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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7585).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 7585)

Article 6 (p. 7585)

MM. Bernard Accoyer, François Goulard.

Amendement de suppression no 153 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour les recettes et l'équilibre général ; Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. - Rejet.

Adoption de l'article 6.

Article 7 (p. 7586)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. JeanPierre Foucher, Maxime Gremetz, Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assu-r ance maladie et les accidents du travail ; Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat.

Amendements de suppression nos 155 de M. Accoyer et 231 de M. Goulard : Bernard Accoyer, François Goulard, Claude Evin, rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 156 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 7.

Article 8. - Adoption (p. 7593)

Article 9 (p. 7593)

MM. Jean-Luc Préel, Yves Bur, Germain Gengenwin, Pierre Hellier, Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance vieillesse ; Mme la ministre, M. le secrétaire d'Etat.

Amendements nos 395 de la commission des affaires culturelles et 10 de M. Schneider : MM. Alfred Recours, rapporteur, Bernard Accoyer, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement no 395 ; l'amendement no 10 n'a plus d'objet.

Amendement no 431 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, Alfred Recours, raporteur. - Adoption.

Amendement no 396 de la commission : MM. Alfred Recours, rapporteur, le secrétaire d'Etat, Mme Hélène Mignon. - Adoption.

A mendement no 36 de la commission : MM. Alfred Recours, rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

A mendement no 37 de la commission : MM. Alfred R ecours, rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Accoyer. - Adoption.

Adoption de l'article 9 modifié.

Article 10 (p. 7598)

M. Bernard Accoyer.

Amendement de suppression no 157 de M. Accoyer :

M

M. Bernard Accoyer, Alfred Recours, rapporteur,

Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 38 de la commission : Mme la ministre. Adoption.

Amendements identiques nos 158 de M. Accoyer et 232 de M. Goulard : MM. Bernard Accoyer, François Goulard, Alfred Recours, rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 10 modifié.

Article 11 (p. 7600)

M. Bernard Accoyer.

Amendement de suppression no 233 de M. Goulard : MM. François Goulard, Alfred Recours, rapporteur,

Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 39 de la commission : M. Alfred Recours, rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 11 modifié.

M. Maxime Gremetz.

Suspension et reprise de la séance (p. 7601)

Après l'article 11 (p. 7601)

Amendement no 404 de M. Recours : MM. Alfred Recours, rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, Germain Gengenwin. - Adoption.

M. le secrétaire d'Etat.

Amendement no 408 du Gouvernement, avec les sousamendements nos 420 et 432 de M. Recours : Mme la ministre, MM. Alfred Recours, rapporteur, François Goulard, Bernard Accoyer. - Adoption des sous-amendements nos 420 et 432 et de l'amendement no 408 modifié.

Amendement no 141 de M. Guibal : MM. Bernard Accoyer, Alfred Recours, rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 417 du Gouvernement : MM. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; Alfred Recours, rapporteur, Germain Gengenwin, Bernard Accoyer. - Adoption.

Article 12 (p. 7608)

Réserve de l'article 12 jusqu'après l'article 36.

Mme la ministre, M. François Goulard.

Après l'article 12 (p. 7608)

Amendement no 161 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, Alfred Recours, rapporteur, Mme la ministre,

M. François Goulard. - Rejet.

Article 13 (p. 7610)

MM. Jacques Barrot, Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, Yves B ur, Mmes Muguette Jacquaint, Hélène Mignon,

M. Denis Jacquat, rapporteur, Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour la famille ; M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis,

Mme la ministre.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7618).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (nos 1106, 1148, tomes I à IV).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles et s'est arrêtée à l'article 6.

Article 6

M. le président.

« Art. 6. - I. - Au chapitre III du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, l'intitulé de la section V est remplacé par l'intitulé suivant : « Encaissement des cotisations, contributions et taxes sociales recouvrées par les organismes visés à l'article L. 213-1 ».

« II. Il est inséré, dans cette section V, un article L. 243-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 243-14 . - I. - Les entreprises ou les établissements d'une même entreprise, redevables de cotisations, contributions et taxes d'un montant supérieur à 6 millions de francs au titre d'une année civile, sont tenus de régler par virement les sommes dont ils sont redevables l'année suivante sur le compte spécial d'encaissement de l'organisme de recouvrement dont ils relèvent.

« II. Les entreprises autorisées à verser pour l'ensemble ou une partie de leurs établissements les cotisations dues à un organisme de recouvrement autre que celui ou ceux dans la circonscription desquels ces établissements se trouvent situés sont soumis à la même obligation.

« III. Le non-respect de l'obligation prévue au I entraîne l'application d'une majoration de 0,2 % du montant des sommes dont le versement a été effectué selon un autre mode de paiement.

« IV. Les règles et les garanties et sanctions attachées au recouvrement des cotisations de sécurité sociale sont applicables à la majoration prévue au III.

« Les modalités d'application du présent article sont, en tant que de besoin, fixées par décret en Conseil d'Etat. »

« III. Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er avril 1999. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l'article.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, mes chers collègues, cet article, qui paraît au demeurant relativement simple, technique et de nature à alléger certaines contraintes, s'inscrit en réalité dans la droite ligne de la plupart des dispositions de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. En effet, sans avoir l'air de rien, il va c ompliquer le travail des entreprises, alourdir leurs charges et augmenter les risques de contentieux, en tout cas d'application de pénalités quant au recouvrement.

Les entreprises qui versent plus de 6 millions de francs par an aux organismes de recouvrement de la sécurité sociale devront désormais le faire par virement bancaire.

Elles perdront donc le bénéfice de la date de valeur, notamment lorsque les dates butoir de recouvrement interviennent en fin de semaine. Cela peut paraître peu de choses, mais en réalité, dans le contexte actuel caractérisé par une tension sur leur trésorerie et leur gestion, il est inutile d'accroître encore la pression sur les entreprises qui, rappelons-le, sont les seules à pouvoir créer de l'emploi.

En réalité, le seuil de 6 millions de francs versés annuellement aux organismes de recouvrement sociaux est relativement bas, car le niveau des charges désormais atteint dans notre pays est tel que ce sont des dizaines de milliers d'entreprises qui sont concernées. On peut redouter qu'une telle disposition n'aggrave leurs difficultés de trésorerie, surtout quand on connaît la récente évolution des perspectives de croissance.

Mais je veux montrer à quel point le mécanisme utilisé par l'administration est pervers. Les nombreuses entreprises, notamment des petites entreprises de services, qui ont développé des antennes dans différentes villes, dans différents départements devaient remplir autant de bordereaux de versement à l'URSSAF que de lieux de travail différents, c'est-à-dire souvent un grand nombre. Pour une raison de simplification administrative, on leur a accordé la possibilité de regrouper ces cotisations et de les régler à un seul organmisme et leur « serrer le coupefile », selon son expression favorite. Or, avec cette nouvelle disposition, l'administration vient en quelque sorte leur compliquer la tâche. Pour toutes ces raisons, nous considérons que cet article est dangereux.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je regrette que l'on soit obligé de recourir à la loi pour imposer une telle obligation de paiement par virement aux entreprises. Les URSSAF et les entreprises ne pourraient-elles pas régler entre elles, par voie contractuelle, des problèmes aussi pratiques ? La loi devrait en effet conserver un caractère solennel. Or on la met « à toutes les sauces » et je trouve cela regrettable.


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M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 153, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 6. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 153.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général.

Il ne s'agit pas d'augmenter les charges dues par les entreprises. Ce dispositif va dans le sens de la modernisation des modes de gestion et des méthodes de travail des URSSAF, dont on a dit hier qu'il fallait les améliorer pour le prélèvement des cotisations sociales des grandes entreprises. Il ne faut d'ailleurs pas surestimer les conséquences de cette mesure, car les entreprises redevables de plus de 6 millions de francs de cotisations et de contributions sociales au cours d'une année civile sont environ 5000.

M. Bernard Accoyer.

Oui, elles sont plusieurs milliers !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Néanmoins, les cotisations versées par ces 5 000 entreprises représentent 45 % du total des cotisations prélevées. L'amélioration de leur mode de recouvrement aura donc un impact très important pour l'ensemble des organismes de recouvrement.

En cas de paiement par chèque, un délai de un à deux jours s'écoule entre le moment de la remise du chèque et celui où il est débité sur le compte en banque de la société. Avec le paiement par virement, les organismes de recouvrement n'auront plus à subir les effets de la date de valeur appliquée au chèque qui se traduisaient par des difficultés de trésorerie pour eux. Quant aux entreprises, elles seront débitées seulement le jour J, c'est-à-dire à la date d'exigibilité des cotisations et contributions, et pas avant. Elles n'auront donc pas de pertes liées à la date de valeur. Un tel dispositif existe d'ailleurs déjà depuis plusieurs années en matière fiscale, et il est bien accepté par les entreprises.

En outre, il paraît normal d'aller progressivement vers la dématérialisation et la modernisation des modes de p aiement, surtout lorsque si peu d'entreprises sont concernées pour un volant aussi important de cotisations.

Enfin, contrairement à ce qu'ils semblent croire, en intervenant sur ce point, ce ne sont pas les entreprises que nos collègues de l'opposition défendent, mais plutôt les organismes financiers. Ce sont en effet eux qui y perdront avec ce dispositif puisqu'ils réalisent actuellement des gains au détriment des organismes de recouvrement, précisément avec cette date de valeur.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 153.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Les choses sont claires. L'obligation de paiement par virement permettra une simplification, en termes de gestion, pour les organismes de sécurité sociale, ce qui ne peut que nous satisfaire, une meilleure régularité dans le versement des cotisations, donc une meilleure prévisibilité du profil de trésorerie, et il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de modifier les dates limites de paiement à cette occasion. Je suis donc hostile à cet amendement, d'autant que le paiement par chèque représente un avantage de trésorerie pour certaines entreprises et pas pour d'autres.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Il est regrettable que l'on ne mesure pas les difficultés que connaissent les entreprises françaises, notamment en termes de trésorerie, tout spécialement celles qu'elles risquent de rencontrer dans les mois à venir. En effet, les carnets de commande se dégonflent en raison de la détérioration du contexte économique mondial. La France, qui avait jusqu'à présent profité de la croissance, risque fort de connaître un ralentissement, ainsi qu'en témoigne le pessimisme des chefs d'entreprise dont il est fait état ce matin même dans la presse.

Je m'inscris en faux contre ce qui vient d'être dit à propos des dates de valeur, car tout dépend des négociations entre les entreprises et leur organisme bancaire. La vie dans une société se caractérise aussi par des négociations entre les différents acteurs de la vie économique. En outre, je ne pense pas choquer quiconque en affirmant qu'il est plus important d'assurer la survie des entreprises que de faire gagner quelques jours, en termes de date de valeur, aux URSSAF.

Enfin, j'ai entendu dire que le recouvrement par virement se pratiquait depuis longtemps dans l'administration fiscale. C'est vrai, mais j'attire l'attention de notre assemblée et du Gouvernement sur un point très précis qui est à l'origine de drames et de difficultés pour de nombreuses entreprises, à savoir le caractère intransigeant, quant aux dates de paiement, des unions de recouvrement des caisses de sécurité sociale. Celles-ci restent en effet de marbre en cas de retard de paiement et ce dispositif aggravera encore la pression sur les entreprises.

Monsieur le secrétaire d'Etat, un chef d'entreprise, c'est aussi un homme et le développement de son entreprise dépend de ses réactions à certaines mesures. Or celle-ci va augmenter la pression sur les entreprises, ce qui aura des effets négatifs sur l'emploi. Ce texte vise à sauvegarder la protection sociale des Français. Or la première des protections, c'est disposer d'un emploi, la conséquence normale de l'emploi étant d'ailleurs de permettre le financement de la protection sociale.

Les arguments avancés par la commission et le Gouvernement ne sont pas recevables. Ils n'apaiseront pas l'inquiétude des chefs d'entreprise. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 6.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 153.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. - I. - Le III de l'article 12 de l'ordonnance no 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale est ainsi modifié :

« 1o Au premier alinéa, le membre de phrase : « dont sont retranchées les charges comptabilisées au cours de la même période au titre des dépenses de recherche afférentes aux spécialités pharmaceutiques éligibles au crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts » est supprimé ;

« 2o Le deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Le taux de cette contribution est fixé à 1,47 %. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

« II. Les sommes dues par les entreprises au titre des contributions prévues à l'article 12 de l'ordonnance précitée du 24 janvier 1996 modifiée par le I du présent article s'imputent sur les sommes acquittées par les entreprises au titre desdites contributions en application dudit article 12, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi.

« L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, selon le cas, recouvre ou reverse le solde. Dans le cas où les sommes dues en application du présent article sont inférieures aux sommes acquittées au titre des contributions instituées par l'ordonnance du 24 janvier 1996 précitée, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, la différence donne lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement et ne sont pas capitalisés.

« Dans le cas où les sommes dues en application du présent article sont supérieures aux sommes déjà acquittées, un décret fixe les modalités de versement de ces sommes par les entreprises redevables. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l'article.

M. Jean-Luc Préel.

Notre industrie pharmaceutique a été l'une des plus performantes et des plus innovantes. Je parle au passé, malheureusement, car elle est aujourd'hui en péril et le risque est grand que la France ne soit plus à l'avenir qu'un acheteur de molécules innovantes, comme c'est le cas d'autres pays.

Notre industrie pharmaceutique a notamment souffert de la politique menée en matière de prix qui consistait à vouloir des prix le plus bas possible, ce qui a d'ailleurs conduit à cette particularité que M. le secrétaire d'Etat rappelle souvent, à savoir un volume important de production. En effet, quand on pratique des prix bas, on cherche à se rattraper sur les quantités. Le fait d'avoir des prix bas n'a par ailleurs pas permis de dégager les moyens nécessaires pour la recherche, qui est particulièrement onéreuse. Pour découvrir des molécules innovantes, il faut en effet des équipes de chercheurs compétents, formés, rémunérés. Ils cherchent longtemps. Cela suppose une grande opiniâtreté et quelquefois un peu de chance.

C'est pour favoriser la recherche française qu'une ordonnance de janvier 1996, dont les intentions étaient à notre avis louables et justes, prévoyait de minorer le prélèvement auquel sont soumises les entreprises pharmaceutiques pour celles effectuant de la recherche en France.

C'était bon pour la recherche française et pour l'industrie française.

La recherche prépare l'avenir et, si nous voulons maintenir une industrie pharmaceutique française - mais on peut se demander si vous le voulez réellement -, il est indispensable de l'aider. Le dispositif en vigueur ne pénalise en rien les firmes étrangères, puisque celles-ci se rémunèrent à l'étranger, où les prix sont beaucoup plus élevés qu'en France, pour financer leur recherche. Les laboratoires français, quant à eux, sont pénalisés par les prix bas, je le répète.

Vous prétendez annuler purement et simplement l'effet de la suppression de la minoration du fait des dépenses de recherche en abaissant le taux de la contribution. En réalité, vous serez conduits à rembourser les entreprises étrangères, sans rien proposer aux entreprises françaises pour encourager leur recherche. Et je ne parle pas des grandes difficultés que vous rencontrerez lorsqu'il faudra remonter en arrière pour rembourser des prélèvements qui auront déjà été effectués. Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous ne voulez pas pénaliser l'industrie française, il convient de ramener le taux de la contribution de 1,7 % à 1,2 %, et non à 1,47 % comme vous le proposez.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Avec cet article 7, nous abordons le problème crucial du médicament, et plus précisément des entreprises françaises qui opèrent dans ce secteur important, naguère brillant pour notre pays, mais qui a malheureusement perdu de sa force en raison du mécanisme dévastateur prix-volume, illustré et résumé par Jean-Luc Préel.

Malgré un contexte difficile, il existe néanmoins encore quelques entreprises qui continuent à développer des efforts persistants en matière de recherche de molécules nouvelles et de production. Certains très grands groupes mondiaux, dont le volume du chiffre d'affaires est désormais comparable à celui d'Etats, développent aussi de la recherche et de la production sur notre territoire. Or, plusieurs dispositions de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale vont compromettre définitivement la recherche, qu'elle soit réalisée par des entreprises françaises ou par des entreprises étrangères exerçant sur notre sol. S'il est un article qui prend pour cible ces entreprises, c'est bien cet article 7. En effet, en revenant sur un mécanisme mis en place par le gouvernement Juppé pour - c'est vrai - protéger les entreprises qui recherchaient des molécules nouvelles en France et donnaient ainsi du travail dans l'un des secteurs probablement parmi les plus porteurs pour l'avenir, en tout cas les plus importants sur le plan humain, ce sont bien les entreprises françaises que vous allez pénaliser en retour. Alain Juppé et son gouvernement avaient voulu trouver le moyen de privilégier les entreprises de ce créneau, qui pouvaient encore offrir une place à la France.

Le recours intenté par une entreprise étrangère contre cette disposition, au motif qu'elle dérogeait à la règle de l'égalité des contribuables devant l'impôt, est en train d'aboutir. Et le Gouvernement, au lieu d'anticiper afin de protéger nos entreprises, saisit la dague, prend de l'élan et l'enfonce dans leur coeur ! C'est absolument incroyable ! Ainsi, parce que cet article 7 institue une taxation spécifique sur les seules entreprises françaises ou les entreprises étrangères menant des recherches en France ; parce que cette taxation serait rétroactive - ce qui est tout à fait inadmissible - et qu'elle serait reversée à des entreprises étrangères qui ont fait le choix de développer leurs recherches à l'étranger, il convient que le Gouvernement, prenant conscience de la gravité de son erreur, le retire de la discussion.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Cette erreur n'est pas la nôtre !

M. Bernard Accoyer.

A cette occasion, je vous livre une réflexion, qui me paraît particulièrement inquiétante. La recherche est désormais centrée sur la rentabilité. C'est bien triste.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas triste, c'est normal !

M. Bernard Accoyer.

Ainsi, les très grands groupes pharmaceutiques ont préféré investir dans la recherche d'un traitement contre le VIH plutôt que dans celle d'un vaccin. Et si l'on ne peut que se féliciter que le traitement contre les dégâts terribles du VIH ait abouti à des progrès concrets qui permettent aux malades de survivre, on ne peut qu'être infiniment triste de constater que les grands groupes industriels fondent leurs choix sur des cri-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

tères financiers. De fait, il était plus rentable d'offrir à des pays solvables un traitement contre le VIH que d'offrir à des pays insolvables un vaccin qui n'est utilisé qu'une fois et ne coûte pas très cher.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je plaide ici en faveur des entreprises françaises, mais aussi en faveur d'une certaine éthique en matière de recherche.

J'espère que votre réponse ne décevra ni les madades ni les industriels.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Accoyer, il convient d'abord de rappeler que cet article vise essentiellement à corriger une erreur du gouvernement Juppé.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'était pas une erreur, il s'agissait de protéger les entreprises !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quand c'est illégal, c'est une erreur ! Vous avez fait la même chose pour les industries textiles et l'habillement et la France s'est fait condamner par la Communauté européenne.

M. Bernard Accoyer.

Alors, quand on protège les Français, c'est une erreur ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quand on a des engagements européens, on les respecte ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

On ne peut pas en tenir compte quand on en a besoin et s'asseoir dessus quand on n'en a pas besoin. Pour ma part, j'essaie de respecter les lois, toutes les lois et tous les engagements de la France. Et c'est pour cela que nous sommes là aujourd'hui. (

« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

L'ordonnance du 26 janvier 1996 a institué trois contributions exceptionnelles, limitées à l'année 1996, à la charge des laboratoires pharmaceutiques. Leur recouvrement a rapporté 2,5 milliards.

Un contentieux a été formé devant le Conseil d'Etat, lequel a demandé à la Cour de justice des Communautés européennes d'apprécier la compatibilité au droit communautaire d'une des trois contributions ; celle qui est assise sur le chiffre d'affaires réalisé en France au titre des médicaments remboursables et qui déduisait de cette assiette les dépenses de recherche effectuées en France.

Il va déboucher, sans aucun doute, sur l'annulation de cette contribution, dont le rendement est de 1,2 milliard.

Les sommes perçues devraient alors être restituées. C'est donc pour préserver cette recette que le projet de loi de financement prévoit de ratifier l'ordonnance, en modifiant l'économie initiale de la contribution pour la rendre conforme aux textes communautaires.

Là encore, je crois que nous avons une conception complètement du marché différente de la vôtre. Ce n'est pas en surprotégeant artificiellement les entreprises françaises que nous les aiderons. C'est en fixant une véritable politique de prix, qui leur assurera les prix du marché international. Mais cela implique que vous ne défendiez pas, par exemple, le médicament que je viens de dérembourser parce qu'il n'avait aucun effet médical et parce que son remboursement nous aurait empêchés de suivre des médicaments plus innovants.

Voilà la vérité. Vous avez voulu, dites-vous, aider les laboratoires français ? Mais aider les laboratoires français, ce n'est pas les préserver de la concurrence ! C'est respecter les lois de la concurrence, c'est respecter les engagements de la France au niveau européen et faire en sorte, en matière de recherche médicale, de pouvoir conventionner avec eux.

J'observe que le premier budget de Claude Allègre, dont vous avez discuté, est celui de la recherche médicale.

Voilà encore une façon d'aider les laboratoires, qui ne consiste pas à introduire de faux éléments de concurrence et à ériger, comme on l'a déjà fait en France, des protections artificielles et malthusiennes. On sait d'ailleurs ce que ça a donné, après la guerre, quand on a fermé les frontières et institué des prix administrés. Ce que vous proposez, c'est la même chose.

M. Jean-Pierre Foucher.

Propos inacceptables !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous, nous voulons aider vraiment les laboratoires les plus innovants dans leur recherche en nous gardant bien de protéger ceux qui ne le méritent pas.

Notre conception des choses est en effet bien différente de la vôtre. Et la politique que nous entendons mener vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique consiste à fixer les prix et les taux de remboursement des médicaments en fonction de leur effet médical. Car les entreprises doivent pouvoir mettre sur le marché les molécules innovantes une fois qu'elles ont été découvertes, soit par les laboratoires de recherche, soit par elles-mêmes, et je vous rappelle que, pour 85 %, ces découvertes sont dues à des laboratoires privés et non à l'industrie. C'est donc une façon moderne d'aider ceux qui sont les plus avancés.

Nous vous proposons de supprimer la déductibilité de ces frais de recherche, qui, encore une fois, est illégale.

Une contribution nouvelle est ainsi créée, qui s'impute sur la contribution ancienne. Cette option évite un reversement massif des sommes perçues suivi d'un nouvel appel, ce qui serait extrêmement compliqué. Elle repose sur un jeu de régularisation, qui se fonde sur les éléments déclarés en 1996 avec, selon les cas, remboursement par l'ACOSS ou remboursement complémentaire de la part des laboratoires. Il ne s'agit pas de sommes extraordinaires, puisque 66 millions de francs seront ainsi remboursés d'un côté et récupérés de l'autre...

M. Bernard Accoyer.

Et reversés à l'étranger !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous n'avez qu'à faire des textes légaux et qui respectent les engagements internationaux !

M. Jean-Pierre Foucher.

Ce n'est pas encore jugé ! On ne sait donc pas si cette disposition est illégale.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai entendu ce qu'a dit M. Accoyer.

Le montant récupéré se répartit sur trente-neuf entreprises pharmaceutiques, dont vingt et une pour un montant inférieur à 100 000 F, dix pour un montant supérieur à 1 million, et trois seulement pour un montant supérieur à 10 millions. Le reversement concerne de très nombreuses entreprises : 176, dont six seulement pour une somme supérieure à 3 millions. Il faut aider les laboratoires les plus innovants et, particulièrement, ceux qui ont investi dans notre pays et qui souhaitent rester sur le sol français. Nous le faisons par une politique moderne du prix du médicament et du taux de remboursement et par des aides à la recherche. Aucun gouvernement ne l'a fait jusqu'à présent, en tout cas pas celui qui a fait voter ce texte.

M. Bernard Accoyer.

Je demande la parole pour répondre au Gouvernement !


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M. le président.

Il n'est pas d'usage d'engager un débat lors de la discussion d'un article. Mais je vous laisserai t out le temps de répondre, monsieur Accoyer, au moment de la discussion de l'amendement de suppression.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Madame la ministre, je ne peux pas admettre vos propos que les membres de l'Agence du médicament apprécieront ! Vous dites que vous sortez du champ du remboursement un médicament qui a obtenu l'AMM, mais qui n'a aucun effet thérapeutique. Alors, on ne peut pas le considérer comme un médicament ? Vous déniez ainsi toute valeur au travail de l'Agence du médicament. Dans ce cas-là, autant s'en remettre directement à la commission qui donne un avis sur les prix et les remboursements. Je constate que notre conception du médicament est tout à fait différente de la vôtre.

En revanche, je suis tout à fait d'accord avec les propos de Jean-Luc Préel. Je voudrais revenir sur les problèmes juridiques que pose cet article 7. Vous nous parlez de légalité. Mais est-il vraiment légal ? Est-il normal et cohérent de modifier le taux, l'assiette et les modalités d'une contribution, non pas pour l'avenir, mais pour le passé ? Je rappelle que cette contribution a déjà été payée en totalité par les entreprises.

Une telle méthode heurte de plein fouet les principes de la sécurité juridique. Certes, l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme autorise une telle rétroactivité, mais à la condition que la contribution - l'impôt - ne concerne pas un exercice clos et que, par ailleurs, la nécessité pour les comptes de la nation soit prouvée.

Transposons cette rétroactivité à l'impôt sur le revenu.

Le législateur accepterait-il de faire payer un complément au contribuable l'an prochain sur les impôts payés l'an dernier et afférents à l'année n 2 ? Cela dérogerait à l'article 2 du code civil.

Considérez-vous que le Gouvernement a autorité pour innover en instaurant la rétroactivité de l'impôt ? Je souhaite vivement que vous nous éclairiez, madame la ministre. Je vous ai déjà interrogée lors de mon intervention dans le cadre de la discussion générale, sans obtenir de réponse. Quel avis a donné ou donnerait le Conseil constitutionnel ? Sur quel précédent fondez-vous votre décision ? Vous affirmez que la contribution actuelle doit être revue. En fait, c'est parce qu'à la suite de la plainte d'un laboratoire au regard du droit communautaire,...

M. Bernard Accoyer.

D'un laboratoire étranger !

M. Jean-Pierre Foucher.

... vous craignez que l'un des trois prélèvements mis à la charge de l'industrie pharmaceutique soit annulé. Mais l'affaire n'est toujours pas tranchée. Comment pouvez-vous, dans ces conditions, préjuger d'une décision de justice en remettant en cause un impôt déjà payé ? De manière plus pratique, vous indiquez que les entreprises ayant trop versé seront indemnisées au taux légal.

Cela ne pose pas de problème. Mais vous dites aussi qu'un décret précisera les conditions de reversement pour les entreprises n'ayant pas assez versé.

Plusieurs questions se posent : est-il constitutionnel de renvoyer à un décret les modalités afférentes à un impôt ? C'est démettre le législateur de sa compétence, et c'est grave.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Foucher.

Si les entreprises refusent de verser un complément, quelles seront les sanctions appliquées ? Ces sanctions ne sont pas définies. En outre, elless eront forcément rétroactives. Or c'est interdit par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme. Enfin, si vous renoncez à instituer des sanctions, vous créez une situation inégale entre les entreprises qui paieront et celles qui ne paieront pas.

Prévoyez-vous des conditions déclaratoires nouvelles à la charge des entreprises ? Si c'est non, cela voudra dire que les pouvoirs publics exigent des versements des entreprises sans déclaration obligatoire en amont, ce qui fait que la contribution sera juridiquement infondée. Si les entreprises n'ont pas le droit de rectifier leurs déclarations passées, alors comment et sur quelles bases allez-vous taxer les prétendus revenus supplémentaires ? Comment allez-vous traiter les entreprises entre-temps disparues ? Qui va retracer les comptes, qui va payer ?

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-Pierre Foucher.

Et pour celles qui ont fusionné depuis 1996, à laquelle sera versé le remboursement ou de laquelle sera exigé le versement supplémentaire ?

M. Bernard Accoyer.

Et si elles ont délocalisé ?

M. Jean-Pierre Foucher.

Enfin, en modifiant les règles appliquées à un impôt existant, défini lors d'une loi de finances précédente et payé dans son intégralité, vous remettez en cause le principe jusqu'alors intangible de l'annualité de la loi de finances. Je vous rappelle que ce principe vaut autant pour la loi de finances du budget de l'Etat que pour la loi de financement de la sécurité sociale.

Comme je l'ai déjà fait remarquer lors de la discussion générale par cet article, le principe de la sécurité juridique est violé. Le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale est violé. Le principe de la compétence du législateur est violé. Le principe de l'annualité des lois de finances est violé. Cela fait beaucoup pour un seul article !

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

M. Juppé, sans doute pour essayer de faire passer les quelque 100 milliards que son plan imposait aux ménages, avait instauré ce prélèvement - plus modeste - de 2,5 milliards sur l'industrie pharmaceutique. Vous voyez qu'il n'avait pas « fait » trop fort.

Les modalités de ce prélèvement n'étant pas conformes au droit communautaire, une mise en conformité était nécessaire pour le consolider. C'est l'objet de cet article qui, par ailleurs, modifie la structure du prélèvement pour en maintenir le volume global.

Cette mesure nous paraît juste. Le groupe communiste votera donc l'article 7.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

Rappelons le contexte : si nous sommes obligés aujourd'hui de revenir sur cette contribution, c'est en effet parce qu'il y a eu - ce n'en est qu'un exemple, nous en verrons d'autres - une malfaçon dans les ordonnances Juppé.

M. Bernard Accoyer.

C'est incroyable ! Vous ne faites que taper dessus !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est une ordonnance parmi d'autres !

M. Claude Evin, rapporteur.

En l'occurrence, il s'agit d'une ordonnance de janvier 1996, qui instaurait une contribution particulière pour l'industrie pharmaceutique.

Et si je tiens à appeler votre attention, mes chers collègues, c'est que nous aurons l'occasion, à l'article 25, d'examiner un mécanisme concernant l'industrie pharmaceutique. Et l'on va certainement encore entendre l'opposition nous accuser d'attaquer celle-ci.

Le gouvernement de M. Juppé, pour des raisons diverses et dans le prolongement de l'annonce qu'il avait faite à l'automne 1995, avait demandé à l'industrie pharmaceutique de contribuer à hauteur de 2,5 milliards de francs. Or l'assiette de ce prélèvement est fragile, pour des raisons de droit communautaire et un contentieux a été engagé. Mais je voudrais insister sur le fait qu'on ne vise pas, contrairement à ce que prétend M. Accoyer, les seules entreprises françaises.

M. Bernard Accoyer.

Cela reviendra au même !

M. Claude Evin, rapporteur.

La contribution est assise sur la recherche effectuée en France, et pas uniquement sur des entreprises françaises qui auraient fait de la recherche en France.

M. Bernard Accoyer.

Ce sont donc des emplois français !

M. Claude Evin, rapporteur.

La Cour européenne de justice risque effectivement de prendre en considération le critère retenu, qui répondait certainement à une intention louable du Gouvernement précédent. Mais le fait qu'on ait des intentions louables ne suffit pas à garantir la sécurité juridique des décisions qu'on prend. Une erreur a donc été faite, il s'agit de la réparer. Elle le sera avec le vote de cet article.

Je voudrais enfin préciser, puisque la question a été abordée par M. Accoyer et par M. Foucher, qu'en matière fiscale la rétroactivité est clairement acceptée par le Conseil constitutionnel. Il n'y a donc aucun risque à adopter cet article.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Notre collègue Foucher pointait ce qui lui semblait être une contradiction entre l'AMM et le remboursement.

Je ne suis pas pharmacien, mon cher collègue, mais je sais, comme vous, que l'AMM résulte d'un rapport entre le bénéfice et le risque et que le remboursement relève d'une logique de santé publique. Personnellement je ne suis pas choqué par le fait qu'existent et que persistent deux procédures : l'une qui apprécie le rapport bénéficerisque et l'autre qui apprécie l'intérêt du médicament en termes de santé publique.

Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un médicament bénéficie d'une AMM que les pouvoirs publics sont contraints de le laisser dans le champ du remboursement s'ils estiment, au vu d'un rapport d'experts, que son intérêt en termes de santé publique doit être relativisé.

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est tout à fait vrai, mais ce n'est pas ce qu'a dit Mme la ministre !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Si je vous ai répondu, c'est parce que vous m'aviez donné l'impression de faire un lien direct entre l'octroi de l'AMM et le droit au remboursement.

M. Jean-Pierre Foucher.

Moi, non. Mais Mme la ministre, oui !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Si telle n'était pas votre pensée, ces propos sont devenus inutiles.

Concernant l'article 7, je voudrais simplement dire, mes chers collègues, que nous sommes contraints de procéder à un certain ravaudage. Certes, les difficultés juridiques que vous avez relevées sont réelles. D'une certaine manière, nous sommes en train d'illustrer parfaitement l'adage bien connu qui veut que l'enfer soit pavé de bonnes intentions. Quoi de plus louable, en effet, que de vouloir protéger les investissements de recherche qui s'effectuent en France ?

M. Bernard Accoyer.

Merci, monsieur le rapporteur !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Quoi de plus compréhensible que de vouloir procéder ainsi, même si le rapport qui a été adressé au Président de la République dans le cadre des ordonnances de M. Alain Juppé n'y faisait aucunement allusion ? Il n'y était question que de mesures d'équilibre. A aucun moment il n'était écrit qu'il s'agissait de protéger les investissements faits en France. Je découvre avec vous aujourd'hui que telle était bien l'intention du Gouvernement. Encore une fois, elle était louable.

M. Bernard Accoyer.

Merci !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Seulement, elle est totalement contraire au droit communautaire. Le droit communautaire s'imposait à vous comme il s'impose à nous aujourd'hui. Vous auriez dû le prendre en considération comme nous sommes contraints maintenant de le faire.

Les difficultés juridiques sont réelles puisqu'il s'agit de reconstituer, a posteriori et non sans quelque artifice, une base d'imposition juridiquement convenable, pour une contribution intégralement levée, liquidée et payée, même si, Mme la ministre l'a parfaitement souligné, très peu d'entreprises sont concernées.

Cela étant, nous devrions, en la matière, être vous et nous associés, puisque grâce à ce ravaudage, vous avez la certitude que les mesures dont vous aviez approuvé le principe après avoir applaudi longuement et debout le Premier ministre Alain Juppé, seront non seulement prises mais pérennisées. Au lieu d'ouvrir une controverse, vous devriez nous remercier de mettre en oeuvre, quelques années plus tard, vos propres décisions.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Foucher, M. Accoyer et M. Préel nous ont posé la même question : voulez-vous favoriser la recherche française ? Bien entendu, nous le voulons ! Comment pouvez-vous penser le contraire ? Reste à savoir de quelle façon.

Je crois qu'il y a deux conceptions. Celle qui a prévalu, de votre côté comme du nôtre, pendant de longues années, et qui consistait, dans un circuit fermé, dans un marché captif auquel on ne pouvait accéder que par l'autorisation de mise sur la marché, à se mettre des oeillères pour protéger, surprotéger la recherche française et notre industrie du médicament. Ce n'était pas bon pour elles. La preuve : nous voyons aujourd'hui que les molécules françaises dont le brevet est déposé ne sont pas très nombreuses et le deviennent de moins en moins.

Rien ne sert de se lamenter sur le passé. Celui des médicaments, en effet, devrait être reconsidéré. Nous avons évolué. Bien des dogmes, en médecine comme dans


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

la pharmacopée, ont été remis en cause. Nous pensions très utiles des médicaments dont on estime aujourd'hui qu'ils ne le sont plus. Nous n'en sommes plus, pardonnez-moi, à l'huile de foie de morue !

M. Bernard Accoyer.

Dommage ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Oui, c'est dommage, monsieur Accoyer, elle vous a fait du bien, grâce à elle vous avez grandi ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel.

Et l'eau de mer prélevée au large, elle avait aussi du bon !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'était excellent, mais c'est fini maintenant. On rigole un peu de cette pharmacopée-là.

M. Bernard Accoyer.

On va y revenir, avec votre politique !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Quelle est l'autre conception ? Aujourd'hui, on ne pense plus, ou plus seulement, en termes de recherche nationale, chez nous comme à l'étranger. La recherche de nos laboratoires performants est une recherche internationale.

Je m'étonne donc, monsieur Accoyer, que vous mettiez d'un côté les étrangers et de l'autre les Français. Il n'y a plus un seul produit qui ne soit internationalement recherché et internationalement mis sur le marché. C'est une évolution fondamentale.

L'AMM aussi doit évoluer, puisque les conséquences nocives, les effets secondaires des médicaments sont très souvent, hélas, découverts après leur mise sur le marché.

Comment, dans ces conditions, l'AMM pourrait-elle rester un bloc d'airain ? C'est impossible ! Je vous donne deux exemples. La semaine dernière, un médicament qui a obtenu l'AMM européenne, et qui s'appelle le Tasmar, s'est révélé hépato-toxique. Qu'a-t-on fait ? On a fait évoluer l'AMM.

M. Jean-Pierre Foucher.

Ce n'est pas ce qu'a dit Mme la ministre !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je veux simplement vous faire remarquer que cette évolution accompagne les progrès scientifiques. Ce qu'a dit Mme la ministre et qui est complètement vrai, c'est que 85 % des découvertes sont faites à l'université et qu'ensuite les laboratoires reprennent les molécules pour les développer. Recherches internationales de développement et mise sur le marché mondial par les laboratoires, mais découvertes dans les universités par la recherche fondamentale, que justement nous confortons. Avec l'INSERM, en particulier, nous allons mettre en place la première recherche de notre pays.

Regardez les tentatives de regroupement en cours entre nos trois premiers laboratoires, ceux qui peuvent accéder au groupe des laboratoires de pointe mondiaux. Comme partout ailleurs, ils essaient d'atteindre ainsi une dimension internationale. De la même façon, dans les laboratoires moyens, la recherche peut se faire en collaboration, et c'est une évolution que nous encourageons.

Un dernier mot sur la trithérapie. Nous avons été capables de mettre très vite sur le marché ces spécialités qui avaient été trouvées ailleurs.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas le problème !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Dans les cartons de la recherche fondamentale et de la recherche pharmacologique française, il n'y avait rien et il n'y a toujours rien sur le sida. Notre seule chance, c'est le vaccin.

M. Bernard Accoyer.

Sauf que nous avons découvert le virus !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous n'étions pas les seuls à le prétendre, mais nous avons en effet découvert le virus, et nous nous en félicitons tous les jours. Malheureusement, notre système de recherche ne nous a pas p ermis, ensuite, de découvrir les médicaments qui agissent contre le virus.

Vous avez parlé du vaccin, monsieur Accoyer. Nous faisons tous les efforts pour que le groupe français qui a encore ses chances d'être parmi ceux qui pourraient non seulement le découvrir, mais aussi le mettre sur le marché, soit conforté dans sa démarche.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En ce qui concerne les problèmes juridiques, je rappelle d'abord que le principe d'annualité n'est pas remis en cause. En effet, ne pas prendre cette disposition ferait courir le risque de perdre 1,2 milliard de francs de recettes sur 1999 si la décision de justice était défavorable.

Ensuite, aux termes mêmes du projet de loi, le renvoi au décret ne porte que sur les dates de paiement, ce qui était déjà le cas dans le texte antérieur.

Enfin, dois-je rappeler que le Conseil constitutionnel a jugé à plusieurs reprises, et encore le 29 décembre 1996, que la loi fiscale peut être rétroactive sous certaines conditions. La principale est strictement remplie, puisque la contribution visée à l'article 7 n'a pas cessé de produire ses effets juridiques et ne le devait qu'au 31 août 1999.

Nous sommes donc dans les délais pour la modifier. Par ailleurs, je tiens à vous signaler qu'une loi de 1988 modifiant le barème de la taxe professionnelle due par les sociétés autoroutières depuis 1975 n'a pas été contestée par le Conseil constitutionnel. Ce dernier, constatant que la taxe était toujours en vigueur, a accepté que la mesure soit rétroactive jusqu'en 1975.

Pour ces raisons, je suis convaincue qu'il n'y a pas de risque constitutionnel.

J'en viens au fond. Nous souhaitons nous aussi, je l'ai dit dès mon exposé introductif, aider la recherche et l'industrie pharmaceutique en France. Je vous rappelle que le crédit d'impôt-recherche profite déjà largement à l'industrie pharmaceutique, puisqu'elle représente 4 % de l'industrie manufacturière mais consomme 10 % du crédit d'impôt, soit 300 millions de francs. Cela dit, nous considérons que c'est insuffisant et c'est pourquoi nous avons mis en place un groupe de travail présidé par le professeur Cros, dont la mission est de trouver de nouveaux processus d'incitation.

Enfin, je vous rappelle, messieurs, que le budget de la recherche médicale est le premier budget de recherche dans le projet de loi de finances pour 1999.

Sur le fond, nous poursuivons donc les mêmes objectifs. Pour le reste, encore une fois, nous ne faisons que corriger une illégalité - la seule que je constate en l'occurrence -, celle qui résulte des ordonnances de 1996.

J'espère que nous ferons en sorte, ensemble, que la recherche française, notamment dans l'industrie pharmaceutique, se développe plus que par le passé.

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques nos 155 et 231.

L'amendement no 155 est présenté par M. Accoyer ; l'amendement no 231 est présenté par M. Goulard.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 7. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 155.

M. Bernard Accoyer.

Mme la ministre, après avoir déclaré que les ordonnances de 1996 étaient bourrées d'erreurs, a nuancé son propos dans sa dernière intervention, en disant qu'elle essayait d'améliorer le dispositif, ce qui est plus conforme à la réalité.

Je rappellerai au Gouvernement que, si nous sommes en train de débattre de la sécurité sociale et des quelque 1 800 milliards de francs de mouvements financiers qu'elle induit, c'est grâce aux ordonnances de 1996. En effet, avant ces ordonnances, le Parlement n'avait aucun droit de regard sur les comptes de la sécurité sociale ; il ne pouvait même pas se prononcer sur leur évolution, et encore moins tenter de l'infléchir. Il s'agit pourtant du premier budget que la nation mobilise, un budget qui traduit l'effort que nos concitoyens consentent pour leur protection sociale.

Je voudrais également rappeler qu'avant les ordonnances de 1996, il n'y avait aucun lien légalement défini entre le Gouvernement et les caisses de sécurité sociale.

Ces relations sont désormais contractualisées. Il serait d'ailleurs heureux que le Gouvernement clarifie ses rapports avec les caisses.

Dois-je encore rappeler que la réforme du financement de la sécurité sociale, ce sont bien les ordonnances de 1996 qui l'ont engagée et que le mérite n'en revient pas à ce gouvernement ? Il n'a fait qu'appuyer à fond sur l'accélérateur du transfert entre les cotisations et la CSG, se privant ainsi du seul moyen qui aurait permis de financer de manière naturelle la solidarité en direction des plus démunis, c'est-à-dire d'une véritable assurance maladie universelle, ambition que vous êtes en train de galvauder en lui substituant une couverture maladie universelle dont nous reparlerons dans quelques semaines.

M. Claude Evin, rapporteur.

Ce n'est pas le sujet de l'article !

M. Bernard Accoyer.

Dois-je rappeler, enfin, que ce sont toujours les ordonnances de 1996 qui ont lancé la réforme de l'hospitalisation, réforme absolument indispensable pour deux raisons.

? D'abord, il faut remédier à la qualité très inégale des hôpitaux, qui donne parfois lieu à des descriptions caricaturale dans la presse. On peut le regretter, mais la presse a raison de s'exprimer sur ce thème essentiel pour l'équité entre nos concitoyens.

Ensuite, il est nécessaire de freiner l'évolution des dépenses. Et c'est également une ordonnance de 1996 qui a introduit la maîtrise « médicalisée » - un mot que vous avez oublié, madame la ministre - des dépenses de santé en matière de soins ambulatoires.

En vous acharnant sur l'industrie française du médicament ou les entreprises étrangères qui ont décidé de développer des recherches en France, vous oubliez que les

Etats-Unis ont, depuis bien longtemps, déclaré stratégiques les industries de santé. C'est une décision vitale pour les entreprises américaines, et le gouvernement américain a raison : quel domaine, sinon celui de la santé, mobilisera plus de moyens dans les années qui viennent, quel domaine suscitera une plus légitime aspiration, celle de vivre mieux et plus longtemps ?

Inlassablement, article après article, vous vous acharnez à détruire ce secteur qui a pourtant, historiquement, fait le rayonnement de la France, par la fécondité de sa recherche, l'invention de nouvelles molécules et le développement de l'industrie pharmaceutique.

Aujourd'hui, nous en sommes réduits, hélas ! aux découvertes fondamentales : le virus du sida - et ce n'est pas rien - ou le nouveau pas que nous venons d'accomplir vers des transplantations révolutionnaires. Malheureusement, nous sommes incapables d'exploiter les retombées sur le plan industriel, et c'est autant d'emplois perdus.

Dans un pays qui a rayonné par sa force d'invention et d'innovation, vous êtes en train de casser un mécanisme qui était essentiel. Aujourd'hui, le premier groupe pharmaceutique français est dix fois plus petit que ses partenaires mondiaux.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous exagérez !

M. Bernard Accoyer.

C'est ce mécanisme que vous achevez de détruire avec l'article 7. Car, en réalité, vous niez la mondialisation. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, n'a même pas prononcé le mot ! La mondialisation, madame la ministre, elle existe ! Mais avec la réduction autoritaire du temps de travail, l'augmentation des dépenses publiques, la hausse des prélèvements, puis les nouvelles dispositions que vous introduisez dans ce texte, vous la niez. Avec cet article qui institue une taxe rétroactive sur l'emploi, sur la recherche développée en France, vous portez un nouveau coup à nos entreprises de recherche, mais plus encore à nos capacités d'innovation et de développement. C'est pourquoi il faut supprimer l'article 7.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est l'apocalypse !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour défendre l'amendement no 231.

M. François Goulard.

Il s'agit également d'un amendement de suppression (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), ce qui me donne l'occasion de m'exprimer sur cet article.

J e suis en parfait accord avec M. Foucher et M. Accoyer sur le fond. Mais ils me permettront de diverger sur quelques points techniques.

J'estime, par exemple, que les arguments juridiques développés par Mme la ministre sont exacts. Comme chacun le sait, la loi fiscale est traditionnellement rétroactive, puisque l'impôt sur le revenu voté chaque année dispose pour les revenus de l'année qui vient de s'écouler. C'est donc sur un autre terrain que je me situerai.

Je relève des conversions intéressantes, celle, d'abord, du parti communiste aux accords européens et aux contraintes qu'ils nous imposent. Je m'en réjouis car ce discours nouveau est positif. Et le Gouvernement a raison de dire que nous devons nous conformer à nos engagements européens.

Je suis également d'accord, du moins sur les principes, avec l'argumentation développée par le Gouvernement quand Mme la ministre ou M. le secrétaire d'Etat nous disent qu'il est mauvais de maintenir artificiellement des laboratoires en pratiquant des prix trop élevés, au motif, certes louable, de maintenir l'emploi dans telle ou telle région.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est évident.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. François Goulard.

Il est tentant pour un Gouvernement d'agir ainsi, mais à long terme c'est une erreur, parce qu'on maintient artificiellement des emplois.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout à fait d'accord !

M. François Goulard.

Et là encore, je me réjouis d'une conversion : une conversion aux lois du marché, qui n'ont pas toujours eu votre faveur. J'y vois personnellement un progrès et je le salue.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On évolue à votre contact...

M. François Goulard.

En revanche, je ne crois pas du tout que ces réflexions de principe épuisent le débat.

On a, au fil des ans, accumulé des taxations néfastes sur l'industrie pharmaceutique, trop souvent considérée comme une vache à lait qu'on pouvait pressurer sans inconvénient réel au motif qu'elle engrangerait des profits mirifiques. Certains, dans vos rangs, condamnent par principe le profit des entreprises : ils ont tort, ils n'ont pas compris le monde où nous vivons. On taxe donc sans l imitation aucune cette industrie qui a besoin, au contraire, de réaliser des profits pour financer ses énormes investissements de recherche. C'est une erreur de fond.

En réalité, madame la ministre, ce n'est pas tant l'article 7 qui m'inquiète que l'article 25. Autant je souscris aux principes que vous avez énoncés, autant je m'inquiète de la pratique à venir du Gouvernement quand il s'avisera, au fil du temps, d'utiliser l'arme tarifaire sur les médicaments pour tenir les objectifs de dépenses de santé.

Les beaux discours que l'on nous fait, et auxquels je souscris, je crains qu'ils ne tiennent pas devant l'impératif financier et qu'on n'utilise à nouveau l'arme tarifaire pour tenter de réduire la dépense globale au détriment de l'industrie pharmaceutique.

Nous verrons alors s'enclencher tous les effets négatifs dénoncés par mes collègues.

Nous verrons alors l'affaiblissement progressif de nos entreprises.

Nous verrons alors des pans entiers de nos industries de santé, sinon disparaître, du moins s'affaiblir et courir le risque de fortes délocalisations.

M. le président.

Monsieur Goulard, attendons d'arriver à l'article 25 avant d'argumenter.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Le débat sur l'article a clairement montré pourquoi la commission est contre.

Comme M. Goulard vient de l'indiquer, nous aurons l'occasion de revenir sur les problèmes de l'industrie pharmaceutique aux articles 24 et 25.

J'indique dès à présent que la commission est également défavorable à l'amendement suivant de M. Accoyer, qui tend à supprimer partiellement l'article.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Contre !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 155 et 231.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 156, ainsi rédigé :

« Supprimer le II de l'article 7. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement de repli tend à limiter les dégâts que ne manquera pas de causer cet article particulièrement dangereux pour les entreprises françaises ou étrangères qui ont décidé de développer en France des activités de recherche et d'innovation.

En fait, le II de l'article 7 institue une taxation rétroactive de l'emploi et des recherches développées en France. Si l'on voulait adresser un signal plus défavorable au secteur pharmaceutique, à la recherche de pointe et aux entrepreneurs, qu'ils soient français ou étrangers, qu'ils appartiennent à de petits ou à de grands groupes, voire à des groupes devenus des puissances incontournables, il serait difficile d'imaginer pire. Encore que, comme l'a dit François Goulard, il se puisse que les articles à venir nous confrontent à l'insupportable.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Oh ! Oh !

M. Bernard Accoyer.

Pour ces raisons, il convient de supprimer le II de l'article 7.

M. le président.

La commission s'est déclarée hostile à l'amendement.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 156.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8

M. le président.

« Art. 8. - Au 2o du premier alinéa de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, les mots : "406 A," sont supprimés. »

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président.

« Art. 9. - I. - L'article 29 de la loi no 96-1160 du 27 décembre 1996 de financement de la sécurité sociale pour 1997 est ainsi rédigé :

« Art. 29 . - I. - Les boissons constituées par un mélange préalable de boissons ayant un titre alcoomét rique n'excédant pas 1,2 % vol. et de boissons a lcooliques passibles d'un droit mentionné aux articles 402 bis, 403, 438, 520 A I a du code général des impôts, lorsqu'elles sont conditionnées pour la vente au détail en récipients de moins de 60 centilitres, font l'objet d'une taxe perçue au profit de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.

« II. Le montant de la taxe est fixé à 1,50 F par décilitre.

« III. La taxe est due lors de la mise à la consommation des boissons résultant d'un mélange, mentionnées au I. Elle est acquittée, selon le cas, par les fabricants, les marchands en gros, les importateurs ou les personnes qui réalisent l'acquisition intra-communautaire de ces boissons.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

« IV. Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu'en matière de contributions indirectes.

« V. - Le produit de cette taxe est versé à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, sous déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception dont le montant est fixé par arrêté interministériel. »

« II. Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier 1999. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

L'article 8 a été adopté très rapidement. Si nous allions aussi vite pour les autres, nous aurions terminé l'examen de ce texte dans cinq minutes ! (Rires.)

M. Claude Evin, rapporteur.

Cela ne dépend que de vous, chers collègues de l'opposition ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel.

Oui, mais l'article 9 est très important car l'alcoolisme est, hélas ! un des problèmes majeurs de santé publique dans notre pays. Les chiffres sont parlants : près de cinq millions de nos concitoyens sont concernés et deux millions de personnes sont dépendantes. Aux nombreuses hospitalisations et aux nombreux décès qu'il entraîne il faut ajouter, ce que l'on fait rarement, les accidents du travail, les accidents de la route et surtout le coût social et familial, qui est « inchiffrable » mais considérable.

M. Bernard Accoyer.

C'est même le plus important !

M. Jean-Luc Préel.

Dès qu'il y a des problèmes, de cet ordre, en effet, tous les membres de la famille en souffrent, et cela n'est pas souvent pris en compte.

Face à cela, il existe en France, et on en a bien conscience, des lobbies importants - c'est là un cas de figure très français auquel nous sommes confrontés à l'Assemblée - et l'Etat perçoit des taxes considérables, mais dépense très peu pour la prévention et l'éducation à la santé, ce qui est regrettable, à mon sens. Pourquoi ne pas créer une agence nationale pour la prévention et l'éducation à la santé pour laquelle nous voterions des crédits lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale ? Cela pourrait mettre un terme à la disparité considérable qui existe en France entre le curatif et le préventif.

M. François Goulard et M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. Jean-Luc Préel.

Lutter contre l'alcoolisme n'est pas simple. Bien sûr, cela demande une réelle volonté et des moyens. Mais il faut surtout s'attaquer aux causes.

L'apparition des prémix nous avait scandalisés, à juste titre, car, avec ces nouvelles boissons, le but recherché était bien d'habituer les jeunes à consommer de l'alcool et de les rendre, à leur insu, dépendants.

La taxe instituée visait à rendre dissuasif le coût des prémix et il semble que cela ait été efficace. Le Conseil d'Etat et la Commission européenne veulent la remettre en cause, en raison d'un aspect discriminatoire. Cela pose un réel problème. En effet, l'apparition de nouvelles boissons, mélangeant une boisson non alcoolisée - jus de fruits ou limonade - et un alcool comme le vin, la bière ou les apéritifs et dont l'aspect masque la présence d'alcool, pour mieux attirer les jeunes, est particulièrement dangereuse. Dans un but de santé publique, il est donc souhaitable de contrer ces projets car il est scandaleux de permettre à des jeunes la consommation subreptice d'alcool. On note une fois de plus qu'il n'est pas aisé de trouver une mesure efficace et juste.

Par ailleurs, il conviendrait de faire respecter l'interdiction de vente d'alcool à des mineurs dans les cafés mais surtout dans les supermarchés et les grandes surfaces.

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. Jean-Luc Préel.

Car, aujourd'hui, rien n'empêche un jeune de remplir un caddie avec des packs de bière.

Madame la ministre, je vous demande notamment d'intervenir auprès des préfets pour faire respecter l'interdiction.

Cela étant, il importe avant tout de s'attaquer aux causes, d'améliorer la prévention et l'éducation à la santé.

A cet égard, il y a encore beaucoup à faire, dans notre pays.

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Cet article modifie les conditions de taxation des prémix telles qu'elles avaient été initialement prévues par la loi de financement de 1997 sur une proposition de notre excellent collègue Gengenwin. Afin de n ous mettre en conformité avec la réglementation communautaire, une nouvelle rédaction nous est donc proposée mais elle conduit à certaines interrogations.

Pourquoi fixer une taxe en fonction du conditionnement ? Cette taxe est-elle réellement affectée aux actions de prévention et de lutte contre l'alcoolisme, comme le souhaiterait Jean-Luc Préel ? En fait, aux termes de la nouvelle rédaction, les panachés, qui titrent à moins de 1,2 % d'alcool, risquent d'être plus taxés que les bières fortes, dont la consommation augmente. Je rappelle que la taxation des prémix a coupé court à leur développement en France, puisque les ventes actuelles sont bien en deçà des 475 000 litres vendus les premières années. Ne risque-t-on pas dès lors, en taxant les panachés, d'obtenir le résultat inverse de celui que nous recherchons, alors que justement les bières fortes qui titrent plus de 8o ne sont absolument pas taxées ? Pourtant, celles-ci, notamment dans leur conditionnement de 50 centilitres, sont vendues essentiellement aux jeunes. Il est vrai qu'on les trouve très facilement et qu'elles portent des noms très évocateurs : Bière du démon à 12 %, Delirium tremens, Big Bang à 9,9 %, TNT. Peut-être faudrait-il que nous envisagions de faire quelque chose.

Je partage tout à fait la préoccupation de Jean-Luc Préel. L'alcoolisme est un fléau qui sévit dans toutes les couches de la société. Il faut en prévenir surtout nos jeunes. Le dispositif de taxation des prémix était bon et je reste favorable à la taxation qui a été proposée. Je souhaite, en outre, que nous réfléchissions à la façon de taxer davantage les bières fortes qui n'ont souvent pour vocation que de soûler ceux qui les consomment.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Bien sûr, je partage les préoccupations de Jean-Luc Préel et de Yves Bur.

L'article 9 réécrit donc l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale de 1997, qui avait prévu la taxation des prémix. Pendant l'été 1996, des parents m'avaient en effet signalé que l'on pouvait acheter dans des supermachés des boîtes fort alléchantes mélangeant d es boissons non alcoolisées avec des alcools forts - whisky, par exemple -, la présence de ces derniers n'apparaissant qu'en tout petits caractères. La commission, que j'avais alors alertée, avait décidé d'augmenter la taxe, initialement modérée que j'avais proposée sur ces boissons et dont le produit devait servir à l'action préventive et à l'éducation.


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Aujourd'hui, force est de constater que les prémix se vendent beaucoup moins, et donc que notre objectif est pratiquement atteint. Avec l'article 9, tout le problème était de maintenir la taxation des prémix mais de ne pas taxer le panaché. Heureusement, nous avons trouvé un accord en commission, dont je remercie le rapporteur M. Recours. Ainsi, les panachés, qui contiennent moins de 1,2 degré d'alcool et qui peuvent, d'une certaine façon, constituer un élément de la lutte, contre l'alcoolisme puisque leur consommation réduit celle de la bière.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Qui est également alcoolisée !

M. Germain Gengenwin.

Certes, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le président.

Monsieur Gengenwin, ne vous laissez pas interrompre, je vous prie !

M. Germain Gengenwin.

Je note simplement que 800 000 hectolitres de panaché sont consommés chaque année. Peut-être peut-on en déduire que les jeunes qui choisissent le panaché consomment moins de bière normale, sans parler des bières fortes dont Yves Bur a parlé à l'instant.

Je souhaite donc que le Gouvernement se rallie à l'amendement adopté par la commission afin de ne pas pénaliser l'effort que font aussi les brasseries.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Hellier.

M. Pierre Hellier.

Je suis surpris madame la ministre, qu'on soit obligé d'amender l'article 9. Le problème posé par le panaché avait déjà été soulevé lors de la précé dente législature. Pourquoi n'en avez-vous pas tenu compte ?

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour l'assurance vieillesse.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Ayant précédé Hélène Mignon à la tête de la mission

« Alcool et santé », je tiens à rappeler que le problème essentiel de notre pays est de développer une véritable politique de prévention de l'alccolisme.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous n'en sommes pas là !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Puisque nous parlons des jeunes, il faut savoir qu'ils sont en fait victime d'une polytoxicomanie du samedi soir. Le rapport d'Hélène Mignon va être publié. J'espère que les conclusions de cette mission à laquelle ont participé des députés siégeant sur tous les bancs de cette assemblée seront suivies d'effets. Trop de rapports restent lettre morte. Or celui-ci comprend des propositions concrètes et a été adopté à l'unanimité tant par la mission que par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je ne reprendrai pas le propos de Yves Bur et Germain Gengenwin, qui viennent comme moi de régions très intéressées par les problèmes brassicoles. Je préciserai simplement que l'erreur qui semblait être incluse dans le texte du projet a été réparée. Si l'amendement que nous proposerons est adopté les panachés ne devrairent pas être taxés.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis très heureuse qu'il y ait une unanimité sur ce point et je regrette le ton choisi par M. Hellier. Bien évidemment, nous accepterons l'amendement, car nous n'avons jamais souhaité taxer le panaché. Je rappelle simplement que si l'on est conduit à proposer une nouvelle rédaction de l'article 29 de la loi du 27 décembre 1990, c'est qu'il avait été mal écrit.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Je ne l'aurais pas fait observer, messieurs, si l'un d'entre vous n'avait pas changé de ton. Mais, enfin, ce n'est pas grave puisque nous sommes d'accord. Rien que cela est un bonheur absolu ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.) L'article 29 de la loi du 27 décembre 1996 avait effectivement été votée à l'unanimité et a eu exactement les effets que nous en escomptions. Nous ne pouvons donc que nous en réjouir. Mais il présentait quelques problèmes juridiques dans sa rédaction. En effet, il aurait dû prévoir les modalités de recouvrement ; celles-ci ont été définies par une circulaire que le Conseil d'Etat a annulée en juillet dernier, donc la taxe n'était plus recouvrable.

Par ailleurs, la Commission européenne a engagé une procédure pré-contentieuse pour non-conformité à la directive sur les droits d'accise et discrimination de fait contre les produits importés. Enfin, les produits mélangeant une boisson non alcoolisée et un alcool comme le vin, la bière, les apéritifs, n'entrent pas dans le champ de la taxe. Or ces produits se développent rapidement chez nos voisins et posent les mêmes problèmes de santé publique que les prémix. C'est pour toutes ces raisons q u'il a fallu revoir l'article 29 de la loi de décembre 1996.

La nouvelle rédaction prévoit les modalités de recouvrement et les catégories conformes à la directive sur les droits d'accise, ne concerne que le conditionnement de moins de 76 centilitres afin de cibler les canettes qui sont particulièrement utilisées par les jeunes, et étend la taxe aux mélanges de toute boisson alcoolisée et de boisson non alcoolisée.

Dans la mesure où il s'agit d'une taxe spécifique, la Commission européenne maintiendra sans doute son opposition, mais ses arguments auront moins de portée, car nous respectons à la lettre le texte. Par ailleurs, les brasseurs se sont inquiétés d'une application de la mesure aux panachés. Je redis qu'un amendement est prévu pour les exempter et que, bien évidemment, nous l'accepterons puisque le panaché ne peut dépasser 1,2 degré d'alcool.

M. Gengenwin a fait allusion aux différents titrages en alcool des bières. Là aussi, nous avons un problème par rapport à la directive européenne car nous ne pouvons pas taxer selon le degré d'alcool à l'intérieur d'une catégorie. Or, je vois mal comment nous pourrions taxer plus l'ensemble de la bière dans notre pays. Mais je sais les ravages qu'elle entraîne auprès d'une partie de la jeunesse.

Malheureusement, je crains que les causes soient beaucoup plus profondes que le problème de coût et qu'il faille que nous les traitions différemment.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Cette unanimité fait bel effet. Mais je veux toutefois rappeler que le rapport Roques, qui met en perspective les toxiques licites et illicites, a fait apparaître que la consommation d'alcool dans notre pays, qu'il s'agisse de vin, de bière ou de tout autre alcool, entraînait des ravages considérables. Je serais très heureux que nous puissions avancer dans ce domaine.

M. François Goulard.

Il ne faut pas tout mélanger, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Dans un pays où il revient moins cher de consommer au comptoir un verre de vin qu'une bouteille d'eau minérale, il est clair qu'il y


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

a un problème qu'il faut considérer globalement. Je suis très heureux qu'ici nous soyons tous d'accord, mais alors, tâchons d'aller beaucoup plus loin la prochaine fois, s'il vous plaît !

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 395 et 10, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 395, présenté par M. Recours, rapporteur, Mme Fraysse, MM. Bur et Gengenwin, est ainsi rédigé :

« Compléter le I du texte proposé pour l'article 29 de la loi du 27 décembre 1996 par les mots : "dès lors que le mélange ainsi obtenu titre plus d'1,2 % vol." » L'amendement no 10, présenté par M. Schneider, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le début du premier alinéa du I du texte proposé pour l'article 29 de la loi du 27 décembre 1996 :

« Art. 29. I. - Les boissons de plus de 1,2 % vol. d'alcool constituées par un mélange préalable de boissons ayant ... (le reste sans changement) ».

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Par cet amendement, nous proposons une solution qui semble faire l'objet d'un large accord.

En fait, il ne s'agit pas, dans cet article, de régler le problème de la politique antialcoolique à l'échelle nationale, ni même celui de l'alcoolisme de notre jeunesse, cible privilégiée des boissons dont nous parlons, ces boissons qui n'ont pas l'apparence de l'alcool, la couleur de l'alcool, le coût de l'alcool, mais qui en ont le goût...

M. Denis Jacquat, rapporteur.

C'est de la pub ! (Sourires.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

... avec tous les risques d'accoutumance.

M. François Goulard.

Que cela est bien dit ! (Sourires.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous ne pouvons pas accepter que l'on continue à empoisonner une partie de notre jeunesse par des produits qui sont spécifiquement ciblés pour l'alcooliser. C'est cela le fond du problème.

M. Yves Bur.

Tout à fait !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Certes, je suis rapporteur pour les recettes. Mais, en ce domaine, j'ai le même objectif que vous : avoir une recette zéro. Notre objectif, c'est de tuer les prémix. Nous nous efforçons donc de nous en donner les moyens. Bien sûr, il faut respecter les directives européennes. Et un certain nombre de dispositions doivent être prises. C'est pourquoi, dans les deux amendements nous avons, d'une part, insisté sur le taux d'alcool du produit final, plus ou moins de 1,2 degré, conformément à la législation française traditionnelle, et, d'autre part, fait en sorte de régler la question de la taxation.

Alors que la taxation actuelle est fondée sur la contenance, il est proposé d'y substituer une taxation liée au degré d'alcool, à la fois pour rester dans le cadre de la législation européenne, et par cohérence, compte tenu du degré initial des alcools introduits dans les prémix.

J'ai donc défendu en même temps les amendements nos 395 et 396 qui devraient nous permettre d'avancer dans la direction voulue. La concertation qui a eu lieu en commission a permis leur adoption à l'unanimité.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour défendre l'amendement no

10.

M. Bernard Accoyer.

Je veux saisir l'occasion de la défense de l'amendement de notre collègue André Schneider pour souligner que nous partageons évidemment la volonté de lutter contre l'attitude hypocrite de certains groupes, qui, de façon insidieuse, essayent de faire entrer la jeunesse dans l'une des trois dépendances que sont le tabac, l'alcool et les drogues.

Les amendements en discussion touchent cependant à un secteur dont nous discutons chaque année lors de l'examen de projet de loi de financement de la sécurité sociale. Si je tiens à saluer, à cet égard, le rôle que s'est donné notre rapporteur dans cette noble mission - devenant le Joss Randall des prémix (Sourires !) - je tiens, plus sérieusement, à revenir sur certains dérapages, car l'intégrisme dans la lutte contre les fléaux que sont le tabac et l'alcool, et l'assuétude, en tout cas la dépendance qu'ils peuvent susciter, peut conduire à des excès ayant des conséquences néfastes.

Il peut d'abord y avoir des conséquences économiques et sociales sur des entreprises ou secteurs d'activité.

I l est également possible que quelques mesures compromettent le fonctionnement de certaines structures.

Je pense en particulier aux restaurants installés dans des enceintes sportives par les clubs, dont nous aurons peutêtre l'occasion de discuter dans le cadre d'un prochain DMOS en raison des changements qui interviendront le 1er janvier prochain. Il convient d'aborder cette question avec tolérance et, surtout, objectivité.

En effet, s'il est bon de taxer comme nous le faisons, l'essentiel me semble demeurer l'éducation sanitaire. Il est donc un peu court d'en rajouter ou d'en enlever chaque année. En l'occurrence, tout irait bien jusqu'à 1,2 degré d'alcool, mais dès 1,3 degré, les breuvages deviendraient dangereux, alors que chacun sait qu'est surtout en cause la sensibilité individuelle de ceux qui les absorbent.

Si le volume de ces boissons a un rôle incontestable, plus fondamentales me semblent les associations possibles.

Ainsi l'ingestion abondante de panachés liée à l'absorption de delta n cannabinol - c'est-à-dire, plus simplement exprimé, au fait de fumer un joint a des effets absolument délétères. Savez-vous, mes chers collègues, que fumer un joint - a des effets sur la vigilance du fumeur équivalents à ceux provoqués par un taux de 0,80 gramme d'alcool par litre de sang ? A partir du moment où le sang a reçu, en plus, une certaine quantité d'alcool, les effets délétères sur la vigilance, le jugement et le champ de vision sont accrus.

Dans ces conditions, il me paraît insuffisant de se contenter de faire varier la taxation en fonction du taux d'alcool, sans s'attaquer au vrai problème, celui de l'éducation sanitaire.

P our autant, nous voterons l'amendement de la commission.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur Accoyer, je partage votre sentiment quant à la nécessité d'être très vigilant en ce qui concerne le mélange de cannabis et d'alcool en raison des effets provoqués. A cet égard, je vous indique que la revue Nature a publié, la semaine dernière, un article très intéressant relatif aux mélanges de benzodiazépines et d'alcool en soulignant qu'ils réduisaient le niveau de vigilance.

Il convient donc que nous tenions compte des effets de tous ces mélanges, y compris ceux avec certains médicaments pour l'utilisation desquels la France est l'un des pays où ils sont le plus largement utilisés, car ils sont probablement responsables d'un nombre très élevé d'accidents de la route.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 395.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 10 tombe.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 431, ainsi rédigé :

« L'alinéa suivant est inséré après le deuxième alinéa du I de l'article 9 :

« Les boissons alcooliques passibles d'un des droits mentionnés à l'alinéa ci-dessus, lorsqu'elles sont additionnées exclusivement d'eau, ne sont pas soumises à la taxe. »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il s'agit d'un amendement de précision, car un ajout d'eau est nécessaire à certaines boissons pour qu'elles soient commercialisables.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement dont toutes les implications ne sont pas évidentes. En fait, il ne règle que le problème des alcools vendus en bouteille pour lesquels la législation impose un degré d'alcool maximum. En conséquence, le processus de fabrication comporte un apport d'eau pour que le degré de la boisson en cause tombe sous ce seuil.

Je ne veux pas citer les boissons en question, mais on pourrait dire qu'il s'agit d'une compensation au refus du rachat d'Orangina.

Cet amendement ne résout donc pas tous les problèmes, mais il permet d'en régler un. On ne peut donc qu'être d'accord avec la proposition du Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 431.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Recours, rapporteur, a présenté un amendement, no 396, ainsi rédigé :

« A la fin du II du texte proposé pour l'article 29 de la loi du 27 décembre 1996, substituer aux mots : "1,50 F par décilitre", les mots : "15 centimes par degré de boisson alcoolique incorporée au mélange" ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Je l'ai déjà défendu.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Sagesse !

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je me félicite du dispositif proposé par le présent article qui permettra, non seulement de mettre la taxe sur les prémix en conformité avec le droit communautaire, mais aussi d'étendre cette taxe à l'ensemble des mélanges contenant des boissons alcoolisées.

Les producteurs de ces boissons font en effet preuve d'une créativité sans cesse renouvelée pour lancer de nouveaux produits en direction, en particulier, des jeunes consommateurs, abusés par des méthodes de marketing rendant ces boissons attractives et apparemment inoffensives, même aux yeux des parents. Il vaut tout de même mieux consommer un panaché plutôt qu'un de ces mélanges, même si l'on peut émettre des réserves quant à l'impact d'un panaché sur la santé.

Un dispositif doit être d'autant plus sévère que l'alcool incorporé au mélange est fort, ce qui constitue peut-être la première étape d'une réforme de plus grande ampleur qui consisterait à taxer les boissons alcooliques en proportion de leur degré alcoolique.

Cette réforme fait partie des conclusions adoptées le 17 juin dernier par la commission des affaires sociales à l'issue des travaux de la mission d'information Alcool et santé que j'ai eu l'honneur de présider. A ce titre je souhaiterais que les recettes générées par la taxe réformée sur les prémix qui seront versées à l'ACOSS soient affectées à des actions de préventions et de lutte contre l'alcoolisme.

S'il ne nous est pas possible d'affecter ces recettes, peutêtre pourrions-nous trouver une formule donnant à la taxation sur les alcools une signification en santé publique afin qu'elle ne soit plus considérée comme un simple abondement des recettes fiscales.

Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, combien vous tenez à la prévention de l'alcoolisme. Vos collègues, Mme Marie-George Buffet et les ministres en charge de l'éducation nationale sont également d'accord pour que soit menée une vraie politique de prévention envers les jeunes. Je compte sur vous pour que cette action soit engagée dans les prochains mois.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Merci !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 396.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Recours, rapporteur, et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 36, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le III du texte proposé pour l'article 29 de la loi du 27 décembre 1996 :

« III. La taxe est due lors de la mise à la consommation en France des boissons résultant d'un mélange, mentionnées au I. Elle est acquittée, selon le cas, par les fabricants, les marchands en gros, les importateurs, les personnes qui réalisent l'acquisition intra-communautaire de ces boissons ou par les personnes visées au b du II de l'article 302 D du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il s'agit de prendre en compte le fait que certaines des boissons que nous visons peuvent être vendues sur catalogue.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Très favorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

36. (L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. le président.

MM. Recours, rapporteur, Terrier et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 37, ainsi rédigé :

« I. Après le mot : "sociale", supprimer la fin du V du texte proposé pour l'article 29 de la loi du 27 décembre 1996.

« II. Les pertes de recettes éventuelles sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Cet amendement se situe dans la droite ligne de celui ayant le même objet que j'ai défendu hier et qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée, même s'il ne vise plus le Trésor public, mais l'administration des douanes. En effet, je ne vois pas pourquoi cette dernière bénéficierait d'un pourcentage sur une taxe que nous instituons.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous nous sommes déjà opposés hier à une disposition du même type.

M. Jean-Luc Préel.

Avec le succès que l'on connaît !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Certes ! Souhaitant la cohérence dans la position gouvernementale...

M. François Goulard.

Pour une fois !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Non, comme d'habitude ! ... je demande le rejet de cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je suis favorable à ce judicieux amendement présenté par notre excellent rapporteur Alfred Recours.

M. François Goulard.

Hommage lui soit rendu !

M. Bernard Accoyer.

Il me donne l'occasion de dénoncer une nouvelle fois la dérive insupportable mais devenue habituelle dans certains services de l'Etat pourtant financés par le contribuable. Il devient en effet fréquent qu'ils perçoivent qui une taxe pour le recouvrement, qui des honoraires pour tels ou tels travaux d'études. Les contribuables paient ainsi deux fois.

C'est pourquoi nous voterons l'amendement d'Alfred Recours.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

C'est la cohérence parlementaire !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

37. (L'amendement est adopté.)

M. Jean-Luc Préel.

Amendement adopté à l'unanimité !

M. Jean-Pierre Foucher.

L'Assemblée est cohérente !

M. Germain Gengenwin.

Bercy va certainement revenir à la charge !

M. le président.

Je mets aux voix l'article 9, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

M. le président.

« Art. 10. - L'article L. 213-1 du code des assurances est ainsi modifié :

« 1o Au premier alinéa, après les mots : ", ayant droit d'affilié" sont ajoutés les mots : ", ou acquitte la contribution sociale généralisée sur un revenu d'activité ou de remplacement" » ;

« 2o Au troisième alinéa, après les mots : "ayants droit" sont ajoutés les mots : "ou qui n'acquittent pas la contribution sociale généralisée sur un revenu d'activité ou de remplacement". »

« Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 1998. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l'article.

M. Bernard Accoyer.

L'article 10 nous donne d'abord à réfléchir sur la cause de son introduction dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Ce matin, Mme Aubry a expliqué, à plusieurs reprises, que son temps était occupé à préparer des textes pour réparer les erreurs de ses prédécesseurs. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) J'ai dénoncé cette attitude scandaleuse qui consiste à critiquer systématiquement, quand on est dans l'opposition, les réformes de fond, les réformes de structures. Or il est aujourd'hui évident que les ordonnances de 1996, refondatrices de la sécurité sociale, ont contribué à sauver l'institution à laquelle nous sommes tous attachés.

Avec l'article 10 le Gouvernement essaie de réparer une erreur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 1998. A cet égard, je me permets de lui délivrer un double message.

En premier lieu, en matière de sécurité sociale, il convient d'être prudent, notamment quand on annonce que l'on va équilibrer les comptes, même si nous le souhaitons tous.

En second lieu, il y a un devoir de continuité et de respect des efforts qui ont pu être accomplis, ainsi qu'un devoir de tolérance à l'égard de ceux qui ont engagé courageusement des réformes de structures qu'il est évidemment facile de critiquer en prétendant qu'elles n'ont aucun effet, bien que l'on en utilise toute la puissance et la fécondité.

Pour cette raison, nous considérons que cet article doit être présenté tel qu'il est, c'est-à-dire comme la réparatio n d'une erreur. Il doit aussi fournir l'occasion d'une réflexion que j'illustrerai par certains de mes amendements de repli.

M. le président.

Nous en arrivons aux amendements à l'article 10.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 157, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 10. »

M. Accoyer, puis-je considérer que vous l'avez déjà défendu ?

M. Bernard Accoyer.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Je m'exprimerai en même temps sur les deux amendements de M. Accoyer pour ne pas avoir à y revenir.

M. Bernard Accoyer.

Ils sont différents !

M. Alfred Recours, rapporteur.

M. Accoyer a donc bien expliqué pourquoi l'article 10 figurait dans le texte : il s'agit de combler un vide juridique apparu dans l'application des dispositions votées l'an dernier. Cela arrive parfois. En l'occurrence, il n'est guère possible de ne pas suivre la proposition du Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

J'ajoute que l'impact financier de la mesure est de 2 milliards de francs, ce qui n'est pas rien. J'espère donc que M. Accoyer ne veut pas réellement priver l'assurance maladie de cette ressource puisqu'elle doit être versée à l'ACOSS.

De plus ce vide juridique n'est que théorique puisque les personnes concernées ont déjà réglé leur dû aux compagnies d'assurance qui ont reversé les sommes nécessaires à l'ACOSS. En fait, pratiquement personne ne s'en était aperçu. Cela me permet de souligner que la mesure proposée n'est pas réellement rétroactive, ce qui justifie mon opposition au deuxième amendement, no 158, que

M. Accoyer a déposé sur cet article.

La commission s'est donc opposée aux deux amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. le rapporteur a bien exposé la situation. Il s'agit de tirer toutes les conséquences du basculement opéré l'année dernière de la cotisation vers la CSG, et de ne pas risquer des recours en non réalisé. C'est une modification formelle à une réforme de fond qui a déjà eu lieu.

M. Jean-Luc Préel.

La loi n'était pas parfaite !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 157.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Recours, rapporteur, a présenté un amendement, no 38, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa (1o ) de l'article 10, substituer aux mots : ", ayant droit", les mots : "d'ayant droit". »

La commission s'est déjà exprimée.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

38. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques nos 158 et 232.

L'amendement no 158 est présenté par M. Accoyer ; l'amendement no 232 est présenté par M. Goulard. Ces amendements sont ainsi rédigés :

« A la fin du dernier alinéa de l'article 10, substituer à l'année : "1998", l'année : "1999". »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 158.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement vise à stigmatiser la rétroactivité, pratique que l'on retrouve malheureusement dans de nombreux articles de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. La rétroactivité a été appliquée pour la première fois l'année dernière avec l'allocation de garde d'enfants à domicile, en abaissant la réduction d'impôt accordée pour l'emploi d'un salarié à domicile. Nous nous sommes élevés avec force contre cette disposition touchant les familles.

Cette année, le Gouvernement récidive. Bien sûr, il a reculé en ce qui concerne l'assurance-vie, mais, subrepticement, au fil des articles de ce projet de loi, il y revient. Là, il s'agit de récupérer cinq milliards de francs.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Six !

M. Bernard Accoyer.

Alors, au prétexte que ces cinq milliards auraient déjà été comptabilisés, et appelés par les assurances - ce qui n'a d'ailleurs aucun fondement légal et donnera lieu à des contentieux -, on décide de les intégrer dans la comptabilité de la sécurité sociale et de rétablir ce qui existait avant.

C'est une solution de facilité. On a ainsi organisé, dans le domaine de l'assurance maladie et de la sécurité sociale, tout un système de drainage de taxes et de prélèvements divers.

Or ce mécanisme est appauvrissant, notamment dans ses conséquences pour la créativité des entreprises, mais il l'est aussi pour la politique de santé en général, et pour la politique de prévention en particulier.

En décidant que les propriétaires de véhicules qui sont couverts par la sécurité sociale devaient, au seul prétexte qu'ils paient une assurance pour leur voiture, payer une quote-part pour la sécurité sociale, on fait une confusion.

En cas d'accident de la circulation une récupération est effectuée par les caisses de sécurité sociale. Celles-ci ont un service de contentieux et se retournent systématiquement contre les responsables des accidents qui ont causé des blessures et ont ainsi entraîné des dépenses de santé.

Il serait plus judicieux, et plus économique pour l'assurance maladie, engager une véritable politique de prévention des accidents de la route, de la conduite en état d'ivresse ou sous l'entreprise de produits stupéfiants. Le cannabis, on le sait, est devenu l'une des causes les plus fréquentes des accidents mortels, ou des accidents graves.

Et de plus, fréquemment, ce sont, hélas ! les jeunes qui sont concernés en tant que victimes ou en tant que personnes mises en cause.

Aussi, par le biais de cet amendement de repli, qui est aussi un amendement symbolique, je veux souligner le caractère monolithique qu'a fini par revêtir, dans notre pays, la politique de santé. Tout est désormais axé sur le financement de l'assurance maladie et de la sécurité sociale, au détriment de la plus élémentaire des politiques de santé. Nous en débattrons d'ailleurs à nouveau, au cours de la discussion du projet de loi de finances, donc très prochainement.

Bien entendu, on ne peut condamner la volonté du Gouvernement de trouver des moyens pour l'assurance maladie. Mais on se prive ainsi d'outils qui sont unanimement reconnus comme plus importants, à savoir la prévention et l'éducation sanitaire.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard pour défendre l'amendement no 232.

M. François Goulard.

Cet amendement a le même objet que celui de M. Accoyer. En effet, nous avons souhaité dénoncer tout d'abord la rétroactivité prévue à l'article 10. Et, cette année, nous avons un exemple éclatant où la rétroactivité - pourtant parfaitement constitutionnelle - est néanmoins extrêmement choquante. Je veux parler des dispositions qu'entendait faire adopter le Gouvernement sur l'assurance vie.

La mobilisation de nombreux compatriotes - touchés ou non d'ailleurs par cette mesure mais considérant qu'il état parfaitement anormal que l'Etat revienne sur ses engagements à l'égard d'épargnants, et d'épargnants à long terme -, a conduit le Gouvernement à revenir, et c'est heureux, sur ce qu'il entendait faire à l'origine sur l'assurance vie.


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Ces amendements tendent donc à montrer que la rétroactivité, en matière fiscale comme dans d'autres domaines, doit être maniée avec précaution et après mûre réflexion. Voilà pour l'aspect symbolique des choses, souligné à juste raison par mon collègue Accoyer.

Par ailleurs, une erreur a été commise dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, que nous avons votée l'année dernière.

Certes, l'erreur est humaine et je ne jetterai pas spécialement la pierre à ce gouvernement. Néanmoins, je relève que lorsqu'une erreur est favorable aux contribuables - et, en l'occurrence, la taxe sur les contrats d'assurance a été privée de base légale -, l'administration, et le Gouvernement relaie son administration, la corrige très vite.

Mais quand l'erreur - et il y en a - est défavorable aux contribuables de nombreuses années de combat d'associations et de syndicats sont nécessaires pour obtenir une juste réparation. Il y a donc une dissymétrie très nette dans le traitement des contribuables.

Ce texte comporte aussi un nombre anormalement élevé d'articles de correction. Si j'ai bien compté, trois articles au moins sont exclusivement destinés à pallier les conséquences d'annulations contentieuses probables ou certaines, qu'il s'agisse de procédures conduites devant les autorités européennes ou de contentieux français devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation.

Des articles tendent aussi, comme celui que nous examinions, à corriger des erreurs de rédaction. Encore une fois, je répète que je ne fais pas de procès au Gouvernement. Mais, je lui fais remarquer que nous légiférons, en général, de manière excessive, à la hâte et sans travail d'étude ni réflexion suffisante.

M. Bernard Accoyer.

Nuit et jour !

M. François Goulard.

Notre législation et nos réglementations sont aujourd'hui trop imparfaites et trop entachées d'erreurs, d'où les corrections que nous sommes conduits à apporter. Nos textes sont trop souvent en contradiction avec la Constitution ou les traités européens, et quelquefois avec le bons sens et la bonne marche de l'administration. Cela doit nous inciter à être plus raisonnables et à ne pas hâter le pas quand il s'agit d'édicter de nouvelle lois. C'est la leçon que nous devrions tirer de l'accumulation parfaitement anormale d'errements condamnables dans la préparation des textes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 158 et 232.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 10, modifié par l'amendement no

38. (L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Article 11

M. le président.

« Art. 11. - Pour l'application du 2o de l'article L. 139-2 et de l'article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale, les déficits pris en compte pour l'exercice 1998 sont établis sur la base des dépenses et des recettes exécutées au cours de l'exercice considéré. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l'article.

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à chaque article nous devons corriger les aigreurs devotre loi. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Je veux dire les erreurs de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année dernière.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Un peu de modestie !

M. Bernard Accoyer.

Et les aigreurs que nous en ressentons sont évidemment de plus en plus fortes. Mais comme la pharmacopée française est devenue de plus en plus pauvre en raison des mécanismes prix-volume, nous trouverons dans les médicaments primaires qui existent contre les aigreurs celui qu'il nous faudra.

(Sourires.)

Nouvelle erreur, nouvelle correction : nous comprenons, car nous sommes tolérants et, à la différence de Mme la ministre nous ne critiquerons pas cette erreur, car elle est humaine. Nous préférons nous attacher au fond, en l'occurrence à l'utilisation de l'outil salvateur pour la sécurité sociale que sont les ordonnances de 1996.

Après les avoir critiquées, vous y revenez subrepticement, même si vous les dévoyez parfois.

Je soulignerai, à l'occasion de l'examen de l'article 11 qui prévoit l'application dérogatoire par la sécurité sociale d'une comptabilité de caisse pour la répartition au titre de exercice 1998 de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, un point particulièrement important qui montre tout l'intérêt de la réforme de 1996.

J'attire aussi l'attention sur la gravité de la situation de la sécurité sociale en termes de gestion. Je vous rappelle, mes chers collègues, la réponse du premier Président de la Cour des comptes à la commission des affaires sociales sur la validation par la Cour des comptes de la comparaison entre les comptes approuvés par la commission des comptes de la sécurité sociale établis par les services de l'Etat et, d'autre part, les comptes validés, approuvés par les conseils d'administration des caisses. Tenez-vous bien, mes chers collègues. A la question « Pouvez-vous valider ces deux comptes ? », la réponse est non ! Il s'agit pourtant de plus de 1 800 milliards de francs !

M. François Goulard.

C'est invraisemblable.

M. Bernard Accoyer.

Et il est clair que la réforme de 1996, tant critiquée, était indispensable, refondatrice et salvatrice, l'effort de clarification et d'assainissiment de la gestion de la sécurité sociale jusqu'à la réforme de 1996 étant inexistant, puisque le Parlement n'avait même pas le droit de se prononcer.

Vous essayez de donner une suite à cette réforme pour essayer de sauver cette institution. C'est la raison pour laquelle nous voterons l'article 11.

M. le président.

M. Goulard a présenté un amendement, no 233, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 11. »

La parole est M. François Goulard.

M. François Goulard.

Les propos de M. Bernard Accoyer sont parfaitement justes. Il est proprement ahurissant, si on veut bien y réfléchir, que la sécurité sociale ne soit pas en mesure de présenter une comptabilité digne de ce nom. Pour le commun des mortels l'expression « comptabilité en droits constatés » n'est pas très parlante. En réalité, cela signifie simplement une véritable comptabilité.

Quand un organisme, quel qu'il soit, n'est pas en mesure de tenir le compte de ses engagements, qu'il s'agisse de dépenses ou de recettes, cela signifie qu'il n'est


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

pas en mesure de présenter une comptabilité exacte, et c'est malheureusement le cas de notre sécurité sociale qui - je le répète - n'a pas, à proprement parler, de comptabilité.

J'ajoute que l'Etat n'est pas logé à meilleure enseigne.

On ne dit pas assez souvent que l'Etat et les organismes de sécurité sociale qui représentent, en dépenses, plus de la moitié de la richesse nationale, sont des organismes incapables de présenter la comptabilité qu'on exige du petit artisan ou du petit commerçant.

Je ne dis pas cela par pur souci de la beauté des comptes, mais cet état de fait a des retentissements considérables sur la gestion.

Tant que nos organismes publics ne seront pas en mesure d'avoir des comptabilités qui retracent fidèlement leur situation économique et financière, nous n'aurons pas de bonne gestion publique.

M. Bernard Accoyer.

Excellent.

M. François Goulard.

La comptabilité patrimoniale de l'Etat est un préalable à l'amélioration de la gestion publique.

M. Bernard Accoyer et M. Germain Gengenwin.

Evidemment.

M. François Goulard.

Une comptabilité précise de la sécurité sociale est un préalable à l'amélioration de sa ges tion. Certes, ces sujets techniques n'enflamment pas l'opinion, mais ils revêtent la plus haute importance et nous ne devrions pas, à la fin du XXe siècle, admettre de continuer à travailler dans le flou qui entoure la gestion de sommes aussi considérables.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Avis défavorable !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 233.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Recours, rapporteur, a présenté un amendement, no 39, ainsi rédigé :

« Dans l'article 11, substituer aux mots : "l'exercice 1998", les mots : "les exercices 1998 et 1999". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ce qui est vrai pour 1998 sera vrai pour 1999 ; nous n'aurons d'autres dispositifs comptables qu'en 2000.

M. François Goulard.

Pourquoi pas 2005, 2010 ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il paraît intéressant, dès à présent, de ne pas avoir à amender ce point l'année prochaine.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

39. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement no

39. (L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

M. le président.

Je vais donc suspendre la séance qui reprendra à onze heures cinq.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Après l'article 11

M. le président.

M. Recours a présenté un amendement, no 404, ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 575 A du code général des impôts est modifié comme suit :

« Dans la deuxième ligne du tableau, le taux "58,30" est remplacé par le taux "59,9".

« Dans l'avant-dernier alinéa, le montant de "230 F" est remplacé par le montant de "345 F".

« II. - Au dernier alinéa de l'article L.

241-2 du code de la sécurité sociale, les mots : « et par la loi de finances pour 1998" sont remplacés par les mots :

«, la loi de finances pour 1998 et la loi de finances pour 1999". »

La parole est à M. Alfred Recours.

M. Alfred Recours, rapporteur. Nous venons d'évoquer la lutte contre l'alcoolisme, sujet qui préoccupe le Gouvernement et l'ensemble du Parlement. Il faut aussi parler du tabagisme. Le Gouvernement souhaite dissuader la consommation de tabac, en particulier chez les jeunes, et il m'a paru opportun de souligner un certain nombre d'éléments.

Le nombre de décès imputables au tabagisme est de l'ordre de 60 000 par an et on estime qu'il s'élèvera à 160 000 en 2025. Les coûts médicaux afférents passeraient alors de 24 à 60 milliards de francs, ce qui est loin d'être négligeable dans un contexte de maîtrise des dépenses de santé. Le tabagisme reste important chez les jeunes alors que, globalement, la consommation de cigarettes diminue : 35 % des jeunes âgés de douze à dix-huit ans fument, 31 % régulièrement, ce qui est beaucoup trop.

Pour freiner cette tendance, mon amendement tend à majorer le tarif du droit de consommation sur les tabacs afin d'avoir un effet le plus dissuasif possible, comme nous l'avons déjà fait en un certain nombre d'occasions.

Cela représente une recette d'un milliard de francs pour la caisse nationale d'assurance maladie.

L'article 40, madame la ministre, ne me permet pas de proposer des imputations pour la recette ainsi créée, mais certains sujets ont été évoqués dans l'hémicycle et c'est peut-être l'occasion de discuter de la manière dont cette somme pourrait être répartie. Il y a les lits médicalisés, autorisés mais pas financés, les soins palliatifs, avec la création d'unités fixes ou mobiles dans toutes les régions de France, les associations. Ce sont des pistes à explorer.

Vu le règlement et la Constitution, je ne peux proposer aucune affectation, mais, à partir du moment où la recette ainsi créée permettra d'engager d'autres actions, je souhaite que nous précisions comment elle pourrait être utilisée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous avons condamné avec une belle unanimité la consommation d'alcool, en particulier chez les jeunes, et nous devons reconnaître avec la même unanimité les ravages du tabac.

C omme l'a indiqué M. le rapporteur, il cause 60 000 décès prématurés par an, soit un décès sur neuf dans notre pays. Je sais que, à force d'être répétés, les chiffres n'ont plus la même force émotionnelle. Pourtant, je voudrais insister sur ce point. Un décès sur neuf est directement lié au tabac et pourrait donc être évité dans l'immense majorité des cas, ce décès d'une personne de notre entourage, de notre famille, ou d'un ami.

Tout le monde le sait mais l'on veut ignorer ces vérités en France. Un fumeur régulier sur deux ayant commencé à fumer dans l'adolescence mourra victime du tabac.

C'est dans la tranche de quarante-cinq à soixante-quatre ans que le poids de cette mortalité est le plus important, avec 30 % de décès masculins, 4 % de décès féminins, mais, les femmes ayant également rattrapé les hommes de ce point de vue, ce qui n'est pas ce qu'elles ont fait de mieux, le pourcentage sera le même en 2025 pour les hommes et pour les femmes, qui fument maintenant de la même manière, sinon plus.

Les fumeurs représentent près de 34 % de la population française, avec une proportion toujours plus élevée de jeunes fumeurs et une montée vertigineuse dès quinze ans, souvent dès douze ans : 41,3 % des quinzevingt-quatre ans fument. Il suffit de passer devant les lycées, n'importe où en France, pour voir que, dès huit heures du matin, un très grand nombre de jeunes fument.

La proportion de femmes continuant à fumer lors de leur grossesse augmente très fortement : 15 % en 1981, 25 % en 1995. La consommation de tabac a des conséquences sur le foetus, qui persistent chez le nourrisson, puis chez l'enfant. L'un des seuls succès de santé publique de ce pays est la régression de la mort subite du nourrisson et nous venons de proposer la cinquième campagne.

Nous avons constaté que le tabagisme passif, causé non seulement par la femme enceinte mais aussi par l'entourage, c'est-à-dire en général par son mari, entraîne non seulement une diminution du poids de l'enfant mais également un risque de mort subite du nourrisson qui est maintenant prouvé.

Le Gouvernement a fait de la lutte contre le tabagisme une priorité de santé publique. C'est ainsi que les crédits consacrés à la prévention sont passés à 50 millions de francs en 1998, qu'une évaluation de la loi Evin est en cours, que la France a très largement contribué - j'y étais et ce fut une rude bataille menée par le professeur Christian Cabrol - à faire aboutir une directive européenne d'interdiction de la publicité sur le tabac, et qu'une conférence sur l'arrêt de la consommation du tabac a été tenue, dont les conclusions viennent de nous parvenir.

Les statistiques françaises de l'INSEE et les statistiques européennes sont très claires : il y a un lien étroit, que personne ne met plus en doute, entre la consommation de tabac et son prix de vente. C'est dans les pays d'Europe où le tabac est le moins cher que la consommation est la plus élevée, et inversement. Dans le nord de l'Europe, là où le tabac est le plus cher, la consommation est la plus basse. Elle baisse régulièrement - cela a été prouvé très clairement en Norvège il y a quelques années - dès que le prix augmente.

L'augmentation des prix du tabac est donc l'un des moyens, efficace, de diminuer les ventes et d'éviter de futurs cancers. L'année dernière, grâce à vous, nous avons fait augmenter le prix du tabac à rouler, et la consommation, particulièrement grave chez les jeunes, a diminué.

En revanche, pour la première fois depuis dix ans dans notre pays, la consommation de tabac chez les jeunes a augmenté l'année dernière. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à votre amendement, monsieur Recours.

La recette correspondante, je vous le garantis, sera utilisée dans deux domaines que vous avez évoqués, la médicalisation de la dépendance, c'est-à-dire la prise en charge médicale dans des maisons médicalisées, et les soins palliatifs. Nous en avons parlé hier, et il y a une unanimité pour que soient largement mises en place dans notre pays des équipes mobiles et des équipes fixes de soins palliatifs.

Dans certaines régions, il en manque considérablement.

J'espère, enfin, puisqu'il y a de nombreux jeunes dans les tribunes, qu'après mon plaidoyer, ils ne vont pas se mettre à fumer ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Si je suis d'accord avec votre diagnostic, monsieur Kouchner, ce que vous nous proposez ne me satisfait pas du tout. En France, on l'a dit à plusieurs reprises, la prévention et l'éducation sont les parents pauvres de notre protection sociale.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait ! Il a raison !

M. Jean-Luc Préel.

Par an, 12 000 francs sont dépensés par habitant pour le curatif, et très peu pour la prévention. La vraie solution serait la création d'une agence nationale de prévention et d'éducation de la santé.

Aujourd'hui, il y a de nombreux intervenants, plusieurs ministères. Chaque caisse a son programme, la mutualité a le sien, plusieurs associations interviennent. On a besoin d'avoir une organisation au niveau national, prenant en compte la mortalité prématurée évitable, pour avoir une politique pluriannuelle coordonnée.

En outre, il est indispensable que cette prévention soit financée. Alors que nous votons l'ONDAM, il faudrait voter une enveloppe spécifique pour la prévention et l'éducation. Vous en proposez une pour la dépendance. Il y a des besoins pour la dépendance, mais il y a de réels besoins également pour la prévention et l'éducation.

Nous sommes d'accord, bien entendu, sur le diagnostic concernant les ravages du tabac, nous les avons toujours dénoncés. Je suis scandalisé lorsque je lis dans les publications des professionnels que les professions du tabac sont en bonne santé. Leur chiffre d'affaires augmente, mais la santé des Français ne s'améliore pas ! Effectivement, les jeunes filles fument de plus en plus, plus que les garçons, et l'on voit déjà le nombre de cancers du poumon chez la femme augmenter, alors que c'était très rare auparavant. On sait que demain, hélas ! il y en aura beaucoup. Il faut donc faire de la prévention.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, l'année dernière, vous aviez eu, Mme Aubry et vous, une excellente idée, en créant une taxe de santé publique.

En deuxième lecture, nuitamment, M. Strauss-Kahn était venu reprendre cette taxe de santé publique pour l'affecter à une augmentation du prix du tabac.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Jean-Luc Préel.

Je voudrais savoir quel en a été le produit. A-t-il été affecté à la prévention, à l'éduca tion de la santé, ou bien s'est-il perdu dans la masse générale de notre protection sociale ? J'aimerais beaucoup avoir des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

réponses précises sur ces points, et savoir aussi si vous avez la réelle volonté d'organiser la prévention et l'éducation en France ou si vous vous contenterez de continuer à saupoudrer les différents organismes.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement de la commission soulève un vrai problème, mais sans y apporter de solutions satisfaisantes.

La prévention du tabagisme est insignifiante. Comme l'a rappelé M. le secrétaire d'Etat à la santé, 50 millions de francs sont consacrés à la lutte contre le tabagisme.

C'est une goutte d'eau, parce que la simple mesure qui est proposée aujourd'hui va rapporter, avec le milliard supplémentaire qui a été prélevé dans la loi de finances sur les tabacs, quelque 4 milliards supplémentaires.

Nous avons bien entendu les arguments quant au caractère dissuasif du coût du tabac sur la consommation, mais je ferai plusieurs remarques.

D'abord, pour tout produit, il faut appliquer le niveau de taxation pertinent, au-delà duquel s'organisent le trafic et la contrebande. J'habite dans un département frontalier, et mon enfance a été marquée par des histoires de contrebandiers de cigarettes. Mais alors qu'on avait oublié ces camions se faisait nuitamment arrêter, on trouve maintenant dans les montagnes des gens portant un sac à dos rempli de cigarettes,...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Oui, je sais.

M. Bernard Accoyer.

... car le niveau des prix est désormais tel qu'il incite au développement de la contrebande et de tous les trafics.

En outre, si nous taxons encore davantage le tabac, les jeunes, qui ont pour caractéristique d'être créatifs et efficaces, vont consacrer toute leur intelligence à se procurer des cigarettes par d'autres moyens. Le commerce sur Internet en est un, car aujourd'hui toutes nos frontières sont ouvertes.

Cela dit, tous ces arguments sont de nature technique, et j'accepterais volontiers qu'on les balaie. Je suis certes favorable à de nouveaux prélèvements sur les tabacs, mais il est inacceptable qu'ils soient détournés de la prévention. C'est absolument scandaleux ! Si vous nous assuriez, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous affecteriez plusieurs milliards à la luttre contre le tabac, à l'éducation sanitaire, à la prévention, ce serait une avancée décisive.

Mme Martine David.

Donneur de leçons !

M. Bernard Accoyer.

Jusqu'à présent, cela n'est jamais arrivé. Le tabac est en réalité une source de revenus, ô combien perverse pour l'Etat ! qui prend bien garde de ne pas la tarir.

Il est temps, monsieur le secrétaire d'Etat, vous qui annoncez à l'envi que vous voulez vous battre de façon préventive contre le tabagisme, et vous avez mille fois raison, de changer radicalement les choses et d'affecter enfin par la loi toutes les recettes qui sont induites par le tabac à la prévention et à l'éducation sanitaire. Le budget de la santé est paralytique, nul ; il n'y a rien dedans. Il se chiffre avec deux zéros de moins que le budget de la sécurité sociale. Il serait très hypocrite d'accepter d'augmenter les recettes de l'Etat pour financer des besoins qui sont réels. En cela, nous n'oublions pas l'urgence qu'il y a à financer la médicalisation et les soins palliatifs qui, même si, indirectement, sont rendus nécessaires par le tabagisme, correspondent aussi à un besoin général de notre société. Mais, ce ne sont pas des fonds qui, par nature, devraient être affectés à la prévention qui doivent les financer. Ce sont d'autres moyens.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

J'aurais mauvaise grâce à contrer cet amendement, du moins les arguments de M. le secrétaire d'Etat.

Je rappelle que le marché global du tabac a diminué depuis 1991 de 15 %. Un effort réel est donc entrepris, pour limiter la consommation du tabac en France.

Par ailleurs, les planteurs font de grands efforts au niveau de la qualité. Le fabricant veille à ce que le taux en nicotine baisse régulièrement. Enfin, plus nous augmentons les taxes, plus le trafic de contrebande devient florissant.

Alors que la loi de finances a prévu une taxe d'un milliard dans le budget pour 1999, l'ensemble des taxes sur le tabac représente plus de 70 milliards dans le budget de la nation. Il ne faut pas l'oublier. Bien sûr, monsieur le rapporteur, on peut toujours trouver un milliard à utiliser ! On peut augmenter les milliards ! On trouve toujours à les placer ! Une politique de prévention doit être conduite, c'est sûr, sans toutefois tirer trop sur une cible facile, à savoir le tabac.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 404.

L'amendement n'est pas adopté. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il est adopté. Veuillez m'excuser, mes chers collègues, vous m'avez perturbé.

(L'amendement est adopté.)

M. Bernard Accoyer.

C'est un lapsus freudien ! Jurisprudence « Cochet » !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je répondrai aux questions qui m'ont été posées tout en souhaitant que personne sur ces bancs ne se serve du tabagisme, problème majeur dans notre jeunesse, pour créer des clivages qui, en l'occurrence, n'existent pas à propos de l'alcoolisme.

L'année dernière, nous avons fait voter un texte visant, d'une part, à exprimer les prix par 1 000 cigarettes afin d'éviter les grands conditionnements - vingt-cinq cigarettes au prix de vingt, ce qui augmente la consommation -, d'autre part, à augmenter le minimum de droits perçus de 380 à 500 francs en une fois pour les cigarettes blondes, et en cinq ans pour les brunes, et de 150 à 230 francs pour le tabac à rouler, et enfin, d'affecter une part de ces taxes à l'assurance maladie, soit environ 1,3 milliard de francs. Nous avons visé très précisément le tabac à rouler car il était très consommé par la jeunesse. L'efficacité de l'augmentation du prix a été une fois de plus prouvée puisque la consommation a immédiatement régressé.

Monsieur Accoyer, vous reprenez les mêmes arguments que l'an dernier et pourtant, théoriquement, vous dites être d'accord pour faire baisser la consommation. Sur le trafic et la contrebande, je vous fais remarquer que pendant que certains passent à pied les montagnes avec un sac à dos pour porter des cigarettes de contrebande, des camions de 30 tonnes entrent dans notre pays...

M. Bernard Accoyer.

C'est un leurre ! C'est comme les fonds de réserve !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Non, la contrebande de cigarettes dans notre pays est infime et, curieusement, c'est dans les pays méditerranéens où les prix sont les plus bas, qu'elle est la plus forte et non dans ceux où ils sont élevés.

Vous me demandez de parler de la prévention. Bien entendu, il faut la développer, et nous tentons de progresser dans ce domaine. Oui, les chiffres sont plus importants qu'il y a deux ans, et nous avons développé des campagnes.

Mais la prévention est surtout abordée dans l'article 15 de ce projet de loi de financement qui, pour la première fois, permet la prise en charge, par la caisse d'assurance maladie, des actes non prescriptibles, en particulier dans le domaine du tabac. Nous financerons ainsi toutes les campagnes de dépistage du cancer et nous rembourserons à 100 % les tests de dépistage des cancers féminins et des cancers côlon-rectum. Certes, la prévention doit nous préoccuper en permanence. Elle doit se faire partout, à l'école, au travail, en famille et pas seulement dans le système de distribution de soins. Nous sommes le seul pays où les interdictions de fumer ne sont pas strictement appliquées : dans les aéroports, sous les panneaux d'interdiction, les gens qui fument sont tous français !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

A l'Assemblée nationale aussi c'est interdit, et on y fume !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Quant aux médecins, nous allons développer une campagne particulière les concernant. La dernière statistique fait état de 34 % de fumeurs chez les médecins.

M. Bernard Accoyer.

C'est à désespérer ! Nous sombrons dans le tabagisme !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Non, il ne faut désespérer de rien ! Mais avec un tel pourcentage, ils ne sont pas très crédibles pour demander aux autres d'arrêter de fumer ! Faites-moi confiance ! Le produit de cette taxe ira exactement là où vous le souhaitez, c'est-à-dire aux soins palliatifs, à la médicalisation de la dépendance et à la prévention.

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 408, ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« I. L'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« 21o Les personnes qui exercent à titre occasionnel pour le compte de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou d'un de leurs établissements publics administratifs, ou d'un organisme privé chargé de la gestion d'un service public à caractère administratif une activité dont la rémunération est fixée par des dispositions législatives ou réglementaires ou par décision de justice, sous réserve que cette activité soit inscrite sur une liste fixée par décret. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables :

« aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat et agents permanents des collectivités locales ne relevant pas, au titre de leur activité principale, des dispositions du livre IV du présent code ;

« sur leur demande, dans des conditions fixées par décret, aux personnes exerçant à titre principal une des professions visées à l'article L. 621-3, lorsque les activités occasionnelles visées ci-dessus en sont le prolongement.

« II. Les dispositions du I sont sans effet sur le droit applicable au lien existant entre les personnes visées au 21o de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et les administrations, établissements ou organismes concernés.

« III. Nonobstant toutes dispositions contraires, et sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, sont prescrites les créances relatives aux cotisations sociales dues au titre des rémunérations versées aux personnes visées au 21o de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et qui n'ont pas été réglées à la date d'entrée en vigueur des décrets prévus au I du présent article. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, nos 420 et 432, présentés par M. Recours.

Le sous-amendement no 420 est ainsi rédigé :

« A la fin du deuxième alinéa (21o ) du I de l'amendement no 408, supprimer les mots : ", sous réserve que cette activité soit inscrite sur une liste fixée par décret". »

Le sous-amendement no 432 est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement no 408, après la première phrase, insérer la phrase suivante : "Un décret précise les types d'activités et de rémunérations en cause". »

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité pour défendre l'amendement no 408.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'amendement proposé par le Gouvernement vise à clarifier la situation des collaborateurs occasionnels des services publics au regard de la sécurité sociale dont ils relèvent. En effet, eu égard à l'extrême diversité qui carac térise les conditions dans lesquelles ces collaborateurs interviennent, il se révèle en pratique très difficile de déterminer quel est le régime de sécurité sociale auquel, en appliquant les règles de droit commun, ils devraient être affiliés.

Une telle difficulté est illustrée par la jurisprudence.

Par exemple, un médecin chargé d'examiner l'état de santé d'enfants d'un établissement scolaire a été considéré comme un salarié par un arrêt du 27 février 1998 de la caisse primaire du Calvados, tandis qu'un médecin chargé d'examiner l'état de santé d'enfants handicapés dans un institut médico-éducatif a été considéré, selon un arrê t de 1972 des URSSAF de Seine-et-Marne, comme un nonsalarié.

Nous pensons qu'il faut clarifier la situation des collaborateurs occasionnels du service public au regard de leur statut social, d'autant que parfois certains ne sont affiliés à aucun régime, ce qui peut leur créer des difficultés.

L'amendement du Gouvernement pose la règle selon laquelle les intéressés sont affiliés au régime général, quelles que soient les conditions dans lesquelles ils interviennent.

S'agissant de poser une règle qui concerne un principe général de la sécurité sociale, un rattachement au régime général doit, aux termes de l'article 34 de la Constitution, être prévu par une disposition législative. C'est ce que nous faisons. En revanche, il est possible, et en l'espèce nécessaire, de préciser par voie réglementaire les modalités d'application de la loi, c'est-à-dire notamment les catégories précises de collaborateurs concernées par cette disposition législative et les modes de rémunération.

A titre d'exemple, seraient concernées des catégories aussi différentes que les médecins-experts auprès des tribunaux, les commissaires-enquêteurs ou encore des parti-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

cipants à des jurys d'examen. Donc, une loi est nécessaire et un décret énumérera de la façon la plus précise possible les différentes catégories concernées et les modes de rémunération.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 408 et présenter les sous-amendements nos 432 et 420.

M. Alfred Recours, rapporteur. Il s'agit bien des collaborateurs occasionnels du service public pour lesquels des problèmes d'affiliation se posent et, par voie de conséquence, des problèmes de cotisations.

Mme Yvette Benayoun-Nakache avait d'ailleurs déposé un amendement sur les experts-psychiatres auprès des tribunaux, mais il avait été déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution. Le dispositif que nous sommes en train de discuter devrait leur donner satisfaction.

Sur le fond, je suis d'accord avec l'amendement du Gouvernement, qui a d'ailleurs reçu un avis favorable de la commission.

Toutefois il y a un problème rédactionnel dans la mesure où il est prévu de fixer par décret une liste d'activités.

M. Bernard Accoyer.

C'est n'importe quoi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous en prie, monsieur Accoyer !

M. Alfred Recours, rapporteur. S'agissant des critères d'affiliation, cela n'est pas possible. Le premier sousamendement tend donc à supprimer un membre de phrase. En revanche, il faudra bien qu'un décret précise les types de rémunérations et d'activités - frais de transport, participation à des jurys, expertises... -, et c'est l'objet du second sous-amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux sous-amendements ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La rédaction de la commission est certainement plus précise, je suis d'accord avec le rapporteur, mais de là à dire du texte qu'il prévoit n'importe quoi ! Il conviendrait de savoir mesurer ses paroles, monsieur Accoyer.

Bien évidemment, j'émets un avis favorable sur les deux sous-amendements de la commission.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je voudrais dire, si elle me le permet, à Mme la ministre qu'elle a tort de réagir aux mots de notre collègue Accoyer qui aime bien provoquer.

M. Denis Jacquat.

rapporteur. C'est vrai !

M. Alfred Recours, rapporteur. Et la ministre aime bien répondre !

M. François Goulard.

Ses propos ne sont pas toujours à prendre au pied de la lettre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il a besoin d'un délégué, votre collègue ?

M. le président.

Monsieur Goulard, M. Accoyer se défendrait lui-même !

M. François Goulard.

J'en viens à l'amendement, monsieur le président !

M. François Goulard.

Il serait facile d'ironiser sur le fait que la sécurité sociale, déjà impécunieuse, ne peut pas laisser hors de son champ la moindre rémunération, fûtelle très modeste, comme la rétribution pour la participation à un jury ou d'autres activités de cet ordre. Je ne me livrerai pas à cet exercice.

Mais le non-assujettissement des rémunérations d'auxiliaires de services publics ou de l'administration est un problème qui dure depuis des dizaines d'années. Très franchement, n'était-il pas possible de le traiter autrement que par un amendement déposé au dernier moment par le Gouvernement, et que le rapporteur est obligé de sousamender parce qu'il comporte des imprécisions rédactionnelles ? N'y a-t-il pas d'autres façons de travailler ? Ne pouvait-on pas attendre une prochaine loi ? J'allais dire que ce n'est pas très sérieux, mais j'ai eu peur de faire réagir Mme la ministre. En tout cas, je ne crois pas que ce soit une bonne méthode de travail.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, si je vous ai froissée par un écart de langage,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il m'en faut plus !

M. Bernard Accoyer.

... ce qui, hélas ! ne serait pas la première fois, je vous prie de bien vouloir m'en excuser.

Au fur et à mesure de la discussion des articles, nous nous apercevons qu'une certaine précipitation a présidé à leur rédaction. Je ne voudrais pas que la loi de financement de la sécurité sociale devienne une loi de correction de la précédente loi de financement. Je rappelle que nous avons adopté hier un amendement du Gouvernement prévoyant des exonérations de cotisations pour un certain nombre de prestations fournies par des associations ou des CCAS aux personnes dépendantes. S'il ne posait pas de problème sur le fond, cet amendement en pose à l'évidence sur la forme et il donnera sans doute lieu à des contentieux.

Aujourd'hui, à la suite d'appels en ce sens, vous vous attaquez à la situation des collaborateurs occasionnels d'un service public. Mais le problème est beaucoup plus vaste. C'était là le sens de mon interpellation, et, étant donné votre hyper-réactivité habituelle, elle a produit son effet.

(Sourires.)

Avez-vous réalisé qu'avec ce système vous alliez faire cotiser deux fois ? En effet, un certain nombre de professions libérales, par exemple, fournissent des prestations occasionnelles dans le cadre des services publics. Dès lors que le revenu de leurs activités occasionnelles s'ajoutera à leurs revenus professionnels, vous les ferez cotiser deux fois, car elles sont déjà couvertes par les différents organismes sociaux.

Au-delà, je tiens à appeler l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur le problème considérable des vacations des médecins vacataires dans les hôpitaux publics, qui sont des attachés. Le niveau de rétribution de leurs vacations est absolument dérisoire et le statut de ces vacations est à revoir. C'est à cette situation que j'ai fait allusion tout à l'heure, m'exprimant peut-être avec excès, ce que, bien entendu, je regrette. C'est là une des causes des problèmes auxquels est confronté l'hôpital public.

Une revalorisation consistante de ces vacations serait certainement l'occasion de rétablir le lien indispensable entre l'hôpital et les soins de ville, facilitant ainsi le développement des réseaux. Il serait intéressant que le Gouvernement nous donne son sentiment sur cette importante question.

M. le président.

Monsieur Accoyer, je considérerai, avec votre accord, que vous êtes intervenu sur les deux sous-amendements et sur l'amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Beaucoup de sujets importants doivent être traités dans cette loi de financement de la sécurité sociale et il faudrait donc cesser de se lancer des piques en permanence. Moi, je n'ai pas insisté longuement sur le fait que nous étions en train de récrire l'ordonnance de 1996, par exemple en ce qui concerne la taxe sur les industries pharmaceutiques - qui était illégale -, ou la cotisation sur les contrats d'assurance, ou bien encore les prémix.

Mme Martine David.

Ils ne le disent pas, ça !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais tout cela n'est pas très grave. L'important, c'est d'aboutir à une loi dont les objectifs soient les bons, et que nous puissions la faire appliquer.

Alors, monsieur Accoyer, que l'on mette un point dans un décret ou qu'on le remplace par une virgule, ce n'est pas un drame. Evitez donc de nous faire perdre du temps avec des problèmes de ce genre !

Mme Martine David.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Si vous préférez que je m'en aille !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah non ! C'est un bonheur de vous avoir parmi nous, sans cesse renouvelé ! (Rires.)

Pour répondre à votre question, je répète que ceux qui exercent une activité principale en tant que libéraux ajoutent à leur rémunération principale celles qu'ils touchent en tant que collaborateurs occasionnels ; ils restent donc dans le régime libéral.

Cet amendement, en revanche, concerne les personnes qui n'exercent pas une autre activité à titre principal et qui, à ce jour, ne cotisent nulle part et n'ont donc, parfois, aucune couverture.

Voilà exactement de quoi il s'agit, et je crois avoir répondu précisément à votre question.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 420.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 432.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 408, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

M. Guibal a présenté un amendement, no 141, ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« 1o Les titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée ou les prestataires de services d'une société d'intérim, exerçant leur activité dans un Etat de l'Union européenne ou en principauté de Monaco, sont exonérés de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

« 2o La perte de recettes résultant de l'application du 1o est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir cet amendement.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement de M. Guibal se justifie par son texte même et doit avoir à ses yeux une importance fondamentale. Notre collègue connaît particulièrement bien ce problème, eu égard au département dont il est l'élu.

Je voudrais cependant aller au-delà de cet amendement et élargir mon propos aux doubles affiliations et aux doubles cotisations qui ne débouchent pas sur les droits sociaux correspondants, c'est-à-dire au problème des frontaliers. Dans un grand nombre de départements français, de nombreuses personnes vivent d'une activité qu'elles exercent de l'autre côté de la frontière. Affiliées à un régime de protection sociale dans le pays où elles travaillent, elles ne bénéficient pas des droits ouverts par la sécurité sociale et ses différentes branches.

Dans ces conditions, il serait normal qu'elles ne soient pas assujetties à ces contributions de nature sociale, en dépit de tous les contentieux qui se sont ouverts sur ce point de droit qui n'a pas fini de diviser les juristes et les élus des départements frontaliers.

Il nous semble que cet amendement doit être adopté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous avons bien noté que, outre les autres pays de l'Union européenne, il est question dans cet amendement de la principauté de Monaco, que M. Guibal doit connaître un peu mieux que les Ardennes ou le Nord.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est dommage !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il nous a semblé que nous n'avions pas d'éléments suffisants pour déterminer s'il y avait ou non une frontière avec la principauté.

En dépit du grand intérêt de ce problème et en l'absence de réponse à cette interrogation, la commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Contre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 141.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 417, ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« I. - Il est effectué, au profit du fonds de l'alloc ation temporaire d'invalidité des collectivités locales, un prélèvement sur le fonds pour l'emploi hospitalier égal au montant des sommes nécessaires à l'équilibre de ce fonds multiplié par le rapport entre, d'une part, les charges occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour la fonction publique hospitalière et, d'autre part, les charges occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour les deux fonctions publiques territoriale et hospitalière. Ce prélèvement, qui est opéré par arrêté, peut faire l'objet d'acomptes provisionnels.

« II. - Il est effectué, également au profit du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des collectivités locales, un prélèvement sur le fonds de compensation des cessations progressives d'activité égal au montant des sommes nécessaires à l'équilibre de ce fonds multiplié par le rapport entre, d'une part, les charges occassionnées par le financement du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

congé de fin d'activité pour la fonction publique territoriale et, d'autre part, les charges occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour les deux fonctions publiques territoriale et hospitalière.

Ce prélèvement, qui est opéré par arrêté, peut faire l'objet d'acomptes provisionnels.

« III. - Dans le dernier alinéa de l'article 45 de la loi no 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, les mots : "qui interviendra au plus tard le 31 décembre de l'an 2000" sont supprimés. »

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Cet amendement a pour objet d'assurer le financement en 1999 du congé de fin d'activité. Je rappelle que ce dispositif concerne les trois fonctions publiques. Il est le pendant, dans la fonction publique, du dispositif ARPE dans le secteur privé. Il a eu un réel succès lors de la reconduction prévue par l'accord salarial du 10 février 1998 et répondait à un voeu assez unanime.

L'accord a non seulement prévu la prorogation en 1998 et 1999 du congé de fin d'activité, mais il l'a également ouvert aux agents âgés d'au moins cinquante-six ans, dès lors qu'ils ont réuni quarante années de cotisations et accompli quinze années de service public.

Des crédits budgétaires assureront le financement de cette prorogation pour ce qui concerne la fonction publique de l'Etat.

Pour ce qui est des fonctions publiques territoriale et hospitalière, l'article 45 de la loi du 16 décembre 1996, présentée par Dominique Perben, avait créé un fonds de compensation qui rembourse aux collectivités et aux établissements hospitaliers le revenu de remplacement versé aux agents partant en congé en fin d'activité, dès lors que ces établissements ou ces collectivités embauchent un fonctionnaire en remplacement. Ce fonds de compensation est financé à partir des réserves du régime de l'allocation temporaire d'invalidité.

Si un amendement est indispensable, c'est parce que, pour 1999, les réserves du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité peuvent ne pas être suffisantes, et l'on prévoit que 300 millions de francs supplémentaires seraient nécessaires.

Le Gouvernement n'entend pas faire supporter aux collectivités locales ce besoin de financement et propose un amendement qui permettra, par ses paragraphes I et II, de couvrir le besoin de financement par un double prélèvement, d'une part, sur le fonds de compensation des cessations progressives d'activité, le FCCPA, spécifique aux agents territoriaux, et, d'autre part, sur le fonds pour l'emploi hospitalier, le FEH, propre aux agents hospitaliers.

Ces fonds sont gérés par la Caisse des dépôts et consignations, mais il s'agit d'établir un lien entre eux pour que les excédents du FCCPA et du FEH puissent combler les besoins de financement du fonds de compensation du CFA.

Le paragraphe III de l'amendement modifie l'article 45 de la loi du 16 décembre 1996, qui prévoyait la dissolution du fonds de compensation du CFA au 31 décembre de l'an 2000 au plus tard. Compte tenu de la prorogation du CFA en 1999 et de l'assouplissement des conditions d'âges requises, il est nécessaire de supprimer la référence à cette date.

Ce dispositif peut paraître un peu compliqué dans sa formulation mais il vise à assurer la pérennité, ou tout au moins la prorogation du congé de fin d'activité, dispositif unanimement apprécié.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

La plupart de nous sommes favorables à ce dispositif, comme au dispositif ARPE, qui permet de dégager un certain nombre de postes de travail pour des jeunes, suite au départ en retraite d'actifs.

Cet amendement revient à assurer une recette plus structurelle qu'auparavant et je ne peux, par conséquent, qu'être favorable à la proposition du Gouvernement.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin Vous devez, en fait, renflouer le FATIACL, le fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales. Il disposait l'année dernière de 4,5 milliards de francs de réserves, mais vous l'avez ponctionné.

Vous êtes donc aujourd'hui obligé de le renflouer.

Vous effectuez par conséquent un prélèvement sur le fonds pour l'emploi hospitalier et sur le fonds de compensation des cessations progressives d'activité. Nous n'acceptons pas cette manière de procéder car vous démontrez une fois de plus que le Gouvernement reporte à plus tard le traitement du problème des régimes spéciaux de retraite. Nous ne pouvons pas cautionner le dispositif de cet amendement qui vise, je le répète, à ponctionner deux organismes pour combler le trou du FATIACL.

En langage plus terrien, c'est ce qu'on appelle ouvrir un trou pour en combler un autre.

M. le président.

La parole est à M. Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Nous ne pouvons pas accepter cet amendement. Il constitue une manifestation d'inéquité et d'injustice à l'égard des Français qui n'appartiennent pas au secteur des collectivités publiques. Je rappelle, sans vouloir faire de provocation, que les partis de la majorité n'ont pas accepté, en 1995, que nous fassions le bilan des régimes spéciaux. Hier soir encore, il a été proposé de créer une caisse, ou en tout cas un organisme, permettant la transparence, afin que nous connaissions le coût assumé par la nation, c'est-à-dire par les contribuables, en ce qui concerne les régimes de retraite des agents des collectivités publiques. Aujourd'hui, on nous propose de faire financer par les contribuables des dispositions concernant des régimes de retraite qui ne sont pas, loin s'en faut, comparables aux régimes de retraite s'appliquant notamment aux salariés du secteur privé, dont la réforme, vous le savez, a été courageusement conduite en 1994 par M. Edouard Balladur.

M. François Goulard et M. Yves Bur.

Et par Simone Veil !

M. Bernard Accoyer.

J'indiquerai très rapidement quelques éléments publiés dans Liaisons sociales, qui se réfèrent à des données très objectives : « Plusieurs régimes ne subsistent déjà qu'avec ces béquilles que sont les contributions des caisses mieux équilibrées et l'aide de l'Etat. Déjà, les régimes spéciaux coûtent 150 milliards de francs chaque année au budget national. Or ce coût devrait s'aggraver. Prenez La Poste : elle verse plus de 11 milliards de francs par an au titre de la retraite de ses agents, mais elle ne fait pas de réserves pour le futur,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

alors que ses engagements sont évalués à plus de 300 milliards pour ces prochaines années. Comment payer ? Augmenter le prix du timbre sera insuffisant. »

Rappelez-vous les deux malheureux milliards que nous avons prévus hier pour le fonds de réserve de la retraite par répartition. On nous a dit que ce montant était tout à fait suffisant, même si on devait le considérer, au début, comme symbolique.

Je citerai maintenant un article d'Alain Faujas, paru dans Le Monde du 20 octobre.

M. Francis Bazile, président de l'Observatoire des retraites, estime : « Il va de soi que les réformes devront concerner aussi les régimes spéciaux, qui gèrent sans transparence la retraite des agents de l'Etat ou des collectivités locales et les salariés des services et des entreprises publiques.

« Ces cinq millions de personnes cotisent pour 7,85 % de leur salaire contre 10,35 % pour les quatorze millions de salariés du secteur privé. Leur retraite est calculée sur le dernier salaire et non sur les vingt-cinq dernières années, comme dans le secteur privé. Ils continuent à cesser leur activité au bout de trente-sept ans et demi de cotisation, alors que le privé voit allonger cette durée à quarante ans. Leurs pensions sont indexées sur les salaires, alors que celles du privé varient avec les prix, ce qui est moins avantageux.

« Tous ces avantages génèrent des déficits intégralement gommés par des subventions qui sont payées par les contribuables et les usagers de ces entreprises. Il est étonnant qu'au moment où nous nous battons pour maintenir le niveau des retraites du secteur privé, le secteur public ne réforme pas les siennes. Rappelons qu'il est prévu 194,6 milliards de cotisations "fictives" dans la loi de finances de 1999 pour équilibrer le budget des retraites, qui est noyé dans le budget de l'Etat. »

Madame, messieurs les ministres, croyez-vous qu'il soit décent, alors que nous discutons aujourd'hui de la protection sociale, de demander au contribuable, par un mécanisme parfaitement opaque, de combler une nouvelle fois le déficit d'un système de retraites dont nous dénonçons sans cesse l'opacité et l'inéquité.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet amendement du Gouvernement, qui est scandaleux.

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je suis très sensible à la véhémence de M. Accoyer, qui vient de faire la plus belle démonstration d'amalgame que l'on puisse rêver d ans cette enceinte, en dénonçant pour finir des manoeuvres tendant à faire supporter aux contribuables je ne sais trop quelle faveur accordée aux fonctionnaires.

Les choses sont beaucoup plus simples que cela. Différents fonds sont financées par des prélèvements sur les salaires des personnels hospitaliers et des personnels des collectivités territoriales et il s'agit de permettre que l'excédent d'un fonds, une année, comble l'insuffisance d'un autre dans des proportions, vous me l'accorderez, bien raisonnables. Vous avez évoqué des chiffres phénoménaux.

M. Bernard Accoyer.

C'est la réalité ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Il s'agit en fait de combler une insuffisance prévisible de 300 millions en 1999 pour un fonds de compensation. Je note que vous vous apprêtez à voter contre cet amendement qui vise à assurer le financement du CFA. L'opinion jugera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 417.

(L'amendement est adopté.)

Article 12

M. le président.

A la demande du Gouvernement, l'article 12 est réservé (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , en application de l'article 95 alinéas 4 et 5 de notre règlement, jusqu'après l'article 36.

M. François Goulard.

Une erreur de chiffre sans doute !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je souhaite rapidement expliquer cette demande de réserve.

L'article 12 concerne les recettes. Certaines modifications étant intervenues en la matière ce matin et d'autres étant prévisibles, nous avons préféré en reporter l'examen à la fin, pour éviter d'avoir à le faire voter deux fois. Nous pourrons ainsi prendre en compte l'ensemble des modifications intervenues dans les recettes, ce qui me semble tout à fait compréhensible.

M. Gérard Terrier.

Très bonne initiative !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Ces modifications en cours de l ecture étant habituelles, ne serait-il pas opportun, madame la ministre, de placer d'emblée ces articles à la fin du projet de loi ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quelle bonne idée !

M. François Goulard.

C'est une modeste proposition !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais c'est intelligent ! (Sourires.)

Après l'article 12

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 161, ainsi rédigé :

« Après l'article 12, insérer l'article suivant :

« Le rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale doit certifier la conformité des comptes établis par la commission des comptes de la sécurité sociale avec les comptes établis par les agents comptables des caisses de sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Avec cet amendement, je veux mettre en exergue une situation particulièrement inquiétante. En effet, la plus haute juridiction financière, à savoir la Cour des comptes, s'est déclarée publiquement incapable de certifier la conformité des comptes tels qu'ils sont présentés par la commission des comptes de la sécurité sociale, qui s'est réunie il y a quelques semaines, avec les comptes approuvés par les conseils d'administration des caisses de sécurité sociale où siègent les parte-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

naires sociaux. S'agissant de quelque 1 800 milliards de francs, il y a là un problème de fond. Je souhaite que les arguments qui vont nous être fournis par le Gouvernement, dont l'avis sur cet amendement sera sans doute négatif, nous permettent d'espérer plus de transparence concernant des agrégats monétaires considérables. C'est en effet la plus importante masse financière mobilisée chaque année dans le pays dont le Parlement ne pouvait d'ailleurs ni discuter ni évaluer l'incidence sur chacun de nos concitoyens avant les ordonnances de 1996.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Cet amendement part d'une idée intéressante, comme c'est souvent le cas avec notre collègue Accoyer, mais il ne peut être retenu pour une raison toute simple. Il aboutirait en effet à soumettre les comptes de la commission des comptes de la sécurité sociale au contrôle de la Cour des comptes. Or celle-ci juge les comptes des comptables publics. Comme nous l'a dit son président lors de son audition, sauf à changer de nature, elle ne peut contrôler les comptes de la commission des comptes, qui est une instance administrative et non un comptable public.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous ne pouvons que rejeter cet amendement. Je voudrais d'abord rassurer M. Accoyer : il y a bien un processus de contrôle des comptes par la Cour des comptes, simplement elle ne peut comparer les comptes de la sécurité sociale avec ceux des agents comptables des caisses de sécurité sociale puisqu'ils ne sont pas réalisés selon les mêmes bases. A l'avenir, ils seront établis dans les mêmes conditions, c'est-à-dire en droits constatés. Une mission a d'ailleurs été confiée à M. Deniel, conseiller maître à l a Cour des comptes, afin d'améliorer l'harmonisation des plans comptables des caisses de sécurité sociale, condition nécessaire à la mise en conformité que vous souhaitez et que je souhaite aussi. Attendons donc les conclusions de cette mission et nous passerons en droits constatés. Mais on ne peut dire qu'il n'y a pas de contrôle. Celui-ci existe bien, simplement la comparaison n'est pas possible, mais elle le sera dans l'avenir. Une fois de plus, monsieur Accoyer, vous êtes en avance sur le temps, mais nous allons essayer de vous rattraper !

M. Bernard Accoyer.

Merci, madame la ministre !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Accoyer, c'est Alice au pays des merveilles !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

J'ai noté des divergences d'appréciation entre M. le rapporteur et Mme la ministre sur cet intéressant sujet, leur seule convergence ayant d'ailleurs consisté à jeter des fleurs, largement méritées, à notre col lègue Accoyer. Cet amendement est bon, car il met l'accent sur quelque chose qui devrait nous faire réagir : à l'heure actuelle, personne n'est en mesure de certifier, au sens exact du terme, les comptes de la sécurité sociale.

S'agissant de l'argumentation du rapporteur, ce que la loi fait, la loi peut le défaire et nous sommes tout-à-fait en droit de demander une certification par la Cour des comptes des comptes de la sécurité sociale. Le fait que cela ne soit pas prévu par des textes antérieurs ne me paraît pas un obstacle dirimant.

Quant à Mme la ministre, elle reconnaît que la clarté n'existe pas aujourd'hui dans les comptes de la sécurité sociale.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Aujourd'hui comme hier !

M. François Goulard.

Comme hier, certes ! Je ne critique pas le Gouvernement, je constate simplement que notre machine administrative n'est pas aujourd'hui gérée comme elle devrait l'être s'agissant de sommes aussi considérables.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il faut changer la loi organique alors !

M. François Goulard.

Il y a donc des progrès déterminants à faire dans un tel domaine. Vous avez eu raison de dire, madame la ministre, même si votre propos était teinté d'un brin d'ironie, que l'amendement de Bernard Accoyer était prémonitoire. C'est vers ce type de mécanisme qu'il faut aller. Il faut absolument que les comptes publics, les comptes de la sécurité sociale, soient certifiés au sens propre du terme, c'est-à-dire qu'un organisme - en l'occurrence une juridiction, à savoir la Cour des comptes, mais cela pourrait aussi être des commissaires aux comptes privés - certifie leur exactitude. C'est une question de crédibilité. Or cet objectif n'est pas atteint aujourd'hui.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté sur les propos que vous avez tenus, monsieur Goulard : les comptes de la sécurité sociale sont aujourd'hui transparents et clairs. Ils sont contrôlés tant à la base que par caisse. Que l'on ne laisse pas croire que nous avons pu reconnaître qu'ils pouvaient être faux, trafiqués, non transparents ! Ce n'est pas du tout le sujet.

M. François Goulard.

Ce n'est pas ce que nous avons dit !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je le précise au cas où l'on aurait mal compris vos propos. Le seul problème aujourd'hui, et là je rejoins totalement ce que vous avez dit, c'est que l'on ne peut pas consolider les chiffres, car les méthodes ne sont pas les mêmes. Nous allons donc harmoniser ces méthodes pour pouvoir consolider les comptes. Mais, encore une fois, il n'y a pas de problème de transparence compte par compte ; il y a un problème de consolidation des différentes caisses.

Nous allons essayer d'y remédier en changeant les méthodes et en allant vers les droits constatés dans toutes les caisses.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je ne suis pas de votre avis, madame la ministre. La difficulté n'est pas seulement une question de consolidation. Une comptabilité exacte est une comptabilité en droits constatés. Une comptabilité de caisse est une comptabilité du siècle dernier, d'avant même ; c'est ce que l'on appelle une « comptabilité de ménagère », ce n'est pas une comptabilité exacte. Dans la mesure où elle n'est pas exacte, il n'est à mon avis pas abusif d'en conclure qu'elle est fausse.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 161.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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Article 13

M. le président.

Je donne lecture de l'article 13 :

TITRE

III

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES ET À LA TRÉSORERIE Section 1 Branche famille

« Art. 13. - I. - L'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 521-1 . - Les allocations familiales sont dues à partir du deuxième enfant à charge. »

« II. Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 755-11 du code de la sécurité sociale sont abrogés.

« III. Pour la détermination des droits, les dispositions des I et II entrent en vigueur à compter du 1er janvier 1999. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Voilà donc la condition de ressources supprimée pour le versement des allocations familiales, comme nous l'avions tant espéré. Pour compenser l'augmentation des dépenses qui en résultera pour la branche famille, le Gouvernement a néanmoins pris une décision qui pose problème : il financera désormais l'allocation de parent isolé, dont le coût serait actuellement équivalent au surcoût provoqué par le rétablissement de l'universalité des allocations familiales. Cela peut paraître satisfaisant puisque, d'après le chiffre de la CNAF, l'API représenterait 4,2 milliards de francs, mais ce détour appelle quelques observations et m'amène à vous interroger, madame la ministre.

L'allocation de parent isolé conserve la qualité de prestation familiale, alors que son financement sera exclusivement assuré par l'Etat. C'est une situation inhabituelle ; il faut bien le reconnaître. Mais ce n'est pas le plus grave.

Nous redoutons en effet que, dans les années prochaines, le coût de l'allocation de parent isolé ne soit plus équivalent à la dépense supplémentaire engendrée par l'universalité des allocations familiales. Et si jamais elle devait être fusionnée avec le RMI, qu'adviendraît-il de la compensation pour la branche famille ? Personnellement, j'aurais préféré que l'Etat verse directement chaque année une subvention au fonds des prestations familiales, subvention revalorisée en fonction de l'érosion monétaire.

L'article 12 du projet de loi n'individualise pas la prise en charge de l'API par l'Etat. Il y a donc à la fois un risque d'insécurité pour la branche famille et un défaut de transparence. C'est l'objection que je suis tenté de faire en attendant vos explications, madame la ministre.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Le peu de temps de parole dont je dispose m'oblige, hélas ! à simplifier et j'espère qu'il me sera pardonné de ne pouvoir développer toutes les nuances de cet important article, qui rétablit l'universalité des allocations familiales. Nous nous en félicitons pour avoir combattu la mesure tout à fait inverse, que vous aviez proposée l'année dernière. D'une certaine façon d'ailleurs, cet article traduit bien l'incohérence du Gouvernement. En effet, l'année dernière, la mise sous condition de ressources était l'une des mesures phares de votre projet de loi, madame la ministre, remettant en cause le principe essentiel selon lequel les allocations familiales sont attribuées aux familles pour l'enfant, quelles que soient leurs ressources. Nous l'avions donc fortement et justement critiquée et nous nous félicitons que vous reveniez sur cette décision. Mais, pour bien montrer que pour vous la famille n'est décidément pas une priorité vous abaissez le plafond du quotient familial, ce qui aura pour conséquence de pénaliser 500 000 familles, pour un montant de 4 milliards. Voilà la réalité ! Dans le même temps, vous présentez le PACS, qui est aussi une remise en cause de la famille.

Par ailleurs, vous n'avez en aucune manière simplifié les vingt-trois ou vingt-quatre prestations et allocations, alors que c'est indispensable et qu'il y a une forte demande en la matière depuis des années.

M. Jean-Marie Le Guen.

Et vous, qu'aviez-vous fait ?

M. le président.

Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Préel ! Poursuivez !

M. Jean-Luc Préel.

On peut toujours parler du passé, monsieur Le Guen, mais nous sommes là pour préparer l'avenir ! Nous, nous ne regardons pas dans le rétroviseur, nous allons de l'avant !

M. Jean-Marie Le Guen.

Vous allez dans le mur !

M. Jean-Luc Préel.

C'est vous qui soutenez ce projet de loi et c'est vous qui allez dans le mur ! L'année dernière, vous avez lourdement pénalisé les familles avec vos mesures sur l'AGED et les emplois familiaux. Puisque vous rétablissez l'universalité des allocations familiales vous auriez dû, pour être logiques jusqu'au bout, revenir sur ces deux autres mesures, qui nous ont mobilisés l'année dernière.

Vous relevez les prestations vieillesse de 1,2 %, mais vous bloquez les prestations famille à 0,7 %, c'est-à-dire 0,5 % de moins. Cela en dit long sur votre absence de priorité pour la famille ! Vous mettez à la charge de la branche famille des frais financiers importants parce que vous payez avec retard vos dettes, RMI et ARS. Que le Gouvernement paie son dû en temps voulu, et nous ferons des économies au niveau des intérêts ! Tout le monde devrait en être d'accord.

Vous ne donnez pas une réelle autonomie à la branche et les caisses locales n'ont pas les moyens de recruter en fonction des besoins pour l'accueil d'un public en difficulté. Dans une caisse que je connais bien, le retard dans la réponse au courrier est très important, les files d'attente aux guichets s'allongent tous les jours jusque dans la rue et l'on ne peut répondre qu'à 1 500 appels téléphoniques par jour sur 40 000. Il serait logique de donner aux caisses locales les moyens de répondre aux demandes de ce public en difficulté. Mais cela n'est pas prévu. J'ai d'ailleurs questionné Mme la ministre il y a quelques semaines sur la situation la caisse dont je vous ai parlé.

De plus, vous nuisez à la lisibilité en changeant la réglementation en cours d'année, alors que les caisses demandent une réglementation fixe. Nous en reparlerons pour les clés flottantes, c'est un autre problème. Mais ayons au moins une réglementation pour l'année ! Changer les bases et les données en cours d'année crée des problèmes à tout le monde. On est alors obligé de revoir les prestations et cela aggrave les difficultés.

Enfin, pour terminer, car je ne voudrais pas dépasser le temps qui m'est imparti,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. le président.

Vous ne le dépasserez pas !

M. Jean-Luc Préel.

... je signale que la convention prévoyait le prolongement du versement des allocations familiales jusqu'à vingt-deux ans. Nous sommes encore en retard cette année et je le regrette beaucoup.

Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la famille.

Ça, c'est la meilleure !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Cet article traduit une continuité dans la volonté du Gouvernement de régler ses comptes avec les familles. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Non, monsieur Accoyer ! Pas ça !

M. Bernard Accoyer.

Je dois, hélas, revenir sur ce que le Gouvernement avait décidé contre les familles avec enfants en 1998. A l'époque, madame la ministre, vous aviez placé les allocations familiales sous condition de ressources, et Dieu sait que vous n'aviez pas eu de mots assez durs pour qualifier notre opposition déterminée à cette mesure inique ! Et finalement, un an après, vous a vez été obligée de céder sous la pression. Mais, pour 1998, les familles ont été lésées d'autant, c'est-à-dire de plus de 4 milliards de francs, somme à laquelle il faut ajouter la réduction de moitié de l'AGED et celle, également de moitié, rétroactive, de l'exonération d'impôt pour garde d'enfant.

Cette année, c'est la récidive. Sous couvert d'un retour au versement des allocations familiales sans conditions de ressources, la loi de finances, que nous ne pouvons pas nous passer d'évoquer ici, contient une mesure qui abaisse d'un tiers - excusez du peu ! - le niveau du quotient familial.

Madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez, pour la deuxième année consécutive, aura décidé de n'augmenter les impôts que d'une catégorie de Français : ceux qui ont décidé de fonder une famille et qui ont eu la chance d'avoir des enfants - cette chance s'entendant au nom de la nation, bien entendu.

Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Jacques Barrot. Je remarque cependant qu'en décidant de faire financer l'API par le budget de l'Etat, l'argent manquera pour financer le retour des allocations familiales sans conditions de ressource. De toute façon, c'est une recette presque fictive dans la mesure ou le Gouvernement celui-ci ou un autre - reviendra immanquablement sur ce qu'il faut bien appeler une compensation. Permettez-moi ici d'évoquer les 17 milliards d'exonération de cotisations de charges sociales que le Gouvernement a décidé de ne pas compenser en 1999.

Sur le plan des prestations, des mesures plus ou moins cachées constituent autant de diminutions d'avantages accordés à juste titre aux familles auxquelles la nation doit reconnaissance. Je n'en citerai qu'une : celle qui a consisté à reporter de dix à onze ans et de quinze à seize ans les majorations d'allocations familiales - respectivement de 192 et 341 francs. C'est un milliard de plus qui a été pris aux familles ! Alors, malgré son sourire charmant, j'ai l'immense trist esse de dire à notre rapporteur pour la famille, Mme Dominique Gillot (Sourires), que les familles sont déficitaires de près de 15 milliards de francs.

Quand on sait que jusqu'en 1994, les 60 milliards de francs d'excédents de la caisse nationale d'allocations familiales ont servi à combler le déficit de la caisse nationale d'assurance vieillesse, on conclut qu'il y a une continuité, hélas ! dans ce qu'il convient d'appeler votre acharnement contre les familles avec enfants.

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Face à l'évolution profonde de la société et aux difficultés que rencontrent les familles, les Français attendent du Gouvernement la mise en oeuvre d'une véritable politique familiale rénovée.

L'année dernière, nous avions entendu beaucoup de choses sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Vous n'aviez pas de mots assez durs pour qualifier notre opposition. Mais cette année, c'est la retraite en rase campagne : vous revenez sur ce que vous déclariez alors essentiel.

Votre décision de l'année dernière de soumettre l'octroi des allocations familiales à condition de ressources a touché plus de 8 % des familles. Malgré notre opposition, et celle des associations familiales, vous avez dérogé au principe fondateur de la politique familiale, qui veut que ce soit l'enfant et en aucune façon le revenu des familles, qui soit le fait générateur des allocations familiales.

Maintenant, vous nous proposez une réforme du quot ient familial qui concernera et pénalisera 500 000 familles. Celles-ci apprécieront naturellement les aller-retour de votre politique familiale qui ne semble pas répondre à une quelconque stratégie.

Certes, la situation de la caisse sera bénéficiaire l'année prochaine. Mais l'Etat devra également prendre en charge près de 8 milliards de dépenses - ou de recettes en moins - pour mettre en oeuvre le PACS que vous nous proposez pour les prochains jours.

En outre, les familles attendent beaucoup en matière de garde d'enfants. Nous attendons, nous aussi, avec impatience des innovations et des progrès.

Ma dernière remarque concernera l'allocation parent isolé - API. Ce n'est pas un service à rendre à ces femmes que de ne pas leur demander, pendant la période où elles touchent cette allocation, d'effort d'insertion.

Elles attendent souvent le dernier mois pour venir nous interroger sur leur avenir. Elles n'ont alors que le choix de recourir à nouveau à l'API ou de demander le bénéfice du RMI - qui s'accompagne, lui, d'une obligation d'insertion. Il serait préférable de prévoir une telle obligation d'insertion, au plus tard la dernière année du versement de cette allocation.

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Cet article 13 rétablit le versement des allocations familiales à partir du deuxième enfant à charge. C'est un des aspects positifs de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il abroge une disposition dont nous avions très longuement discuté l'an passé et qui soumettait les allocations familiales à conditions de ressources, supprimant ainsi leur universalité.

Souvenons-nous du nombre important d'organisations familiales et sociales et d'organisations syndicales qui s'étaient mobilisées pour que le Gouvernement revienne sur sa décision. C'est aujourd'hui chose faite. Le groupe communiste ne le regrette pas, bien au contraire puisque, avec d'autres, il avait particulièrement bataillé en ce sens.

L'année passée, des exigences de politique redistributive avaient été avancées pour étayer la mise sous conditions de ressources des allocations familiales. Comme nous


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trouvons important de prendre en compte le niveau de ressources, nous avions d'ores et déjà proposé de baisser le quotient familial.

Cette disposition, adoptée en première partie de loi de finances, rencontre notre approbation - sinon celle de tout l'hémicycle, ce qui ne m'étonne pas. Il faut donner leur chance et des moyens à toutes les familles.

Quand on parle des droits de l'enfant, de l'universalité, de la famille et que l'on dépose un amendement, monsieur Accoyer, qui suspend ou interrompt le versement des allocations familiales parce que les familles rencontrent des difficultés, c'est qu'en fait on n'est pas vraiment soucieux de l'intérêt des familles et des enfants.

Mme Martine David.

C'est clair ! On ne défend pas les mêmes familles !

Mme Muguette Jacquaint.

Nous y reviendrons d'ailleurs lors de la discussion de cet amendement.

Enfin, j'ai cru comprendre, par la voix de Mme Gillot, que de nombreuses associations familiales souhaitaient, comme le groupe communiste, aller plus loin dans l'application du principe d'universalité en versant les allocations familiales dès le premier enfant.

Je sais bien qu'une telle mesure a un coût, qui a été évalué à 15 milliards. L'amendement que nous avions déposé en ce sens est d'ailleurs tombé sous le coup de l'article 40. Parce que 15 milliards...

M. Bernard Accoyer.

C'est deux fois le PACS !

Mme Muguette Jacquaint.

... - et nous verrons si l'opposition soutient ma proposition - c'est le montant du manque à gagner entraîné par l'exonération de cotisations consentie au détriment de la branche famille.

M. Bernard Accoyer.

Parlons plutôt de non-compensation.

Mme Muguette Jacquaint.

En conclusion, nous adopterons cet article 13, qui reprend certaines de nos demandes.

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

La branche famille de la sécurité sociale représente environ le cinquième des recettes et dépenses de l'ensemble du régime général. Comme pour les autres branches, nous devons garantir son équilibre tout en veillant à ce que justice sociale et solidarité puissent se conjuguer dans l'intérêt de l'enfant.

Les associations familiales ont dit, à plusieurs reprises, combien elles tenaient à l'universalité des allocations f amiliales. Celle-ci est aujourd'hui rétablie, grâce à l'article 7 qui tire la conclusion de votre engagement.

Cette décision va de pair avec l'abaissement du plafond du quotient familial. Certains diront que des familles sans enfant paient pour les enfants des autres. Mais l'impôt sur le revenu n'a-t-il pas, justement, un rôle redistributif ? L'API s'inscrit dans ce même schéma. Mais les versements de prestations d'allocations familiales ne sont pas les seuls éléments de la politique de la famille qu'il faut considérer dans sa globalité. Tout à l'heure, nous traiterons de l'extension, au premier enfant, de l'allocation de rentrée scolaire, premier pas peut-être vers la généralisation de diverses prestations.

N'oublions pas l'aide au logement, qui est indispensable à une vie de famille harmonieuse, ni le relèvement de l'âge limite d'ouverture des droits aux prestations familiales de dix-neuf à vingt ans pour les jeunes inactifs.

Cette dernière mesure est importante, certes, sur le plan financier, mais aussi sur le plan psychologique. En effet, dans la mesure où il se sent considéré comme faisant encore partie de la cellule familiale, le jeune ressent de façon moins aiguë son malaise de jeune adulte inactif et sans projet personnel.

Je ne tiens pas non plus pour négligeable la majoration pour âge des allocations familiales versées aux bénéficiaires du RMI. Mais je placerai au coeur d'un projet plus vaste toutes les mesures relevant d'un accord avec la CNAF et qui se traduisent, de façon concrète, par un abondement de crédit d'un milliard de francs.

Si l'on doit se réjouir que certaines familles puissent bénéficier de l'AGED, on doit également se préoccuper des parents qui ont besoin de crèches, de haltes-garderies, bref de structures pour que leurs enfants puissent être socialisés dans de bonnes conditions, et pour qu'euxmêmes puissent travailler en toute sérénité. Nous y tenons beaucoup.

Nous sommes aussi attachés au développement des réseaux d'appui, d'écoute et de conseils aux parents, dont on espère une mise en place rapide et qui ne peuvent être dissociés de la politique de la ville. Le besoin s'en fait cruellement sentir.

Voilà quelques éléments qui montrent aux Françaises et aux Français que la famille est bien - même si certains s'amusent à le nier - au centre de notre projet. Ces engagements doivent être replacés dans une dynamique plus large, pour répondre aux besoins actuels.

Permettre à toutes les familles de vivre sans s'inquiéter du lendemain, dans une société où le partage du travail choisi apporterait à chacun équilibre et sérénité, ne serait-ce pas là un des axes les plus importants de la politique de la famille ? Madame la ministre, nous regardons vers l'avenir ; c'est important quand il s'agit d'enfants. Nous n'avons pas constamment les yeux fixés sur le rétroviseur. Malgré tout, les familles françaises ne sont pas amnésiques.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

Dans le cadre de la politique familiale nos efforts ont tendu pendant des années à privilégier la petite enfance. Or, après en avoir discuté avec les professionnels, nous nous sommes aperçus que, finalement, un adolescent ou un grand enfant coûtait aussi cher, si ce n'est plus, qu'un jeune enfant.

Du temps de Mme Veil, en commission et ici même, dans cet hémicycle, nous avions donc insisté pour que les allocations familiales soient versées le plus tard possible.

S'est donc mis en place un mécanisme reculant l'âge maximum pris en compte. Ce qu'il faut, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que les promesses que nous avons faites alors aux associations familiales soient tenues.

L'effort a été poursuivi. Mais, aujourd'hui, les enfants restent très longtemps, ou le plus tard possible, au domicile de leurs parents, et cela a un coût. Nous devons donc essayer de satisfaire les familles françaises, en particulier celles qui ont du mal à élever leurs enfants.

En deuxième lieu, j'évoquerai le problème abordé tout à l'heure par Yves Bur. Notre collègue a décrit, en élu de terrain, la situation de ces mamans qui viennent nous voir deux ou trois mois après la fin du dernier versement de leur API, et qui nous expliquent qu'elles touchaient l'API jusqu'à il y a peu - et donc très souvent aussi l'APL - qu'elles n'ont plus rien et qu'elles ne peuvent plus s'en sortir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Notre devoir est d'aider ces femmes, seules avec leur enfant, à vivre cette transition. Nous avons déjà pris des mesures concernant le RMI - justement dans le cas de cumuls RMI, CES et autres revenus. Mais nous devons informer très tôt ces mamans que l'API a une fin, les inciter à suivre des stages de formation et à aller vers l'emploi.

En troisième lieu, j'observe que les maires des petites communes sont de plus en plus nombreux à nous dire qu'ils veulent créer des haltes-garderies pour les enfants de zéro à deux ans, car la demande est très forte. Mais si l'école est gratuite pour les familles, la halte-garderie ne l'est pas. Ils doivent donc faire face à des problèmes de fonctionnement et à des frais d'investissement. Pour ces communes qui, bien souvent, ne perçoivent pas de taxe professionnelle, c'est cher. Je considère que nous avons le devoir, au niveau national, de réfléchir à ce problème qui peut se résoudre au niveau intercommunal.

Pour terminer, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, j'insisterai sur le logement social. Les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses dans notre pays. Elles se composent de mamans avec leurs enfants et leurs seuls revenus sont les allocations familiales - ou diverses allocations. Ces familles vivent très souvent dans des HLM de quartiers sensibles. Elles se plaisent souvent moyennement dans leur logement, mais se plaignent énormément de ce qui se passe à l'extérieur, en raison des incivilités qui sont commises dans ces quartiers sensibles.

Elles viennent nous dire qu'elles souhaitent vivement changer de quartier, mais que leurs moyens ne le leur permettent pas. On a mis en place des PLA-TS et d'autres dispositifs pour les y aider mais, entre l'offre et la demande, la marge est très importante.

Dans le cadre de la politique familiale, nous devons nous préoccuper du logement des familles, qui souhaitent vivre non seulement dans des appartements qui leur conviennent, mais surtout dans des quartiers qui leur plaisent.

M. le président.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je constate que le ton du débat sur ces deux articles a changé par rapport à l'année dernière, et je m'en félicite.

M. Yves Bur.

Vous aviez commis une erreur considérable !

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Je comprends, messieurs de l'opposition, que vous ayez besoin de rappeler de mauvais souvenirs qui vous permettent de donner de la voix et vous procurent le sentiment agréable de pouvoir stigmatiser le Gouvernement.

Mais il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que les mesures décidées l'année dernière dans un double objectif : rétablir l'équilibre de la branche famille, qui souffrait d'un déficit chronique toujours grandissant, et permettre au Gouvernement d'affirmer son projet politique en direction de ceux qui en avaient le plus besoin, présentaient aussi un caractère provisoire expressément mentionné dans la loi. Ce caractère temporaire était lié à l'annonce du réexamen de la politique familiale dans son ensemble. Il s'agissait de trouver par la concertation des dispositions qui permettent à la fois de satisfaire à ces deux objectifs et d'engager une réorientation de la politique familiale afin qu'elle réponde mieux aux problèmes des familles d'aujourd'hui.

On ne peut plus considérer la famille comme il y a dix ou vingt ans. Les difficultés qu'elle doit surmonter sont d'une autre nature. La politique familiale doit désormais impérativement tenir compte des problèmes sociaux et professionnels des parents ainsi que de la généralisation de l'activité professionnelle des mères de famille.

M. Pascal Terrasse.

Absolument !

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Aujourd'hui, nous engageons la première étape de cette politique familiale rénovée. C'est l'aboutissement d'un engagement pris dans cet hémicycle par Mme Aubry au nom du Gouvernement. J'ai eu l'honneur de mener la concertation. Et ce n'est pas sous la pression des associations familiales, comme vous tentez de le faire croire, que cette concertation a eu lieu.

M. Bernard Accoyer.

C'est sous la nôtre !

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

C'est dans un esprit de dialogue confiant et responsable avec les associations familiales et les partenaires sociaux que nous avons pu parvenir, dans la discrétion, à un accord qui a permis la tenue de la conférence sur la famille, laquelle a reçu dans la société un écho très favorable. Je comprends que cela vous ait contrariés un peu parce que vous ne vous y attendiez pas.

M. Jacques Barrot.

Changez de disque !

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Non, je ne changerai pas de disque, car il importe de le redire malgré vos protestations ! Nous avons modifié le dispositif de solidarité. Je reconnais que, l'année dernière, la mise sous condition de ressources avait été adoptée sans l'accord des associations familiales car le temps nous avait manqué. Cette année, la concertation a permis de parvenir à un accord, mais vous prétendez que ce n'est pas une bonne solution.

Pourtant, j'ai sous les yeux une déclaration de M. Barrot où il expliquait : « La révision du quotient familial apparaît comme la moins mauvaise formule. Elle fait appel à une large solidarité car même les familles d'un seul enfant contribuent. C'est une bonne manière de ne pas surcharger les familles nombreuses, qui subissent de lourdes charges mêmes lorsqu'elles sont aisées. »

Nous avons donc accédé au souhait de la majorité, quasiment de l'unanimité des partenaires. J'aimerais que l'on s'en souvienne aujourd'hui et qu'on n'essaie pas de trouver des arguments pour contrer une mesure qui nous permettra de donner une bonne orientation à la politique familiale.

En garantissant à la branche famille le bénéfice de l'excédent d'impôt lié à l'abaissement du plafond du quotient familial, nous avons voulu trouver un système pérenne qui nous épargne de devoir renégocier tous les ans le reversement de 4 à 4,5 milliards de francs du budget de l'Etat. Les associations familiales ont accepté que, sur ce fondement, l'Etat prenne définitivement à sa charge le versement de l'allocation de parent isolé.

L'API est un revenu de substitution comme le RMI, même si elle lui est antérieure. Au moment de l'instauration du RMI, on avait donc envisagé de rapprocher les deux prestations. Mais force est de constater que l'API n'a pas la même connotation pour les personnes qui en bénéficient. Elles ne se sentent pas dévalorisées comme si elles touchaient le RMI, car c'est la reconnaissance d'un statut familial, même si la personne est isolée. Il n'est donc pas souhaitable de fondre l'API dans le RMI.


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Par contre, il est indispensable de mettre en place pour les mères de famille bénéficiant de l'API des dispositifs d'insertion professionnelle qui les préservent d'une vulnérabilité ou d'une précarisation permanente. Dans le prolongement de la loi de lutte contre les exclusions, nous avons décidé d'intéresser ces mères isolées à la reprise d'une activité professionnelle en les faisant bénéficier, selon les mêmes modalités que les titulaires du RMI, d'un maintien dégressif de l'allocation cumulable avec un salaire. Nous avons également prévu de réactiver les fonds de formation pour les femmes afin de faciliter leur retour à l'emploi. L'étude de ce dispositif va s'engager dès maintenant, l'objectif étant de permettre à ces mères de famille de retrouver leur place sur le marché du travail au terme des trois ans de versement de l'API.

La simplification des prestations fait l'objet d'une forte demande. Elle est à l'étude et le délégué interministérie l à la famille, qui est chargé de préparer la conférence familiale de juin 1999, y travaille ardemment. Il ne faut pas croire pour autant que la multiplicité des prestations soit systématiquement défavorable aux familles ; elle répond aussi à la diversité des situations. Une simplification réalisée sans discernement pourrait donc avoir des conséquences graves et négatives pour un certain nombre de familles qui se trouveraient à la marge en haut ou à la marge en bas.

Ce qu'il faut rechercher, c'est une simplification administrative. Je sais que les différents services chargés des prestations familiales y travaillent sur la base de propositions qui ne coûteraient pas bien cher en termes de gestion, mais qui permettraient aux bénéficiaires de mieux comprendre ce à quoi ils ont droit et donc de mieux prévoir leur budget.

M. Préel s'est inquiété du manque d'autonomie de la branche, et notamment des difficultés des CAF à recruter un personnel compétent. C'est l'un des éléments en jeu dans la discussion de l'objectif de dépenses de la CNAF.

Les caisses départementales ayant une autonomie de gestion, il faut qu'elles se conforment aux objectifs fixés au niveau national de façon à répondre aux attentes des usagers et à mettre en oeuvre les orientations de la politique familiale telles qu'elles ont été définies : nouvelle politique de prestations, orientée vers plus de justice ; amélioration de la vie quotidienne des familles ; meilleure adaptation des modes de garde, avec un financement revu des crèches collectives pour permettre aux communes d'accueillir les familles à revenus modestes sans devoir supporter seules l'accroissement du déficit, mais en le partageant avec la CNAF.

Vous estimez que nous ne sommes pas allés assez loin dans l'application de la loi famille de 1994, puisqu'il est proposé pour 1999 de prolonger l'allocation familiale jusqu'à vingt ans et non jusqu'à vingt-deux ans comme vous le souhaitez. Dois-je vous rappeler que c'est ce gouvernement et cette majorité qui ont commencé, l'année dernière, à mettre en oeuvre la loi famille en prolongeant l'allocation jusqu'à dix-neuf ans ? Trois ans après le vote de la loi, cette mesure n'avait pas encore été appliquée.

M. Pascal Terrasse.

C'est une très bonne loi, une loi sociale !

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Monsieur Accoyer, vous tenez toujours le même discours sur les comptes de la politique familiale. Mais l'écho qu'il rencontre dans l'opinion montre bien que les familles ont compris qui sert vraiment leurs intérêts et qui s'attache à répondre à leurs problèmes quotidiens.

Vous dites que l'on pénalise les familles avec enfants.

Non ! Le quotient familial tel qu'il existe aujourd'hui est anti-redistributif. Il bénéficie essentiellement aux familles dont l'impôt est assez élevé pour permettre un abattement de 16 800 francs. Les familles modestes n'ont aucun intérêt au maintien de ce plafond. Son abaissement permettra de faire participer à l'effort de solidarité les familles disposant de revenus largement supérieurs aux revenus de celles qui étaient touchées l'année dernière par la mise sous condition de ressources.

Votre persistance à n'envisager les modes de garde des enfants que sous l'angle de l'AGED, c'est-à-dire de la garde à domicile, me paraît réductrice. L'AGED bénéficie à 70 000 familles, les autres modes de garde à 4 millions de familles. Votre approche souffre donc d'un déficit de crédibilité et de transparence.

M. Pascal Terrasse.

Nous n'avons pas les mêmes valeurs !

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Quant à votre façon de faire les comptes, elle me semble sujette à caution. Il faudrait que vous nous expliquiez comment vous calculez.

En fait, la mise sous condition de ressources des allocations familiales, qui pourrait rapporter 4,8 milliards en année pleine, n'a rapporté que 3,8 milliards en 1998. La modulation de l'AGED a rapporté moins d'un milliard de francs. Alors je me demande où vous trouvez les 6 milliards pris à la famille. En fait, c'est beaucoup moins que cela et comme, l'année prochaine, les allocations familiales vont être rendues à toutes les familles de deux enfants et que cela coûtera plus cher que ne rapportera le quotient familial, votre compte n'y est pas. Reprenez donc vos calculs et cessez d'assimiler notre politique à un

« hold-up » sur les familles.

L'adaptation des différents modes de garde est l'un des points forts de la discussion en cours avec le mouvement familial et les caisses. L'objectif est de développer et de diversifier les réponses en s'appuyant sur des dispositifs qui impliquent plus fortement les familles. Nous établissons là une passerelle avec la troisième orientation de la politique familiale, qui a pour objet de conforter les parents dans leur rôle d'éducation, rôle essentiel. C'est en associant les parents à l'éducation de leurs enfants dès la petite enfance que nous arriverons à inverser certains comportements que vous-même critiquez.

M. Bernard Accoyer.

Je demande la parole, monsieur le président, car j'ai été mis en cause.

M. le président.

M. Cahuzac me l'a demandée avant vous, monsieur Accoyer.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur pour avis.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Je voudrais d'abord rappeler quelques faits.

Oui, la mise sous condition de ressources, l'année dernière, a été décidée plus par mesure d'économie que dans la perspective d'établir une politique familiale cohérente et durable. Mais reconnaître une erreur vaut assurément mieux que d'y persévérer. Je dois dire à notre décharge que, l'année dernière, la branche famille était en déficit de 14 milliards et qu'il y avait une certaine urgence à trouver des mesures de financement. Autant nous avons, nous, à assumer la mise sous condition de ressources, autant vous avez, vous, à assumer ce déficit.

Autre fait : les quatres années qui ont précédé 1997 n'ont jamais vu à aucun moment une quelconque revalorisation des bases d'allocations familiales. Or elles servent


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de référence pour le calcul de la quasi-totalité des prestations. J'observe en contrepoint que, cette année, notre assemblée s'apprête à examiner et, je l'espère, à voter, 1,5 milliard de francs de prestations nouvelles. Autrement dit, quand on fait la comparaison entre les quatre années précédentes et le seul projet de loi de financement pour 1999, les faits plaident davantage pour le côté gauche de l'hémicycle que pour l'autre, en ce qui concerne la famille et les enfants, dont vous vous réclamez si volontiers.

M. Jacques Barrot.

Vous oubliez l'API, qui a coûté cher !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Après les faits, qu'en est-il de la cohérence de vos positions ? Vous dites souhaiter une politique en faveur de la famille et des enfants. Mais vous apprêtez-vous à voter contre les allocations familiales pour les non-étudiants de vingt ans, oui ou non ? Vous apprêtez-vous à voter contre les allocations de rentrée scolaire pour le premier enfant sous condition de ressources, oui ou non ? Vous apprêtezvous à voter contre la dotation de plus de 650 millions de francs affectée au fonds d'action sociale de la Caisse nationale d'allocations familiales, oui ou non ? Si vous souhaitez qu'une politique familiale durable et cohérente soit mise en place, il va bien falloir que vous vous prononciez sur ces mesures, et très précisément, audelà des discours que vous pouvez tenir et dont je comprends parfaitement la logique, qui est beaucoup plus politique que familiale.

Qu'en est-il également de la cohérence de vos actions ? L'AGED était une bonne mesure, étendre l'AGED ne l'était peut-être pas. Quant aux mesures en faveur de l'emploi à domicile, qui revenaient à multiplier par quatre les réductions d'impôt, vous conviendrez avec moi que cela touchait un foyer sur deux mais certainement pas les familles les plus modestes, tant il est vrai que l'impôt sur le revenu n'est pas acquitté par la moitié des foyers, précisément les plus modestes. Où est la cohérence ? En revanche, de notre côté de l'hémicycle, il y a une cohérence : notre politique est en faveur des familles les plus modestes et les plus nombreuses.

Enfin, quelle est la cohérence d'une mesure que vous avez défendue, que vous avez votée, que vous réclamez à nouveau et qui revenait à faire prendre en charge par l'Etat jusqu'à 70 % du coût d'un emploi à domicile ? C'était déjà vous, monsieur Accoyer, qui disiez à propos des emplois-jeunes qu'à 80 %, c'était de la fonctionnarisation et des emplois publics. Je ne vous ai pas entendu faire la même remarque quand il s'agissait de financer à 70 % sur fonds publics les emplois à domicile.

En ce qui nous concerne, nos choix sont clairs et parfaitement cohérents. Il serait bon que vous mettiez un peu de clarté et de cohérence dans les vôtres. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vraiment très bien !

M. le président.

M. Accoyer ayant été interrogé, je pense qu'il souhaite répondre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je souhaiterais moi aussi m'exprimer, monsieur le président.

M. le président.

Avant ou après M. Accoyer ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Après.

M. Bernard Accoyer.

Je serais heureux d'entendre vos arguments, madame la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous n'allez pas encore reprendre la parole après moi ! ...

M. le président.

Monsieur Accoyer, l'article 56, alinéa 3, du règlement précise que chaque intervention de la commission ou du Gouvernement peut ouvrir droit à une réponse, mais je souhaite clore ce débat après l'intervervention de Mme la ministre.

Vous avez la parole.

M. Bernard Accoyer.

Je trouve quelque peu léger l'argument de M. Cahuzac sur la cohérence.

M. Gérard Terrier.

Il est excellent !

M. Bernard Accoyer.

En effet, on se souvient des débats qui ont eu lieu ici même il y a un an. Mme la ministre nous expliquait toute la logique et la cohérence de la mise sous condition de ressources des allocations familiales, jusqu'au moment mémorable où, sous la pression de ses alliés communistes, il lui fallut, en rase campagne, préciser hâtivement dans la loi que tout cela ne serait que temporaire. C'est comme cela que les choses se sont passées : les documents de la séance et le Journal officiel l'attestent.

On m'a demandé des explications sur les comptes : les 15 milliards pris aux familles ne correspondraient pas à la réalité. Vous me permettrez d'en donner le détail en m'excusant pour cette énumération.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oh là là !

M. Bernard Accoyer.

Abandon de la réforme de l'impôt sur le revenu, perte pour les familles : 11 milliards, car elle privilégiait essentiellement les familles.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Augmentation de la TVA : 40 milliards !

M. Bernard Accoyer.

En regard, mesure en faveur des familles, extension des allocations familiales aux jeunes de vingt ans, coût pour l'Etat : 1,1 milliard de francs.

Abaissement du plafond du quotient familial, perte pour les familles : 4 milliards ; mesure en faveur des familles, extension de l'allocation de rentrée scolaire : 400 millions.

Reconduction de la diminution de moitié de l'AGED, perte pour les familles : 900 millions ; mesure en faveur des familles, crédits pour les crèches : 400 millions de francs.

Reconduction de la diminution de la réduction fiscale pour emploi à domicile, perte pour les familles : 700 millions ; mesure en faveur des familles, extension aux Rmistes des majorations pour âge : 300 millions.

Report à onze ans et à seize ans des majorations pour âge, perte pour les familles : 1 milliard de francs ; mesure en faveur des familles, unification progressive des barèmes de l'allocation logement : 400 millions de francs.

Le calcul est simple ; dans la colonne perte pour les familles : 17,6 milliards de francs ; dans la colonne coût pour l'Etat : 2,7 milliards de francs. Il y a bien, par rapport à la politique qui était engagée lorsque vous avez accédé au gouvernement, une perte annuelle de 15 milliards de francs.

Mais vous avez trouvé 8 milliards pour financer le PACS, selon les dernières estimations de M. Dominique Strauss-Kahn. En outre, alors que la parité aurait paru normale entre la revalorisation des pensions de retraite et celle des prestations familiales, vous avez décidé que les familles devraient bénéficier d'une revalorisation moindre.


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Enfin, puisque M. Cahuzac a prétendu que notre politique n'était pas lisible, je lui rappelle que la grande loi de 1994 avait été la source d'avancées considérables et unanimement reconnues en faveur des familles.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'ennui, c'est qu'elle n'a pas été appliquée !

M. Bernard Accoyer.

C'est une loi quinquennale dont nous allons sortir en 1999. Nous serons heureux alors de recenser tous les efforts que le Gouvernement aura faits en direction des familles, car s'il est une catégorie dont la contribution fiscale est supérieure à celle des autres, c'est bien celle-là.

La contribution fiscale des familles en matière de TVA est l'une des premières du pays parce que, nécessairement, elles consomment.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas l'exemple que j'aurais pris à votre place !

M. Pascal Terrasse.

Hold-up sur les familles !

M. le président.

Laissez M. Accoyer conclure.

M. Bernard Accoyer.

La contribution fiscale des familles au titre du logement est considérable et la contribution fiscale des familles globalement observée est majeure. J'espère que vous tiendrez compte de tous ces éléments lorsqu'il s'agira de gérer la sortie de la loi de 1994, ce que d'ailleurs le président de l'UNAF vous a demandé.

Vous savez très bien qu'il s'agit d'une question essentielle : il faut donner un second souffle à la politique familiale après la grande loi de 1994, dont ce gouvernement n'a pas respecté les engagements, ce que les familles ont regretté et ce dont elles ont souffert.

M. Gérard Terrier.

Vous êtes vraiment mal placé pour dire cela !

M. le président.

Pour clore la discussion sur l'article, la parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Accoyer, je commencerai par vous. Si vous incluez dans les milliards que nous avons pris à la famille la nonbaisse d'impôt sur le revenu qui n'était ni intervenue ni financée, je ferai observer que, dans ce cas-là, le précédent gouvernement a ponctionné 120 milliards sur les familles avec les hausse de la TVA, de la CSG, des redevances, et j'en passe.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous venez d'ailleurs, vous-même, de souligner que les familles étaient particulièrement concernées par la TVA, que vous avez pourtant augmentée de deux points pour abaisser les charges des entreprises sans aucune contrepartie.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Eh oui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

A ce jeu, on est à 15 milliards contre 120. Alors, s'il vous plaît, ne nous donnez pas de leçons sur ce point !

M. Pascal Terrasse.

Et toc !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Barrot, nous sommes d'accord, la meilleure façon de protéger les familles c'est d'abord d'équilibrer la branche famille. Nous l'avons trouvée avec un déficit de 12 milliards ; elle présentera un excédent de 3 milliards l'année prochaine.

Et je note au passage que si l'on avait pris en compte la « magnifique loi Balladur », chère à M. Accoyer, votée en 1994 mais pas financée et que nous avons commencé, nous, à appliquer l'année dernière, il aurait fallu dix milliards de plus.

Monsieur Accoyer, faire voter des lois sans les financer, ce n'est pas respecter les familles. Nous, nous essayons de remettre de l'équité et de la justice dans les différentes mesures et nous en prévoyons le financement. C'est ainsi que l'on a une réelle politique de la famille.

Sur le conditionnement des allocations familiales et l'abaissement du plafond du quotient familial, je ne peux quand même pas laisser dire à M. Préel que nous avons changé d'avis sous la pression de la rue. Voici les propos que je tenais ici même le 27 octobre 1997, page 4708 du Journal officiel :

« Le Gouvernement s'y est engagé, il est prêt à réexaminer cette question - nous parlions des allocations familiales - dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur la politique familiale. L'ensemble des options sera mis sur la table. Nous sommes prêts à envisager qu'une réforme fiscale soit substituée à la mise sous conditions de ressource des allocations familiales.

« Certains parlent d'une fiscalisation, d'autres d'une réforme du quotient familial. Nous allons examiner l'ensemble de ces propositions avec les intéressés. »

M. Pascal Terrasse.

Voilà une citation bien intéressante !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous sommes en parfaite cohérence avec cette déclaration. Oui, nous voulons pour la famille une politique ambitieuse, mais aussi équitable et plus solidaire. L'an dernier, cela s'est traduit par la mise sous conditions de ressource des allocations familiales. Cette année, cela va se faire par l'intermédiaire d'une mesure sans doute plus souple et qui avait d'ailleurs été préconisée en 1997.

Ainsi, toujours l'année dernière, M. Pinte a déclaré :

« Il y a une meilleure solution. Pourquoi ne pas modifier le quotient familial. Cela permettrait de trouver, en tout cas cette année, les 12 ou 13 milliards qui manquent. » Il

allait même plus loin que nous sur l'abaissement du quotient familial ! Je ne reviens pas sur la position du groupe communiste que Mme Jacquaint a rappelée.

D'une manière plus générale, cette mesure était souhaitée aussi par les associations familiales et les syndicats.

Mais ce n'est qu'après une concertation menée de manière particulièrement exemplaire par Mme Gillot que nous avons pu reconnaître cette avancée à la conférence de la famille.

Alors, quelles seront les conséquences de la mesure que nous proposons ? Nous le savons tous, le quotient familial limite, aujourd'hui, le caractère redistributif de l'impôt sur le revenu. Ainsi, une famille dont le revenu annuel est de 100 000 francs et qui a trois enfants n'en bénéficie absolument pas, alors qu'une famille qui à 700 000 francs par an et qui compte trois enfants bénéficie d'un avantage de près de 60 000 francs. Voilà pourquoi, toujours dans le même souci de justice et d'équité, nous avons souhaité le modifier.

Grâce à cette modification, 230 000 familles gagneront par rapport à la mise sous condition de ressources, 130 000 récupéreront les allocations familiales sans être touchées par la réduction du plafond - elles auront donc


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un gain moyen de 950 francs par mois -, 100 000 gagneront plus en récupérant leurs allocations qu'elles ne paieront d'impôts supplémentaires, et auront un gain moyen d'environ 600 francs. Seulement 325 000 familles, et non pas 500 000 - là aussi essayons d'être précis -, y perdront par rapport à la mise sous condition de ressources.

Mais, là encore, je voudrais donner des précisions sur les montants. Par exemple, pour les couples mariés ayant un seul enfant, la perte moyenne sera de l'ordre de 300 francs par mois, alors que leur revenu net moyen est de 49 200 francs. Les 75 000 couples mariés ayant deux enfants dont l'aîné a plus de dix-neuf ans, et n'ouvre pas droit aux allocations familiales - vous nous avez dit que c'était un problème -, perdront en moyenne 500 francs par mois, mais ils ont un revenu net moyen de 57 900 francs.

En fait, nous avons voulu réintroduire de l'équité et de la solidarité dans une politique ambitieuse à l'égard de la famille. Du reste, et c'est peut-être ça qui vous gêne, cela n'a pas trompé l'ensemble des organisations syndicales et des associations familiales qui, non seulement se sont déclarées favorables à cette proposition, mais ont salué la conférence de la famille présidée par le Premier ministre et sur laquelle je ne reviendrai pas puisque Mme Gillot a rappelé les trois axes majeurs de cette grande politique familiale que nous voulons mener, toujours dans la concertation, avec ces associations.

Voici brièvement résumées les principales mesures que nous avons prises depuis un an. Majoration de l'ARS : 7 milliards en 1997 et 7 milliards en 1998. Revalorisation de l'allocation logement : 2,5 milliards en 1997, 1,6 milliard en 1998. Report de l'âge limite pour le bénéfice de l'allocation familiale de dix-huit à dix-neuf ans, l'an dernier, puis de dix-neuf à vingt ans cette année, pour les enfants inactifs ou chômeurs : 1,5 milliard.

Revalorisation des loyers plafonds de l'allocation de logement familiale afin de permettre, comme vous l'avez souhaité, monsieur Jacquat, à certaines familles de passer d'un logement social à un logement privé : 1,3 milliard.

Bénéfice des majorations pour âge et de l'APJE aux allocataires du RMI : 500 millions de francs. Développement de l'action sociale de la CNAF : plus un milliard cette année.

Hélène Mignon a eu raison d'insister particulièrement sur ce dernier point. En effet, monsieur Préel, grâce à ce milliard complémentaire, les caisses d'action sociale pourront à la fois développer les modes de garde pour enfants dans les communes les plus défavorisées, et mettre en place des lieux de rencontre pour aider les parents qui ont des difficultés avec leurs enfants à remplir pleinement leurs fonctions parentales. C'est notre façon d'accompagner les parents, alors que d'autres, sur vos bancs, préfèrent les montrer du doigt lorsqu'ils n'arrivent pas à assumer leurs responsabilités.

Passons maintenant à quelques problèmes particuliers.

Monsieur Préel, vous me dites : « Les caisses d'allocations familiales ne répondent pas au téléphone, Que faitesvous, madame la ministre ? » Je suis étonnnée que ceux qui formulent des critiques sur les frais de gestion des caisses - et vous l'avez fait dans la discussion générale, monsieur le député -, qui prônent l'autonomie des caisses et la non-intervention de l'Etat, attendent par ailleurs de moi que je demande aux caisses d'allocations familiales pourquoi elles ne répondent pas au téléphone.

M. Jean-Luc Préel.

Prévoyez des moyens dans la loi de financement !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ces moyens, elles les ont ! Sur l'allocation de parent isolé, nous avons effectivement hésité, monsieur Barrot. Fallait-il, comme vous le préconisez, établir un lien entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pour pouvoir affecter précisément à la seconde ce que rapportait le quotient familial ? Finalement nous avons décidé de ne pas procéder ainsi.

Pourquoi ? Il faut déjà noter que, cette année, nous aurions perdu 1 milliard. En effet, et vous pourrez le constater dans quelques jours lorsque nous examinerons les crédits de mon ministère, 4,2 milliards sont affectés à l'API, alors que le quotient familial ne rapporte que 3,2 milliards à l'Etat. Outre cet argument, qui est loin d'être négligeable, il est apparu à l'ensemble des associations familiales et des syndicats présents à la conférence de la famille, qu'il n'était pas souhaitable qu'une telle discussion ait lieu chaque année. Elle leur semblait source d'insécurité pour l'avenir.

M. Jean Le Garrec.

président de la commission.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce sont ces associations qui ont proposé que le coût de l'allocation pour les parents isolés soit supporté par le budget de l'Etat, peut-être parce qu'elle recouvre une notion de solidarité.

Je reconnais que c'est discutable, car il s'agit d'une prestation familiale. Elle restera d'ailleurs dans le code de la sécurité sociale. Mais cela assurera une plus grande sécurité pour l'avenir. En tout cas, et comme l'a dit Mme Gillot : il n'est pas question de rapprocher ou de scinder cette allocation avec le RMI.

Enfin, je veux redire à M. Bur que nous travaillons à la sortie de l'API. C'est pourquoi nous avons mis en place un mécanisme d'intéressement au travail qui permettra, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent, de cumuler l'API et une rémunération pendant un certain temps.

Ainsi, les femmes n'hésiteront pas à reprendre un travail, même à temps partiel, lorsqu'elles ne souhaiteront plus garder leurs enfants à temps plein. Leur API ne sera pas supprimée brutalement. Les textes sont sortis. Vous avez satisfaction, monsieur Bur.

Enfin, monsieur Jacquat, nous avons été très sensibles à la situation des familles monoparentales. C'est la raison pour laquelle, dans le quotient familial, nous n'avons pas touché à la part spécifique des familles monoparentales qui reste à 20 300 francs. Elles ne sont donc pas concernées par la réforme.

J'en arrive à l'avenir et aux propositions qui nous ont été faites, notamment par le rapporteur, Mme Gillot, et Mmes Jacquaint et Mignon. Nous allons poursuivre le travail engagé avec les associations familiales et les organisations syndicales. La délégation interministérielle à la famille s'y emploie. Et, comme je l'ai dit à Mme Jacquaint, la simplification, l'harmonisation des prestations doit être au centre des préoccupations de même que la réflexion sur le premier enfant, notamment pour les familles modestes. Ce n'est pas facile, cela coûte cher. Il faut regarder ce que nous pouvons faire et quelle est la meilleure solution.

Il faut aussi, et Mme Gillot a beaucoup insisté sur ce point, que nous travaillions sur les jeunes adultes, ceux qui restent tardivement dans leur famille et qui posent des problèmes à ces familles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Les autres points, vous les connaissez. Hélène Mignon a insisté avec juste raison sur les modes de garde des enfants. Dans le prochain DMOS, nous voulons rendre obligatoires dans les communes les schémas locaux d'accueil de la petite enfance. Nous considérons, en effet, que c'est un bon moyen de faire collaborer l'Etat, les caisses d'allocations familiales et les communes pour étendre les modes de garde.

Enfin, nous poursuivons notre réflexion sur l'adéquation entre vie familiale et vie professionnelle.

Vous le voyez bien, messieurs de l'opposition, nous jetons là les bases d'une vraie politique familiale, ambitieuse, juste et solidaire. C'est celle que nous voulons. Et nous sommes, je crois, soutenus par les associations familiales et les organisations syndicales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures quinze, deuxième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1106, de financement de la sécurité sociale pour 1999 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Dominique Gillot, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1148, tomes I à IV) ; M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1147).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT