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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 115ème jour de séance, 294ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 30 JUIN 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    VIOLENCES URBAINES 1

    SÉCURITÉ SANITAIRE 2

    TOUR DE FRANCE 3

    CHIENS D'ATTAQUE 3

    TRAFIC DES POIDS LOURDS DANS LE MASSIF ALPIN 4

    LUTTE CONTRE LA VIOLENCE 5

    HARCÈLEMENT MORAL 5

    FINANCEMENT EUROPÉEN DES GRANDS TRAVAUX 6

    TRANSPORT AÉRIEN 6

    POLITIQUE DE LA VILLE 7

    CONDAMNATION À MORT D'ABDULLAH ÖCALAN 8

    POLITIQUE PÉNITENTIAIRE 8

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE -lecture définitive- (suite) 12

    MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 15

ORGANISATION DE LA RÉSERVE MILITAIRE 22

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

VIOLENCES URBAINES

M. Marc-Philippe Daubresse - Jour après jour, l'actualité confirme la montée de l'insécurité et des violences urbaines. Vauvert, Corbeil, La Plaine-Saint-Denis, Nancy, Lille : plus aucune zone du territoire n'est désormais épargnée. Ce matin même, votre collègue Julien Dray évoque dans un grand quotidien "le caïdat qui s'est installé dans les cités par le biais de divers trafics" et "la guerre de territoires que s'y livrent des bandes organisées n'hésitant pas à faire usage d'armes à feu".

Monsieur le ministre de l'intérieur, en réponse à une question de l'un de nos collègues du RPR, vous avez indiqué hier qu'en dépit d'une certaine reprise des violences, les statistiques officielles de la délinquance étaient en régression de 0,43 %. Cela ne m'étonne d'ailleurs pas quand on connaît la définition des violences urbaines que la direction centrale de la sécurité publique a demandé par circulaire du 9 février dernier aux directeurs départementaux de retenir. Ne doivent être considérés comme tels que les actes violents commis contre des biens, des personnes ou des institutions par un groupe d'individus jeunes composé d'au moins trois personnes !

Monsieur le ministre, au-delà des déclarations d'intention et des statistiques tronquées, n'est-il pas temps d'infléchir le plan que vous avez annoncé à grand renfort médiatique ? Rien ne sert d'invoquer les nouveaux contrats locaux de sécurité non plus que le recrutement massif d'adjoints de sécurité alors que l'on ne remplace même pas les personnels partis en retraite et que de toute façon, les adjoints de sécurité ne peuvent sortir sur la voie publique qu'accompagnés d'un policier titulaire (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). En réalité, la présence policière sur le terrain diminue.

Enfin, qu'allez-vous répondre à votre ami politique Julien Dray lorsqu'il demande qu'aucun acte d'incivilité ne demeure impuni et que l'on applique le principe de la tolérance zéro ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - J'ai moi-même évoqué un certain redémarrage des violences urbaines. En effet, entre le 14 et le 29 juin, à la suite d'incidents survenus à Sarcelles, Choisy-le-Roi, Corbeil, Ris-Orangis, Cergy-Pontoise, Chanteloup-les-Vignes, seize fonctionnaires de police ont été blessés et 121 interpellations ont eu lieu. Je pensais que l'on pouvait débattre du problème de façon objective et raisonnable.

J'ai par ailleurs indiqué hier que les statistiques de la délinquance sur la voie publique étaient en diminution de 0,43 %. Pour ce qui est des violences urbaines, nous disposons de deux mesures, l'une effectuée par les Renseignements généraux, l'autre par la direction de la sécurité publique, toutes deux selon des normes spécifiques, destinées à appréhender ce phénomène aux contours flous.

Préoccupant, celui-ci n'en est pas moins maîtrisable (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Des directives ont été données qui ont d'ores et déjà abouti à des interpellations et au démantèlement de bandes de trafiquants. Plus de 11 000 adjoints de sécurité ont été recrutés ; 246 contrats locaux de sécurité ont été signés et 450 sont en cours d'élaboration. Par ailleurs, contrairement à ce que vous alléguez, les effectifs ont été renforcés : 1 600 postes ont été financés en surnombre afin de maintenir les effectifs opérationnels. Quant à la police de proximité, elle se met en place, mais à son rythme.

Je ne puis pour l'heure vous apporter de meilleure réponse. On n'adapte pas la doctrine d'emploi de la police du jour au lendemain. Au demeurant, et vous le savez parfaitement, ce phénomène de société dépasse de loin le problème de la police...

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Et la justice ?

M. le Ministre- ...relevant d'une certaine déséducation et d'autres évolutions sur lesquelles je ne crois pas utile de revenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Plusieurs députés DL et RPR - Baratin !

SÉCURITÉ SANITAIRE

M. Bernard Charles - Il y a un an, nous avons voté à la quasi unanimité un projet de loi relatif à la sécurité sanitaire. Celui-ci prévoyait la création d'un institut de veille sanitaire, d'un comité national de sécurité sanitaire, d'une agence de sécurité sanitaire des aliments et d'une agence de sécurité sanitaire des produits de santé. Les Etats généraux de la santé ont par ailleurs révélé que la sécurité sanitaire, des produits de santé comme des aliments, était une préoccupation essentielle de nos concitoyens.

Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, à la lumière des récents événements, quel bilan dressez-vous du dispositif français ? Quelle place revient à la direction générale de la santé parmi les nouvelles structures ? Enfin, le Gouvernement a-t-il l'intention de mettre en place l'agence de sécurité sanitaire de l'environnement, que nous avions appelée de nos voeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - La première loi de sécurité sanitaire a été adoptée en 1992, après que la transfusion sanguine française eut failli. Je ne reviens pas sur le dispositif mis en place l'an dernier : vous l'avez rappelé. Il est performant, même si bien sûr on est en droit d'exiger toujours davantage en ce domaine. Mais il faut tenir compte du fait que plus les contrôles sont rigoureux, plus les anomalies constatées sont nombreuses. Enfin, certains troubles ou certaines maladies ne sont pas toujours faciles à relier à un phénomène donné.

Lors de la crise du poulet à la dioxine, l'agence de sécurité sanitaire des aliments a réagi très vite et diligenté une expertise beaucoup plus rapidement que la Commission européenne par exemple. Au total, le bilan du dispositif est satisfaisant, même s'il ne s'agit pas de crier victoire.

S'agissant de la DGS, sa place est bien entendu centrale au sein du dispositif : c'est elle qui édicte les normes et qui détermine la politique de sécurité sanitaire souhaitée par le ministère, qu'appliquent ensuite et expertisent les agences. Même si elles sont indépendantes, celles-ci sont intimement liées à la DGS, que Martine Aubry et moi entendons d'ailleurs réformer et moderniser.

Pour ce qui est d'une agence de sécurité sanitaire de l'environnement, un rapport à été demandé à Mme Grzegrzulka et à M. Aschieri. Le Gouvernement en étudie actuellement les conclusions et doit rendre sa décision de manière imminente (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

TOUR DE FRANCE

M. Pierre Carassus - Samedi prochain, 3 juillet, le Tour de France reprendra la route (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Durant trois semaines, le monde du vélo, mais pas seulement lui, se passionnera pour cet événement dont les enjeux dépassent très largement les frontières du sport. Pendant des années, la Fédération française de cyclisme et les organisateurs ont assuré prendre toutes les précautions pour garantir la transparence de l'épreuve et la prévalence de l'éthique sportive. On sait aujourd'hui ce qu'il en était ! Quant à l'UCI, elle vient de confirmer qu'elle est d'abord soucieuse de protéger les usages.

Grâce à votre action, Madame la ministre des sports, et à celle de la justice, le voile est tombé. On sait désormais que le dopage était la règle... et l'ingestion d'eau pure l'exception ! La santé et les intérêts des coureurs s'effaçaient devant les impératifs de la finance. Les organisateurs de l'épreuve pouvaient-ils l'ignorer ? Ils assurent aujourd'hui qu'ils entendent "laver plus blanc que blanc" et ont pris quelques mesures spectaculaires, d'ailleurs aussitôt remises en question par l'UCI. Cela ne suffira pas à restaurer l'image de la compétition. Il faut aller plus loin et éradiquer le dopage. Toutes les mesures seront-elles prises afin d'être sûr que les contrôles seront dorénavant garants de la transparence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Je tiens à réaffirmer la détermination du Gouvernement à préserver l'étique du sport et la santé des sportifs, mais aussi à rappeler que le dopage ne concerne pas que le cyclisme, que tous les sportifs ne sont pas dopés ou complices (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Quant à vous, que n'avez-vous agi quand vous le pouviez !

Le mouvement sportif français s'est remarquablement mobilisé contre ce mal et l'opinion est favorable à 84 % à la lutte contre le dopage.

S'agissant du Tour de France, nous effectuerons bien sûr les contrôles nécessaires mais notre principal atout réside sans doute dans la loi que vous avez votée à l'unanimité pour organiser la prévention et le suivi médical. Elle va nous permettre de créer une structure indépendante grâce à laquelle nous pourrons aller jusqu'au bout de ce combat, en échappant aux pressions politiques, économiques et financières.

Dès le début, j'ai su que cette lutte serait longue et difficile. Nous ne devons donc pas nous effrayer chaque fois que surgit une nouvelle difficulté, d'autant que ces résistances sont prévisibles compte tenu des intérêts en cause... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Thierry Mariani - Le grand capital !

Mme la Ministre - Aucune personne responsable, respectueuse du sport et des jeunes, ne peut composer avec le dopage (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). Je considère donc comme particulièrement regrettable la décision prise par l'Union cycliste internationale (Mêmes mouvements), qui contredit celles de la direction du Tour. J'espère que chacun a mesuré sa responsabilité et que la sérénité du Tour ne sera pas compromise. Il faut que cette épreuve donne lieu à une belle compétition, suivie par un large public : il y va de la propreté et de l'avenir du sport (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

CHIENS D'ATTAQUE

M. Jean-Luc Warsmann - Monsieur le Premier ministre, de nombreux Français souffrent de l'insécurité. Une nouvelle forme de délinquance vient même d'apparaître : pour leurs rackets ou trafics, certains se servent de chiens dressés pour l'attaque, pitbulls ou rottweilers.

Les maires ne pouvaient réagir jusqu'à ce qu'à l'unanimité, nous votions la loi du 6 janvier 1999 qui a accru leurs pouvoirs. Malheureusement, six mois après, cette loi ne peut toujours pas s'appliquer, faute des décrets nécessaires. Un arrêté a bien été pris le 27 avril mais le ministre de l'agriculture annonce ces décrets pour les prochains jours... ou les prochaines semaines. Comment les Français ne perdraient-ils pas confiance dans leurs élus lorsque les lois que nous votons ne s'appliquent pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Pourquoi ces décrets n'ont-ils pas été publiés ? Quelles mesures pouvez-vous prendre pour que ce problème ne se repose plus ? (Mêmes mouvements)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Ce problème est général et je suis prêt à vous citer d'autres lois qui ont attendu deux ou trois ans leurs décrets d'application. Commencez donc par balayer devant votre porte ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

La loi dont vous parlez n'a été voté qu'il y a quelques mois. Un arrêté a été publié et les décrets sont actuellement soumis à une consultation interministérielle. Ils seront donc prochainement signés et la situation supportera alors largement la comparaison avec celle qui prévalait lorsque vous étiez au pouvoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

TRAFIC DES POIDS LOURDS DANS LE MASSIF ALPIN

M. Patrick Ollier - Monsieur le ministre de l'agriculture, on ne peut s'exonérer de ses responsabilités en renvoyant toujours au passé !

Le trafic des poids lourds dans le massif alpin entraîne une situation insupportable, Monsieur le ministre des transports, et M. Bouvard attend toujours la réponse à la question qu'il vous a posée il y a trois semaines.

Depuis la fermeture du tunnel du Mont-Blanc, le col du Montgenèvre, qui est à 1 800 m d'altitude, voit passer jusqu'à 1 800 poids lourds par jour ; à 2 000 m, le col du Lautaret est emprunté par plus de 500. Dans les deux cas, c'est plus de deux fois et demie le trafic normal. Ces hautes routes ne peuvent le supporter et, à la veille des vacances, nous ne pouvons accepter un tel risque pour la sécurité.

Etes-vous prêt à lancer les études pour le percement d'un tunnel sous le Montgenèvre, afin de développer le ferroutage de Gap à Turin ? Acceptez-vous d'interdire le passage des matières dangereuses par les cols de plus de 1 500 m d'altitude, ainsi que la circulation des poids lourds de plus de 26 tonnes par ces routes d'altitude ? Quand des poids lourds de plus de 40 tonnes grimpent par des lacets jusqu'à 2 000 m d'altitude, une catastrophe peut se produire. Enfin, pour lisser le trafic, je vous demande de réduire le péage du tunnel de Fréjus aux heures creuses.

A toutes ces questions, je souhaite des réponses précises compte tenu de l'urgence (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Le trafic des poids lourds dans les Alpes, comme d'ailleurs dans les Pyrénées, pose en effet de graves problèmes de sécurité et de protection de l'environnement. Le Gouvernement a donc pris des décisions et s'apprête à en prendre d'autres. Mes services ont mené des études sur le trafic et nous avons ainsi constaté que près de 400 poids lourds empruntent chaque jour le col du Lautaret et 800 celui du Montgenèvre, dont 80 % circulent entre la France et l'Italie. S'agissant du premier, j'envisage d'y interdire le passage de matières dangereuses -après concertation avec les professionnels, prévue pour le 7 juillet- et la situation devrait s'en trouver améliorée au Montgenèvre.

Ce n'est que récemment que les élus et la région ont proposé le percement d'un tunnel sous le Montgenèvre. Je suis favorable à ce que l'Etat finance les études nécessaires, après discussion avec nos partenaires italiens.

Faut-il interdire la circulation des poids lourds de plus de 26 tonnes ? Je m'interroge. La mesure risque d'entraîner une circulation accrue de véhicules plus légers.

En ce qui concerne l'interdiction de la circulation le week-end, la France s'oppose à la directive européenne qui vise à uniformiser sans tenir compte des particularités nationales. Sept pays sur quinze ont édicté des restrictions et l'on prétend que cela entraîne une hausse des coûts mais l'on ne peut revenir sur une mesure en prenant le risque de gêner gravement les riverains et de rendre encore plus difficiles les conditions de travail des chauffeurs routiers.

Le chantier est donc lancé. Le problème n'est pas nouveau -les Alpes existent depuis longtemps (Sourires) et notre tâche est difficile car nous ne pouvons nous contenter de détourner le trafic par des interdictions partielles. Mais croyez bien que le Gouvernement entend mener une politique favorable au transport ferroviaire : les zones sensibles ne pourront qu'y gagner -ce qui rend d'autant plus incompréhensible l'opposition de la majorité sénatoriale à la disposition de la loi sur l'aménagement du territoire assurant une priorité à ce mode de transport ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

LUTTE CONTRE LA VIOLENCE

M. Bernard Schreiner - Lundi, devant les nouveaux lieutenants de police, le ministre de l'intérieur a reconnu la gravité du phénomène de bandes.

Le 21 juin, plusieurs dizaines de spectateurs ont été dévalisés, place de la République ! Ils assistaient à un concert !

Vendredi dernier à Nancy, un boulanger de 70 ans, victime d'un vol, est décédé. Sa caisse contenait 50 F !

Les très graves incidents de Vauvert, de l'avis de vos amis élus socialistes, ont pour origine la remise en liberté de certains meneurs. Et ces mêmes meneurs ont été remis en liberté la semaine suivante.

Hier, enfin Michel Terrot, revenait sur le triste attentat dont ont été victimes des pompiers de Strasbourg.

L'article 2 de la Déclaration de 1789 affirme le droit à la sûreté pour chacun d'entre nous.

Ce droit ne se limite pas à une question de moyens, de police de proximité. L'assurer est d'abord une question de volonté politique. Il s'agit d'avoir un seul et même discours au sein du Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, entendez-vous mener une politique de fermeté vis à vis de la délinquance des mineurs et des phénomènes de bandes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Vous évoquez divers incidents. Les bandes existaient avant juin 1997, me semble-t-il (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nous avons pris des dispositions pour lutter contre la violence urbaine par la circulaire du 11 mars 1998. Elle s'applique. Comme vous l'indiquez, le problème ne se limite pas aux moyens de la police.

M. Jacques Myard - Et de la justice !

M. le Ministre - Une politique d'accès à la citoyenneté permettra aussi à des jeunes sans repères de trouver d'autres modèles auxquels s'identifier que les petits caïds. C'est l'objet des politiques que nous mettons en oeuvre. Cela suppose une action cohérente des services de police et de justice. Je l'ai rappelé il y a quelques jours à l'occasion de la sortie de la promotion d'officier de police dont le major, originaire de Strasbourg est une jeune femme, Mlle Nadia Saïdia. Reconnaître le mérite prépare l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

HARCÈLEMENT MORAL

M. Georges Hage - La lutte menée par les travailleurs de l'usine Daewo, installée en Lorraine, convertie aux normes japonaises, a mis crûment en lumière certaines pratiques patronales.

Ramasser les mégots devant les collègues, rester des jours assis entre quatre murs à ne rien faire, être affecté à des tâches dévalorisantes, sanctionné pour une minute de retard, tout concourt à humilier, à culpabiliser le travailleur, cet improductif impénitent, s'il est insuffisamment asservi à l'entreprise.

Ces pratiques frappent en particulier les salariés au retour de congés payés, de maladie, de congé maternité ou après un accident du travail : ils ont manqué à la religion de l'entreprise.

Alors que les progrès techniques exigent du travailleur toujours plus d'initiative, de responsabilité, d'intelligence, la stratégie d'entreprise attente à sa dignité et à sa créativité.

La malédiction du chômage et l'existence "d'une armée industrielle de réserve", de longue date décrit par Marx qui attend aux portes des entreprises, et cette volonté, plus que jamais perfide, d'asservir le travailleur est consubstantielle au régime que nous souffrons encore (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Ces pratiques de "harcèlement moral", délit inconnu jusqu'ici en droit du travail, font désormais l'objet d'études.

Le groupe communiste avec un collectif de juristes, de médecins, d'inspecteurs du travail, de syndicalistes, prépare une proposition de loi visant à prévenir et sanctionner le harcèlement moral. Nous prévoyons, sur ce thème, un colloque en septembre.

Madame la ministre êtes-vous disposée à soutenir une telle proposition, dussiez-vous l'associer à un projet de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Avec votre talent et votre lyrisme habituels (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), vous avez mis le doigt sur des pratiques inacceptables à l'usine Daewoo. J'en ai été choquée et elles ont fait l'objet d'une médiation de l'inspection du travail. De telles humiliations sont inacceptables de la part d'une direction. Si le travail devient moins pénible physiquement, il le devient plus psychologiquement. Or le chef d'entreprise doit faire respecter les droits et sanctionner les comportements de supérieurs qui accroissent la charge psychologique. Selon l'enquête sur les conditions de travail faite par l'INSEE et par mon ministère en 1998, cette charge s'accroît. 60 % des salariés contre 45 % il y a sept ans craignent des sanctions et un salarié sur trois déclare manquer de temps pour faire son travail ; 30 % vivent des tensions avec leur hiérarchie et un tiers avec le public.

Les directions doivent agir.

Vous m'apprenez que le groupe communiste déposera une proposition de loi en la matière. Je l'accueille avec un a priori favorable. Le droit ne s'arrête pas aux portes de l'entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

FINANCEMENT EUROPÉEN DES GRANDS TRAVAUX

M. Michel Grégoire - Nous avons de grands chantiers à réaliser dans les années qui viennent pour les infrastructures et l'assainissement. Les collectivités font les études nécessaires pour respecter les directives souvent imposées par Bruxelles et qui, souvent aussi, engagent la responsabilité des élus.

Mais les financements sont insuffisants. Il y a quelques années Jacques Delors avait proposé des emprunts publics européens. Le contexte y est favorable et Romani Prodi a repris cette proposition à son compte.

Beaucoup de petites collectivités, même avec une aide d'Etat de 80 %, ne peuvent réaliser des investissements qui doivent l'être de toute façon. Quelle est la position du Gouvernement à l'égard d'un financement public européen ? Et pourrait-on, pour de petites collectivités, déplafonner le taux de financement public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - La question a été posée avec le lancement en 1999 de 14 grands projets de travaux d'infrastructures européens. Elle a été reprise au sommet de Cologne du 3 juin dernier où la présidence allemande a proposé un pacte européen pour l'emploi qui, sans répondre à nos espérances, est un progrès. Ainsi pour la période 2000-2006, l'enveloppe affectée aux grands travaux va passer à 4,6 milliards d'euros soit environ 30 milliards de francs. Nous veillerons aussi à mieux mobiliser les fonds structurels pour le développement local.

Par ailleurs, le Conseil européen a invité la Commission à présenter une liste plus large de grands travaux et à réfléchir à des financements mixtes publics et privés sur des projets innovants et les nouvelles technologies.

C'est un point d'appui, mais il faudra aller plus loin sous les présidences finlandaise et portugaise puis la présidence française. Dans cette perspective la question d'un grand emprunt reste posée même si elle ne fait pas tout à fait le consensus en Europe (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

TRANSPORT AÉRIEN

M. Jean-Pierre Blazy - Il y a près de deux ans, dans un contexte de libéralisation du ciel et la croissance très forte du trafic aérien, l'opposition à laquelle s'est heurtée la décision d'étendre l'aéroport de Roissy a révélé l'importance de l'exigence environnementale en ce qui concerne les plates-formes aéroportuaires. Des mesures ont été prises pour concilier sécurité du transport aérien, développement économique et respect des riverains. Cette nuit encore, l'Assemblée a adopté un projet portant création d'une Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, qui sera la première autorité administrative indépendante dans le domaine de l'environnement.

Vous avez aussi décidé, Monsieur le ministre des transports, que le trafic de Roissy n'excéderait pas 55 millions de passagers. Or le rapport que je viens de présenter au nom de la commission de la production montre que ce chiffre pourrait être atteint en 2006 ou 2008, au lieu de 2015.

Plusieurs députés RPR - La question !

M. Jean-Pierre Blazy - L'élaboration des schémas de services collectifs impose de prendre rapidement des décisions qui satisfassent à la fois aux exigences économiques et commerciales du transport aérien et à celles de l'environnement et de l'aménagement du territoire.

Pouvez-vous donc faire le bilan de l'action du Gouvernement en faveur du développement durable du transport aérien et nous dire quand sera prise la décision concernant un éventuel troisième aéroport en région parisienne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Cochet - Pas de troisième aéroport !

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Je ne ferai pas le bilan de notre action depuis deux ans car ce serait trop long, mais il est particulièrement positif par rapport à la situation que nous avons trouvée en 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Je dirai seulement qu'hier soir a été adopté définitivement un projet portant création de l'ACNUSA, ce qui correspond aux engagements que nous avons pris de développer le transport aérien tout en préservant l'environnement.

Ne pas dépasser 55 millions de passagers à Roissy est aussi un engagement qui sera tenu, de même que celui de ne pas dépasser 250 000 créneaux à Orly.

Pour ce qui est du troisième aéroport ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), éventuel, Mme Voynet et moi avons décidé, dans le cadre de l'examen des schémas de services de transport, de confier à un comité stratégique interministériel (Applaudissements et "bravo !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) le soin d'examiner cette question et de proposer avant la fin de l'année des solutions (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

POLITIQUE DE LA VILLE

Mme Sylvie Andrieux - Huit Français sur dix sont des citadins. De ce fait, la ville est le premier territoire frappé par le chômage, lequel a concentré les plus défavorisés dans des quartiers en difficulté, où le lien social se défait peu à peu. Progressivement, on a assisté à une relégation géographique et à un phénomène d'exclusion. A la paupérisation de la cellule familiale se sont ajoutés un sentiment d'inutilité et une absence de perspectives professionnelles, dont les plus jeunes sont les premières victimes. Ils se heurtent en particulier à une discrimination à l'embauche.

Il faut que la croissance soit partagée par tous, sans zone d'exclusion. Depuis deux ans, les actions engagées ont certes consolidé les réseaux en place et renforcé le tissu économique des quartiers sensibles, mais il faut pérenniser ces initiatives. Quelles mesures envisagez-vous donc, Monsieur le ministre, pour que la ville soit non seulement un lieu d'activité économique mais aussi de mieux-vivre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Vous posez une question essentielle pour la société. ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

A un moment où la croissance est de retour, rien ne serait plus terrible que de constater qu'elle s'arrête à la limite de certains quartiers et que de donner à penser à leurs 7 millions d'habitants qu'ils sont les sacrifiés du développement. Rien ne serait plus terrible que de constater sans agir cette fracture sociale !

C'est pourquoi, dès 1999, le Gouvernement s'est attaché à ramener l'espoir dans ces quartiers en augmentant les moyens mis à la disposition des élus, en aidant les associations et en se servant de l'outil que constituent les emplois-jeunes.

Mais il faut aller plus loin en mobilisant et l'outil fiscal et, le cas échéant, l'épargne populaire pour réinstaller l'activité dans ces quartiers.

Chantal Robin-Rodrigo et Pierre Bourguignon ont récemment remis un rapport sur les pistes à explorer pour que l'emploi redevienne une réalité dans ces territoires. Et à la rentrée se tiendra un conseil interministériel sur la ville, afin qu'emploi et activité soient une priorité des futurs contrats de ville (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

CONDAMNATION À MORT D'ABDULLAH ÖCALAN

M. François Loncle - Le déroulement du procès d'Abdullah Öcalan et le verdict final nous rappellent, hélas, la gravité de la question kurde en Turquie. Certes la dérive terroriste des activités kurdes n'est pas acceptable, mais on ne peut occulter le sort tragique réservé à la population kurde en Turquie, comme d'ailleurs en Irak. Des milliers de morts, des villages évacués ou détruits, des millions de personnes déplacées, des députés emprisonnés, des défenseurs des droits de l'homme persécutés...

Après l'intervention -au nom du droit- de la communauté internationale au Kosovo, on comprendrait mal qu'elle se taise à propos de la situation des Kurdes, dont les droits sont bafoués (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). C'est pourquoi, approuvant la position du Président de la République, du Gouvernement et de l'Union européenne qui ont demandé à la Turquie de commuer la peine d'Abdullah Öcalan, nous aimerions savoir si la France compte prendre des initiatives pour, comme l'a suggéré le président de notre commission des affaires étrangères, mettre fin au cycle de la violence et offrir aux Kurdes de Turquie un avenir démocratique respectant leur identité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - La Cour de sûreté de l'Etat turc a rendu hier, 29 juin, son verdict : le chef du PKK, Abdullah Öcalan, a été condamné à mort. Verdict qui ne nous a, hélas, pas surpris.

Nous luttons avec fermeté contre le terrorisme mais nous ne pouvons que déplorer les conditions dans lesquelles s'est déroulé ce procès et sa conclusion. Cela étant, il reste des voies de recours. La Cour de cassation doit encore se prononcer, ainsi que la commission de la justice de l'Assemblée nationale turque puis l'Assemblée elle-même. Par ailleurs le Président de la République turque a la possibilité de commuer la peine capitale en détention à perpétuité. Enfin, les avocats d'Öcalan ont déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme.

La peine capitale n'ayant pas été appliquée en Turquie depuis 1984, nous pouvons espérer qu'elle ne le sera pas non plus cette fois. Le Président de la République est intervenu hier en ce sens en souhaitant que cette condamnation soit "commuée en une autre peine qu'il appartient à la justice de déterminer".

L'opposition à la peine de mort est pour tous les Européens une question de principe. L'Union européenne l'avait dit le 22 février, dès le début de l'affaire Öcalan. Elle l'a rappelé encore hier en parlant à ce propos de "valeurs communes". En renonçant à exécuter la sentence, la Turquie pourrait donc confirmer sa volonté de se rapprocher de nos pratiques en matière de droits de l'homme, ainsi que sa volonté de se rapprocher de l'Union européenne.

Un mot enfin de la question kurde. Il est clair que la condamnation d'Öcalan ne résout rien et qu'une approche purement répressive ne permettra pas de définir une solution durable. Il faut plus que jamais privilégier une solution politique, fondée sur le renforcement des droits culturels, sur les aspirations démocratiques de ces populations et sur la relance du développement dans le sud-est du pays. L'Union européenne est prête à aider la Turquie à résoudre ce problème et la France appuiera les efforts de la présidence finlandaise en ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

POLITIQUE PÉNITENTIAIRE

M. Guy Teissier - Le 4 mars 1998, ici même, j'interrogeais Mme le Garde des Sceaux sur la politique pénitentiaire du Gouvernement et j'attirais son attention sur le manque chronique d'effectifs du centre de détention des Baumettes. Malgré les propos rassurants tenus alors et la mobilisation des syndicats, la situation n'a pas évolué dans le bon sens, au contraire, puisque sur 35 départs cette année, seulement 17 seront remplacés.

Dans ces conditions, il fallait s'attendre à ce qu'un drame survienne. Samedi dernier, cinq détenus ont tenté de recouvrer leur liberté, sans doute au nom du fameux droit à l'évasion que certains de vos amis réclament de ci, de là (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il est inacceptable qu'il n'y ait qu'un seul gardien pour surveiller 300 détenus et que certains détenus connus pour leur caractère dangereux ou asocial bénéficient des mêmes avantages que leurs codétenus.

Tout cela doit nous amener à réexaminer les conditions de sécurité des centres pénitentiaires, à renforcer le nombre des gardiens, à appliquer la loi avec rigueur, et surtout à rééquilibrer notre politique en faveur des gardiens au lieu d'agir uniquement en faveur des détenus. Quel est donc votre plan d'action ? Et, en particulier, qu'envisagez-vous pour les Baumettes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Mme la Garde des Sceaux est retenue au Sénat.

Un député RPR - Ne pouvait-elle s'évader ?

M. le Ministre de l'intérieur - Je vous incite à modérer votre expression. Certes il y a eu une évasion aux Baumettes, concernant cinq détenus, et effectuée par hélicoptère -ce n'est pas la première. Des dispositifs anti-évasion par filets avaient pourtant été mis en place, pour un coût de 76 millions. Sur ces cinq détenus deux ont été blessés par les gardiens ; un est mort. Le quatrième a été blessé et capturé par un policier, auquel je rends hommage, car il a fait feu, le blessant au genou, alors que son adversaire le tenait sous la menace d'une arme. Le cinquième a réussi à fuir.

Le ministère de la justice et l'administration pénitentiaire n'en sont pas moins une réelle priorité pour le Gouvernement, si l'on veut bien parler objectivement, et éviter des procès d'intention qui seraient scandaleux s'ils n'étaient d'abord ridicules (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Le taux d'évasion en France est le plus faible d'Europe, avec 6,2 évasions pour 10 000 personnes, contre 18 en Allemagne ou 25 en Angleterre. Les dispositifs en vigueur sont donc plus efficaces que vous ne semblez le penser. Soit dit sans préjudice des revendications légitimes des personnels, dont il sera discuté notamment dans la préparation du budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).


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ALLOCUTION DE M. LE PRÉSIDENT

M. le Président - Par tradition, la clôture de notre session appelle un bilan pour en tirer les leçons, qu'elles soient positives, comme je crois que c'est le cas, ou mauvaises, et il faut alors y remédier. Comme l'année dernière, notre rythme a été très soutenu : plus de mille heures réparties sur près de cent vingt jours de séance plénière. Après les premiers mois un peu difficiles de l'automne, nous avons travaillé, me semble-t-il, dans de meilleures conditions et vous y êtes pour beaucoup, Monsieur le ministre des Relations avec le Parlement. Dans l'ensemble, l'Assemblée s'en est tenue à la règle des trois jours de séance par semaine, ce qui est nouveau, même si des progrès restent à accomplir pour éviter que soient parfois confondus la fonction de député et le métier de veilleur de nuit (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs).

La permanence de ce rythme de trois jours tient à deux conditions. La première est l'engagement du Gouvernement de ne pas se servir de ses grandes armes de dissuasion, et sa bonne volonté concernant l'organisation de notre calendrier. Vous devez, Monsieur le ministre, en être remercié. Beaucoup dépend également de la réussite de réformes discrètes mais efficaces, par exemple la procédure d'examen simplifiée, peu commentée, mais appliquée à cinquante-et-une reprises au cours des douze derniers mois. L'amélioration des conditions de nos débats devrait être confortée par l'aménagement raisonnable, récemment décidé, des motions de procédure et par le déplacement au mardi de la "fenêtre" d'initiative parlementaire.

Pour la session qui s'ouvrira en octobre, deux novations interviendront dans notre pratique interne. Tout d'abord, à notre demande, le Gouvernement a prévu, avec sagesse, qu'outre le Budget et le financement de la Sécurité sociale, un seul texte majeur serait inscrit à la session d'automne. Quant à la discussion budgétaire, elle devrait voir reculer un peu son formalisme. A la suite de la réflexion menée avec tous vos groupes, et sur proposition du rapporteur général Didier Migaud, cinq budgets bénéficieront d'une expérimentation qui donnera un rôle plus important aux commissions, une possibilité d'intervention plus grande aux députés, une figure plus moderne à nos débats, tout cela dans la perspective d'une refonte, que je crois indispensable, de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Au cours de la session qui s'achève, attentivement suivie par la presse que je remercie de son travail, soixante-dix huit textes, dont beaucoup de conventions, ont été adoptés. En dehors de nos textes financiers, plus ou moins obligés, et de notre tradition, récente mais excellente, de traduire dans le droit positif une proposition du Parlement des enfants, cette session nous a permis de faire accomplir des progrès à l'esprit de solidarité. Un signe en est le vote définitif, aujourd'hui, du texte créant la couverture maladie universelle ou, en matière de dignité de vie, conjointement avec le Sénat, de la proposition de loi sur les soins palliatifs. Notre travail des derniers mois a surtout concerné l'organisation des territoires, avec pas moins de cinq textes -ce qui supposera beaucoup de cohérence dans l'application-, mais aussi la justice et l'adaptation de notre droit à la réalité de la société. Tout cela dans un contexte de croissance économique supérieure à la plupart de nos voisins, dont il faut se féliciter, mais qui implique une répartition d'autant plus équitable de ses fruits.

Dans nos débats, la liberté de parole des députés a été, je le crois, respectée ainsi que la place de l'opposition. Traditionnellement, on cite le nombre des amendements. Cette année vous avez battu un record : près de 13 800 amendements ont été déposés, dont 30 % environ -taux en augmentation- ont été adoptés. Les propositions de loi n'ont pas non plus fait défaut grâce au doublement de l'initiative parlementaire. Cette session a été aussi marquée par les réformes constitutionnelles engagées. Trois ont abouti, dont deux très importantes -égalité entre hommes et femmes et cour pénale internationale- dans un Congrès au mode de scrutin rénové. La société change ; l'Europe se construit ; le monde bouge ; notre charte fondamentale aussi.

La modernisation du Parlement, parallèle à son ouverture, est une nécessité. C'est un service public de la démocratie. Je suis convaincu que l'avenir et la légitimité du Parlement passent par le développement de sa fonction de contrôle du Gouvernement. L'enjeu dépasse le simple rapport entre exécutif et législatif. Le taux d'abstention aux élections européennes est pour les responsables publics que nous sommes un signal d'alarme. Si nos compatriotes jugent souvent leurs institutions lointaines et parfois inutiles, cela vient en partie du fait que nous passons beaucoup de notre temps à voter des lois, trop nombreuses, mal connues et mal appliquées, et seulement une faible part à en contrôler les résultats. Or, le citoyen s'intéresse à la loi concrète, qu'il veut -et il a raison- utile, simple, efficace (Applaudissements sur tous les bancs). Evitons la boulimie des textes. Notre assemblée doit contrôler, évaluer, adapter au moins autant que légiférer.

Dans cet esprit, l'exigence de transparence de l'action publique nous a conduits à créer cinq commissions d'enquête, certaines à la demande de l'opposition faisant ainsi usage de son "droit de tirage".

Les missions d'information se sont multipliées et deux instruments nouveaux complètent désormais notre panoplie : la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre hommes et femmes, et la mission d'évaluation et de contrôle de la dépense publique, co-présidée par un responsable de la majorité et un de l'opposition. D'autres novations seront les bienvenues. Je pense en particulier à un travail systématique de simplification des textes, objectif auquel l'Assemblée devrait contribuer, et pour lequel je vous proposerai une initiative forte dès la rentrée.

Enfin, on ne peut pas ne pas évoquer la guerre du Kosovo. Une fois les frappes engagées, l'information du Parlement a été satisfaisante. La guerre, même sans engagement des forces terrestres, reste la guerre : nous avons constaté que l'article 35 de notre Constitution n'était pas totalement adapté...

M. Jacques Myard - Pas totalement respecté !

M. le Président - ...si nous voulons que le Parlement puisse, dans cette situation, dramatique, jouer tout son rôle (Applaudissements sur de nombreux bancs). Aujourd'hui, pour que cessent les atrocités, c'est un triple combat qu'il faut gagner : celui de la paix entre tous et pour tous qui devra marquer les temps qui viennent, comme l'affrontement, la mort et les charniers ont profondément marqué ces derniers mois ; celui de la reconstruction, en particulier, grâce à l'Europe ; celui de la démocratie et de la justice, qui ne passe évidemment pas par M. Milosevic.

Avant de conclure, je voudrais retenir un bref instant votre attention pour lancer un double appel au-delà de cet hémicycle. L'un, en direction des autorités turques : nous condamnons tous le terrorisme, mais, au nom même des valeurs de l'Union européenne, je crois de mon devoir d'exprimer ici le souhait que la peine de mort prononcée contre le chef kurde Öcalan soit commuée (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV, sur plusieurs bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Mon autre appel s'adresse à l'Iran, où treize personnes, treize juifs, parce qu'ils sont juifs, sont condamnés à être pendus, sous un prétexte d'espionnage, manifestement sans fondement. Je demande aux autorités iraniennes de revenir sur cette décision barbare, faute de quoi elle ne pourront prétendre à des relations normales dans la communauté internationale. Et je le demande solennellement (Applaudissements sur tous les bancs).

Une dernière remarque. On évoque souvent la crise du politique. Veillons, dans nos comportements de députés, à ne pas l'alimenter. Consacrons nos énergies à traiter les sujets qui concernent les Français, leurs inquiétudes et leurs espoirs : l'emploi, bien sûr, une société qui puisse donner à chacun ses chances, l'avenir des retraites certainement, la sécurité, les sécurités, c'est-à-dire notre attitude devant les manipulations du vivant, les aliments trafiqués, les plantes modifiées et l'ensemble de ces questions graves pour lesquelles s'imposent les devoirs de précaution et de prudence.

Dans quatre mois, des centaines de filles et de garçons vont siéger ici un court moment à notre place, puisque, pour marquer le passage à l'an 2000, nous avons décidé d'accueillir un Parlement mondial des enfants qui adoptera un manifeste pour le XXIème siècle. Nous ne perdrons pas notre temps en prêtant l'oreille à ce que ces jeunes, venus de plus de 180 pays, auront à nous dire. Etre à l'écoute est une de nos missions premières. C'est ainsi seulement que le Parlement pourra être le coeur de la démocratie, un creuset où se construit l'avenir. Merci du travail que vous accomplissez en ce sens, avec l'appui remarquable de l'ensemble des personnels qui nous aident. Je vous souhaite, je nous souhaite, de bonnes vacances. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - Je serai bref car vous avez encore des travaux à accomplir et demain je tirerai devant le Conseil des ministres un bilan plus exhaustif de cette session parlementaire, du point de vue gouvernemental.

Cette session a été très positive car elle a été placée sous le signe de l'équilibre. Avant de poursuivre, je voudrais cependant rappeler qu'elle a été marquée, ici même, par un drame, la disparition de votre collègue, mon ami Michel Crépeau.

La session a donc été placée sous le signe de l'équilibre. Equilibre entre la réalisation déterminée des engagements pris dans la déclaration de politique générale du 19 juin 1997 et le rythme de travail de l'Assemblée. Equilibre entre les projets de loi et propositions de loi. Equilibre dans le fonctionnement de la majorité : le Gouvernement a toujours tenté de faire de la diversité une richesse, de ne jamais confondre unité et uniformité, de toujours s'appuyer sur sa majorité sans jamais recourir à l'article 49-3 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Le conflit du Kosovo a été un moment fort de cette session : au travers de trois débats, des séances spéciales de questions d'actualité, des réunions de présidents de groupes et de commission à Matignon, des séances des commissions ouvertes au public et à la presse, le Gouvernement a recherché la meilleure information du Parlement. Mais des progrès sont encore possible et le Gouvernement examinera avec attention les propositions de votre commission de la défense concernant l'information sur les opérations extérieures.

L'Assemblée nationale devrait se réunir à l'automne aux dates normales de session. Elle examinera un seul texte nouveau important, la deuxième loi sur les 35 heures, avant les incontournables que sont la loi de finances initiale, la loi de financement de la Sécurité sociale et la loi de finances rectificative. Il y aura néanmoins un texte dont il faudra sereinement terminer l'examen, la loi sur le PACS (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

La Haute assemblée l'examine actuellement, avec certes peu d'allant, et vous aurez à l'adopter en lecture définitive au mois d'octobre, comme prévu.

Le Gouvernement veillera, pour la programmation ressortant de sa compétence, à limiter l'activité législative aux jours normaux de séance.

Je voudrais vous remercier, Monsieur le Président, pour toutes les initiatives que vous prenez afin de rendre les débats de cette Assemblée plus vivants. Je remercie également tous les députés et aussi tous les fonctionnaires de cette maison, qui font un travail formidable (Applaudissements sur tous les bancs), sans oublier la presse qui suit régulièrement nos travaux.

A tous je souhaite d'heureuses et réparatrices vacances ! (Applaudissements)

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 35 sous la présidence de M. Forni.

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président


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COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE -lecture définitive- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en dernière lecture, du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle.

Mme Odette Grzegrzulka - Que de chemin parcouru depuis le vote de la loi contre les exclusions il y a un an, que vient parachever l'institution d'une couverture maladie universelle ! Que d'avancées sociales ! C'est pourquoi, Madame la ministre, au nom de tous mes collègues socialistes, je vous dis très sincèrement et très chaleureusement : Bravo ! Vous avez tenu l'engagement que vous aviez pris, qu'il s'agisse des délais, du dispositif lui-même ou des moyens. Nous sommes fiers de soutenir un Gouvernement qui fait ce qu'il dit après avoir dit ce qu'il ferait.

A l'opposition qui souhaitait réduire la fracture sociale, ambition que la dissolution a fait se dissoudre (Sourires), je conseille aujourd'hui, en collègue bienveillante, de se ressaisir. Mes chers collègues, pensez à nos concitoyens et à vos électeurs démunis plutôt qu'à la politique politicienne ! Si vous êtes convaincus de la nécessité de répondre à l'urgence sociale, soutenez ce texte ! Comment ne pas se féliciter de clôturer la session parlementaire par le vote de cette loi historique, portée par une ministre courageuse, dynamique, animée d'une volonté farouche de lutter contre les exclusions et de développer les solidarités ?

La CMU permettra à six millions de personnes qui, jusqu'à présent ne le pouvaient pas, faute de moyens, d'accéder aux soins : il s'agit d'une avancée sociale considérable. Je ne reviens pas sur le dispositif. Nous sommes parvenus à un texte équilibré, que la concertation a permis d'enrichir. Plusieurs amendements essentiels de la majorité plurielle ont été adoptés, relatifs notamment à la domiciliation dans les CCAS et aux contingents communaux d'action sociale. De même, les recommandations des associations caritatives ont été prises en compte, il faut s'en féliciter.

A quelques minutes de ce vote solennel, j'insisterai seulement, comme vient de le faire le Président de l'Assemblée lui-même, sur la nécessité de publier rapidement les décrets d'application de la loi et de veiller à ce qu'ils ne trahissent pas la volonté du législateur. Je sais, Madame la ministre, que vous serez vigilante sur ce point. Une fois franchie cette étape décisive, le travail ne s'arrêtera pas pour autant.

En conclusion, je souhaite dire la fierté, l'enthousiasme mais aussi l'émotion de l'ensemble des députés socialistes en pensant aux futurs six millions de bénéficiaires de cette loi emblématique et généreuse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Accoyer - Notre collègue socialiste...

Mme Odette Grzegrzulka - Et fière de l'être !

M. Bernard Accoyer - ...vient d'évoquer la dimension historique de ce texte. Elle n'a peut-être pas perçu que les temps où pouvaient exister des clivages francs entre tenants de la solidarité et tenants des privilèges sont bel et bien révolus, ce dont il faut se féliciter.

Sur l'objectif, permettre à tous nos concitoyens, y compris les plus démunis, de se soigner, nous sommes tous d'accord. Mais il n'en va pas nécessairement de même quant aux moyens à mettre en oeuvre pour l'atteindre.

La protection sociale est aujourd'hui en France, comme dans tous les pays développés, à la croisée des chemins. Alors que l'espoir d'un taux de croissance à deux chiffres s'est envolé et que l'expansion démographique a pour le moins perdu de sa vigueur, des choix s'imposent qui exigent du courage et aussi de la concertation. L'ère du capital contre le travail est révolue : il nous faut aujourd'hui dessiner ensemble la protection sociale du troisième millénaire.

Vos choix ne sont pas les bons. En créant de nouveaux seuils, source de nouvelles inégalités, au risque de remettre en question l'universalité de la branche maladie, vous portez un coup fatal au système institué il y a 53 ans.

Non, aujourd'hui ne restera pas comme un grand jour, Madame Grzegrzulka, mais bien au contraire, comme celui où l'on aura institué en France une assurance maladie à deux vitesses. Il faudra reprendre la réflexion sur les moyens d'effacer le clivage institué aujourd'hui entre nos concitoyens les plus démunis et les autres.

Nous avons refusé la possibilité d'une confusion entre le projet de loi relatif à la CMU et celui relatif au Pacs, le Gouvernement nous a donné des assurances, nous ne prolongeras pas le débat.

Nous redirons seulement avec force que vous faites une erreur historique. Vous voulez faire croire à nos concitoyens, que tout serait réglé alors que les dépenses de santé explosent, que les demandes de soins de confort s'accroissent, que les sources de financement se tarissent. Il faudra bien un jour avoir le courage de réfléchir à la part que chacun d'entre nous devra consentir pour se protéger lui-même et sa famille. Comment laisser croire que tout est réglé alors que demeure entier le problème des retraites, lesquelles vont mobiliser toutes les capacités de financement de notre société ? En refusant que s'applique la loi sur les fonds de pension, vous avez empêché les Français de bénéficier, comme les Américains, les Scandinaves ou les Hollandais, de l'essor sans précédent de la Bourse.

De même que nous nous opposons à de nouvelles injustices, à la menace que vous faites planer sur notre Sécurité sociale et, surtout, à une protection sociale à deux vitesses, nous refusions la deuxième partie de ce projet, ce DMOSS qui n'apporte rien de bon à notre système de soins. Certes, ce texte va sans doute être adopté, nous n'en aurons pas moins à poursuivre la réflexion : votre loi ne réglant rien durablement, il nous restera à réinventer l'assurance maladie et à garantir effectivement l'accès de tous aux soins (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. François Goulard - Rassurez-vous, Monsieur le Président : vous n'aurez à m'interrompre à nouveau car je n'entends pas vous infliger la répétition de mes propos de ce matin !

Nous avons dit, en même temps que notre approbation à l'instauration d'une couverture maladie universelle, notre inquiétude et notre refus des choix faits par le Gouvernement. Rendez-vous est ainsi pris. Nous espérons que nous verrons rapidement plus clair dans vos intentions, Madame le ministre, quant aux suites qu'aura l'adoption de ce projet.

A cet égard, la liste des prestations remboursées et le niveau de remboursement seront des éléments d'appréciation déterminants. Nous suivrons de près l'évolution dans ce domaine et je crains fort que, faute de garantir l'équilibre financier de l'assurance maladie, le Gouvernement ne soit contraint à rogner sur ce chapitre. La grande réforme que j'appelais de mes voeux continue en effet d'être une nécessité si l'on veut assurer à tous les Français une couverture sociale de qualité.

L'inquiétude des professionnels de la santé laisse au reste mal augurer de l'avenir de l'assurance maladie. Ils ignorent toujours quelles orientations seront arrêtées cet automne et il serait donc urgent de les rassurer.

Parmi les articles qui ne relèvent pas à proprement parler de la CMU, il en est un que je n'ai pas évoqué ce matin et dont il faut pourtant dire un mot : l'article 14 du projet initial, qui accorde à l'administration ou aux organismes de Sécurité sociale des pouvoirs de recouvrement exorbitants du droit commun. Cette disposition apparaît malsaine et mieux vaudrait s'en tenir aux procédures habituelles, beaucoup plus respectueuses des droits de chacun.

Nous avons eu le souci de protéger les aides instrumentistes contre l'application bornée d'un décret qui leur aurait sinon interdit de continuer à exercer leur métier auprès des chirurgiens, au motif qu'elles n'avaient pas le diplôme d'infirmière. Le cas n'est, semble-t-il, pas unique : depuis notre précédent débat, on m'a signalé celui des gypsopracteurs, qui posent les plâtres à l'hôpital et qui se trouveraient dans une situation identique. Pour eux aussi, nous devrions intervenir : on ne peut tout régenter en fonction des textes et des diplômes. La sécurité, la qualité des prestations dépendent avant tout de l'expérience professionnelle et l'administration serait bien avisée de le comprendre une fois pour toutes.

Enfin, s'agissant aussi bien des tarifs pratiqués par les hôpitaux privés et publics que de la communication des données visées à l'article 37, la transparence devrait prévaloir. Les patients devraient être en mesure de juger objectivement de l'efficacité des établissements, cependant que la pratique des appels d'offres devrait être développée afin de favoriser ceux qui sont les plus performants, du point de vue médical comme du point de vue économique.

Je le répète : la conclusion, ce soir, ne sera que provisoire. Nous redoutons fort d'avoir raison mais rendez-vous dans quelques mois : nous serons alors fixés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme Muguette Jacquaint - Un an après que nous avons tenté, par le projet de loi tendant à lutter contre les exclusions, de résorber les inégalités devant l'emploi, le logement et les vacances, de favoriser l'exercice de la citoyenneté et d'améliorer les procédures de surendettement, nous voici donc en passe de garantir aux plus démunis des soins corrects. Cette loi est aussi une reconnaissance de l'action menée par les associations, qui, toutes, insistaient sur l'urgence de remédier à la dégradation de l'état sanitaire qu'elles constataient dans une partie de la population. De fait, le chômage, la précarité, les remboursements insuffisants compromettaient pour beaucoup l'exercice d'un droit fondamental : celui de se soigner.

Le niveau de revenu détermine largement l'accès aux soins : 40 % des chômeurs, et un Français sur quatre, déclarent renoncer à ceux-ci en raison de leur coût.

Le 1er janvier 2000, tout résident stable et régulier qui n'aurait aucun droit ouvert auprès d'un régime de sécurité sociale, bénéficiera des prestations du régime général.

D'autre part, à l'inverse de ce que proposait le précédent gouvernement, les quelque six millions de bénéficiaires de la CMU auront accès à une protection complémentaire lorsque leurs ressources ne dépasseront pas 3 500 F. Cette prestation sera versée soit par l'Etat, par l'intermédiaire des caisses primaires, soit par un organisme complémentaire. Les intéressés seront dispensés d'avance de frais, du forfait hospitalier et du ticket modérateur, l'objectif étant de les rapprocher autant que possible du droit commun, non de les assister.

Notre groupe a travaillé à améliorer le texte initial, notamment en cherchant à protéger les bénéficiaires de la CMU des dérives commerciales en matière d'assurances, dérives qu'aurait favorisées la définition d'un panier de soins, facteur en outre de stigmatisation aggravée. Le formulaire type de demande que nous avons fait adopter évitera aux intéressés bien des déconvenues.

Les difficultés dans l'accès aux soins sont aussi le lot des salariés peu qualifiés. Notre proposition de favoriser la prévoyance grâce à une négociation au sein de l'entreprise lèvera en partie l'obstacle mais nous regrettons que, sur un autre point, on n'aille pas plus loin : les étrangers en situation irrégulière ne bénéficieront pas de la CMU, dont le caractère universel est ainsi limité par une discrimination injuste.

En second lieu, nous souhaitions porter le seuil à 3 800 F, soit le seuil de pauvreté. Se pose la question du coût, j'y reviendrai.

Concernant le financement de la CMU, nous nous félicitons de la suppression des contingents communaux. Mais les inégalités entre les départements demeurent. Il faudra réfléchir à une solution, peut-être une réforme de la DGF.

Ce projet constitue une avancée sociale. Mais la réforme du financement de la Sécurité sociale reste nécessaire. Le Gouvernement accepte d'en débattre. Mais il ne faudra pas se contenter de maintenir ce financement à un niveau constant. Cela ne permettrait pas d'améliorer le remboursement. Nous demandons donc de nouveau une modulation des cotisations patronales avec prise en compte de la masse salariale dans la valeur ajoutée.

Il y a urgence. On ne peut refuser les soins à ceux qui en ont été privés si longtemps. Nous voterons le texte sans hésitation et nous serons attentifs à son application (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Yves Bur - Comme l'UDF l'a déjà souligné, la nécessité d'une CMU traduit l'échec de notre système de santé malgré de multiples plans de sauvetage.

Mais le dispositif proposé ne correspond pas à nos convictions politiques. Pour nous la solidarité doit aller de pair avec la responsabilité individuelle. C'est ce que permettait l'allocation personnelle de santé, qui avait touché la plus grande partie des neuf millions de Français sans couverture complémentaire. Vous avez préféré la CMU qui donne la gratuité totale des soins à six millions d'entre eux sans contrepartie.

Pour les 150 000 personnes exclues de tout dispositif suivi de soins la CMU réaffirme un droit existant qui pouvait être mis en oeuvre dans les départements. Le débat ne nous a guère éclairés sur la manière de mobiliser les acteurs de l'action sociale de proximité.

Vous choisissez donc la logique de l'assistanat. Nous ne partageons pas cette philosophie, bien que nous soyons aussi attentifs que vous à la solidarité.

Plutôt que d'accepter le débat, le Gouvernement est resté arc-bouté sur un ensemble de mesures qui ne suscitent l'enthousiasme ni dans la majorité ni chez des partenaires obligés -mutuelles et assurances- qui auraient préféré un dispositif partenarial.

Nous ne pouvons donc adhérer à ce projet qui va à l'encontre de nos convictions. Celles-ci se traduisent dans la politique offensive d'accès aux soins menée par les départements, spécialement le tiers d'entre eux, les plus actifs pour l'aide médicale.

Nous voulions couvrir l'ensemble des personnes en difficulté. Un dialogue constructif n'a pu avoir lieu. Le groupe UDF ne votera pas ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Marcel Rogemont - Voyons d'abord le chemin parcouru. Le 9 juillet 1998 nous votions la loi contre les exclusions. La droite n'avait pas de mot assez dur pour souligner que l'exclusion passait aussi par la santé, et que rien n'était fait dans ce domaine ni ne serait fait.

M. Bernard Accoyer - Intervention constructive !

M. Charles Cova - Provocation !

M. Marcel Rogemont - Sans doute avaient-ils en tête l'exemple de Joseph Caillaux qui, ayant fait voter l'impôt sur le revenu, promettait la réforme des impôts locaux pour l'année suivante. Comme on sait, elle est toujours à venir... Mais vous, Madame la ministre, vous aviez pris un engagement et vous l'avez tenu. Vous avez pu le faire aussi grâce à une majorité pugnace, travailleuse et stable même si elle est plurielle. C'est l'alliance entre votre engagement et le nôtre qui a permis de tenir cet objectif commun.

M. Bernard Accoyer - Objectif : le millésime 99 !

M. Marcel Rogemont - Mieux vaut avoir notre objectif commun que ne pas en avoir du tout. Si certains ont essayé d'améliorer le texte, d'autres, frappés de psittacisme n'ont cessé de répéter qu'ils étaient d'accord avec l'objectif puis n'ont cessé de faire de l'obstruction. Que n'ont-ils mis la CMU en place quand ils étaient au Gouvernement !

Avec ce texte nous accordons une réponse sur la reconnaissance des diplômes d'infirmiers psychiatriques, les aides opératoires, le statut des étudiants en chirurgie dentaire qui interviennent à l'hôpital, mais aussi sur les médecins à diplôme extra-européen...

M. Bernard Accoyer - Quel rapport avec la CMU ?

M. Marcel Rogemont - Enfin nous avons traité de la protection sociale des clergés. Reste que nombre de questions nécessitent un DMOS.

Nous sommes donc à vos côtés pour voter ce texte, le voter avant ce soir 30 juin 1999, moins d'un an après le 7 juillet 1998. L'engagement envers six millions de nos concitoyens est tenu. Merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

La discussion générale est close.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une motion de renvoi en commission en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

La parole est à M. Yves Bur, à qui je me permets d'indiquer qu'on peut douter du sens d'une telle motion en troisième lecture.

M. Yves Bur - J'ai bien compris votre conseil... Je présente néanmoins cette motion car le dispositif n'a pas évolué d'un iota depuis sa présentation par le Gouvernement et le débat n'a pas permis de l'améliorer. Mais nous ne faisons pas d'obstruction systématique.

Le projet est contestable car il est centralisateur et administratif ; il s'attaque aux fondements de la Sécurité sociale ; il instaure l'assistanat sans responsabilisation ; il accroît les inégalités par l'effet de seuil.

Voulez-vous laisser une trace dans l'histoire, Madame la ministre ? Je crains que votre projet ne soit pas assez abouti pour vous le permettre.

Pour assurer une couverture universelle, il faut garantir à tous une assurance maladie obligatoire et améliorer la prise en charge des moins favorisés. Sur ces deux points votre réponse est incomplète.

Proposer une CMU à six millions de personnes, c'est les mettre à l'écart du régime commun dans un régime de protection sociale bis. Ce système restreint est peu équitable. Il aurait été préférable de viser un public plus large, à savoir les 15 % de Français qui ne bénéficient pas d'une assurance complémentaire -environ 9 millions de personnes.

Vous substituez à l'aide médicale gratuite des départements une assurance complémentaire automatique servie tantôt par la Sécurité sociale, tantôt par les assureurs complémentaires, dispositif complexe qui donnera un surcroît de travail aux caisses primaires d'assurance maladie. Et à l'instar de mes collègues sénateurs, je crains qu'il ne conduise, à terme, à une remise en cause du monopole de l'assurance de base. D'ailleurs les partenaires obligés de la CMU manifestent des réticences. C'est ainsi que la MGEN dénonce, dans une publication de juin 1999, un texte gouvernemental qui "laisse la Sécurité sociale en état de carence reconnue" et qui fait de l'accès aux soins des plus démunis "le prétexte à une confusion des genres sans précédent". "On ne préparerait pas mieux le partage de l'assurance maladie, poursuit l'auteur de l'article, entre l'obligatoire et le complémentaire, mis à l'encan."

L'ensemble de la mutualité aurait préféré l'AMU à la CMU. Les critiques qu'elle adresse, unanime, à ce projet sont aussi les nôtres.

Vous avez retenu, Madame la ministre, un seuil de 3 500 F alors que le seuil de pauvreté se situe à 3 800. Sont ainsi exclus de la CMU les allocataires du Fonds national de solidarité et de l'allocation adulte handicapé. Pour 40 F de plus ou de moins, on sera donc considéré comme favorisé ou non. Et ce n'est pas le fonds d'accompagnement qui permettra de remédier aux effets pervers du seuil, ni l'intervention des départements puisque ce projet leur retire par ailleurs les moyens d'agir.

Pour nous, la lutte contre l'exclusion passe par la responsabilisation des personnes, indispensable pour réussir un parcours d'insertion. Nous sommes donc partisans d'un système où droits et devoirs s'équilibrent. Tel était le cas de l'"allocation personnalisée à la santé" qui aboutissait au même résultat que la CMU -prise en charge à 100 % des gens en très grande difficulté- mais sans présenter les mêmes inconvénients.

Au total, le groupe UDF ne peut adhérer à un projet qui aurait mérité plus de dialogue, non seulement avec les parlementaires mais aussi avec l'ensemble des partenaires concernés -assurances, mutuelles, assurance maladie. Le dispositif que nous proposons aurait sans doute coûté plus cher mais il laissait dans le droit commun l'ensemble des assurés sociaux, sans stigmatiser personne.

Malgré trois débats ici, ce projet reste insuffisamment abouti. C'est pourquoi j'invite l'Assemblée à adopter la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

Je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi. Ces amendements, conformément aux articles 45, alinéa 4, de la Constitution, et 114, alinéa 3, du Règlement reprennent des amendements adoptés par le Sénat au cours de la nouvelle lecture à laquelle il a procédé.

M. Bernard Accoyer - Les amendements 6, 8 et 10, identiques, tendent à réintroduire le dispositif partenarial d'allocation personnalisée à la santé, dispositif auquel nous sommes très attachés car il gomme les effets de seuil et évite l'instauration d'une Sécurité sociale à deux vitesses.

Vous pouvez considérer, Monsieur le Président, que j'ai défendu par avance mes amendements suivants.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur - Défavorable.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Défavorable.

Les amendements 6, 8 et 10, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les amendements 5, 7 et 9, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Il en va de même des amendements 12, 14 et 16, ainsi que des amendements 11, 13 et 15.

Mme la Ministre - L'amendement 20 corrigé substitue aux mots "centre communal d'aide sociale" les mots : "centre communal ou intercommunal d'action sociale".

M. le Rapporteur - Favorable.

L'amendement 20 corrigé, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 17, 18 et 19, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Il en va de même des amendements 21, 22 et 23, des amendements 31, 32 et 33, des amendements 34, 35 et 36, des amendements 37, 38 et 39, et des amendements 69, 70 et 71.

Mme la Ministre - L'Assemblée a adopté une réforme des contingents communaux. Des modifications demandées par la commission des finances et par le Gouvernement ont été reprises par le Sénat. Le Gouvernement souhaite maintenant reprendre six des neuf amendements adoptés par le Sénat.

Ils visent premièrement le cas des contingents payés non par les communes mais par les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes. Deuxièmement, celui des départements où les communes paient l'année suivante une partie du contingent, voire la totalité de celui-ci. Enfin, ils étendent aux communes destinataires de la dotation de solidarité rurale le bénéfice de l'abattement sur la réduction de DGF quand leur contingent par habitant est particulièrement élevé. Ces trois points sont traités par les amendements 73, 74 et 76. Les amendements 72 et 75 sont rédactionnels.

Je signale que ces modifications ont recueilli l'accord de tous les groupes au Sénat.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Bernard Accoyer - Cet article et ces amendements modifient les règles applicables aux dotations attribuées aux collectivités locales. Hier le Sénat a débattu jusqu'à une heure avancée. Aujourd'hui c'est dans la précipitation que nous examinons ces amendements d'une grande complexité, dont on peut prévoir qu'ils donneront lieu à de nombreux ajustements et que nous serons sans doute amenés à en délibérer de nouveau. Pour souligner les conditions insatisfaisantes du travail parlementaire, nous ne voterons pas ces amendements.

M. le Président - Je rappelle qu'ils ont recueilli l'accord de tous les groupes du Sénat.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 72, 76, 2, 75, 3, 4, 74 et 82, 73.

M. Bernard Accoyer - Les amendements identiques 77, 78 et 79 concernent l'article 14, qui est très préoccupant pour les professionnels indépendants : agriculteurs, artisans, commerçants, professions libérales. Avec cet article, si une caisse considère -que ce soit à bon escient ou par erreur- qu'un de ses ressortissants est débiteur à son égard, elle pourra bloquer ses comptes en banque, le plongeant immédiatement dans une situation inextricable. L'introduction erratique de cet article dans le texte sur la CMU va plonger dans le dénuement certains de nos concitoyens. Nous tenons à dénoncer le caractère pernicieux de cet article, que M. Gérard Gouzes a dénoncé ici même en des termes que nous partageons.

Les amendements 77, 78 et 79, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Il en va de même des amendements 40, 41 et 42, des amendements 43, 44 et 45, de l'amendement 46, de l'amendement 47, des amendements 48, 49 et 50, de l'amendement 51, de l'amendement 52 et de l'amendement 53.

M. Bernard Accoyer - Les amendements identiques 54, 55 et 56 soulignent une des conséquences de la CMU. Celle-ci signifie la fin de la sécurité sociale telle que nous l'avons connue depuis cinquante-quatre ans. Il y aura désormais deux niveaux de sécurité sociale : une sorte de Medicaid à la française, sur lequel nous légiférons, et un autre régime, où les familles paieront. Il en résultera une ségrégation par l'argent, qui met fin à une longue histoire sociale voulue par le général de Gaulle à la Libération.

Nos amendements visent une des spécificités de la CMU : ce "panier" de prestations différentes destinées aux populations les plus démunies. Nous demandons que ce panier ne soit pas défini autoritairement par l'administration, mais de façon conventionnelle. Les amendements exposent le mécanisme de cette définition.

Les amendements 54, 55 et 56, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Il en va de même de l'amendement 57 et des amendements 58, 59 et 60, de l'amendement 61, de l'amendement 62, de l'amendement 63 et de l'amendement 64.

M. Bernard Accoyer - Les amendements identiques 85, 87 et 89 ont pour but de démontrer qu'il existait une alternative très simple à la CMU, laquelle met fin à l'assurance maladie : c'est l'aide personnalisée à la santé. Dans ce système les départements auraient financé les mutuelles pour couvrir les personnes qui en ont besoin. Celles-ci seraient restées dans le droit commun ; leur dignité était respectée, et il n'y avait pas d'effet de seuil.

Les amendements 85, 87 et 89, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 84, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Il en va de même de l'amendement 83, des amendements 65, 66 et 67, des amendements 86, 88 et 90 et des amendements 91, 92 et 93.

M. Bernard Accoyer - Un mot sur ces trois derniers amendements, qui tendaient à supprimer l'article 20 bis. Je souligne les conséquences déraisonnables de cet article, introduit en deuxième lecture par un amendement du groupe communiste, et qui prévoit l'obligation pour les entreprises d'instaurer un système de protection complémentaire collective. C'est une confusion des genres. Alors qu'on impose aux entreprises les 35 heures et de nouvelles charges fiscales, une telle mesure ne sera pas favorable à l'emploi.

Les amendements 94, 95 et 96, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les amendements 97, 98 et 99, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

Il en va de même de l'amendement 101, de l'amendement 100, des amendements 24, 25 et 26, de l'amendement 104, de l'amendement 105 et des amendements 110 et 120.

Les amendements 111, 118 et 119, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les amendements 108, 116 et 117, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - L'opposition, Monsieur le Président, a adopté une attitude de coopération exemplaire, pour séduire Mme la ministre et la convaincre d'accepter au moins un amendement ; nous espérons qu'elle sera sensible à notre courtoisie... Les amendements identiques 107, 114 et 115 concernent les compagnies d'assurances, qui dans notre pays sont surtaxées par rapport à leurs concurrentes étrangères. Le dispositif de financement de la CMU va les surtaxer une nouvelle fois, ce qui ne peut qu'inquiéter ceux qui connaissent ce secteur. Nous proposons donc qu'elles soient soumises à une double imposition, mais simplement au titre de la taxe de 7 % et du nouveau prélèvement de 1,75 %.

Les amendements 107, 114 et 115, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les amendements 106, 121 et 122, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

Il en va de même des amendements 109, 112 et 113, et des amendements 123 et 128.

Mme la Ministre - L'amendement 27 du Gouvernement apporte à l'article 30 la même précision qu'à l'article 4 sur les SDF.

L'amendement 27, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 124, 129 et 130, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

Il en va de même des amendements 125, 131 et 132, et des amendements 126, 133 et 134.

M. Bernard Accoyer - Les amendements identiques 127, 135 et 136 concernent l'article 33, qui porte sur le volet santé de la carte Sésam Vitale.

Le Gouvernement a détourné de son but l'informatisation des cabinets pour la restreindre à le télétransmission des feuilles de soins. Il veut maintenant faire croire qu'il y aura un volet santé exploitable sur la carte. Mais ce volet pourra être corrigé par l'assuré, et risquera de comporter des erreurs, qu'elles aient été commises lors de la saisie, qu'elles soient le fait du patient ou qu'on se soit trompé de carte. Ce volet n'apporte donc pas l'ombre des garanties qu'exige la sécurité sanitaire. Nous sommes donc en train de légiférer avec légèreté. Qu'on se rappelle les aléas qu'a connus le carnet de santé papier.

Il serait prudent d'arrêter les gaspillages en matière d'informatisation médicale en ajournant ces dispositions. C'est le sens de nos amendements.

Les amendements identiques 127, 135 et 136, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Il en va de même des amendements 138, 141 et 142, des amendements 139, 143 et 144, de l'amendement 140, des amendements 145 et 146, de l'amendement 147, des amendements 148, 149 et 150, repoussés par la commission et le Gouvernement.

M. Bernard Accoyer - L'article 37 est l'article liberticide de ce projet. Il y a quelques mois, la revue Science et Avenir a publié un palmarès des hôpitaux français.

Plusieurs députés socialistes - Scandaleux !

M. Bernard Accoyer - Pour nous la transparence n'est jamais scandaleuse ! Cet article résultait d'un long travail et permettait aux citoyens, en particulier aux moins informés d'entre eux, de se rendre compte qu'on n'était pas soigné de la même manière dans tous les hôpitaux et que l'espérance de vie à la suite d'une maladie ou d'un grave accident n'y était pas identique. Est-il normal que les patients ne puissent avoir accès à ces données fondamentales ? Evidemment non.

C'est pourquoi nous dénonçons les manoeuvres de la direction générale de la santé pour empêcher cette évaluation transparente des établissements et avons proposé l'amendement 151.

M. le Rapporteur - Avis négatif.

Mme la Ministre - Je ne peux vous laisser dire cela, Monsieur Accoyer ! C'est Bernard Kouchner et moi-même qui avons rendu publiques les données du PMSI qui permettent à certains journaux, et c'est tant mieux, de faire connaître la qualité, la sécurité et le coût des traitements dans chaque hôpital. Nous avons voulu cette transparence, tout comme vous.

Mais la CNIL nous a fait savoir que ces données permettaient, par recoupements, d'identifier un malade et la pathologie dont il souffrait ; c'est pourquoi nous avons décidé de prendre des précautions permettant de faire le même type d'études sans retrouver les malades concernés. C'est donc la volonté de protéger les droits de la personne tout en assurant la transparence et l'information du public qui nous a conduits à cette rédaction de l'article 37, dans laquelle beaucoup se retrouvent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Permettez au membre de la CNIL que je suis, de se féliciter de cette position.

M. François Goulard - Je souscrirais bien volontiers à vos propos, Madame la ministre, si le résultat concret n'était incohérent. Je ne vois pas en quoi le fait que la diffusion de ces données soit soumise à autorisation ministérielle nous protège des risques que vous avez, à juste titre, dénoncés : il suffirait de préciser dans la loi que les informations ne doivent pas permettre de remonter à des données personnelles. En revanche, on voit bien que cette intervention ministérielle peut permettre d'éviter la transparence et de protéger certains établissements.

Mme la Ministre - Monsieur Goulard, ce n'est pas le Gouvernement, mais la CNIL, qui donnera l'autorisation, ce qui lui permettra de sélectionner les informations dont l'organisme demandeur a besoin pour sa recherche.

On peut, à partir d'une fiche anonyme, retrouver le nom d'un patient en fonction de ses dates d'hospitalisation. Or les Français ne souhaitent pas que n'importe qui puisse être au courant de leurs pathologies et des traitements subis. Ils souhaitent, en revanche, savoir dans quels hôpitaux on a les chances d'être le mieux soignés et nous continuerons à publier ces données, comme nous continuerons à fermer certains services, ce que d'autres n'ont pas eu le courage de faire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Les amendements identiques 151, 152 et 153, repoussés par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Il en va de même des amendements 154, 155 et 156, des amendements 157, 158 et 159, des amendements 160 et 161, de l'amendement 162 et de l'amendement 163.

M. Bernard Accoyer - Nous en arrivons à l'article 37 quindecies, qui concerne l'exercice libéral à l'hôpital public. On sait qu'il y a beaucoup de postes de médecins vacants dans les hôpitaux publics et que le Gouvernement a validé les diplômes de médecins non européens justement pour pourvoir ces postes. Il serait donc utile de ne pas décourager les praticiens exerçant une activité libérale dans ces hôpitaux en faisant peser sur eux une suspicion générale : on a parlé de "moraliser" cette activité, ce qui paraît déplacé, même s'il faut évidemment lutter contre certains abus.

Cet article nous paraît injustifié et nous en proposons une nouvelle rédaction par l'amendement 167. Mieux vaudrait revaloriser le statut des praticiens hospitaliers que de prendre des mesures à courte vue.

Les amendements 164, 165 et 166, repoussés par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Il en va de même de l'amendement 167, des amendements 168, 169 et 170, et des amendements 171, 172 et 173.

M. Marcel Rogemont - En ce qui concerne les médecins à diplômes extra-européens, l'article 37 unvicies met en place une commission de recours pour étudier les cas ne correspondant pas aux critères fixés par les textes. Le projet précise que cette commission recevra les dossiers jusqu'en 2003. Cette date laisse un peu perplexe et j'insiste pour que cette commission soit constituée très rapidement.

Les amendements 174 et 175, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Il en va de même des amendements 176, 177 et 178 et de l'amendement 174.

M. le Président - Il y a quatre amendements identiques à l'article 37 sexticies, dont l'amendement 30 du Gouvernement.

Mme la Ministre - En deuxième lecture l'Assemblée avait adopté un amendement alignant l'Alsace-Moselle sur le droit commun en supprimant les seuils spécifiques pour l'installation des pharmacies.

A la réflexion, le retour à un seuil spécifique de 3 500 habitants paraît sage car il est conforme à la fois à la réalité du terrain et à l'accord signé avec la profession.

M. Bernard Schreiner - Cet amendement a été réintroduit par le Sénat et nous sommes reconnaissants au Gouvernement de l'accepter. Cela évitera de désorganiser le système en vigueur en Alsace-Moselle.

M. Yves Bur - Nous nous félicitons que le Gouvernement ait repris l'amendement du Sénat. En effet, l'alignement sur le régime de droit commun aurait entraîné la création de 67 à 100 officines dans le Bas-Rhin et de 57 à 74 dans le Haut-Rhin. Ces ouvertures massives auraient déséquilibré le réseau actuel. Si le chiffre d'affaires moyen des officines dans la région est de sept millions de francs, pour 51 d'entre elles, il est inférieur à quatre millions et pour 16, inférieur même à trois millions. La solution intermédiaire proposée, sans être neutre, est néanmoins acceptable. Nous avions déposé un amendement 103, identique à celui du Gouvernement.

M. le Président - Ce m'est un plaisir que de vous rappeler qui sont les signataires des amendements 102, 103 et 137 : MM. Schreiner, Ueberschlag, Meyer, Reitzer, Dumoulin et Demange ; MM. Bur, Loos, Ferry et Blessig ; MM. Weber et Ferry... (Sourires) Et je suis certain qu'il faut y associer par la pensée MM. Baeumler, Bockel... et tous les élus de ces départements dont chacun appréciera le dynamisme.

M. Armand Jung - Je regrette quelque peu telle désinvolture. Elle n'est pas dans nos habitudes en Alsace-Lorraine.

Le problème est sérieux. L'amendement du Gouvernement empêchera la création de toute nouvelle officine : c'est d'ailleurs pourquoi je n'en avais pas déposé d'identique, non plus d'ailleurs que MM. Baeumler et Bockel.

Nous aurions, pour notre part, souhaité que l'on retienne le seuil réaliste d'une officine pour 3 000 habitants. Cela aurait permis de préserver la situation des officines existantes sans interdire à de nouveaux confrères de s'installer.

M. Aloyse Warhouver - Je me rallie au seuil proposé de 3 500 habitants mais il faudra s'en tenir là. Il conviendra aussi de mettre un terme au scandale que constitue la délocalisation des officines des centres villes vers les centres commerciaux périphériques. Pour l'heure, je voterai l'amendement 30.

M. le Président - J'espère que M. Jung ne me gardera pas rancune de mon écart, ce 30 juin, dernier jour de la session, à 18 heures.

M. Armand Jung - Je m'abstiendrai sur le vote de l'amendement.

Les amendements 30, 102, 103 et 137, mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Ministre - L'amendement 29 tend à préserver la possibilité de créer ou de transférer une officine après une expropriation ou à la suite d'une décision de justice. C'est une mesure d'élémentaire justice.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Bernard Accoyer - Le tropisme qu'exercent les centres commerciaux, notamment en périphérie des villes, sur les officines menace le maillage équilibré de leur réseau. J'avais essayé, sans succès, en seconde lecture de déposer des sous-amendements tendant à restreindre les possibilités de transfert ou de regroupement d'officines dans ces zones à vocation purement commerciale, au détriment de la proximité qu'elles devraient offrir et qui est particulièrement indispensable aux personnes âgées ou à mobilité réduite. Quel est, Madame la ministre, votre sentiment sur cette situation ?

Mme la Ministre - Je partage votre préoccupation. C'est d'ailleurs pourquoi ce texte pose deux conditions à l'installation d'une officine dans un centre commercial. La première est que le pharmacien assure son tour de garde, comme tous ses confrères. La seconde est que l'officine soit bien ouverte vers l'extérieur, en un mot qu'il s'agisse bien d'une officine comme une autre. Pour le reste, les dispositions générales relatives à la répartition des officines sont applicables en toutes circonstances. Il ne serait donc pas envisageable qu'une officine soit transférée vers un centre commercial périphérique si ce transfert avait pour effet de priver le centre ville de toute pharmacie.

L'amendement 29, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Je n'ai pas de demandes d'explications de vote. Je mets donc aux voix, conformément à l'article 114 alinéa 3 du Règlement, l'ensemble du projet de loi tel qu'il résulte de son examen en nouvelle lecture par l'Assemblée.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Rapporteur - Après avoir remercié tous ceux qui ont contribué à accélérer le débat, dont vous-même, Monsieur le Président, quelques mots seulement. Je remercie tout d'abord le Gouvernement d'avoir accepté des amendements qui ont enrichi le texte. Enfin, tout en me gardant de déclarations fracassantes, toujours susceptibles de provoquer des déceptions, j'appelle l'attention, de l'opposition notamment, sur le fait que nous venons d'étendre le bénéfice de la sécurité sociale à tous nos concitoyens, parachevant ainsi l'oeuvre commencée par le général de Gaulle en 1945 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ce n'est là que la vérité ! (Mêmes mouvements) J'aurais espéré qu'au moins pour cette raison, vous n'auriez pas manqué à l'appel pour voter ce texte dont vous avez d'ailleurs voté l'article premier.

M. Bernard Accoyer - Voter un article, ce n'est pas voter un texte !

M. le Rapporteur - Je suis donc heureux que l'on parachève aujourd'hui l'oeuvre du général de Gaulle (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). C'est vous que choque l'évocation de de Gaulle, pas nous !

Cette loi permettra enfin à cinq millions de personnes de bénéficier d'une couverture complémentaire gratuite, qui aujourd'hui n'en avaient pas, faute de moyens. Ainsi, au 1er janvier 2000, date d'application de la loi, la solidarité aura encore progressé dans notre pays.

Mme la Ministre - En effet, des millions de personnes qui avaient renoncé à se soigner ou à faire soigner leurs enfants, faute de moyens, pourront désormais le faire. Qui ne s'en féliciterait pas ?

A cet instant, je tiens à saluer les associations qui ont soutenu des années durant les revendications que ce texte satisfait et qui vont maintenant avec nous et avec, je l'espère, l'ensemble des mutuelles, des assurances et des institutions de prévoyance, participer à la mise en oeuvre effective de ce droit à la santé.

Une fois la loi votée, il nous restera à tous beaucoup à faire : d'abord à informer les intéressés de leurs droits, mais aussi élaborer un dispositif aussi simple que possible. A ce prix, nous pourrons dire qu'en cette fin de siècle, un pas considérable aura été franchi pour garantir à tous un accès effectif aux droits fondamentaux.

Je tiens à remercier tous les parlementaires pour la qualité de nos débats, avec une mention spéciale pour le président de la commission, pour M. Boulard qui, après avoir mené à bien la mission que lui avait confiée le Premier ministre, a préparé avec nous ce projet, et pour M. Recours qui a su défendre les dispositions controversées mais urgentes du titre IV.

Les dernières élections ont connu un taux d'abstention élevé : les Français ont le sentiment que les politiques ne répondent pas à leurs besoins. En votant une loi telle que celle-ci, qui donne corps aux droits inscrits dans la Constitution, nous pouvons à nouveau être fiers de faire de la politique. Je remercie donc le Parlement d'avoir contribué à ce que nos concitoyens ne se sentent plus abandonnés par la République, en enrichissant un texte qui fera peut être que le XXIe siècle sera moins dur que celui-ci pour les plus fragiles.

Je remercie enfin le personnel de l'Assemblée qui nous a permis de travailler efficacement -malgré le froid de ces lieux, dont je ne cesserai de me plaindre ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Président - Je vous propose de suspendre la séance quelques instants, afin de faire venir les réserves (Sourires).

La séance, suspendue à 18 heures 15, est reprise à 18 heures 25.


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ORGANISATION DE LA RÉSERVE MILITAIRE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense - Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité de la loi de programmation 1997-2002, de la loi visant à accompagner la professionnalisation et de celle votée sous la présente législature pour réformer le service national. Elle constitue d'ailleurs le dernier volet législatif de la réorganisation de notre défense.

Son objet est de permettre aux pouvoirs publics d'utiliser de façon souple l'ensemble de nos moyens militaires, mais aussi de renouveler le lien entre Nation et armée et de garantir à l'Etat la possibilité d'assurer en toutes circonstances le fonctionnement des services dont dépend la vie quotidienne du pays.

Appuyé sur une concertation large et méthodique, approuvé par les associations de réservistes, il témoigne d'une volonté d'équilibre. L'examen par le Sénat l'a enrichi mais votre commission et votre rapporteur m'ont aussi conforté dans ma conviction que, lorsque les parlementaires ont la volonté de dialoguer avec tous les intéressés, la démocratie y gagne considérablement.

Ce texte permettra de constituer, dans trois ans, au terme de la loi de programmation, une réserve opérationnelle de 100 000 hommes, dont 50 000 affectés dans la gendarmerie. Cette nouvelle réserve sera une réserve d'emploi, entièrement intégrée dans l'armée d'active. Les réservistes serviront dans les unités, au sein desquelles ils seront mêlés aux professionnels. Ils constitueront de véritables unités, entraînées et équipées comme les unités d'active, et aptes à participer à toutes les missions, y compris aux missions extérieures.

S'agissant de sécurité publique et de protection du territoire, notre volonté d'unir les compétences du ministère de l'intérieur et de celui de la défense se traduira par l'affectation de réservistes dans les cellules des états-majors civils de département et de zone, et du réseau national d'alerte.

Afin que la réserve puisse jouer tout son rôle, le budget concerné sera accru dès cette année, pour atteindre 580 millions en 2002, soit plus du double de ce qu'il était en 1996.

Venant après la loi réformant le service national, ce projet vise aussi à garantir le lien entre la Nation et l'armée. Les réservistes et leurs associations reconnues contribueront ainsi aux échanges entre société et défense, indispensables à une démocratie moderne. La réserve citoyenne, constituée de réservistes non affectés et de réservistes honoraires, oeuvrera plus spécialement à la diffusion de l'esprit de défense.

Afin de garantir son succès, la réforme a été élaborée dans une très large concertation. L'essentiel des propositions formulées par les associations de réservistes a été pris en compte, de même que les contraintes rappelées par les grandes organisations d'employeurs, partenaires essentiels de la défense.

Ce projet, cohérent et équilibré, concilie les intérêts légitimes de chacun, offre les garanties nécessaires, et a pour principe de base la recherche systématique d'un partenariat entre l'Etat et l'employeur.

Ainsi, le délai de prévenance de l'employeur est d'un mois pour les activités militaires ne dépassant pas cinq jours ouvrables par an. Pour celles supérieures à cinq jours, l'accord de l'employeur est requis après un délai de prévenance porté à deux mois.

De même l'appartenance à la réserve ne pourra, en aucun cas, constituer un motif de licenciement. Le contrat de travail sera suspendu pendant les périodes d'activité. Celles-ci seront considérées comme travail effectif chez l'employeur pour les droits sociaux.

En revanche le réserviste sera un militaire à part entière pendant ses périodes d'activité. Il percevra une solde et des indemnités identiques à celles des militaires d'active. Il bénéficiera des soins gratuits du service de santé des armées et, si nécessaire, de la couverture offerte par le code des pensions militaires d'invalidité.

Cependant, des conventions particulières entre l'Etat et l'employeur pourront contenir des dispositions plus favorables au réserviste. La qualité de "partenaire de la défense" distinguera les entreprises qui participeront à la mise en oeuvre harmonieuse de la réforme.

Enfin, les conditions de volontariat dans la réserve opérationnelle seront consignées dans un engagement de cinq ans renouvelable.

D'autre part les anciens militaires ou volontaires qui quitteront le service actif seront soumis à une obligation de disponibilité, sans pénaliser le personnel qui se reconvertit, ni les entreprises : ainsi, les disponibles peuvent être convoqués à des fins de vérification d'aptitude pour cinq jours sur cinq ans au plus. Hors ces cas, ils ne peuvent être appelés dans la réserve opérationnelle qu'en cas de mise en oeuvre de l'article 17 en application de l'ordonnance de 1959 ou de l'article 17 bis relatif à l'appel de réservistes de la gendarmerie en cas de troubles graves.

Le projet réforme également le service de défense dont l'organisation était en partie définie par des dispositions du code du service national qui seront suspendues au 1er janvier 2003. Les nouvelles dispositions restent conformes aux principes fondateurs de l'ordonnance de 1959. Elles permettent d'assurer, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agression, la sécurité et l'intégrité du territoire, en maintenant à son poste le personnel qui concourt à la continuité de l'action gouvernementale, à la protection des populations et à l'accomplissement de tâches vitales pour la Nation.

Il comporte enfin des dispositions diverses comme des modifications au statut général des militaires en vue de la création d'un corps des chirurgiens-dentistes et d'un corps de soutien de la gendarmerie nationale. Par ailleurs il donne un nouveau fondement à la préparation militaire, qui contribuera au recrutement de réservistes.

Ce projet crée un véritable statut pour les réservistes, après une concertation approfondie avec les organisations d'employeurs et les associations de réservistes qui saluent toutes son caractère équilibré. C'est avec confiance dans la qualité des débats que le Gouvernement vous soumet ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Pierre Dasseux, rapporteur de la commission de la défense - Avec ce projet s'achève la vaste réforme de la professionnalisation des armées, décidée en février 1996 par le Président de la République et mise en oeuvre par les gouvernements successifs. Elle a suspendu le service national, même si bon nombre de parlementaires de toutes tendances auraient préféré l'aménager.

Le projet marque le passage d'une réserve de masse à une réserve d'emploi ; il crée un véritable statut du réserviste ; il donne un nouvel élan au lien entre la Nation et son armée.

Jusqu'à présent, tous les Français ayant effectué leur service national sont réservistes jusqu'à 35 ans, ce qui représente une réserve potentielle d'environ 500 000 hommes, chiffres d'ailleurs très théorique.

La suspension du service national, le 31 décembre 2002, va priver l'armée de cette ressource de réservistes "captifs". Grâce à la loi du 4 janvier 1993, l'armée peut déjà recruter, parmi les anciens militaires, des réservistes volontaires qui signent un engagement spécial. A partir du 1er janvier 2003, elle devra compter uniquement sur des réservistes volontaires dont certains n'auront aucune expérience militaire. Il importe donc d'organiser ce volontariat dans les meilleures conditions.

En outre la loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002, votée en 1996, prévoit explicitement l'adoption d'une loi "portant organisation générale de la réserve". Elle fixe les effectifs de la réserve à 100 000 personnes à l'échéance 2002.

Ce projet prévoit donc l'existence d'une réserve "opérationnelle" de 100 000 personnes regroupant des volontaires civils ou d'anciens militaires. Il prévoit également de placer sous un régime de disponibilité pendant cinq ans les anciens militaires non volontaires pour la réserve, et qui seront éventuellement appelés en renfort.

Une réserve "citoyenne" jouera un rôle de vivier pour la réserve opérationnelle, et aura plus particulièrement pour objet d'entretenir l'esprit de défense et de renforcer le lien entre la Nation et son armée.

Le projet innove en créant un véritable statut du réserviste.

Le contrat de travail du membre de la réserve opérationnelle sera suspendu pendant les périodes d'activité. Il sera alors considéré comme un militaire à part entière et percevra, au prorata du nombre de jours passés sous les drapeaux, la même solde que ses camarades de l'active, majorée d'une prime de fidélité.

L'employeur pourra continuer à rémunérer, même partiellement, son salarié pendant les périodes de réserve. Ce sera aux partenaires sociaux d'en décider. Aujourd'hui, environ 50 % des réservistes continuent à percevoir leur rémunération en sus de leur solde de réserviste.

Le réserviste continuera à bénéficier de l'assurance maladie, de l'assurance maternité et de l'assurance vieillesse. En cas de dommage lié à ses activités dans la réserve, le réserviste, ou le cas échéant ses ayants droit, se verra octroyer une réparation et le montant du préjudice ne sera plus calculé en fonction du grade de l'intéressé dans l'armée mais en fonction du préjudice subi dans ses activités civiles.

A condition d'avoir déposé un préavis d'un mois, le réserviste pourra s'absenter, cinq jours ouvrés par an, de son poste de travail sans que son employeur puisse refuser. Au-delà il devra demander l'autorisation de son employeur et le préavis sera de deux mois. Le Gouvernement, dont le souci de concertation a été salué par tous, a obtenu, après négociation, l'accord du MEDEF sur ces points essentiels.

Les réservistes serviront aux maximum 30 jours par an, durée qui pourra être portée à 120 jours dans des circonstances exceptionnelles. L'armée s'attend en fait à une durée moyenne de service de 16 à 20 jours par an. A son retour en entreprise, le réserviste retrouvera un emploi et ne pourra faire l'objet de sanction ou de brimades en raison des absences dues à ses activités dans la réserve.

Ce texte offre également la possibilité de renforcer le lien entre la Nation et son armée, que la professionnalisation des armées pourrait affaiblir. Le projet prévoit explicitement que des personnes sans aucune expérience militaire pourront, en fonction des besoins, s'engager dans la réserve où elles recevront bien sûr une formation.

Ainsi, par exemple, les réserves vont se féminiser. De nombreuses jeunes femmes attendent cette possibilité.

En première lecture, les sénateurs ont principalement apporté des modifications de forme, ainsi que certaines précisions telles que l'appellation des deux réserves : "réserve opérationnelle" et "réserve citoyenne". Ils ont limité à 120 jours la durée d'activité totale qu'un réserviste pourra accomplir sur une année. Le débat s'est déroulé dans un esprit consensuel.

La commission de la défense propose un certain nombre d'amendements qui ne modifient pas l'esprit du projet. Elle attache, en particulier, la plus grande importance à la réussite de la coopération avec les entreprises, condition impérative du succès de cette réforme. A cet effet, elle proposera de transformer le conseil supérieur d'étude des réserves, qui ne regroupe que des associations de réservistes, en un conseil supérieur de la réserve militaire, chargé de mettre en oeuvre une véritable politique de partenariat entre l'armée, les réservistes et les employeurs. Y siégeront, outre des représentants de l'Assemblée et du Sénat, ceux des organisations professionnelles et des représentants patronaux.

Dans le but de renforcer le lien entre la nation et son armée, la commission vous propose d'adopter un amendement ouvrant l'accès de la réserve citoyenne aux volontaires n'ayant pas d'expérience militaire, alors qu'en l'état actuel du projet, seule la réserve opérationnelle leur est ouverte en fonction des besoins des armées.

Elle vous propose enfin de renforcer la protection du réserviste en lui faisant retrouver, au retour de sa période d'activité, l'emploi "exact" qu'il occupait avec son départ et non, comme le prévoit le texte du Sénat, un emploi "similaire".

Ce texte a été élaboré dans la plus grande concertation, le ministère de la défense ayant organisé plusieurs rencontres et votre rapporteur ayant lui-même procédé à dix-huit auditions ou déplacements sur le terrain afin de rencontrer des réservistes et des militaires d'active. J'ai également entendu des représentants des employeurs par l'intermédiaire du MEDEF et de la CGPME. Je remercie les cabinets ministériels, qui ont répondu à toutes mes sollicitations, les diverses associations de réservistes, les officiers généraux en charge des réserves et les unités qui m'ont accueilli sur le terrain et, bien entendu, la commission de la défense.

Pour avoir rencontré toutes les personnes qui l'ont demandé, je peux affirmer que ce projet est perçu comme un bon projet et qu'il est attendu avec impatience par les autorités militaires et par les réservistes, lesquels bénéficieront bientôt d'une véritable couverture sociale ainsi que d'une protection professionnelle.

Alors que plusieurs dizaines de nos réservistes servent actuellement en Bosnie et, dans des conditions difficiles, au Kosovo, je rends un hommage appuyé à ces femmes et à ces hommes que rien n'oblige à servir leur patrie, parfois au détriment de leur vie de famille, si ce n'est le sens du devoir et du dévouement, dans le plus pur respect de nos traditions républicaines (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je vous rappelle que la session se termine ce soir à minuit. Or, il y a une heure vingt de discussion générale et pas mal d'amendements. Puis-je donc, puisqu'il s'agit d'un texte consensuel, vous inviter à aller à l'essentiel ?

M. Jean-Claude Sandrier - Ce projet de loi est le dernier pilier de la réforme engagée en février 1996 par le Président de la République et qui vise à une professionnalisation complète de nos forces armées en 2002. Réforme dont nous continuons à contester le bien fondé (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) et ce d'autant plus qu'elle s'appuie sur une analyse géopolitique et stratégique et qui n'a fait l'objet d'aucun débat préalable à l'Assemblée.

Adapter nos forces armées n'obligeait nullement à une suppression pure et simple du service national. Sa modernisation aurait suffi. A côté d'unités professionnelles, il y avait place pour des unités dispensant à des jeunes engagés une formation civique et militaire courte, profitable aux jeunes eux-mêmes mais aussi à la cohésion nationale.

Sans revenir sur le fond de cette réforme, je rappelle malgré tout que le coût financier de cette professionnalisation menée au pas de charge, dans un contexte de rigueur budgétaire, pèse sur les dépenses d'équipements, et donc sur l'emploi industriel.

Personne ne conteste que la réserve de masse était devenue virtuelle, sans doctrine réelle ni moyens. Il fallait réagir. Mais ce projet se fonde sur une conception des réserves étroitement bornée par les choix stratégiques du Président de la République, en particulier par une focalisation excessive sur la capacité de projection extérieure qui est devenue l'axe essentiel de notre politique militaire.

L'instabilité du monde devrait au contraire nous inviter à une certaine prudence car l'ordre politique stratégique actuel du continent peut tout à fait se trouver bouleversé, de sorte que la France se trouverait face à un nouvel ennemi, aujourd'hui inconnu. Loin d'affaiblir le concept de défense nationale, l'instabilité du monde lui donne une nouvelle actualité et rend particulièrement indispensable une coopération accrue avec nos partenaires européens -la guerre dans les Balkans vient d'en souligner l'urgente nécessité.

Nul ne peut s'interdire des interventions à caractère humanitaire, mais à condition qu'elles restent l'exception et non la règle et qu'elles se fassent à l'initiative de la communauté internationale, sous mandat et contrôle de l'ONU et d'une OSCE rénovée. De telles interventions ne constituent cependant qu'une stratégie de remplacement destinée à pallier les insuffisances d'une politique préventive.

Une politique de sécurité n'est pas d'abord militaire, non plus qu'une politique tendant à développer l'influence de la France. Et il faudra bien un jour se donner les moyens de répondre à cette interrogation de Fédérico Mayor : "Quand 18 % de l'humanité détient 80 % des richesses, comment voulez-vous préserver la paix ?" De fait, la logique de la guerre économique et des marchés financiers est aujourd'hui le plus grand facteur d'instabilité dans le monde.

Telles sont les raisons qui font que ce projet ne peut recueillir notre assentiment.

Il contient toutefois un certain nombre d'aspects positifs, surtout avec les amendements de la commission.

Compte tenu de l'affaiblissement regrettable du lien armée-nation, conséquence inévitable de la professionnalisation et de la fin de la conscription, il était de la plus haute importance d'affirmer dès l'article premier que "la réserve a pour objet d'entretenir l'esprit de défense et de contribuer au maintien du lien entre les forces armées et la nation."

Notre commission a souhaité conforter cette démarche et je me félicite qu'elle ait retenu l'amendement, déposé par notre groupe, tendant à ce que le conseil supérieur de la réserve militaire "participe, dans le cadre d'un plan d'action soumis par le ministre de la défense, à la promotion de l'esprit de défense et de développement du lien entre la nation et ses forces armées".

Nous demandons aussi que l'accès aux nouvelles préparations militaires soit largement ouvert à tous les jeunes qui le souhaitent, en particulier à ceux qui seront amenés à occuper des postes à responsabilité. Ce souci a été partagé par la commission. La préparation militaire, élément majeur de la nouvelle réserve et véritable trait d'union entre la Nation et son armée, ne saurait être reléguée en fin de texte et traitée uniquement sous un angle administratif. Elle doit être par ailleurs, la base solide sur laquelle devra se constituer la réserve dite citoyenne.

Je veux saluer ici l'important effort de concertation qui a été mené aussi bien par le Gouvernement que par notre rapporteur. Ce travail patient débouche sur un texte qui, techniquement, est d'une grande qualité et qui a permis la création d'un véritable statut du réserviste valorisant mieux que par le passé le sens civique dont celui-ci fait preuve.

Préciser que le réserviste doit retrouver au retour de sa période d'activité, l'emploi "exact" qu'il occupait avant son départ et non un emploi similaire me parait tout à fait utile.

L'implication de toute la société, y compris des employeurs, est également inscrite dans la loi au travers de l'autorisation d'absence de 5 jours, qui est de droit. Plusieurs associations de réservistes auraient souhaité à juste titre qu'elle soit portée à 10 jours.

L'association du Parlement et des partenaires sociaux au conseil supérieur de la réserve militaire nous parait par ailleurs de nature à favoriser la mobilisation civique pour la défense de la Nation. Nous souscrivons donc à cette proposition.

Au total, si nous approuvons le volet technique du texte, nous ne pouvons pas faire abstraction du fait qu'il s'inscrit dans une réforme d'ensemble de nos armées, dont nous ne partageons pas la philosophie (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Michel Voisin - Ce projet aurait pu constituer l'ultime étape de la modernisation de notre système de défense dans le cadre de la professionnalisation de nos forces armées, décidée par le Président de la République, il y a maintenant trois années. Je salue au passage le travail accompli par ceux qui travaillent depuis longtemps sur la question des réserves, en particulier M. Teissier.

Si ce projet constitue bien une avancée sur la voie souhaitée par le Président Chirac, force est de constater qu'il ne correspond pas entièrement à l'objectif d'une association étroite du citoyen aux impératifs de la défense nationale, pas plus qu'il ne répond aux attentes légitimes des réservistes.

Pourtant, Monsieur le ministre, vos services ont eu tout le loisir de préparer ce projet qui, si les impératifs fixés par la loi de programmation militaire avaient été respectés, aurait dû nous être présenté l'année passée. Le délai supplémentaire que le Gouvernement s'est accordé laissait espérer un texte plus complet et plus ambitieux. Mais le "lyrisme" de l'article premier -pour reprendre les mots mêmes du président Quilès lors de l'examen en commission- ne saurait masquer les insuffisances d'un projet qui sacrifie plus à la rigueur budgétaire qu'aux réelles exigences de la défense.

Le subtil distinguo établi entre deux catégories de réservistes, opérationnels et citoyens, est surtout destiné à masquer l'insuffisance des crédits que vous envisagez d'affecter réellement, Monsieur le ministre, à la réserve. Si, depuis quelques années, les crédits affectés aux réserves ont légèrement progressé, ils ne respectent pas la programmation votée par le Parlement. Vous me répondrez que c'est normal, car vous attendiez, pour assurer la montée en puissance des crédits, que la réforme des réserves devienne effective. J'attends donc votre projet de budget pour 2000 : ce sera un test de la réalité de votre engagement. Non seulement les parlementaires seront attentifs à ce que vous respectiez la programmation, mais ils ne seraient pas hostiles, au contraire, à ce que vous fassiez un effort conséquent pour tenter d'atteindre en montant cumulé les objectifs affichés sur les quatre premières annuités de cette programmation. Car la réforme serait vidée de son sens si l'effort financier n'était pas au rendez-vous.

Vous avez insisté, comme le rapporteur, sur le rôle prépondérant que joueront les réservistes et leurs associations dans l'indispensable lien entre la Nation et ses armées, pour reprendre la juste terminologie de notre collègue Bernard Grasset. Nous ne pouvons ici que vous suivre. Toutefois, qu'il me soit permis d'émettre un doute sur la capacité réelle de la réserve telle qu'elle est conçue à remplir efficacement cette mission. Je ne doute pas de la capacité d'adhésion à cet objectif des futurs réservistes, car je sais combien leur engagement constituera un acte de citoyenneté. Mais, pour établir un lien indéfectible entre le citoyen et ses forces armées, il convient que toutes les forces vives de la Nation y soient réellement associées.

Or, c'est là que votre projet montre ses limites. Il n'associe pas les artisans, les commerçants, les chefs d'entreprises unipersonnelles, les professions libérales. Ces professions ne trouvent pas leur place dans le statut de réserviste que dessine votre projet. Dès lors, ne faut-il pas s'interroger sur cette conception de la réserve ? Qu'en est-il de l'égalité d'accès à cet acte de citoyenneté que sera l'engagement volontaire dans la réserve ? Je souhaite, Monsieur le ministre, que vous nous précisiez au plus vite comment vous envisagez de traiter sur un pied d'égalité ces autres composantes de la Nation. Le sujet est important. La suspension de la forme militaire du service national privera nos forces armées d'un grand nombre de spécialistes ; je pense notamment au service de santé des armées au fonctionnement duquel les appelés étaient directement associés. L'occasion vous était offerte, en ce qui concerne notamment les professions de santé, et particulièrement celles qui relèvent d'un exercice libéral, de faire preuve d'imagination, grâce à un statut qui ouvrait la porte à un véritable partenariat. Celui-ci aurait pu lier des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens dentistes et des masseurs kinésithérapeutes résidant dans les villes de garnisons aux unités qui y sont implantées. Ce type d'association aurait pu être étendu à bien d'autres professions : la réserve et les armées auront besoin de juristes, de comptables, d'experts en communication, que vous ne trouverez pas forcément dans le monde salarié public ou privé.

Bien des points du projet demeurent encore flous, ainsi l'article 9. Peut-on raisonnablement envisager qu'un réserviste négocie unilatéralement avec l'autorité militaire une durée d'activité dans la réserve, durée sur laquelle il s'engage, sans que son employeur soit partie prenante à la négociation ? Je sais qu'il y a eu des négociations avec le MEDEF. Mais le point de vue du MEDEF n'est pas celui du chef de petite entreprise que mettra en difficulté le départ de son salarié, et qui essaiera d'y faire obstacle. Comment un salarié pourra-t-il obtenir de son employeur un accord pour servir dans la réserve au-delà de cinq jours ouvrés auquel la loi lui donne droit ? Et que se passera-t-il pour le réserviste auquel son employeur opposera un refus ? Quelles en seront les conséquences ? Les avons-nous mesurées ? Tout ceci paraît utopique, éloigné de la réalité de l'entreprise.

Enfin, vous instituez une obligation de disponibilité concernant les volontaires et les anciens militaires. Ne pensez-vous pas que cette obligation constituera un frein à l'embauche de ces personnes ? Certains employeurs risquent d'éviter de recruter les anciens militaires qui y seront soumis, ce qui irait à l'encontre de votre politique de carrières courtes et de renouvellement rapide des effectifs militaires.

Je devais vous faire part de ces questions, lesquelles ternissent un peu l'image d'un texte qui aurait pu constituer le point d'orgue de la modernisation de notre appareil de défense. Reste que votre projet constitue une certaine avancée, qu'il conviendra sans doute de parfaire. En attendant vos réponses, le groupe UDF adoptera une position d'abstention bienveillante, que nous ne demanderons qu'à transformer en approbation si vos réponses vont dans le sens que nous souhaitons (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Guy Teissier - Ce projet constitue le dernier pilier de la professionnalisation de nos armées, engagée par le Président de la République. C'est donc un projet d'importance, même s'il n'intéresse que de loin les médias et nos concitoyens. Le choix d'une professionnalisation totale de nos forces armées, avec suppression du service national obligatoire, fait entrer notre système de défense dans une ère nouvelle, dont toutes les conséquences n'ont sans doute pas encore été appréhendées.

Notre pays dispose d'une longue tradition de recours aux réserves face aux menaces graves pour la nation. Aujourd'hui il s'agit de concevoir un dispositif entièrement nouveau, dans lequel le recours aux réserves ne sera plus l'ultima ratio de notre défense. Un concept nouveau d'emploi des réserves doit accompagner le concept nouveau d'emploi de nos forces armées. Mais la difficulté de son élaboration vient de notre défaut complet d'expérience propre sur ce que devront être à l'avenir nos réserves, leur constitution, leur organisation et leur gestion. C'est pourquoi, à l'occasion du rapport qui m'avait été confié par le précédent Premier ministre, je m'étais tourné vers des expériences étrangères, là où des réserves professionnelles coexistent avec des armées professionnelles, pour en tirer les règles essentielles avant de les adapter à nos particularités.

Notre tradition d'une réserve militaire d'un volume considérable, comme le rôle essentiel qu'elle a tenu lors des deux conflits mondiaux, laisse à penser que nos forces armées ont bien intégré la prise en compte de la réserve dans la préparation de l'ensemble des forces. Le sujet est donc familier et ne devrait pas, en principe, requérir une attention particulière. Toutefois l'observation de la réalité montre l'ampleur de la réforme à entreprendre. Je ne reviendrai pas sur les anecdotes qui ont émaillé l'histoire récente de la réserve, et qui illustrent aussi bien la vétusté de ses matériels que l'illusion provoquée par la convocation d'unité de réservistes ou la condescendance avec laquelle les unités d'active la considéraient encore il y a peu. Par ailleurs, dans la réforme de la défense aujourd'hui entreprise, les principes établis pour l'avenir de la réserve restaient jusqu'à un passé récent encore trop généraux et imprécis. Car la professionnalisation n'induit pas un simple changement d'échelle : elle est en train de transformer la nature même de notre réserve militaire.

Un aperçu de ce que devrait être notre réserve a été fourni par la guerre du Golfe. Seuls des professionnels y ont participé, mais avec le renfort indispensable de quelques officiers de réserve pour des emplois très précis auxquels les militaires d'active n'étaient pas préparés. Il a alors fallu trouver ces indispensables spécialistes. De plus, avec le temps s'est posée avec une acuité croissante le problème de la relève des unités engagées. Avec la professionnalisation totale de nos forces, l'avenir devrait permettre de mieux répondre à ce besoin.

Mais la réduction des effectifs professionnels entraînera presque certainement un recours à d'autres unités. La force d'une réserve opérationnelle, certes moins nombreuse, pourra donc venir renforcer les forces d'active, d'où l'importance de ce projet.

Je dois tout d'abord, Monsieur le ministre, louer l'esprit de concertation qui a prévalu à l'élaboration de ce texte, et qui a permis à l'ensemble des groupes parlementaires d'être entendus. Cette méthode de travail témoigne de l'intérêt que vous portez au Parlement. Il serait donc indélicat de ma part de ne pas souscrire aux grandes lignes de ce projet. Je serais d'autant mal fondé à le condamner qu'il recherche un équilibre permanent, que ce soit entre la valorisation du rôle du volontariat dans la composition des réserves et le maintien d'un élément d'obligation, ou entre l'indispensable mise en place de garanties en faveur des réservistes et la prise en compte des intérêts de l'employeur -même si ce dernier point appelle quelques remarques.

C'est en outre avec satisfaction que je constate les nombreuses similitudes entre ce texte et les propositions que je préconisais dans mon rapport. L'accès à la qualité de réserviste, le principe de l'honorariat du grade, la qualité militaire du réserviste, l'emploi, le rôle et l'évolution du professionnel à spécialité ou encore l'obligation de disponibilité pour les anciens militaires, les relations avec les employeurs, la prime de fidélité et la couverture sociale du réserviste : autant de principes fortement inspirés de mon rapport et même de ma proposition de loi.

Sur tous ces points j'affiche un parfait accord. Mais je dois constater certaines lacunes d'importance. Je ne serai pas exhaustif, mais m'en tiendrai à quatre questions qui restent en suspens. La première porte sur le recrutement des volontaires, un défi qui sera de plus en plus difficile à relever à mesure que s'affaiblira la culture militaire liée à l'organisation du service national. Je déplore donc que nulle part dans le texte il ne soit fait référence à l'évocation de la réserve dans le cadre de l'enseignement scolaire. Je défendrai des amendements à ce sujet. Mais, d'une manière générale, il sera important de valoriser les missions confiées aux réservistes, notamment celles des militaires du rang, afin que nos jeunes, dépourvus de toute culture militaire, puissent voir dans la réserve une participation active, et non simplement symbolique, au service de leur pays.

Second sujet de préoccupation : le formidable déficit de communication de la défense s'agissant des réserves. Nos concitoyens doivent être mieux informés sur le sujet, à l'instar de ce qui se passe au Canada. Le Conseil supérieur de la réserve militaire pourrait assurer ce rôle en partenariat avec les associations de réservistes. Il serait en effet illusoire de croire qu'il y aura des engagements spontanés en nombre suffisant sans le développement d'une politique de communication ambitieuse.

Troisième sujet de préoccupation : l'attitude des entreprises. Leur adhésion est nécessaire ; or je crains que la frilosité de votre projet à cet égard empêche leur mobilisation conséquente en faveur de la réserve. N'oublions pas que 75 % des réservistes actifs sont des salariés du secteur privé. Le nouveau système demandera des réservistes plus disponibles et donc un effort plus important de la part des entreprises : il ne peut être obtenu par la mise en place de règles contraignantes, mais seulement par une politique partenariale et des mesures incitatives, voire par certains droits, dont celui de pouvoir contracter plus facilement des engagements commerciaux avec l'Etat. Là aussi il faudra que le Gouvernement conduise une politique de sensibilisation spécifique en y associant les organisations professionnelles, qui devraient être représentées au Conseil supérieur des réserves militaires. Le rapporteur a d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Je ne m'attarderai pas sur les notions d'emplois des réserves ou de service de défense, bien que les définitions retenues soient loin de me satisfaire.

Mon dernier sujet de préoccupation, et non le moindre, concerne les moyens. Certes, la loi de programmation a prévu une augmentation significative des crédits, mais celle-ci n'a pas été respectée et elle serait de toute façon insuffisante. Il est clair que les grandes orientations qui sous-tendent ce texte ont été fixées en fonction des contraintes imposées à Bercy plus que de vos souhaits et des nôtres.

En conclusion, au-delà du statut social du réserviste, qui répond à une réelle attente, votre texte manque de souffle et d'audace. Le Sénat l'a considérablement enrichi et j'espère que les débats d'aujourd'hui pourront encore l'améliorer.

M. Robert Gaïa - Ce texte, le dernier de la réforme de nos armées, cherche à renouveler le lien entre la nation et son armée.

Il était très attendu par l'Assemblée. Les travaux de Bernard Grasset, membre de la commission de la défense, sur le lien entre la nation et son armée, et ceux d'autres collègues lors des précédentes législatures, confirment l'intérêt que nous portons tous à la réforme des réserves.

En effet l'intégration dans la réserve constitue un véritable acte citoyen, basé sur le principe du volontariat. Ce choix citoyen doit participer au renouvellement de l'esprit de défense, que le Gouvernement entend promouvoir au sein de notre pays.

La réserve militaire doit donc être un lieu privilégié de rencontre entre les composantes de notre société, où les atouts personnels et professionnels de chacun seront mis au service de la Nation. Comme le dit l'exposé des motifs du projet, "le volontariat traduit l'adhésion aux valeurs de service et de sacrifice au profit de la communauté nationale".

Nous étions, dans une situation paradoxale puisque, avec une réserve dite de masse, le lien Nation-armée n'avait plus de réalité. Avec 80 000 réservistes comment parler d'une adhésion citoyenne ? D'autant que dans le même temps, le service national perdait de plus en plus son caractère universel.

Désormais, dans un cadre plus ramassé mais avec de meilleures dispositions incitatives, la nouvelle réserve sera à nouveau l'expression d'un pacte républicain.

Il faut pour cela créer les conditions nécessaires : l'enseignement de la défense à l'école, l'appel de préparation à la défense, le parcours citoyen, la revalorisation des préparations militaires sont autant de moyens de sensibiliser nos concitoyens aux questions de la défense.

Votée par le Sénat sur la proposition de Bertrand Delanoé, la journée nationale du réserviste contribuerait à ancrer dans notre société le rôle de la réserve militaire. L'objectif reste l'adhésion du plus grand nombre et une intégration progressive dans la réserve avec une volonté réelle de participer, comme les militaires d'active, et avec un statut identique, à notre outil de défense nationale.

Cette ouverture de l'institution militaire est nécessaire pour affirmer le lien entre la Nation et son armée et ce n'est certainement pas un hasard que la gendarmerie compte 50 % des 100 000 réservistes prévus pour la réserve opérationnelle. Ils seront affectés à des missions de sécurité publique et de mobilisation pour des événements exceptionnels ou lors de catastrophe.

Je salue l'esprit général du projet et le souci constant du ministère de la défense de favoriser une démarche consensuelle entre les différents acteurs -associations de réservistes, parlementaires, représentants des entreprises.

Les employeurs sont une pièce maîtresse du dispositif et le Gouvernement s'est attaché à leur accorder un rôle d'interlocuteur privilégié.

Aujourd'hui, l'objectif est d'encourager la signature de dispositifs conventionnels et de labelliser les entreprises conventionnées partenaires de défense.

La commission s'est prononcée, sur proposition du rapporteur, en faveur de la création d'un Conseil supérieur de la réserve militaire. Il aura un rôle de réflexion, d'information et de conseil auprès du ministre et s'attachera à promouvoir l'esprit de défense et à développer le lien Nation-armée. Ce sera un lieu de dialogue pour toutes les composantes de la société : représentants des armées, associationss de réservistes, pouvoirs publics, parlementaires, organisations d'employeurs et de salariés.

C'est donc un dispositif dynamique qui garantira à chacun la possibilité de trouver un intérêt au concept de réserve sans en subir les inconvénients.

Ainsi, c'est l'ensemble du corps social qui pourra refonder le lien entre la Nation et son armée.

Le groupe socialiste soutiendra ce projet. La représentation nationale suivra avec vigilance la mise en place du dispositif et veillera à son efficacité.

Un désintérêt ou un quelconque relâchement du lien Nation-armée couperait définitivement l'institution militaire de la société civile.

Ce projet de loi assure donc, en totale cohérence avec la professionnalisation des armées et la réforme du service national, le maintien de ce lien, nécessaire pour que notre pays puisse, s'il venait à être menacé, mobiliser dans un bref délai les forces nécessaires à sa défense.

Je conclurai en citant le rapport de Bernard Grasset : "Il appartient au politique... de veiller à ce que les valeurs et les institutions de la République... soient reconnues et défendues par l'immense majorité de nos concitoyens. C'est l'unique garantie contre les dérives mortelles... C'est, pour notre armée, la certitude d'être comprise, respectée et aimée".

Cette loi y contribuera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Thierry Mariani - Notre système de conscription était inadapté aux nouveaux conflits. Quant à la réserve de masse, elle relevait du mythe plus que de la réalité.

Grâce à la professionnalisation des armées voulue par le Président de la République, notre armée entre dans une ère nouvelle. Modulables et projetables, nos forces devront être en adéquation avec les conflits actuels.

Cette professionnalisation a nécessité un changement du dispositif juridique, et ce projet en est le dernier volet.

La loi de programmation 1997-2000 a établi les bases d'une réforme de la réserve, substituant à la réserve de masse une réserve emploi chargée de fournir aux forces actives les renforts nécessaires, y compris en temps de paix.

Ce projet vise à assurer un nouveau mode de composition des réserves et à instaurer des garanties sociales et financières pour les réservistes. Il était très attendu et nous nous félicitons qu'il vienne en discussion. Il devra répondre à plusieurs défis majeurs : répondre aux besoins des armées, encourager le volontariat et susciter l'adhésion de la société civile.

Cette réforme n'a rien d'anodin et ne devait pas être traitée à la hâte, par une procédure d'examen simplifiée, comme semblait le souhaiter initialement le Gouvernement.

Je regrette toutefois que notre commission n'ait pu procéder qu'à trois auditions, de surcroît en une seule séance, alors que celle du Sénat en a effectué neuf.

Il est temps que le pays et la représentation nationale témoignent leur reconnaissance aux réservistes dont Churchill décelait qu'ils étaient deux fois citoyens. Saluons le dévouement de ces hommes et de ces femmes qui prennent le temps de servir leur patrie et acceptent de donner peut-être un jour leur vie pour la défendre.

Le projet de loi reprend certaines des dispositions élaborées dans le cadre de la mission Réserve 2000 créée par votre prédécesseur.

La nouvelle réserve sera composée d'une réserve militaire opérationnelle de 100 000 membres, dont 50 000 pour la gendarmerie, et d'une réserve citoyenne composée des personnes pas assez disponibles pour appartenir à la première ou n'ayant pu y être affectées.

Un socle minimal de garanties est reconnu pour les membres de la première réserve, qu'il s'agisse par exemple du maintien de l'emploi ou du droit à l'application du code des pensions militaires. Malheureusement, toutes ces dispositions sociales et financières risquent de rester lettre morte sans engagement ferme de l'Etat sur le plan financier. Nous attendons des précisions de votre part, Monsieur le ministre, sur le financement du matériel, de l'équipement et de l'entraînement. Notre collègue, Yves Fromion a déposé des amendements tendant à garantir une compensation financière équitable aux réservistes. Il est par exemple indispensable qu'ils soient assurés du maintien de leur rémunération. Les membres des professions libérales notamment devront être indemnisés de façon convenable, de façon que la réserve ne soit pas de fait accessible seulement aux fonctionnaires ou aux salariés des grandes entreprises. Il est de même nécessaire que les réservistes puissent bénéficier d'une formation suffisante : cinq jours ouvrés d'absence de plein droit, ce n'est pas assez. Il faut élargir ce droit tout en prévoyant les compensations nécessaires pour les entreprises concernées.

Dernier volet du texte : le service de défense. Celui-ci est destiné à assurer la continuité de l'action de l'Etat, des collectivités territoriales ainsi que des entreprises dont les activités contribuent à la défense, à la sécurité et à l'intégrité du territoire ainsi qu'à la sécurité de la population. Les dispositions prévues paraissent parfaitement adaptées pour l'avenir. Ainsi ai-je eu l'agréable surprise de constater dans ma commune où se posent de plus en plus de problèmes de sécurité à l'occasion des fêtes traditionnelles que plus de trente gendarmes, dont de nombreux réservistes rappelés, y avaient été mobilisés le 23 juin dernier. Je m'en félicite.

M. le Ministre - Nous l'avions fait pour vous, Monsieur Mariani ! (Sourires)

M. Thierry Mariani - Nous savons reconnaître les bonnes mesures, quel qu'en soit l'instigateur ! J'espère que cette excellente initiative sera renouvelée.

Nous nous félicitons de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour. Nous regrettons seulement que le Gouvernement n'aille pas au bout de sa logique en ne prenant aucun engagement sur le plan financier. A défaut, le groupe RPR ne pourrait que s'abstenir (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Yves Fromion - Au mieux !

M. André Vauchez - Ce projet de loi est le dernier texte qui organise notre défense, suite à la professionnalisation des armées décidée par le Chef de l'Etat en 1996.

Avec la fin de la conscription, la réserve va revêtir un caractère tout à fait particulier puisqu'elle comptera dans ses rangs des personnes qui n'auront jamais servi sous les drapeaux, retenues seulement à l'issue d'une préparation militaire.

Les deux réserves prévues, la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne, seront appelées à garantir le lien entre la nation et son armée et à développer l'esprit de défense chez nos concitoyens. Cet objectif est essentiel. Après l'information donnée durant la scolarité sur la nécessité de la défense et l'organisation d'une journée d'appel de préparation à la défense, à laquelle participeront tous les jeunes, la constitution d'une réserve intégrée à l'année active, permettra de renforcer le lien entre l'armée et la nation.

La réserve doit être attractive. Le texte propose un véritable statut social aux réservistes qui seront de véritables militaires bénéficiant de garanties matérielles, notamment pour la solde et la couverture sociale. Ils seront aussi assurés de conserver dans tous les cas leur emploi. Cela exigera certes de solides partenariats avec les entreprises, dont les personnels pourront s'absenter cinq jours de plein droit, et jusqu'à trente jours. Une large information auprès des employeurs sera nécessaire, en sus de mesures incitatives. De la façon dont les employeurs percevront leur rôle dépendra aussi la solidité du lien armée-nation.

Il sera important de dégager les moyens financiers nécessaires, au rythme prévu par la loi de programmation 1997-2002.

La moitié de la réserve opérationnelle sera affectée à la gendarmerie. C'est une bonne chose alors que le projet de restructuration des forces de gendarmerie avait suscité de l'émoi dans la population. La possibilité de renforcer les brigades par des réservistes lorsque cela peut être nécessaire permettra de redonner confiance à nos concitoyens qui craignaient pour leur sécurité.

Ce texte répond aux exigences de la mise sur pied d'une armée professionnalisée, adossée à une réserve modernisée et efficace. Je souhaite qu'il soit très largement approuvé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Fromion - Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles nous avons travaillé en commission... où nous ne disposions même pas du rapport. Je m'en tiendrai au texte lui-même.

Je regrette que l'on n'ait pas cherché à rapprocher le statut des réservistes de celui des sapeurs-pompiers volontaires, adopté l'an passé à la satisfaction de tous les intéressés. Pourquoi n'avoir pas envisagé un statut plus large du volontariat citoyen qui pourrait s'appliquer aussi aux volontaires des organisations humanitaires ?

Je m'étonne que les réservistes rappelés, dont le contrat de travail sera suspendu, puissent continuer de percevoir leur salaire si leur entreprise en est d'accord. Ce serait totalement illégal : il s'agirait rien moins que d'un emploi fictif. Aucun inspecteur du travail ni des impôts ne saurait le tolérer.

M. le Ministre - Permettez-moi de vous interrompre. En droit, le problème a été réglé depuis trente ans avec la mensualisation des salaires. Un salarié, même en congé de maladie, continue de percevoir son salaire.

M. Yves Fromion - Quant à la disponibilité exigée des anciens militaires pendant cinq ans elle est excessive. Pourquoi leur imposer telle contrainte sans contrepartie ?

Je m'étonne par ailleurs que le texte ne mentionne à aucun moment le rôle que pourraient jouer les réservistes dans l'enseignement obligatoire de défense, non plus que l'ouverture de notre défense à la dimension européenne.

Je ne reviens pas sur l'insuffisance des moyens financiers. La prime de fidélité serait d'ailleurs seulement conditionnelle : c'est pourquoi nous avons déposé des amendements tendant à préciser que le réserviste "en bénéficie", et non "peut en bénéficier". La gendarmerie fait souvent appel à des réservistes pour des événements exceptionnels, et c'est une bonne chose. Mais elle a dès juillet consommé l'ensemble de ses crédits disponibles à cet effet pour l'année.

La préparation militaire est aujourd'hui en crise : la plupart des jeunes ne voient plus l'intérêt de s'y inscrire. Si l'on ne fait rien pour la rendre plus attractive, on risque fort d'assécher le vivier. Or le projet est à cet égard très insuffisant.

Je suis donc surpris, au total, qu'une majorité qui a naguère combattu la professionnalisation ne traite pas mieux une réserve qui est une sorte de contrepoids à l'armée professionnelle.

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Je me bornerai à répondre à quelques questions de principe, soulevées au cours de cette discussion des plus constructives, laissant à M. Masseret le soin de vous fournir des éléments plus précis dans la discussion des articles.

A propos des non-salariés et des salariés des petites entreprises, je tiens à rappeler que les réservistes seront rémunérés : ils percevront une solde et une indemnité comme les militaires d'active. Quant aux membres des professions libérales, habitués à des salaires élevés, il arrive aussi qu'ils partent servir dans les ONG, humanitaires par exemple, contre une simple rémunération forfaitaire. Dès lors qu'ils sont motivés, ils parviennent parfaitement à s'organiser en conséquence. Je suis convaincu que nous constaterons la même motivation, s'agissant de servir dans la réserve.

Le budget consacré à la réserve est déjà en forte croissance et il n'y a aucune raison que, dans les trois années ou presque qui nous séparent de la fin de la législature, le Gouvernement montre une moindre détermination qu'au cours des deux années qui viennent de s'écouler. Les crédits seront donc à la hauteur des engagements pris dans la loi de programmation. Au reste, vous devriez être rassurés après avoir entendu le Premier ministre réaffirmer, lors du dernier débat sur la crise du Kosovo, sa résolution de garantir à la défense des ressources suffisantes.

Pour l'information et la sensibilisation du public, des propositions intéressantes ont été émises à la faveur de la concertation préalable et je ne doute pas que vous-mêmes suggériez ou preniez des initiatives, comme l'a déjà fait le Sénat. L'appel de préparation à la défense nous a permis de nous adresser déjà à tous les jeunes hommes et, dans quelque six mois, il nous permettra de toucher aussi des jeunes filles. C'est et ce sera l'occasion de souligner le rôle de la réserve par rapport à l'armée professionnelle. Nous avons déjà recueilli des demandes de jeunes désireux de se préparer à y entrer et nous devons donc organiser leur accueil.

Je remercie tous ceux qui ont souligné la cohérence de ce projet, dans le cadre d'une défense professionnalisée. De fait, il est facteur d'équilibre, en contribuant à une relation nouvelle entre armée et Nation. Comme nous sommes tous attachés à l'esprit de défense, je pense donc que nous pourrions l'approuver, quelle que soit notre famille politique. Quoi qu'il en soit, je sais gré à tous ceux qui ont salué l'esprit de dialogue qui a présidé à son élaboration et je suis persuadé que nous sommes ainsi à même de faire du bon travail.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.


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DÉSIGNATION DE CANDIDATS À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de désignation des deux représentants de l'Assemblée nationale au sein du Comité local d'information et de suivi du laboratoire souterrain de Bure.

Conformément à l'alinéa 2 de l'article 26 du Règlement, M. le Président a confié à la commission de la production le soin de présenter les candidats.

Les candidatures devront être remises à la Présidence avant le mercredi 13 octobre, à 18 heures.

Prochaine séance : ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 50.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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