Session ordinaire de 2001-2002 - 63ème jour de séance, 141ème séance 1ère SÉANCE DU JEUDI 21 FÉVRIER 2002 PRÉSIDENCE de Mme Marie-Hélène AUBERT vice-présidente Sommaire RETRAITE COMPLÉMENTAIRE ARTICLE PREMIER 8 ACCORD FRANCE-ITALIE RELATIF AUX TUNNELS ACCORD DE PARTENARIAT ENTRE LES ÉTATS ACP ACCORD RELATIF AUX AIDES FINANCIÈRES CONVENTIONS ET ACCORDS INTERNATIONAUX 27 PROFESSIONS DE SANTÉ LIBÉRALES RÉUNION DE COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES 34 La séance est ouverte à neuf heures. RETRAITE COMPLÉMENTAIRE DES NON-SALARIÉS AGRICOLES (deuxième lecture) L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles. M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - En ce 21 février 2002, nous examinons en deuxième lecture la proposition de loi visant à instaurer un régime de retraite complémentaire pour les non-salariés agricoles chefs d'exploitation. J'avais déposé cette proposition en juin dernier, avec le soutien du groupe socialiste. Au cours de la discussion en première lecture, le 11 décembre dernier, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité les bases de ce nouveau régime : obligatoire, par répartition, gratuit pour les actuels chefs d'exploitation retraités, il ouvrira droit à réversion pour les veuves ; il sera pour partie financé par l'Etat, comme s'y est engagé le Gouvernement de Lionel Jospin par la voix de Jean Glavany. Cette proposition de loi a été discutée et adoptée à l'unanimité au Sénat, qui a apporté au reste des précisions : il sera écrit dans la loi que les 75 % du SMIC seront atteints avec la retraite de base et la retraite complémentaire ; que la retraite complémentaire sera mensualisée ; que le taux de réversion pour les veuves sera de 54 % - comme dans le régime de base - et que le Conseil supérieur des prestations sociales agricoles sera chargé de la mise en place - au 1er janvier 2003 - et du suivi de ce nouveau régime. Le plan quinquennal de revalorisation 1997-2002 aura permis d'augmenter les retraites agricoles de 25 000 F par an pour un couple et de 13 000 F pour une personne veuve. Selon les hypothèses de travail, ce nouveau régime apportera, pour une cotisation d'environ 3 %, un complément de retraite annuel de 7 500 F ; dès 2003, 465 000 chefs d'exploitation ayant accompli une carrière complète - trente-deux ans et demi comme non-salariés et dix-sept ans et demi comme chef d'exploitation - pourraient en bénéficier. Nous sommes tous conscients de l'enjeu : si nous n'émettons pas un vote conforme à celui du Sénat, ce texte ne sera pas adopté avant la fin de la législature. Nous en porterions l'entière responsabilité. Je veux rendre hommage à ceux qui, depuis des années, se sont battus pour faire progresser la cause des retraites agricoles. Je pense à Maurice Bouyou, président de l'Association des retraités agricoles de France ; je remercie également les organismes professionnels - l'APCA, la caisse centrale de la MSA, la FNSEA, la Confédération paysanne, le CNJA. Tous ont fait preuve de sérieux et de réalisme. Je voudrais citer les noms, également, de MM. Didier et Abgral, responsables des sections des aînés de la FNSEA et de la Confédération paysanne. Je me dois de souligner l'excellent travail conduit avec Jean-Marc Juillard, rapporteur de la commission des affaires sociales, MM. Cazeau et Pastor, porte-parole du groupe socialiste au Sénat. Enfin, rien n'aurait été possible sans le constant soutien de Louis Le Pensec, de Jean Glavany et de leurs services, non plus que sans la volonté politique de Lionel Jospin. En adoptant ce texte, nous avons la possibilité d'améliorer le statut de plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens de métropole et d'outre-mer. Ils attendent la juste reconnaissance de leur travail ; la nation le leur doit, c'est une question de justice sociale et de dignité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Joseph Parrenin - Nous arrivons en fin de discussion de cette proposition de loi, sur laquelle nous allons émettre, en dernière lecture, un vote conforme ; la session se terminant, un signe très fort sera ainsi donné. Le socle d'une vraie politique sociale agricole, grâce à cette proposition de loi, est enfin définitivement posé. Nous aurons, certes, des progrès à faire - la mensualisation, par exemple, qui n'est prévue que pour la retraite complémentaire. Toutefois, les efforts consentis par l'Etat témoignent déjà d'une avancée considérable, qu'il s'agisse de la revalorisation générale des retraites pour 28 milliards sur cinq ans ou du statut du conjoint collaborateur, débattu dans la loi d'orientation agricole. On s'interroge sur l'avenir de l'agriculture, l'inquiétude des professionnels, des installations qui semblent en baisse. Alors que la France a une tradition de politique sociale forte, l'agriculture restait seule à l'écart : elle est enfin considérée à l'égal des autres corporations ! Les jeunes ont désormais lieu d'être confiants. Nous pouvons en être fiers et heureux. Je tiens à saluer Jean Glavany et Louis Le Pensec, Germinal Peiro qui a mené un combat de tous les instants et a été notre fédérateur. Le groupe socialiste votera ce texte de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Alain Marleix - Nous sommes donc réunis pour examiner en seconde et dernière lecture le texte adopté par le Sénat instaurant une retraite complémentaire par répartition au bénéfice des chefs d'exploitations agricoles. Force est de constater que les pensions versées aux retraités agricoles sont particulièrement basses dans notre pays. Pourtant, depuis 1994, sous l'impulsion des gouvernements Balladur et Juppé - et sous l'actuelle majorité - nous avons collectivement réussi à porter progressivement les minimas versés aux retraités agricoles à 3 720 F pour un chef d'exploitation ou une personne veuve, à 2 055 F par mois pour les conjoints et les aides familiaux. Nous venions de loin, c'est un progrès, mais cela reste peu. Certes, nous ne méconnaissons pas les difficultés structurelles du BAPSA : un rapport actifs-inactifs particulièrement défavorable, une mise en _uvre tardive - 1952 - et très progressive, une grande diversité de situations et de statuts. Dans ces conditions, il nous paraît indispensable de recourir à la solidarité nationale qui, seule, peut assurer l'équilibre d'un tel régime. Aussi, le principe de création d'un régime de retraite complémentaire par répartition et obligatoire, financé par les cotisations des agriculteurs et une subvention de l'Etat, ne peut-il que recueillir notre accord. Cependant, le texte que vous nous présentez comporte des lacunes et doit être précisé. Des obstacles ont été levés grâce au travail constructif de la Haute Assemblée. Ainsi, il est clairement affirmé dans le texte voté par le Sénat que l'objectif de la présente proposition de loi est de porter à 75 % du SMIC le minimum des pensions reversées aux retraités agricoles ; la précision est utile et répond à une demande légitime. Nos collègues, de plus, ont donné au régime la possibilité d'évoluer, en confiant au Conseil supérieur des prestations sociales agricoles - ce, de manière permanente - le soin d'évaluer sa montée en charge et d'étudier la possibilité d'extension aux conjoints et aux aides familiaux - que votre proposition de loi initiale oubliait. Cette précision allie sagesse et justice sociale ; nous y adhérons. Enfin, le Sénat, dans le souci de parvenir à un accord, a adopté une position équilibrée sur la question de la mensualisation. Nous avons conscience du coût qu'aurait la mensualisation des retraites agricoles, mais nous ne pouvons pas reporter indéfiniment la solution du problème. Les retraités agricoles sont les derniers en France à percevoir leur pension par trimestre, ce qui constitue pour les plus modestes d'entre eux une réelle source de difficultés. Avec un coût estimé à 1,4 milliard d'euros, la mensualisation est difficilement envisageable pour l'instant. Le Sénat a donc transigé : pour lancer le mouvement, les pensions versées au titre du régime complémentaire seront mensuelles. Parallèlement, pourriez-vous nous donner des précisions sur l'état d'avancement du rapport sur la mensualisation que le Gouvernement doit, aux termes de l'article 118 de la loi de finances pour 2002, déposer au plus tard le 1er avril ? Malgré des avancées significatives, ce texte comporte des imprécisions et des insuffisances. Il ne concerne notamment que les chefs d'exploitation qui ont cotisé 150 trimestres, soit seulement 622 000 sur 2 100 000 bénéficiaires de pensions en 1999. Par ailleurs, il nous faut des précisions sur la contribution de l'Etat. Le texte prévoyait qu'il ne participerait pas aux pensions de réversion des régimes complémentaires, et le Sénat a heureusement supprimé cette disposition. Mais nous restons inquiets car aucun engagement clair n'a été pris sur le montant du financement de l'Etat. En renvoyant le problème aux prochaines lois de finances, vous donnez encore une fois l'impression que vos mesures ne sont pas financées. Cette proposition n'est pas parfaite, mais elle adresse un message fort aux retraités. Le travail accompli a été important et des avancées significatives sont réalisées. Le RPR la votera donc, comme il l'avait fait en première lecture. M. Jean Dufour - Le fait que le problème des retraites occupe une des dernières séances de la législature montre bien qu'il s'agit d'un enjeu fondamental. Le groupe communiste en a fait une de ses préoccupations principales et nous regrettons toujours que notre proposition de loi sur les personnes ayant cotisé plus de 40 ans n'ait pas été retenue. Le texte d'aujourd'hui traduit une juste reconnaissance du travail de la profession agricole. Je voudrais remercier Félix Leyzour et René Dutin, qui se sont dépensés sans compter tout au long de la législature pour faire avancer le dossier. Un programme pluriannuel de revalorisation des retraites agricoles a été mis en _uvre par les cinq budgets de la législature. C'est important, mais cela ne pouvait suffire. Un régime de retraite complémentaire obligatoire et par répartition était indispensable pour mettre à niveau salariés et non-salariés, d'autant que les solutions de retraite complémentaire par capitalisation et de contrat d'assurance de groupe qui existaient n'étaient pas satisfaisantes. L'application du principe de solidarité entre les générations permet la prise en charge des exploitants déjà retraités qui n'ont pas eu l'opportunité de cotiser. L'inscription dans la loi du principe de la contribution publique était indispensable au regard de la situation démographique. Sans cela, les cotisants auraient eu à assumer une charge insupportable. Si la solidarité nationale doit jouer, la solidarité doit également exister au sein de la profession agricole, où tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. Comme l'a dit Félix Leyzour, l'efficacité politique, c'est de rendre possible le maximum du souhaitable. Or les plus faibles revenus seront soumis dans le nouveau dispositif à des cotisations très lourdes. Il faut que l'aide de l'Etat soit dégressive en fonction du revenu. Enfin, il faut souligner que le nouveau système ne bénéficie pas à l'ensemble des non-salariés agricoles et que ses deux mécanismes différents selon que le revenu est inférieur ou supérieur à un certain seuil créent des inégalités. Nous prenons acte du bien fondé de la démarche, qui veut aller vers une retraite complémentaire pour tous, mais il reste encore beaucoup à faire. Nous voterons cependant cette proposition de loi car elle permettra pour l'instant aux chefs d'exploitation d'accéder à une retraite plus digne, et parce que nous ne pratiquons pas la politique du tout ou rien. Il conviendra toutefois dès la prochaine loi de finances, d'élargir le champ des bénéficiaires. Il faut solliciter toutes les solidarités : celle de l'Etat, mais aussi celle de la profession et de toute la filière pour que demain le monde des agriculteurs ne soit plus un monde à part. M. Germain Gengenwin - Le moment est suffisamment important pour que je monte à la tribune, d'autant que j'ai quelques questions à poser au ministre, alors même que nous voterons ce texte, comme nous l'avons fait en première lecture. Ainsi que l'avait dit alors M. de Courson, « la mise en place d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles est aujourd'hui plus qu'une nécessité, c'est une obligation morale et politique ». La profession l'attend, l'équité sociale l'impose. Dans son état actuel, le régime de retraite des exploitants agricoles présente en effet deux imperfections majeures. La première est la faiblesse des pensions du régime de base, mis en place il y a 50 ans et qui repose sur des cotisations peu élevées s'appliquant à des revenus modestes. Certes, un effort important a été mené depuis 1997. Un retraité agricole bénéficie désormais d'une pension au moins égale au minimum vieillesse, soit 569 euros par mois, sous réserve d'une carrière complète. Mais vous conviendrez qu'au terme d'une vie entière de travail, c'est à peine suffisant. La deuxième imperfection réside dans le fait qu'il s'agit du seul régime, parmi ceux des professions indépendantes, qui ne dispose pas d'une véritable retraite complémentaire obligatoire. Il existe bien, depuis 1988, un régime de retraite complémentaire par capitalisation, mais il est facultatif et reste inaccessible aux agriculteurs les plus modestes. Remédiant à ces imperfections, le dispositif qui nous est proposé aujourd'hui porte le montant global de la pension, retraite complémentaire comprise, au minimum à 75 % du SMIC. Je salue nos collègues du Sénat qui ont introduit cette disposition. Le nouveau régime s'applique à tout chef d'exploitation en activité, mais aussi à quelque 500 000 agriculteurs déjà retraités qui bénéficieront de points gratuits pour les périodes travaillées. En cas de décès du chef d'exploitation, le conjoint survivant aura droit à une pension de réversion qui pourra être cumulée avec des avantages personnels. Le régime sera financé à la fois par le produit des cotisations et par une participation financière de l'Etat, dont les modalités seront fixées par la prochaine loi de finances. Le montant des cotisations devrait s'élever à 2,8 % du revenu agricole. Initialement prévue pour 2002, la réforme n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2003. Enfin, le Sénat a prévu que les pensions servies seraient payées mensuellement, ce qui est une mesure de bon sens. Cette réforme ne peut, dans son principe, que recueillir un accord unanime. La clôture de la session parlementaire nous impose de trouver un accord entre les deux assemblées pour l'appliquer au plus vite. Nous ne proposerons donc aucun amendement et voterons le texte tel qu'il nous revient du Sénat. M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Quelle sagesse ! M. Germain Gengenwin - Pour autant, nous ne vous accorderons pas un blanc-seing. La proposition de loi comporte des faiblesses et des incertitudes majeures et je voudrais des précisions. En premier lieu, êtes-vous prêt à étendre le bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire à l'ensemble des non-salariés ? Les conjoints collaborateurs et les aides familiaux sont exclus du dispositif. Par ailleurs, acceptez-vous d'étendre le nouveau régime aux personnes déjà veuves ? La proposition prévoit en effet un droit de réversion pour les futures veuves, qui perdront leur mari à partir du 1er janvier 2003, mais celles qui le perdront le 31 décembre 2002 n'auront droit à rien. La justice sociale exige une certaine rétroactivité de la loi ; c'est d'ailleurs par un effet rétroactif qu'elle va bénéficier aux personnes déjà retraitées. Etes-vous prêt, aussi, à mensualiser la retraite de base ? Le paiement trimestriel est dépassé et même archaïque. Pourquoi vous opposez-vous à la mensualisation, alors que vous l'acceptez pour la retraite complémentaire ? Enfin, pour ne pas être accusé de réformer à crédit, quelles garanties de financement donnerez-vous au nouveau régime ? Vous avez fait voter au Sénat un amendement visant à asseoir le financement du régime sur les cotisations des assurés et sur une participation de l'Etat. Mais vous n'avez pas fixé de plafond aux cotisations et vous n'avez pris aucun engagement précis à propos de la participation de l'Etat. Nous avons proposé de plafonner le montant des cotisations afin qu'elles ne pèsent pas trop lourdement sur le chef d'exploitation, dans le contexte actuel de baisse des revenus agricoles. Nous souhaitons en outre que la participation de l'Etat soit au moins égale au montant total des cotisations. Vous avez refusé nos propositions, qui permettaient pourtant de lever les lourdes hypothèques que vous faites peser sur le nouveau régime. Un engagement de votre part sur son équilibre financier est d'autant plus nécessaire que la démographie agricole se dégrade. Une participation de l'Etat ne reposant sur aucun paramètre précis, il sera facile de la réduire d'une année sur l'autre et de faire apparaître artificiellement un déficit qu'il appartiendra aux chefs d'exploitation de combler. C'est la pérennité du nouveau régime qui est en jeu. Nous souhaitons un vote conforme, mais nous n'en attendons pas moins des réponses claires à ces questions. Des réponses de ministre, et non de candidat ! (Sourires sur divers bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) M. Marcel Rogemont - Après Joseph Parrenin, je veux à mon tour rendre hommage à Germinal Peiro et aux nombreux collègues socialistes qui ont rejoint notre groupe de travail. La proposition que nous examinons est l'aboutissement de leurs efforts. Des engagements avaient été pris par le Gouvernement, mais vous savez qu'un des candidats à l'élection présidentielle considère que les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent. Mieux vaut donc s'en tenir aux faits : le Sénat parle, la droite parle, la gauche agit. N'oublions pas qu'en 1997, la retraite d'un chef d'exploitation s'élevait à 2 700 F. Au 1er janvier 2003, elle représentera l'équivalent de 4 207 F, soit 2 500 F de plus. C'est là un acte concret. M. Alain Marleix - La hausse n'a pas commencé avec vous. M. Marcel Rogemont - Peut-être, mais nous fait passer les retraites agricoles de 2 700 F à 4 207 F, grâce au groupe socialiste et à votre engagement, Monsieur le ministre, pour la campagne. Je veux dire pour ceux qui travaillent à la campagne (Sourires). Je vous en remercie. Nous avons visité ensemble une ferme à Mordelles et vous avez été interrogé sur la question des retraites agricoles. Cette proposition est importante. Je souhaite que chacun mesure le chemin parcouru et que nous soyons jugés sur des actes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Georges Colombier - Nous allons prendre une mesure que le monde agricole attend depuis de nombreuses années. Le régime d'assurance vieillesse des non-salariés agricoles est aujourd'hui inadapté, nous en convenons tous. Il faut le réformer, afin que les prestations perçues soient moins faibles et que les exploitants agricoles puissent profiter de leur retraite. Légèrement amendée au Sénat, dans un sens que nous jugeons positif, cette proposition nous revient, avec ses qualités et ses défauts. Elle s'inscrit dans le processus de réforme de la retraite agricole mené par les gouvernements successifs, qui ont tous apporté leur pierre à l'édifice. Le dispositif proposé est un système par répartition, garantissant un minimum de prestations identique à tous les exploitants agricoles et nous nous en félicitons. L'objectif est de mettre les exploitants agricoles sur un pied d'égalité avec les salariés en leur permettant de compléter le montant de la retraite actuelle pour atteindre 75 % du SMIC net pour une carrière complète. Cette proposition est le fruit d'une concertation entre les parlementaires et les organisations agricoles, dont les conseils judicieux ont grandement facilité le travail des députés. Elles n'ont pas cherché à faire de la surenchère, ce qui leur a permis de voir la plupart de leurs revendications aboutir. Le caractère consensuel de ce projet va donc permettre de dépasser certains clivages de façon à l'adopter in extremis, malgré des lacunes importantes. Mon groupe et moi-même avions regretté, lors de la discussion du BAPSA, que le Gouvernement ne prévoie aucune participation financière de l'Etat, alors qu'il devait bien se douter que cette proposition allait être étudiée. Les services du ministère de l'agriculture l'ont toujours admis, un tel régime ne peut s'équilibrer sans cet apport, les agriculteurs n'ayant jamais cotisé afin d'obtenir une retraite complémentaire obligatoire. Ce financement doit représenter l'équivalent du montant des cotisations appelées, afin que les retraités qui toucheront le minimum vieillesse en 2002 ainsi que les exploitants agricoles aux revenus les plus faibles puissent percevoir les 75 % du SMIC. Les agriculteurs ne sauraient s'engager seuls dans une démarche volontaire pour améliorer leur régime social, en acceptant une charge supplémentaire importante : environ 2,5 % de leurs revenus professionnels. L'oubli d'un financement initial au titre de la solidarité nationale est fâcheux, mais le Gouvernement a pris la mauvaise habitude de ne pas financer ses projets. L'Etat devra assumer ses responsabilités et s'engager dans une programmation budgétaire pluriannuelle. Par ailleurs, il faut absolument limiter l'augmentation des charges sur les exploitations. L'un des moyens envisagés serait d'intégrer le régime de retraite complémentaire au BAPSA. Il serait souhaitable que le niveau des cotisations prélevées reste en adéquation avec la capacité contributive des agriculteurs. Ceux-ci figurant souvent parmi les revenus les plus modestes, le taux de charge supplémentaire ne devra pas dépasser 2,5 %. Encore faut-il que les exploitants n'enregistrent pas de trop importantes pertes de pouvoir d'achat. Le texte montre sur ce point ses limites, puisque c'est un décret qui fixera la valeur du point. Afin de garantir la liberté de choix des agriculteurs, il est nécessaire de maintenir un certain équilibre entre la retraite de base, le régime complémentaire obligatoire et les régimes complémentaires par capitalisation. La charge de ce régime serait trop importante si elle devait servir des droits sans limitation de cotisation. Il faudrait aussi réfléchir à la nature même de l'organisation du travail au sein d'une exploitation agricole et particulièrement au rôle du conjoint, qui participe autant aux tâches quotidiennes que le chef d'exploitation. Cette notion de chef d'exploitation est d'ailleurs très relative dans un couple d'agriculteurs : si le titre incombe le plus souvent au mari, l'épouse effectue souvent une grande partie des travaux dévolus en principe au gestionnaire de l'exploitation. Tous les régimes de retraite complémentaire obligatoire ont d'ailleurs institué un droit de réversion au profit du conjoint survivant. Il n'en est rien dans le cas des agriculteurs, victimes d'une véritable discrimination sociale. Il serait intéressant de réfléchir au sort des épouses, devenues chef d'exploitation pour une courte durée lors du départ en retraite de leur mari et de les faire bénéficier de la retraite complémentaire obligatoire. Le système proposé ici est particulièrement inique, puisque la pension de réversion obtenue par le conjoint survivant est subordonnée à la liquidation de la pension d'origine : si l'exploitant décède après 36 années de cotisations, juste avant d'avoir liquidé sa pension, sa veuve ne touchera aucune prestation du régime de retraite complémentaire. Ce texte a été adopté par le Sénat malgré ses nombreuses lacunes. Nous le voterons aussi, en félicitant la Haute assemblée pour les améliorations qu'elle lui a apportées, notamment, en confiant au Conseil supérieur des prestations sociales agricoles le soin de faire évoluer le régime et d'étudier son extension aux conjoints et aux aides familiaux. Le groupe Démocratie libérale et indépendants, souhaite que soit adoptée cette avancée majeure très attendue des agriculteurs, malgré ses lacunes. Nous ne manquerons pas, le moment venu, de contribuer à améliorer le texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). La discussion générale est close. M. le Ministre - Je voudrais d'abord remercier le rapporteur, Germinal Peiro, pour son travail sérieux et enthousiaste (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Si nous voulons tenir nos engagements à l'égard des organisations agricoles, unanimes à souhaiter l'adoption de ce texte avant la fin de la législature, il faut être raisonnables et le voter tel que le Sénat l'a rédigé, d'autant qu'il l'a plutôt amélioré. M. Gengenwin m'a interrogé sur la participation de l'Etat et sur les cotisations. La règle de base, c'est que la participation de l'Etat sera définie chaque année par un article de la loi de finances ; c'est donc le Parlement qui en décidera. Quant aux cotisations, on ne peut pas proposer l'extension du régime complémentaire à d'autres catégories sans reconnaître que cela aurait des répercussions insupportables sur le niveau des cotisations des actifs. Le texte est équilibré et représente déjà un progrès social considérable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Mme la Présidente - En application de l'article 91-9 du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique. Mme Monique Denise - Ce texte de fin de législature n'est pas, et de loin, une réforme anecdotique. L'agriculture était l'un des derniers secteurs à ne pas bénéficier de régime de retraite complémentaire : les artisans, les professions libérales en ont un depuis plusieurs décennies. L'initiative de Germinal Peiro, qui met la couverture sociale des agriculteurs à parité avec celle des autres catégories, n'est donc que justice. Le régime fonctionnera par répartition et s'appliquera donc, même sans cotisation préalable, dès 2003. Certains ont dit que cette réforme oubliait les femmes, mais cette critique me paraît injuste : dès la première lecture, un amendement du groupe socialiste a créé une part de réversion de la pension complémentaire et le Sénat en a fixé le taux à 54 %. Ce qui est exact, c'est que la capacité des femmes conjointes ou collaboratrices d'exploitants à se constituer des droits propres reste à construire. Ce sera l'objet d'une étape ultérieure. Dans l'immédiat, pour ne pas asphyxier les actifs, seuls cotisants, la sagesse commande de s'en tenir là. Je voudrais situer cette réforme dans l'action menée par notre majorité, au cours de ces cinq années, en faveur des retraités agricoles. Dès 1997 le Gouvernement arrêtait un plan pluriannuel de revalorisation des retraites les plus faibles. Il a été scrupuleusement appliqué et 4,5 milliards d'euros y ont été investis. Notre message en direction des agriculteurs est donc très simple : « engagements tenus ! ». Le minimum vieillesse est garanti à tout exploitant ayant une carrière complète et son montant a été porté à 75 % du SMIC grâce à la retraite complémentaire. Monsieur le ministre, la période 1997-2002 aura été marquée par de grandes avancées sociales pour les agriculteurs, qu'il s'agisse des retraites ou des accidents du travail, et ce n'est pas un hasard : ces réformes portent votre signature et la nôtre. Nous la voterons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). L'article premier, mis aux voix, est adopté. Les articles 2, 3 et 4 bis, successivement mis aux voix, sont adoptés. L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté. M. le Ministre - Je voudrais dire ma profonde satisfaction après ce vote et vous adresser mes remerciements chaleureux. Nous avons fait pendant cinq ans un travail très positif dans le domaine des droits sociaux des agriculteurs : avec le plan pluriannuel de revalorisation des retraite, plus de 28 milliards de francs auront été engagés au profit des retraités les plus démunis. Le régime complémentaire va marquer un net progrès. La réforme des accidents du travail et des maladies professionnelles a créé un nouveau régime de protection. C'est à l'honneur de cette majorité que d'avoir fait progresser les droits sociaux des agriculteurs pendant cinq ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus. M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Votre assemblée a définitivement adopté le projet relatif à la sécurité des infrastructures et des systèmes de transport le 29 novembre dernier. Ce texte, qui a été promulgué, dès le 3 janvier dernier, modifie l'article 118-4 du code de la route, en autorisant l'extension juridique de la compétence territoriale des agents et officiers de police judiciaire. Pour que cette mesure prenne son effet, la loi impose qu'une convention internationale soit conclue et ratifiée entre les deux Etats concernés. Cette convention, la première de ce type, a été signée avec l'Italie, tant il est important de contrôler la circulation dans les tunnels franco-italiens. Annexé au présent projet, cet accord a été conclu sous forme d'un échange de lettres, signées par les ministres des affaires étrangères français et italien les 4 et 6 octobre dernier. Ce texte, adopté à l'unanimité par le Sénat, tend à autoriser les agents des forces de l'ordre de chaque Etat à intercepter et verbaliser, à la sortie des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, les contrevenants aux règles de la circulation dans la partie du tunnel située sur le territoire de l'autre Etat. Le dispositif proposé permet de réprimer les comportements dangereux en tout point de l'ouvrage, la parfaite cohérence de la chaîne de contrôles et de sanctions rendant le dispositif très dissuasif. Nous avons pour ambition, depuis juin 1997, de développer l'alternative ferroviaire, pour sortir de la politique déraisonnable du « tout-routier », pas seulement pour les massifs montagneux, mais pour l'ensemble du pays et même de l'Union européenne. Notre politique ferroviaire n'a maintenant plus rien de commun avec la précédente. Nous sommes résolus à tirer parti des atouts que présente le rail, parfaitement adapté aux moyennes et longues distances, économe en espace et en énergie, respectueux de l'environnement et particulièrement sûr. Cette politique s'est traduite dans les contrats de plan Etats-régions pour 2000-2006 par une multiplication par huit des montants des précédents contrats. La fluidité des trafics de fret comme de voyageurs devrait s'en trouver nettement améliorée. La SNCF a également été autorisée à acquérir 604 locomotives dédiées au fret, qui commencent à lui être livrées. C'est dans ce cadre général que nous avons défini une politique de franchissement des Alpes, reposant sur la complémentarité entre les différents modes de transports, routier, ferroviaire et aussi maritime. Vendredi dernier, à Livourne, j'ai installé avec mes collègues italien et espagnol le groupe de travail tri-national sur le cabotage maritime pour que davantage de marchandises contournent ainsi les Alpes, et aussi les Pyrénées. Nous travaillons également à mieux utiliser la ligne ferroviaire historique de la Maurienne, qui nécessitera de porter tous les tunnels au gabarit B+. Une navette spécialement conçue par la société Modalhor recevra son homologation le mois prochain, pour que le service puisse être lancé dès la fin de l'année. Nous voyons plus grand et plus loin, avec la réalisation à l'horizon 2012 d'un tunnel de 52 km destiné à relier Lyon et Turin par TGV, et qui sera aussi ouvert au fret. Vous le voyez, la politique de transports dans les Alpes est globale : elle tend à mieux réguler les flux et à garantir la plus grande sécurité possible aux usagers. C'est dans cet esprit que nous avons abordé la réouverture du tunnel du Mont-Blanc et l'exploitation du tunnel du Fréjus. Après le dramatique accident du 24 mars 1999, j'ai pris, avec mon collègue transalpin, l'engagement que cette réouverture n'aurait lieu que dans des conditions de très haute sécurité, dont la régulation est partie intégrante. En effet, il est illusoire de penser réduire les flux économiques, et donc de transport, entre la France et l'Italie. En outre, il est inacceptable que la vallée de la Maurienne, peuplée de près de 250 000 habitants... M. Michel Bouvard - Non, 40 000 seulement, sauf si vous comptez Chambéry. M. le Ministre - Moi, je n'oublie personne ! Il est donc inacceptable que cette population supporte seule la quasi-totalité du trafic routier de Chambéry au tunnel du Fréjus. Rouvrir le tunnel du Mont-Blanc avec un objectif de très haute sécurité nécessite de nouvelles structures, un nouveau dispositif technique, un nouveau règlement de circulation. Aussi, un comité de sécurité franco-italien a-t-il été placé auprès de la commission intergouvernementale de contrôle du tunnel. Il aura notamment à constater l'achèvement des travaux de sécurité, et à valider le dernier exercice à organiser dans le tunnel à l'issue du traitement des fissures apparues dans la voûte. Au préalable, le comité de sécurité a défini une organisation générale telle qu'au moins 14 personnes assureront jusqu'au milieu de la nuit les secours permanents. C'est plus que dans tous les autres tunnels routiers français, voire européens. Nous avons aussi choisi de faire appel aux services publics départementaux de pompiers plutôt qu'à des sociétés privées. L'unité de gendarmerie du tunnel du Mont-Blanc a été renforcée, pour atteindre un effectif total de 48 personnes. Par ailleurs, les sociétés concessionnaires ont mis en place, le 31 mars 2000, une structure unique et commune d'exploitation du tunnel sous la forme d'un groupement européen d'intérêt économique, reconnu par les deux Etats par un échange de lettres diplomatiques le 14 avril 2000. Les deux gouvernements ont aussi souhaité que les travaux de remise en état du tunnel soient conduits de manière à assurer leur unicité. Ils ont donc donné délégation à la CIG pour approuver l'exécution par les sociétés concessionnaires des travaux de réparation et d'équipement du tunnel. Pour les mêmes raisons, le tunnel du Mont-Blanc a été soumis aux prescriptions techniques de la nouvelle circulaire du 25 août 2000, relative à la sécurité des tunnels routiers, qui reprend sur de nombreux points les conclusions du rapport de M. Christian Kert. Enfin, un nouveau règlement de circulation a été approuvé par un échange de lettres diplomatiques avec mon collègue transalpin signées les 17 et 24 janvier 2002, et publiées le 16 février par le Président de la République. Ce règlement de circulation porte également sur la mise en place d'une alternance de la circulation des véhicules lourds, définie conjointement avec mon collègue italien à Livourne. Parce que les conditions de la réouverture du tunnel sont partie intégrante de la sécurité, cette réouverture sera progressive, avec d'abord une circulation des véhicules légers, puis celle des poids lourds en alternat. Ce règlement impose aussi une distance de sécurité entre les véhicules de 150 mètres en marche et de 100 mètres à l'arrêt, ainsi qu'une vitesse de 70 km/heure maximum. L'accès des véhicules transportant des marchandises dangereuses sera interdit. Enfin, l'emport de carburant par l'ensemble routier sera limité à 1 500 litres. Voilà l'architecture d'ensemble du dispositif de sécurité et de régulation retenu, que l'accord conclu les 4 et 6 octobre derniers annexé au présent projet tend à rendre effectif par des contrôles plus dissuasifs, comme je l'ai dit en commençant. Cet accord intéresse également le tunnel du Fréjus, où les mêmes règles de circulation ont été imposées depuis 1999. Des dispositifs complémentaires de sécurité sont en cours d'installation. Des mesures d'alternat seront appliquées dès que les travaux les rendront nécessaires, et les patrouilles de sécurité seront renforcées. Enfin, les poids lourds les plus polluants y seront interdits six mois après la réouverture du tunnel du Mont-Blanc. La ratification de cet accord est donc très importante pour garantir une sécurité optimale dans les deux tunnels. Les forces de l'ordre doivent pouvoir verbaliser les contrevenants qui mettraient en danger leur vie et celle des autres quel que soit le lieu où l'infraction a été commise à l'intérieur de l'ouvrage. Ces dispositions prendront vite un caractère dissuasif. Tel est l'objet de l'accord franco-italien proposé à votre ratification (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Marc Reymann, rapporteur de la commission des affaires étrangères- Les accidents du tunnel du Mont-Blanc en mars 1999 et du Saint-Gothard en octobre 2001 ont rappelé que ce type d'infrastructure est dangereux. Reste que les tunnels alpins sont des axes majeurs de communication entre la France et l'Italie. Aussi les deux gouvernements ont-ils entrepris d'accroître la sécurité dans des tunnels alpins, en particulier par l'accord signé les 4 et 6 octobre 2001 et relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus. Le tunnel du Mont-Blanc, mis en service en 1965, était considéré comme sûr jusqu'à ce que l'accident du 24 mars 1999 révèle une absence de rigueur dans les mesures de sécurité : inadaptation des consignes de sécurité, insuffisante coordination des deux sociétés exploitantes, inexistence d'une galerie de sécurité... Ces défauts sont totalement inacceptables s'agissant d'un tunnel creusé à plus de 1 000 mètres d'altitude. L'accident du 24 mars 1999, qui a fait 39 morts, s'explique certes par un enchaînement de circonstances, mais non par la seule fatalité. D'où la fermeture durable du tunnel pour effectuer les réparations rendues nécessaires par l'incendie, mais surtout pour améliorer substantiellement les mesures de sécurité. Autre conséquence de l'accident : la plus grande partie des flux transitant autrefois par ce tunnel a été détournée vers celui de Fréjus, emprunté aujourd'hui par deux fois plus de camions qu'en mars 1999. Il en résulte des problèmes de sécurité, ainsi qu'une augmentation des nuisances pour l'environnement. La réouverture du tunnel du Mont-Blanc a donc rapidement semblé indispensable. Bien évidemment, elle impliquait une amélioration considérable des mesures de sécurité et la France et l'Italie se sont donc employées à rénover la gestion du tunnel, sur la base des rapports d'expertise élaborés après la catastrophe. Les deux sociétés concessionnaires ont créé un groupement européen d'intérêt économique, chargé seul de l'exploitation du tunnel, et un comité de sécurité indépendant a été institué. D'autre part, on a mis en place trois postes d'intervention rapide contre le feu, aménagé 37 abris, au lieu de 15, tous reliés à une galerie d'évacuation et installé de très nombreux équipements - ventilateurs, bouches d'incendie, caméras, détecteurs de fumée... En troisième lieu, un nouveau règlement de sécurité, appliqué dès 1999 dans le tunnel de Fréjus, a été adopté. Il prévoit une limitation des vitesses à 70 km/h dans le tunnel et impose une distance de sécurité de 150 mètres entre les véhicules en marche et de 100 mètres à l'arrêt. Des radars et caméras ont été installés afin de s'assurer du respect de ces nouvelles règles. Enfin, des mesures ont été prises pour limiter le nombre de camions qui emprunteront le tunnel du Mont-Blanc. Six mois après la réouverture, - mais pourquoi un tel délai, Monsieur le ministre ? -, celui-ci sera interdit aux poids lourds les plus polluants. Par ailleurs, après l'accident du tunnel du Saint-Gothard, il est apparu indispensable de supprimer les risques de collision entre poids lourds en organisant leur circulation alternée. Resteraient à lever les incertitudes subsistant sur les modalités à mettre en _uvre, ainsi que sur les conditions de stationnement des camions qui attendront d'emprunter le tunnel. Les deux tunnels étant des tunnels transfrontaliers, le régime de constatation et de répression des infractions au code de la route dépend du lieu où l'infraction a été commise : en territoire français ou en territoire italien. Mais, pour d'évidentes raisons de sécurité, il n'est pas possible d'arrêter les véhicules sur le lieu de l'infraction et il faut donc constater celle-ci à la sortie du tunnel. En conséquence, il avait été prévu que la police de la circulation serait assurée par des patrouilles mixtes. Cependant, les stipulations des conventions n'étaient pas suffisamment précises de sorte que, dans le sens France-Italie, seules les infractions commises dans la moitié italienne des tunnels pouvaient être constatées à la sortie italienne, et que, dans le sens Italie-France, les infractions commises sur ce même territoire italien ne pouvaient donner lieu à sanction, les carabiniers n'étant pas autorisés à verbaliser à la sortie française. Un contrôle effectif nécessite donc d'autoriser les forces de l'ordre à constaterdes infractions commises sur le territoire de leur propre pays, mais à la sortie du tunnel se trouvant sur le territoire de l'autre. En ce qui concerne la France, la loi du 3 janvier 2002 relative à la sécurité des infrastructures autorise l'extension juridique de la compétence territoriale des agents et officiers de police judiciaire hors du territoire national, à condition que cela soit prévu par un accord international tel que celui-ci. Bien évidemment, le respect effectif de ces règles de sécurité dépendra des moyens consacrés à la surveillance du trafic et à la répression des infractions. Je constate que l'effectif des groupements de gendarmerie de Savoie et de Haute-Savoie a été accru de 45 personnes. Mais des dispositifs spéciaux tels que des radars sont aussi nécessaires. Ils ont été mis en place dans le tunnel du Mont-Blanc, mais est-ce le cas pour celui du Fréjus ? Les travaux indispensables ont-ils été programmés ? L'approbation du présent accord est urgente. En effet, si la réouverture du tunnel du Mont-Blanc est une nécessité, elle ne peut intervenir qu'une fois réunies toutes les conditions de sécurité. Pourtant, si des fissures n'avaient pas été découvertes le 3 février dernier dans la voûte du tunnel, elle aurait eu lieu avant l'entrée en vigueur de cet accord. Pour assurer un respect effectif de la réglementation routière dans les tunnels alpins, la commission des affaires étrangères a adopté le présent projet. M. Alain Moyne-Bressand - L'accident survenu au Mont-Blanc en 1999, causant la mort de 39 personnes, a relancé le débat sur la sécurité dans les tunnels et obligé les pouvoirs publics à réévaluer l'ensemble du dispositif existant. Les mesures proposées se révèlent positives, qu'il s'agisse de la modernisation du dispositif technique, de la nouvelle réglementation en matière de vitesse et de distances de sécurité, du recours à des radars couplés avec des caméras vidéo numériques, ou de la possibilité donnée aux agents français et italiens d'intercepter et de verbaliser tout contrevenant même si celui-ci se trouve sur le territoire de l'autre Etat. Cependant, la mise en _uvre de ces mesures exige des effectifs supplémentaires. La gendarmerie estime avoir besoin de vingt gendarmes par tunnel. Un premier renforcement est certes intervenu au 1er juillet 2001, mais il a obligé la gendarmerie à des redéploiements et douze hommes supplémentaires seraient nécessaires pour chaque tunnel. Les moyens indispensables seront-ils débloqués et la contribution viendra-t-elle de l'Etat ou de la société concessionnaire ? Par ailleurs, le renforcement de la surveillance se soldera sans doute par une augmentation du nombre des procès-verbaux et du volume des contentieux, lesquels risquent de se révéler complexes dans la mesure où beaucoup de conducteurs seront de nationalité étrangère. Des dispositions spécifiques ont-elles été prévues ? Cette fin de législature incitant au bilan, je dresserai pour finir celui de votre politique du transport en général. Il apparaît bien modeste. Votre Gouvernement a été paralysé par ses propres composantes, beaucoup trop plurielles. D'où une série de mesures sans aucune réflexion d'envergure sur la place respective de la route, du rail et des voies navigables. De nombreux projets ont été abandonnés ou repoussés ; c'est notamment le cas du canal Rhin-Rhône qui aurait pourtant soulagé le transport par route et par rail. M. Germain Gengenwin - Très bien ! M. le Ministre - Nous faisons le Rhin-Rhône ferroviaire. M. Alain Moyne-Bressand - Mais vous n'avez pas mené la réflexion globale, ce qui vous a conduits à tout concentrer sur le rail. Dans les pays d'Europe du Nord, les .canaux jouent un rôle important. Nous sommes très en retard de ce point de vue. On peut encore citer l'échec du projet SNCF Cap-client, le retard apporté à la réalisation de la liaison Lyon-Turin ou encore le peu d'avancées concrètes en matière de ferroutage. Tout cela conduit à l'asphyxie complète de la région Rhône-Alpes, par exemple. M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères - Vous-mêmes n'aviez rien fait ! M. Alain Moyne-Bressand - Mais c'était une autre époque ! (Sourires) Vous avez été au Gouvernement pendant seize ans, ne renvoyez pas aux autres ce qui était de votre responsabilité. Cet immobilisme risque de se révéler d'autant plus préjudiciable que l'élargissement de l'Union européenne est imminent et que le Livre blanc de la Commission « Mobilité 2010 : l'heure des choix », prévoit une véritable explosion des échanges. Point de passage obligé pour les grandes liaisons de transport, la France aurait dû jouer un rôle majeur dans la réflexion menée au niveau communautaire. Pour cette raison, tout en votant le projet d'approbation, le groupe Démocratie libérale ne peut qu'être très critique sur le bilan de votre gouvernement en matière de transport (« Très bien ! » sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF). M. Germain Gengenwin - M. Christian Kert, que je remplace ce matin, regrette vivement de ne pas pouvoir être là. Ce texte n'est pas révolutionnaire, mais il s'impose, d'abord parce qu'il fallait harmoniser le droit afin de pouvoir intercepter et verbaliser un véhicule sur une partie du territoire alors que l'infraction a été commise sur une autre partie du tunnel binational. Il était nécessaire que le Gouvernement clarifie sa position sur ce point juridique original. Ces dispositions, en outre, témoignent de la volonté de sanctionner les contraventions avec efficacité et réalisme. Comment penser que sans l'autorisation d'extraterritorialité, la patrouille nationale se trouverait nécessairement au bon endroit, c'est-à-dire du bon côté, au moment où se commet l'infraction ? Cette loi complète le dispositif que vous avez imposé dans votre récente loi sur la mise en sécurité des structures de transport français, dispositif qui confirmait les recommandations du rapport parlementaire sur le sujet. Le renforcement de la répression des infractions spécifiques à la conduite en tunnel est positif - je pense, par exemple, au non-respect des distances de sécurité, des signalisations particulières aux milieux confinés, aux excès de vitesse. Toutefois, ces dispositions sont réservées aux tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus. Or, le rapport parlementaire sur la mise en sécurité des tunnels français pointait du doigt un autre tunnel franco-italien, de trop petite dimension - le tunnel de Tende : monotube, long de 3 186 mètres, dont 1 487 en France, et construit en 1882 ! 3 600 véhicules y passent quotidiennement, 9 000 en saison estivale. Dire qu'il n'est pas aux normes relève de la plaisanterie : il est étroit - alternance de circulation dans des conditions précaires, dont un mauvais éclairage -, et ne dispose pas d'un PC de surveillance. La moindre infraction peut donc prendre des allures de catastrophe. Que faire pour ce type de tunnel ? Avez-vous un projet de restructuration ? En ce qui concerne, enfin, la qualification des infractions relevées, les équipes mixtes auront-elles autorité pour contrôler les changements sur l'une ou l'autre des parties du territoire ? Nous savons bien, depuis les accidents du Mont-Blanc et du Saint-Bernard, que certaines cargaisons sont dangereuses en milieu confiné. À cet égard, Monsieur le ministre, peut-être serait-il nécessaire de compléter la liste des matières dangereuses. Par exemple, l'incendie d'un poids lourd chargé de margarine, à l'air libre, sur le bord d'une autoroute, peut être très vite éteint ; on sait quelles conséquences il peut avoir s'il a lieu dans un tunnel. Veillerons-nous bien, d'autre part, au bilinguisme des personnels qui travaillent dans les tunnels bi-nationaux ? Au tunnel du Mont-Blanc, on s'est rendu compte tardivement que des personnels français ne parlaient pas italien, et inversement : c'est inacceptable. Nous nous apprêtons à voter ce texte, qui en réalité complète des dispositions déjà prises. Un conducteur, désormais, sait qu'un tunnel constitue un passage à risque : il peut se faire verbaliser dans des conditions d'extra-territorialité. Il doit être aussi rassuré sur les conditions de traversée d'un tunnel - sécurité des installations, accessibilité des issues de secours, permanence d'un dispositif d'intervention en hommes et en matériel. Certes, beaucoup a été fait en ce sens, dans les deux tunnels concernés. L'effort sera-t-il pérenne ? Et que faites-vous de la vingtaine d'autres tunnels de grande longueur, en France, dont tous les rapports ont montré qu'ils étaient obsolètes ? Une fois encore, nous croisons là sur notre route le vieux débat entre la nécessité de sanctionner et l'indispensable nécessité de prévenir les risques. Vous pourriez penser que nous nous éloignons de votre texte. Pourtant, nous touchons au c_ur des préoccupations qui en ont dicté l'élaboration. Mme Odile Saugues - Vous savez à quel point l'examen de ce projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l'Italie et relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus me tient à c_ur. Au nom de la commission de la production et des échanges, j'ai en effet été ramenée à travailler durant cette législature sur la sécurité des infrastructures et des modes de transports. Le projet de loi que vous nous présentez est d'ailleurs une conséquence directe de la loi du 3 janvier 2002. Nos débats avaient été particulièrement fructueux, à tel point que nous avions apporté à ce texte un soutien unanime ; Sénat et Assemblée nationale étaient rapidement parvenus à un accord pour renforcer les sanctions face à des infractions particulièrement graves - comme le non-respect des distances de sécurité dans les tunnels pour l'ensemble des véhicules par exemple. Je sais que cette exigence de sécurité est largement partagée par le Gouvernement. Je rappelle qu'à la suite de l'accident du tunnel du Mont-Blanc, le ministre des transports avait souhaité mieux connaître l'état d'entretien des tunnels français. Après expertise, des enseignements importants ont été tirés par les pouvoirs publics, en particulier au travers de la circulaire interministérielle du 25 août 2000. Des exercices de sécurité sont devenus obligatoires une fois par an dans tous les tunnels de plus de 1 000 mètres ; le comité d'évaluation doit désormais être saisi de toute décision modifiant profondément les conditions d'exploitation d'un tunnel. Ces mesures étaient indispensables au regard des drames que nous avons connus, mais aussi à la lumière du rapport de la Cour des comptes de l'an 2000, lequel soulignait que les dépenses nécessaires à l'entretien de notre réseau routier étaient largement sous-évaluées, que la gestion des tunnels posait de réelles difficultés aux services déconcentrés et que la politique d'entretien des ouvrages d'art ne semblait pas à la hauteur des enjeux. La nécessaire réponse devait s'inscrire dans la durée et rappeler que la sécurité, pour relever du domaine de l'Etat, n'en concerne pas moins chacun d'entre nous. En signant, les 4 et 6 octobre 2001, n accord relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, les gouvernements français et italien se donnent ainsi les moyens de renforcer les contrôles et les mesures de répression des infractions, de mieux protéger la sécurité des personnes, des biens et de l'environnement alpin. Désormais, les agents de chacun des deux Etats seront autorisés à intercepter et à verbaliser les contrevenants ayant commis des infractions aux règles de la circulation dans la partie du tunnel située sur le territoire de l'un ou de l'autre Etat. Cette extension juridique constitue un indispensable préalable à la réouverture du tunnel du Mont-Blanc à la circulation des voitures puis des poids lourds. D'autres décisions ont été prises pour obtenir un degré optimal de sécurité : renforcement des dispositifs de lutte contre les incendies, installation d'une surveillance électronique, aménagement d'abris reliés à une galerie d'évacuation vers l'extérieur, limitation de vitesse à 70 km/h et définition des distances de sécurité entre les véhicules en marche - 150 mètres - et à l'arrêt - 100 mètres. Vous savez, Monsieur le ministre, combien je suis attachée à l'émergence d'une démocratie participative dans le domaine des transports. Les réunions qui ont été organisées et surtout l'instauration d'un comité de contrôle de la sécurité, de la régulation et de l'environnement des tunnels du Fréjus et du Mont-Blanc qui réunit les élus, les associations et les professionnels, ont rendu plus transparente la gestion des ouvrages. Il conviendrait de généraliser ces manifestations d'ouverture et de dialogue - malgré les réticences de certaines administrations - plutôt que d'organiser des référendums tout aussi médiatiques que discutables. M. Michel Bouvard - Très bien ! Très bien ! Mme Odile Saugues - Ils dressent des habitants les uns contre les autres et favorisent l'expression de tous les égoïsmes locaux quand l'enjeu national, voire international, d'une telle question n'échappe à personne. Néanmoins, j'avoue, Monsieur le ministre, que l'idée d'une régulation alternée de la circulation des poids lourds me paraît complexe à mettre en _uvre. J'espère que nos débats vous permettront d'éclairer la représentation nationale sur les modalités de son application. Par ailleurs, nos efforts pour sécuriser le tunnel du Mont-Blanc ne doivent pas nous faire oublier les causes véritables et structurelles de la catastrophe du 24 mars 1999. Il est, en effet, absolument nécessaire de développer le fret ferroviaire. Depuis 1997, le Gouvernement s'y emploie, les budgets que nous avons adoptés sont importants, mais nous sommes conscients de la lourdeur de la tâche. Ce n'est pas en cinq ans que l'on peut rééquilibrer les modes de transports ; une amplification de cette politique sera nécessaire. Il conviendra également de mieux consulter, écouter, dédommager les populations riveraines d'infrastructures. Enfin, je n'oublie pas que, quelques mois après mon élection en 1997, j'ai été amenée à suivre de près les débats parlementaires sur le projet de loi relatif à l'amélioration des conditions de travail des chauffeurs routiers. Cinq ans plus tard, nous sommes confrontés à un texte qui, dans sa dimension européenne, est en correspondance avec celui de 1997. C'est en effet à l'échelle européenne que la lutte contre le dumping social dans les transports routiers doit être menée, sans merci. Ce secteur, vital pour notre économie, a souffert considérablement du vent libéral qui souffle en Europe. M. le Ministre - Absolument ! Mme Odile Saugues - Je tiens d'autant plus à me féliciter de l'adoption, par le Parlement européen, du règlement qui instaure une attestation de conducteur : cette décision permettra de mettre un terme aux scandaleuses distorsions de concurrence qui bénéficient notamment aux pays de l'Est. Quelques heures avant la fin des travaux parlementaires, je voudrais saluer les efforts que le Premier ministre et vous-même, Monsieur le ministre, avez accomplis, en particulier durant la présidence française de l'Union européenne, pour faire progresser le dossier des transports. Le progrès économique n'est rien sans progrès social et la course effrénée au profit peut être à l'origine de drames qui, au-delà de l'émotion, doivent nous conduire à réfléchir sur l'évolution de nos sociétés. Je suis convaincue que cet élan de justice sociale ne sera pas brisé. Nous savons tous les dégâts irréparables que cause l'ultra libéralisme dans les transports. Le groupe socialiste votera, bien sûr, ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Michel Bouvard - Ce sujet méritait bien un débat, et je remercie la commission des affaires étrangères de n'avoir pas choisi une procédure simplifiée. Je suis sans doute le seul ici à être administrateur d'un des deux tunnels en question, celui du Fréjus. Afin qu'il n'y ait pas d'équivoque, je voudrais rappeler que dans ce tunnel, les exercices de sécurité ont bien lieu tous les ans, les équipes de gestion sont franco-italiennes, qu'un GEIE a été mis en place dès l'origine et que les travaux de sécurité ont été faits au fur et à mesure. Les responsables de la sécurité du tunnel et notamment son président, Pierre Dumas, doivent recevoir pour cela l'hommage qu'ils méritent. Le texte que vous nous présentez améliore la sécurité. Nous le voterons donc, comme vous aviez adopté nos amendements au texte relatif à la sécurité dans les transports. Il s'agissait notamment du transport des matières dangereuses, qui représente 10 % du trafic de transit dans les tunnels alpins. Pour être effectif, ce texte aura besoin de moyens : Alain Moyne-Bressand et Germain Gengenwin, dont je tiens à saluer le travail qu'il aura accompli au long de ses années parlementaires, en ont parlé. Il suppose également des moyens de douane supplémentaire. S'agissant des matières dangereuses, elle est en effet la seule à disposer d'un pouvoir d'investigation et à pouvoir faire ouvrir les camions. Le débat sur le transport ferroviaire qui a eu lieu la semaine dernière soulève le consensus. Il faut désormais financer rapidement la première partie des infrastructures : la prolongation de la ligne voyageurs entre Lyon St-Exupéry et Chambéry et la réalisation du tunnel fret sous Chartreuse. La réflexion progresse, les collectivités locales ont été contactées et nous souhaitons parvenir à un accord de financement juste et équilibré. À ce sujet, l'Union européenne a accepté de porter sa participation aux grands projets d'infrastructures de transport de 10 à 20 %. Peut-être la France pourrait-elle proposer que le taux de cette participation soit différencié en fonction des difficultés du projet. Certains, qui sont plus coûteux et moins rentables, dans les régions les plus accidentées, mériteraient d'être davantage aidés que les autres. En ce qui concerne l'exploitation des deux tunnels, nous souhaitons tous arriver à une solution ferroviaire, mais qui ne sera de toute façon pas applicable avant 2006, date de l'achèvement des travaux du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis, et en espérant que l'expérience d'autoroute ferroviaire ait porté ses fruits. Il y a donc une période transitoire à gérer. Avant la catastrophe du Mont-Blanc, le trafic des camions était réparti pour moitié dans chaque tunnel. Vous avez accepté d'organiser une concertation sur la réouverture de ce tunnel, qui s'est tenue en juillet. Adoptant une démarche citoyenne, plusieurs milliers de Savoyards vous ont fait savoir par carte postale qu'ils souhaitaient, qu'ils exigeaient même que cet équilibre soit rétabli, et 62 conseils municipaux ont voté une délibération unanime à ce sujet. Le parc de la Vanoise, le plus ancien de nos parcs nationaux, qui est un conservatoire remarquable, a fait valoir qu'une moyenne de 4 000 à 4 500 poids lourds dans sa périphérie portait atteinte à ses écosystèmes, ce dont son autorité de tutelle, le ministère de l'environnement, ne semblait guère se préoccuper. Ces 40 000 habitants de la Vallée de la Maurienne, ces 110 000 habitants de l'agglomération chambérienne, traversée depuis 1982 par une autoroute en pleine ville dont le trafic dépasse toutes les prévisions, attendent l'augmentation du trafic ferroviaire et des progrès en matière de sécurité et de pollution. Ils comprennent bien sûr la réaction des habitants de Chamonix, mais pendant la période intermédiaire qui s'annonce, les décisions doivent être prises à l'échelle de l'ensemble du massif alpin. L'ensemble des élus du massif, réunis au sein de la conférence des Alpes franco-italiennes, ont d'ailleurs demandé d'accorder une priorité au ferroviaire et au rééquilibrage des trafics. Après la concertation de juillet, vous avez accepté, Monsieur le ministre, d'interdire les camions les plus polluants et de rééquilibrer le trafic. Mais est arrivé l'accident du Gothard, et avec lui l'affaire de l'alternat. M. le Ministre - Ce n'est pas une affaire ! M. Michel Bouvard - Un alternat quotidien aurait ainsi obligé les Savoyards à se rendre un jour en Italie par le tunnel du Mont-Blanc et le lendemain par celui du Fréjus, comme si on demandait aux Parisiens, à cause d'un accident sur l'autoroute de l'ouest, d'aller de Rambouillet à Paris une fois par Versailles et l'autre par Provins ! Vous avez entendu les élus et vous êtes rendu compte que cet alternat quotidien sur les deux tunnels était déraisonnable, d'autant que l'alternat permet d'éviter les chocs frontaux et que le tunnel du Fréjus n'en a connu que trois en 22 ans d'exploitation ! Au-delà du traumatisme causé par la catastrophe du Mont-Blanc, il faut raison garder. La solution dorénavant retenue, un alternat pour le tunnel du Mont-Blanc, nous satisfait, mais pose deux questions. Nous craignons d'abord que les délais d'attente ne poussent tous les camions à emprunter le tunnel du Fréjus. Nous souhaitons qu'une commission de suivi soit constituée et que si le trafic n'était pas équilibré, le Gouvernement use de mesures tarifaires. Nous n'exigeons d'ailleurs pas une répartition égalitaire, mais de un tiers-deux tiers, compte tenu du fait que la chaussée du tunnel du Mont-Blanc est plus étroite et que toutes les matières dangereuses passent par le Fréjus pour des raisons de sécurité. Nous espérons qu'après les positions courageuses que vous avez déjà défendues, vous nous aiderez à l'obtenir. Ensuite, il est légitime de renforcer la sécurité, mais les engagements du ministre de l'intérieur doivent être concrétisés : les dépenses supplémentaires doivent être à la charge de l'Etat et des sociétés d'exploitation des tunnels, mais non des contribuables, qui subissent déjà les nuisances des tunnels. Nous continuerons à nous battre avec tous les gouvernements successifs pour l'amélioration des conditions de sécurité dans les tunnels (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). La discussion générale est close. M. le Ministre - Je voudrais remercier le rapporteur pour le travail qu'il a effectué et répondre à ses questions. D'abord, ce texte n'est pas indispensable à la réouverture du tunnel, mais il évitera que nous nous retrouvions dans une situation semblable à celle qui a permis à l'accident de survenir. C'est une ardente obligation que de décider des mesures dissuasives qui amélioreront nos capacités d'interception et de sanction. Ainsi, ce texte n'est pas strictement nécessaire, mais en l'adoptant, vous renforcez la sécurité dans nos tunnels. L'idée d'une circulation alternée, Monsieur Bouvard, figurait parmi les demandes formulées par les familles des victimes. Je ne les ignore pas. Les organisations syndicales des chauffeurs routiers l'ont aussi préconisée. Il y a eu, en outre, un accident frontal dans le tunnel du Saint-Gothard. J'ai donc jugé de mon devoir de proposer cette solution, même si elle pose certains problèmes pratiques. À l'issue de la concertation, il a semblé qu'il fallait prévoir un alternat court, toutes les heures, plutôt que le système sur lequel vous avez tant ironisé. J'ai obtenu l'interdiction au Mont-Blanc des camions les plus polluants dits « Euro zéro » et leur interdiction après une période d'adaptation de six mois au tunnel du Fréjus. M. Moyne-Bressand redoute un engorgement des tribunaux. Nous renforcerons leurs moyens si nécessaire, mais notre objectif est surtout d'être dissuasifs. Vous avez évoqué les redéploiements d'effectifs. Quarante-huit gendarmes sont affectés à l'unité du tunnel du Mont-Blanc, soit trente de plus qu'auparavant. Ces effectifs supplémentaires ont été obtenus par un redéploiement, à partir de ceux de la police de l'air et des frontières. La société du tunnel du Mont-Blanc finance le service d'incendie et participe à la vérification des poids lourds sur l'aire du Foyet. S'agissant des matières dangereuses, Monsieur Gengenwin, elles sont désormais interdites dans le tunnel du Mont-Blanc, même en petites quantités. De même, le volume de carburant emporté sera limité. Nous allons rendre plus stricte la réglementation internationale dans ce domaine : une directive européenne sur la sécurité des tunnels est en préparation. Le bilinguisme est souhaitable, en effet. Les agents italiens, originaires du Val d'Aoste, parlent déjà français. Quant aux agents français des services d'exploitation et de sécurité, ils ont suivi une formation à la pratique de l'italien. À propos des autres tunnels, notre objectif premier reste de renforcer la réglementation. Pour celui de Tende, mon homologue italien et moi-même avons décidé de réaliser un deuxième ouvrage, ce qui permettra de circuler sur une voie par sens en toute sécurité. Une convention franco-italienne est en préparation et une réunion des techniciens français et italiens s'est tenue hier. Vous avez eu raison, Madame Saugues, de rappeler les observations de la Cour des comptes, qui a déploré l'insuffisance des moyens d'entretien sur notre réseau routier. Tous les ans, pendant vingt ans, on a supprimé 1 000 agents dans les services de l'équipement. Ce Gouvernement a mis un terme à cette évolution. Pour 2002, nous avons même créé 300 postes, et 1 200 postes vacants seront pourvus : il y aura donc 1 500 agents de l'équipement supplémentaires en France. Les budgets d'entretien ont augmenté de 7 % par an et jusqu'à 20 % pour les ouvrages sensibles. Nous avons besoin d'un vrai service public. Une unité de vingt-quatre douaniers va se mettre en place au tunnel du Mont-Blanc pour empêcher les transports de matières dangereuses. Elle contrôlera les poids lourds sur l'aire de Foyet et les véhicules légers à proximité du tunnel. Mme Saugues a aussi évoqué les conditions de travail et je l'en remercie. Dans la construction européenne, on parle plus souvent de privatisation et libéralisation que des problèmes sociaux. Pourtant, le social est lié à la sécurité. Quand un chauffeur conduit 250 à 300 heures par mois, quand le dumping social est de règle dans le transport routier, l'insécurité s'aggrave. Vous avez souligné le rôle de la présidence française. Nous avions obtenu que paraisse une directive sur le temps de travail : c'est fait. Le règlement 38-20 va par ailleurs être modifié, ce qui permettra de renforcer la formation et le contrôle. Il est important de prendre en compte la dimension humaine du problème. M. Moyne-Bressand nous a accusés de ne pas avoir de politique de transports. C'est profondément injuste. Quand il s'est agi de préparer la présidence française du Conseil européen, tous les groupes m'ont demandé de défendre une politique du transport ferroviaire qui respecte la notion de service public - tous sauf le vôtre ! Vous, vous préférez le chemin de fer à l'anglaise, le plus minable de tous, parce qu'on l'a privatisé à tour de bras ! Vous, vous voulez la privatisation de la SNCF, comme vous voulez celle d'EDF et d'Air France (Interruptions sur les bancs du groupe DL). Or, l'actualité montre bien que c'est le contraire qu'il faut faire. Ce n'est pas en laissant jouer librement le marché qu'on peut assumer des responsabilités régaliennes comme la sécurité des transports. Vous continuez à défendre, droit dans vos bottes, cet ultra-libéralisme. Moi je dis qu'il faut savoir reconnaître ce qu'a fait ce gouvernement, qui a multiplié par huit les crédits pour le rail dans les contrats de plan, qui a mis en place une politique du cabotage maritime, qui a défini des schémas de services sur un horizon de vingt ans, tout cela en se heurtant à des obstacles relevant de l'idéologie (Interruptions sur les bancs du groupe DL). Même sur le transport fluvial nous avons avancé, les crédits ont progressé de 50 % depuis 1997. Je ne dis pas que nous avons tout réussi, mais si enfin, en septembre dernier, a été adopté un Livre blanc européen qui reprend pratiquement les propositions françaises, on le doit beaucoup au Gouvernement et au soutien très large qu'il a reçu de vous, au-delà même de sa majorité plurielle, et je vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères - Je me bornerai à deux remarques. La première concerne les suites de la tragédie du tunnel du Mont-Blanc. Une instruction est en cours et je souhaite qu'elle ne dure pas trop longtemps. Je demanderai à Mme la Garde des Sceaux de fournir les moyens nécessaires pour que l'instruction soit close assez rapidement et que le procès puisse s'ouvrir, afin que les responsabilités soient établies et jugées. J'y suis d'autant plus sensible que le président de l'association des victimes, qui a perdu plusieurs membres de sa famille dans la catastrophe, réside dans ma circonscription. Je salue le travail effectué par M. Kert et toutes les mesures prises pour améliorer la sécurité de la traversée des Alpes. Second point, puisque c'est l'un des derniers projets de loi que nous examinons, je voudrais remercier tous les membres de la commission, mais aussi les autres collègues qui ont participé à ces débats dits « de politique étrangère », mais qui touchent souvent à notre vie quotidienne. Je vous confirme que 47 % des projets de loi votés au cours de cette législature ont été examinés par la commission des affaires étrangères. Certes beaucoup de conventions ont fait l'objet d'une procédure simplifiée ; néanmoins ce travail participe de la revalorisation du rôle du Parlement que nous avons vécue au cours de cette législature. J'en donne acte à mes collègues et au Gouvernement. Depuis le 11 septembre, les Français ont pris conscience que la politique internationale les concernait dans leur vie quotidienne. C'est à notre honneur d'avoir contribué à cette prise de conscience (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). L'article unique du projet de loi, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. M. le Ministre - Je vous remercie de ce vote unanime. De manière plus générale, je salue le travail mené pendant ces cinq années en matière de politique des transports, avec un souci permanent de l'intérêt général et des équilibres à respecter - à ce propos, je vous confirme, Monsieur Bouvard, que la répartition entre les deux tunnels ne sera pas de 50 %, mais plutôt d'un tiers-deux tiers. J'ai eu plaisir à travailler avec la majorité et avec toute l'Assemblée. Je salue aussi les personnels, notamment les administrateurs de la commission de la production, ainsi que tout particulièrement mon ami André Lajoinie qui la préside pour la dernière fois, puisqu'il ne se représentera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). La séance, suspendue à 11 h 25 est reprise à 11 h 35. ACCORD DE PARTENARIAT ENTRE LES ÉTATS ACP L'ordre du jour appelle la discussion de deux projets, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification d'accords relatifs au partenariat entre les Etats ACP et la Communauté européenne. Mme la Présidente - La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune. M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - La communauté européenne entretient, depuis les accords de Yaoundé en 1963, un authentique partenariat avec les pays ACP, fondé sur un dialogue politique structuré, des préférences commerciales asymétriques et une aide au développement généreuse. Ce modèle inspire désormais les accords d'association négociés par l'Union européenne avec d'autres régions. Le désir de maintenir la forte visibilité politique de cette solidarité entre l'Europe et la zone ACP a conduit à en rénover le support juridique. De fait, le désarmement tarifaire international a peu à peu limité l'effet des préférences accordées par l'Union européenne, qui n'ont pas suffi à enrayer la baisse de la part des ACP dans les échanges mondiaux. Une révision complète des aspects commerciaux de l'accord était inévitable. En outre les conventions de Lomé avaient accumulé les champs d'intervention et alourdi les instruments financés, amoindrissant l'efficacité de l'aide au développement. Le débat sur l'avenir de la convention de Lomé a été préparé dès 1997, avec la publication du Livre vert de la Commission. La France y a pris une part active, tout comme à la négociation entreprise en septembre 1998. J'ai personnellement participé aux quatre conférences ministérielles nécessaires à la conclusion du nouvel accord. Le processus a été difficile, mais passionnant. Je me souviens en particulier du succès de la troisième conférence ministérielle, à Bruxelles en décembre 1999, après l'échec de Seattle. L'Europe a alors prouvé de manière éclatante sa capacité à faire entendre son message de solidarité avec les pays en développement. J'ai signé le nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et les pays ACP le 23 juin 2000 à Cotonou. L'accord nécessaire à la création du deuxième FED a été signé le 18 septembre 2000 à Bruxelles, sur la base d'un compromis élaboré sous présidence française. L'accord de Cotonou étend le dialogue politique à la paix et la sécurité, à la résolution des conflits, au trafic d'armes et aux migrations. Ce dialogue est devenu aussi plus exigeant. Au respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, dont la violation peut entraîner jusqu'à la suspension de l'aide, s'ajoute la bonne gestion des affaires publiques, les cas sérieux de corruption pouvant aussi entraîner la suspension de l'aide. Un nouveau chapitre de l'accord reconnaît le rôle complémentaire de la société civile, du secteur privé et des autorités locales dans le processus de coopération. Déjà, la société civile est systématiquement associée à la préparation des commissions mixtes. L'accord de Cotonou a considérablement simplifié le dispositif de Lomé, devenu trop touffu, en recentrant l'action sur la réduction de la pauvreté, tout en prenant en compte des éléments tels que l'égalité entre les hommes et les femmes, l'environnement et le renforcement des capacités institutionnelles. Dans le domaine commercial, les préférences de Lomé seront progressivement remplacées par une série d'accords régionaux de partenariat économique. Le libre échange sera peu à peu introduit, à partir de 2008, entre l'Union européenne et les pays ACP, dont les moins avancés seront autorisés à conserver les préférences réciproques, rénovées dans le cadre de l'initiative « Tout sauf les armes », pour laquelle le commissaire Pascal Lamy s'est beaucoup impliqué. Les APER ont pour ambition de pérenniser et de renforcer les liens commerciaux entre l'Union européenne et les pays ACP, d'appuyer l'intégration économique régionale et d'aider les ACP à peser davantage dans les négociations au sein de l'OMC. Le dernier élément novateur de l'accord concerne la gestion de l'aide fondée sur les performances, la simplification des instruments et la programmation glissante. Enfin, les aspects financiers de l'accord sont également soumis à votre approbation. Grâce au maintien de la contribution française au niveau exceptionnel de 24,3 %, contre 16,7 % dans le budget communautaire, le volume du neuvième FED atteint 13,5 milliards, auxquels s'ajoute 1,7 milliard au titre des ressources propres de la Banque européenne d'investissements et les reliquats sur les fonds précédents. On se souvient que le 10 novembre 2000, sous présidence française, le conseil des ministres du développement avait fixé la nouvelle politique européenne et arrêté la réforme de la programmation de l'aide, afin d'améliorer le rythme de décaissement. La Commission a plus généralement engagé une réforme interne pour remédier aux retards qui affectent tous ses programmes géographiques. La coordination avec les postes diplomatiques est en cours d'amélioration, et nous avons donné des instructions dans ce sens à nos ambassadeurs. Une bonne partie de la gestion a été déconcentrée au profit des délégations de l'Union européenne. Enfin les pays et territoires d'outre-mer bénéficieront des ressources du neuvième FED à raison de 175 millions, auxquels s'ajouteront 20 millions de prêts de la BEI. Les derniers chiffres relatifs au FED font apparaître un meilleur rythme des décaissements, et une réduction des arriérés. Ainsi s'explique la remontée constatée en 2001 du niveau de l'aide publique française au développement. Les réformes engagées devraient produire des améliorations supplémentaires. Le partenariat entre les pays ACP et l'Union européenne sort profondément modernisé de cet accord, conclu pour vingt ans, élargi à six nouveaux Etats et reconnu comme un cadre modèle pour la coopération Nord-Sud. Les ACP ayant presque atteint le quorum nécessaire à la ratification, il convient que l'Union soit en mesure de confirmer rapidement les liens de solidarité et d'amitié qui l'unissent aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ! M. Jean-Yves Gateaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères - De ces deux textes rassemblés sous le vocable d'accords de Cotonou, l'un autorise la ratification de l'accord de partenariat entre les pays du groupe ACP et l'Union européenne, l'autre la ratification de l'accord interne entre membres de l'Union sur le financement du premier. Signés le 23 juin 2000, ils sont d'une importance majeure à plus d'un titre. D'abord, ils prolongent pour vingt ans le partenariat historique engagé dès le Traité de Rome et la création du Fonds européen de développement, poursuivi avec les accords de Yaoundé en 1963 et surtout avec les successives conventions de Lomé, de 1975 à 1999. Ensuite, c'est le seul exemple de partenariat Nord-Sud couvrant 71 pays - bientôt 77 - ensemble à l'intérieur duquel les 47 pays de l'Afrique subsaharienne l'emportent nettement avec 95 % de la population et 85 % de l'aide reçue. Ces accords, enfin, prorogent un modèle unique de coopération, reposant sur une convention d'aide financière et technique et sur un programme indicatif national et comportant à la fois un régime commercial privilégié et une aide financière généreuse, sous forme surtout de dons allant à des projets de développement et au soutien du cours des matières premières. Cette aide, qui a quintuplé en 25 ans, atteignait environ 15 milliards d'euros sur les cinq dernières années de Lomé IV bis soit un quart du total de l'aide multilatérale au développement. L'accord signé à Cotonou en juin 2000, après quatre ans de prénégociation et de négociation, était indispensable, les conventions de Lomé étant devenues incompatibles avec les règles du GATT puis de l'OMC - les préférences commerciales accordées aux pays ACP étaient discriminatoires et non réciproques et les « protocoles-produits » étaient contestés. Ces avantages commerciaux s'étaient en outre érodés petit à petit, les deux tiers des exportations des pays ACP vers l'Europe ne bénéficiant plus d'aucune marge préférentielle par rapport à celle des autres pays en voie de développement. Il fallait aussi remédier aux faiblesses de la politique d'aide au développement inscrite dans les Conventions de Lomé, peu cohérente, sans vraies priorités, trop lointaine et extérieure, et indifférente à l'absence de rigueur dans la gestion des affaires publiques, comme à la faiblesse des politiques économiques. Enfin, il s'imposait de satisfaire de nouvelles exigences, s'agissant du respect des droits de l'homme, et des principes démocratiques. Les résultats enregistrés confirmaient la nécessité d'une adaptation : l'aide de l'Union aux Etats ACP ne « coulait plus de source ». La part de ces pays dans les financements extérieurs de l'Union était tombée de 65 % en 1988-1990, à 42 % en 1991-1995, puis à 33,5 % en 1996. Le 8ème FED n'avait alors été adopté que dans la douleur, le système de Lomé était menacé. En deuxième lieu, les aides versées étaient très inférieures aux aides décidées et les fonds réellement efficaces aux fonds décaissés. Seulement 35 à 40 % des ressources disponibles avaient été dépensées, d'où un reliquat de 10 milliards d'euros. Quant au taux d'efficacité, il a été estimé dans les années 80 à moins de 30 % pour l'aide à l'agriculture et au développement rural ! Enfin, la situation ne s'avérait pas moins tragique du point de vue commercial : nos partenaires ACP étaient les laissés pour compte de la mondialisation ! Quatre-vingts pour cent des investissements privés en direction des pays en voie de développement - représentant un flux financier cinq fois supérieur à l'APD - se concentraient sur dix pays dont aucun ne faisait partie des 71 ACP ! Il fallut se rendre à l'évidence et constater que « l'Afrique est toujours aussi mal partie », avec 2 % du commerce international et un PIB par habitant qui ne s'est accru que de 0,4 % par an de 1960 à 1992 quand il augmentait de 2,3 % dans les pays en voie de développement. En vingt ans, leur part du marché communautaire était tombée de 6,7 % à 2,7 % tandis que celle des pays d'Asie passait de 4,2 % à 13 %. Les accords de Cotonou reposent sur quatre piliers. Le premier a été l'objet d'un intense débat politique, à propos notamment de la question de la bonne gouvernance. Revalorisation du partenariat politique, renforcement du dialogue et nouvelle approche des conditionnalités : tous ces objectifs sont clairement énoncés. Mais la clause de non-exécution suspendant la coopération sera-t-elle réellement efficace en cas de violation des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'Etat de droit ? La procédure de suspension spécifique prévue à l'article 97 sera-t-elle vraiment mise en _uvre en cas de corruption ou de malversations financières ? La coopération relative aux migrations donnera-t-elle les résultats escomptés par l'Union ? La clause standard de réadmission de l'article 13 apparaît peu opérationnelle et, de surcroît, les pays ACP ont bien du mal à l'accepter... Ne s'est-on pas obligé, dans l'article 8, à un dialogue permanent sur tout parce qu'on ne s'imposait plus de conditionnalités sur rien ? Le deuxième pilier apparaît plus consensuel. Il s'agissait de définir de vraies priorités dans l'aide au développement et d'ouvrir la coopération aux acteurs non étatiques. On a ainsi défini un objectif central, la réduction de la pauvreté, trois domaines d'action prioritaire - le développement économique, le développement social et humain, l'intégration et la coopération régionales - et trois questions transversales : l'égalité hommes femmes, la gestion durable de l'environnement et le développement institutionnel. Mais les capacités d'analyse, de prospective et d'évaluation seront-elles à la hauteur du défi ? Le nouveau partenariat commercial, préférentiel pour les pays ACP mais respectueux des règles de l'OMC, constitue le troisième pilier. Il s'agit de faire en sorte que la zone ACP se constitue en sous-ensembles régionaux, organisés en unions douanières qui signent avec l'Europe des accords permettant, après une première étape en 2008 puis une nouvelle période de douze ans, de mettre en place un système de libre-échange. Cependant, l'enjeu n'est pas mince pour les pays ACP qui craignent des délais trop courts, des transitions trop brutales. Des incertitudes pèsent également sur la capacité de ces pays à s'organiser en unions douanières régionales et sur les effets d'une telle libéralisation des échanges. Le quatrième pilier concerne l'apport financier de l'Union. Il sera globalement maintenu avec 15,2 milliards d'euros pour 2000-2005, dont un 9ème FED à 13,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 5 %. À cela s'ajouteront les 10 milliards d'euros de reliquat des FED. La simplification des instruments financiers, ramenés à trois et la réforme de la gestion du FED ne seront pas de trop pour bien utiliser ces sommes, mais sera-ce suffisant? Tout dépendra peut-être de la capacité des partenaires à évaluer régulièrement l'efficacité du dispositif et à apporter les corrections nécessaires. L'ensemble de ces accords représente cependant un levier exceptionnel pour le développement des pays ACP. Je vous propose donc d'adopter les deux projets de loi autorisant leur ratification (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Mme Marie-Jo Zimmermann - Ces deux accords sont le résultat du processus de renégociation de la convention de Lomé, engagée en 1998 et achevée à Cotonou, le 23 juin 2000, par la signature d'un nouvel accord de partenariat liant pour vingt ans l'Union européenne et 71 pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique. L'objectif est, de préserver la spécificité des liens tissés entre l'Union et ces Etats ACP tout en les adaptant aux exigences du monde contemporain. Trois principes demeurent essentiels : la volonté d'établir un véritable partenariat, la mise en place d'un régime commercial avantageux pour les Etats ACP, puisque fondé sur l'exemption des droits de douane à l'entrée du marché communautaire, et ce sans contrepartie, enfin, l'attribution d'une aide généreuse dans le cadre du Fonds européen de développement. Hélas, en raison des mécanismes de financement, cette aide s'est progressivement dégradée. Les reliquats accumulés au titre du FED s'élèvent à 10 milliards d'euros, et la part de l'aide communautaire consacrée aux pays ACP a diminué de moitié au cours de la derrière décennie. Une contribution supplémentaire de la France a d'ailleurs seule évité une réduction de l'enveloppe du 9ème FED. Cela noté, il faut relever que l'accord de Cotonou apporte plusieurs améliorations notables, telles que l'importance accordée à la bonne gestion des affaires publiques ou l'élargissement du dialogue politique à l'immigration avec l'adoption d'une clause de réadmission. L'assouplissement des méthodes de programmation de l'aide et la possibilité de réajuster celle-ci à la hausse comme à la baisse constituent également des avancées. Enfin, le souci d'impliquer davantage les acteurs du secteur privé dans l'élaboration de la politique de coopération européenne constitue une évolution positive ; elle devra être confortée. Malgré tout, et le Sénat l'avait évoqué, certaines inquiétudes demeurent quant à la libéralisation des échanges prévue par l'accord de Cotonou. Est-ce vraiment une perspective réaliste pour des pays dont certains comptent parmi les plus pauvres de la planète ? Il est vrai que l'intégration régionale posée comme préalable à la signature des accords de libre-échange avec l'Union européenne est une chance pour le développement des pays ACP. Mais comme dans les faits, l'intégration régionale rencontre des difficultés et des obstacles, ne s'orientera-t-on pas vers une banalisation de la relation nouée avec les pays ACP ? Face à ce risque, il faudra accorder la priorité au renforcement de l'intégration régionale ainsi qu'aux moyens de mieux conjuguer l'action de l'Union européenne et celle des pays ACP dans le cadre de l'OMC. Parce qu'il réaffirme le caractère privilégié de la relation nouée entre l'Union européenne et les pays ACP, l'accord de Cotonou représente un succès, et un exemple pour la coopération entre le Nord et le Sud. Le groupe RPR est tout à fait favorable à la ratification de ces deux accords. M. Pierre Brana - Deux accords de partenariat entre l'Union européenne et le groupe des pays ACP sont soumis à notre approbation. Ces accords fixent comme objectif l'éradication de la pauvreté et rénovent une coopération souhaitée à la fin des années soixante et engagée en 1975. À travers les conventions de Lomé, ce partenariat entre deux continents si proches par la géographie, la culture et l'histoire, s'est voulu exemplaire. Notre pays a toujours milité pour des relations privilégiées avec l'Afrique, mais il a également agi de façon à ce que la construction européenne maintienne et renforce ces liens. Force est de constater que, malgré certains acquis fondamentaux - exigence explicite du respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit, de la bonne gestion des affaires publiques - les conventions de Lomé n'ont pas toujours atteint leurs objectifs de développement. Plusieurs pays ont été tenus à l'écart du progrès et se sont encore plus endettés. Parallèlement, plusieurs de nos partenaires européens ont rechigné un temps à poursuivre ce partenariat. Il fallait les convaincre, réformer nos instruments et nos mécanismes en modifiant en priorité le Fonds européen de développement qui avait accumulé des milliards d'euros de reliquat ! Enfin, le régime de préférences commerciales, incompatible avec les règles du marché à l'échelle mondiale exigeait autre chose que des dérogations. Pour ces raisons, il était indispensable d'adapter notre copie au contexte actuel, tout en conciliant les intérêts bien compris de toutes les parties. Toute négociation exige des compromis, tout accord contient un pari sur l'avenir, en particulier lorsque l'on en fixe l'échéance à vingt ans. Les événements tragiques du 11 septembre rappellent qu'il faut voir plus loin que son précarré national, dépasser une pensée unique de nantis forts de leurs valeurs. Ces événements, plus « choquants » aux yeux de certains que tant de guerres qui ravagent notre planète, rappellent que les pays les plus riches ont le devoir de partager leurs avancées. Ils ont de plus tout intérêt à mieux équilibrer un monde forcément interdépendant, à réduire des inégalités criantes et à développer tous les échanges, sans abuser de la force économique, culturelle, politique ou militaire. Notre pays a donné l'exemple, en se maintenant au premier rang des pays du G7 pour le taux de l'aide publique au développement. Sans doute est-ce encore insuffisant, et l'objectif de référence de 0,7 % n'est pas atteint, mais notre politique d'aide publique a été rénovée, elle aussi, depuis quelques années, dans un souci d'efficacité. La France a été l'initiatrice du traitement de la dette des pays pauvres, et va au-delà de l'effort multilatéral. Je note d'ailleurs que le dernier conseil interministériel de la coopération internationale et du développement a réaffirmé le principe d'additionnalité des mesures d'annulation des dettes en faveur de pays pauvres très endettés. En cas de suspension de l'aide à un pays pour cause de blanchiment d'argent sale, par exemple, les actions de coopération - dont les bénéficiaires directs sont les populations - se poursuivront. Ce n'est que justice, sachant qu'au niveau de l'Union européenne et de son partenariat avec les pays ACP, des observateurs considèrent déjà que l'aide ne touche au mieux que 15 % de la population ! Dans le cadre d'une maîtrise de la mondialisation - sachant bien à quel point la misère frappe un grand nombre de pays du Sud et que l'Afrique, en particulier, est touchée par des pandémies qui engagent trop peu et trop tardivement ceux qui détiennent les moyens médicaux et financiers - je soutiens la mise en _uvre d'un engagement commun du Nord et du Sud. Celui-ci doit s'appuyer sur une solidarité active et un principe de cohésion mondiale refusant la logique de la concurrence ; il doit également inclure l'insertion des pays en développement dans le commerce et les échanges internationaux. Nous discutons aujourd'hui de la ratification d'un accord de partenariat entre l'Union européenne et les pays ACP. Accord, partenariat, ces deux mots n'ont rien de banal s'ils reposent sur des principes de responsabilité, de bonne gestion et de dialogue. Toute réussite passe par une appropriation par les intéressés eux-mêmes de ces principes, facteurs de développement durable. L'accord de Cotonou, ainsi que l'accord interne nécessaire à l'instauration du neuvième Fonds européen de développement qui le complète, ont une ambition contractuelle mais soulèvent aussi certaines interrogations. Nous approuvons néanmoins ces deux projets de loi ; le groupe socialiste les votera. Les accords dits de Cotonou présentent des améliorations incontestables. Plus cohérents, plus lisibles, ils pérennisent un état d'esprit fondé sur un respect mutuel des partenaires - autorités publiques, acteurs de la société civile, secteur privé, organisations sociales, syndicales, collectivités locales... Je souhaite que la coordination avec les organisations non gouvernementales s'améliore encore. Si l'accord entérine le principe d'engagement des ONG et des autres acteurs, il appartient aux parties traditionnellement impliquées de faciliter les échanges avec ces partenaires. Le dialogue ne peut plus être réservé exclusivement entre le bailleur de fonds et les autorités de l'Etat bénéficiaire. Nous ne pouvons pas oublier non plus qu'en novembre dernier devait être validé le régime commercial transitoire de la Convention des pays ACP et de l'Union européenne. Malgré certaines oppositions, l'accord de Cotonou prévoit le maintien, jusqu'en janvier 2008, des préférences commerciales non réciproques appliquées exclusivement aux pays ACP. Au cours de cette période, des accords de libre-échange régionaux entre l'UE et les pays ACP devront être négociés. Le libre-échange entrerait en vigueur au plus tard en 2020. Ce processus doit permettre une insertion graduelle des ACP dans l'économie mondiale en leur donnant du temps et du poids pour négocier au mieux leurs intérêts au sein de l'OMC. Des accords de partenariat économique devraient être conclus entre l'Union et les ACP. Il faut encore user du conditionnel pour évaluer la teneur et les conséquences de ces futurs accords. D'ores et déjà, par exemple, quelques pays africains du secteur cotonnier sont inquiets. Alors qu'avec les accords de Cotonou, à terme, les ACP sont contraints d'accepter les règles de l'OMC, et qu'ils sont déjà les seuls à les respecter en matière de coton, ils se trouvent en grande difficulté économique - car les pays du Nord, eux, ne respectent pas ces règles. La pérennité d'un secteur procurant revenu agricole, industrialisation en milieu rural, sous-traitance et devises, est menacée. En revanche, si plusieurs pays africains sont prêts à aller dans le sens de la constitution d'ensembles régionaux démocratiques, nous pouvons fonder des espoirs sur les futurs accords de partenariat régionaux signés avec l'Union. L'initiative de chefs d'Etats africains ayant des priorités et des engagements de bonne gestion au sein du NEPAD peut servir de modèle très incitatif. Quels que soient les scénarios à venir, et à la faveur de prochaines rencontres internationales - Monterrey en mars ou Johannesburg en août - notre pays a un rôle majeur à jouer en faveur d'une mondialisation plus humaine. Il est désormais indispensable, en outre, que les biens publics soient véritablement pris en compte à l'échelle mondiale, c'est-à-dire l'accès à des priorités vitales, telles que l'éducation, la santé, l'environnement auxquels j'ajoute la culture et la justice (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Gilbert Gantier - Deux projets de loi sont ce matin soumis à notre approbation ; leur contexte et leur esprit les lient intimement. Il s'agit de ratifier, d'une part, un accord de partenariat entre la Communauté européenne et les Etats ACP, et, d'autre part, un accord relatif à l'aide de la communauté dans le cadre d'un protocole financier - application de la quatrième partie du traité de la Communauté économique européenne. Ces deux projets de loi s'inscrivent dans un contexte ancien d'aide et de coopération entre la Communauté européenne et les pays ACP. Je ne m'étendrai pas sur sa genèse, M. le rapporteur l'ayant rappelée. Le présent accord de partenariat vise à renforcer voire à renouveler certaines priorités. Ainsi, il met l'accent sur la prévention des crises et des conflits, afin d'éviter toute situation pouvant entraîner la suspension unilatérale de la coopération ; de même, l'aide au développement est envisagée de manière dynamique - elle englobe, plus largement qu'autrefois, les différents acteurs de la vie économique. Le libéral que je suis approuve cette nouvelle approche : le secteur privé bénéficie d'une plus grande attention ; son développement est en outre considéré comme l'un des moyens de lutte contre la pauvreté. L'ouverture du partenariat aux acteurs de la société civile est également positive. Les mécanismes mis en place pour évaluer dans leur durée les programmes de développement - et éviter ainsi l'immobilisation inutile des crédits - me paraît également une mesure bénéfique. Le développement, en effet, n'est pas seulement une question de moyens. Il faut aussi considérer leur efficacité. Ces fonds souffrent souvent de sous-consommation, les pays bénéficiaires n'ayant pas les capacités structurelles ou logistiques de mener à bien suffisamment de projets. Enfin, l'obligation d'information sur la mise en _uvre de l'aide et l'évaluation indépendante des opérations financées répondent à un louable souci de transparence. Il est à espérer que l'accord de Cotonou, après des accords de Lomé dont le bilan reste décevant, favorisera le développement des pays ACP. Le groupe DL se montre donc favorable à la ratification des deux textes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). La discussion générale est close. M. le Ministre - Le rapporteur a mis l'accent sur la délicate question du dialogue et de la conditionnalité des aides. Le nouvel accord a voulu introduire le dialogue en amont, pour éviter justement que la conditionnalité n'implique nécessairement des sanctions. Le renforcement du dialogue politique a été mis dans la balance pour convaincre les pays ACP des bonnes intentions de l'Union européenne. L'article 96 de Cotonou a été appliqué de manière provisoire à cinq reprises depuis le 2 août 2000, pour les cas d'Haïti, de Fidji, de la Côte d'Ivoire, du Libéria et du Zimbabwe. L'article 366 bis de l'ancien accord de Lomé l'avait été cinq fois également. Les reproches qui sont faits parfois à ces accords de ne pas être appliqués ne sont donc pas fondés. L'article 97 a été mis en _uvre pour la première fois pour le Libéria. La procédure a débouché à ce stade sur la suspension de la coopération pour le Togo, Haïti, Fidji et tout récemment pour le Zimbabwe. Dans le cas du Niger, elle a incontestablement favorisé le retour à la démocratie et pour la Côte d'Ivoire et Fidji, elle a permis d'engager la reprise graduelle de la coopération dans un cadre politique plus stable. En ce qui concerne l'intégration régionale, il ne faut pas sous-estimer ce qui a déjà été réalisé, comme la conférence de l'océan indien. L'Afrique a mis en place des accords régionaux qui lui permettront de faire de nouveaux progrès et notamment de conclure les accords de partenariat économique régionalisés prévus pour 2008, et qui permettront, à l'horizon 2020, d'aborder dans de bonnes conditions les grands vents de l'intégration dans l'économie mondiale. Nous allons négocier avec l'OMC la poursuite de la dérogation accordée aux pays ACP. En tout cas, le mouvement de l'intégration régionale est au c_ur de l'actualité, avec l'OUA ou le NEPAD notamment. Ce dernier permettra de mener à bien, entre plusieurs pays, les projets qui manquent pour consommer les fonds européens. En ce qui concerne les préférences commerciales, une polémique s'est levée. Les propos récents d'un ministre britannique méritent notamment des précisions. Il faut rappeler que 99 % des exportations ACP ne supportent aucun droit d'entrée dans l'Union européenne, contre 65 % à l'entrée des Etats-Unis. 40 % des importations de l'Union en provenance des pays ACP concernent des produits agricoles, contre 10 % des importations de produits ACP aux Etats-Unis ! Nous veillons à ce que l'Afrique préserve sa part dans les aides mondiales. Ainsi, nous avons fait pression sur la banque mondiale pour que l'Afrique subsaharienne atteigne les 50 %. De même, lorsque nous avons redessiné la zone d'action prioritaire, nous n'y avons pas inclu l'Afghanistan, qui bénéficie d'une ligne budgétaire spéciale, pour éviter que les crédits de l'Afrique ne lui soient dévolus. Notre espoir est que d'ici 2020 les pays ACP auront pu forger les outils commerciaux, financiers et administratifs qui sont indispensables à la venue des investisseurs. Sans investissements en effet, la liberté du commerce n'est qu'une escroquerie. Il faut mettre à profit le temps qui reste pour créer des conditions de sécurité suffisantes. Enfin, les biens publics mondiaux sont un concept que nous tentons de faire partager aux pays du sud. J'espère que les prochains sommets montreront qu'il a progressé, et avec lui la question de leur financement par taxation internationale. Mais certains pays du nord restent encore à convaincre aussi, et en particulier l'un d'eux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). L'article unique du projet de loi relatif à l'accord de partenariat entre les Etats ACP et la Communauté européenne, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. L'article unique du projet de loi relatif à l'accord interne entre les Etats membres de la Communauté européenne relatif aux aides financières aux Etats ACP, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. L'ordre du jour appelle le vote selon la procédure d'examen simplifiée de trois projets de loi adoptés par le Sénat autorisant la ratification ou l'approbation de conventions ou accords internationaux. Mme la Présidente - Conformément à l'article 107 du Règlement, je vais mettre aux voix l'article unique de chacun de ces textes. ACCORD RELATIF AUX INVESTISSEMENTS FRANCE-CAMBODGE L'article unique, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE FRANCE-CUBA L'article unique, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. CONVENTION FRANCE-CUBA RELATIVE AU TRANSFÈREMENT L'article unique, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée de statuer définitivement, en application de l'article 45 alinéa 4 de la Constitution, sur la proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie. En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de cette proposition de loi en lecture définitive. Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Votre assemblée est saisie en dernière lecture de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie. Cette législature a déjà permis d'adopter des réformes essentielles dans le domaine de la santé et de la sécurité sociale : la couverture maladie universelle, l'allocation personnalisée d'autonomie et la loi sur le droit des malades et à la qualité du système de santé. Il s'agit maintenant de nouer avec les professionnels de santé un nouveau pacte de confiance. Ce texte est l'un des résultats de la concertation menée avec toutes les professions de santé et les partenaires sociaux depuis le « Grenelle de la santé » que j'ai lancé le 25 janvier 2001 et qui s'est achevé le 12 juillet. À l'issue de ce travail intensif, j'ai présenté le 4 octobre 13 propositions relatives aux professions libérales. Certaines ont été votées dans la loi de financement de la sécurité sociale, telles que l'organisation des gardes, les aides à l'installation ou le développement des réseaux. D'autres sont inscrites dans la loi sur les droits des malades, comme le développement de la formation médicale continue, ou dans la loi de modernisation sociale, comme la réforme des études médicales. La nouvelle architecture est fondée sur la responsabilité partagée et sur des engagements réciproques, et non sur une sanction aveugle et strictement comptable. J'aimerais que chacun sur ces bancs le reconnaisse avec honnêteté. Un système de régulation permettra de mieux prendre en compte les engagements collectifs et individuels et le cadre législatif permettra d'adapter les soins aux nouvelles exigences scientifiques et sociales. La priorité ira donc à la qualité des soins, dans un esprit de responsabilité partagée. Un accord-cadre applicable à l'ensemble des professions de santé doit définir les droits et obligations communes à toutes les professions de santé ; chacune des professions de santé doit passer une convention avec l'assurance maladie pour définir les engagements collectifs et individuels permettant d'améliorer la qualité des soins ; les professions qui s'engageront dans ce dispositif conventionnel seront exonérées du système des lettres-clés flottantes ; sur cette base, les professionnels pourront passer des contrats individuels de bonne pratique ou de santé publique avec leur caisse. Ce dispositif complète la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui contenait des mesures en faveur de l'installation ou du développement des « maisons de gardes », ainsi que des solutions de financement pérennes pour développer les réseaux entre les professionnels libéraux et l'hôpital. Moins contraignante, cette nouvelle architecture des rapports conventionnels a pour objectif de conforter notre système de santé, dans son organisation comme dans ses résultats. D'ores et déjà, la Caisse nationale d'assurance maladie a établi le dialogue avec le Conseil national des professions de santé pour mettre en _uvre l'accord-cadre commun à toutes les professions libérales de santé. Tel est le nouveau cadre que nous proposons aux professionnels, fondé non plus sur la sanction mais sur des engagements réciproques. C'est d'ailleurs dans cet esprit que des accords ont pu être conclus récemment entre les caisses d'assurance maladie, les médecins généralistes et les infirmières libérales. Au-delà de ces accords qui portent sur les rémunérations, Bernard Kouchner et moi-même continuons de travailler pour améliorer les conditions d'exercice des professionnels de santé. Pour les médecins généralistes, nous avons trouvé hier un accord avec le Conseil de l'ordre, les caisses d'assurance maladie et les syndicats sur une nouvelle organisation des gardes. Tout en répondant aux exigences de proximité des patients, celle-ci prendra mieux en compte les contraintes et le caractère pénible des gardes. Il est normal que les médecins aient des week-ends et qu'ils ne fassent pas des semaines de 60 heures. S'agissant des infirmières libérales, la forte revalorisation de leurs honoraires s'accompagne d'une démarche visant à valoriser la profession au service des patients. J'ai souhaité qu'elles puissent jouer tout leur rôle dans la prise en charge des personnes en perte d'autonomie. Au sein de notre système de santé, contrairement à beaucoup d'autres pays, nous sommes parvenus à allier les intérêts des professions de santé libérales avec une forte prise en charge par la solidarité nationale. L'égalité de traitement est ainsi garantie sur l'ensemble du territoire. C'est un acquis. Le même équilibre se retrouve dans le contrat passé par les professionnels avec les pouvoirs publics et, par délégation du législateur, avec les caisses d'assurance maladie. Il se traduira, en moyenne par généraliste, par une prise en charge des cotisations sociales d'environ 10 000 euros par an, soit deux euros nets par consultation. Nous poursuivons la mise en _uvre de mesures concrètes portant sur la coordination des soins par le développement des réseaux ; l'amélioration de la sécurité des professionnels exerçant dans les quartiers difficiles ; la démographie des professionnels pour anticiper sur les évolutions des effectifs et éviter les pénuries ; la formation initiale et continue ; les relations quotidiennes avec l'assurance maladie pour simplifier les procédures. Nous ferons un point sur ces mesures le 5 mars prochain avec l'ensemble des professionnels concernés. La réforme que nous proposons repose sur un contrat de confiance et non sur le rationnement des soins et la sanction. En cela aussi, elle tranche avec les pratiques des gouvernements précédents. C'est à l'initiative de ce Gouvernement que nous sortons de la logique du plan Juppé, pour entrer dans une logique de confiance et de responsabilité partagée. Notre session parlementaire prend fin dans quelques heures, et il sera bientôt temps de s'engager dans la campagne électorale. Chacun pourra librement débattre avec les Français, mais chacun sera comptable de ses actes et devra dire dans quel cadre il se situe : celui de la solidarité ou celui de la concurrence, celui de la clarté ou celui de la dissimulation des bilans. Le Gouvernement a fait son choix : c'est celui de la solidarité et celui de la clarté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Philippe Nauche, suppléant M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires sociales - Le 21 décembre 2001, MM. Jean Le Garrec, Jean-Marc Ayrault et Claude Evin ont déposé cette proposition qui reprend, à quelques modifications près, l'article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Cet article, en effet, venait d'être censuré par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme sans rapport avec son contenu. Les dispositions en cause procédaient du « Grenelle de la santé » et de la mission qui lui a fait suite. Elles ont été approuvées par le conseil d'administration de la CNAM. L'article premier crée un nouvel instrument juridique : l'accord-cadre entre la CNAM et le centre national des professions de santé. L'article 2 tend à revoir le contenu des conventions. L'article 3 vise à réformer le dispositif contractuel incitatif créé par la loi de financement pour 2000. L'article 4 crée un nouveau type de contrat individuel, le contrat de santé publique. L'article 5 supprime les sanctions unilatérales décidées par les caisses, ce qui signifie une rupture avec le plan Juppé. L'article 6, enfin, contient des dispositions de cohérence et de validation. Examinée par la commission le 9 janvier, cette proposition a été votée par l'Assemblée le lendemain, après l'adoption de deux amendements de la commission. Le 7 février, le Sénat a voté une question préalable. Dans ces conditions, la CMP ne pouvait aboutir. La proposition, revenue à l'Assemblée, a été légèrement modifiée en deuxième lecture à l'initiative du Gouvernement. Le Sénat a voté de nouveau une question préalable. Ce texte nous revient en lecture définitive. Compte tenu de l'enjeu, il nous faut passer outre le vote du Sénat. Une réforme d'ensemble est devenue indispensable. Cette proposition en est une première étape. Son adoption contribuera à restaurer un climat de confiance entre les pouvoirs publics et les professions de santé : ce retour à la confiance a permis la conclusion de l'accord avec les généralistes et, hier encore, la rencontre sur l'organisation des gardes. Il était nécessaire que le conseil de l'Ordre joue son rôle en rappelant les règles déontologiques applicables aux gardes. Parce qu'il garantit l'égalité d'accès aux soins tout en responsabilisant les acteurs du système de santé, ce texte a été approuvé par la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Jean-Pierre Foucher - Après l'échec de la CMP, le Sénat a voté une question préalable. Cela n'a rien d'étonnant puisque le texte qui lui était proposé était en tous points semblable à celui qu'il avait déjà rejeté. Cette nouvelle lecture ne peut donc susciter de notre part qu'une attitude critique, identique à celle qui était la nôtre précédemment. Il faut certes revoir le système conventionnel, mais le dispositif que vous proposez est compliqué et peu clair : il ne précise pas le rôle des caisses, il maintient le mode de fixation de l'ONDAM qui reste irréaliste, les lettres-clés flottantes demeurent et, alors que deux caisses doivent signer la convention, il suffit de la signature d'un seul syndicat même minoritaire pour que l'accord soit valable. M. le Rapporteur - Il n'est plus minoritaire ! M. Jean-Pierre Foucher - Il faut deux syndicats signataires, comme il y a deux caisses signataires ! Je reste perplexe face à l'attitude du Gouvernement vis-à-vis du monde médical. Au bout de plusieurs mois de contestations et de grèves réitérées, le Gouvernement continue de rester sourd aux appels lancés par l'ensemble des catégories médicales concernées, alors qu'elles effectuent une tâche essentielle aux yeux des Français : préserver leur santé dans les meilleures conditions. Je ne reviendrai pas sur tous les points que j'ai soulevés il y a quelques jours, car répéter les choses ne vous aide manifestement pas à les comprendre. En revanche, je souhaite m'attarder un instant sur notre absence d'anticipation des problèmes liés à l'évolution de la démographie médicale. Former un médecin demande du temps, mais cela demande aussi qu'on lui donne l'envie et les moyens d'exercer son art. Or, l'évolution actuelle est préoccupante : les projections à moyen terme, dans certaines spécialités, sont alarmantes et les disparités géographiques s'aggravent. La population médicale vieillit et les départs à la retraite vont être nombreux prochainement. C'est donc tout un ensemble qu'il faut revoir, de l'entrée dans les études médicales aux conditions d'exercice. Mais le problème ne semble pas vous préoccuper vraiment. Le numerus clausus applicable à l'entrée des études de médecine a été revu plusieurs fois à la baisse. Aujourd'hui, on constate une pénurie partielle dans certaines spécialités comme la pédiatrie, l'anesthésie-réanimation, la gynécologie médicale, l'ophtalmologie, la psychiatrie,... Mme la Ministre- C'est faux ! M. Jean-Pierre Foucher - Or, c'est l'Etat qui donne l'impulsion puisqu'il fixe le nombre des étudiants admis à poursuivre leurs études après le concours de première année, le nombre des internes, ainsi que celui des futurs spécialistes et des futurs généralistes. Évidemment, ces décisions doivent se fonder sur des anticipations - qui n'ont pas été faites. Cette année, le numerus clausus a enfin été augmenté de 4 100 à 4 700 (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Mais il aurait fallu qu'il soit fixé à 7 000 au moins pour tenir compte des départs à la retraite et conserver la proportion d'environ 3 médecins pour 1 000 habitants ! Les projections prévoient une diminution d'environ 15 % des effectifs, vers 2020. Ce n'est pas la démonstration d'une meilleure qualité des soins pour les Français ! L'âge moyen des médecins est de 44 ans pour les femmes et 47 ans pour les hommes. Ce vieillissement accru pose des problèmes de renouvellement des compétences mais aussi de disponibilité, notamment pour les gardes ou les urgences. On peut noter également une féminisation très forte qui n'est pas critiquable en elle-même... Mme Catherine Génisson - J'espère bien ! M. Jean-Pierre Foucher - ...mais qui conduit, pour des raisons familiales notamment, à une augmentation des temps partiels. Certaines spécialités voient leurs effectifs augmenter nettement moins vite que d'autres, ce qui va poser des problèmes à moyen terme. Enfin, les médecins ont tendance à s'installer dans certaines régions comme l'Ile-de-France ou la région PACA, parce que les équipements y sont plus importants. À l'UDF, nous ne sommes ni pour l'étatisation ni pour la privatisation des soins, nous voulons une véritable politique de régionalisation. Il est donc nécessaire, face aux revendications médicales, de tenir compte de toutes ces données. Les difficultés ne peuvent que s'accentuer si l'on ne se préoccupe pas d'offrir des formations adaptées aux besoins, si l'on ne lutte pas contre la désertification de certaines régions. Pour tout cela il faut rendre confiance aux professionnels de santé. Selon un questionnaire adressé par notre groupe aux médecins, 80 % d'entre eux déconseillent cette voie à leurs enfants. Est-ce normal pour un pays qui se targue d'avoir la meilleure médecine du monde ? Ne sentez-vous pas le malaise ? Ne voyez-vous pas que votre texte ne répond pas aux questions posées et ne va pas dans le sens de l'amélioration nécessaire ? La situation actuelle et votre politique ne poussent guère les jeunes à se lancer dans des études longues pour exercer un métier qui demande abnégation et disponibilité. C'est pourquoi le groupe UDF votera contre cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Mme la Ministre - Juste quelques mots pour rectifier une erreur. Le numerus clausus des médecins était de 3 576 entre 1995 et 1997, il est aujourd'hui de 4 700. Quant aux infirmières, 2 000 places de formation ont été supprimés en 1996, aujourd'hui il y en a 11 000 de plus. M. Jean Dufour - Ce débat sur la rénovation des rapports conventionnels, les communistes l'ont voulu constructif, afin de sortir par le haut d'une situation de blocage. Pourtant nous avons le sentiment d'un rendez-vous manqué. La droite, qui n'a pas de mots trop durs pour l'actuel système conventionnel, évite le débat de fond et se concentre sur le problème de la démographie médicale. La question est pourtant de savoir si nous voulons avoir un système de santé à la hauteur des besoins et capacités de notre pays ou, au contraire, continuer dans la voie du rationnement. La droite joue l'échec, comptant en ramasser les intérêts sur le plan électoral. Il est certes plus facile de polémiquer que de reconnaître l'ampleur des conséquences du plan Juppé, sa brutalité dans le rationnement des dépenses de santé et dans les sanctions collectives. Le mécontentement dans le pays contrastait avec l'enthousiasme manifesté sur vos bancs ! M. Jean-Pierre Foucher - On l'admet ! Mais vous avez conservé ce système ! M. Jean Dufour - M. Juppé expliquait alors à ces professionnels mécontents qu'ils n'avaient rien compris... On connaît la suite ! La droite veut faire croire aujourd'hui qu'elle a fait acte de contrition - j'ai écouté un candidat. Mais où sont les propositions qui tourneraient le dos au plan Juppé ? Est-ce la mise en concurrence de la sécurité sociale avec les assurances privées ? Est-ce la remise en cause du paritarisme dans l'assurance maladie ? En fait, la droite porte une immense responsabilité dans les difficultés que vit le monde de la santé. Et si aujourd'hui la situation est si tendue, c'est justement parce que le Gouvernement n'a pas rompu de manière assez nette avec cette logique. Nous le regrettons vivement, car personne n'a rien à y gagner. Nous avons, tout au long de la législature, multiplié les propositions, pour réformer et accroître les ressources de la sécurité sociale. Nous avons demandé que le débat ait lieu dans le pays, avec les professionnels et les assurés, avant le vote des lois de financement. Nous avons gagné sur certains points, mais nous ne sommes pas allés assez loin. C'est dans ce contexte que nous débattons des relations conventionnelles. Les médecins libéraux, les infirmières ont raison d'attendre une revalorisation de leurs honoraires. Les difficultés des négociations pour la mise en place des 35 heures dans les hôpitaux confirment qu'il va falloir revoir leurs moyens et, par conséquent, accélérer la formation de professionnels médicaux et paramédicaux. Mais l'ONDAM a été fixé à un niveau insuffisant, et cela conduit à tenter de passer en force, ce qui, évidemment, ne marche pas. Qu'il s'agisse de l'hôpital ou de la médecine de ville, les accords minoritaires sont contestés, à juste titre. Et malheureusement vous continuez à les valider sans voir que le mouvement s'étend parce qu'il est insupportable de voir une minorité imposer sa position, surtout lorsqu'il s'agit de la santé. Convenez qu'il est difficile d'examiner ce texte de loi en dehors de ce contexte ! Il s'agit pourtant d'une bonne base de travail, même si sur certains points, comme les conventions individualisées, il méritait d'être amélioré. Mais il ne s'agit pas d'emboîter le pas à la droite et à ses man_uvres procédurières. Le fait que le texte autorise la signature de la convention par une organisation minoritaire est, à nos yeux, une faute majeure Nous avons proposé d'amender ce point. Nous n'avons pas été suivis. Si cette disposition était maintenue, le groupe communiste ne pourrait voter ce texte. M. Gilbert Gantier - Que dire de plus, en deuxième lecture, alors que le texte présenté est quasiment identique à celui de la première lecture ? Dans sa décision sur la loi de financement de la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel avait pourtant annulé un dispositif analogue. Mais au lieu d'engager une concertation avec les professionnels de santé, le Gouvernement cherche à passer en force. Outre que la méthode est critiquable, cette proposition soulève des interrogations de fond. Le texte établit une architecture conventionnelle à trois niveaux, mais il ne tranche pas la question du mode de régulation des dépenses. En outre, l'Etat conserve une totale mainmise sur le dispositif. Enfin, le système de sanctions est maintenu en l'absence de convention. C'est inadmissible. Madame la ministre, ne vous y trompez pas : toute réforme devra passer par l'abandon des sanctions et des lettres-clés flottantes. Il faudra restaurer le dialogue avec les professionnels de santé, en abandonnant la politique de la contrainte. Comment prétendre apaiser le climat avec un texte élaboré sans aucune concertation ? Nous refusons de continuer une démarche qui, en cette période préélectorale, s'apparente à une simple gesticulation politique. La politique de santé est l'un des plus graves échecs du Gouvernement. Le groupe DL votera contre le texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Mme Marie-Jo Zimmermann - La deuxième journée sans médecins, le 15 février, a été largement suivie, comme celle du 23 janvier. La mobilisation des généralistes contre votre politique ne faiblit pas. La grève des gardes de nuit et du week-end se poursuit depuis plus de deux mois, et avec elle les réquisitions par les préfets. La majorité des infirmières libérales ne se reconnaît pas dans l'accord signé vendredi entre la CNAM et un syndicat minoritaire. Ce week-end, les pharmaciens de la région parisienne étaient eux aussi en grève. Le mécontentement des professionnels de santé est général et la crise est profonde. En cinq ans, vous avez réussi à faire descendre dans la rue toutes les professions de santé. M. le Rapporteur suppléant - Moins qu'en 1997 ! Mme Marie-Jo Zimmermann - Il ne suffit pas de critiquer les autres ; il faut faire mieux. Les grèves se succèdent, longues et populaires. C'est dans ce contexte que vous imposez un nouveau dispositif de relations conventionnelles auquel les professionnels libéraux n'adhèrent pas. Curieuse conception du dialogue social ! Pourtant, vous le savez, vous ne réglerez pas ce conflit contre les professions de santé, mais en obtenant leur adhésion à une réforme qui repose sur des bases saines de financement. Or les dépenses du régime général ont continué à déraper en 2001 de plus de 6 %, pour un ONDAM voté de 3,5 %. Cette hausse va se poursuivre avec le vieillissement de la population et le souhait légitime de chacun de nous de profiter des progrès de la médecine. De plus, vous n'avez eu de cesse de faire supporter par l'assurance maladie le coût des 35 heures, et vous y rajoutez le financement de la RTT à l'hôpital. Votre proposition ne comporte aucune régulation des dépenses ni organisation des responsabilités entre l'Etat et l'assurance maladie pour financer la santé des Français. C'est donc légitimement que la grande majorité des personnels de santé, et en particulier les médecins, refusent votre dispositif à trois étages, qui repose sur la signature d'un seul syndicat, qui prévoit des contrats individuels inacceptables, qui maintient le mécanisme des sanctions pour les professions non-signataires qui seraient ainsi rendues responsables de la dérive des dépenses. La CNAM a émis de fortes réserves sur ce texte, qui laisse à l'Etat tous les pouvoirs. Aujourd'hui, l'ensemble des professions de santé, qui constatent la baisse de leur revenu, la non-réévaluation des actes et même parfois la contrainte de quotas, considèrent que leur profession est déconsidérée. Déjà, sur ce même texte, le Conseil constitutionnel avait condamné votre méthode. Or, vous persévérez dans l'erreur. Les professionnels de santé sont mobilisés pour une grande manifestation le 30 mars. Le groupe RPR continue à s'opposer à votre projet qui, sous couvert de concertation, mobilise encore plus de professions de santé contre votre politique. Après la majorité du Sénat, qui a rejeté la proposition en adoptant la question préalable, le groupe RPR votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL). M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Madame la ministre, je tiens à vous exprimer notre plaisir à avoir travaillé avec vous, dans l'écoute et la concertation mutuelles. J'ai beaucoup de respect pour les professionnels de santé. Je connais leur malaise, qui tient pour une part à l'évolution de leur métier. Mais ils devraient éviter de se laisser aller à des déclarations qui n'aident vraiment pas au dialogue. Je cite : « La grève des gardes ne pénalise pas les médecins ; elle est gênante pour les patients, et oblige les préfets à réquisitionner à tours de bras ». C'est difficile à entendre ! M. Jean-Pierre Foucher - C'est comme ça pour toutes les grèves ! M. le Président de la commission - Il n'y a pas eu de concertation, affirme l'opposition. C'est faux ! La concertation a duré un semestre. J'ai participé au « Grenelle » de la santé, auquel, soit dit en passant, les représentants du Sénat ne sont jamais venus. Nous avons eu un débat de fond. La rédaction d'un rapport a été confiée à un groupe de qualité, animé par le professeur Glorion, qui est une personnalité incontestable. La difficulté avec le Conseil constitutionnel tient à un point de forme : la concertation a duré si longtemps que le texte n'est venu en discussion que très tardivement. Notre démarche s'est fondée sur la négociation, la concertation et la responsabilisation des professionnels de santé et des usagers. Nous avons ainsi élaboré toute une architecture qu'il faudra sans doute compléter. Ainsi le problème de la représentativité des organisations syndicales, Monsieur Dufour, qui se pose de façon générale n'est pas résolu. Nous avons essayé en vain de le traiter, M. Emmanuelli et moi. Réguler les dépenses de santé par la responsabilité, et non par les sanctions, sauf à la marge, voilà la clé du système que nous construisons. Contrairement à ce que j'ai entendu, le conseil d'administration de la CNAM a donné à ce texte son accord unanime. Pour faire fonctionner notre système de soins, à la complexité duquel nous sommes attachés, j'appelle les professionnels à jouer le jeu. J'ai présenté à la commission des affaires sociales un rapport et un bilan de la législature. La commission s'est réunie 382 fois ! Je ne vous dis pas combien de fois je l'ai présidée... (Sourires) Un noyau de parlementaires, issus de tous les bancs, a participé jusqu'à 200 séances. Mme Hélène Mignon a été la plus assidue. M. Jean-Pierre Foucher - Après le président ! M. le Président de la commission - M. Foucher figure lui aussi en très bonne place ! Le bilan fait apparaître un nombre énorme de transformations structurelles en cinq ans : dotation nationale de développement des réseaux, fonds de modernisation sociale des établissements de santé, développement du générique, création du PRAPS et du PASS, Agence française de sécurité sanitaire... Mme Yvette Benayoun-Nakache - Bio-éthique ! M. le Président de la commission - Tout à fait ! Il y en a comme cela dix pages ! Nous avons eu en permanence la volonté d'assurer l'équilibre du système de protection sociale, de dialoguer et de construire une nouvelle architecture. C'est à partir de là que nous aurons à répondre aux questions des citoyens, à engager le débat et à préparer sereinement un avenir qui nous permettra de continuer nos travaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Mme la Ministre - A mon tour, je tiens à remercier bien sincèrement la commission des affaires sociales et, en premier lieu, son président, qui a conduit ses travaux avec toute la compétence et l'énergie qu'on lui connaît - et toutes deux étaient bien nécessaires, puisque c'est par cette commission que sont passées la plupart des grandes réformes de cette législature ! Mais j'exprimerai également ma reconnaissance à tous les parlementaires qui ont apporté leur pierre à cette _uvre, sans oublier ceux de l'opposition dont la réflexion nous a aidés à améliorer encore notre bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme la Présidente - La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle, conformément à l'article 114, alinéa 3, du Règlement. M. Jean-Pierre Foucher - Je voterai contre. L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée en nouvelle lecture, est adopté. RÉUNION DE COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre des lettres m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion de commissions mixtes paritaires chargées de proposer des textes sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant l'ordonnance de 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et instituant le recrutement de conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire, et du projet de loi portant réforme des tribunaux de commerce. Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures. La séance est levée à 13 heures 15. Le Directeur du service |
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