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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 105ème jour de séance, 268ème séance 1ère SÉANCE DU MERCREDI 9 JUIN 1999 PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS SOMMAIRE : QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1 CONTAMINATION ALIMENTAIRE 1 CHASSE 2 SÉCURITÉ ALIMENTAIRE 3 CONSÉQUENCES DE L'AFFAIRE DE LA DIOXINE POUR LES ÉLEVEURS 4 SÉCURITÉ ALIMENTAIRE 5 SÉCURITÉ ALIMENTAIRE 6 CONSTRUCTION EUROPÉENNE 7 CONSÉQUENCES DE LA CRISE DE LA CONTAMINATION PAR LA DIOXINE 8 ADOPTION INTERNATIONALE 9 DÉFENSE DES FONCTIONNAIRES 9 POLITIQUE EUROPÉENNE DU SPORT 9 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ -nouvelle lecture- (suite) 10 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. M. François Sauvadet - L'Europe est secouée par la plus grave crise de sécurité alimentaire qu'elle ait connue, celle de la dioxine. Les consommateurs, les producteurs, les salariés concernés se retrouvent dans une situation intenable. Ce matin encore on nous annonçait un rapport accablant sur la présence de produits plus que douteux dans des farines animales industrielles. Interrogés à trois reprises la semaine dernière, vous-même et M. Kouchner avez répondu que vous n'auriez pas été alertés avant le 28 mai. Mais la DG CCRF a été alertée le 3 mai, et contrairement à ce que vous avez indiqué l'information n'avait pas un caractère banal. D'ailleurs le commissaire européen Franz Fischler s'est étonné de votre retard à réagir et il a demandé des explications. Pendant vingt-six jours, des produits potentiellement dangereux sont restés en vente. Pourquoi ne pas avoir réagi immédiatement à une information dont vous ne pouviez pas ignorer la gravité ? Ce dysfonctionnement, cette absence de réaction inacceptable, intolérable, engage directement votre responsabilité. L'Union européenne vous a demandé des explications. Nous attendons que vous en donniez devant la représentation nationale. Enfin, qu'a attendu le Gouvernement depuis deux ans, depuis la crise de l'ESB pour mettre de l'ordre dans la production et l'utilisation des graisses et farines animales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et quelques bancs du groupe DL et du groupe du RPR) M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Cette polémique n'a pas de raison d'être (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). J'ai dit et je répète que le 3 mai un bureau d'une direction du ministère de l'économie a été informé par une direction du ministère de l'agriculture belge d'un incident survenu en janvier. Selon le fax l'incident était clos et ne devait pas avoir de conséquences (Dénégation de M. Sauvadet et de ses collègues UDF). Ne dites pas non, je tiens ce fax à votre disposition, d'ailleurs je l'ai rendu public. Le 28 mai nous avons été avertis par l'intermédiaire du réseau européen d'alerte. On est donc passé de l'information à l'alerte. D'autre part, ce qu'a dit le commissaire européen à l'agriculture n'engageait que lui. On peut d'ailleurs s'interroger, dans les circonstances actuelles, sur ce type d'intervention. La lettre rédigée par ce commissaire et par la commissaire à la consommation, Madame Bonino, après délibération collective de la Commission, avait une toute autre tonalité. Hier le porte-parole de M. Fischler a dit dans une conférence de presse à Bruxelles qu'en cette matière le Gouvernement français était irréprochable. Ne poursuivez donc pas la polémique pour des raisons politiciennes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Charles de Courson - Je constate que la question de M. Sauvadet n'a pas reçu de vraie réponse (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, les chasseurs français sont inquiets. Pourront-ils chasser cette année, et si oui dans quelles conditions ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Cette légitime inquiétude est due à trois décisions de justice. D'abord, les tribunaux administratifs ont annulé de nombreux arrêtés préfectoraux relatifs aux dates d'ouverture et de fermeture de la chasse. Ensuite, le Conseil d'Etat a annulé les dispositions relatives à la chasse crépusculaire du gibier d'eau figurant dans une directive de 1996 du directeur de l'Office national de la chasse. Enfin, la Cour européenne des droits de l'homme a annulé certaines dispositions de la loi Verdeille, ce qui va réduire les territoires de chasse. De nombreux parlementaires vous ont demandé de trouver des solutions adaptées. Or vous avez montré votre incapacité à dialoguer avec les représentants élus des chasseurs et même avec votre propre majorité. Vous avez privilégié des organisations hostiles à la chasse. Des sénateurs, notamment MM. du Luart et Larché ont donc déposé une proposition de loi visant à résoudre ces problèmes. C'est un texte d'apaisement et d'équilibre, qui a l'appui des fédérations de chasseurs, et de l'association nationale des chasseurs de gibier d'eau. Cette proposition sera discutée le 22 juin au Sénat et sans doute adoptée. Nous sommes à quelques semaines de l'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau. Le Gouvernement est-il prêt à inscrire ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée avant le 30 juin lors d'une éventuelle session extraordinaire, ou préfère-t-il laisser la situation se dégrader au risque de déboucher sur des affrontements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Votre intervention a le mérite de rappeler que ce sont les décisions des tribunaux et du Conseil d'Etat, et avec l'obstination délétère d'un ministre hostile à la chasse, qui ont conduit à rouvrir ce dossier. Les tribunaux ont annulé des arrêtés préfectoraux. Depuis plusieurs mois, nous avons réagi en organisant la concertation avec les associations de chasseurs et celles de défenseurs de l'environnement. Un groupe de scientifiques présidé par le professeur Lefeuvre et accepté par l'ensemble des parties doit faire des propositions de compromis. Ces professeurs sont en pleine période d'examens et m'ont fait savoir qu'ils ne pourraient rendre compte de leur travail que dans une quinzaine de jours (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Ce problème empoisonne les relations entre chasseurs et défenseurs de l'environnement depuis vingt ans. Ne nous reprochez pas six mois de concertation pour élaborer un compromis. En second lieu la chasse de nuit n'est pas un acquis de la Révolution française ; elle a toujours été interdite dans notre pays. Depuis une loi de 1844, quelques minutes de chasse étaient tolérées à la tombée du jour. C'est la tentative de l'Office nationale de la chasse qui a conduit à une annulation par le Conseil d'Etat. La proposition de loi sénatoriale qui vise à entériner cette chasse de nuit ne me paraît pas s'inscrire dans le cadre des efforts de maîtrise des périodes de chasse engagés par les chasseurs eux-mêmes. Enfin, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France à propos de quelques articles de la loi Verdeille. Nous travaillons à résoudre cette difficulté. A cet égard, la proposition sénatoriale est intéressante car elle reconnaît le droit de gîte pour les propriétaires non-chasseurs. En revanche, elle ne répond pas à l'une des critiques de la Cour européenne concernant l'inégalité entre petits et gros propriétaires. Plusieurs députés UDF - Et alors ? Mme la Ministre - Je comprends que l'opposition cherche à défendre essentiellement les droits des gros propriétaires (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Ce n'est pas notre cas (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste). M. le Président - Pensez un instant au spectacle que vous donnez. M. Jean Rigal - Monsieur le ministre de l'agriculture, ma question touchera à la sécurité alimentaire, mais aussi à la souveraineté nationale et à l'indépendance européenne. Le danger que représente l'élevage productiviste apparaît clairement. Veaux, vaches, cochons, couvées, aucune filière de production animale n'est épargnée. Les consommateurs sont inquiets, les producteurs s'interrogent sur l'avenir, les politiques sont confrontés à leurs responsabilités de santé publique. Dans ce contexte, l'Union européenne s'oppose aux Etats-Unis à propos de la viande aux hormones. Depuis plusieurs années la France et l'Union européenne ont interdit ce type de production et décidé l'embargo sur ces viandes. Les Etats-Unis, toujours plus préoccupés par le rendement que par la santé, prétendent contraindre l'Union européenne à lever cet embargo, d'une part, en exigeant par l'intermédiaire de l'OMC une compensation financière de 200 millions de dollars -on dit même qu'un commissaire européen, démissionnaire comme ses collègues, envisageait une transaction ; d'autre part, en prenant des mesures douanières de rétorsion à l'encontre de produits d'origine européenne, sans relation directe avec les causes du conflit. Il s'agit là d'une ingérence inhumanitaire intolérable, face à laquelle la France et l'Union européenne ont un impérieux devoir de résistance. Que comptent donc faire la France et l'Union européenne pour organiser cette résistance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste) M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Ces crises alimentaires nous confrontent aux excès d'une agriculture trop productiviste, prête à n'importe quels moyens pour atteindre de bas prix, fût-ce au détriment de la santé du consommateur. Elles nous confirment du même coup le bien-fondé des mesures contenues dans la loi d'orientation agricole, adoptée il y a dix jours, qui mettent l'accent sur la transparence, la traçabilité, la qualité, la sécurité alimentaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Il est hors de question que l'Europe lève l'embargo sur les importations de viandes américaines aux hormones (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). Cette décision a été approuvée unanimement par le conseil européen de l'agriculture, le mois dernier. Les Américains demandent des compensations, mais la France a fait valoir, avec succès, que celles-ci ne sauraient en aucun cas dédommager un manquement aux exigences de sécurité alimentaire. Elles ne sont envisageables que parce que l'Union européenne avait pris du retard pour apporter les preuves requises. L'Union européenne a de toute façon refusé ces compensations. L'OMC est donc saisie d'une demande d'arbitrage sur ce dossier. En tout cas, je le répète : il est hors de question de céder, l'embargo sera maintenu pour la sécurité des consommateurs européens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). CONSÉQUENCES DE L'AFFAIRE DE LA DIOXINE POUR LES ÉLEVEURS M. André Angot - Avec l'affaire de la dioxine, l'Europe est une nouvelle fois confrontée à une crise de santé publique. Une nouvelle fois, ce sont les éleveurs et les entreprises agroalimentaires qui vont en faire les frais. Il y aura des dépôts de bilans et des suppressions d'emplois. Pourtant, les éleveurs font leur travail en toute conscience pour procurer aux consommateurs des produits de la meilleure qualité possible à un coût abordable. Je rappelle que depuis juillet 1996 et la loi Vasseur sur l'équarrissage -dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur-, la France est le seul pays au monde qui n'utilise plus les cadavres, les viandes saisies à l'abattoir et certains abats à risque pour fabriquer des farines animales. Les seules parties utilisées -graisses, os, abats- proviennent d'animaux sains dont nous consommons la chair. J'informe à ce propos M. Kouchner -qui déclarait hier que donner des farines de viande aux herbivores est contre nature- que, depuis 1990, les farines de viande sont interdites pour les herbivores (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Il faudrait sans doute élargir cette interdiction à toutes les espèces animales. Il appartient au Gouvernement de prendre des mesures en ce sens. Quand ils achètent des aliments pour nourrir leur bétail, les éleveurs s'approvisionnent en toute bonne foi auprès des fabricants d'aliments pour bétail qui eux-mêmes achètent des matières premières que, théoriquement, les services des douanes et ceux de la direction de la concurrence et de la répression des fraudes ont contrôlées. Il apparaît clairement que ces services, placés sous la responsabilité de M. Strauss-Kahn, n'ont pas assumé tous leurs devoirs de contrôle. Les agriculteurs sont donc une nouvelle fois victimes de dysfonctionnements de l'administration. Que va faire le Gouvernement pour aider les éleveurs victimes de cette crise ? Comment expliquer que le Gouvernement, prévenu le 3 mai par la Commission européenne, ait attendu le 29 mai pour prendre des mesures de précaution ? Plusieurs députés RPR - Scandaleux ! M. André Angot - En Belgique, les ministres de la santé et de l'agriculture ont assumé leur responsabilité politique en démissionnant du Gouvernement. Le gouvernement français va-t-il assumer la sienne, Monsieur le Premier ministre, ou bien continuer à appliquer la maxime socialiste : "toujours responsables mais jamais coupables" ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat - Les cargaisons en provenance de Belgique ont été consignées par les services de l'Etat, qui ont agi avec une grande cohérence. S'il s'avérait que ces produits étaient sains, il y aurait effectivement matière à indemnisation. Nous prévoyons un à cinq milliards à cet effet. Et nous sommes bien conscients du désarroi des éleveurs. Mais dans cette affaire, nous avons appliqué le principe de précaution, comme le font d'ailleurs les agriculteurs eux-mêmes si j'en juge d'après certaines mesures qu'ils ont prises ce matin sans qu'on le leur demande. Ce principe nous a conduits à prendre des mesures extrêmement dures, qui peuvent avoir pour conséquence que des animaux tout à fait sains ne soient pas consommés. Quoi qu'il en soit, la Commission a jugé que nous avions fait ce qu'il fallait. Dès que l'alerte a été déclenchée, nous avons mobilisé tous nos services afin de remonter jusqu'aux éleveurs qui auraient pu être fournis par une filiale de la société belge en cause. Je vous rappelle que cette procédure d'alerte européenne existe depuis le 1er janvier 1999 et elle a précisément pour objet d'éviter que des informations soient négligées. En l'occurrence, l'alerte a été déclenchée fin mai. Vous avez raison de dire que les éleveurs ne portent pas la responsabilité de cette crise. Par contre, il est inexact de dire que les farines animales sont interdites aux herbivores depuis 1990. Ce n'est pas le cas, mais la France a tenu à ce que les produits dits du "cinquième quartier" soient éliminés de la fabrication de ces farines. Un chauffage est en outre imposé. Mais des enquêtes réalisées entre novembre 1998 et février 1999 ont montré que toutes les précautions n'étaient pas toujours respectées dans les processus de fabrication. Des procès-verbaux ont été dressés et nous avons redit aux entreprises concernées qu'elles n'ont pas le droit de chercher à dégager des moyens supplémentaires en ne respectant pas les précautions élémentaires auxquelles elles se sont engagées en sollicitant leur agrément. Les pouvoirs publics ont quant à eux rempli leur part du contrat puisque toutes les fabrications de farines animales ont été contrôlées. Nous sommes allés dans cette affaire au-delà du principe de précaution, c'est-à-dire jusqu'au principe de prévention. Et puisque vous avez fait allusion aux éleveurs de Bretagne, je leur dis, comme à tous les éleveurs, qu'un éleveur qui est en rupture de stock dans sa coopérative ne doit pas, pour des cargaisons qui ont été importées, utiliser l'étiquette habituelle de sa coopérative qui mentionne "origine France" (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Sinon, la tâche des pouvoirs publics s'en trouve compliquée. S'il y a plus d'éthique et aussi plus de solidarité économique entre producteurs, transformateurs et distributeurs, de tels comportements destinés à gagner quelques centimes au kilo disparaîtront. Je pense que nous avançons et que grâce aux mesures prises, les consommateurs français peuvent manger en toute sécurité, et avec plaisir, les produits actuellement sur le marché (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Pierre Lellouche - Ni M. Glavany, ni Mme Lebranchu n'ont vraiment répondu à la question (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je dirais même que leurs réponses sont de nature à induire les Français en erreur. Permettez-moi donc de vous rappeler les faits, Monsieur le Premier ministre. La découverte de la contamination à la dioxine en Belgique remonte au 3 mars. Le 19 mars, le ministère de l'agriculture belge a ordonné une enquête. Le 26 avril, la présence de dioxine est confirmée dans la marchandise livrée par la société Verkest. Le ministère belge de l'agriculture demande alors aux éleveurs de cesser leurs livraisons. Le 3 mai, c'est-à-dire sept jours plus tard, un fax est envoyé à l'ingénieur directeur Vandersanden, de l'inspection générale des matières premières du ministère de l'agriculture, à Mme Dominique Girault, inspecteur principal des fraudes, chargée de la section alimentation à la direction générale de la consommation de la concurrence et de la répression des fraudes. Pour des raisons que j'aimerais connaître, le ministre de l'agriculture a jugé "banales" et "rassurantes" les informations contenues dans ce fax. Ce n'est donc qu'un mois plus tard qu'il a commencé à prendre des mesures sur le territoire national. Ce fax, Monsieur le Premier ministre, je l'ai en ma possession. En voici la teneur intégrale : "J'ai l'honneur de vous informer qu'en Belgique, nous avons retrouvé une contamination assez importante de dioxine dans un aliment pour poules reproductrices. Au stade actuel de notre enquête, nous pensons que cette contamination est probablement liée à une livraison de graisses animales contaminées datant du 19 janvier 1999, en provenance de la firme Verkest à Gramenne. Le contrôle de la comptabilité indique une livraison datée du 21 janvier 1999 (facture 990049 du 25 janvier 1999) vers la société Alimex à Marchezais dans l'Eure-et-Loir. Suite à l'enquête, nous avons de fortes raisons de penser que la contamination provient d'un accident ponctuel et donc que les livraisons postérieures au 19 janvier 1999 ne devraient pas poser de problème. Je tiens néanmoins à vous informer de la constatation faite". J'ai vérifié auprès de la société citée, vérification qu'auraient dû faire vos services. Elle a reçu 25 tonnes de graisses animales ! J'ai là un autre fax... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Les Français ont droit à la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) On me signale que ce lot de 25 tonnes a été utilisé et que les produits doivent être consommés depuis longtemps. Monsieur le Premier ministre, par quelle négligence un tel fax a été ignoré ? Ne s'agit-il pas, une nouvelle fois, d'un dysfonctionnement majeur de votre administration ? Par ailleurs, pourquoi les dispositions de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire n'ont-elles pas été respectées ? Où en est l'agence française de sécurité alimentaire créée par cette loi ? (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) La majorité est-elle prête à accepter la constitution d'une commission d'enquête ? Enfin, qu'attendez-vous pour interdire toutes les farines animales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. le Président - La parole est à Mme Lebranchu. (Huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat - Je comprends votre émotion, car cette affaire aurait pu être grave. Cependant, le fax dont vous avez donné lecture a été rendu public par M. Glavany. L'affaire est importante et nous en tirerons toutes les conséquences (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La facture et la livraison datent du 21 janvier. Or les autorités belges nous indiquaient que les livraisons postérieures au 19 janvier ne posaient pas de problème. On ne peut demander aux fonctionnaires français de changer ces dates ! J'admets cependant qu'on peut estimer, aujourd'hui, que celui qui a reçu ce fax aurait dû se montrer plus vigilant. C'est seulement depuis jeudi dernier que nous savons qu'il y a eu une erreur... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Nous avons oeuvré ensemble pour encadrer le fonctionnement de la loi du marché. C'est ainsi qu'il existe, depuis le 1er janvier 1999, une procédure d'alerte européenne. Comme vous, je regrette que les Belges ne l'aient pas déclenchée. Le 7 juin, nous avons répondu aux questions de la Commission européenne. Hier, le conseil européen de la santé a approuvé la démarche choisie par la France et les Pays-Bas. Il faut se réjouir que la procédure d'alerte ait été mise en place, à l'initiative de plusieurs ministres européens de la consommation et des ministres français en charge de l'agriculture et de la santé. Force est cependant de constater les dégâts d'un libéralisme trop poussé... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; interruptions et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Par ailleurs, je vous rappelle que, lorsque nous avons créé la taxe d'équarrissage pour financer l'élimination des farines animales, l'opposition a jugé cette mesure excessive ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Plusieurs députés RPR - C'est faux ! Mme la Secrétaire d'Etat - C'est cela aussi, la protection du consommateur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Mme Jacqueline Fraysse - Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne chercherai pas, quant à moi, la polémique. On voit où mènent les politiques ultra-libérales. Après l'affaire du sang contaminé... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), la crise de la vache folle et le débat sur le maïs génétiquement modifié, la contamination du lait et des produits laitiers par la dioxine montre que nous ne sommes pas confrontés à de simples accidents, mais à un réel problème de société, la protection de la santé étant menacée par un ultralibéralisme destructeur. Il ne s'agit pas de provoquer une psychose qui n'arrangerait rien. Mais c'est légitimement que chacun se demande ce qu'il mange et ce qu'il fait manger à ses enfants, qui joue avec sa santé et qui contrôle. Les progrès de la connaissance scientifique imposent, plus que jamais, la plus grande transparence. La prise de décision ne peut plus se faire dans le secret, par quelques techniciens soumis aux pressions du marché. Il est urgent d'instituer un véritable contrôle démocratique en faisant appel aux salariés, aux citoyens et à leur élus. C'est là un enjeu important de la construction européenne. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles dispositions comptez-vous prendre en ce sens, afin de faire prévaloir la santé publique sur les intérêts financiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et quelques bancs du groupe socialiste) M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - La première exigence, c'est la transparence. Telle qu'elle est naturellement organisée, la production industrielle des produits alimentaires fait courir des risques à la santé publique. Les contrôles ne sont ni permanents, ni codifiés. Aujourd'hui, nous mettons en place le comité national de sécurité sanitaire ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Sa création a été votée ici à l'unanimité. Notre dispositif comporte une agence de la sécurité sanitaire, une agence de veille et une agence de sécurité alimentaire. Il nous manque une agence chargée de la santé, mais j'espère qu'elle verra le jour. D'ordinaire peu tendre, la Commission européenne a estimé que notre système, malgré ses insuffisances, était le meilleur d'Europe. A propos du fax qui a été cité tout à l'heure, la Commission a admis qu'elle avait mis du temps à prendre connaissance de l'information. Hier, nous avons proposé la création d'une agence européenne de la sécurité alimentaire. Par ailleurs, les farines animales doivent être interdites. M. Arnaud Lepercq - C'est une bêtise ! M. le Secrétaire d'Etat - D'autres problèmes se posent au plan international, comme l'utilisation d'hormones dans les élevages américains, celle d'antibiotiques dans les élevages européens ou la question des OGM. Nous devrons nous efforcer de trouver des solutions. Faute de prévention, il nous faut prendre maintenant beaucoup de précautions dans cette crise de la dioxine. C'est la règle. Cependant, en l'état actuel des connaissances, il semblerait qu'il n'y ait pas danger pour la santé publique. Cette analyse peut changer, mais nous avons été les premiers en Europe à réunir les meilleurs experts : selon eux, il ne peut y avoir de contamination qu'en cas d'exposition répétée et prolongée, ce qui ne s'est sans doute pas produit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). M. Alain Barrau - Ma questions s'adresse à M. le Premier ministre. Le conseil européen de Cologne a été incontestablement marqué par le succès diplomatique de l'Union européenne dans le conflit du Kosovo. Le président finlandais y a rendu compte de sa mission à Belgrade et fait le point sur les négociations engagées avec M. Milosevic. Ce conseil a aussi été l'occasion de nommer un "Monsieur politique extérieure et de sécurité commune" de l'Union et de relancer le débat sur une politique européenne de défense. Je n'insiste pas sur tous ces points. Nous en avons largement traité hier lors du débat sur la situation au Kosovo. La mission d'information sur le Kosovo créée ce matin même à l'unanimité au sein de la commission de la défense nous permettra de poursuivre ces échanges. Le groupe socialiste a par ailleurs bien l'intention de faire des propositions concrètes sur la politique européenne de défense. Mais d'autres points importants figuraient également à l'ordre du jour du conseil de Cologne. Tout d'abord, la question des institutions. Le Gouvernement français souhaite une réforme institutionnelle visant à rendre dès aujourd'hui, sans attendre un futur élargissement, l'Europe plus proche des citoyens. Il a fait des propositions en ce sens. Quelles sont les perspectives ? La future présidence française de l'Union aura à traiter la question. Deuxième point : le gouvernement français s'efforce depuis juin 1997 de réorienter le paquebot européen vers un nouveau cap plus soucieux de l'emploi. Comment l'Union avancera-t-elle pas à pas dans cette voie ? L'ensemble des pays membres sont-ils prêts à consacrer la même énergie à promouvoir une politique de croissance et de lutte contre le chômage qu'ils en ont déployé durant des années pour instaurer la monnaie unique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Je ne reviens pas sur le contexte dans lequel s'est tenu le conseil européen de Cologne. D'autres sujets que la crise du Kosovo figuraient en effet à son ordre du jour. En premier lieu, la réforme des institutions. La France la souhaite préalablement à l'élargissement, elle l'a fait savoir dès le sommet d'Amsterdam. Son voeu a été en partie exaucé. Un travail a été engagé sous présidence finlandaise et une conférence intergouvernementale abordera sous présidence portugaise les trois questions à nos yeux essentielles : le fonctionnement et la composition de la Commission, le vote à la majorité qualifiée, la pondération des voix au sein du Conseil. Il appartiendra à la France de faire aboutir la réflexion lors de sa présidence de l'Union au second semestre 2000. Second chantier poursuivi à Cologne : la réorientation de la politique européenne en faveur de l'emploi. Un pacte européen pour l'emploi y a été adopté. Des engagements de principe mais aussi des engagements concrets ont été pris. Nous allons renforcer la coordination des politiques économiques ; continuer d'associer les partenaires sociaux au dialogue ; accroître les aides en faveur des PME innovantes ; augmenter de moitié les crédits consacrés aux grands réseaux transeuropéens, dont la liste a par ailleurs été étendue. Dès décembre, nous aborderons les mesures fiscales avec la directive sur la fiscalité de l'épargne et l'expérimentation d'un taux de TVA réduit pour les activités employant beaucoup de main-d'oeuvre. Nous avons également décidé à Cologne de lancer une charte européenne des droits civiques et sociaux. La présidence allemande peut être fière de son bilan : elle aura réglé la crise de la Commission, conclu l'Agenda 2000, mis en oeuvre le traité d'Amsterdam, contribué activement au règlement de la situation au Kosovo. La présidence française est prête à prendre le relais (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). CONSÉQUENCES DE LA CRISE DE LA CONTAMINATION PAR LA DIOXINE Mme Monique Denise - Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture et concerne les conséquences de la crise de la dioxine ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), la présence de ce produit cancérigène a été décelée récemment dans les aliments importés de Belgique et utilisés pour nourrir des volailles de batterie. Les élevages industriels intégrés ne créent que peu d'emplois et de valeur ajoutée tout en étant source d'importantes nuisances pour les riverains -fientes, odeurs... Pour eux, seule la rentabilité compte. Quoi qu'il en soit, la crise est là aujourd'hui et il nous faut la traiter. Les éleveurs cherchent désespérément à trouver une nourriture pour remplacer celle bloquée à la frontière belge depuis maintenant 36 heures. Dès avant l'arrêté du 4 juin, la liste des élevages français susceptibles d'avoir utilisé des graisses animales contaminées a été dressée. Dans le seul département du Nord, 20 élevages de poulets et 3 élevages de poules pondeuses sont concernés. Les recherches de dioxine ont commencé dès le 2 juin mais elles demandent trois à quatre semaines et sont, de surcroît, très coûteuses. Les producteurs sont obligés de mettre immédiatement au rebut les oeufs sans savoir s'ils contiennent ou non de la dioxine. Les pertes sont donc très importantes, pouvant s'élever jusqu'à 3 000 F par jour pour une production de 10 000 oeufs par jour, sans parler des frais d'abattage des pondeuses, du coût de la reconstitution du cheptel ni des conséquences sur la clientèle (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Cela ne vous intéresse peut-être pas, mais c'est la réalité ! Pourrait-on accélérer les délais d'analyse, au moins pour les oeufs, denrée hautement périssable ? Sans préjuger de la suite des événements, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour rassurer, d'une part, les consommateurs, d'autre part, les éleveurs, du moins ceux d'entre eux qui respectent les règles de qualité et de traçabilité, réaffirmées dans la loi d'orientation agricole que nous venons de voter (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Des normes européennes existent qui ne sont pas appliquées (Mêmes mouvements). M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie. Mme Monique Denise - Plus d'Europe serait peut-être synonyme de plus de sécurité et donc de moins de problèmes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Il y a la polémique et il y a les faits (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Si une entreprise belge n'a pas respecté les règles sanitaires, si le gouvernement belge a tardé à donner l'alerte, de quoi le gouvernement français peut-il être accusé ? (Mêmes mouvements) Alors que la France a réagi de façon exemplaire à la décision de la Commission, alors que la réglementation française en matière de farines animales est la plus rigoureuse d'Europe (Exclamations sur les mêmes bancs), et nous le devons, Messieurs, à M. Vasseur, dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi la France serait accusée. J'en viens aux faits et à votre question, Madame. Les dispositions que nous avons prises peuvent en effet menacer les intérêts économiques de certains éleveurs. 181 élevages, 103 de bovins et 78 de volailles, ont été placés sous séquestre dans l'attente du résultat des analyses. Si celui-ci est négatif, se posera le problème de l'indemnisation. Le Gouvernement a bien l'intention de transmettre à la Commission européenne les demandes d'indemnisation pour les montants tout à l'heure indiqués par Mme Lebranchu. Pour le reste, il faut en effet accélérer les analyses. Il n'existe aujourd'hui qu'un seul laboratoire agréé pour la recherche de dioxine, à Lyon. Trois ou quatre de plus pourraient obtenir cet agrément. Nous allons essayer de hâter la procédure. Si ce n'était pas possible, nous ferions appel à des laboratoires étrangers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Mme Véronique Neiertz - Ma question s'adresse à Mme la Garde des Sceaux. Deux circulaires ont été publiées le 16 février dernier, relatives à l'adoption d'enfants originaires de pays n'ayant pas signé la convention de La Haye -la France a ratifié cette convention l'an dernier et il faut s'en féliciter, car cela était attendu depuis longtemps. Ces circulaires, bien que dans l'esprit de la convention, ont inquiété les familles qui ont d'ailleurs manifesté le 5 juin dernier. Elles s'inquiètent notamment des effets rétroactifs potentiels de ces textes. Vous avez, Madame la Garde des Sceaux, proposé d'engager une concertation. Puis-je vous suggérer que celle-ci ait lieu au sein du conseil national de l'adoption, créé en 1996 et que j'ai l'honneur de présider ? Cela permettrait à la fois d'apaiser les inquiétudes des familles et de respecter la procédure de conciliation prévue par la loi. Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Ces circulaires n'ont pas pour but de décourager l'adoption internationale -la France est d'ailleurs le pays où elle est le plus pratiquée et nous pouvons être fiers de la générosité des familles d'accueil- mais de protéger les familles contre les risques de trafic d'enfants. Constatant les inquiétudes suscitées par ce texte, j'ai demandé d'organiser avec les associations représentant ces familles une concertation qui a eu lieu vendredi dernier. Cette consultation sera régulière, un groupe de travail sera réuni le 8 juillet prochain, un correspondant-adoption sera installé au sein de chaque parquet général, un numéro vert sera créé à la mission interministérielle de l'adoption, et, bien entendu, le conseil national de l'adoption que vous présidez sera au centre de cette action (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Pierre Cardo - Monsieur le Premier ministre, selon votre déclaration du 8 juin, les fonctionnaires bénéficient comme tout citoyen de la présomption d'innocence. De plus, ils bénéficient du privilège de défense dans toute affaire les concernant. Dans ces conditions, quelles raisons justifient à vos yeux que le ministère de l'intérieur prenne en charge la défense du préfet Bonnet, notamment par l'intervention de Maître Kiejman, quand le même privilège est refusé aux gendarmes impliqués dans la même affaire par le ministère de la défense. Quels éléments de droit justifient cette différence de traitement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Dès lors que le fonctionnaire a reconnu avoir commis une faute détachable du service... M. Patrick Devedjian - N'avouez jamais ! M. le Ministre de l'intérieur - ...à partir du moment où son conseil le reconnaît publiquement, ce qui est le cas (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR), l'administration dont il dépend n'est nullement tenue de prendre sa protection à sa charge. Naturellement la présomption d'innocence existe. Si aucun élément matériel confondant, aucun aveu valant preuve ne conduit à reconnaître l'existence d'une faute détachable du service, il est naturel que l'administration prenne en charge sa défense (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste). M. Georges Hage - J'ai baissé les bras au bout de 25 ans d'interpellations infructueuses en faveur du budget des sports. Me dire que sans ces interventions ce budget eût été plus déplorable encore ne me console guère. Madame la ministre, la question que je vous adresse en manière de regret et d'autocritique est toute à votre louange (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Votre action prend en effet une dimension qualitative nouvelle. En un an, à votre initiative, les ministres européens se sont réunis trois fois, en particulier au début de juin à Paderborn, en Westphalie. Jusqu'ici les questions sportives n'étaient pas abordées au niveau de l'Union européenne. Les Etats laissaient à la Communauté le soin de réglementer en la matière. A Paderborn, il a été question du dopage, du sport pour handicapés, de la formation. L'exception française en matière sportive, donc aussi culturelle, entraînera-t-elle une exception européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste) Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Les résultats de la rencontre des ministres européens du sport en Allemagne a marqué une avancée significative, voire historique. Sur la base des décisions du conseil de Vienne, où les chefs d'Etat et de gouvernement ont appelé à la préservation du rôle social du sport, nous avons à l'unanimité reconnu les intérêts spécifiques du sport dans l'application des règles communautaires de la concurrence et du marché intérieur, des mesures relatives au sport et à la télévision, dans l'action en faveur de la protection des sportifs mineurs, car il est inacceptable que des enfants de 10 à 15 ans soient achetés comme des marchandises (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Grâce à notre gouvernement, la perspective d'une exception sportive en Europe est ouverte. Des propositions issues de cette réunion, destinées à donner un fondement politique et juridique à la spécificité du sport, seront présentées au conseil d'Helsinki, pour la première fois dans l'histoire de la construction européenne. Pour lutter contre le dopage, les quinze ministres des sports ont retenu la proposition de la France d'établir une coopération douanière et judiciaire contre le trafic des produits dopants. Ils ont finalisé le projet d'une agence internationale de lutte contre le dopage, et une délégation européenne a depuis lors rencontré le président du CIO. Ces avancées répondent aux attentes du mouvement sportif et de l'opinion publique, pour qui le sport ne doit plus être considéré comme une marchandise, mais comme un mouvement associatif jouant un rôle social et citoyen (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement. La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 35 sous la présidence de M. Forni. PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI vice-président L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité Art. 515-4 du code civil M. Claude Goasguen - Cet article est important et soulève de nombreuses difficultés juridiques. Jusqu'ici, le Pacs était un contrat quasi matrimonial, mais il s'agit ici de définir la nature des obligations qui pèsent sur les deux contractants, et force est de reconnaître qu'elles se limitent au strict minimum : il n'est plus question de fidélité, de secours ni d'assistance -bien que le pacte soit dit "de solidarité"- ni même de communauté de vie, et les modalités de l'aide mutuelle sont fixées, qui plus est, par le pacte lui-même. La nature juridique de la solidarité en matière de dettes fait également problème : on voit bien ce que sont les "dépenses relatives au logement commun", mais moins bien ce que recouvrent les "besoins de la vie courante", d'autant que cet article, contrairement au précédent, est un article "asexué". Mme Christine Boutin - Parce que le précédent était impair ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste) M. Claude Goasguen - Incertain quant à ses modalités, dangereux sur le fond et contradictoire avec les autres articles du texte, cet article mérite d'être supprimé, et c'est à quoi tend mon amendement 18. M. Henri Plagnol - L'amendement 86 est identique. Je voudrais insister sur un point qui est assez déroutant pour un habitué du code civil : c'est la première fois, me semble-t-il, que l'on y laisse aux parties la faculté de définir librement, selon leur bon plaisir, leur loi commune, alors même qu'il s'agit censément d'un statut contraignant et précis, intermédiaire entre l'union libre et le mariage. Que se passera-t-il si ce statut à géométrie variable comporte des clauses contraires au droit général de la famille, notamment sur le sort des enfants en cas de séparation ? M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois - La commission a repoussé ces deux amendements, car elle souhaite conserver l'article fixant les obligations des contractants. Je conçois que vous soyez déroutés par ce texte, comme nous pouvons l'être nous-mêmes par toute innovation. Les juristes tels que vous ou moi ont tendance, en effet, à se référer aux précédents et à la jurisprudence, Mais des esprits aussi curieux, aussi attachés à la liberté individuelle que vous l'êtes ne peuvent qu'être favorables à un tel texte. La convention précisera bien sûr les modalités de l'aide matérielle et morale, et non son seul principe. Elle ne saurait contenir de dispositions contraires à la loi sous peine de nullité, Monsieur Plagnol. On ne peut déroger au droit commun par contrat. Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Même avis. Mme Christine Boutin - Le rapporteur avoue qu'il est dérouté par le texte. On ne peut que l'être en effet. Vous reprochiez hier à l'opposition de ne s'intéresser qu'aux aspects financiers. Oubliant l'amour, nous n'aurions pour boussole que le CAC 40. Mais ce qui manque dans cet article, c'est justement la fidélité. Il ne concerne que le matériel. Y aurait-il donc un mariage sans fidélité ? Il faut vraiment supprimer cette disposition. Les amendements identiques 18 et 86, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Thierry Mariani - La nuit, paradoxalement, nous a apporté la lumière sur certains points. Ainsi le rapporteur a admis qu'on pouvait conclure un Pacs à durée déterminée. Je vous prouverai qu'au-delà de cinq ans, c'est rentable. L'article 514-4 concerne en fait le sexe des anges puisque les obligations prévues en conséquence d'un Pacs sont inapplicables. Cette aide "matérielle et morale" n'a pas de définition juridique précise. Les obligations de solidarité pour les dépenses concernant les besoins de la vie courante et le logement commun -lequel n'est pas nécessaire on le sait- devront faire l'objet d'une jurisprudence. Bref, le Pacs ce sera tous les avantages du mariage sans ses obligations. Mon amendement 125 rétablit celles-ci. M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. L'amendement 125, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - Les époux se doivent fidélité et assistance. Pourquoi dans le Pacs "s'apporter" une aide ? Mon amendement 280 rétablit "se doivent" comme dans le mariage. L'amendement 280, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Claude Goasguen - Certains signataires se contenteront de formulaires type disponibles au greffe, d'autres consulteront un notaire. Bref, à chacun son Pacs, selon ses moyens. On peut même imaginer que certains inscrivent dans le Pacs toutes les obligations du mariage, sauf la clause résolutoire qu'est le divorce. Mon amendement 36 supprime cette liberté totale des contractants. M. Thierry Mariani - L'amendement 130 a le même objet. Le rapporteur nous a dit hier que si lui-même devait signer un Pacs, il s'adresserait à un notaire. Comment rédiger un contrat autrement, sans permettre que le plus fort ne l'emporte ou qu'il ne se crée un contentieux ? Il ne faut pas laisser toute liberté aux contractants. Vous verrez que, devant le fouillis de contrats, vous devrez déposer un contrat type comme pour les statuts des associations. Mme Christine Boutin - Mon amendement 281 supprime également la fin de l'alinéa car les modalités de l'aide sont particulièrement vagues. Nous avions demandé aussi des précisions sur la vie commune, on nous a renvoyés au Journal officiel, puis on nous a oubliés. Nous ne pouvons accepter une liberté absolue des contractants, il faut des repères. M. le Rapporteur - Défavorable. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Mme Christine Boutin - Toujours pas d'explications... M. Jacques Pélissard - Le dernier alinéa n'est pas acceptable. Qui jugera du caractère mutuel et équilibré de l'aide ? Le greffier ? Supprimons une disposition qui complique les choix. Les amendements identiques 36, 130 et 281, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Claude Goasguen - Notre amendement 19 crée une obligation de cohabitation. Le texte définit la vie commune d'une façon bien aléatoire, qui pourrait s'appliquer à la communauté d'intérêts, et pourquoi pas, à la communauté affective. Qu'entendez-vous par vie commune ? Vivre sous le même toit ? Partager le même lit ? On ne sait. Une communauté d'intérêts pourrait justifier des avantages fiscaux, car on serait là pratiquement dans le droit des sociétés civiles. Mais vous nous dites, Monsieur le rapporteur, que cette communauté est aussi de nature affective. Mais enfin une communauté affective, si sympathique qu'elle soit, ne justifie pas des avantages fiscaux. M. le Rapporteur - Comme lors des deux précédentes lectures, avis défavorable. Mme la Garde des Sceaux - Même avis. L'amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jacques Pélissard - Prenons l'exemple d'un père divorcé qui conclurait un Pacs et s'engagerait donc à aider matériellement l'autre. Qu'adviendrait-il dans ce cas de la pension due aux enfants ? Cet homme pourrait-il aller devant le juge aux affaires familiales et prétendre qu'il ne peut plus, compte tenu de ses nouvelles obligations, la verser ? L'amendement 186 a pour objet de préserver les intérêts des enfants des partenaires d'un Pacs. M. le Rapporteur - Le problème peut se poser de la même façon lors d'un remariage. Un juge aux affaires familiales peut avoir à se prononcer sur des cas où des parents remariés voudraient léser des enfants nés d'une première union. En général, il s'y oppose. Ce sera la même chose pour le Pacs. Avis défavorable. Mme la Garde des Sceaux - Même avis. L'amendement 186, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - Les réponses hâtives que l'on nous fait se comprendraient si nous avions eu toutes les explications demandées en première et en deuxième lectures, mais comme tel n'est pas le cas... Mon amendement 282 vise à protéger les futurs contractants d'un Pacs des conséquences dramatiques que peut avoir la solidarité des dettes. Je propose donc d'écrire : "il n'existe pas de solidarité entre les partenaires sauf dans les cas prévus par la loi ou la convention". L'amendement 282, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - M. le rapporteur nous dit, si j'ai bien compris, qu'au cas où un Pacs léserait les enfants d'un des contractants, le tribunal d'instance s'y opposerait. Mais comment saura-t-on si les personnes qui viennent déposer un Pacs ont ou non des enfants ? J'en viens à mon amendement 129, qui tend à insérer les mots : "l'éducation des enfants". Car, à une époque où sévit la délinquance juvénile, il serait bon de ne pas oublier l'importance de l'éducation. M. le Rapporteur - Contre. Comment sait-on, Monsieur Mariani, si une personne qui se remarie a ou non des enfants d'un premier mariage ? On ne le sait pas. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. M. Thierry Mariani - Tantôt vous faites des comparaisons avec le mariage, Monsieur le rapporteur, tantôt vous les récusez, selon que cela vous arrange ou non ! Mais quand un maire célèbre un mariage, il lit les articles du code qui énoncent un certain nombre d'obligations. La conclusion d'un Pacs ne comporte pas cet énoncé des devoirs. L'amendement 129, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Mon amendement 128 vise à ce que les Pacs respectent un cahier des charges minimal défini par décret. Dans le cas d'un mariage, ce cahier des charges est en quelque sorte constitué par les articles du code civil. L'amendement 128, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - M. Mariani a raison : il est incohérent de faire référence au mariage, Monsieur le rapporteur, alors que par ailleurs, vous nous dites que le Pacs est tout à fait autre chose. Mon amendement 283, de repli, a pour objet d'ajouter la phrase suivante : "La solidarité n'a pas lieu néanmoins pour des dépenses manifestement excessives ; elle n'a pas lieu non plus si elles n'ont pas été conclues du consentement des partenaires pour les achats à tempérament ou les emprunts sauf cas où elles portent sur des sommes modestes". Il s'agit ici de protéger le plus faible et d'éviter qu'il soit entraîné dans des dettes énormes. L'amendement 283, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Mon amendement 134, qui dit que "les partenaires s'obligent à un devoir de secours l'un envers l'autre pendant une période minimale de 10 années suivant la conclusion du pacte", a pour but d'éviter que l'un des partenaires se retrouve démuni du jour au lendemain. L'amendement 134, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Je reviens sur un point crucial abordé cette nuit. M. le rapporteur nous dit que le Pacs comporte aussi des obligations, dont la solidarité de dettes. Mais dans neuf cas sur dix, elle ne se traduira pas dans les faits, puisque, faute de publicité donnée au Pacs, un créancier ne pourra pas se retourner vers le contractant censé être solidaire. Mon amendement 133 précise que "les partenaires s'obligent à contribuer à proportion de leurs facultés respectives aux charges de leur ménage". L'amendement 133, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Je retire l'amendement 135. Mon amendement 131 ajoute la phrase suivante, qui me paraît un minimum : "les partenaires s'obligent à nourrir, entretenir et élever les enfants". Si quelqu'un gagne 11 000 F par mois mais s'engage, par un Pacs, à verser 10 000 F par mois pour les besoins de la vie courante, il est évident qu'il ne lui restera pas grand-chose pour élever ses enfants. Vous nous dites, Monsieur le rapporteur, que dans ce cas, le juge refusera une telle clause. Mais comment pourra-t-il savoir si un pacsé a ou non des enfants ? M. le Rapporteur - J'approuve le contenu de votre amendement, mais il s'agit d'une obligation générale du droit. Au demeurant, les enfants d'une première union seront moins lésés par un Pacs que par un nouveau mariage sous le régime de la communauté universelle. De toute façon, quand les enfants sont lésés, il est possible de saisir les tribunaux. L'amendement 131, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - L'article 213 du code civil, que nous lisons chaque fois que nous célébrons un mariage, dispose que "les partenaires s'obligent à éduquer et à préparer l'avenir des enfants". Mon amendement 132 vise à insérer la même obligation dans votre texte. Comment pouvez-vous faire l'impasse sur cette question ? Chaque fois qu'il y a des problèmes dans nos cités, vous expliquez justement que cela vient de ce que les parents ne jouent plus leur rôle. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Les parents doivent en effet éduquer et nourrir leurs enfants, sans quoi ils s'exposent à des sanctions pénales. Mme la Garde des Sceaux - Même avis. M. Pierre-Christophe Baguet - Pourquoi ne pas apporter cette protection aux enfants ? Il faut leur accorder un minimum de considération, d'autant qu'il est question de réformer bientôt le droit de la famille. M. le Président - Vos collègues vous expliqueront ce dont il est question. Nous sommes en troisième lecture. M. Pierre-Christophe Baguet - Je n'accepte pas votre remarque ! J'étais là en première lecture et je suis resté hier soir jusqu'à 3 heures et demie du matin ! M. le Rapporteur - Je vous renvoie à l'article L. 371-2 du code civil, selon lequel l'autorité parentale appartient au père et à la mère, qui ont un droit et un devoir de garde, de surveillance et d'éducation à l'égard de leurs enfants, indépendamment, d'ailleurs, de leur statut. C'était là, justement, le grand progrès de la loi Malhuret. M. le Président - Je vous demande pardon de m'être emporté, mais il est parfois pénible de voir que des choses simples ne sont pas comprises. M. Jean Bardet - Pas de leçons de morale ! L'amendement 132, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Président - Je ne fais pas la morale, mais je ne suis pas une potiche. M. Thierry Mariani - Nul ne l'a jamais pensé. Je confirme que notre collègue était là cette nuit, jusqu'à 3 heures et demie du matin. Mon amendement 126 vise à préciser de manière explicite que l'adoption est interdite aux signataires s'ils sont de même sexe. Le rapporteur nous a déjà expliqué cette nuit que cet amendement était inutile. On nous a tenu le même discours quand nous examinions notre texte sur l'immigration, on a vu ensuite à quel point il aurait été utile que certaines précisions demandées par l'opposition aient pu être apportées. M. le Rapporteur - Avis défavorable. L'Assemblée a repoussé cette nuit un amendement semblable de M. Delnatte. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Mme Christine Boutin - Je tiens à ce qu'il soit écrit dans le Journal officiel que vous ne souhaitez pas interdire explicitement dans ce texte l'adoption ou le recours à la procréation médicalement assistée par les couples homosexuels. Le rapporteur a honnêtement déclaré que le Pacs y conduirait nécessairement. Le lobby qui est à l'origine de ce texte souhaite que soit autorisée aux homosexuels la procréation médicalement assistée. L'attitude du Gouvernement est hypocrite. Les Français doivent savoir (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). L'amendement 126, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Semblable au précédent, mon amendement 127 vise à interdire aux couples homosexuels le recours à la procréation médicalement assistée. Les refus du Gouvernement trahissent ses arrière-pensées. Quant au rapporteur, il a déclaré dans La Croix, et dans Ouest-France qu'il était favorable à l'adoption par les couples homosexuels. L'amendement 127, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Mon amendement 136 ferait sourire si la question n'était pas aussi grave. Il vise en effet à préciser que l'enfant né de l'union de deux personnes de sexe différent liées par un Pacs a pour père le partenaire masculin. Il s'agit de créer ainsi une présomption de paternité. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il n'existe pas de présomption de paternité au sein de cette "famille naturelle" qu'est le Pacs, puisqu'il n'y a pas d'obligation de fidélité. Il est d'ailleurs plus beau d'assumer une paternité voulue que d'en endosser une obligatoire. Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Mme Christine Boutin - Dans les lois de bioéthique qui régissent la procréation médicalement assistée, et que je n'ai pour ma part pas votées, on a institué l'adultère légal en faveur du tiers donneur. Rien dès lors ne s'oppose à ce qu'on adopte l'amendement 136. L'amendement 136, mis aux voix, n'est pas adopté. Art. 515-5 du code civil M. Claude Goasguen - Mon amendement 20 est défendu. M. Pierre-Christophe Baguet - A vouloir trop en faire, vous créez un dispositif qui ne répond pas aux attentes de nos concitoyens. Je m'étonne, d'ailleurs, que vous preniez un aussi grand soin à légiférer sur les problèmes de biens matériels après avoir négligé la question des enfants. Au demeurant, le groupe de travail du 95ème congrès des notaires, qui a planché sur le sujet, s'est étonné des dispositions envisagées. Elles risquent d'accroître encore la complexité. La sagesse commanderait de supprimer cet article. C'est ce que propose notre amendement 87. M. Thierry Mariani - Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Le régime de l'indivision est le plus complexe de tous, de l'avis même des professionnels. Il sera source de contentieux innombrables et d'imbroglios juridiques inextricables lors des séparations. Le régime de la séparation des biens, voire celui de la communauté réduite aux acquêts pour lequel existe au moins une jurisprudence claire, auraient été préférables. C'est pourquoi mon amendement 137 tend à supprimer l'article 515-5. M. le Rapporteur - Avis défavorable aux trois amendements. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable également. Les amendements 20, 87, 137, mis aux voix, ne sont pas adoptés. Mme Christine Boutin - Mme le Garde des Sceaux qui avait vanté avec tant de lyrisme les mérites de Portalis lors de la première lecture au Sénat, ferait bien aujourd'hui de s'en inspirer et de proposer une rédaction plus claire de l'article. Mon amendement 284 propose de le rédiger comme suit : "les biens des partenaires sont soumis au régime de la séparation de biens". M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 37 est défendu. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Vous proposez un tout autre système. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. L'amendement 284, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 37. Mme Christine Boutin - Mon amendement 285 tend à préciser que les parts des partenaires dans l'indivision sont réputées être égales. Cette précision serait de nature à protéger le partenaire le plus faible. L'amendement 285, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - Mon amendement 286 vise à supprimer la deuxième phrase du premier alinéa. Cette disposition serait en effet source de complications et de contentieux lors de la vente d'un bien. L'amendement 286, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 107 tend à préciser que les meubles acquis postérieurement à la signature du Pacs non déclarés indivis sont soumis au régime de la séparation de biens. Cela paraît plus judicieux dans la mesure où le Pacs n'est pas un lien pérenne. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Tous les amendements de Mme Boutin et de l'UDF tendent à instituer le régime de la séparation de biens alors que nous avons souhaité celui de l'indivision. L'amendement 107, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Henri Plagnol - Le régime de l'indivision, qui a la réputation de ruiner les familles, porte dans son sillage d'innombrables et d'insolubles contentieux. L'amendement 108 tend à rédiger comme suit le deuxième alinéa : "Les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont soumis au régime de la séparation de biens si l'acte d'acquisition ou de souscription n'en dispose autrement". Il paraît nécessaire de poser ce garde-fou afin d'éviter notamment que l'un des partenaires ne détourne le patrimoine commun au détriment par exemple des enfants de son partenaire issus d'une autre union. L'amendement 108, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - L'amendement 287 tend à empêcher que l'un des partenaires ne cède un bien commun sans l'accord de l'autre. L'amendement 287, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - Chacun aura noté la détermination et l'opiniâtreté de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) à défendre ses amendements alors même qu'elle ne reçoit aucune réponse à ses questions et que ni le rapporteur ni le ministre ne prennent la peine de justifier les refus qu'ils lui opposent systématiquement. C'est tenir l'opposition dans un mépris qui n'honore pas la démocratie. L'amendement 288 tend à compléter l'article par le texte suivant : "En cas de stipulations contraires dans l'acte d'acquisition, ce dernier doit être déposé et inscrit au greffe du tribunal d'instance qui a enregistré le pacte". Comment admettre en effet que les partenaires puissent modifier le régime de leurs biens, sans en avertir les tiers, notamment leurs créanciers ? J'appelle maintenant de nouveau votre attention sur le risque de créer ce qui constituera bien un fichier des personnes homosexuelles que n'importe quelle banque, n'importe quel créancier pourra consulter. L'amendement 288, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Art. 515-6 du code civil M. le Président - Les amendements 21 et 88 sont défendus. M. Thierry Mariani - Vous ne cessez de clamer que le Pacs n'est pas un mariage bis. Or cet article se contente de transposer dans le cadre du Pacs les règles relatives à l'attribution préférentielle fixées dans le cadre du mariage. En réalité, vous accordez aux pacsés certains des avantages conférés par le mariage sans leur imposer en contrepartie la moindre obligation. Si la droite avait créé un fichier qui comporte de facto l'indication de l'orientation sexuelle des individus, que n'aurait-on entendu ? C'est la gauche qui l'aura mis en place. M. Patrick Braouezec - N'importe quoi ! M. Thierry Mariani - En cas de fausse déclaration, les personnes concernées consulteront le registre, qui sera ainsi ouvert à qui le souhaite. Cette publicité peut avoir des effets désastreux. Mme Christine Boutin - Nous verrons ce qu'en pense la Cour européenne de justice. M. le Rapporteur - Rejet. Mme la Garde des Sceaux - Rejet également. M. Charles de Courson - L'article 515-6 ne conçoit d'exclusion que pour les exploitations agricoles. Pourquoi ? En défendant l'exception d'irrecevabilité, j'avais attiré l'attention sur le risque de destruction de petites entités économiques, en raison de l'instabilité découlant du Pacs. Etes-vous d'accord pour étendre l'exclusion aux entreprises artisanales et aux PME ? Ce serait cohérent. Les amendements 21, 88 et 138, mis aux voix, ne sont pas adoptés. Mme Christine Boutin - Le rapporteur et le ministre vont certainement répondre, le premier moment de surprise passé, à M. de Courson. Il est impossible de rester totalement silencieux sur un point aussi important. Mon amendement 289 tend à limiter les sources de contentieux en ne prenant en compte que le décès de l'un des partenaires. M. le Rapporteur - Rejet. Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Je me suis longuement exprimée en deuxième lecture. Je suggère à M. de Courson et à Mme Boutin de relire l'article 832 du code civil (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). L'amendement 289, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - Mon amendement 290 tend à prévenir les graves conflits qui pourraient s'élever entre enfants qui ne sont pas communs aux deux partenaires. Il s'agit de protéger la famille. L'amendement 290, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - Je propose, par mon amendement 291, de préciser que le juge décidera en équité. Si le rapporteur me dit que cette disposition est superfétatoire, je la retirerai, car j'essaie d'avoir une attitude constructive (Rires sur les bancs du groupe socialiste). M. le Rapporteur - Oui, cet amendement est inutile, et même dangereux. Le juge tranchera en appliquant la loi, et non pas en décidant en équité, et cela vaut beaucoup mieux. L'amendement 291 est retiré. Art. 515-7 du code civil M. Henri Plagnol - L'article 515-7, que notre amendement 89 tend à supprimer, traite des modalités de rupture du Pacs. Cette rupture peut être décidée de façon unilatérale, et prendre effet trois mois après sa signification par un huissier. Voilà qui n'est guère romantique, et nous éloigne de vos discours sur l'amour et la fraternité. L'article ne comporte aucune disposition minimale pour protéger le partenaire le plus faible. Or offrir la possibilité de rompre unilatéralement le contrat à tout moment n'est rien d'autre qu'un retour à la répudiation. L'article 1134 du code civil dispose qu'une convention ne peut être révoquée que par consentement mutuel. Il n'en va pas ainsi avec le Pacs. Au moins aurait-il fallu empêcher que, pendant la période de trois mois, on puisse toucher au régime des biens et des dettes. En sens inverse, il eût été conforme à la simple humanité que le devoir de secours et assistance soit maintenu. Il serait logique que le juge, pour se prononcer, applique le droit des contrats. Mais que se passera-t-il s'il y a des enfants ? Comment sera organisée l'autorité parentale conjointe ? Faudra-t-il faire intervenir deux juges, l'un pour ce qui relève du contrat, l'autre pour régler la situation des enfants ? Est-ce ainsi que l'on rendra la séparation moins douloureuse ? M. le Rapporteur - Rejet des amendements de suppression. M. Thierry Mariani - Mon amendement 139 est l'un d'eux. L'article 515-7 est l'un des plus scandaleux de ce texte. Pour justifier le Pacs, on nous disait qu'il résoudrait les vrais problèmes auxquels font parfois face les couples homosexuels, en particulier en cas de décès de l'un des partenaires, et aussi qu'il favoriserait la stabilité des unions. Si le premier point n'est pas inexact, le second n'est pas vérifié. En effet, l'élément le plus critiquable de l'article 515-7 est la possibilité donnée à l'un des partenaires de rompre brutalement le Pacs. Cette réintroduction de la répudiation est intolérable. Le partenaire le plus faible, le moins instruit, le plus vulnérable sera abusé par l'autre. M. Charles de Courson - L'amendement 22 est identique. Faute d'indications qui lui soient données par la loi elle-même, comment fera le juge pour faire appliquer un Pacs a minima, dans le cas, par exemple, où les deux partenaires se seraient engagés à ne pas contracter de dettes et où le devoir de solidarité se limiterait à la disposition d'une chambre dans la résidence -éventuellement secondaire- commune ? Vous renforcez, je le crains, les droits des riches et des puissants au détriment des humbles et des modestes, car la répudiation sera sans conséquence ou presque pour le répudiateur. Pourquoi vous acharnez-vous à refuser de nous répondre sur ce sujet ? Ce n'est pas parce que vous êtes majoritaires que vous avez forcément raison... Les amendements 22, 89 et 139, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Henri Plagnol - Je demande une brève suspension de séance pour permettre à nos collègues de retrouver quelques forces... La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 15. M. le Président - Les amendements 23 et 292 sont en discussion commune. M. Thierry Mariani - Défendus. M. le Rapporteur - Contre. Mme la Garde des Sceaux - Même avis. L'amendement 23 mis aux voix n'est pas adopté, non plus que l'amendement 292. M. le Président - L'amendement 187 de M. Delnatte est soutenu. L'amendement 187, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Le Pacs peut se terminer par déclaration unilatérale, avec un délai de trois mois quand même, ce qui est la seule modification notable. Mon amendement 141 prévoit que cette déclaration soit motivée, pour permettre un recours. L'amendement 141, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - Etant donné l'efficacité de la présidence, je n'ai pas encore pu m'exprimer sur l'article 515-7. Sans vouloir vous choquer, il institue la répudiation. Vous vous dites hommes et femmes de progrès, et vous êtes une majorité réactionnaire et ringarde. M. Bernard Roman - Mais vous ne nous choquez pas. Mme Christine Boutin - A vous de l'assumer. Ce qui est certain c'est que toutes les civilisations qui ont institutionnalisé la répudiation ne sont pas allées loin dans leur développement. M. René Dosière - La répudiation est dans la bible. Mme Christine Boutin - Je souhaite au moins corriger les contradictions de ce texte. Mon amendement 293 corrigé supprime les mots "duquel l'un d'entre eux au moins a sa résidence" à la fin de la première phrase du premier alinéa de cet article, car cette précision contredit l'article 515-3 alinéa 1, selon lequel les pacsés "établissent leur résidence d'un commun accord". M. le Rapporteur - Défavorable. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. L'amendement 293 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Mon amendement 140 est constructif... Mme Muguette Jacquaint - Il y en a au moins un ! Quel aveu ! M. Thierry Mariani - J'essaye de me placer dans votre logique et d'atténuer les dispositions les plus dangereuses. Mon amendement 140 prévoit qu'en cas de dissolution d'un Pacs, la déclaration se fasse auprès du tribunal qui a reçu l'acte initial. Cela allégera le travail des greffes. M. le Rapporteur - Défavorable. Certes les tribunaux seraient soulagés, mais l'administration est au service des citoyens, non le contraire. Les partenaires qui rompent peuvent avoir déménagé, vous les forceriez à revenir au lieu précédent. En ces temps de grande mobilité, votre amendement est contraire à la logique économique. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. L'amendement 140, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 294 vise à empêcher tout abus à l'égard du plus faible en confiant au greffier le soin de vérifier la réalité du consentement des deux partenaires avant d'enregistrer la fin d'un Pacs. Sinon, la déclaration peut avoir été signée sous la menace ou la contrainte. M. le Rapporteur - Défavorable. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. M. Jacques Pélissard - En cas de divorce, les avocats et le juge procèdent à des vérifications. Prévoir une vérification dans le cas du Pacs est un minimum. L'amendement 294, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Président - Les amendement 112 et 295 sont identiques. M. Henri Plagnol - Notre amendement 112 supprime la rupture unilatérale. J'aimerais poser trois questions à ce sujet. Dans le cas de dommages et intérêts entre concubins, le contentieux est de nature délictuelle. En sera-t-il de même pour le Pacs, ou sera-t-il contractuel ? Si celui qui n'a pas pris l'initiative de la rupture est en situation de détresse, ne faudrait-il pas obliger l'autre à lui verser une pension au moins pendant les trois mois de préavis ? Enfin, ne pourrait-on prévoir la suspension des stipulations concernant les biens et les dettes pendant ces trois mois, afin d'éviter les abus ? M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable. Le Pacs est un contrat à durée indéterminée et peut être rompu unilatéralement. J'ai fait adopter en deuxième lecture un amendement permettant au juge de réparer le dommage subi en cas de préjudice. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Les amendements identiques 112 et 295, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Thierry Mariani - Dans le droit musulman, la répudiation entraîne au moins compensation. Ce n'est même pas le cas dans le Pacs. Mais il faut dire clairement qu'y mettre fin c'est répudier son partenaire... C'est l'objet de mon amendement 142. M. Jacques Pélissard - L'article 238 du code civil donne au juge la possibilité, pour des causes d'une exceptionnelle gravité, de refuser un divorce. Dans le cas d'un Pacs, il n'y a même pas ce garde-fou. C'est bien ici de répudiation qu'il s'agit, pas de résiliation. Les amendements 142 et 164, identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés. Mme Christine Boutin - Nous sommes bien ici dans le cadre d'un "Pacs-kleenex", où l'un des deux peut décider que cela suffit et jeter l'autre à la poubelle. Mes amendements 296, 297 et 298 ont pour objet d'encadrer un tant soit peu cette répudiation. Le 296 exige des "motifs graves, précis et concordants à l'encontre du partenaire" pour qu'un Pacs soit rompu. Il me paraît en effet un peu fort qu'une telle rupture puisse intervenir pour n'importe quel motif futile. Le 297 limite la possibilité de répudiation aux cas de faute. Enfin, le 298 dit qu'il peut être mis fin à un Pacs pour des excès, sévices et injures graves ou renouvelés. M. le Rapporteur - Mme Boutin reprend là des causes qui peuvent être invoquées pour un divorce, mais la rupture unilatérale d'un contrat à durée indéterminée n'est pas un divorce. Avis défavorable, donc. Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Mme Christine Boutin - C'est fou ! M. Claude Goasguen - M. le rapporteur me dit souvent qu'il faut savoir faire preuve d'imagination juridique, mais enfin la formule de la répudiation doit plus à l'archaïsme qu'à l'imagination ! M. Charles de Courson - Cette nuit, M. le rapporteur nous a expliqué qu'un Pacs pouvait être à durée déterminée. J'aimerais que le Gouvernement nous dise s'il partage cette analyse. Cela signifierait-il que l'on peut pacser pour un jour ou une demi-journée ? Mme Monique Collange - Les coups de foudre, çà existe ! M. Charles de Courson - Sans doute, mais si quelqu'un "pacse" pour une demi-journée et prévoit dans le contrat une soulte de 500 F, vous savez comment cela s'appelle ? La prostitution (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Avec ce texte, vous réintroduisez légalement la prostitution ! Dites-nous donc, Madame la Garde des Sceaux, si vous pensez comme le rapporteur qu'un Pacs peut être à durée déterminée ! M. Thierry Mariani - Elle l'a dit hier soir. M. Charles de Courson - Non, ce n'était pas clair. L'amendement 296, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 297 et 298. M. Thierry Mariani - L'amendement 163 de M. Accoyer a pour objet d'atténuer le caractère brutal de la répudiation instituée par le texte en demandant que celle-ci soit explicitement motivée. Il s'agit d'éviter des ruptures sans raison. Je voudrais par ailleurs poser une question au rapporteur. Si demain, après avoir signé un Pacs, je me dispute avec l'autre, décide de mettre fin au contrat, le signifie au greffe du tribunal, après quoi je change d'avis, que se passera-t-il ? Comment annuler la procédure qui aura été lancée ? Mme Christine Boutin - Mon amendement 299 vise à ce que la personne qui sera rejetée, abandonnée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) soit informée des motifs de la rupture du Pacs. C'est un minimum si l'on se soucie un tant soit peu de la dignité humaine ! M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements. On n'a pas à motiver une rupture unilatérale de contrat. M. Goasguen va dire que nous persistons dans l'ignominie, mais c'est ainsi. Pour répondre à la question de M. Mariani, je dirai que si quelqu'un se repent d'avoir rompu un Pacs, il ne lui reste plus qu'à en passer un deuxième (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). M. Charles de Courson - On croit rêver ! Avec une telle réponse, M. le rapporteur détruit la justification même du Pacs ! Nous nous sommes battus pendant des années pour protéger les travailleurs des licenciements abusifs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)... M. Yann Galut - Pas vous, en tout cas ! Mme Muguette Jacquaint - Pas la droite ! M. Charles de Courson - Oh, je vous en prie, nous ne vous avons pas attendus pour faire avancer le droit du travail ! M. Bernard Roman - C'est "Karl-Amédée" de Courson ! M. Charles de Courson - Alors que les employeurs sont obligés de motiver les licenciements, quelqu'un pourrait rompre un Pacs sans invoquer la moindre raison ! C'est inacceptable. Il faudrait au moins que la décision de rompre soit motivée. Mais qu'est-ce que ce pacte qu'on peut rompre selon son bon plaisir ? Seriez-vous devenus royalistes ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Voyez où le Pacs vous emmène ! Vous revenez des siècles en arrière. Il y aura bientôt un concours, présidé par Eddie Barclay, pour récompenser celui qui aura signé le plus grand nombre de Pacs dans l'année ! (Mêmes mouvements) M. Yann Galut - Et le divorce ? M. Charles de Courson - Il n'y a pas de divorce unilatéral et on ne divorce pas en une journée. M. Claude Goasguen - Je n'ai jamais employé d'arguments moraux dans ce débat. J'essaie de m'en tenir à la plus stricte analyse juridique. Or il y a quelque chose que je ne comprends pas. Si la société consent de nombreux avantages aux signataires, elle est en droit d'attendre d'eux des contreparties. Seulement, je n'en trouve aucune. Ce "contrat" n'en est pas un : c'est la juxtaposition de deux déclarations unilatérales. Quand vous signez un contrat de vente, il y a des obligations réciproques. Si vous vendez des patates et qu'elles sont avariées, vous vous exposez à des poursuites. Mme Muguette Jacquaint - Quelle comparaison ! M. Claude Goasguen - Ce texte est attentatoire aux libertés et facilitera, j'y reviendrai, l'immigration irrégulière. L'amendement 163, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 299. M. Thierry Mariani - Je salue l'intelligence du Gouvernement, qui a programmé cette nouvelle lecture en période électorale. Si les Français suivent ces débats, ils doivent être saisis d'effroi. M. Yann Galut - En vous entendant ! M. Thierry Mariani - Le moindre salarié a des droits en cas de licenciement. Mme Muguette Jacquaint - Vous croyez à ce que vous dites ? M. Thierry Mariani - Votre parti a cautionné Staline. Je n'ai pas de leçons à recevoir de vous. Vous n'offrez aucune protection à la personne répudiée. C'est revenir des siècles en arrière, comme l'a bien dit M. de Courson. Après un grand numéro sur la parité, vous nous expliquez, à deux jours d'un scrutin, qu'on pourra se débarrasser de son partenaire par une simple lettre ! Mon amendement 190 corrigé vise à rendre obligatoire l'intervention d'un huissier afin de donner un minimum de formalisme à cette rupture. Mme Christine Boutin - Mon amendement 300 a le même objet. Il vise à garantir que la personne répudiée soit prévenue par une lettre recommandée avec accusé de réception. M. le Rapporteur - En deuxième lecture, nous avons remplacé le mot "notification" par celui de "signification", ce qui implique l'intervention d'un huissier. La remise d'une copie de la signification au greffe qui a enregistré le Pacs est une condition substantielle de la rupture. L'amendement 190 corrigé, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 300. M. Jean-Claude Lenoir - Mon amendement 40 vise à préciser que la rupture du Pacs fait l'objet d'une publicité, afin que les membres de la famille et les partenaires économiques et financiers des signataires en soient informés. M. le Rapporteur - Avis défavorable. On voit que notre procédure parlementaire doit être revue. Tous les amendements relatifs à la publicité du Pacs au moment de sa signature ont été repoussés. Il est anormal qu'on en présente d'identiques à propos de sa dissolution. Je souhaite que le Bureau examine cette question (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'amendement 40, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Mon amendement 192 vise à créer un devoir mutuel d'aide matérielle durant l'année qui suit la fin du pacte. Dans le mariage, quand un conjoint entame une procédure de divorce alors que l'autre est atteint d'une grave maladie, il y a présomption de tort. Est-il normal qu'il n'y ait, en pareil cas, aucun devoir d'assistance, pour les signataires d'un Pacs ? Ce texte n'est généreux qu'en apparence. L'amendement 192, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - Je mets sur le compte de la fatigue la remarque du rapporteur qui s'en tire par une pirouette : en s'en prenant à la procédure, il a évité le débat sur la publicité. Certes, après avoir refusé tous nos amendements relatifs à la signature du Pacs, il n'y a guère de raisons que vous en acceptiez à propos de sa dissolution. Mais on ne peut pas éluder le débat de fond par le biais de la procédure parlementaire. Monsieur le rapporteur, vous nous aviez habitués à beaucoup mieux ! Cela dit, mon amendement 301 prévoit que le Pacs ne peut être rompu unilatéralement si la rupture doit avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour le contractant abandonné. Il s'agit de protéger le partenaire le plus faible en raison de sa situation matérielle ou de son état de santé. Vous pourrez juger cette rédaction trop vague : j'accepterais volontiers que vous l'amélioriez. Cela étant, nous n'en serions pas à un concept vague près dans ce texte ! M. le Président - Monsieur Michel, je n'ai pas considéré votre propos comme une critique, à l'égard de la présidence, à condition d'admettre qu'il existe un parallélisme de forme entre la conclusion et la rupture du Pacs, ce qui n'est pas la règle en matière de contrat de mariage. Cela dit, tout parlementaire place ses amendements où il l'entend. C'est une règle démocratique qui permet, à l'opposition comme à la majorité, de déposer des amendements là où elles le souhaitent. Nous devons la respecter. Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable à l'amendement 301. L'amendement 301, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Je vous remercie de vos propos, Monsieur le Président. Mon amendement 191 tend à préciser que lorsque l'un des partenaires rompt le Pacs en se mariant, il doit en informer son partenaire le jour de la publication des bans. Si l'on ignore le moment où le Pacs prend fin, les obligations posées à l'article 515-4 n'ont aucune valeur. M. Jacques Pélissard - Le troisième alinéa du texte dispose que le pacsé qui se marie en informe son partenaire "par voie de signification". S'agit-il des bans ou de l'acte de mariage lui-même ? Cela n'a pas les mêmes conséquences qu'il s'agisse du calendrier ou de l'efficacité juridique. Autre point : la motivation de la rupture du Pacs n'est exigée qu'en cas de mariage. Pourquoi ? C'est une preuve supplémentaire de l'incohérence du texte. L'amendement 191, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - L'amendement 161 de M. Accoyer tend à insérer le texte suivant : "Le pacte civil de solidarité prend fin lorsque le caractère frauduleux en a été démontré par les services sociaux ou l'administration fiscale qui engagent les poursuites nécessaires pour récupérer les sommes détournées". Puisque finalement ce texte traite moins d'amour et de sentiments que d'avantages fiscaux ou sociaux, cette précision n'est pas inutile, même si les fraudes restent minoritaires. Sur le sujet, vous me permettrez de citer un extrait d'un entretien accordé par Irène Théry au quotidien La Croix : "Le concubinage fait perdre de nombreuses allocations, la pension de réversion, fait baisser le RMI, supprime la part fiscale supplémentaire par enfant à charge... Comment justifier que cette même vie commune soit aujourd'hui oubliée quand elle peut légitimement ouvrir des avantages ?" Et Irène Théry de poursuivre : "Le projet de Pacs demeure illisible, contradictoire et risque de créer de nouvelles discriminations. Le Pacs est-il ou non un mariage "light" ? Pourquoi des millions de concubins ont-ils été mis sur la touche ?", se demande-t-elle avant de conclure que "le débat juridique n'est pas clos". Vous qui vous plaisez à la citer, vous devriez la citer en entier... M. le Rapporteur - Avis défavorable. M. Pélissard se demande ce que signifie "par voie de signification". Tout simplement signification au partenaire. Par ailleurs, s'il est obligatoire de mentionner au greffe que l'on rompt un Pacs pour cause de mariage, c'est qu'alors le Pacs est dissous immédiatement, sans que coure le délai de trois mois applicable dans les autres cas de rupture. Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable à l'amendement. L'amendement 161, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Charles de Courson - Quel contrôle les administrations fiscales pourront-elles exercer sur les avantages fiscaux liés au Pacs ? Ces derniers seront-ils maintenus même si les obligations d'un Pacs a minima ne sont pas respectées ? Les mêmes questions se posent pour les avantages sociaux. La signature d'un Pacs fera perdre le bénéfice de l'API. Celle-ci sera-t-elle rétablie si on découvre que le Pacs n'a pas de réalité ? L'amendement 113, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - L'amendement 148 tend à porter de trois à six mois le délai au terme duquel le Pacs prend fin après signification de sa rupture. C'est bien le moins que l'on puisse prévoir ! Trois mois, c'est vraiment instituer la répudiation. Je prendrai un exemple concret. Imaginons que je signe un Pacs avec une personne qui attend un enfant... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Si je romps ce Pacs, ce qui est très simple à faire, la mère devient immédiatement éligible à l'API (Rires et exclamations sur les mêmes bancs). Malgré vos sarcasmes, mes chers collègues, de tels cas se produiront (Mêmes mouvements). Mme Véronique Neiertz - Puisque vous êtes contre le Pacs, qu'est-ce que cela peut vous faire ? M. Thierry Mariani - Vous traitez un problème sérieux avec beaucoup de légèreté (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur le rapporteur, je souhaiterais une réponse. Plusieurs députés socialistes - On s'en fout ! M. Thierry Mariani - Ça vous regarde. M. le Président - Un peu de tenue, s'il vous plaît. M. Thierry Mariani - Ces exemples concrets sont intéressants. Je pense que la majorité plurielle devrait faire preuve de plus de responsabilité. M. le Président - Monsieur Mariani, vous êtes un homme intelligent. J'imagine que vous connaissez la réponse à la question que vous posez. Il suffit de ne pas conclure de Pacs pour percevoir la même allocation. M. Thierry Mariani - Je reprends, en défendant au moins l'amendement suivant. Si la personne avec laquelle j'ai conclu un Pacs attend un enfant... (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Disons donc : si M. Y. et Mme Z. ont un enfant XY... (Mêmes mouvements) Il est consternant que vous ne répondiez que par des sarcasmes à un problème social ! M. le Président - XY, c'est un problème de chromosomes ! M. Thierry Mariani - J'en viens à mon amendement 144, qui tend à préciser qu'il s'agit du "juge du contrat". M. le Rapporteur - Contre. Mme la Garde des Sceaux - Contre également. L'amendement 148, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 147, 149 et 144. M. Charles de Courson - L'amendement 302 tend à prendre en compte les conséquences extra-patrimoniales de la dissolution du Pacs. L'amendement 302, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - L'opposition fait preuve de constance. Je sais bien que, d'un article à l'autre, on nous dit que le Pacs est ou n'est pas différent du mariage. En tout cas, un partenaire peut être renvoyé sans indemnité. Notre amendement 145 tend à remédier à cette injustice en autorisant l'attribution éventuelle d'une pension alimentaire. M. Jean-Claude Lenoir - Nous proposons aussi, par l'amendement 38, que le juge puisse ordonner le versement d'une pension alimentaire. Les partenaires d'un Pacs se doivent aide matérielle. Il faut en tirer toutes les conséquences, et veiller, même en cas de rupture du Pacs, au respect des engagements précédemment souscrits. Je pense à des cas concrets que je peux citer si l'Assemblée le souhaite. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Les amendements 145 et 38, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Charles de Courson - En cas de rupture unilatérale, sur quoi le juge se fondera-t-il pour se prononcer ? Nous souhaitons, par l'amendement 303, encadrer son pouvoir ; il devra tenir compte de la faute commise, de l'existence d'une société de fait et de l'enrichissement sans cause. C'est le minimum. Monsieur le rapporteur, écoutez-moi s'il vous plaît ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) On ne nous écoute pas ! Depuis plusieurs heures, la Garde des Sceaux lit, écrit, ne disant que deux mots : "défavorable", "contre". Quel respect pour le Parlement ! Monsieur le Président, avez-vous déjà vu cela ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) M. Didier Boulaud - Sous le précédent gouvernement, quatre ans durant ! M. le Président - Monsieur de Courson, vous êtes trop jeune parlementaire pour vous souvenir de certains épisodes ! Cela dit, le Gouvernement intervient quand il le veut. M. le Rapporteur - Avis défavorable à cet amendement inutile. La jurisprudence de la rupture est bien connue. Mme la Garde des Sceaux - Quand sont présentés des amendements nouveaux, que j'attends toujours avec curiosité, mais il n'y en a eu qu'un seul hier, je réponds. Cet après-midi, ont été défendus des amendements auxquels j'ai répondu en première et en deuxième lectures. Je ne juge pas nécessaire de me répéter. Rejet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Thierry Mariani - Si l'opposition dépose des amendements de façon réitérée, c'est qu'elle a vu la majorité évoluer, par exemple sur le contrat, sur les tutelles, sur les fratries, entre la première et la deuxième lectures. C'est pourquoi nous continuons à espérer qu'à la faveur de nos amendements elle revienne sur ses erreurs. L'amendement 303, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Claude Lenoir - Nous proposons, par l'amendement 39, que le juge puisse ordonner le versement d'une prestation compensatoire, puisqu'une répudiation peut placer le partenaire concerné dans une situation matérielle difficile. Il s'agit là encore de défendre le plus faible. Cette disposition rassurerait ceux qui s'engagent dans le Pacs, et contiendrait ceux qui seraient portés à rompre le Pacs trop facilement. L'amendement 39, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - L'amendement 143 tend à saisir automatiquement le juge aux affaires familiales en cas de rupture entre deux partenaires ayant eu un ou plusieurs enfants. L'amendement 146 permet au juge d'empêcher la résiliation du Pacs si celle-ci était susceptible d'entraîner un préjudice d'une exceptionnelle dureté pour un des partenaires ou des enfants. M. le Rapporteur - Le premier amendement est inutile : le juge aux affaires familiales sera forcément saisi s'il y a différend, comme dans le cas d'une famille naturelle. La commission est également opposée au second, car le juge n'a pas à apprécier les motifs de la rupture, mais à la constater et à en organiser les conséquences. Les amendements 143 et 146, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Thierry Mariani - Dans la mesure où l'enregistrement du Pacs ne donne lieu à aucune publicité, les amendements 43, 44 et 45 permettent l'annulation du Pacs, dans un délai de deux mois, à la demande de toute personne ayant intérêt pour agir, ou du procureur de la République, ou encore des ascendants, descendants et collatéraux des partenaires. Les amendements 43, 44 et 45, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. L'article premier, mis aux voix, est adopté. M. Thierry Mariani - L'amendement 199 a l'avantage d'exposer en pleine lumière l'architecture baroque de votre dispositif, en précisant que toute personne résidant en France peut choisir entre les six statuts suivants : personne mariée, célibataire vivant seul, célibataire vivant en concubinage, célibataire ayant conclu un Pacs, célibataire vivant en concubinage avec une personne et ayant conclu un Pacs avec une autre, personne mariée vivant en concubinage avec une autre personne. Le choix peut être modifié à tout moment en fonction de l'évolution des avantages fiscaux et sociaux attachés à chacun de ces statuts. M. le Rapporteur - La commission a repoussé ce nouvel amendement, totalement inutile en raison du principe de la liberté individuelle. Son auteur a d'ailleurs oublié plusieurs cas, comme celui du veuvage... Mme Christine Boutin - C'est vrai ! Mme la Garde des Sceaux - Etant saisie, pour la deuxième fois seulement depuis hier, d'un amendement n'ayant été déposé ni en première ni en deuxième lectures, je vais y répondre. Le concubinage n'est pas un statut, mais une situation de fait, et le Pacs, contrat de droit privé, n'en est pas un non plus. C'est avoir une bien piètre opinion, par ailleurs, de nos concitoyens que de penser que leur choix repose sur les seuls avantages sociaux et fiscaux... L'amendement 198, qui crée un titre relatif au célibat, est tout aussi spécieux : vous n'avez de cesse de critiquer l'octroi de droits particuliers aux contractants, mais vous proposez de les étendre aux célibataires ! J'ai déjà dit mon opposition, enfin, à l'amendement 197 relatif au "concupacsage"... M. Thierry Mariani - Si je n'ai pas parlé du veuvage, c'est parce que celui-ci ne résulte généralement pas d'un choix... (Sourires) L'amendement 199, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - L'amendement 198 soulève un vrai problème : celui des célibataires, qui seront la seule catégorie fiscalement cocue (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). M. René Dosière - Pauvre Charles-Amédée ! (Sourires) M. Thierry Mariani - Les avantages fiscaux et sociaux reposent sur l'existence d'un service rendu à la collectivité en contrepartie : la procréation, par exemple, permet à la société de se perpétuer. Mais de quel droit conférer un avantage public à une simple affection privée ? Pourquoi un couple homosexuel, qui fait déjà des économies en vivant ensemble, se verrait-il reconnaître des avantages supplémentaires ? M. le Rapporteur - Vous posez un vrai problème, mais le Pacs concerne les couples et non les personnes seules. Je vous suggère donc de déposer une proposition de loi sur le célibat et de persuader votre groupe de la faire inscrire à l'ordre du jour... Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Mme Christine Boutin - Il semble que vous considérez les pacsés comme étant toujours des célibataires. Est-ce encore le cas ? Quel est le statut juridique des personnes pacsées ? L'amendement 198, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Mon amendement 197 insère dans le livre premier du code civil, après l'article 310-3 un titre VI ter ainsi rédigé : "Titre VI ter- Du concupacsage". Le concupacsage est le fait, pour une personne physique d'être liée à un tiers par un pacte civil de solidarité tout en vivant en état de concubinage avec une autre personne. On dira que je fantasme. Mais c'est tout à fait possible. Pensez aux commissions d'action sociale. Quel plafond vont-elles retenir dans de tels cas ? L'ensemble des parlementaires réprouvent la bigamie. Mais on peut être concubin et pacsé. C'est scandaleux. M. René Dosière - Vous n'avez que de mauvaises pensées. M. Thierry Mariani - Lorsqu'il faudra prendre en charge les avantages sociaux, vous ne serez pas fiers ! L'amendement 197, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - Nous posons des questions qui méritent réponse. Je le demande de nouveau : quel est le statut juridique des pacsés ? L'article 343 du code civil dispose que "l'adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans". L'article 343-1 dispose que "l'adoption peut être aussi demandée par toute personne âgée de plus de vingt-huit ans. Si l'adoptant est marié et non séparé de corps, le consentement de son conjoint est nécessaire à moins que ce conjoint ne soit dans l'impossibilité de manifester sa volonté". Afin d'éviter l'adoption par des partenaires homosexuels -position qu'a prise officiellement la Garde des Sceaux- mon amendement 304 supprime la possibilité d'adoption par un célibataire. Il s'agit là d'une dérogation qui donne, de façon perverse, la possibilité d'adopter à un couple homosexuel. A l'origine, le but était de permettre à des enfants dont les deux parents décèdent brutalement d'être adoptés par un oncle ou une tante célibataire. L'objectif est bien de maintenir un lien privilégié avec la famille. Comme toute dérogation, celle-ci a entraîné des dérapages. Mais il est rarissime que les conseils de famille confient un orphelin à une personne célibataire avec qui il n'a pas de liens familiaux. Ces cas étant marginaux, supprimons cette possibilité. M. le Rapporteur - Défavorable. Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. L'amendement 304, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - L'amendement 103 prévoit que "les partenaires de même sexe d'un pacte civil de solidarité ne peuvent pas bénéficier des dispositions du Titre VIII, Livre 1er du code civil". Poser cette interdiction est indispensable pour l'équilibre de l'enfant. M. le Rapporteur - Défavorable. Nous avons eu un débat assez vif hier avec M. Accoyer. Je pensais que vous auriez retiré ce genre d'amendements. Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. L'amendement 103, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que les amendements 158 et 305. Mme Christine Boutin - Le débat n'a pas été vif. Simplement, nous n'avons pas la même position. Nous pouvons affirmer sans offenser personne que nous jugeons qu'il n'est pas bon pour un enfant d'être élevé par deux personnes du même sexe. Qu'on ne nous accuse pas d'homophobie. C'est la volonté du Garde des Sceaux que d'interdire l'adoption aux couples homosexuels. Par notre amendement 104, nous disons "les partenaires de même sexe d'un pacte civil de solidarité ne peuvent pas bénéficier des dispositions de la loi du 29 juillet 1994, relative à la procréation médicalement assistée". Ce serait cohérent. Lors du débat pour la bioéthique j'ai défendu 200 amendements constructifs pour faire respecter la dignité des personnes. L'un a été accepté, disant que la PMA ne serait pas accessible aux couples qui ne seraient pas composés d'un homme et d'une femme. L'amendement 104, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que l'amendement 306. M. Thierry Mariani - Mon amendement 195 prévoit que "le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de 9 mois suivant la publication de la présente loi un rapport sur les évolutions législatives et réglementaires susceptibles d'être conduites en faveur des personnes célibataires". Les célibataires sont les grands oubliés. C'est l'occasion de penser quand même un peu à eux. Mon amendement 196 dit, dans le même esprit que "le Gouvernement remet au Parlement dans un délai de 9 mois suivant la publication de la présente loi un rapport sur la situation des célibataires en France". Ce sont eux qui ont le plus de frais, supportent le plus d'impôts et ont le moins d'avantages. M. le Rapporteur - Défavorable. Je renvoie à la proposition de loi que M. Mariani déposera vraisemblablement sur les célibataires... L'amendement 195 repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que l'amendement 196. M. Thierry Mariani - Cet article reprend un amendement de l'opposition qui avait été rejeté comme les autres par le Gouvernement et la commission mais qui a finalement été réintroduit à leur initiative. Il précise utilement que les majeurs placés sous tutelle ne peuvent pas conclure un Pacs. Cela montre qu'un débat contradictoire et approfondi serait moins stérile que ce débat où la majorité refuse systématiquement tous nos amendements. M. Jean-Claude Lenoir - Il est vrai que les amendements de l'opposition sont systématiquement repoussés et souvent en des termes peu amènes voire méprisants, alors même que, comme celui qui est à l'origine de cet article, ils précisent utilement les choses. J'invite donc le Gouvernement et les rapporteurs à prêter plus d'attention aux arguments de l'opposition. Mme Christine Boutin - Je retire l'amendement 90. L'article premier bis, mis aux voix, est adopté. M. Thierry Mariani - Le Sénat ayant pris l'initiative de définir le concubinage, le Pacs devenait inutile, dès lors que cette définition était élargie aux homosexuels. La majorité plurielle a cependant décidé de maintenir et la codification du concubinage et le Pacs ! Je ne reviens pas sur le fait qu'une telle coexistence va multiplier les statuts. Je relève simplement que la définition du concubinage se réfère à la stabilité et à la continuité de l'union, alors que le Pacs ne requiert ni stabilité, ni continuité. Le concubinage requiert en outre une "vie commune", tandis que le Pacs concerne les personnes qui ont un projet commun. En outre, la définition du Sénat était meilleure car elle précisait que le concubinage concerne les personnes non mariées. En supprimant cette précision, l'Assemblée admet que quelqu'un peut être marié avec telle personne et vivre en concubinage avec telle autre, de façon sans doute à combiner des avantages fiscaux complémentaires. N'est-ce pas institutionnaliser l'adultère ? Mme Christine Boutin - J'avais déposé un amendement qui, malheureusement, semble n'être pas parvenu jusqu'au service de la séance et que je ne pourrai donc pas défendre, alors qu'il est pour moi tout à fait important. Je tiens donc à m'exprimer à ce sujet car sinon l'on pourrait croire que j'ai changé d'avis entre la deuxième et la troisième lectures... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Mme Odette Grzegrzulka - Mais non, on vous connaît. Mme Christine Boutin - ...ce qui n'est évidemment pas le cas. Avec cet article relatif au concubinage, le Sénat et la majorité ont voulu rivaliser d'habileté. Le Sénat voulait en effet proposer une alternative au Pacs et a pour ce faire introduit une définition du concubinage. La majorité de l'Assemblée a repris la définition du concubinage en feignant de ne pas comprendre qu'elle était censée se substituer à l'ensemble du texte sur le Pacs... Mme Odette Grzegrzulka - Il fallait nous le dire clairement. Nous n'avions pas compris (Sourires sur les bancs du groupe socialiste). Mme Christine Boutin - Je tiens pour ma part à dire que je ne suis pas favorable à l'inscription dans le code civil d'une définition du concubinage incluant le concubinage homosexuel. Brouiller ainsi la représentation de la différence sexuelle, qui fonde le couple et la parenté, porte atteinte aux fondements mêmes de la société. Et il est évident que des revendications concernant l'adoption et la PMA suivront. Comme vous n'avez pas voulu, par le Pacs, reconnaître explicitement aux homosexuels ces possibilités, vous recourez à un subterfuge : le concubinage. Dans quelques années, on se rendra bien compte que dans cette affaire, la majorité plurielle et le Gouvernement ont manqué de courage et de transparence. Il aurait pourtant fallu que nous ayons ce débat sur les homosexuels, il aurait fallu aider nos concitoyens à regarder en adultes ce problème. M. Jean-Pierre Blazy - Ce sont les homophobes qui le disent. Mme Christine Boutin - Je ne suis pas homophobe ! Je vous interdis de dire cela ! M. Jean-Claude Lenoir - Je soutiens les protestations de Mme Boutin. Mme Christine Boutin - Oui, çà suffit ! M. Jean-Claude Lenoir - Nous ne cherchons pas, nous, à provoquer. J'en arrive à l'amendement 31 qui vise à supprimer cet article premier ter. Je fais partie de ceux que l'initiative du Sénat a laissés assez perplexes. Quoi qu'il en soit, celui-ci entendait proposer une solution de remplacement. Mais la majorité plurielle s'est emparée avec délices de sa définition du concubinage et a prétendu faire coexister les deux formules. Je note au passage que le Sénat, qualifié par certains à gauche d'institution "ringarde", a fait preuve d'une audace à laquelle la gauche n'avait même pas pensé. Mais nous voyons clairement vos arrière-pensées concernant l'adoption et la PMA -et Mme Boutin a raison d'en parler. Vous voulez en effet inscrire dans la loi une disposition sur laquelle vous pourrez ensuite vous appuyer pour entraîner le Parlement dans des voies que nous ne souhaitons pas, quant à nous, emprunter. Nous avons souvent rendu hommage à notre rapporteur pour son honnêteté : il nous a dit où il voulait aller. Pourtant, il y a encore deux ans, il ne parlait pas de cela à ses électeurs. Avez-vous d'autres propositions de ce type en tête ? Les amendements 31, 157 et 200, mis aux voix, ne sont pas adoptés. Mme Christine Boutin - Mon amendement 309 vise à supprimer les trois premiers alinéas de cet article. Le concubinage est une union de fait : il n'a pas à figurer dans le code civil. Par ailleurs, je souhaite qu'on arrête de me traiter d'homophobe. Je ne supporte plus ces procès d'intention qui me blessent, ainsi que ma famille. L'amendement 309, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Thierry Mariani - Mes amendements 204, 202 et 203 visent à empêcher les cumuls de statut en précisant que le concubinage ne concerne pas les personnes mariées ou ayant signé un Pacs. En autorisant à une personne mariée de vivre par ailleurs en concubinage, vous subventionnez l'adultère. L'amendement 204, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 202 et 203. M. Thierry Mariani - Mon amendement 201 vise à supprimer les mots "de sexe différent ou de même sexe". Cette précision du rapporteur est inutile et même un peu provocatrice. Mme Christine Boutin - Mon amendement 308 est identique et mon amendement 307 est très proche. Les amendements 201 et 308, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement 307. L'article premier ter, mis aux voix, est adopté. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 45. La séance est levée à 20 heures 20. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |