait l'opinion comme juge. Mais comment s'exprime l'opinion ? Par des sondages, réversibles et aléatoires ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Plusieurs députés socialistes - Balladur ! Balladur ! M. Nicolas Sarkozy - Je vois que les citations de vos discours, Monsieur le Premier ministre, ont le mérite d'animer la majorité (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR). La majorité n'admet pas qu'on vous cite (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Dans une démocratie, l'avis du Parlement compte autant que celui de l'opinion et des sondages (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Les faits qui se sont produits en Corse sont assez graves et assez symboliques pour justifier une motion de censure qui ne soit pas interprétée comme une façon de mettre de l'huile sur le feu, et la Corse est un problème assez difficile pour que personne ne soit tenté d'en rajouter. Si les problèmes de la Corse étaient faciles à résoudre, cela se saurait depuis longtemps -et je ne veux pas accabler les hommes qui sont aujourd'hui en prison, ils ont droit à la présomption d'innocence, d'autant plus qu'ils ne bénéficient, eux, d'aucun droit de réponse. Ce que nous voulons, c'est aller au coeur du débat, aider les Français à comprendre comment on a pu en arriver à un si effroyable gâchis, au spectacle qu'a donné pendant 15 mois la préfecture de la Corse. Cette motion de censure est l'occasion pour chacun de tenter de reconstituer un puzzle extravagant. La question centrale est celle de la responsabilité. La marque de la démocratie, c'est de pouvoir répondre à tout moment à cette question, c'est même ce qui la distingue de la dictature, où personne n'est responsable (M. Arnaud Montebourg s'exclame). Vous aussi, vous aurez votre paquet, mais souffrez que l'opposition puisse exprimer sa part de vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) La recherche de la responsabilité pénale est l'affaire de la justice, qui doit pouvoir faire son travail et mettre en cause la responsabilité pénale du Premier ministre, ce serait contester sa parole. Je ne le ferai pas, car je respecte l'homme. Mais je serai d'autant plus implacable quant à la responsabilité politique. C'est là en effet que nos deux vérités s'opposent frontalement. Vous organisez toute votre défense sur le fait que vous ignoriez cette réalité sinistre : mais cela, loin de vous exonérer, vous accable ! Le 19 juin 1997, vous disiez que l'Etat de droit ne doit souffrir aucune exception. Aujourd'hui, votre bilan politique en Corse est si contesté que vous avez dit en être profondément blessé. Depuis 15 mois, on a vu l'assassinat d'un préfet en exercice (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) -et je me réjouis que l'enquête ait enfin abouti. Je m'associe aux félicitations adressées aux services de police par le président de l'UDF (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)- voilà démontré que, si on laisse travailler la police dans le cadre légal, elle obtient des résultats : l'arrestation des assassins du préfet Erignac ne peut que renforcer notre condamnation d'un système dérogatoire (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il est peu compréhensible que le même ministre de l'intérieur qui sable le champagne avec la police à l'heure du succès, soit le dernier informé quand un préfet dérape : si on veut s'approprier le succès d'un jour (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), il est difficile de refuser d'assumer l'échec de 15 mois (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). C'est sur un système que nous vous demandons de vous expliquer. Mais aucune de nos questions d'actualité n'a obtenu de réponse. Mme Odette Grzegrzulka - A mauvaise question, pas de réponse. M. Nicolas Sarkozy - On a vu parader à Ajaccio des détenus de droit commun, et certains n'ont pas hésité à prophétiser la chute de la République française, après celle du mur de Berlin en 1989. Peut-être n'avez-vous pas été choqué par cette comparaison. Nous, si. Quinze mois après l'assassinat du préfet, les maffieux se sentent-ils donc suffisamment forts pour manifester ainsi ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) J'en reviens à ces fameuses paillotes : je dis "ces paillotes", car il n'y a pas qu'une, mais plusieurs en cause ! Quel étrange destin que le leur, sous votre Gouvernement. Déclarées illégales par les tribunaux, elles ont bénéficié d'un sursis accordé par le préfet Bonnet avant d'être nuitamment détruites par des gendarmes. Plusieurs députés socialistes et communistes - Léotard ! M. Nicolas Sarkozy - Elles sont reconstruites en urgence sous l'autorité du préfet, alors même qu'elles demeurent illégales, et on nous promet leur démolition pour octobre. C'est lamentable ! Vous-même, Monsieur le Premier ministre, étiez loin de penser qu'il vous faudrait assumer un tel bilan. Cependant, nul ne peut être désigné à votre place ou à celle de vos ministres, quelle que soit votre volonté de vous exonérer de toute responsabilité dans cette affaire. Un jour, vous nous renvoyez au niveau du dessous : le préfet a tout imaginé, tout organisé, tout calculé. Le lendemain, vous mettez en cause le niveau du dessus : le Président de la République. Il n'y a qu'un point constant dans votre défense : à vos yeux, vous n'endossez aucune responsabilité dans ce qui s'est produit, si ce n'est, depuis hier, l'arrestation des assassins du préfet -comme si, enfin, était revenu le temps d'assumer ses responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Avez-vous oublié que les préfets sont sous la responsabilité du Gouvernement ? Qu'ils n'agissent que sur son ordre ? Qu'ils n'ont aucune marge de manoeuvre ? Vous appliquez-vous votre fameux "droit d'inventaire" ? Souvenez-vous, Monsieur le Premier ministre, de ce "droit d'inventaire" que vous invoquiez à propos de François Mitterrand. L'ironie, voyez-vous, est la compagne obligée de ceux qui ont trop tendance à se poser en donneurs de leçons (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Votre première responsabilité n'est pas la plus grave : vous vous êtes lourdement trompé dans le choix des hommes chargés d'incarner votre politique. Je reconnais volontiers que nul n'est à l'abri d'une telle erreur, que nous aurions pu commettre aussi. Mais comment les républicains que vous êtes, vos ministres et vous, avez-vous pu accepter qu'un système d'exception se mette ainsi en place et qu'on déroge aux règles les plus élémentaires, qui sont justement destinées à protéger les ministres des agissements de leurs subordonnés ? En laissant le préfet de région agir à sa guise, vous avez laissé un homme s'enfermer dans la certitude qu'il jouait un rôle messianique, ce qui n'a rien à voir avec les attributions d'un préfet de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La seule façon de rétablir l'Etat de droit en Corse, c'était d'y faire respecter la légalité républicaine : ni plus, ni moins. On ne combat pas les hors-la-loi en encourageant les représentants de l'Etat à sortir de la légalité ! (Mêmes mouvements) Où sont aujourd'hui les Verts, qui se réclament d'une "nouvelle façon de faire de la politique" ? Et que pensent-ils de la vôtre ? Où sont donc les communistes, si ardents, jadis, à critiquer la conception de l'Etat du général de Gaulle ? Et où sont-ils ces jeunes parlementaires socialistes qui ne savent pas former une phrase sans y mettre le mot "vertu" et quatre fois celui de "morale" ? Ils n'ont rien vu, rien appris, rien compris ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Comment un homme comme vous a-t-il pu laisser fonctionner pendant quinze mois un tel système ? Qu'ont fait les ministres de la défense, de l'intérieur et de la justice ? Et les membres de leurs cabinets ? Pourquoi a-t-on fait si aveuglément confiance au préfet, jusqu'à en oublier les règles prudentielles d'usage ? Quant aux directeurs d'administrations centrales, à celui de la gendarmerie, étaient-ils tous en mission, pour n'avoir rien contrôlé, rien examiné ? C'est bien le rôle de l'opposition que de poser ces questions (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ce défaut de vigilance nous étonne de vous, d'ordinaire si prompt à mettre en avant votre "méthode", qui fait merveille depuis deux ans ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Je me réjouis de vous donner l'occasion de m'applaudir au moins une fois. Votre méthode, en Corse, porte un nom, Monsieur le ministre : c'est "fiasco" (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Votre responsabilité est engagée. Je ne doute pas que votre porte-parole, me réponde en dressant le bilan de la droite en Corse. C'est sans doute de bonne guerre, mais est-ce à la hauteur de l'enjeu ? Si j'admets que nous n'avons pas enregistré que des succès en Corse (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)... reconnaissez que jamais, avant vous, on n'avait assassiné un préfet et embastillé son successeur ! Notre responsabilité a déjà été engagée, en 1997. Aujourd'hui, c'est vous et pas nous qui êtes en première ligne (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Quelle est votre conception de la responsabilité ? Vous vous dites "profondément blessé". Mais la profondeur de votre blessure est-elle inversement proportionnelle à la légèreté de votre responsabilité ? Qu'auriez-vous dit, si un tel scandale avait éclaté sous un gouvernement de droite ! Demandez à votre Garde des Sceaux combien de maires sont mis en cause pour toutes sortes de dysfonctionnements communaux, pour la chute sur un enfant d'un panneau de basket ! Demandez à votre ministre de l'emploi combien d'employeurs sont inquiétés pour une faute d'un de leurs salariés. Et combien de directeurs de journaux condamnés pour les écrits de leurs journalistes ? Je suis de ceux qui trouvent souvent excessive cette recherche effrénée d'un coupable. Mais votre attitude aussi est excessive. Pas responsable, pas coupable. Vous revendiquez votre responsabilité quand les choses vont bien et refusez de l'assumer quand elles vont mal. Qu'il me soit permis d'ajouter, en période d'élections européennes, que dans aucune autre démocratie de l'Union on se serait contenté de sanctionner le lampiste. Je n'aime pas à réclamer des têtes. Les Français savent ce qu'il aurait fallu faire. Aucun de vos ministres ne vous l'a suggéré. Il est des silences qui accusent. Monsieur le Premier ministre, vous êtes responsable d'un effroyable dysfonctionnement de l'Etat (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. Jean-Marc Ayrault - Péniblement, après bien des hésitations, les trois groupes de l'opposition ont fini par se mettre d'accord pour déposer une motion visant à censurer le Gouvernement en raison "des actes criminels commis en Corse dans la nuit du 19 au 20 avril 1999 à Cala d'Orzu". MM. Madelin et Sarkozy se sont donc résignés à s'aligner sur M. Bayrou : c'est une première, une revanche pour le méprisé de la droite, qui, il y a peu, se faisait tancer par Philippe Séguin, était ignoré par le RPR et combattu par Démocratie libérale. C'est une nouvelle preuve de la confusion qui règne à droite depuis la dissolution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Chacun a compris que pour l'opposition, aujourd'hui, il est bien peu question de la Corse, en fait. S'il s'agissait vraiment de la Corse, trouverait-on dans la liste des signataires de cette motion les noms de MM. Balladur, Juppé, Debré, Léotard et Rossi qui, de par leurs fonctions passées ou présentes, s'arrogent aujourd'hui le droit de donner des leçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Ne manquent dans cette liste que les noms de ceux qui, occupant alors les plus hautes fonctions exécutives de l'Etat, ont géré, comme on s'en souvient, la crise d'Aleria. C'est là que le sang coula pour la première fois, deux gendarmes ayant été tués dans l'exercice de leurs fonctions. Si l'Assemblée nationale, par la force des choses, est souvent gouvernée par l'émotion de l'instant, elle ne peut à ce point manquer de mémoire. Quel souvenir que cette nuit du 11 au 12 janvier 1996 au cours de laquelle six cents terroristes cagoulés et armés, défiant l'Etat et lui infligeant une humiliation sans précédent, tiennent une conférence de presse à Tralonca ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Qui était alors ministre de l'intérieur ? Qui, le lendemain de ce carnaval funèbre, débarqua dans l'île comme si tout était normal ? (Mêmes mouvements) Qui fut désavoué, mais trop tard, par le Premier ministre qui exigea ensuite le limogeage de deux de ses conseillers ? Qui, à l'époque, définissait la politique du Gouvernement en Corse ? Enfin, qui, du ministre de l'intérieur ou du Premier ministre, a assumé la responsabilité politique de ce scandale ? Or, ceux-là mêmes, Monsieur le Premier ministre, veulent aujourd'hui vous censurer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Cette terrible nuit du 11 au 12 janvier 1996, a marqué une connivence honteuse entre le terrorisme et une haute autorité de la République et ouvert la voie funeste qui laissait croire que tout était possible, en un mot que l'Etat démissionnait. Cela aurait dû conduire les acteurs de ces faits à plus de retenue. Or ils manifestent aujourd'hui impudence et arrogance politicienne. Ces méthodes, qui n'honorent pas la République, qualifient ceux qui en usent. Au moment où l'enquête qui a permis de découvrir les auteurs de l'assassinat du préfet Erignac franchit un pas décisif, certains feignent d'y voir une manoeuvre du Gouvernement visant à banaliser la mise en cause de fonctionnaires de l'Etat dans l'incendie d'une paillote et la motion de censure de l'opposition. Comme si l'on pouvait mettre sur le même plan l'incendie volontaire d'une paillote, commis par des fonctionnaires de l'Etat, acte certes inacceptable et condamnable, ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et l'assassinat d'un préfet de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) La politique qu'on menée par le passé les gouvernements socialistes en Corse est-elle exempte de critiques ? Ces gouvernements doivent, à tout le moins, être crédités d'avoir essayé... Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Essayé ! M. Jean-Marc Ayrault - ...d'échapper à cette impasse à la fois dialectique et morale, à savoir que notre attachement viscéral à la République une et indivisible n'est pas antinomique de diversité. Non, unicité ne signifie pas uniformité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Nous sommes depuis toujours convaincus de l'appartenance consubstantielle de la Corse à la France républicaine mais aussi attentifs à l'espoir de ce peuple très ancien de n'être pas réduit à des clichés paternalistes fleurant le folklore. Si le malentendu subsiste, ce n'est pas faute d'avoir tenté de prendre en compte dans notre politique le fait insulaire et le poids de l'histoire. En témoignent d'ailleurs le statut Defferre et la réforme Joxe, dont les Corses et en premier lieu leurs élus, n'ont pas su se saisir et les faire vivre. Nous avons peut-être sous-estimé dans leur application les dérives clientélistes qui, au-delà de la déliquescence des moeurs qu'elles provoquent, suscitent chez l'immense majorité des Corses une profonde souffrance. Nous avons sans doute aussi sous-estimé l'incompréhension de nos compatriotes devant les difficultés de l'île. Les demandes répétées, d'un côté d'une plus grande autonomie, de l'autre de toujours plus d'aides financières, comme la persistance des attentats et des rackets ont provoqué chez beaucoup de Français lassitude et désintérêt condescendant, autant d'obstacles au retour de la concorde et de la confiance, indispensables au développement économique, social et culturel auquel la Corse à droit. En tout cas, nous n'avons jamais renoncé à l'exigence de comprendre et d'évoluer. A cet instant, je dirai quelques mots des situations qu'ont connu pendant trop longtemps nos fonctionnaires dans l'île. Il faut sur ce point n'éluder ni les responsabilités de l'Etat, ni celles des Corses eux-mêmes. Combien de fonctionnaires ont-ils été découragés, moqués, défiés, voire chassés de l'île après des menaces sur leur personne et sur leur famille ? Chaque citoyen résidant dans l'île aurait dû condamner et combattre cette situation inadmissible et honteuse. L'Etat n'a pas pris garde, suffisamment, aux blessures intimes de ceux qui sont revenus sur le continent avec le sentiment d'avoir été amenés, du fait de ses hésitations et d'obscures connivences politiques, à fermer les yeux, à tolérer la violation des lois et des règlements comme le détournement des fonds publics, en un mot à une dérive à la sicilienne. L'administration judiciaire n'a pas été épargnée. Si son fonctionnement dans l'affaire de la paillote a été, non pas exemplaire, mais normal, nous ne saurions oublier, que trop longtemps l'action publique en Corse a été pervertie par des considérations d'opportunité et d'influences politiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Dans des termes terribles, le 12 janvier 1996, quatorze magistrats en poste en Corse ont dénoncé cette situation dans une lettre ouverte au Garde des Sceaux. Permettez-moi aujourd'hui de vous en citer certains extraits : "Certaines actions criminelles ont été revendiquées par l'organisation clandestine FLNC-Canal Historique au moyen de tracts par lesquels elle mettait en garde les fonctionnaires de police et les magistrats sur les conséquences que pourrait avoir pour eux l'exercice de poursuites contre ses militants... Certaines décisions judiciaires sur des affaires de nature politique ou de droit commun, mettant en cause des personnes se réclamant du nationalisme, ne s'expliquent que par l'existence de négociations secrètes et tranchent avec les décisions que sont amenés à prendre les magistrats exerçant en Corse sur des dossiers similaires... Cette absence de cohérence, largement commentée par l'opinion insulaire et perçue comme une négation du principe d'égalité des citoyens devant la justice est de nature à affecter durablement la crédibilité et l'efficacité de l'institution judiciaire... Cet état de fait ne peut qu'inciter les délinquants de droit commun à se réclamer de ces mouvements ou à user de leurs méthodes". Qui portait en 1996 la responsabilité politique de cette situation indigne ? Le Garde des Sceaux et le Premier ministre de l'époque (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Peut-on s'imaginer ce à quoi ont conduit ces pratiques de l'ombre et ces consignes occultes ? Peut-on comprendre ce que pouvait avoir de douloureux pour les Corses d'être, de facto, considérés comme à part dans la communauté nationale ? La grande majorité d'entre eux ne le souhaite pas, aspirant simplement à être pleinement eux-mêmes au sein de la République. Le premier paragraphe de la motion de censure rappelle, comme pour vous accuser, Monsieur le Premier ministre, ce que furent vos paroles dès votre prise de fonction le 19 juin 1997 : "L'Etat de droit ne doit pas souffrir d'exception. En Corse, comme partout ailleurs, le Gouvernement veillera au respect de la loi républicaine". Ce que l'on vous reproche aujourd'hui est en fait un hommage à votre intuition et à votre conviction (Rires moqueurs sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous saviez déjà que rien ne pouvait se construire dans l'île si les lois et les règlements de la République n'y étaient pas respectés, si la fonction publique n'y était pas considérée, si pouvaient triompher la morgue des passe-droits et l'insolence des petits gangsters et des grands prédateurs. Vous aviez perçu que la Corse avait, avant tout, soif d'un honneur retrouvé. Il ne s'agissait nullement de mettre la Corse au pas, ni de refuser toute évolution institutionnelle, mais d'enrayer sa dérive vers l'abîme des trafics et des combines. Depuis beaucoup a été fait pour faire respecter l'Etat de droit et plusieurs pas ont été accomplis dans la bonne direction. L'assassinat du préfet Claude Erignac trouve ses causes profondes dans cette volonté qui mettait en péril l'alliance d'un courant d'opinion -l'aspiration très minoritaire à l'indépendance- avec le gangstérisme et le terrorisme. La grandeur d'un Etat démocratique est de permettre l'expression publique de la contestation. L'une de ses règles de fonctionnement est que celle-ci puisse se traduire dans les urnes. Rien ne permet d'excuser la violence ni les attentats. Comment comprendre que les élus des listes nationalistes ne condamnent pas formellement et celle-là et ceux-ci ? Comment qualifier un président d'assemblée régionale qui passe des accords avec des nationalistes qui se refusent à stigmatiser ceux qui veulent, par le plastic et le meurtre, mettre à bas la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Comment expliquer une attitude aussi irresponsable, aussi basse, aussi vile ? Nommé après l'assassinat d'un de ses collègues, un préfet a reçu la mission la plus éminente qui soit, représenter la République. Dans des circonstances tragiques et difficiles, sa charge écrasante l'a peut-être entraîné, et avec lui certains de ses subordonnés, à des actes inadmissibles. De quel vertige ont-ils été saisis ? Quels sont les ressorts de leur dérive ? La justice, en toute indépendance, le dira. Mais il est aujourd'hui nécessaire d'être clair : non, le Gouvernement républicain n'est pas responsable des agissements de ces soldats perdus (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le Gouvernement est responsable de la politique qu'il engage, des actes qu'il décide. Et cette politique, aujourd'hui, en Corse, est en train de réussir (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). C'est cette responsabilité qu'il nous est demandé aujourd'hui d'apprécier. Monsieur le Premier ministre, l'épreuve renforce le juste. Votre Gouvernement ne mérite pas la censure de l'Assemblée nationale. La voie que vous avez tracée est nécessaire. Les députés socialistes vous renouvellent leur confiance et leur amitié. Ceux qui vous censureront suivront la pente de leurs calculs, de leurs rancunes et de leurs remords (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Une fois de plus, ils n'auront pas rendu service à la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; quelques huées). M. Laurent Dominati - "L'autorité de l'Etat a été atteinte en Corse" déclarait il y a peu Lionel Jospin devant notre assemblée. En effet, la présente motion de censure ne porte pas sur la Corse, sur l'honneur de la Corse, mais sur l'Etat, sur l'honneur de l'Etat, sur l'honneur du Gouvernement dans cette affaire d'Etat. Cette motion porte aussi sur l'attitude du Gouvernement dans la gestion de cette affaire et sur la politique qu'il a menée, au nom de l'Etat et par l'intermédiaire de son représentant, le préfet de Corse. "Qui porte la responsabilité de cette lamentable affaire ?" vous demandiez-vous. Eh bien, nous voulons mettre le doigt sur la faillite de votre Gouvernement et nous jugeons nécessaire de réaffirmer solennellement notre volonté de tout faire pour que l'Etat retrouve le chemin de la légalité républicaine, pour qu'il assure la sécurité en Corse comme ailleurs. Nous voulons aussi insister sur le principe de responsabilité car sans responsabilité, comment une société peut-elle être organisée ? En tant que Premier ministre, vous assumez la responsabilité politique de ce que font les agents de l'Etat. Et si l'on veut restaurer la confiance en l'Etat, en un Etat qui fait respecter et qui respecte lui-même le droit, il faut bien que quelqu'un assume sa responsabilité devant les citoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR). Depuis l'assassinat du préfet Claude Erignac, votre Gouvernement bénéficiait d'une sorte de consensus en faveur de l'instauration d'un Etat de droit. Mais ce consensus a débouché sur un véritable gâchis. Il ne s'agit pas ici de chercher une médiocre querelle mais au contraire de rendre hommage à tous les fonctionnaires, les gendarmes, les policiers, les préfets qui représentent l'Etat en Corse. Je félicite ici les service de police qui ont arrêté -enfin !- les assassins présumés du préfet Erignac. Un Etat qui laisserait assassiner un préfet et donnerait le sentiment de l'impunité des meurtriers serait incapable de faire respecter la loi. Nous nous réjouissons donc tous de cette arrestation. Mais un Etat incapable de respecter lui-même la loi ne saurait demander aux citoyens de la respecter à leur tour (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DL). On a parlé après l'assassinat de Claude Erignac d'unité morale de la nation, du resserrement entre les Corses et leurs autres concitoyens et vous avez bénéficié alors de l'appui de toutes les forces politiques. Vous avez d'ailleurs intégré dans la communication du Gouvernement ce retour à une image de fermeté de la gauche, faisant du préfet Bonnet le chevalier blanc qui ferait oublier les lois d'amnistie et la libération des poseurs de bombes, dont certains figurent d'ailleurs parmi les personnes arrêtées hier... Mais aujourd'hui le chevalier blanc est devenu un préfet moralement affaibli... Jamais la fracture entre les Corses et leurs compatriotes n'a été aussi large. Bien sûr vous dites n'avoir pas voulu cela, donc n'en être pas responsables. Mais alors qui est responsable ? A vos yeux ceux qui vous critiquent -le ministre de l'intérieur n'a-t-il pas considéré que nos affirmations faisaient le jeu des terroristes ?- car ils critiqueraient ainsi la politique de retour à l'Etat de droit. Ainsi nous n'aurions pas le droit de mettre en évidence vos fautes, vos compromissions, vos échecs. Sont aussi responsables les gendarmes, contre lesquels le ministre de la défense a réclamé des sanctions exemplaires, eux qui sont allés la nuit mettre le feu avec une cagoule sans doute payée par l'Etat. Est responsable aussi, mais seulement après bien du temps, le préfet, non parce que le choix était mauvais puisqu'il était aussi celui du Président de la République, mais parce qu'étant en Corse il a été happé par l'ambiance et a donné cet ordre parce que, là-bas, rien n'est naturel... Si à Paris le préfet de police mettait le feu à une boîte de nuit qu'il ne parvient pas à fermer, vous trouveriez sans doute cela normal parce que c'est Paris... (Sourires) et je suppose qu'à la prochaine grève des routiers, si un préfet envoie nuitamment les CRS mettre le feu à un camion qui bloque la route, vous n'y verrez rien à redire... La Corse est symptomatique d'un système de Gouvernement qui ne contrôle pas les agents de l'Etat. Et vous, qui placez si haut la vertu et la transparence, vous avez fait preuve dans cette affaire d'irresponsabilité et de confusion. Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce que le Gouvernement n'a pas su assumer ses responsabilités. Pourtant, il s'agissait d'un dossier prioritaire, dont le ministre de l'intérieur s'est empressé de dire qu'il relevait d'une compétence interministérielle. Vous avez nommé ce préfet, vous lui avez donné carte blanche et vous lui avez demandé d'être en relation directe avec vous. Il était en relation directe avec votre cabinet tous les quinze jours (M. le Premier ministre fait un geste de dénégation). Ce n'était pas un cabinet noir mais on ignore de quoi il discutait avec le préfet. Vous le voyiez souvent mais on ignore tout de vos conversations. Vous n'avez pas fait mais vous avez laissé faire, ce qui est peut-être plus grave. Vous avez aussi laissé s'instaurer entre les services une concurrence que dénoncent d'ailleurs ceux qui ont procédé aux arrestations d'hier, affirmant qu'ils ont arrêté cette bande malgré le préfet Bonnet... Voilà qui justifie amplement cette motion de censure ! Quand des policiers dénoncent ainsi les dysfonctionnements de l'Etat, il faut leur rendre hommage, surtout il faut sanctionner les responsables de l'Etat et du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Vous avez indiqué qu'il n'y avait ni enquête ni écoutes parallèles. Pourtant, en décembre 1998, le préfet Bonnet vous a remis, ainsi qu'à M. Chevènement, ses notes relatives à la bande du golfe de Sagone. En janvier 1999, le ministre de l'intérieur fait une visite en Corse. Le 4 février, vous tenez une réunion intergouvernementale sur la Corse. Le 8 février, vous recevez personnellement le préfet Bonnet. Le 13 février vous lui réitérez votre confiance, devant l'Assemblée où l'on vous interroge sur l'existence d'enquêtes parallèles, sur les dysfonctionnements des services, sur les dysfonctionnements des affaires de l'Etat en Corse. La ministre de la justice nous garantit alors que le Gouvernement assure toute la coordination nécessaire entre les services de police. Et le 7 mars, une première paillote est incendiée. Quel suivi d'un dossier prioritaire ! Quelle information du Gouvernement ! Est-il nécessaire que l'on vous rende des comptes à ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Mais après ce premier incendie -que l'on n'a d'ailleurs appris que le 19 mai- il y en eut un autre, dans la nuit du 19 au 20 avril. Et là non plus, vous n'étiez pas informé... Pourtant le colonel Mazères était à Paris, Monsieur le ministre de la défense, à la direction générale de la gendarmerie. Qu'y a-t-il dit ? Qu'y a-t-il fait ? Vous ne nous l'avez jamais dit. M. Alain Richard, ministre de la défense - Mais si ! M. Laurent Dominati - Non ! Vous ne l'avez jamais dit dans cette enceinte, Le Figaro nous apprend d'ailleurs qu'il a avoué, le 19 mai seulement, avoir commis avec le directeur de cabinet du préfet l'attentat du 7 mars. Vous-même ne saviez rien, ne voulant rien savoir, ou bien vous saviez, et n'avez rien voulu dire à l'Assemblée : dans les deux cas vous devez être sanctionné (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Mais le Premier ministre, qui a tenu le 27 avril une réunion interministérielle avec des représentants de la direction générale de la gendarmerie, après que M. Chevènement ait reçu le préfet Bonnet, ne dit rien non plus. Il réaffirme sa confiance dans le préfet, et le lendemain même de cette réunion, où il aurait dû être informé, il persiste à dire qu'il s'agit d'un dysfonctionnement interne, d'une affaire qui "ne concerne pas le Gouvernement", selon les termes du ministre de l'intérieur. Le ministre de la justice rappelle la nécessité de respecter la présomption d'innocence, et le ministre de la défense parle de manquements individuels. Il s'agit sans doute -c'est ce que vous voulez alors faire croire à l'Assemblée- de quelques gendarmes qui, par accointance avec un restaurateur, sont allés de nuit incendier une paillote pour lui faire toucher une assurance... C'est ce qu'on nous a servi ! M. le Ministre de la défense - C'est inexact. J'ai bien parlé de manquement individuel. Tout le reste est invention. M. Laurent Dominati - "Ce n'est pas une affaire qui concerne le Gouvernement", nous a-t-on dit le 5 mai. Et le même jour, tout en relevant le préfet Bonnet de ses fonctions, le Premier ministre indique que ce n'est pas une sanction. Ce refus de le sanctionner serait très beau, Monsieur le Premier ministre, si vous aviez en même temps considéré qu'il n'était que votre représentant, et que la responsabilité vous incombait. Mais dans cette affaire, le Gouvernement a choisi en réalité l'attitude des trois petits singes : je ne veux rien entendre des avertissements, je ne veux rien voir de ce que font mes représentants, et surtout je ne dirai rien. On doit donc se demander comment faire confiance à un gouvernement qui se veut à ce point irresponsable et qui n'assume pas l'action de ses agents. Vous avez déclaré : "je compte assumer toutes mes responsabilités". Je voudrais savoir ce que vous entendez par là, et quelle est votre conception de la responsabilité. Il y a tout d'abord la responsabilité pénale. Nous ne souhaitons pas vous traduire en Haute Cour. Mais de votre côté, après avoir précipitamment rappelé que les gendarmes et le préfet avaient droit à la présomption d'innocence, vous avez refusé la protection juridique de l'Etat à ses agents. Vous avez certes fait bénéficier le préfet Bonnet de l'assistance de Me Kiejmann, qui est, autant que l'avocat du préfet, celui de la majorité et du Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR). Mais pas de protection juridique de l'Etat pour les gendarmes. Pourquoi ? Parce que l'accorder était trop dangereux : c'était établir un lien avec vous, ministres de la République, qui aviez pour tâche de leur donner des instructions et de les contrôler... Il y a, en second lieu, les sanctions administratives, et vous allez sans doute en prendre, mais surtout qu'elles s'arrêtent au préfet ! Les militaires vont être sanctionnés pour n'avoir pas respecté le code militaire, qui interdit d'appliquer des ordres illégaux. Mais laissez-moi vous lire l'article 7 du code militaire : "Devoir et responsabilité du chef. Cette responsabilité ne peut être dégagée par la responsabilité propre des subordonnés". Il y a là une conception de la responsabilité, oserai-je dire de l'honneur, qui interdit d'accabler des fonctionnaires et des gendarmes tout en vous exonérant vous-même (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Il y a, enfin, la responsabilité politique, devant le peuple et l'Assemblée. Celle-ci jugera, mais vous pourriez vous inspirer de quelques exemples. La Commission de Bruxelles, par exemple, a démissionné pour bien moins. Elle a peut-être accompli des actes illégaux, mais elle n'a pas demandé à ses agents de les commettre pour elle. Vous pourriez aussi vous inspirer de la responsabilité des maires, ou des chefs d'entreprise. Quelle sanction, Monsieur le Premier ministre, prévoyez-vous pour vous-même ? A cette heure, la seule réponse que nous ayons obtenue est : rien... Mais, au-delà de vous, la question est de savoir comment restaurer la confiance de nos concitoyens envers l'Etat. Vous aurez la majorité dans le vote sur la motion, mais je ne sais pas si vous aurez conservé l'autorité morale nécessaire pour se faire respecter de ses concitoyens, après avoir ignoré pendant des mois ce que faisaient vos représentants, tout en expliquant que le préfet ne faisait qu'appliquer vos instructions. Et trois semaines après les faits, et après les rapports de l'inspection générale et de la gendarmerie -déjà en partie infirmés d'ailleurs-, j'ai envie de vous demander : finalement, que savez-vous du plan paillotes, du plan mitraillage, du plan bateaux ? Que savez-vous de la concurrence entre services de police et de gendarmerie, des écoutes téléphoniques, du vol du dossier du préfet de police au ministère de l'intérieur, du cambriolage de l'appartement du directeur de cabinet en Corse ? Que savez-vous de ces affaires, de tant d'extraordinaires coïncidences, sur un dossier qui vous concerne directement ? Et un gouvernement qui ignore ce que font ses représentants en Corse, que sait-il de ce qu'ils font ailleurs ? Savez-vous ce que font nos forces armées au Kosovo ? S'il y arrive quelque chose, direz-vous : nous ne savons pas, nous ne sommes pas responsables ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Devant une telle carence de l'exécutif, le pouvoir législatif se doit de le sanctionner. Chaque député devra d'ailleurs rendre compte de son vote. Si vous vous sentez solidaires de l'affaire des paillotes, libre à vous ! Nous, non. Nous ne sommes pas solidaires d'un gouvernement qui n'assume pas ses responsabilités, et qui ignore ce qui se passe dans un domaine qu'il a déclaré prioritaire. Vous aurez la majorité ; mais, pour restaurer la confiance dans l'Etat, notre pays n'a pas seulement besoin d'un gouvernement habile, opportunément servi par l'actualité. Il a besoin d'un gouvernement bien informé, responsable, qui contrôle son administration, selon l'article 21 de la Constitution. Il a besoin d'un gouvernement auquel il puisse faire confiance, notamment en cas de crise. L'honneur de la majorité serait de reconnaître que, quand on est Premier ministre, on assume, et que, si elle veut rester la majorité, elle doit changer de gouvernement : celui-ci, au moins, doit porter la responsabilité d'une affaire d'Etat. Nous n'avons pas confiance en vous pour restaurer la confiance en l'Etat, la légalité républicaine et l'état de droit. C'est pourquoi nous voterons cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) M. Roland Carraz - Permettez-moi d'abord, au nom du groupe RCV, de rendre hommage à la mémoire du préfet Erignac, grand serviteur de l'Etat, et de saluer sa famille. Je me réjouis du magnifique succès de cette enquête ; c'est une grande victoire pour la France et la République, et un tournant important pour la Corse. Souhaitons que les assassins soient confondus et promptement châtiés. La conduite de l'enquête est une preuve éclatante de la volonté du Gouvernement de faire appliquer à tous et en toutes choses l'état de droit, et d'assurer le respect de la loi républicaine en Corse comme ailleurs. Je souhaite également rendre hommage à l'action des agents de l'Etat, civils et militaires, qui accomplissent leur mission en Corse, et qui vivent difficilement les coups portés à l'autorité de l'Etat. Je rends hommage aux juges et aux enquêteurs, policiers et gendarmes, pour cette très belle enquête. Beaucoup de choses ont été dites cet après-midi, et nous nous sommes souvent éloignés de l'essentiel, la République, trop souvent abaissée en Corse et malmenée dans nos débats. Après avoir écouté les orateurs de l'opposition, je me demande si la Corse n'est pas pour beaucoup un alibi. D'abord, un alibi pour attaquer le Gouvernement et la majorité à quelques jours d'une élection nationale où vous jouez le tiercé dans le désordre. En ce cas ce n'est pas vraiment une réussite, et l'on a rarement vu motion de censure tomber si magnifiquement à plat. Ou bien c'est peut-être un alibi pour ne pas affronter vraiment les réalités locales, ce que le rapport Glavany a appelé le "système corse" -j'entends cet ensemble de dérives dont le constat a été dressé par toutes les formations politiques de notre assemblée, puisque ce rapport a été voté à l'unanimité. Ou encore n'est-ce pas un alibi contre la République une et indivisible, pour tous ceux qui rêvent d'abaisser la nation, de dissoudre l'Etat dans le fédéralisme, de lui substituer le gouvernement des régions, de remplacer notre socle républicain par tout autre chose ? M. Chevènement avait raison de poser ainsi la question après les déclarations faites à Ajaccio par M. Joseph Colombani, annonçant que la République française s'effondrerait comme le mur de Berlin. Le ministre de l'intérieur demandait si l'on voulait laisser détruire la République, et se refusait à la balkanisation de la France. Et, en effet, les problèmes sont posés et, en premier lieu, celui de la violence. Notre devoir de représentants de la nation est de les aborder, tant il est vrai que le fil rouge de notre débat est l'abaissement ou la restauration de l'autorité de l'Etat. Je m'adresserai d'abord à l'opposition, qui a pris cette initiative en train de se retourner, sous nos yeux, contre elle ! Si cette motion de censure mérite un nom, ce serait celui de motion d'oubli : vous avez voulu, Messieurs, faire oublier à bon compte vos désunions, vos divergences -y compris sur l'avenir institutionnel de l'île-, vos agissements d'hier et d'aujourd'hui en Corse et votre incapacité à définir une alternative crédible à la politique menée par le Gouvernement. Cependant, à la réflexion et après avoir écouté M. Sarkozy, je pense qu'il conviendrait de qualifier cette "motion d'oubli" aussi de motion de bêtise ! N'est-ce pas en effet être bête que de penser que cette motion pourrait faire oublier l'implosion de l'Alliance, votre action en Rhône-Alpes, vos grandes et petites compromissions avec le Front national (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste), et le fait que des proches amis du Président de la République ont torpillé la présidence du RPR, obligeant le capitaine Séguin a quitter le navire gaulliste en perdition dans la "sauce" libérale ? (Mêmes mouvements ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) S'il y a un fiasco politique, ce n'est pas celui de ce Gouvernement, Monsieur Sarkozy, c'est bien celui de l'opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste) C'est aussi bêtise que de tenter de jeter le voile sur votre propre action en Corse : s'il est un sujet que vous auriez dû éviter, c'est bien celui-ci ! Faut-il, Monsieur Rossi, rappeler la grotesque et inacceptable mise en scène de Tralonca ? Un beau soir de janvier, à la veille d'une visite du ministre de l'intérieur, ce fut un chef-d'oeuvre de renoncement et l'exemple absolu d'un abaissement de la République. Or c'était en 1996 et c'était vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste) Je trouve donc M. Sarkozy bien impudent : s'il voulait à tout prix faire une leçon de morale, ce n'était pas au Premier ministre qu'il devait l'adresser, mais à M. Debré ! (Mêmes mouvements) L'opposition a un devoir et des responsabilités envers le peuple et la République : elle aussi est en première ligne ! Par ses outrances, elle affaiblit l'Etat (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Pour sa part, le Mouvement des citoyens a trop de respect pour la République pour ne pas reconnaître que celle-ci a été trop longtemps, et sous des gouvernements divers, méprisée en Corse. L'intérêt général comme votre propre intérêt vous commanderaient de cesser ces surenchères dangereuses ! Vous avez couvert et vous couvrez encore trop de choses, vous avez passé trop de compromis... Que dire, par exemple, du pacte passé par M. Rossi, à l'Assemblée de Corse, avec "Corsica Nazione" qui, à ma connaissance, est la vitrine légale du FNLC et n'a toujours pas condamné la violence ? Et étiez-vous obligé, Monsieur Rossi, de confier la présidence d'une commission "Europe" à M. Talamori et, avec M. Léotard, d'intervenir pour empêcher l'application de décisions de justice remontant à 1995 ? M. José Rossi - Je vous répondrai ! M. Roland Carraz - Mieux vaudrait écouter Mme Canale lorsqu'elle dit que les paillotes ne sont pas l'avenir de la Corse, mais les symboles d'une économie parallèle, prédatrice car fondée sur la loi de la jungle et des armes ! Ce sentiment est partagé par une majorité de Corses et le propos désigne clairement ce que nous devrions tous ensemble combattre. Appuyons-nous donc sur cette majorité pour regagner la Corse à la République, en mettant un terme aux violences et aux menaces de tous ceux qui rackettent l'île depuis vingt ans, sans répugner aux crimes les plus abjects, de tous ceux qui se sont réjouis de la destruction de la paillote car elle leur faisait entrevoir le retour de l'impunité, de tous ceux qui n'ont pas hésité à crier "Etat assassin !" un an après le meurtre du préfet Erignac, de tous ceux qui se félicitent chaque fois que l'Etat est affaibli, de tous ceux qui n'ont jamais admis qu'on rompe enfin avec les lâchetés, grandes et petites, du passé. Cette motion est également une bêtise en ce qu'elle met en évidence vos antagonismes à propos de l'avenir institutionnel de l'île et, même, vos conceptions opposées de la République. Quoi de commun, en effet, entre d'authentiques représentants de la droite républicaine -il en est quelques-uns ici !- et ceux qui, comme M. Rossi, souhaitent une évolution vers l'autonomie ? (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Entre M. Madelin, qui explique que la République est une vieille lune, née d'une erreur historique, et qui rêve d'une Europe où les Etats s'effaceraient au profit des minorités, et M. Bayrou, qui travaille à l'avènement du fédéralisme et juge notre Etat excessivement centralisé ? Peut-on gérer de telles divergences sans tomber dans une politique corse à géométrie variable ? Votre motion de censure ne tend qu'à occulter l'essentiel, à faire oublier les résultats obtenus par le Gouvernement en Corse mais l'opposition n'est pas une fin en soi ! Vous devriez bien reconnaître que, depuis la déclaration de politique générale de juin 1997, quelque chose a changé -et je suis prêt à admettre que, déjà, M. Juppé avait commencé de corriger le tir après l'attentat de Bordeaux d'octobre 1996. M. Alain Juppé - Avant ! M. Roland Carraz - Mais si vous voulez qu'on dresse le bilan de ce qu'a fait le Gouvernement depuis quinze mois, je constaterai une diminution des trafics et des attentats, une augmentation du nombre des interpellation, la mise en cause de personnalités... Où est donc l'échec diagnostiqué par M. Sarkozy ? Vous ne parviendrez pas, non plus, à faire diversion, à quelques jours des élections européennes. Cela aussi, c'est noté et, dans l'affaire, le ridicule tombe sur vous ! Pour le groupe RCV, le Gouvernement a fait son devoir, avec une célérité et dans des conditions de transparence exemplaires (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste). Pourquoi refuser d'admettre qu'il a très vite pris les mesures qui s'imposaient sans entraver en rien le cours de la justice, d'une rapidité sans précédent ? Qu'il a reconnu le "coup dur" en condamnant un dérapage imbécile qui ne sert que ceux qui méprisent la loi ? Nous tenons pour notre part à en féliciter le Premier ministre et les ministres de la justice, de l'intérieur et de la défense qui ont appliqué collectivement en Corse la politique définie le 19 juin 1997. Votre ligne d'attaque, à l'évidence, n'est pas sérieuse. Les résultats sont là, éclatants ! Et, à être à la fois l'ami de M. Rossi, celui qui refuse de voir ces résultats et celui qui prétend défendre les valeurs de la République, M. Dominati ne peut qu'évoquer ces trois petits singes dont il parlait ! L'affaire de la paillote a révélé un énorme besoin de République. Car c'est celle-ci qui est en cause, avec l'unité de la nation et l'idée de la France comme communauté de citoyens. Les Corses ont besoin de l'exigence et de la vertu républicaines. Refusons, de notre côté, de nous enfermer dans une problématique ethnique, ne cédons pas au racisme anti-corse. Cette île a beaucoup apporté à la France. Le groupe RCV approuve donc la politique conduite en Corse par le Gouvernement. Il faut la poursuivre et nous nous félicitons que vous entendiez maintenir le cap. Il conviendra en particulier de faire appliquer toutes les décisions de justice -eh oui ! Monsieur Rossi- car c'est à ce prix qu'on sortira l'île de ses ornières. La voie n'est en tout cas pas dans un nouveau statut, mais dans le retour aux principes républicains et au civisme, dans le rejet de la violence et dans une action économique dynamique. Dans quelques minutes, cette motion condamnée par les événements sera repoussée, à la grande confusion de l'opposition. Une page sera tournée en Corse aussi et le groupe RCV sera à vos côtés, Monsieur le Premier ministre, pour que vive la Corse dans la République une et indivisible -car, avec la Corse, ce qui est en jeu, y compris pour l'opposition, c'est une certaine idée de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste) M. Lionel Jospin, Premier ministre - Je ne peux commencer mon intervention sans saluer les résultats majeurs obtenus par la justice et la police, et qui ont abouti, après un travail patient et minutieux remarquable, à l'arrestation et aux aveux de plusieurs auteurs présumés de l'assassinat du préfet Erignac. Tous les Français se réjouiront de ce coup porté à la violence criminelle, de cette avancée décisive d'une enquête difficile, de ce succès pour l'Etat de droit. En ce moment, je pense à Claude Erignac, à l'homme qu'il fut, et que j'ai connu dès sa jeunesse, et au grand serviteur de l'Etat. Je pense à son épouse, à ses enfants, à sa famille. L'engagement pris devant eux et devant les Français, il y a plus d'un an, aura été tenu. J'en viens maintenant à la motion de censure déposée par les groupes de l'opposition à propos de l'incendie volontaire d'une paillote sur le littoral corse. Ils ont voulu, à propos de cette destruction illégale, à la fois insensée et dérisoire, lancer une offensive politique contre le Gouvernement. Ils ont estimé qu'après deux ans d'exercice de l'action gouvernementale, ce pouvait être la justification d'une censure du Gouvernement. C'est leur choix, la représentation nationale en sera juge et, à travers elle, le pays tout entier. La responsabilité que vous mettez en cause, qu'elle soit politique ou individuelle, se résume en deux impératifs : répondre à ceux qui interpellent, répondre de ses actes. Etre responsable, pour un chef de gouvernement, c'est d'abord répondre aux interpellations du Parlement. En trois semaines, les ministres compétents et le Premier ministre ont répondu à 25 questions sur cette affaire. Je me suis exprimé personnellement, devant vous, à cinq reprises. Nous avons donné à chaque fois toutes les informations dont nous disposions. Cette attitude traduit le respect dû aux représentants de la nation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). Depuis deux ans, d'ailleurs, j'ai tenu à répondre avec régularité à vos questions. Deux années au cours desquelles le Gouvernement n'a jamais eu recours à l'article 49, alinéa 3, de notre Constitution (Mêmes mouvements). Deux années au cours desquelles j'ai tenu à ce que l'information de l'Assemblée nationale, comme celle du Sénat, soit rapide et complète -et d'abord sur les questions les plus graves, telles que l'engagement de la France au Kosovo. Cette volonté de donner toute sa place au dialogue avec le Parlement est bien une des caractéristiques de la pratique politique de ce gouvernement. Je vous réponds aujourd'hui avec sérénité, détermination et fermeté. D'abord, parce que les fautes commises ne sont pas le fait de mon gouvernement (Quelques exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Ensuite, parce que vos performances passées en Corse ne vous désignent pas exactement comme les meilleurs donneurs de leçons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). Enfin, parce que vous êtes bien en peine d'indiquer aux Français quelle serait votre politique en Corse. Rappelons les faits. Dans la nuit du 19 au 20 avril 1999, une paillote a été détruite par un incendie volontaire. Plusieurs gradés de la gendarmerie ont reconnu être les auteurs de cet acte, et le préfet de Corse a été mis en cause par leurs déclarations. Personne ne peut sérieusement imaginer que mon Gouvernement ait pu ordonner, inspirer, connaître ou "couvrir" une telle action. L'incendie de la paillote, cet acte condamnable et condamné, est en vérité la négation pure et simple de la politique que nous avons entendu mener en Corse -et que nous continuerons à conduire- : l'application de la loi républicaine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). Pour justifier votre motion de censure, vous avez conçu la théorie d'un enchaînement des responsabilités qui serait mécanique, allant du gendarme au capitaine, du capitaine au colonel, du colonel au préfet, du préfet au ministre, du ministre au Premier ministre. Cette construction aboutit à effacer la notion de responsabilité. La responsabilité personnelle de chacun, dans l'ordre de sa fonction et de sa mission, est irréductible, et c'est pourquoi aussi l'erreur individuelle ne doit pas rejaillir sur tout un corps. L'Histoire nous apprend que, lorsque la responsabilité individuelle s'efface, la démocratie se délite (Mêmes mouvements). La responsabilité d'un Gouvernement se mesure donc à l'aune de sa politique et des actes qu'il accomplit lui-même ou ordonne, et non d'après des manquements individuels qui les contredisent. Et dans cette affaire, le Gouvernement assume toutes ses responsabilités (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Assumer ses responsabilités, c'est d'abord contribuer pleinement, dans le cadre de ses compétences, à la recherche de la vérité. Dès les faits connus, deux enquêtes administratives ont été diligentées. L'inspecteur général des armées Capdepont a analysé les conditions de fonctionnement et de contrôle du Groupement de pelotons de sécurité. Cette structure locale de la gendarmerie n'a pas été créée clandestinement -comme certains le prétendent. Elle est mentionnée explicitement dans votre rapport d'enquête parlementaire sur la Corse du 3 septembre 1998, adopté à l'unanimité, où l'on peut lire, après mention du GPS, que "le renforcement de la gendarmerie par des éléments spécialisés constitue un impératif". Un inspecteur général de l'administration, M. Limodin, a fait le même travail d'examen en ce qui concerne les services de la préfecture de Corse. Leurs deux rapports ont été aussitôt rendus publics. Assumer ses responsabilités, c'est prendre rapidement les décisions qui s'imposent. C'est ce que nous avons fait. Suspension, dès le 28 avril, des militaires mis en cause ; dissolution, le 5 mai, du Groupement de pelotons de sécurité ; remplacement du préfet Bonnet par le préfet Lacroix. Assumer ses responsabilités, lorsque se produit une défaillance, c'est en tirer des enseignements. C'est ce que nous faisons. J'ai demandé aux ministres de l'intérieur et de la défense de me présenter des propositions pour assurer un meilleur contrôle des services, notamment par un renforcement des inspections. Je reste néanmoins convaincu qu'aucun contrôle ne pourra jamais prévenir totalement des actes dissimulés, que leur nature même rend imprévisibles. Dans les prochaines semaines, je rappellerai personnellement au corps préfectoral, aux gendarmes et aux policiers qu'ils ont la confiance du Gouvernement, et que la confiance que nos concitoyens leur accordent à juste titre suppose qu'ils soient irréprochables dans le respect de la loi. Je leur rappellerai aussi que nul n'est jamais contraint d'obéir à un ordre manifestement illégal, mais que chacun a le devoir de le refuser, en en appelant, si nécessaire, à l'autorité supérieure (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). Assumer ses responsabilités, c'est aussi, face à un événement de cette nature, s'exprimer de manière responsable. C'est agir de la façon la plus maîtrisée possible, dans le respect de l'Etat et des corps qui le servent, dans le respect de la dignité des personnes, dans le respect de la présomption d'innocence. Telle est la règle de conduite que le Gouvernement s'est fixée depuis le début de cette affaire, face aux insinuations, aux spéculations ou aux outrances. Quelles que soient les mises en cause d'aujourd'hui, je ne veux pas oublier le courage de ceux qui, après l'assassinat du préfet Erignac, ont accepté une mission très difficile, dans des conditions périlleuses, ni le travail accompli par eux (Mêmes mouvements). De même que vous ne devriez pas oublier qu'au-delà du dysfonctionnement constaté, ce qui est en cause en Corse aujourd'hui, c'est le refus de la violence, l'établissement de l'Etat de droit et l'unité de la République. Cela exige de tous des comportements responsables (Mêmes mouvements). Assumer ses responsabilités, c'est faire pleinement confiance à la justice pour l'établissement de la vérité. C'est ce que nous faisons. La justice remplit sa tâche de façon libre et indépendante. Elle agit sans subir la moindre pression. Ainsi se manifeste, dans cette affaire comme dans les autres, le respect scrupuleux de l'indépendance de la justice qui prévaut depuis deux années. Et c'est aussi parce que les Français savent que la justice peut agir aujourd'hui en toute indépendance que vos critiques portent peu -et vous le savez bien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Quand, hier, vous nous reprochiez de n'avoir pas élucidé les conditions de l'assassinat du préfet Erignac ; ou quand, aujourd'hui, vous nous accusez d'avoir accéléré les procédures, vous affectez d'ignorer que le Gouvernement n'est pas maître de l'enquête judiciaire. Vous persistez à confondre le pouvoir exécutif et l'autorité judiciaire. C'est ce que nous ne faisons pas (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Voilà comment nous avons assumé toutes nos responsabilités. Aussi voudrais-je maintenant rappeler l'action qui a été conduite en Corse depuis deux ans. Certains semblent vouloir qu'on leur indique "qui est en charge du dossier corse au sein du Gouvernement". La réponse à ce questionnement factice est simple : le Gouvernement lui-même. Il n'y a pas de "ministre de la Corse" au sein de mon Gouvernement. Il n'y a pas de "conseiller pour la Corse" au sein de mon cabinet. Chaque membre du Gouvernement exerce pour la Corse, comme pour toutes les régions de la République, les responsabilités qui relèvent de ses compétences ministérielles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Dans ma déclaration de politique générale, j'ai proposé aux Français de nouer un pacte : un pacte républicain, un pacte de développement et de solidarité. Ce pacte concerne tous nos concitoyens. Notre politique en Corse est globale et claire. Elle consiste d'abord à appliquer la loi républicaine. Nous le faisons avec détermination, pour les Corses, qui, dans leur grande majorité, aspirent à l'Etat de droit. Nous avons combattu le crime, les dérives mafieuses, l'utilisation de la violence. Nous avons lutté contre les comportements gravement délictueux -et, en particulier, contre la délinquance économique. Nous avons cherché à réduire les manquements à la loi. Sur ce dernier plan, j'ai souhaité que cette politique soit conduite avec fermeté mais aussi avec mesure ; avec conviction et souci du dialogue. Je sais que le nouveau préfet mènera son action dans cet esprit, avec la volonté de faire appliquer fermement et sereinement les lois de la République. Notre politique consiste ensuite à favoriser le développement économique et social de l'île. Nous voulons que les Corses puissent trouver sur l'île les moyens de bâtir leur avenir et celui de leurs enfants. Car la Corse dispose de vrais atouts. Son agriculture est riche de produits de qualité. Son patrimoine naturel est propice au développement touristique. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui permettent de surmonter les obstacles du relief, de l'insularité et de l'éloignement, ouvrent la voie à un réseau de PME à forte valeur ajoutée. Tous ces atouts doivent être valorisés. Ils le seront mieux encore grâce au contrat de plan dont la négociation s'engage. Nous voulons, enfin, favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'île. Le Gouvernement a souhaité signer la charte du Conseil de l'Europe sur les langues régionales et les cultures minoritaires. Il espère qu'elle sera ratifiée au plus tôt, après la décision du Conseil constitutionnel, que le Président de la République a voulu saisir. Le recteur d'académie élabore avec la collectivité territoriale de Corse un plan de développement de la langue et de la culture corses. Cette politique a commencé à porter ses fruits. La criminalité et l'insécurité reculent. En une année, le nombre d'attentats a été divisé par trois. Les vols à main armée ont diminué des deux tiers. Le taux d'élucidation des enquêtes a été porté à un niveau supérieur à la moyenne nationale. M. Arnaud Lepercq - Combien de gendarmes par habitant ? M. le Premier ministre - Il faut poursuivre dans ce sens. Mais, dès maintenant, je tiens à saluer les efforts réalisés et les succès obtenus par l'administration, la police et la gendarmerie en Corse. La fraude régresse. Les taux de recouvrement des prélèvements s'améliorent, qu'il s'agisse de la TVA, de l'impôt sur le revenu ou des cotisations sociales. Le travail au noir est en diminution. Le détournement des allocations sociales et des subventions -notamment à l'agriculture-, également. Un terme a été mis à d'importantes dérives préjudiciables à l'avenir de l'agriculture corse. Le contrôle de légalité, en particulier en matière d'environnement, est désormais normalement appliqué. Cette orientation sera maintenue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste). L'économie retrouve son dynamisme. La fréquentation touristique est en hausse. Le chômage diminue comme dans le reste de la France. Les créations d'entreprises, plus nombreuses, se font désormais sur des bases plus saines (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il faut accélérer ce mouvement, en dotant l'île des filières de formation dont elle a besoin -gestion de PME, techniques agricoles, tourisme- en encourageant la production et la commercialisation de produits agricoles reconnus par des labels et des appellations d'origine contrôlée et en améliorant les infrastructures nécessaires aux entreprises : liaisons routières, dessertes maritimes et aériennes avec le continent (Mêmes mouvements). Il en va de l'avenir de la Corse et des Corses : cela mérite autre chose que vos grognements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste) L'action culturelle peut connaître un renouveau. Le Gouvernement est prêt à s'engager en ce sens, aux côtés des responsables corses. Diffusion de la langue corse -à travers des classes bilingues, la double signalisation, le soutien à l'édition-, réhabilitation du patrimoine architectural, création de maisons de l'art et de parcs naturels : voilà des perspectives qui appellent la mobilisation de tous les élus, des forces socio-économiques et du monde associatif. Parce qu'elle est soucieuse de la personnalité de la Corse comme du respect de la loi, parce qu'elle est conforme à l'esprit de la République, parce qu'elle répond aux besoins de l'île, nous poursuivrons cette politique. Je veux aborder sans détours la question institutionnelle, souvent évoquée ces derniers temps, et plus précisément ce que certains appellent l'autonomie. Le statut de 1991 a représenté une avancée, personne ne le conteste. Il reste que huit années de mise en oeuvre ont laissé apparaître des imperfections. Sa modification est parfois envisagée. Le Gouvernement ne l'écarte pas par principe. Mais je tiens à être clair : le premier problème de la Corse, aujourd'hui, n'est pas celui de son statut, mais celui de la violence qui déchire l'île -les menaces, les plasticages, le racket, les braquages, les assassinats (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe communiste). Une modification statutaire ne résoudrait en rien la question de la violence en Corse. Toute modification statutaire, en revanche, serait ruinée par la violence. Aucune discussion institutionnelle ne peut avoir lieu sous la menace. Dans une démocratie comme la nôtre, la violence comme mode d'action politique ne peut être acceptée. La question qui se pose à tous en Corse -mais d'abord à ceux qui la pratiquent ou l'excusent- est bien celle de la renonciation définitive à la violence. Cette renonciation est un préalable. Si des questions institutionnelles doivent être évoquées, elles ne le seront qu'une fois le calme durablement revenu, au grand jour, hors de tout chantage, sans conciliabule secret, avec tous les élus de la Corse, sous le regard de tous, des Corses comme de tous nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a qu'un seul Etat de droit en France, celui de la République, auquel se dévouent, jour après jour, l'ensemble des fonctionnaires d'autorité, qu'ils soient civils ou militaires. Quelques défaillances individuelles ne doivent pas nous le faire oublier. Cet Etat de droit, nous l'avons, en deux années, approfondi. Nous avons engagé une réforme sans précédent de la justice, afin qu'à l'avenir celle-ci soit préservée de toute intervention du pouvoir politique. Ce que nous garantissons déjà dans les faits. Nous avons créé une commission nationale indépendante chargée de mettre un terme aux pratiques qui ont entaché l'utilisation du "secret défense", afin de mieux concilier la protection des intérêts fondamentaux de la nation et le bon fonctionnement de la justice. Nous créons une autorité administrative indépendante destinée à veiller au respect des règles de déontologie par les services en charge de la sécurité. Je regrette d'ailleurs que l'opposition ait voté contre ce projet en première lecture. Nous avons donné une impulsion nouvelle à la participation de la France au processus diplomatique qui a débouché, à Rome, sur la création d'une Cour pénale internationale, chargée de punir les violations les plus graves des droits de l'homme. Le Parlement se réunira en Congrès le 28 juin prochain pour adopter la révision constitutionnelle nécessaire. Mesdames et Messieurs les députés de l'opposition, après plusieurs semaines d'hésitation et de contradictions, vous êtes parvenus à vous retrouver le temps d'une motion de censure. Mais pourriez-vous vous mettre d'accord pour agir ensemble ? Nous savons que non (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'établissement de l'Etat de droit ? L'autonomie de l'île ? Les relations avec les nationalistes ? Pour vous avoir entendus, au cours de ces dernières semaines et pendant ce débat, nous avons pu constater sur ces questions de fond votre ambiguïté et vos divisions. C'est pourquoi les Français, qui savent combien la situation est difficile en Corse, ne vous approuvent pas de la rendre, pour des motifs étroitement partisans, plus malaisée encore. Il y a un peu plus d'un an, vous avez voulu censurer le Gouvernement, en mettant en cause sa politique économique et sociale, accusée de mal préparer le pays à l'euro. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les faits ne vous ont pas donné raison. Vous avez choisi, pour votre seconde motion de censure, un autre registre. Je crains que, cette fois encore, vous ayez manqué de sagacité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Depuis deux années, la France s'est affirmée, pour la première fois depuis bien longtemps, comme la locomotive de la croissance en Europe (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Deux années au cours desquelles le chômage a reculé, le pouvoir d'achat a connu sa plus forte hausse depuis dix ans, l'inflation est restée au plus bas niveau. Dans le même temps, la confiance du pays s'est affermie. Les finances de la France ont été redressées, l'euro réalisé, la construction de l'Europe réorientée vers l'emploi (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). De grandes opérations industrielles, indispensables au développement, voire à la survie même de nos entreprises, ont été engagées. Nous avons encouragé l'innovation et le retard de la France dans les technologies de l'information est en voie d'être comblé. De grandes réformes de société ont été entreprises, qu'il s'agisse de la justice, de la parité ou du Pacs, la paix en Nouvelle-Calédonie est consolidée, la modernisation de la vie politique est engagée, une politique cohérence de lutte contre l'insécurité s'affirme. Enfin, nos engagements ont été tenus, grâce à un Gouvernement sérieux et qui travaille, avec le soutien résolu et les initiatives utiles d'une majorité à laquelle je rends hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et quelques bancs du groupe communiste). Cette oeuvre de réforme sera poursuivie. La couverture maladie universelle -à laquelle vous vous êtes, une fois encore opposés- constituera un progrès social majeur pour des centaines de milliers de nos concitoyens. La seconde loi sur les 35 heures renforcera la lutte contre le chômage (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La réforme de l'audiovisuel public, dont l'Assemblée nationale débat en ce moment va définir les missions du service public, dont elle garantira le développement et le pluralisme. Sur un grand sujet de société, le Parlement, par l'adoption de notre projet de loi, a doté notre pays des moyens d'une lutte déterminée contre le dopage, cette tricherie qui détruit les athlètes et viole l'idéal sportif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). La première loi sur la transparence dans le secteur du nucléaire sera présentée prochainement en conseil des ministres. Plusieurs députés RPR, UDF, DL - Et la coupe du monde. M. le Premier ministre - Je laisse à Aimé Jacquet, à Zinédine Zidane et à toute l'équipe de France ce qui leur revient. Beaucoup a déjà été accompli, disais-je. Mais je suis conscient de tout ce qui reste encore à faire ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), tout au long de la législature, pour mettre pleinement en oeuvre le pacte républicain, le pacte de développement et de solidarité que nous avons voulu pour la France. Face à cette motion de censure, je sais que la majorité de l'Assemblée nationale, comme, j'en suis convaincu, la majorité des Français, voudra que cette tâche soit poursuivie et menée à bien (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste se lèvent et applaudissent très longuement). M. le Président - Conformément à l'article 65 du Règlement, il va être procédé au scrutin public par appel nominal à la tribune. Le scrutin, ouvert à 19 heures, est clos à 19 heures 45. M. le Président - Voici les résultats du scrutin : @SCRUTIN = majorité requise pour l'adoption de la motion de censure 289 @SCRUTIN = pour l'adoption 252 La majorité requise n'étant pas atteinte, la motion de censure n'est pas adoptée. Prochaine séance, ce soir à 21 heures 15. La séance est levée à 19 heures 50. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |