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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 7921).

GRÈVES DES TRANSPORTS EN ILE-DE-FRANCE (p. 7921)

MM. Jean-Jacques Jégou, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

FONDS DE PENSION (p. 7922)

M. Henri Plagnol, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PRESTATION COMPENSATOIRE (p. 7923)

M. Michel Crépeau, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

POLITIQUE DES TRANSPORTS (p. 7924)

MM. Michel Bouvard, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

PROJET SOLEIL (p. 7924)

MM. Pierre Lasbordes, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE (p. 7925)

M. André Angot, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

MESURES EN FAVEUR DES CHÔMEURS EN GRANDE DIFFICULTÉ (p. 7926)

M. Claude Billard, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

LIAISON TRANSMANCHE DIEPPE-NEWHAVEN (p. 7927)

MM. Christian Cuvilliez, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

EXTRADITION D'AUGUSTO PINOCHET (p. 7927)

Mmes Véronique Neiertz, Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

CRISE DE LA FILIÈRE PORCINE (p. 7928)

MM. Jean Delobel, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

CRÉDIT LYONNAIS (p. 7929)

Mme Nicole Bricq, M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

ABSENCE DE RÉPONSES DU GOUVERNEMENT AUX QUESTIONS ÉCRITES (p. 7930)

Mme Sylvia Bassot, M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

SITUATION AU KOSOVO (p. 7931)

MM. René Mangin, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

2. Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 7931).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 7932)

MM. François Goulard, Alfred Recours, Bernard Accoyer, Mme Jacqueline Fraysse,

MM. Jean-Luc Préel, Georges Sarre.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 7938)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Suspension et reprise de la séance (p. 7938)

3. Pacte civil de solidarité. - Discussion d'une proposition de loi (p. 7938).

M. le président.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 7949)

Exception d'irrecevabilité de M. Philippe Douste-Blazy :

Mme Christine Boutin.

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD

Mme Christine Boutin, M. le président.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7958).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous indique dès à présent qu'il n'y aura pas de suspension de séance à l'issue des questions au Gouvernement. Nous passerons immédiatement aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Nous commençons par les questions du groupe Union pour la démocratie française-Alliance.

GRÈVES DES TRANSPORTS EN ILE-DE-FRANCE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, depuis quelques semaines, les banlieusards d'Ile-de-France sont soumis à un régime insupportable. Les grèves surprises, les arrêts de travail spontanés des agents de la RATP et de la SNCF rendent hypothétique leur arrivée sur le lieu de travail le matin, tout comme leur retour au foyer le soir.

Certes, chacun peut comprendre l'émotion des personnels des transports franciliens devant les actes répétés de violence dont plusieurs d'entre eux ont été victimes. On peut cependant s'étonner de la voir relayer par des arrêts de travail essentiellement motivés par des revendications catégorielles. Puis-je vous rappeler que la loi de 1963, toujours en vigueur, me semble-t-il, fixe à cinq jours le délai de préavis pour tout arrêt de travail ? Face à cette situation particulièrement éprouvante, vécue quotidiennement par des centaines de milliers de Franciliens, que comptez-vous faire pour témoigner l'intérêt que porte le Gouvernement aux banlieusards d'Ile-deFrance ainsi qu'à leur qualité de vie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

« Depuis quelques semaines », avez-vous dit, monsieur le député. Dois-je vous rappeler que, sous le précédent gouvernement, les grèves dans les transports parisiens avaient été particulièrement dures et longues ? (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Vous ne savez parler que du passé !

M. Charles Cova.

Ne fuyez pas vos responsabilités !

M. François Vannson.

C'est lamentable !

M. Jean-Michel Ferrand.

Nul ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ce fut certainement, du reste, un des éléments qui a déterminé nos compatriotes à changer de Gouvernement...

Cela dit, monsieur le député, le souci que vous avez à juste titre exprimé des usagers du service public, nous le partageons totalement lorsque nous essayons de nous attaquer au fond du problème et des difficultés.

M. Yves Nicolin.

Montrez-le ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Lorsque le Premier ministre et le Gouvernement posent la question de la présence humaine, c'est-àdire d'un rapport différent, plus humanisé, aux usagers et aux voyageurs, contrairement à ce qui se passait jusqu'à présent, c'est bien que nous avons le souci des usagers.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Borotra.

Ce n'est pas ainsi que vous réglerez le problème ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Il en de même lorsque, au-delà du seul problème des effectifs des entreprises publiques, qu'il s'agisse des personnels sous statuts ou des emplois-jeunes, nous engageons des efforts considérables au niveau des équipements. Plus généralement, et cela répond directement à votre question (« Ah ! » sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), nous avons le souci de ne pas opposer les usagers et les agents du service public, puisque la vocation même du service public est de répondre aux attentes des usagers, en l'occurrence des voyageurs.

La démarche du Gouvernement s'inspire d'une idée forte : ne rien faire (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui mette de l'huile sur le feu et qui oppose les usagers aux agents du service public ; tout faire, au contraire, pour que le dialogue social...

Mme Odette Grzegrzulka.

L'opposition ne sait pas ce que c'est ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... la concertation et la négociation sur tous les sujets d'actualité l'emportent, ainsi que la solidarité entre


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les usagers et les agents du service public.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

FONDS DE PENSION

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Monsieur le Premier ministre, les Français sont inquiets sur le financement de leurs retraites. Chacun sait bien que le régime par répartition ne suffira pas à le financer à l'horizon de dix ans.

Voilà très exactement un an, je vous avais posé une question sur la nécessité de créer des fonds de pension à la française. Vous m'aviez fait transmettre par le ministre de la solidarité une réponse de circonstance : le sujet était à l'étude... Or, depuis un an, rien, absolument rien n'a été fait pour prendre les mesures nécessaires au financement des retraites.

Plus grave encore, les déclarations de votre gouvernement sur ce sujet sont totalement contradictoires, et les Français ne savent toujours pas quels sont vos choix sur ce sujet pourtant essentiel.

A l'occasion du débat sur le financement de la sécurité sociale, le groupe communiste a obtenu l'abrogation de la loi Thomas. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il a aussitôt déclaré qu'il n'accepterait jamais la création de fonds de pension.

Mais, dans le même temps, le ministre des finances s'est quant à lui dit prêt à la création de fonds de pension reposant sur le libre choix de chacun.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Maurice Leroy et M. Yves Nicolin.

Très bien !

M. Henri Plagnol.

Enfin, pour aggraver encore la confusion, votre ministre de l'emploi et de la solidarité s'est de son côté déclaré favorable à des fonds de pension obligatoires et à gestion collective. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, les Français ont déjà perdu un an. Vont-ils perdre une deuxième année du fait de votre incapacité à arbitrer au sein de votre gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, si vous aviez assisté la semaine dernière au débat sur la sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance), vous auriez remarqué que Dominique StraussKahn et moi-même nous sommes intervenus d'une seule voix - celle du Premier ministre, bien sûr - pour expliquer et réexpliquer la position du Gouvernement par rapport à la retraite. Et puisque, à vous entendre, les Français l'ont mal comprise, je vous remercie de me donner l'occasion d'expliquer encore une fois ce qui a toujours été notre position.

M. Bernard Accoyer.

Oh !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Premièrement, nous souhaitons conforter et renforcer nos régimes de retraite par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yves Nicolin.

Comment ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a demandé à M. Charpin et au commissariat au Plan de dresser un bilan, cette fois-ci d'ensemble.

M. Yves Nicolin.

Faites une table ronde !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tous les parlementaires, alors présents en ont reconnu la nécessité. Nous devons en effet prendre en compte non seulement le niveau des retraites, mais également les taux de contribution, les minima, tout comme l'existence ou non de retraites complémentaires, avant de prendre des décisions sur le régime général et sur les régimes spéciaux.

M. Lucien Degauchy.

Avec quel argent ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le commissariat au Plan mène actuellement une concertation...

M. Yves Nicolin.

Ça fait un an que cela dure !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il nous remettra avant la fin février non seulement, un bilan que j'espère le plus précis possible de la réalité, mais aussi des scénarios pour l'avenir quant aux différents moyens de conforter les régimes par répartition, axe majeur de la politique du Gouvernement.

Dès cette année, le Premier ministre a souhaité créer un fonds de réserve qui sera alimenté au fur et à mesure.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Bernard Accoyer.

C'est une escroquerie !

M. Charles de Courson.

Il n'y a rien dedans !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Deux milliards, monsieur de Courson, c'est ce qu'a rapporté par an la grande réforme Balladur sur le nombre d'années de cotisations.

M. Bernard Accoyer.

Honteux !

M. Charles de Courson.

Avez-vous soutenu la réforme Balladur ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Deux milliards, c'est une grande réforme quand c'est vous qui le proposez, mais quand c'est nous, et pour le même montant, ce n'est plus rien ! Un peu de sérieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Deuxièmement, nous avons toujours dit que nous étions contre les fonds de pension, non pas à la française, mais à l'anglo-saxonne. Or la loi Thomas mettait en place des fonds de pension à l'anglo-saxonne.

M. Edouard Landrain.

Intéressant !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet, les fonds de pensions de la loi Thomas permettaient à certains, dans une entreprise, de bénéficier d'avantages fiscaux et sociaux...

M. Yves Nicolin.

Comme les fonctionnaires !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... alors que d'autres n'y avaient pas droit.

Ces dispositifs auraient peu à peu permis de « siphonner », comme le rapporteur l'a relevé lors du débat, les cotisations destinées au régime de base, pour alimenter un régime par capitalisation qu'ils portaient en germe.


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M. Yves Nicolin.

C'est faux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour notre part, nous souhaitons aussi, mais c'est une évidence, que tous les Français puissent se constituer une épargne à long terme pour leur retraite : pas seulement un livret d'épargne populaire pour les pauvres, alors que ceux qui en ont les moyens peuvent profiter des régimes fiscaux favorables liés à l'assurance vie ou autre, mais un régime d'épargne retraite à long terme pour tous, avec les mêmes avantages sociaux et fiscaux pour tous. Voilà pourquoi nous pensons que ces régimes doivent être négociés, collectifs et surtout complémentaires au lieu de venir concurrencer le régime de base de la sécurité sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je me réjouis personnellement que, à l'initiative du groupe communiste, nous ayons annoncé l'abrogation de la loi Thomas (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui mettait en place des fonds de pension à l'anglo-saxonne. Je me réjouis également que la majorité tout entière et, ai-je cru comprendre, une partie de l'opposition,...

M. Yves Nicolin.

Ne rêvez pas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... se soient déclarées favorables au maintien des régimes par répartition et d'une épargne salariale à long terme ouverte à tous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

PRESTATION COMPENSATOIRE

M. le président.

La parole est à M. Michel Crépeau.

M. Michel Crépeau.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Je me réjouis tout particulièrement de voir le Gouvernement et le Parlement s'intéresser au droit des personnes. C'est ce que nous ferons dans les jours qui viennent à propos du PACS, disposition utile que, pour ma part, je voterai et qui emportera, je n'en doute pas, l'adhésion d'une majorité de cette assemblée. Elle permettra alors de régler des situations inadmissibles. Mais il en est d'autres, comme celle des conjoints divorcés condamnés à verser une indemnité compensatoire non révisable.

En effet, à la différence de l'ancienne pension alimentaire telle que prévue dans l'article 301 du code civil, la prestation compensatoire visée par l'article 273 n'est p as révisable, sauf circonstances exceptionnellement graves. Partant d'un texte déjà extrêmement rigoureux, la jurisprudence a ainsi pu décider, par exemple, que le remariage avec un homme ou une femme très riche d'un conjoint divorcé ne changera rigoureusement rien à l'indemnité compensatoire ; de la même façon, le licenciement pour raisons économiques, le chômage ne constit uent pas davantage à ses yeux une circonstance exceptionnelle.

Le Sénat, pourtant d'ordinaire bien conservateur, a voté une proposition de loi, appuyée du reste par plusieurs de vos prédécesseurs, comme M. Robert Badinter, ou de nos amis comme le sénateur Dreyfus-Schmidt, tendant à modifier l'article 273 du code civil afin tout simplement de rétablir l'équité et la justice.

Madame la garde des sceaux, ma question est très simple : quand le Gouvernement va-t-il nous saisir d'une proposition de loi totalement fondée sur la justice et d'équité, et de surcroît profondément et intensément attendue dans ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je vous remercie d'aborder la question de la prestation compensatoire, qui pose en effet, pour nombre de personnes qui divorcent, un problème majeur.

La prestation compensatoire a été instituée par la loi de 1975 réformant le divorce afin de remédier aux difficultés et particulièrement aux très nombreaux contentieux que suscitait le versement de la pension alimentaire. La prestation compensatoire, tout comme la pension alimentaire, est destinée à compenser les différences de situations matérielles lorsque des conjoints divorcent ; l'idée de départ était d'en faire une somme forfaitaire, versée en une seule fois, afin de solder en une seule opération les conséquences du divorce.

Mais comme peu de personnes disposent d'un capital suffisant pour s'acquitter en une seule fois d'une prestation compensatoire, celle-ci s'est transformée petit à petit en rente, d'où le problème que vous soulevez à juste titre.

En effet, comme cette rente est effectivement très difficilement révisable et, de surcroît, transmissible aux héritiers, elle aboutit à des situations caractérisées par des charges qui se perpétuent d'années en années, et jugées insupportables par les personnes qui doivent l'acquitter.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a accueilli très favorablement la proposition de loi du Sénat, qui visait à remédier aux principaux problèmes posés par la prestation compensatoire. Lorsque cette proposition de loi est venue en discussion, j'ai été chargée par le Gouvernement de la soutenir. J'ai même proposé, toujours au nom du Gouvernement, de supprimer la possibilité de transmettre cette rente aux héritiers. Mais le Sénat n'a pas adopté cet amendement.

Cette proposition de loi du Sénat va-t-elle maintenant venir devant votre assemblée ? Il y a bien sûr des situations d'urgence.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Faites-la venir avant le PACS !

Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Pour ma part, dès lors que j'ai institué un groupe de travail sur la famille et que j'entends précisément me pencher sur la réforme de la législation du divorce, je préférerais traiter le problème de façon globale et cohérente. Si toutefois vous estimez que les situations d'urgence nécessitent de se prononcer de façon séparée sur la prestation compensatoire, moi, je ne verrais pas d'objections à ce que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour du vendredi, dans le cadre de la séance réservée aux propositions de loi. En effet, il ne nous est matériellement pas possible de l'inscrire dans le cadre de l'ordre du jour prioritaire. Quoi qu'il en soit, vous l'avez compris, ma préférence va dans le sens d'un examen cohérent et global de l'ensemble des questions liées au divorce. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.


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POLITIQUE DES TRANSPORTS

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, mon collègue Michel Inchauspé et moi-même vous avons posé, voilà quelques jours, plusieurs questions à l'occasion du débat sur le budget du transport, sans recevoir de réponses.

Aussi vais-je vous les reposer.

Comme tous nos collègues, nous avons constaté, depuis dix-huit mois, l'abandon de plusieurs projets d'investissements, notamment dans le secteur autoroutier, de même qu'une chute des crédits d'investissements routiers dans le budget de cette année n'est nullement compensée, loin de là, par la hausse des crédits d'entretien, et la persistance d'inconnues dans votre politique vis-à-vis de l'Europe. Comment allons-nous mettre en adjudication les futures concessions autoroutières ? Dans le domaine ferroviaire également, quelle politique le Gouvernement entend-il mener pour la gestion des sillons ? Comment allons-nous financer les infrastructures ferroviaires dont le pays a besoin aussi bien sur les lignes grande vitesse le TGV-Est n'est toujours pas bouclé que sur les infrastructures classiques, pour améliorer le fret comme la desserte des banlieues où nombre de points noirs subsistent ? Nous avons présenté plusieurs suggestions, comme la mobilisation d'épargne à long terme auprès de la Caisse des dépôts et consignations, posé plusieurs questions sur l'attitude du Gouvernement par rapport à Bruxelles. Et nous vous avions demandé, monsieur le ministre, si le Gouvernement entendait organiser ici même, avant la discussion des contrats de plan qui fixeront les politiques d'investissement en matière de transports, un débat au Parlement sur votre politique d'infrastructures tant routières que ferroviaires.

Monsieur le ministre, ma question est simple : le Gouvernement va-t-il donner une suite à la demande de débat présentée par le groupe RPR ? Quelle est sa position par rapport aux choix communautaires, aussi bien en matière de sillons ferroviaires qu'en matière d'infrastructures autoroutières ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, votre question, qui est très large, touche à des problèmes essentiels.

S'agissant de la politique générale des transports, dès son arrivée, le Gouvernement a fait des choix.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Surtout celui de ne rien faire ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Il a, entre autres, décidé de procéder en priorité à un rééquilibrage entre les différents modes de transports, en faveur du ferroviaire et des transports collectifs.

Ce choix, nous le tiendrons. Et cela se traduit, dans le budget pour 1999.

Ainsi, les crédits affectés aux transports collectifs de province, qui avaient déjà bénéficié d'une hausse de 11 % dans la loi de finances pour 1998, connaissent une nouvelle augmentation de 11 %. En ce qui concerne le ferroviaire, l'effort est délibérément et volontairement porté sur le développement du t rafic voyageurs mais aussi et surtout du fret marchandises. Il s'agit d'aller à la conquête du trafic ferroviaire de marchandises qui subissait un déclin depuis une trop longue période. Telle est notre démarche générale.

Bien entendu, il n'est pas question de prétendre que notre pays serait suffisamment équipé en routes et autoroutes et qu'il n'y aurait plus rien à faire en ce domaine.

Mais nous sommes bien obligés de constater que le système qui a produit des effets positifs jusqu'à présent, ne saurait être prolongé purement et simplement, sans que l'on recherche une plus grande fiabilité, y compris juridique, des investissements.

A l'échelon européen, nous ne pouvons plus pratiquer le système d'adossement qui était utilisé dans le passé,...

M. Jean-Paul Charié.

Ce n'est pas ce que disaient les Allemands ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... vous le savez aussi bien que moi. Il nous faut des garanties juridiques de transparence et de publicité des appels d'offres. D'ailleurs, mes prédécesseurs en savent quelque chose, puisque des décrets pris sous le gouvernement précédent viennent d'être annulés par le Conseil d'Etat. Nous ne pouvons donc nous permettre de poursuivre ainsi, sans accroître la transparence et la lisibilité des moyens financiers correspondants.

Et puisque vous demandez quelles sont les priorités, sachez que le Gouvernement entend à la fois poursuivre une politique intermodale, fondée sur un effort substantiel en faveur du transport ferroviaire de fret et des transports collectifs urbains, et continuer les investissements nécessaires pour les routes et les autoroutes, sans mettre en cause les travaux d'entretien et de réhabilitation.

Les crédits prévus pour les travaux d'entretien et de réhabilitation en 1999 sont en augmentation de 6,2 %. Les investissements neufs sont, c'est vrai, en diminution, et nous ne pourrons pas rattraper tout le retard qui a été pris durant les années précédentes.

(Protestations sur bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous en savez quelque chose puisque vous aviez allongé d'un an les contrats de plan ! Mais je puis vous assurer qu'avec la loi de finances rectificative pour 1998, les progrès réalisés sur les travaux d'entretien et de réhabilitation compenseront le retard pris sur les investissements neufs.

En résumé, notre politique des transports est cohérente et elle affirme des priorités pour arriver à des résultats.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

PROJET SOLEIL

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le ministre, il y a tout juste quinze jours, je vous faisais part, lors de l'examen du budget de votre ministère, de l'exceptionnelle mobilisation de la communauté scientifique et des élus, sur l'impérieuse nécessité de réaliser le synchrotron de troisième génération, dit « projet Soleil ». Votre réponse n'a pas été de nature à me rassurer et a fait l'objet d'une vive réaction de la part des chercheurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Aujourd'hui, nous apprenons avec stupeur, par un haut fonctionnaire qui ne relève pas de votre administration, l'abandon définitif du projet Soleil, c'est-à-dire l'abandon d'une recherche française de haut niveau, de quelque quatre cents emplois permanents...

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est grave !

M. Pierre Lasbordes.

... d'environ deux mille chercheurs de passage par an, bref d'un outil indispensable à la recherche fondamentale et à la capacité d'innovation technologique de plusieurs centaines de PME.

A l'heure où les médias multiplient leurs investigations sur la fuite de nos cerveaux à l'étranger, cette prise de position n'est pas faite pour nous rassurer.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Dramatique !

M. Pierre Lasbordes.

Je vous le répète, monsieur le ministre, la communauté scientifique est unanime sur la nécessité de réaliser ce projet. Les études menées depuis plusieurs années en font toutes le constat.

Les élus de toute tendance, conscients de l'enjeu, s'impliquent dans ce projet et je peux vous assurer qu'ils sont aussi soucieux que vous du bon usage des deniers publics.

Je vous rappelle, si nécessaire, que dès 1987, le département de l'Essonne et la région Ile-de-France s'engageaient à financer le projet à hauteur de 50 %.

Monsieur le ministre, rassurez-nous sur votre détermination à garder à la recherche française le niveau d'excellence qui doit être le sien, en lui donnant les moyens que cette ambition requiert, c'est-à-dire en décidant notamment de réaliser en France le projet Soleil. Nous n'attendons plus que vous, monsieur le ministre ! (Applaudissement sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, comme vous l'avez souligné, l'emploi des fonds publics, notamment pour les gros équipements, m'importe beaucoup.

S'agissant des synchrotrons de deuxième génération, je vous informe qu'il en existe deux aux Etats-Unis et qu'il n'y en aura pas davantage. Il en existe déjà sept en Europe. Aussi nous sommes-nous demandé si, dans ce domaine, l'Europe avait besoin de trois fois plus d'investissements que les Etats-Unis - ce serait unique ! Nous avons donc, en liaison avec les ministres allemand et italien, décidé la création d'un consortium européen et nous avons confié une étude à M. Clavin afin de savoir s'il est nécessaire de réaliser un nouveau synchrotron en France. La moitié des synchrotrons actuellement en activité en Europe sont utilisés par les chercheurs anglais, tout en étant financés par les différents pays. Je ne suis pas certain que la France ait vocation à payer la recherche anglaise ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) De toute manière, la fuite des chercheurs français est telle que nous avons donné la priorité à l'embauche de jeunes chercheurs. Cette année, 5 000 postes d'enseignants-chercheurs ont été créés, ce qui devrait éviter que se poursuive cette fuite de cerveaux que l'on devait à votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE

M. le président.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Avant de poser ma question, je ferai remarquer à M. le ministre des transports qu'il n'a pas répondu à notre collègue Michel Bouvard, qui lui demandait s'il entendait ouvrir un débat sur la politique des transports dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Depuis quinze jours, le personnel de la Bibliothèque nationale de France François-Mitterrand est en grève.

Plusieurs organes de presse se font l'écho de dysfonctionnements qui expliquent ce mouvement social : pannes informatiques à répétition, non prise en compte des conditions de travail des personnels, non fonctionnement du système de distribution des ouvrages, infiltrations d'eau dans les sous-sols, ce qui en rend l'accès impossible aux utilisateurs.

Et pourtant, il faut rappeler aux Français que cette bibliothèque, l'un des projets pharaoniques imposés par le Président Mitterrand, qui avait été estimée à 2 milliards de francs avant la construction, a coûté en fait plus de 8 milliards au contribuable français. C'est l'une des plus grandes gabegies de ce siècle ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Les utilisateurs estiment dans leur ensemble que ce bâtiment a été construit en dépit de son objet réel. Tous les spécialistes avaient prédit, il y a huit ans, que cela ne fonctionnerait pas. Comment s'en étonner, quand on sait que l'architecte déclarait vouloir réaliser « plutôt un vide qu'une construction » ? Je rappelle, en outre, que le coût de fonctionnement annuel se montera à plus d'un milliard de francs, soit le quinzième de votre budget annuel, madame la ministre, et alors qu'il n'y a jamais assez de crédits pour entretenir le patrimoine architectural et développer les actions culturelles dans les départements de province.

Madame la ministre, comment comptez-vous transformer cette gabegie en un véritable outil culturel ? Comment pensez-vous sortir de cette impasse et assurer le fonctionnement de la bibliothèque François-Mitterrand ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, j'ai écouté avec intérêt les leçons que vous venez de me donner, à moi et au Gouvernement, sur le financement de cette grande institution qu'est la Bibliothèque nationale de France François-Mitterrand. J'entendrais ces critiques avec beaucoup plus d'intérêt encore si vous n'aviez pas dans le passé, sous un gouvernement précédent, diminué, en quatre ans, de 20 % les crédits du même budget de la culture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et V ert. - Protestations sur les bancs du groupe du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et si je n'avais pas eu, monsieur le député, à prévoir les crédits pour l'ouverture du rez-de-jardin, afin que cet équipement public serve non seulement à tout le grand public - c'est sa première vocation et c'est d'abord à lui qu'il a été ouvert - mais aussi aux chercheurs. Je puis vous assurer d'ailleurs que, depuis l'ouverture, avant la période de grève, les places étaient pratiquement toutes réservées. Les crédits sont donc prévus.

Il y a des problèmes que je ne nie pas, dans le fonctionnement de ce bâtiment. Ce sont deux pannes d'une heure qui ont provoqué la discussion puis la grève du personnel à propos de l'organisation du travail et des conditions de travail. Le dialogue a été engagé entre la direction, l'intersyndicale et mon ministère. J'ai personnellement rendez-vous cet après-midi avec M. le directeur de la BNF, et demain avec l'intersyndicale.

Je tiens, en effet, à ce que l'on apporte des conditions optimales de fonctionnement à cet équipement, à ce que l'organisation du travail - c'est une préoccupation réelle soit prise en compte et que du temps soit accordé à la formation du personnel qui est aujourd'hui déstabilisé.

Mais je ne bougerai pas sur un point : cette grande bibliothèque doit ouvrir six jours sur sept. S'il faut préparer et optimiser cette ouverture, il faudra aussi qu'elle offre la même qualité de service que l'ancienne bibliothèque de la rue Vivienne et de la rue Richelieu.

C'est donc en se plaçant au service du public, monsieur le député, et non en opposant le personnel et les usagers, comme on le fait beaucoup trop souvent sur vos bancs, que l'on réglera la question, mais en cherchant à combiner des heures d'ouverture qui permettent de servir au mieux les chercheurs et l'ensemble du public et une amélioration des conditions de travail - ce dont je parlerai demain avec l'ensemble des syndicats et la direction.

Je regrette, monsieur le député, d'entendre sur vos bancs autant de reproches. La mise en route de ce grand bâtiment aurait supposé qu'on y consacre les moyens nécessaires et que le ministère de la culture et de la communication s'y intéresse un peu plus.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

MESURES EN FAVEUR DES CHÔMEURS EN GRAVE DIFFICULTÉ

M. le président.

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Près d'un an après le grand mouvement de l'hiver dernier, de nombreux chômeurs parmi les plus démunis manifestaient, hier, avec leurs associations, à Paris et dans les principales villes de France. Ils sont à nouveau conduits à se mobiliser, car les premières mesures qu'ils avaient obtenues se sont révélées insuffisantes et n'ont pas répondu à leur attente.

Ils font notamment le constat que rien n'est prévu, à ce jour, dans le projet de budget pour 1999 en faveur d'une progression sensible des minima sociaux. Ils demandent que les bénéficiaires de ces minima et les contribuables non imposables soient exonérés de la taxe d'habitation. Ils réclament également une allocation exceptionnelle d'un montant de 3 000 francs.

Madame la ministre, nous ne pouvons nous résigner à ce que, chaque année, à l'approche de l'hiver, les chômeurs les plus défavorisés soient contraints d'agir et de poser à nouveau les mêmes questions pour des motifs identiques. Je vous demande, en conséquence, quelles mesures vous êtes disposée à prendre pour que la voix de ces hommes et de ces femmes soit enfin entendue.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous le reconnaîtrez avec moi, la meilleure façon d'aider les chômeurs, c'est d'abord de leur trouver un emploi. (« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et c'est ce que le Gouvernement a fait depuis son arrivée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

E n un an, grâce à la reprise de la croissance, 260 000 emplois ont été créés, ainsi que 140 000 emploisjeunes, à ce jour. Le chômage a baissé de 175 000 ; c'est peu par rapport aux 3 millions de chômeurs, c'est beaucoup par rapport aux périodes passées. Les derniers chiffres indiquent aussi une baisse - enfin ! - pour les chômeurs de longue durée.

Nous savons, comme vous, que malgré cette croissance et ces créations d'emplois, ainsi que ceux qu'engendrerai, petit à petit, la réduction de la durée du travail, beaucoup de nos concitoyens, notamment ceux qui sont en chômage de longue durée ou qui touchent les minima sociaux, ont besoin d'une attention particulière. Nous l'avons manifestée et mise au coeur de la loi contre les exclusions, qui est d'ores et déjà entrée en application pour ce qui concerne l'emploi puisque les premiers jeunes sont entrés dans le programme TRACE au début du mois d'octobre et que l'ANPE, renforcée de 500 agents supplémentaires - que viendront compléter 500 autres l'année prochaine - a commencé à recevoir les chômeurs de longue durée et les RMIstes pour leur proposer un nouveau départ, comme le dit le pacte de Luxembourg, c'est-à-dire une qualification ou un emploi.

Nous ne devons pas oublier pour autant, vous avez raison, ceux qui touchent les minima sociaux. Cependant je vous rappelle que l'allocation de solidarité spécifique à été revalorisée de 8 % l'année dernière, rattrapant ainsi le retard pris pendant les quatre précédentes, que l'allocation d'insertion a été revalorisée de 30 %, que l'allocation spécifique d'attente pour les bénéficiaires du RMI, de l'ASS et de l'AI ayant cotisé 40 ans est en place et que la préretraite est en cours. En outre, l'ASS et l'allocation d'insertion sont désormais indexées sur les prix, comme le RMI, et sont devenues insaisissables et incessibles depuis la loi contre les exclusions. Enfin, le cumul du RMI et de l'allocation pour jeune enfant, mais aussi du RMI et d'un salaire sont dorénavant possibles grâce aux décrets qui viennent de sortir. De même, les majorations d'âge des allocations familiales qui seront versées en sus du RMI viennent d'être votées en première lecture. Elles sont acquises pour les RMIstes.

Quant à la taxe d'habitation, les RMIstes ne la paient pas et, dans beaucoup de villes, les personnes qui ne paient pas l'impôt sur le revenu sont exonérées tout ou partie.

Mais nous devons aller plus loin, car, au-delà de ces mesures structurelles qui sont les vraies réponses à apporter aux personnes dans l'exclusion, c'est-à-dire un emploi,


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et l'accès aux soins - la couverture maladie universelle sera inscrite dans un projet de loi déposé dans quelques jours - nous devons savoir faire face à l'urgence.

Dès le budget de 1998, et plus encore dans la loi de finances pour 1999, le fonds social au logement et à l'énergie ainsi que le fonds d'action jeunes ont été doublés, voire triplés. De plus, dans la plupart des départements, les commissions d'action pour l'urgence - les CASU - se mettent en place. Elles doivent permettre d'aider, au moyen de ces fonds d'urgence, ceux qui n'auraient pas pu trouver de solution dans nos réponses structurelles.

J'ai encore rencontré les préfets la semaine dernière à ce sujet. Les commissions doivent fonctionner dans les jours qui viennent pour que les fonds d'urgence soient prêts à l'approche de l'hiver, notamment là où les problèmes sont le plus lourds.

Vous le voyez, monsieur le député, aussi bien pour les réformes de fond que pour les réformes d'urgence qui sont nécessaires, l'ensemble des mesures annoncées sont aujourd'hui en application. Nous savons que beaucoup souffrent encore, mais le Gouvernement est déterminé à agir au plus vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

LIAISON TRANSMANCHE DIEPPE-NEWHAVEN

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le Premier ministre, la compagnie P & O - Stena Line, qui exploite la ligne transmanche Dieppe-Newhaven et dont le siège est en Grande-Bretagne, vient de rendre publique sa décision d'arrêter la desserte de cette ligne par le bateau rapide L'Elite et laisse planer le doute sur le maintien à court terme de la liaison par voie classique.

Lors du comité central d'établissement qui s'est tenu vendredi 30 octobre à Dieppe, les personnels ont obtenu l'ouverture d'une procédure d'alerte et d'une mission d'expertise financière dont les conclusions devraient être rendues le 4 décembre prochain. Demain, Norman Baker, député libéral démocrate de Lewes, doit interpeller le gouvernement britannique aux Communes sur les conséquences qu'aurait une fermeture éventuelle de la ligne et sur la nécessité de l'empêcher.

J e serai demain à Londres, à la Chambre des Communes (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), accompagné d'une soixantaine d'acteurs économiques et politiques de tous bords, et d'élus de la région de Dieppe, de Seine-Maritime et de Haute-Normandie. Je rencontrerai à cette occasion, avec une délégation, Mme Glenda Jackson, ministre britannique chargée des transports.

La décision d'autoriser la fusion effective en mars 1998 de la P & O et de la Stena Line pour trois liaisons transmanches a été prise par la Commission européenne. A l'époque, le gouvernement français s'y était opposé. La fusion n'a pu être réalisée que sous certaines conditions, la principale étant l'absence d'abus de position dominante. La fermeture de la ligne produirait un effet de souffle à Dieppe, en Haute-Normandie, et en SeineMaritime, et je ne détaille pas toutes les conséquences qu'entraînerait une telle décision.

Vous comprendrez, monsieur le Premier ministre, que l'abandon de la liaison transmanche ne peut être accepté.

Quelles dispositions comptez-vous prendre, auprès des opérateurs, pour créer les conditions du maintien et du développement de cette ligne, auprès du commissaire européen à la concurrence M. Van Miert, afin qu'il vérifie, en liaison avec les services du ministère des transports, si les conditions autorisant la constitution du duopole P & O-Stena Line ont été respectées, notamment en matière de mission de service public à l'échelon européen et à l'échelon international, enfin, auprès de Mme Glenda Jackson, pour coordonner l'intervention des gouvernements et des collectivités locales et régionales concernées par les actions Interreg afin d'assurer la continuité de la liaison transmanche et de l'économie globale qui en résulte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, du logement et des transports, pour une réponse courte.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, la liaison Dieppe-Newhaven était jusqu'à présent exploitée par P & O et Stena, avec deux navires, un catamaran rapide et un ferry classique, le premier avec un équipage essentiellement anglais, le second avec des marins anglais et français.

Des informations dont nous disposons comme vous, il ressort que la compagnie P & O a décidé de retirer le catamaran pour entretien et des craintes pèsent sur le ferry. La question est donc grave.

Ces annonces interviennent au moment où se met en place le rapprochement de P & O et de Stena. Les conditions fixées par la commission de Bruxelles pour ce rapprochement doivent être respectées. C'est votre souci.

Pour le Gouvernement français en tout cas, la fusion des deux compagnies ne saurait se traduire par des suppressions de ligne.

Vous avez souligné l'importance de la liaison Dieppe-Newhaven pour la Normandie et le Sussex, c'est le cas pour l'ensemble des lignes transmanche, entre la France et la Grande-Bretagne. Une réduction de l'offre de transport n'est pas envisageable. Les modes de transport doivent au contraire être divers, ferroviaire, aérien et maritime, avec un large éventail de ports desservis.

C'est en ce sens que je compte agir, auprès des compagnies, qui ne peuvent se désengager purement et simplement mais doivent examiner les conditions de maintien d'une liaison concernant des centaines de milliers de personnes, auprès de la Commission européenne, comme vous l'avez suggéré, car c'est elle qui a pris la décision d'autoriser le rapprochement de P & O et de Stena, et en liaison avec le gouvernement britannique, car nos intérêts dans ce domaine sont à l'évidence convergents. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

EXTRADITION D'AUGUSTO PINOCHET

M. le président.

La parole est à Mme Véronique Neiertz.

Mme Véronique Neiertz.

Ma question s'adresse à

Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la ministre, vous avez déclaré la semaine dernière que l'idée de l'impunité de l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet était insupportable, et je ne doute pas


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que cette opinion soit partagée sur tous les bancs de cette assemblée.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Et Fidel Castro ?

Mme Véronique Neiertz.

Vous avez ajouté qu'il appartenait aux magistrats français de lancer une action judiciaire qui serve de base légale à une demande d'extradition par la France.

Aujourd'hui, c'est chose faite. Hier, en effet, des plaintes ont été déposées à Paris par trois familles de victimes, et un juge français a lancé un mandat d'arrêt international pour tortures et séquestrations.

Ma question sera triple.

P remièrement, avez-vous l'intention, comme vous l'avez dit la semaine dernière, de transmettre immédiatement cette demande d'extradition française aux autorités britanniques ? Deuxièmement, quand et comment pensez-vous que cette demande française sera traitée, dans la mesure où d'autres Etats européens comme l'Espagne, la Suisse, la Belgique, la Suède, l'Italie, l'Allemagne ont déposé une demande d'extradition ? Et troisièmement, pensez-vous que les autorités britanniques devront examiner la légalité de chaque mandat d'arrêt international, ou avez-vous l'impression que l'immunité diplomatique servira désormais de prétexte à l'impunité des auteurs de crimes contre l'humanité dans l'Europe que nous voulons construire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Pinochet en prison !

M. François Vannson.

Castro au goulag !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la députée, comme j'ai eu l'occasion de le dire la semaine dernière en répondant à la question posée par M. Lefort, puis au Sénat jeudi dernier, l'idée de l'impunité de M. Pinochet est insupportable aux victimes qui ont réchappé de la répression sanglante à laquelle il a procédé. Elle est insupportable pour les familles des personnes qui sont mortes et qui ont disparu, elle est insupportable pour tous les démocrates. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Où en sont aujourd'hui les procédures judiciaires engagées en France ? Vendredi dernier, à la suite des plaintes qui visaient en France le général Pinochet, une information a été ouverte à la demande du procureur de la République de Paris, pour séquestration accompagnée de tortures. Le même jour, un juge d'instruction, M. Le Loire, a été désigné par le président du tribunal de grande instance de Paris.

Les victimes sont trois ressortissants français, Etienne Pesle, Alphonse-René Chanfreau, Marcel-René Amiel Baquet, qui ont été arrêtés, le premier, six jours après le coup d'Etat, le deuxième au milieu de l'année 1974, le troisième au début de l'année 1977. Ces trois hommes, ces trois compatriotes ont depuis lors disparu. Selon les plaintes, ces enlèvements ont été opérés par la DINA, service de police politique d'une extrême brutalité, qui procédait, sous les ordres du général Pinochet, à des exécutions sommaires et à des arrestations souvent suivies de torture.

M. Christian Bataille.

Pinochet facho ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Fidel Castro !

Mme la garde des sceaux.

Ce service a sévi depuis le coup d'Etat jusqu'à la fin de la dictature chilienne.

Hier, en fin d'après-midi, le juge d'instruction saisi,

M. Le Loire, a délivré un mandat d'arrêt international.

Avis de ce mandat d'arrêt a été transmis par ce juge d'instruction aux services de la police judiciaire pour qu'ils en assurent l'exécution.

Aujourd'hui, le procureur de Paris a demandé l'arrestat ion provisoire de M. Pinochet, et transmis cette demande par l'intermédiaire d'Interpol, conformément aux dispositions de la convention européenne de 1957 sur l'extradition.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

Il était temps !

Mme la garde des sceaux.

Ce sont les autorités britanniques qui devront maintenant statuer, et sur la demande d'extradition, et sur le pays vers lequel, éventuellement,

M. Pinochet sera extradé, puisque, vous l'avez rappelé, l'Espagne et la Suisse ont également formulé de telles demandes.

Je ne peux pas, bien entendu, préjuger la décision qui sera prise par les autorités judiciaires britanniques. En tout cas, lorsque les pièces de la demande d'extradition arriveront à mes services, par l'intermédiaire du parquet général et du parquet de Paris, je les transmettrai immédiatement aux autorités britanniques par la voie diplomatique.

M. Christian Bataille.

Faites-le vite !

Mme la garde des sceaux.

Ces pièces doivent, en effet, être produites quarante jours au plus après l'émission de la demande d'arrestation provisoire.

Je voudrais rendre hommage à la justice et aux magistrats français, qui font preuve, dans cette affaire, d'une célérité exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CRISE DE LA FILIÈRE PORCINE

M. le président.

La parole est à M. Jean Delobel.

M. Jean Delobel.

Face au problème des éleveurs de porcs qui se voient obligés de vendre leur production 4 francs au kilo en dessous du prix de revient, vous avez apporté, monsieur le ministre de l'agriculture, une première réponse d'urgence, marquée du coin du bon sens, comme l'idée de destocker nos surplus en viande porcine en direction de la Russie où la famine s'installe. Encore faudrait-il s'assurer d'ailleurs que cette opération de solidarité profite à ceux qui en ont vraiment besoin et n'aille pas enrichir une mafia de plus en plus organisée.

Toutefois, les traitements d'urgence ne nous dispensent pas de repenser totalement ce problème au niveau européen, afin de juguler la surproduction, d'améliorer la qualité, de mettre en place une filière porcine de la production à la consommation, permettant à chacun d'avoir un revenu décent.

Compte tenu de la crise financière que traverse la filière porcine avec la dégradation des cours et de l'angoisse qu'elle génère chez les éleveurs et leurs familles,


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j'aimerais connaître l'état des réflexions et des propositions susceptibles de régler cette situation par des mesures de fond, y compris d'ailleurs dans la maîtrise des techniques pour assécher les lisiers, parce que c'est un problème également très important. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

La crise de la filière porcine est effectivement une crise grave, monsieur le député. Je m'en suis entretenu ce matin avec les responsables de la fédération porcine lors d'une réunion qui a été à la fois sérieuse et courtoise, sérieuse parce que la crise est grave et qu'elle exige la mobilisation de toutes nos énergies, courtoise parce que les représentants de la profession savent bien les efforts que le gouvernement déploie.

Ces efforts vont dans deux directions.

La première direction, c'est évidemment l'Europe.

Cette crise, en effet, n'est pas seulement franco-française, c'est une crise européenne. C'est pourquoi j'irai voir dimanche soir mon collègue autrichien qui préside le conseil des ministres de l'agriculture, lundi le commissaire européen, M. Fischler, à Bruxelles, et, mercredi prochain, le 11 novembre, mon collègue allemand, M. Funke, tout n ouvellement nommé, pour envisager avec eux les mesures que l'Union doit prendre.

Celles-ci sont de deux ordres : mesures de dégagement de marché pour faciliter les exportations, notamment vers la Russie, et mesures de réduction de l'offre, que ce soit la réduction du cheptel ou la réduction du poids des carcasses. Demain matin, se réunit à Bruxelles, à la demande de la France, un groupe de travail de maîtrise de la production porcine en Europe. C'est une grande première sur laquelle nous fondons beaucoup d'espoir.

Et puis il y a évidemment les mesures nationales que nous avons prises. Mon prédécesseur et ami Louis Le Pensec avait déjà pris des mesures d'urgence au mois de septembre dernier : la mise en place du dispositif Stabiporc et une aide d'urgence de 100 millions de francs.

Avec l'accord du Gouvernement, j'ai mobilisé ce matin 150 millions de francs supplémentaires, qui seront mis en place dans les tout prochains jours. Dès demain, se réunira un groupe de travail entre mon cabinet, mes collaborateurs et la profession pour savoir comment les utiliser, avec une seule ligne de conduite, celle que j'ai déjà affirmée dans cet hémicycle et que je maintiens, faire en sorte que cette aide profite aux plus petits, à ceux qui souffrent le plus de la crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Enfin, j'ai demandé à la profession de faire des propositions au Gouvernement le plus rapidement possible, au sujet par exemple de la caisse de solidarité que tout le monde attend depuis plusieurs années, ou de l'organisation communautaire du marché, pour maîtriser la production.

Pour que les choses soient claires, j'ai expliqué que le Gouvernement était prêt à faire beaucoup d'efforts pour aider cette profession et qu'il les déployait avec une grande énergie, mais que nous attendions en retour qu'elle soit responsable. En particulier, nous n'accepterons pas certains actes de violence qui, ces derniers jours, ont entaché sa réputation et qui causent du tort d'ailleurs aux éleveurs de porc de notre pays. Le dialogue, oui, la violence, non. Telle sera la ligne que j'adopterai dans ce dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

CRÉDIT LYONNAIS

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.

Le jeudi 29 octobre, vous avez annoncé la méthode qui sera suivie pour la cession du Crédit lyonnais, afin de respecter les engagements pris par les précédents gouvernements et de vous conformer à la décision intervenue à Bruxelles le 20 mai dernier.

Je crois que, pendant les dix-huit mois où vous avez exercé vos fonctions, vous n'avez pas ménagé vos efforts pour engager les concertations, les négociations et les réformes nécessaires pour arriver à ce plan. Je souhaite que vous indiquiez à la représentation nationale comment seront défendus les intérêts de l'Etat et des contribuables d'une part, de la banque du Crédit lyonnais et des salariés, d'autre part.

Le monde bancaire et financier attendait cette cession.

Comment s'inscrit-elle - la question est d'importance pour l'avenir - dans la restructuration nécessaire de ce secteur afin qu'il puisse affronter les défis des temps présents et à venir, notamment la concurrence ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Madame la députée, le dossier du Crédit lyonnais a fait couler beaucoup d'encre (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et le Gouvernement essaie depuis dix-huit mois de lui apporter des réponses concrètes, avec trois objectifs.

Le premier objectif était le redressement du Crédit lyonnais. Le plan du 20 mai permet d'atteindre cet objectif. Aujourd'hui, le Crédit lyonnais est redressé.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ce n'est pas vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le deuxième objectif était de faire la lumière sur le passé.

Je passe sur les moyens supplémentaires qui ont été donnés à la justice, la création de galeries financières, bref, les moyens d'investigation nécessaires.

Au-delà, la réforme du CDR, il y a maintenant près d'un an, a permis de mettre en place une institution qui a vraiment vocation à régler le problème des actifs aventureux. De ce point de vue, la solution choisie en 1995 d'organiser une défaisance a visiblement plus aggravé les choses qu'elle ne les a réglées. Quand on décide de faire des soldes douze mois sur douze et qu'on met une planche sur le trottoir pour annoncer que tout est à vendre d'ici à ce soir, on ne vend pas au meilleur prix, c'est clair. C'était la voie choisie. Nous sommes revenus dessus. Aujourd'hui, le CRD cède les actifs à son rythme, celui qui convient le mieux pour préserver l'intérêt de l'Etat et donc celui des contribuables.

Le troisième objectif, c'est l'avenir du Crédit lyonnais.

Le Gouvernement entend, en effet, faire en sorte qu'il ait un avenir. Dès 1995, il a été décidé, dans un accord entre le Gouvernement français et la Commission de Bruxelles, que la contrepartie des aides serait sa mise sur le marché. Pour ma part, je le regrette car il aurait très bien pu rester une banque publique, mais, puisque cet accord a été passé, il faut aller jusqu'au bout. Et, pour


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aller jusqu'au bout dans de bonnes conditions, à la fois pour l'Etat actionnaire et donc le contribuable, pour l'entreprise et son avenir, et pour les salariés, j'ai annoncé il y a quelques jours les modalités qui seront suivies.

Au premier semestre de 1999, la banque sera cédée par une offre publique de vente, avec la constitution d'un groupe d'actionnaires partenaires, selon une procédure ouverte, transparente, non discriminatoire, ce qui signifie que personne aujourd'hui n'en est exclu, mais regroupant, au travers d'un cahier des charges, des entreprises ayant des intérêts industriels avec le Crédit lyonnais. Il ne s'agit pas de créer les noyaux durs du passé dont on a vu, avec les AGF, combien ils étaient mous.

M. Patrick Devedjian.

Quel culot ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il s'agit de trouver des partenaires qui ont des liens avec le Crédit lyonnais et qui veulent assurer son avenir, ce qui sera fait au printemps de 1999, dans des conditions qui, j'en suis sûr, sont les meilleures à la fois pour l'Etat, pour l'entreprise et pour les salariés.

Mais vous avez raison, cela s'inscrit dans une stratégie de restructuration de l'ensemble de ce secteur financier, qui a déjà donné lieu à des dispositions nombreuses, d'autres étant à venir, notamment la loi sur les caisses d'épargne et la sécurité des déposants.

Nous aurons l'occasion de discuter de toutes ces questions puisque, à la demande du groupe communiste et p lus particulièrement de M. Brard, un débat sur l'ensemble du secteur financier aura lieu dans votre assemblée. Le Gouvernement pourra exposer à la fois ce qu'il a fait depuis dix-huit mois et ce qu'il compte faire dans les prochains mois.

Soyez assurés en tout cas que le Crédit lyonnais n'est plus le canard boiteux qu'il a été. C'est aujourd'hui une banque de taille plus modeste que par le passé, mais qui restera pour l'avenir une grande banque, grâce aux partenaires que lui apportera l'opération qui se déroulera au printemps.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

ABSENCE DE RE

PONSE DU GOUVERNEMENT AUX QUESTIONS ÉCRITES

M. le président.

La parole est à Mme Sylvia Bassot.

Mme Sylvia Bassot.

Monsieur le Premier ministre, la fonction première du Parlement est autant le contrôle de l'action gouvernementale que l'élaboration de la loi. C'est évidemment l'opposition qui a, par définition, vocation à assurer en priorité cette mission de contrôle.

Le contrôle s'exerce en particulier par le bon usage des questions écrites et surtout par les réponses que les membres du Gouvernement doivent obligatoirement y apporter conformément à l'article 139 de notre règlement.

Or, selon les dernières statistiques de l'Assemblée nationale, ce sont plus de 3 000 questions posées à vos ministres depuis plus de trois mois qui sont restées lettres mortes. (« Oh ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Francis Delattre.

Que fait Vaillant ?

Mme Sylvia Bassot.

C'est une infraction caractérisée au règlement de l'Assemblée nationale. C'est un record absolu sous la Ve République. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ce n'est pas conforme à la nécessaire transparence de l'action ministérielle.

Vous prônez, monsieur le président, un renforcement du contrôle du Parlement. Alors, permettez-moi, pas seulement au nom du groupe Démocratie libérale, mais au nom de l'Assemblée tout entière (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) , de poser la question suivante à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, comptez-vous rappeler vos ministres à leur devoir pour que cesse cette sorte de grève, qui n'est peut-être pas une grève du zèle, mais qui aboutit à un silence intolérable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Madame la députée, vous le savez, le Gouvernement, et moi particulièrement, sommes soucieux de la qualité des relations entre les parlementaires que vous êtes et le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Francis Delattre.

Prouvez-le !

M. le président.

Un peu de silence !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Je connais l'attachement des uns et des autres à la prodédure des questions écrites.

Cela dit, je vais vous montrer que, quels que soient les gouvernements en place, les statistiques n'évoluent guère.

Ainsi, entre le 30 septembre 1997 et le 1er octobre 1998, les 16 000 questions écrites posées ont fait l'objet de 13 000 réponses.

Durant la législature précédente, aux 13 000 questions posées en moyenne chaque année, 11 500 ont obtenu une réponse.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Comme vous pouvez le constater, le taux de réponse de ce Gouvernement est identique à celui du gouvernement précédent (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Yves Nicolin.

C'est faux ! Vous ne savez pas compter ! Retournez à l'école !

M. le président.

Un peu de silence !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

... alors que le nombre des questions est en progression d'environ 3 000.

Sachez enfin, madame la députée, que certains retards préjudiciables s'expliquent notamment...

M. Yves Nicolin.

Un an d'attente !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

... par la nature des questions posées, par les difficultés juridiques qu'elles soulèvent ou par leur caractère interministériel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Croyez bien que je veillerai auprès de mes collègues du Gouvernement à ce que le taux de réponse s'améliore.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais de ce point de vue, là encore, vous n'avez pas de leçon à nous donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en revenons à une question du groupe socialiste.

SITUATION AU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. René Mangin.

M. René Mangin.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, le Kosovo connaît les heures les plus noires des on histoire : femmes enceintes décapitées, globes oculaires arrachés, fontaines empoisonnées, villages rasés.

Il s'agit d'une extermination programmée à 90 % des Kosovars qui se déroule aux portes de l'Europe.

Or un génocide fondé sur une origine ethnique et culturelle, c'est un crime contre l'humanité ! La France a condamné sévèrement l'attitude de la Serbie. Pour autant, les négociations sont dans l'impasse et les démocrates dénoncent l'abandon du Kosovo par l'Europe. Plutôt que d'intervenir, l'OTAN s'emploie à isoler le Kosovo de la Macédoine et de l'Albanie.

Allons-nous attendre la fin des massacres et avaliser la colonisation serbe prévue par Milosevic ? Qu'entend faire la France pour ces milliers de réfugiés qui s'amassent aux frontières de l'Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, j'insisterai sur ce qui a changé ces tout derniers jours au Kosovo, depuis que, sous l'effet conjugué de l'ensemble des pressions qui ont été dirigées contre elles, les autorités de Belgrade ont dû accepter un certain nombre de concessions auxquelles elles s'étaient refusées pendant des mois.

Nous avons pu, d'une part, mettre en place un système de contrôle aérien qui a commencé à fonctionner et, d'autre part, préparer une force de vérification de l'OSCE dont les premiers éléments sont arrivés sur place pour effectuer des repérages avant que l'ensemble des forces, qui atteindra progressivement 2 000 hommes, puisse les rejoindre. Un Français occupera d'ailleurs une responsabilité importante au sein de cette force.

En outre, un autre concept a été développé par le ministre de la défense pour installer à côté du Kosovo, en Macédoine, une autre force destinée à assurer la sécurité des vérificateurs de l'OSCE.

En pratique, on observe un début de retour à une situation de sécurité. Certes, ce n'est pas encore la solution mais l'amélioration est suffisamment sensible pour que les réfugiés reviennent en masse depuis quelques jours dans les villages et dans les centres d'accueil.

En revanche - et là nous constatons un changement frappant par rapport à la situation d'il y a quelques jours - il est vrai que la négociation politique n'a pas encore véritablement commencé même si un engagement de principe a été arraché à Belgrade. Du côté albanais, la discussion se poursuit pour que l'ensemble des éléments du spectre politique - je pense à l'UCK - acceptent d'engager le dialogue sur la même base que M. Rugova.

Voilà où nous en sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

2

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (nos 1106, 1148).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du règlement.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous arrivons au terme de la première lecture de la loi de financement de la sécurité sociale. Nous avons eu un débat riche, dense, parfois passionné et, sur certains sujets, de très bonne qualité. Nous sommes peutêtre allés plus en profondeur que nous n'avions pu le faire l'an dernier et, personnellement, je m'en réjouis.

Je crois qu'il est inutile, au moment où l'Assemblée va voter le projet de loi, de rappeler l'attachement des Français à la sécurité sociale. D'ailleurs, en dehors de quelques députés peu nombreux qui ont estimé qu'il valait mieux changer de système et aller vers l'assurance privée, la grande majorité de cette assemblée s'est retrouvée dans l'idée qu'il fallait défendre la sécurité sociale telle qu'elle existe aujourd'hui.

A partir de là, certes, des divergences de positions sont apparues, non exemptes parfois de contradictions - je le dis très simplement et gentiment à l'opposition. En effet, on ne peut pas à la fois nous reprocher d'être trop laxistes et d'être trop coercitifs, de mettre à bas le plan Juppé et de faire du Juppé bis, d'en faire trop en étatisant la sécurité sociale et de ne rien faire. Bref, il est souvent difficile de se positionner dans un débat de ce type.

Je préfère retenir ce qui nous réunit, en tout cas ce qui réunit la majorité qui soutient le Gouvernement mais aussi, je crois, tous ceux qui veulent défendre la sécurité sociale.

Finalement, la démarche du Gouvernement est simple : nous voulons consolider la sécurité sociale par desr éformes structurelles, s'inscrivant dans le temps et menées en concertation avec l'ensemble des acteurs du monde de la famille, du monde des retraités et des personnes âgées ou du monde de la santé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

C ette démarche, nous l'avons appliquée pour la branche famille. Alors que celle-ci accusait un déficit de 12 milliards de francs lors de notre arrivée au pouvoir, elle devrait afficher 3 milliards d'excédents l'an prochain.

Nous allons travaillé avec les associations familiales et les organisations syndicales pour aboutir à une conférence de la famille dont les conclusions sont inscrites dans le projet de loi.

Cette démarche, nous l'avons également avec les médecins, avec le monde hospitalier mais aussi avec l'industrie pharmaceutique depuis maintenant plus d'un an, afin de mettre en place des réformes structurelles qui doivent nous permettre à la fois de soigner mieux et de mieux utiliser les ressources disponibles.

C'est aussi cette méthode qui, je l'espère, devrait nous conduire l'an prochain, en fonction des axes que j'ai rappelés lors des questions au Gouvernement, à consolider notre système de retraites par répartition, tout en ouvrant à tous la possibilité d'une épargne-retraite à long terme.

Le débat nous a également permis d'avancer s'agissant de l'aide à apporter aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Cela passe à la fois par une réforme des aides à domicile, dont le coût doit diminuer mais la professionnalisation progresser, ainsi que par un bilan sur la PSD - ce qui sera fait dans quelques jours - et la réforme de la tarification des établissements. Nous aurons ainsi bien avancé cette année en matière de prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées dans notre pays.

Nous avons également revalorisé certaines prestations minimales, comme le minimum vieillesse et la pension de réversion, et modifié le système d'assurance veuvage pour qu'il soit plus performant pour ceux qui sont les plus fragiles.

Nous continuerons la réforme du financement de la sécurité sociale, comme le Gouvernement s'y est engagé.

Nous serons amenés, comme la commission des affaires sociales l'a proposé, à déposer un texte avant la fin du premier semestre 1999 pour que le financement de la sécurité sociale soit plus pérenne, plus juste et plus favorable à l'emploi. Cette réforme structurelle, associée à une concertation large, devrait nous permettre de parfaire le financement de la sécurité sociale.

Réforme structurelle, réforme inscrite dans la durée, concertation : telle est la méthode que nous avons choisie, avec la majorité et tous ceux qui souhaitent défendre la sécurité sociale.

Pour conclure, je tiens à souligner la qualité du débat que nous avons eu et à saluer le travail remarquable conduit par les rapporteurs, Mme Dominique Gillot, MM. Claude Evin, Denis Jacquat, Alfred Recours et Jérôme Cahuzac. Bien entendu, j'adresse des remerciements particuliers au président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée, Jean Le Garrec, qui a permis que se tienne un débat digne de ce que l'on peut attendre d'un débat démocratique et qu'attendaient sans doute ceux qui l'ont permis j'ai souligné à plusieurs reprises que je croyais que les ordonnances et le plan Juppé avaient au moins eu le mérite de nous permettre d'avoir ce grand débat démocratique.

Vos propositions ont enrichi le texte. Elles permettent de consolider l'objectif initial du Gouvernement : arriver à l'équilibre l'année prochaine, tout en faisant en sorte d'améliorer les prestations, la solidarité et la justice sociale et, bien sûr, de garantir et consolider le système de sécurité sociale pour tous.

Que ceux qui se retrouvent dans ces objectifs puissent nous rejoindre par leur vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens d'abord à joindre mes remerciements à ceux que Mme Martine Aubry a adressés à tous les rapporteurs et à tous ceux d'entre vous qui ont participé à ce débat tout au long de ces jours et de ces nuits ou pour quelques heures seulement.

Chaque année, la qualité du débat s'améliore. Ce fut encore le cas cette année sur le fond avec des positions qui se sont précisées d'une manière qui nous a, les uns et les autres, d'abord un peu surpris puis enchantés.

Défendre la sécurité sociale était essentiel mais y apporter un peu de renouveau n'était pas moins important. Je vous rappelle qu'il y a eu un véritable changement de culture en ce qui concerne la politique de santé publique.

Je pense en particulier aux objectifs de santé publique qui ont trait au dépistage des cancers féminins et de l'hépatite C.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

De même une mise en réseau a été organisée en orientant un peu différemment le système en fonction des priorités de santé publique définies par le Haut Comité de santé publique.

Des dispositions ont été prises pour prévenir les maladies aux conséquences mortelles, que l'on appelle les morts évitables ; cela répond à une demande ancienne. La qualité et la sécurité des soins ont été privilégiées. En fin, les usagers seront associés puisque, pour la première fois, ils seront non seulement consultés mais également partie prenante au système.

Ce changement de culture se marque également par la prise en charge, pour la première fois, de gestes non prescriptifs, comme la possibilité de se mettre en réseau. Un fonds d'amélioration de la qualité de la médecine, doté de 500 millions, permettra, je l'espère, à tous ceux qui veulent constituer des réseaux de pouvoir le faire.

Je le répète, c'est la première fois, en dehors d'expérimentations très ponctuelles, très limitées, que des gestes non prescriptifs, des gestes qui concernent la santé et non le soin, seront pris en charge par les caisses d'assurance maladie.

Pour certains, nous n'avons pas suffisamment parlé des hôpitaux. Pourtant, ils ont été présents tout au long du débat, puisque ces réseaux dont j'ai parlé ne se limitent pas au secteur libéral, mais travaillent en concordance avec les réseaux hospitaliers.

Je vous remercie d'avoir avancé des idées qui ont permis d'enrichir le débat, et je vous dis à bientôt.

(Sourires sur divers bancs et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Explications de vote

M. le président.

Mme la ministre et M. le secrétaire ont été extrêmement concis. Je suis sûr que les députés vont relever le défi.

Dans les explications de vote, la parole est à M. François Goulard, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. François Goulard.

Nous avons consacré toute la semaine dernière à l'avenir de notre système sécurité sociale. C'est beaucoup dans notre calendrier parlementaire, mais c'est peu au regard de l'importance du sujet.

Ce débat a été l'occasion pour tous les membres de l'Assemblée de rappeler leur attachement à la sécurité sociale. Proclamer cet attachement ne constitue ni une précaution oratoire ni une vaine incantation, car il est nécessaire de répéter que, comme tous les Français, nous sommes tous attachés à la sécurité sociale.

Nous croyons tous qu'une solidarité doit s'exercer entre générations pour garantir le paiement des retraites.

Nous croyons tous qu'une solidarité doit s'exercer entre nous en faveur des familles et des enfants, pour faire en sorte que l'accès aux soins ne se heurte pas à des obstacles financiers.

Cela dit, et eu égard aux objectifs que je viens de rappeler, le groupe Démocratie libérale considère que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte trois lacunes très graves.

La première concerne les retraites. Chacun sait, pour qu'il ne soit pas besoin de le rappeler, que nos régimes de retraites par répartition seront, à partir de 2010, dans l'incapacité d'atteindre un équilibre satisfaisant.

Mme Nicole Bricq.

Le débat n'aura jamais autant avancé que cette année !

M. François Goulard.

Tout le monde sait aussi que le fonds de réserve qui a été institué et qui, dans le principe, ne constitue pas un mauvais mécanise, n'est pas doté à la hauteur des besoins : 2 milliards de francs, alors qu'il faudrait cent fois plus !

Mme Nicole Bricq.

C'est un début !

M. François Goulard.

Tout le monde sait aussi qu'il est nécessaire d'instaurer des fonds de pension. D'ailleurs, le ministre de l'économie et des finances est, fait exceptionnel, venu participer au débat pour nous rappeler la nécessité de ces fonds non seulement pour garantir les retraites mais également pour assurer le bon fonctionnement des marchés financiers.

Mais voilà, le groupe communiste a fait de ce sujet un sujet politicien.

(Exclamations sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Goulard l'orfèvre !

M. François Goulard.

Le groupe communiste a fait de la surenchère sur ce thème et bloque les projets du Gouvernement. Nous ne sommes pas dupes : nous savions très bien, avant que l'annonce officielle n'en soit faite la semaine dernière, que le Gouvernement prépare un projet de fonds de pension.

M. Alain Barrau.

A la française !

M. François Goulard.

Oui, à la française, mon cher collègue ! D'ailleurs, comment en serait-il autrement ? Je vais, quant à moi, faire une proposition d'une simplicité extrême.

Il existe déjà un très bon fonds de pension à la française : celui dont bénéficie les fonctionnaires. Nous ne considérons pas qu'il faille remettre en cause cet avantage qui est parfaitement justifié, mais on pourrait étendre le mécanisme de la PREFON à l'ensemble de nos compatriotes. Cela ne serait que justice et de nature à sauver nos retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

En ce qui concerne l'assurance maladie, la critique ne vient pas seulement de nous : elle vient aussi, par exemple, du directeur général de la CNAM, M. Johanet, qui nous dit que les Français paient de plus en plus cher pour une assurance maladie qui les rembourse de moins en moins bien.

M. Arnaud Lepercq.

C'est vrai !

M. François Goulard.

Face à cette réalité, nous avons le devoir de réfléchir à l'organisation de notre assurance maladie.

Vous nous proposez, madame la ministre, une mesure d'encadrement général. Nous pensons, quant à nous, que l'encadrement général est déresponsabilisant, qu'il est injuste et pénalisant non seulement pour toutes les professions médicales, mais également pour tous les patients.

Je n'hésite pas à qualifier votre dispositif d'épouvantable (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste) car il ajoute à une baisse tarifaire en cours d'année un encadrement global.

Je pense que les professions de santé n'ont pas encore perçu toutes les conséquences de ce mécanisme. Je suis certain que, lorsque vous tenterez de le mettre en oeuvre, vous serez confrontée à une révolte des professions de santé qui rendra votre loi totalement inopérante et nous serons ramenés à notre point de départ car le problème ne sera pas résolu.

C'est pour cela que nous disons clairement - hélas ! nous sommes dans cet hémicycle les seuls - qu'il faut réfléchir à d'autre modes d'organisation.

M. Alfred Recours.

Drôle d'« Alliance » !

M. François Goulard.

J'ai l'habitude de dire les choses clairement.

Il importe que nous réfléchissions à d'autres modes d'organisation reposant sur l'autonomie et la décentralisation des caisses des organismes de sécurité sociale, dans un cadre de concurrence maîtrisée qui permette de gagner en liberté et en responsabilité et d'éviter tous les inconvénients que je viens de signaler.

Si je déplore que nous soyons les seuls à le dire sur ces bancs, je relève aussi que, dans nombre de pays étrangers, aussi socialement avancés que le nôtre sinon davantage, tels que la Hollande, l'Allemagne ou la Suisse, de tels dispositifs ont été mis en oeuvre depuis des années et qu'ils donnent des résultats.

Voilà ce que nous affirmons aujourd'hui, et je tiens à le faire pour ma part avec une certaine solennité.

J'en arrive, enfin, à la famille.

Je rappelle que les familles sont dans notre pays les grandes perdantes dans la redistribution du pouvoir d'achat. Nous déplorons que votre projet de loi, cette année comme l'année dernière, ne comporte aucune mesure significative en leur faveur.

Ces trois lacunes très graves - quant aux retraites, à la réforme de l'assurance maladie, qui doit être préservée à terme, et à la famille - nous conduisent à voter contre votre projet de loi de financement de la sécurité sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Alfred Recours, pour le groupe socialiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. Alfred Recours.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'année 1999 sera celle du retour à l'équilibre financier de la protection sociale.

M. Arnaud Lepercq.

On n'y est pas encore !

M. Alfred Recours.

Après plus de 50 milliards de déficit en 1996, après 33 milliards en 1997 et 13 milliards en 1998, la démonstration est faite que les déficits sociaux ne sont pas inéluctables.

La protection sociale peut être pérennisée sur des bases financières saines et solides. Certes, nous dira-t-on, il y a eu l'effet de la croissance, mais pour 6 milliards de francs seulement, et l'on oublie de dire que la redistribution de 1,1 % de pouvoir d'achat aux salariés par le basculement des cotisations d'assurance maladie sur la CSG a contribué à cet effet de croissance. Pour le reste, il s'est agi de l'effet du transfert des cotisations, de l'élargissement de la contribution aux revenus du capital, et des mesures structurelles prises par le Gouvernement.

Ce succès fondamental est le résultat de notre politique effectuée, contrairement au plan Juppé, sans prélèvements supplémentaires sur les assurés sociaux, sans baisse des p restations, sans baisse des remboursements.

(« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

L'année 1999 sera aussi celle de la mise en place de la couverture maladie universelle, accompagnée de toute une série de dispositions qui améliorent ou garantissent les prestations servies.

Je citerai, par exemple, la création d'un fonds de réserve des retraites par répartition, la revalorisation, supérieure aux années précédentes, des retraites dans l'attente du rapport Charpin, en rupture, il faut le signaler, avec les mesures d'avant 1997, telles que la hausse non compensée de la CSG en 1993, l'instauration du RDS en 1996 et l'augmentation des cotisations maladie en 1996 et 1997.

Je citerai encore la revalorisation des retraites agricoles grâce à un excédent de CSG,...

M. Christian Jacob.

Il ne faut pas exagérer !

M. Gilbert Meyer.

Parlez-nous plutôt des allocations familiales !

M. Alfred Recours.

... la prise en charge par l'Etat de l'allocation pour parent isolé, l'extension aux familles d'un seul enfant de l'allocation de rentrée, elle-même fortement augmentée, le relèvement à vingt ans de la limite d'âge pour les allocations familiales et les aides au logement,...

M. Gilbert Meyer.

Parlons-en !

M. Alfred Recours.

... et le milliard de francs supplémentaire pour le développement des crèches.

Quelle différence avec le gel des prestations familiales, avec leur assujettissement au RDS,...

M. Alain Barrau.

Eh oui !

M. Alfred Recours.

... avec l'imposition des indemnités de maternité, au nom de la famille, je suppose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Il a la mémoire courte !

M. Alfred Recours.

Quelle différence aussi avec la réduction de l'allocation de rentrée scolaire !

Mme Nicole Bricq.

C'est vrai !

M. Alfred Recours.

Je citerai encore la revalorisation de 2,6 % de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, soit cinq fois l'inflation sur les douze derniers mois, le financement des lits médicalisés, la lutte contre l'alcoolisme chez les jeunes, l'amélioration du dépistage du cancer, la mise en place d'un fonds d'amélioration de la qualité de la médecine.

Les débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle ont permis en outre la décision de principe d'abrogation de la loi Thomas sur les fonds de pension, qui pénalisait, au bénéfice des plus favorisés, les recettes de la protection sociale et accentuait son déséquilibre.

Je citerai également la revalorisation du minimum vieillesse et de l'AAH. Quant à la réforme de l'allocation veuvage, elle va cesser d'être dégressive, et cette allocation sera augmentée de plus de 1 000 francs par mois la deuxième année et pourra, sous certaines conditions, être cumulable avec un emploi. Nous, nous ne parlons pas des veuves : nous faisons pour les veuves !

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Arnaud Lepercq.

A quel taux ?

M. Alfred Recours.

Je citerai aussi l'exonération totale des cotisations patronales pour les associations d'aide à domicile, l'engagement du Gouvernement sur un projet de réforme des cotisations patronales avant la fin du premier semestre de 1999, projet plus favorable aux entreprises de main-d'oeuvre et à l'emploi, parallèlement au débat sur les retraites - ce problème aussi, nous le prendrons à bras-le-corps ! Je n'oublierai pas la lutte contre le tabagisme chez les jeunes ni la création d'unités de soins palliatifs.

Finalement, le cru 1999 de la loi de financement sera donc un bon cru, puisqu'il poursuivra l'action engagée et préparera l'avenir et la pérennité de notre protection sociale. Encore faut-il le voter ! C'est ce que, au nom du groupe socialiste, je vous invite, mes chers collègues, à faire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette troisième loi de financement aurait pu être celle d'un nouvel élan pour sauver l'institution à laquelle les Français sont attachés et dont le gouvernement précédent a courageusement engagé, par une réforme constitutionnelle et par les ordonnances du 24 avril 1996, la refondation, qui permet au Parlement de débattre des quelque 1 800 milliards de francs que nos concitoyens consacrent chaque année à leur protection sociale.

Mais le gouvernement actuel, après avoir critiqué injustement et sans mesure la réforme, loin de la remettre en cause, en fait le pire usage en la dévoyant par manque de courage et dogmatisme.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Tiens donc !

M. Bernard Accoyer.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est bien celui des occasions manquées et des règlements de compte.

Occasion manquée pour consolider les comptes : en retenant des hypothèses de croissance et de progression de la masse salariale déraisonnables, en méconnaissant les effets de la conjoncture mondiale sur l'activité, en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

méconnaissant l'effet des 35 heures sur les salaires, le Gouvernement oublie qu'il ne bénéficiera pas une nouvelle fois, comme ce fut le cas en 1998, de l'action d'assainissement de ses prédécesseurs et de la même croissance.

(« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Occasion manquée pour la réforme des cotisations des employeurs : les querelles, au sein de la majorité comme au sein du Gouvernement, sur cette question fondamentale pour l'emploi ont conduit à la paralysie. Rien n'est finalement prévu dans la loi, mis à part des voeux pieux et une remise en cause des réductions de charges pour les bas salaires et les premières embauches.

(« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Occasion manquée pour le sauvetage des retraites par répartition : le Gouvernement, empêtré dans ses contradictions et ses connivences, refuse la vérité démographique ainsi que l'évidence de l'impasse financière et sociale des retraites. Après s'être opposés, en 1993, à la courageuse réforme des retraites du secteur privé, en 1995 à la simple évaluation des régimes spéciaux, en 1997 aux fonds de pension, les socialo-communistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) ...

M. Georges Hage.

L'expression est obsolète ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Voilà qui nous rajeunit !

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues !

M. Bernard Accoyer.

... se rendent aujourd'hui coupables de trois erreurs, de trois fautes.

Tout d'abord, ils font croire aux Français qu'avec le fonds de réserve de la retraite par répartition notre système de retraite serait consolidé, alors qu'il n'est doté que de 2 milliards de francs, somme dérisoire qui ne représente que six semaines de remboursement de la dette sociale que le même gouvernement, l'année dernière, prolongeait ici même de cinq ans ! Et tout cela alors que ce sont des centaines de milliards supplémentaires qui seront nécessaires, chaque année, à partir de 2005 ! Ensuite, le Gouvernement abroge la loi sur les fonds de pension pour satisfaire les exigences de ses alliés communistes. Par là même, il tourne le dos aux réalités.

Enfin, le Gouvernement refuse l'ouverture à tous les salariés, demandée par le RPR, des retraites complémentaires par capitalisation, ouvertes depuis trente ans aux seuls agents des collectivités publiques.

Occasion manquée pour la réforme de l'hospitalisation : elle n'est même pas mentionnée dans la loi, au mépris de la qualité des soins et du poids de la plus conséquente enveloppe financière de l'assurance maladie.

Mais, au-delà des occasions manquées, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 est aussi celui des règlements de comptes.

Règlement de comptes avec les familles : si le Gouvernement, cédant à la pression, rend d'une main les allocations familiales, il ne rend pas pour autant l'argent prélevé sur les familles en 1998 et il reprend de l'autre main, par le biais de la loi de finances, encore plus aux familles, avec la baisse du quotient familial.

Pourquoi faut-il, madame la ministre, que, pour la deuxième année consécutive, seules les familles avec enfants paient davantage d'impôts ? Règlement de comptes avec les professions libérales de santé : au lieu de mettre en application les propos lénifiants qu'il tient en leur direction, le Gouvernement les étrangle en dévoyant l'esprit des ordonnances de 1996.

Les médecins sont pris dans un véritable étau, dans la tenaille des tarifs flottants et des reversements collectifs au franc le franc, arithmétiques et fiscalisés sur leurs revenus.

Pourquoi seraient-ils seuls et collectivement responsables des multiples causes, bien connues, de la hausse des dépenses de santé ? Pour le RPR, la responsabilité ne saurait être collective, une clause financière ne devant être conçue que dans l'évaluation médicalisée et individuelle, dans un but dissuasif et non comptable. Chacun doit assumer son rôle et ses responsabilités.

Parce que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, tournant le dos à trente ans de vie conventionnelle, fait changer la nature du système de soins français, parce qu'il est celui des occasions manquées pour la consolidation des comptes, la réforme des cotisations, des retraites et de l'hospitalisation, parce qu'il est celui des règlements de comptes avec les professions libérales de santé et les familles, parce que les gaullistes refusent que la sécurité sociale devienne une cause d'insécurité sociale, le groupe du RPR votera contre ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe communiste.

M me Jacqueline Fraysse.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme vous le savez, ce texte ne nous satisfait pas pour une raison essentielle : il ne dégage pas des moyens financiers suffisants pour atteindre les objectifs qu'il se fixe.

Nous partageons, pour l'essentiel, les objectifs : le maintien et la consolidation du système de retraite par répartition, la nécessité de développer la prévention et de renforcer la politique de santé publique, une meilleure reconnaissance et une meilleure réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles - je pense notamment à celles dues à l'amiante -, l'amélioration de la qualité des soins et l'accès des soins à tous.

Nous approuvons également les mesures positives en matière de politique familiale, prises à partir du travail mené depuis l'an dernier, telles que le retour aux allocations familiales sans condition de ressources ou l'attribution de l'allocation de rentrée scolaire dès le premier enfants, dont plus de trois cent mille familles vont bénéficier.

Nous approuvons également l'augmentation de 1 milliard de francs du budget annexe des prestations sociales agricoles.

De plus, et je m'en félicite, le débat a indiscutablement fait progresser le texte.

Ainsi, le minimum vieillesse a été revalorisé de 2 %. Il s'agit là d'un pas, même s'il est modeste et s'il reste insuffisant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Le minimum de pension de réversion a également été revalorisé à 2 % - la mesure concerne 600 000 veuves et les dispositifs de reversement de l'allocation veuvage ont été améliorés. Ces dispositions représentent en tout 300 millions de francs.

Concernant les retraites, l'article 1er a été amendé pour que figure dans le texte l'abrogation de la loi Thomas instituant les fonds de pension contre lesquels, vous le savez, nous nous sommes élevés farouchement. Je n'entends pas l'approbation de la droite...

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Si cela ne règle pas tout, cela lève des ambiguïtés préoccupantes, que nous avions soulignées quant aux fonds de réserve. C'est là une des raisons qui nous a conduits à demander, et notre amendement a été retenu, que les partenaires sociaux siègent au comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse et du fonds de réserve.

Par ailleurs, nous nous félicitons d'avoir obtenu que la campagne de prévention et de suivi des soins buccodentaires pour les jeunes soit étendue aux centres de santé, que les dispositifs relatifs aux aides à domicile soient modifiés afin de favoriser les associations agréées et la professionnalisation des emplois concernés, et que le débat sur la réforme des cotisations patronales ait été fixé au premier semestre de 1999.

Tout cela me conduit au point central des préoccupations du groupe communiste et de nos responsabilités communes : le financement de la protection sociale.

En donnant la majorité aux forces de gauche, les électeurs ont exprimé avec force le rejet de choix politiques, au coeur desquels figurait le plan Juppé tant par son contenu que par sa méthode autoritaire.

La droite a d'ailleurs montré qu'au-delà des manoeuvres démagogiques dont elle a usé tout au long du débat, c'est bien à cette logique qu'elle reste attachée, comme elle reste attachée aux fonds de pension, ainsi qu'on vient de le rappeler.

(« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe communiste.) Nous avons nous au contraire le devoir d'en changer, de développer une politique de santé et de protection sociale plus complète, plus juste et plus solidaire. Cette nouvelle politique a besoin de moyens. Ces moyens existent dans un pays comme le nôtre, pourvu que l'on décide de les mettre à contribution avec courage et déterm ination pour réussir. C'est notre volonté, notre démarche et l'objet de nos propositions.

Vous vous étiez engagés à réformer l'assiette des cotisations patronales. Vous gardez ce cap, mais cette réforme est de nouveau reportée.

Vous souhaitez une modulation favorable à l'emploi.

Nous partageons cette volonté. Reste cependant à en examiner les modalités concrètes.

Surtout, vous n'envisagez pas, du moins à cette étape, d'augmenter l'enveloppe actuelle, ce qui vous conduit à rester dans une démarche première, sinon exclusive, de réduction des dépenses. Pourtant, la sécurité sociale souffre bien d'abord d'un manque de recettes. C'est d'ailleurs ce que vous dites vous-même pour justifier l'impossibilité d'attribuer les allocations familiales dès le premier enfant - attribution souhaitée par tous -, celle d'indexer les pensions de retraites sur les salaires ou l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, « sans doute insuffisant », comme le reconnaissait M. Evin en séance.

La question du financement est donc essentielle. C'est l'une des raisons majeures qui nous conduit à proposer d'élargir l'assiette des cotisations patronales au-delà des salaires. Comme vous le disiez vous-même : « Il convient de rééquilibrer les contributions des revenus du capital et du travail. » Il est en effet indispensable de faire contri-

buer notamment les revenus des placements financiers des entreprises et institutions financières. Ce sont des sommes très importantes qui ne vont ni aux salaires, ni à l'investissement productif, ni à l'emploi, donc.

Outre que ce serait un progrès vers davantage de justice sociale - vous évoquiez vous-même la nécessité de

« supprimer les avantages disproportionnés accordés à certains » -, cela réorienterait des sommes gâchées dans la spéculation, donc confisquées à la nation, vers la relance économique, tout en dégageant des moyens dont le pays a impérativement besoin pour répondre aux objectifs que nous nous fixons en faveur de la famille, des retraités et de la santé. Je ne reviens pas sur la situation de l'hôpital, et pourtant...

M. le président.

Veuillez conclure, madame Fraysse !

Mme Jacqueline Fraysse.

Le financement est donc une question centrale, je le répète. Si l'on n'avance pas sur ce point, l'avenir de notre système de protection sociale sera en jeu.

Nous voulons croire que les semaines et les mois qui viennent seront mis à profit pour progresser. La méthode reste à fixer. Travaillons-y collectivement ! Appuyonsnous sur les citoyens, les états généraux auxquels il faut donner un souffle nouveau, pour que ces problèmes soient au coeur de leurs débats !

M. le président.

Veuillez conclure, madame, s'il vous plaît ! (« Oui, il est temps de conclure ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Jacqueline Fraysse.

C'est une grande question de société. Elle doit mobiliser le pays en prenant en compte les avancées que je viens de rappeler. C'est dans cet état d'esprit, critique à cette étape mais résolument constructif et exigeant, que le groupe communiste...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Vote contre !

Mme Jacqueline Fraysse.

... s'abstiendra.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Nous avons débattu pendant près d'une semaine de la troisième loi de financement de la sécurité sociale. Ce débat constitue un progrès démocratique indéniable. Merci donc à Alain Juppé et à Jacques Barrot, qui l'ont rendu possible.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne convient pas à l'UDF. Nous voulons sauvegarder notre protection sociale, refusant à la fois l'étatisation et la privatisation. Nous souhaitons des relations fondées sur le respect de l'autonomie des branches, le respect des contrats, la responsabilité des personnes et la décentralisation.

Nous vous reprochons des prévisions de recettes optimistes, des prévisions de dépenses optimistes, mais surtout de ne pas préparer l'avenir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Les prévisions de recettes sont optimistes. Elles sont en effet calculées sur une prévision de croissance de 2,7 %, chiffre retenu au printemps avant la crise du Sud-Est asiatique et la crise russe. Qui y croit encore ? Elles sont également calculées sur une augmentation de la masse salariale de 4,3 %, alors même que sont engagées des négociations sur l'application de la loi sur les 35 heures qui vous tient tant à coeur, mais qui conduit les chefs d'entreprise à limiter les augmentations de salaire. Plus 4,3 %, qui y croit encore ? L'Etat ferait mieux de compenser les exonérations de charges qu'il décide - 17 milliards non compensés. L'Etat employeur, l'Etat financeur devrait payer son dû sans délai. Il paye pourtant incomplètement et avec retard RMI, ARS, etc. -, mettant à la charge de la protection sociale des agios et intérêts.

Vous vous glorifiez d'avoir réduit le déficit en 1998 sans prélèvements supplémentaires. Est-ce un exploit ? Non ! Car vous oubliez de rappeler que les épargnants ont été mis à contribution pour 23 milliards supplémentaires. Beaucoup de retraités modestes vivent de leur épargne et reçoivent, incrédules, leur feuille d'appel de la CSG pour 23 milliards.

M. Bernard Accoyer.

C'est un racket !

M. Jean-Luc Préel.

Vos prévisions de dépenses sont optimistes. L'ONDAM prévoit une augmentation apparemment généreuse de 2,6 %, mais celle-ci s'applique sur les prévisions 1998. Or les dépassements, notamment pour les spécialistes, ont déjà mangé les 2,6 %. L'augmentation pourrait donc être pour eux négative.

Mais surtout, ce que nous vous reprochons, c'est que vous ne préparez pas l'avenir.

Pour la famille, socle de notre société, proposez-vous une politique familiale globale, indispensable à l'avenir du pays ? Non ! Après avoir mis les allocations familiales sous condition de ressources, reconnaissant votre erreur, vous rétablissez l'universalité. Mais, en contrepartie, vous abaissez le quotient familial, ce qui pénalisera 400 000 familles.

Vous nous présentez le PACS, mais vous ne prévoyez rien pour simplifier les vingt-trois prestations et allocations.

En outre, vous augmentez les allocations familiales de moins de 0,5 % par rapport aux retraites. La famille n'est donc pas pour vous une priorité ! Pour la retraite, nos aînés ont droit à la reconnaissance de la nation et à la solidarité des générations. Si le régime général est à peu près équilibré, grâce aux mesures co urageuses prises par M. Balladur et Mme Veil, le problème majeur est bien celui des régimes spéciaux. De nombreux rapports ont déjà été effectués. Chacun sait qu'en raison du « papy-boom » il nous manquera 150 milliards de francs en 2005. Que proposez-vous ? D'attendre encore un an avant de prendre les décisions indispensables, d'attendre un énième rapport... Le fonds de réserves de 2 milliards de francs que vous avez créé est un véritable gadget improvisé et vous ne dites pas comment il sera financé, comment il sera géré. Vous refusez les fonds de pension en voulant abroger la loi Thomas.

L'UDF souhaite conforter la retraite par répartition en donnant une réelle autonomie à la CNAV, en renforçant le rôle des partenaires sociaux, en les laissant gérer. Dans un esprit de clarté et de tranparence, nous demandons une caisse de retraite des fonctionnaires gérée de manière paritaire. Nous réclamons également la mise en place d'une épargne retraite.

Pour la santé, préparez-vous l'avenir ? Non ! Alors qu'en France, nous sommes bons pour le curatif, mais médiocres pour la prévention et l'éducation à la santé, vous n'avez pas pris ce problème à bras le corps. Il n'y aura toujours pas de politique pluriannuelle, coordonnée, financée à hauteur des enjeux prenant en compte la mortalité prématurée évitable.

Pour les hôpitaux, vous ne nous avez pas indiqué les critères de répartition des enveloppes pour corriger les inégalités régionales, pour répondre aux besoins de la population et pour mieux faire fonctionner les établissements en réseaux. Vous n'avez rien présenté concernant la formation initiale ou continue des praticiens, pour les spécialités sinistrées et pour revoir le statut en prenant en compte la pénibilité du travail.

M ais surtout, s'il est nécessaire de maîtriser les dépenses de santé, vous vous orientez vers des mesures autoritaires, des sanctions collectives tout à fait inacceptables. Vous faites voter deux mécanismes. D'abord, les lettres clés flottantes retireront toute lisibilité aux PME que sont les laboratoires de biologie ou les cabinets de radiologie. Surtout, vous décidez d'un impôt social sur le revenu qui pénalisera le bon médecin consciencieux appliquant les bonnes références médicales, parce que ses collègues auront dérapé.

A l'UDF, nous sommes partisans d'une optimisation des dépenses en responsabilisant chacun des acteurs. Pour nous, la société est au service de l'homme. Nous faisons confiance à l'homme, à la personne, à sa responsabilité.

C'est pourquoi nous sommes opposés à toute sanction collective et favorables à une individualisation. L'important pour nous est de sauvegarder notre protection sociale en refusant à la fois l'étatisation et la privatisation.

Par conséquent, à notre grand regret, nous voterons contre votre projet de loi, parce que vous ne donnez aucune autonomie aux branches, parce que vous ne respectez pas les contrats signés, parce que vos prévisions de recettes et de dépenses sont optimistes, mais surtout parce que vous ne préparez pas l'avenir, ni pour la famille, ni pour les retraités, ni pour la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit pour les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Georges Sarre, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, en matière de régulation des dépenses de santé, les orientations du Gouvernement ne nous semblent pas toutes encore en mesure d'améliorer suffisamment la qualité des soins et d'utiliser les ressources de manière optimale.

Nous avons beaucoup évoqué les sanctions financières au cours des débats. Leur aspect collectif n'est pas bon.

Nous pensons en outre que ce procédé est inefficace. Par ailleurs, les orientations vers le déconventionnement sélectif des médecins nous font craindre à terme une possible mise en concurrence des caisses avec les assurances privées, alors que nous restons attachés au monopole de la sécurité sociale en matière d'assurance de base. La réforme structurelle de notre système de soins reste à faire.

L'abrogation de la loi Thomas est un signe sur le plan symbolique. Cette atteinte au régime par répartitiono uvrait la voie, par son caractère facultatif, à un


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accroissement des inégalités devant la retraite. Pour faire face au grand défi du vieillissement, si nous devons demain instituer un étage supplémentaire de retraite sous forme d'épargne salariale, il nous faudra au préalable réaffirmer avec force certains grands principes auxquels nous sommes tous attachés : aucune atteinte ou remise en cause du système par répartition, pas de logique spéculative, et enfin une égalité garantie pour tous devant ce troisième étage. Le projet annoncé par le Gouvernement est encore à l'état d'ébauche. Nous veillerons, le moment venu, à la traduction concrète de ces principes. Il n'est pas question de voir un jour consacrés dans notre pays les fonds de pension à l'anglo-saxonne.

Entre-temps, nous prenons acte de la revalorisation du minimum vieillesse. Sans doute aurait-il fallu aller plus loin et revenir à une indexation des pensions sur les salaires. Le système actuel conduit en effet à une paupérisation relative des retraités et va à l'encontre du principe de mutualisation des risques qui constitue la raison d'être de la retraite par répartition.

Le groupe RCV salue l'inscription dans la loi de la décision du Gouvernement, prise à l'occasion de la conférence de la famille, de renouer avec le caractère universel de notre politique familiale. En revenant sur le plafonnement des allocations familiales, le Gouvernement a pris une sage décision. Nous avons défendu ces derniers jours le remplacement du quotient familial enfant par un abattement forfaitaire égal au plafond actuel de l'avantage fiscal résultant du quotient. Nous estimons par ailleurs que nous pourrions dès demain opter pour des allocations familiales dès le premier enfant.

Faisant la part des choses, tenant compte de certaines avancées ou annonces, le groupe RCV votera ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'ensemble du projet : Nombre de votants ...................................

542 Nombre de suffrages exprimés .................

509 Majorité absolue .......................................

255 Pour l'adoption .........................

266 Contre .......................................

243 L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Suspension et reprise de la séance La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

3 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

Le rapport de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, no 1138, porte sur les cinq propositions de loi de : M. Jean-Pierre Michel (no 1118) ; M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues (no 1119) ; M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues (no 1120) ; M. Guy Hascoët et plusieurs de ses collègues (no 1121) ; M. Alain Tourret (no 1122).

J'informe l'Assemblée que le bureau de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, saisi en application de l'article 92, alinéa 2, du règlement, a décidé que les dispositions de l'article 40 de la Constitution n'étaient pas applicables à la proposition de loi adoptée par la commission des lois constitutionnelles, de l a législation et de l'administration générale de la République.

Nous allons commencer l'examen d'un texte qui, je le sais, est controversé. Je souhaite vivement qu'au cours des débats, le respect mutuel l'emporte et que notre assemblée montre le maximum de dignité.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la commission des lois vous propose pour la deuxième fois en un mois...

M. Bernard Accoyer.

Est-ce bien constitutionnel ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... de donner un statut légal aux couples non mariés. Cette situation peu ordinaire, il est vrai, est la conséquence d'un événement parlementaire exceptionnel : l'adoption d'une exception d'irrecevabilité, dont l'objet est de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou à plusieurs dispositions de la Constitution. En l'occurrence, vous en conviendrez tous, cette motion de procédure doit son adoption à un rapport numérique momentanément favorable à l'opposition plutôt qu'à la démonstration du caractère inconstitutionnel du texte issu des travaux de la commission des lois. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lionnel Luca.

Ça commence mal !

M. Bernard Accoyer.

On met en doute la démocratie ?...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Quoi qu'il en soit, l'Assemblée a été ainsi privée de la possibilité d'avoir un débat de fond sur l'opportunité de conférer un statut


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

légal à ceux, de plus en plus nombreux, qui ont fait le choix de vivre leur vie à deux, sans vouloir ou sans pouvoir se marier.

Afin de relancer le débat sans tarder, cinq propositions de loi ont été déposées. Toutes tiennent compte des travaux antérieurs de la commission des lois, mais elles s'en écartent sur plusieurs points et constituent autant de textes nouveaux qui ne sont pas rigoureusement identiques au texte repoussé. Il s'agit de la proposition de loi no 1118 que j'ai déposée, de la proposition de loi no 1119 déposée par Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste, de la proposition de loi no 1120 déposée par Alain Bocquet et les membres du groupe communiste, de la proposition de loi no 1121 déposée par Guy Hascoët et les députés Verts et de la proposition de loi no 1122 déposée par Alain Tourret.

La commission des lois m'a fait l'honneur de me désigner pour rapporter ces propositions de loi. Toutes sont en débat, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là. J'ai proposé que les propositions nos 1118 et 1119, parfaitement identiques, constituent le texte soumis à la discussion de votre commission. Celle-ci l'a adopté, non sans l'avoir enrichi par le vote de plusieurs amendements.

Ce texte comprend douze articles. Par rapport au précédent, il complète les dispositions insérées dans le code civil sur plusieurs points : Seuls les biens acquis à titre onéreux par les partenaires sont soumis au régime de l'indivision ; les règles de l'attribution préférentielle peuvent s'appliquer, quelle que soit la cause de dissolution du pacte civil de solidarité ; celui qui souhaite mettre fin au pacte doit notifier sa décision à son partenaire au moins trois mois à l'avance ; En matière de droits de mutation à titre gratuit, l'abattement de 250 000 francs et le tarif spécifique restant réservés aux PACS ayant plus de deux ans d'ancienneté, il a paru nécessaire, pour répondre à des situations humainement difficiles, de faire exception à ce délai dans le cas où le donateur ou le testateur décédé serait reconnu atteint d'une des trente maladies graves recensées par le code de la sécurité sociale ; En ce qui concerne le logement, pour le transfert du bail et l'exercice du droit de reprise pour habiter, la condition de délai d'un an, respectivement de vie commune et d'ancienneté du PACS, est supprimée ; Sans faire entrer les fratries dans le champ d'application du PACS, le texte prévoit d'étendre à deux frères, deux soeurs ou un frère et une soeur résidant ensemble la plupart des conséquences du PACS, excepté celles relatives aux droits de succession et de donation, qui ne sont pas conciliables avec le régime fiscal souvent plus favorable des collatéraux.

La commission des lois a approuvé ce texte et l'a enrichi en adoptant plusieurs amendements importants.

Tout d'abord, un amendement du groupe communiste qui propose une meilleure rédaction de l'article 1er , précisant que le pacte peut concerner des couples hétérosexuels et homosexuels.

Le PACS sera déclaré au greffe du tribunal d'instance et non plus à la préfecture. Nous reviendrons au moment de la discussion des articles à cet amendement important.

La condition de résidence commune a été précisée.

Lorsque le PACS sera rompu par la volonté de l'un des partenaires, cette décision sera signifiée à l'autre. En effet, la signification a été jugée plus sûre et elle fait la preuve d'une date certaine, contrairement à la notification qui peut consister en une simple lettre recommandée.

L'Assemblée ayant décidé, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, de relever les abattements sur les droits de donation et de succession pour les conjoints, il est proposé de relever également ceux prévus par le PACS pour maintenir à un niveau strictement proportionnel l'abattement applicable dans ce cas.

Un amendement du Gouvernement prévoit que les couples homosexuels qui concluent un PACS se verront reconnaître la qualité d'ayant droit d'assuré social dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 161-14 du code de la sécurité sociale. Cet amendement a été, bien entendu, adopté par la commission des lois.

Enfin, il est prévu que la loi, lorsqu'elle sera promulguée, s'appliquera dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte pour les matières relevant de la compétence de l'Etat.

Tel est, mes chers collègues, ainsi amendé, le texte qui vous est présenté.

C'est un texte de liberté, laïque et républicain. Il prend en compte la réalité sociale d'aujourd'hui et s'efforce de proposer une solution pour les différents modes de vie qui coexistent. Ce faisant, il réintroduit dans le champ du droit nombre de nos concitoyens qui en sont exclus. Il renforce par là même le lien social. Et c'est bien là le rôle primordial du législateur.

Ce texte poursuit trois objectifs qui ne diffèrent qu'apparemment : la reconnaissance sociale du couple homosexuel et la volonté de régler des problèmes matériels rencontrés par eux et révélés cruellement par le sida ; la définition d'un cadre juridique plus stable pour les situations de concubinage ; l'extension de ce cadre aux relations de solidarité entre des personnes, y compris entre des frères et des soeurs. A ces situations, la proposition de loi apporte la même solution, qui prend en compte la situation du couple et ne concerne pas la famille, qui fait cesser la discrimination dont font l'objet ces couples dans notre droit positif.

C'est un texte de liberté, qui n'interdit pas et ne combat pas. Bien sûr, la sphère de la vie privée doit être respectée par le législateur républicain, et c'est le but de ce texte. Mais aucun contrat de droit privé ne peut entraîner d'effets juridiques publics sans une reconnaissance publique. C'est pourquoi le PACS est déposé dans un lieu public et non pas simplement conclu devant un notaire.

Alors j'entends dire ici ou là, et c'est la principale critique, que ce texte serait une machine de guerre contre le mariage. C'est totalement faux et il faut bien une certaine dose d'angoisses fantasmatiques pour y décerner une quelconque mise en cause du mariage.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En effet, mes chers collègues, si le mariage n'est pas aussi attractif qu'on pourrait le souhaiter, ce n'est pas la faute du PACS qui, d'ailleurs, n'existe pas encore.

M. Thierry Mariani.

C'est la faute à qui ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est à cause d'autres facteurs, sociaux, économiques, moraux. Au lieu de critiquer le PACS, certains seraient plus avisés - et mieux dans leur rôle - de faire comprendre à leurs fidèles toute la valeur du mariage.

(Applaudissements et rires sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Arnaud Lepercq.

Ça ne vole pas haut !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

En outre, défendre la famille, ce n'est pas défendre un modèle unique et obligatoire alors qu'il existe dans notre société plusieurs types de famille - l'UNAF en est d'ailleurs convenue lors des auditions auxquelles nous avons procédé avec Patrick Bloche qui, au nom même de l'enfant et de sa protection...

M. Thierry Mariani.

L'enfant n'apparaît même pas dans votre texte !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... méritent une égale attention. C'est bien également le but de ce texte.

La symbolique du PACS est celle du lien social renforcé fondé sur la reconnaissance mutuelle et la solidarité.

Ce texte est approuvé par une grande majorité de nos concitoyens (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Thierry Mariani.

C'est vous qui le dites, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... qui votent à gauche (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)... mais aussi à droite !

M. Yann Galut.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

De nombreuses lettres que j'ai reçues, et que je tiens à votre disposition, mes chers collègues, en témoignent amplement.

De plus, ce texte est attendu par une très grande partie de la jeunesse de notre pays.

M. Yann Galut.

Exactement !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Et au moment où l'on se plaint tellement qu'elle se détourne du monde politique, peut-être serait-il bon de voter un texte qui convienne à son mode de vie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.) La société française aura fait un grand pas...

M. Thierry Mariani.

En arrière !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... dans le sens de la reconnaissance de la diversité des modes de vie, et ce sera l'honneur de ce Gouvernement et de sa majorité d'avoir permis son adoption.

Mme Véronique Neiertz.

Très bien !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Au nom de votre c ommission des lois, mes chers collègues, je vous demande donc d'approuver la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité avec les amendements approuvés la commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le p résident, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'initiative de son président Jean Le Garrec, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a décidé de se saisir pour avis de cinq nouvelles propositions de loi relatives au pacte civil de solidarité.

Alors que le pacte civil de solidarité tend vers une plus grande égalité des droits en faisant disparaître un certain nombre de discriminations, sans que personne ne soit lésé, et sans qu'aucun droit existant ne soit remis en cause, il a été l'objet dans la plus récente période d'un feu nourri de critiques, expression de tous les conservatismes.

Si la modernité du pacte civil de solidarité dérange à ce point, c'est pour trois raisons principales que je souhaiterais développer.

M. Pierre Albertini.

C'est simpliste !

M. Michel Herbillon.

Ce n'est pas un problème de modernité !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Tout d'abord, parce que le PACS intéresse toute la société, ensuite parce que le PACS fait, pour la première fois, du couple un sujet juridique, enfin parce que le PACS, c'est un nouveau lien social.

Le PACS intéresse en 1998 toute la société.

Je ne souhaiterais pas aujourd'hui revenir plus qu'il ne faut sur l'histoire de ce texte qui trouve son origine dans l'émergence, au début des années 1990, d'une revendication, celle de la reconnaissance juridique du couple homosexuel, alors même que le sida créait des situations d'urgence sociale.

En effet, si le début des années 1980 a vu l'individu homosexuel devenir enfin un citoyen à part entière, une jurisprudence constamment réaffirmée fait que, aujourd'hui encore, si un couple de concubins a des droits restreints, un couple d'homosexuels n'a pas même le droit de se nommer tel.

La satisfaction de cette revendication va d'ailleurs permettre à la France d'être le premier pays de l'Union européenne à mettre en oeuvre une des dispositions du traité d'Amsterdam, visant à lutter contre l'homophobie, ce racisme en fonction des moeurs.

M. Yann Galut.

Très bien !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

J'ai d'ailleurs été surpris de constater ici ou là que certaines prises de position étaient marquées d'un bel optimisme en présumant de la disparition de l'homophobie dans la France de cette fin de siècle. Je ne suis malheureusement par certain - pour le regretter aussitôt - que ce qu'on appelle habituellement l'évolution des mentalités ait été à ce point rapide que soit d'ores et déjà atteint le stade de l'indifférence absolue.

Il reste que les sept années qui ont séparé la première proposition de contrat d'union civile du texte dont nous débattons aujourd'hui ont justifié de façon éclatante l'intuition initiale de celles et ceux qui, dès 1991, avaient fait le choix d'un cadre juridique global et unifiant, intéressant les couples hétérosexuels comme les couples homosexuels et, plus largement, deux personnes faisant le choix d'un communauté de vie sans dimension affective.

Il faut croire que cet attachement des promoteurs du PACS, dès l'origine, au principe d'universalité des droits et à la nette séparation de la sphère privée et de la sphère publique, leur réflexe laïque et républicain rejetant toute dérive communautariste et refusant donc un statut spécifique pour les couples homosexuels, dérange à un point tel que ce choix est encore contesté avec vigueur aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

J'ose le répéter, mes chers collègues, ce qui était, au départ, une revendication homosexuelle, intéresse aujourd'hui toute la société. Parce que 5 millions de nos concitoyens vivent en couple hors mariage alors qu'ils étaient cinq fois moins nombreux il y a vingt ans.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est leur droit !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Parce que les naissances hors mariage, qui sont constamment restées inférieures à 10 % entre 1960 et 1980, avoisinent aujourd'hui les 40 % et, pour le premier enfant, dépassent les 50 %. Mais aussi, et surtout, parce que le PACS fait, pour la première fois, du couple un sujet juridique.

Je sais bien qu'au sein d'une opposition parlementaire divisée (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Maurice Leroy.

On est là pourquoi d'après vous ?

M. Thierry Mariani.

Au moins, l'opposition parlementaire était présente le 9 octobre dernier !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Je dis divisée parce que j'ai lu les propos de M. Madelin dans Libération hier.

Je sais bien qu'au sein d'une opposition parlementaire divisée (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs)...

M. le président.

Mes chers collègues, gardez donc votre énergie pour d'autres moments ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Veuillez poursuivre, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Je sais bien qu'au sein d'une opposition parlementaire divisée, des conceptions, à l'archaïsme insensé, visent à considérer qu'entre l'individu et la famille, il n'y a toujours rien.

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas un rapport de commission ça !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Cette négation obstinée...

Mme Nicole Bricq.

Obscure !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... de l'existence du couple, que celui-ci soit composé d'un homme et d'une femme, de deux hommes, ou de deux femmes, est proclamée au nom d'une défense naturaliste de la famille et du mariage.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

C'est quoi une défense naturaliste ?

M. le président.

Un peu de calme ! Vous oubliez ce qu'est l'Assemblée nationale ! Vous devez vous écouter sans intervenir à tout moment !

M. Thierry Mariani.

Le rapporteur nous provoque !

M. le président.

Monsieur Mariani, ce débat va être long, il doit partir sur des bases saines. Lorsqu'un orateur s'exprime, vous devez l'écouter en silence.

La parole est donc à M. Bloche et à lui seul.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas un rapporteur, c'est un provocateur !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Je vous remercie, monsieur le président.

Ceux qui considèrent ainsi que le PACS contribuerait à une confusion des repères essentiels, qui ferait, à terme, le lit du Front national, témoignent finalement du peu de confiance qu'ils accordent eux-mêmes à l'institution du mariage.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Il est rendu ainsi un bien mauvais service à ce qui reste un modèle de vie à deux pour beaucoup de nos concitoyens, même si c'est un modèle parmi d'autres. La vigueur de cette institution serait sans doute renforcée par une meilleure perception de leurs droits et devoirs par celles et ceux qui continuent à faire le choix de cet engagement solennel. Tout laisse à penser, d'ailleurs, que l'existence du pacte civil de solidarité y contribuera.

A côté donc de l'institution matrimoniale, le PACS est un contrat entre deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, qui souhaitent organiser leur vie commune. Il n'interfère pas avec le droit de la famille et ne concerne pas les enfants, dont le statut est fort heureusement indépendant de celui de leurs parents. L'union libre reste de fait la troisième voie ouverte à celles et ceux qui refusent tout formalisme.

Je souhaiterais d'ailleurs m'arrêter un instant sur le devenir de l'union libre qui, visiblement, préoccupe ceux que j'appellerai, pour faire court, les libéraux-libertaires.

Pourquoi un cadre juridique nouveau, entend-on ici ou là ? Quelques aménagements adoptés, au fils du temps, par voie d'amendements, finiront par régler tous les problèmes. Et de charitables propositions de loi ont fleuri récemment afin de permettre à nos collègues de l'opposition de nous dire que, finalement, c'est simple, la vie ! C'est, en effet, simple la vie pour nos collègues de l'opposition, comme en 1993, où leurs amis du Sénat avaient fait annuler par le Conseil constitutionnel la disposition sur le transfert du bail...

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas un rapport !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... que l'on retrouve aujourd'hui dans la proposition de pacte civil de solidarité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Cinq ans de perdus et tant de drames qui n'ont pu être évités.

C'est simple la vie pour nos collègues de l'opposition, comme en 1996, quand M. de Courson fit adopter, par la majorité de droite d'alors, un amendement dont il tire encore gloire aujourd'hui...

M. Charles de Courson.

Tout à fait !

Mme Nicole Bricq.

Un amendement scélérat !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... et qui a été justement vécu par les couples non mariés, comme une agression caractérisée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Eh bien non, chers collègues de l'opposition, ce n'est pas si simple que cela, la vie ! Et je vais vous le montrer.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'existence d'un cadre juridique est ainsi un préalable indispensable tant il est difficile d'assortir la simple « possession d'état » de la reconnaissance de droits sociaux ou fiscaux, sans risque d'inciter à la fraude.

Dominique Strauss-Kahn justifiait ici même, le 16 octobre 1997, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, l'existence d'un statut juridique


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

permettant d'établir des liens de vie commune avant que ne soit notamment accordé le droit à l'imposition commune pour les couples non mariés au risque, dans le cas contraire, de créer « un contentieux considérable », avec la nécessité pour l'administration fiscale de faire la preuve d'un éventuel détournement de procédure.

De même, je me permets de rappeler que l'union libre, ce sont des droits, il est vrai restreints, mais pas de devoirs. Alors que le pacte civil de solidarité contient des obligations légales, qu'il s'agisse de l'aide mutuelle et matérielle ou de la solidarité, à l'égard des tiers, des dettes contractées par l'un des partenaires pour les besoins de la vie courante.

Enfin, la rupture de la communauté de vie dans l'union libre ne fait l'objet logiquement d'aucun formalisme et cette absence de dispositions juridiques pénalise, de fait, le plus faible. Le pacte civil de solidarité constitue ainsi un évident progrès puisque le juge, qui est celui du contrat, pourra intervenir en cas de rupture unilatérale pour régler les conséquences de celle-ci.

M. Charles de Courson.

Sur quelles bases ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Aussi, je trouve particulièrement inconvenant et inacceptable (« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) que l'argument de la répudiation, historiquement lié à l'adultère, ait pu être avancé.

Après la Bible brandie dans cet hémicycle, il y a à peine un mois, c'est le droit antique qui est appelé à la rescousse. Que d'excès ! Que de fantasmes véhiculés ! Que d'élucubrations qui ne sauraient avoir leur place dans ce débat de société qui nous mobilise et qui peut légitimement nous opposer.

Enfin, j'aborderai le troisième et dernier axe de mon intervention qui m'amène à considérer que le pacte civil de solidarité est un lien social moderne. L'intérêt d'un cadre juridique nouveau, d'une base contractuelle, est évident pour tous ceux qui veulent donner stabilité et sécurité à leur vie à deux. Je redis aujourd'hui mon intime conviction que la stabilisation du lien à l'intérieur du couple qu'autorise le pacte civil de solidarité renforce l'existence d'un cadre sécurisant pour l'enfant lui-même.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Ce nouveau contrat pose les bases d'une solidarité active et correspondant à une vraie demande sociale dans une société qui précarise un trop grand nombre de nos concitoyens, qu'il s'agisse de leur emploi ou de leurs conditions de logement. C'est parce que le PACS est un lien social moderne que nous ouvrons aujourd'hui ses dispositions, hormis celles relatives aux droits de mutation, à deux frères, deux soeurs, ou un frère et une soeur qui résident ensemble.

C'est toujours ce besoin d'une solidarité plus active qui nous a amenés à modifier également de manière substantielle le texte jugé irrecevable le 9 octobre dernier. Ainsi, afin de prendre en compte les dispositions du Préambule de la Constitution de 1946, la nécessité est apparue de prévoir un délai de trois mois au moins en cas de rupture unilatérale entre la signification au partenaire et l'effet même de la rupture. Les obligations qui bénéficient au partenaire non consentant ne cesseront donc pas soudainement.

Cette nouvelle disposition me donne l'occasion de souligner la qualité du travail effectué par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et la justification de sa saisine pour avis, puisque le texte présenté le 9 octobre dernier a été sensiblement modifié sur deux autres points.

Mme Nicole Bricq.

C'est très juste !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

A été ainsi supprimé le délai de deux ans de PACS pour bénéficier du calcul préférentiel des droits de mutation à titre gratuit pour les testateurs reconnus, atteints d'une affection de longue durée, tel que le prévoit le code de la sécurité sociale.

Enfin, a disparu le délai d'un an pour le bénéfice du transfert de bail et, symétriquement, pour l'exercice du droit de reprise par le bailleur. Nous avons ainsi pris en compte les difficultés rencontrées dans l'accès au logement soulignées, il n'y a pas si longtemps, lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné un avis favorable à l'adoption de la proposition de la loi relative au pacte civil de solidarité, dans le texte adopté par la commission des lois.

Mes chers collègues, comme vient de le rappeler JeanMichel Belorgey, l'un des signataires de la proposition de loi de 1992, il s'agit avant tout - et c'est notre rôle de législateur - de combler une faille du droit.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Tel est l'objet du PACS, de ce projet porté au débat public depuis sept ans et dont nous nous saisissons aujourd'hui. Que le débat au fond s'engage enfin, que la loi prenne en compte les évolutions de nos modes de vie, que nous soyons collectivement à la hauteur de notre responsabilité politique.

M. Maurice Leroy.

Ça c'est sûr que, le 9 octobre dernier, vous ne l'avez pas été !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Nous n'avons effectivement plus le droit d'attendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je veux d'abord souligner combien je regrette que nous n'ayons pas réussi, le 9 octobre dernier, à dépasser une motion de procédure pour discuter sereinement du fond de cette proposition de loi.

M. Thierry Mariani.

La faute à qui ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

L'exception d'irrecevabilité qui, à mon sens, n'a pas, loin s'en faut, démontré l'inconstitutionnalité de la proposition de loi...

M. Thierry Mariani.

Elle a été votée !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

... a, ce jour-là, mis prématurément un terme à notre débat.

M. Bernard Accoyer.

C'est la démocratie !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Elle est ici, la démocratie ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pensant à tous ceux qui attendent depuis longtemps l'avancée des droits que ce texte représente, je me réjouis que nous nous trouvions à nouveau réunis afin de discuter d'un nouveau texte instituant le pacte civil de solidarité, un texte précisé et complété.

Personnellement, je me suis amplement exprimée sur l'utilité de ce texte de justice et de solidarité. Aujourd'hui, je veux seulement répondre à deux objections : oui, il est bien nécessaire de légiférer ; oui, cette nouvelle proposition traduit mieux que la précédente nos objectifs.

En premier lieu, il est bien nécessaire de légiférer.

Il est important que notre droit prenne enfin mieux en compte la situation des personnes qui souhaitent organiser leur vie commune, mais qui ne veulent ou ne peuvent se marier. Nous l'avons dit plusieurs fois : elles sont aujourd'hui près de cinq millions. Admettre qu'elles existent est bien, mais c'est un simple constat ; les reconnaître en les intégrant dans notre ordre juridique, c'est beaucoup mieux !

M. Yves Cochet.

Très bien !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Les évolutions que notre société connaît depuis des dizaines d'années ne doivent plus être ignorées par la loi, ou comme certains le suggèrent, traitées à la petite semaine.

On ne peut sérieusement prétendre que, pour sécuriser les situations dont nous parlons, il serait inutile de légiférer.

D'abord, les aménagements du droit qui s'imposent - et dont presque tout le monde, sur ces bancs, admet la nécessité - requièrent de toute façon l'intervention du législateur.

Ensuite, on sait qu'un éventuel renforcement et élargissement du concubinage - simple état de fait - ne seraient pas suffisants. Pour ceux qui refusent le mariage, ou que le mariage refuse, nous devons tout de même être capables d'admettre qu'il est possible, deux cents ans après, d'apporter une solution juridique globale nouvelle dont la logique est autre que celle du mariage.

Le PACS offre une réponse à ces unions, une réponse qui ne concerne que le couple. Il n'enlèvera donc rien à l'intérêt du mariage. A ceux qui se demandent en quoi cela intéresse la société, je réponds simplement que cette dernière a tout à gagner à reconnaître un nouveau lien social et à organiser la solidarité de ces vies à deux.

Enfin, le pacte civil de solidarité a le mérite de lier aux droits nouveaux qui seront accordés des devoirs concrets, immédiats : l'aide mutuelle et matérielle, l'engagement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'autre pour les besoins de la vie courante. Avec le pacte civil de solidarité, l'engagement à deux devient à la fois plus fort, plus visible et ses conséquences sont claires.

Au-delà de la solution de problèmes matériels sérieux, la création du pacte civil de solidarité permet aussi, cela est très important, mes chers collègues, d'accorder une véritable reconnaissance à tous ces couples qui ne veulent ou ne peuvent se marier. Elle permettra donc, notamment, de mettre un terme à la discrimination que subissent les couples homosexuels et pour lesquels nous refusons d'instituer un cadre spécial communautariste.

Notre République est une. Reconnaître à ces couples un droit de cité est, nous ne l'avons jamais caché, un objectif essentiel de ce texte. Ceux qui croient voir là un aspect dissimulé du texte ne font que projeter leur propre difficulté à admettre cette réalité et cette liberté. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En second lieu cette nouvelle proposition de loi répond mieux que la précédente à nos objectifs, et c'est l'un des mérites du 9 octobre. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maurice Leroy.

Il faut donc aussi la rejeter pour faire encore mieux !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Nous avons en effet apporté des modifications nombreuses, positives au dispositif de la précédente proposition de loi. Je ne citerai que deux exemples, parce qu'ils sont éclairants sur la dimension sociale de ce texte et sur la sûreté juridique du nouveau contrat.

D'abord, nous avons revu les conditions permettant, au profit de l'un des partenaires du PACS, la continuation d'un contrat de location et le droit de reprise pour habiter. Ce droit est particulièrement important et symbolique : il est la réponse précise et tant attendue aux situations dramatiques qui se sont multipliées à la fin des années quatre-vingt du fait de l'augmentation des morts par sida. Combien de personnes ont-elles été chassées du domicile qu'elles partageaient depuis des années avec un compagnon, une fois celui-ci disparu et ses ayants droits réapparus ? Nous avons donc décidé de ne mettre aucun délai à l'ouverture de ce droit qui se justifie immédiatement, puisque le PACS lie deux personnes qui justement organisent leur vie commune.

Ensuite, même si le procès fait au premier texte d'instituer la répudiation était totalement abusif, nous avons précisé dans quelles conditions il peut être mis fin au PACS. Désormais, lorsque la volonté d'y mettre fin résultera du choix d'un seul partenaire, celui-ci devra signifier à l'autre sa décision trois mois avant d'en informer le service qui a enregistré le pacte.

M. Thierry Mariani.

Cela ne changera pas grand-chose.

La résolution sera seulement différée.

M. Richard Cazenave.

Très mauvais argument ! Ce n'est pas sérieux !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Cette modification permet de renforcer la sécurité juridique de la convention qui liera les deux partenaires. Sans rendre par elle-même la séparation moins douloureuse, elle permet, en différant son effet juridique, de mieux protéger les intérêts du partenaire.

Je rappelle par ailleurs, répondant ainsi par avance à ceux qui souhaiteraient encore parler de répudiation, que, s'il revient aux partenaires de déterminer eux-mêmes les conséquences de leur séparation, le juge peut, dans tous les cas, être appelé à intervenir s'il y a désaccord. C'est à lui que revient naturellement la protection du plus faible.

Le texte que nous examinons aujourd'hui a été améliorer par la commission des lois et la commissions des affaires culturelles et sociales.

M. Bernard Accoyer.

C'est le même !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Le procès fait au PACS, souvent virulent et relevant surtout de fantasmes et de préjugés que nous ne partageons pas,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

n'est pas fondé. Nous devons répondre à une campagne parfois mensongère de la droite qui cherche à susciter des peurs irraisonnées. Nos réponses sont claires.

Non, cette nouvelle convention ne porte en rien atteinte au droit de l'enfant.

Non, nul ne peut prétendre qu'un tel texte fragilise le mariage et la famille ! Le mariage subsistera, avec toute sa valeur symbolique. Il évoluera, avec ses réussites, ses propres difficultés et ses non-dits, mais il faut admettre que puisse désormais exister à côté une autre voie, celle du PACS.

Mes chers collègues, je l'ai déjà écrit mais je le répète à cette tribune : le PACS est non une invention de la passion mais le produit de la raison et de quelques grands principes auxquels, à gauche, nous tenons : liberté, solidarité, laïcité, dignité des personnes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Notre devoir de législateur est bien d'offrir aux situations d'aujourd'hui une solution légale d'aujourd'hui. Il est temps que notre droit reconnaisse enfin, entre l'individu et la famille, des alliances à deux, responsables et solidaires. Les trois semaines passées ne nous auront pas écartés de cette exigence de réforme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la justice, garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, aujourd'hui, de même que le 9 octobre dernier, le Gouvernement soutient la proposition de loi sur le pacte civil de solidarité, qui permet à deux personnes d'organiser leur vie commune dans la clarté et la dignité, comme l'a très bien souligné Mme la présidente de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Très bien !

M. Jean-Louis Debré.

Dans le désordre !

Mme la garde des sceaux.

Certains avancent qu'un projet de loi présenté par le Gouvernement aurait été plus approprié.

M. Bernard Accoyer.

Plus honnête surtout !

Mme la garde des sceaux.

J'ai même lu, ici ou là, que le texte aurait alors bénéficié de l'expertise de la chancellerie...

M. Jean-Louis Debré et M. Hervé Gaymard.

Du Conseil d'Etat !

M. Bernard Accoyer.

Et du Conseil économique et social !

Mme la garde des sceaux.

... et aurait pu être meilleur.

Une telle remarque relève d'abord de la naïveté : comment imaginer que le Gouvernement puisse se désintéresser d'un texte aussi important pour notre société ? Elle témoigne ensuite - ce qui est à mes yeux plus grave d'un certain mépris pour le Parlement, comme si celui-ci n'avait pas la capacité de produire des textes cohérents.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je veux rassurer ici ceux qui se sont fait l'écho de ces inquiétudes : l'initiative approuvée dès l'origine par le Gouvernement a fait l'objet d'un long travail commun...

M. Bernard Accoyer.

Vingt-sept minutes en commission !

Mme la garde des sceaux.

... entre le Gouvernement et les rapporteurs, M. Jean-Pierre Michel et M. Patrick Bloche, ainsi qu'avec Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois, et M. Le Garrec. Je veux les féliciter de leur ténacité et de leur esprit d'ouverture.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je veux aussi rappeler, qu'à l'origine, ce sont les associations de personnes homosexuelles qui ont appelé l'attention des parlementaires sur les situations tragiques dans lesquelles ces personnes se trouvaient, notamment lors du décès de leur compagnon. Nous savons que la jurisprudence ne permet pas que les concubins homosexuels bénéficient des quelques droits reconnus aux concubins hétérosexuels.

Rapidement, il est cependant apparu que la situation de tous les couples qui ne veulent ou ne peuvent se marier était insuffisamment prise en compte par le droit.

Or ce sont aujourd'hui près de cinq millions de personnes qui vivent ainsi et que le droit ignore ! Pour moi, il relève de la responsabilité du Gouvernement d'aider ces personnes à résoudre leurs problèmes et à le faire dans la clarté et la dignité.

Je crois aussi qu'il est de l'intérêt de la société de privilégier la vie à deux qui rompt la solitude trop répandue dans notre société et qui encourage la solidarité plutôt que l'individualisme.

Aujourd'hui, je veux évoquer devant votre assemblée les trois questions qui se posent le plus fréquemment à propos du PACS. Pourquoi un contrat ? Dès lors qu'il y a contrat, pourquoi celui-ci ne concerne-t-il pas les enfants et la famille ? En quoi le PACS est-il utile pour ceux qui vivent ensemble sans être mariés ? Pourquoi un contrat ? J'ai rappelé le 9 octobre les situations douloureuses auxquelles sont confrontés de nombreux concubins lors du décès de leur compagnon ou de leur compagne : expulsion brutale du logement, impossibilité de voir reconnue leur douleur par la société.

Au départ, beaucoup d'opposants au PACS ont nié la nécessité de légiférer en prétendant que les lois actuelles permettaient de résoudre les problèmes des personnes qui vivent ensemble sans être mariées. Puis, se rendant à l'évidence, ils ont admis qu'une législation nouvelle était nécessaire pour régler les problèmes fiscaux et sociaux des concubins, mais ils disent préférer qu'on légifère au coup par coup, sans rassembler l'ensemble des dispositions dans un seul texte.

P our ma part, mesdames, messieurs les députés, comme vos rapporteurs, je refuse une telle démarche au coup par coup.

Je la refuse, d'abord, parce que les textes qu'il faut réformer sont multiples et épars dans le code civil, le code de la sécurité sociale, le code du travail ou encore le code des impôts et que le calendrier parlementaire n'aurait pas permis de prendre ces mesures rapidement.

Je la refuse, ensuite, parce que cette dispersion enlèverait toute visibilité à ce projet. Elle pénaliserait ceux de nos concitoyens qui sont les moins bien informés, donc les plus modestes ou les plus fragiles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Je la refuse, enfin et surtout, parce que c'est une démarche hypocrite qui interdit d'assumer en toute clarté la création de nouveaux droits pour les couples non mariés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

L e Gouvernement et la majorité préfèrent une démarche au grand jour qui dise, avec franchise, quelles personnes ces nouveaux droits concernent, dans quelles conditions, et qui ne fasse pas l'impasse de la reconnaissance d'un fait social.

Oui, mesdames et messieurs les députés, les homosexuels, existent ! Oui, il leur arrive de vivre en couple ! Oui des hétérosexuels vivent en couple sans être mariés ! Oui, ils ont le droit d'être reconnus par le droit ! Oui, ils ont le droit d'être protégés ! Oui, des personnes qui vivent ensemble sans lien charnel mais qui veulent briser leur solitude doivent pouvoir bénéficier elles aussi des mêmes droits !

M. Bernard Accoyer.

C'est l'évidence !

M. Julien Dray.

Alors, il faut voter le PACS !

Mme la garde des sceaux.

Mais alors pourquoi un contrat plutôt que le simple constat de la vie en commun ? C onstat ou contrat, l'objectif est évidemment le même : reconnaître, sans discrimination, l'existence de personnes qui vivent ensemble sans être mariées et leur donner de nouveaux droits. Certains ont suggéré qu'un article du code civil énonce que « le concubinage se constate par la possession d'état de couple naturel, que les concubins soient ou non de sexe différent ». Des amendements déposés vont également dans ce sens.

Pour quelles raisons ne pas s'engager dans cette voie alors que nous sommes d'accord sur le fond : reconnaissance de la valeur égale des concubinages et droits juridiques et fiscaux nouveaux pour tous les concubins ? La première raison tient au fait qu'un important travail parlementaire a été accompli, fruit d'une longue réflexion qui a abouti à un texte commun retenant le contrat.

Ensuite, et surtout, parce que nous pensons que la société a un réel intérêt à accorder des droits à ceux qui manifestent une volonté claire de s'engager et à encourager une démarche qui concrétise un souhait de stabilité.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales saisie pour avis. Très bien !

Mme la garde des sceaux.

C'est cet engagement positif que la société doit prendre en compte et non la seule union libre constatée. Le droit serait perdant s'il se contentait d'entériner des faits. Il lui appartient d'affirmer ce qui doit être. Les gens doivent être libres d'assumer ou de ne pas assumer un choix. Pour accorder des droits nouveaux au couple, il est légitime que l'Etat exige de deux personnes qu'elles s'engagent par un acte particulier et affirment, aux yeux de la société, l'existence de leur solidarité. Plus la stabilité de cet engagement sera grande, plus les droits seront importants. C'est ce que prévoit le PACS.

Dès lors que l'on privilégie le contrat par rapport au constat, pourquoi ne pas se limiter à reconnaître des d roits matériels, pourquoi prévoir un contrat qui implique une reconnaissance symbolique de la solidarité des couples ? Tout simplement parce que les personnes concernées considèrent qu'elles sont unies par des liens affectifs profonds. Retenir un contrat de type purement patrimonial serait dénier toute reconnaissance spécifique au couple non marié et réduirait la valeur de l'engagement affectif et de la solidarité qui n'est pas seulement matérielle. Un couple n'est pas une société anonyme.

C'est donc très logiquement que le Gouvernement s'est déclaré favorable à la discussion de ce texte et non d'un autre et à l'ouverture sur ces bases d'un débat de société sur ce que sont aujourd'hui le couple et la famille.

Alors pourquoi, ce sera ma dernière question, avoir fait le choix de dissocier le pacte de la famille ? Une famille ce n'est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune, mais bien plus que cela : c'est l'articulation et l'institutionnalisation de la différence des sexes ; c'est la construction des rapports entre les générations qui nous précèdent et celles qui vont nous suivre. La famille c'est aussi la promesse et la venue de l'enfant. Celui-ci nous inscrit dans une histoire qui n'a pas commencé avec nous et qui ne se terminera pas avec nous.

M. Hervé Gaymard.

Vous enfoncez des portes ouvertes !

Mme la garde des sceaux.

En revanche, le pacte civil de solidarité est un contrat qui concerne deux personnes qui vivent ensemble...

M. François Vannson.

Pourquoi seulement deux ?

Mme la garde des sceaux.

... sans être mariées. Il a pour objet l'organisation de leur vie commune. Nous reconnaissons, sans discrimination aucune, une même valeur à l'engagement de ces deux personnes, qu'elles soient hétérosexuelles, homosexuelles ou qui n'ont pas de lien charnel entre elles.

Il fallait donc trouver une formule qui permette d'exprimer cet engagement et de la gratifier de nouveaux droits, mais il convenait aussi de bien marquer qu'au regard de l'enfant, couples homosexuels et hétérosexuels sont dans des situations différentes.

M. Maurice Leroy.

Pourquoi ?

Mme la garde des sceaux.

La non-discrimination n'est pas l'indifférenciation. Le domaine dans lequel la différence entre hommes et femmes est fondatrice et constitutive de l'humanité, de sa survie, est celui de la filiation.

Voilà pourquoi le PACS ne légifère pas sur l'enfant et la famille. Voilà pourquoi, en raison de ces choix faits en toute connaissance de cause, le pacte concerne le couple et lui seul. Voilà la réalité du texte dont nous discutons.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Les opposants au PACS, qui ne se contentent pas de cette réalité, agitent des menaces.

En premier lieu, le pacte serait dangereux pour le mariage ! Mais, mesdames, messieurs les députés, vous savez bien que ce n'est pas le PACS qui est dangereux pour le mariage. Celui-ci est confronté depuis longtemps déjà aux évolutions de la société : crainte de s'engager pour la vie, peur d'évoluer différemment de l'autre, entrée de plus en plus tardive dans l'indépendance financière, acceptation sociale de la cohabitation, volonté de ne pas faire sienne la famille de l'autre. Malgré toutes ces difficultés, le mariage reste un idéal et conserve de beaux jours devant lui.

Mme la garde des sceaux.

Reconnaître, pour les couples qui le voudront, un engagement différent de celui du mariage conduira-t-il les jeunes à délaisser encore plus celui-ci ? Je ne crois pas que cette possibilité d'organisation nouvelle de la vie de couple fragilise le mariage.


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Dans le pacte, pas de célébration, pas de solennité, pas de devoir de fidélité, pas de volonté de s'inscrire dans une histoire familiale commune. Le mariage est fondamentalement différent. Et ceux qui souhaitent se marier le feront comme aujourd'hui.

Je suis même convaincue que beaucoup de ceux qui ne voulaient pas se marier et qui adopteront le pacte vont constater qu'un lien juridique est tout à fait supportable et, pourquoi pas ? que le mariage est à leur portée.

Mme Michèle Alliot-Marie.

C'est vraiment n'importe quoi !

Mme la garde des sceaux.

D'un engagement limité, je suis sûre que certains pourront passer plus facilement à un engagement plus fort.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Georges Hage.

Les desseins du PACS sont impénétrables !

Mme la garde des sceaux.

On entend dire également que le pacte civil de solidarité serait dangereux pour la famille et, de ce fait, pour la société.

M. Bernard Accoyer.

Oui !

Mme la garde des sceaux.

Mais le choix a été fait de dissocier pacte et famille. Car lorsqu'on légifère sur la famille, on légifère forcément aussi sur l'enfant. Or le PACS ne change rien au droit actuel de la famille, car la seule cohabitation de deux individus, pacte ou non, ne fait pas une famille. C'est donc volontairement que le PACS restera sans effet sur les règles de la filiation, de l'autorité parentale et sur les droits de l'enfant.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Certains s'inquiètent de ce que l'enfant serait oublié. Je viens d'expliquer pourquoi j'ai choisi de traiter par ailleurs le droit applicable à l'enfant. Mais parce que c'est évidemment un très important sujet, parce que je comprends que l'on se soucie de l'enfant lorsqu'on légifère sur le couple, j'ouvre ici une parenthèse.

L'enfant est pour moi un souci absolument prioritaire.

M. Christian Estrosi.

Je ne le crois pas.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la garde des sceaux.

Parce que notre société ne protège pas assez les droits de l'enfant, parce que notre société, en même temps qu'elle proclame l'enfant roi, soumet trop souvent celui-ci au désir de l'adulte, pour toutes ces raisons, j'ai mis en place un groupe de travail sur le droit de la famille, dont je souhaite que les travaux soient abordés sous l'angle fondamental de la relation de l'enfant, et d'abord de l'enfant, avec ses parents.

Un enfant a droit à un père et une mère. Ce droit de l'enfant ne peut dépendre du statut juridique du couple de ses parents. Vous le savez d'ailleurs comme moi : la situation de l'enfant légitime qui vit avec ses deux parents est plus proche de la situation de l'enfant naturel qui, lui aussi, vit avec ses deux parents que de celle de l'enfant légitime de deux parents divorcés ou séparés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) C'est au regard de ces évolutions récentes que je souhaite voir étudiées les règles de la filiation, de l'autorité parentale et les droits de l'enfant, et non au regard d'un contrat qui n'a aucune conséquence sur la parenté et sur la filiation.

Le pacte civil de solidarité n'est à l'égard de l'enfant ni un atout ni un obstacle. Si un couple ayant signé un pacte a un enfant, il faudra que chacun des parents le reconnaisse pour que la filiation soit établie ; ils exerceront alors leur autorité parentale sur l'enfant dans les mêmes conditions que les autres parents naturels. S'ils se séparent et ne sont pas d'accord pour ce qui concerne l'enfant, il faudra qu'ils s'adressent, comme aujourd'hui les concubins, au juge aux affaires familiales. La situation de l'enfant n'a pas été traitée par le PACS, car l'Etat ne saurait faire de différence entre les enfants de concubins selon que ceux-ci sont ou non signataires d'un pacte.

M. Yves Rome.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Je souhaite d'ailleurs que, poursuivant une évolution déjà entamée, notre droit ne fasse plus de différence entre les enfants selon que leurs parents sont ou non mariés, selon qu'ils vivent ou non sous le même toit.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Dès lors que les droits de l'enfant doivent être consolidés, et ce quelle que soit la situation juridique du couple de ses parents, il est légitime de porter un seul regard - je dis bien : un seul regard - sur la situation des enfants, que leurs parents soient ou non mariés, qu'ils soient engagés dans un PACS ou simples concubins. Et c'est bien parce que le PACS ne peut, en tant que tel, traiter de la filiation ou de l'autorité parentale qu'il importe de traiter par ailleurs ces très importants sujets.

Enfin, certains voient dans le pacte une autre menace : celui-ci ne serait qu'une première étape vers le droit à la filiation pour les couples homosexuels.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

C'est ce qu'a dit le rapporteur !

Mme la garde des sceaux.

Ceux qui le prétendent sont libres d'exprimer leur opinion personnelle. Ils n'engagent qu'eux-mêmes.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le Gouvernement a voulu, je l'ai dit, par un choix réfléchi et déterminé, que le pacte ne concerne pas la famille. Comment pourrait-il, dans ce cas, avoir un effet sur la filiation ? Sur ce sujet, je veux être parfaitement claire. Je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix.

M. Richard Cazenave.

C'est la moindre des choses !

Mme la garde des sceaux.

Mais je dis avec la plus grande fermeté : ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l'enfant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Un couple, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel, n'a pas de droit à avoir un enfant, en dehors de la procréation naturelle, bien entendu, qui, elle, implique nécessairement un homme et une femme.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les lois récentes sur la procréation médicalement assistée ont été l'occasion de tracer les limites du droit à l'enfant comme source de bonheur individualiste. Elles ont clairement indiqué - et je partage ce point de vue - que les procréations médicalement assistées ont pour seul objet de remédier à l'infertilité pathologique d'un couple composé d'un homme et d'une femme. Elles


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n'ont pas pour but de permettre des procréations de convenance sur la base d'un hypothétique droit à l'enfant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Goulard.

M. Michel n'est pas d'accord !

Mme la garde des sceaux.

Je reconnais aussi que des homosexuels doivent continuer à s'occuper des enfants qu'ils ont eus avec un partenaire de sexe différent, même s'ils vivent ensuite avec un compagnon ou une compagne de même sexe. Ce disant, j'affirme que la paternité ou la maternité confère des obligations qui ne peuvent cesser.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Mais une chose est de maintenir un lien de parenté déjà constitué entre parents et enfants, autre chose est de permettre, en vertu de la loi, l'établissement d'un lien ex nihilo entre un enfant et deux adultes homosexuels.

Dans le premier cas, celui de la parenté constituée par la procréation naturelle, il s'agit d'une solution conforme à l'intérêt de l'enfant qui a le droit de conserver son père et sa mère lorsque ses parents se séparent, quels que soient les motifs de cette séparation ou l'orientation sexuelle postérieure des adultes ; dans le second cas, il s'agirait de créer de toutes pièces, par le droit, une mauvaise solution.

Pourquoi l'adoption par un couple homosexuel seraitelle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu'il crée des filiations artificielles, ne peut, mesdames et messieurs les députés, ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes.

M. Bernard Accoyer.

Quelle chance !

M. François Vannson.

On l'a échappé belle !

Mme la garde des sceaux.

Cette différence est constitutive de l'identité de l'enfant et du sens de cette identité : « Qu'est que cela signifie pour moi d'être un homme, d'être une femme ? » Je soutiens, comme de nombreux psychanalystes et psychiatres, qu'un enfant a besoin pour sa structuration psychique, sociale et relationnelle d'avoir face à lui pendant sa croissance...

M. Richard Cazenave.

Ce sont vos amis qu'il faut convaincre !

Mme la garde des sceaux.

... un modèle de l'altérité sexuelle, un référent homme et un référent femme.

M. Jacques Fleury.

Très bien !

M. Pierre Albertini.

Un père et une mère, tout simplement !

Mme la garde des sceaux.

Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d'origine, a d'autant plus besoin de stabilité que l'on crée pour lui, en vertu de la loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d'adoption.

Mon refus de l'adoption pour des couples homosexuels - vous l'avez compris, mesdames, messieurs les députés est fondé sur l'intérêt de l'enfant, sur son droit à un milieu familial où il puisse structurer son identité et épanouir sa personnalité. C'est ce point de vue que je prends en considération et non celui des couples, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Je n'ignore pas non plus les procès d'intention quant à un éventuel « après » de cette proposition de loi, qui préparerait des évolutions plus fondamentales de notre droit.

M. Richard Cazenave.

Et les évolutions jurisprudentielles ?

Mme la garde des sceaux.

Ce texte, a-t-on pu lire ici ou là, serait une valise à double fond. Je veux m'élever avec la plus grande énergie contre de telles insinuations.

Les mots, je crois, ont un sens ...

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Ce vocabulaire de contrebande, qui ferait croire que ce texte cacherait autre chose...

Mme Michèle Alliot-Marie.

Ce sont vos amis qui le disent !

Mme la garde des sceaux.

... et que vos rapporteurs et le Gouvernement exerceraient une fraude à la loi, est inacceptable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Bien au contraire, le débat que nous allons avoir doit être conduit en toute clarté et je souhaite que mes mises au point y contribuent. Ce qui est en discussion aujourd'hui, c'est un texte de douze articles, qui permettra d'offrir des droits nouveaux à deux personnes ayant fait un choix de vie commune, pas plus, pas moins. Je vous demande de vous prononcer sur ce texte réel et non sur je ne sais quelle évolution ou quel hypothétique projet virtuel. Je laisse ces conjectures à ceux qui se complaisent dans les fantasmes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Certains auraient voulu que le texte aille plus loin.

D'autres, à droite, ont fait savoir que s'ils revenaient au pouvoir, ils feraient abroger cette loi. Nous verrons bien alors ce que diront les couples qui auront choisi de souscrire un PACS. Pour ce qui concerne le Gouvernement, son engagement est clair, comme l'est le texte qui vous est soumis.

M. Christian Estrosi.

Nous reviendrons et nous l'abolirons !

Mme la garde des sceaux.

Je crois le pacte civil de solidarité utile, tout simplement parce qu'il apporte, et c'est tout son intérêt, à deux personnes ayant un projet de vie commun sans être mariées des réponses concrètes à leurs problèmes de tous les jours et de nouveaux droits au quotidien. Je crois surtout que ce texte donne des droits en contrepartie d'un engagement, et dans la clarté. Il assure aussi une certaine souplesse, car les partenaires peuvent, en fonction de leur situation particulière, adapter les clauses de leur PACS. Il renforce enfin la solidarité en permettant l'organisation de la vie commune. Clarté souplesse, solidarité : tels sont les avantages proposés par ce texte aux personnes qui souscriront un PACS.

Au-delà de l'intérêt que celles-ci peuvent y trouver, c'est toute la société qui y trouvera son compte. La notion de vie commune, puisque le PACS s'adresse à des couples ayant une vie commune, est connue en jurisprudence. Elle présume une communauté de toit et de lit. A l'évidence, ce n'est qu'une présomption. La solitude, les difficultés de la vie quotidienne, au premier rang desquelles le chômage et l'insuffisance des ressources, ont conduit de nombreuses personnes à rechercher de nouvelles formes de solidarité et d'entraide, dont la cohabitation est un mode majeur.

Mais l'Etat, s'il ne doit pas s'immiscer dans la vie privée des personnes, ne saurait en aucune manière accorder une reconnaissance, même limitée, à des situations illicites. L'Etat est fondé à interdire toute éventualité d'inceste et de bigamie. Deux personnes qui, sans enfreindre la loi, ne peuvent partager le même lit ne doivent pas pouvoir conclure un pacte de solidarité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Un père et une fille, une mère et un fils, un frère et une soeur ne doivent pas pouvoir signer un PACS.

En revanche, des personnes dont le lien est seulement d'ordre affectif pourront signer un pacte dès lors que, sans enfreindre la loi, elles pourraient avoir des relations sexuelles. Leur vie privée n'intéresse pas la société.

Je ne vois dans ce choix aucune ambiguïté, aucune c ontradiction, aucun manque de courage ; tout au contraire, de la clarté, de la lisibilité et de la détermination. Le PACS s'adresse principalement à ceux à qui la loi permet d'avoir des relations sexuelles et, parmi ces derniers, accessoirement, à ceux qui peuvent ne pas en avoir, mais peuvent souhaiter vivre ensemble pour des raisons de solidarité.

(« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Toutefois, conscient des difficultés particulières auxquelles peuvent se heurter des fratries, le Gouvernement est prêt à débattre de façon approfondie de la question posée à l'occasion de l'examen de l'article 10 de la proposition de loi et à étudier les modalités selon lesquelles des droits pourraient être accordés aux frères et soeurs.

Le pacte est un contrat qui repose sur la volonté de ses signataires. J'ai dit à quel point il reposait sur un engagement : il comporte des devoirs et des obligations. Certains le nient, affirmant qu'il y a des droits et aucun devoir. Je leur réponds que ce n'est pas exact : les devoirs sont à la mesure des droits dont je rappelle que beaucoup ne sont ouverts qu'au-delà d'une certaine durée. Les signataires se doivent aide mutuelle et matérielle ; ils sont solidaires des dettes contractées par l'autre pour les besoins de la vie courante ; les biens acquis, sauf s'ils en conviennent différemment, sont indivis. Ce sont là bel et bien des obligations.

Mais on peut répudier l'autre à discrétion, me dit-on.

Ne parlons pas de répudiation : encore une fois, les mots ont un sens et celui-ci n'en a que par rapport au mariage, puisqu'il signifie la rupture unilatérale du lien conjugal.

Parlons plutôt du vrai sujet, celui de la séparation et, dans ce cas, de la protection du plus faible : là est la vraie question, qui se pose aussi, il faut l'admettre, dans le cas du mariage.

Le concubin peut aujourd'hui quitter l'autre du jour au lendemain. La signature d'un pacte n'aggravera pas demain cette situation,...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Cela ne l'améliorera pas non plus !

Mme la garde des sceaux.

... bien au contraire. Le PACS lui apportera une protection nouvelle : il sera avisé de la volonté de son partenaire de rompre le pacte ; il pourra solliciter l'attribution préférentielle du bien indivis et négocier les conditions de la rupture. C'est donc bien une amélioration par rapport à la situation antérieure.

M. Richard Cazenave.

Quelle casuistique !

Mme la garde des sceaux.

En outre, si les deux personnes ne sont pas d'accord, elles saisiront le juge. C'est ce que font déjà les concubins ; mais ils ne peuvent disposer de droits d'attribution préférentielle sur le logement et doivent produire les factures d'acquisition de la télévision ou de la machine à laver pour tenter de prouver qu'elles en sont propriétaires. Or, nous savons tous que, pendant la vie commune, l'un achète les biens d'équipement et l'autre paye la nourriture ou les vacances. N'est-il pas juste, quand les deux personnes se séparent, qu'elles soient propriétaires par moitié des meubles acquis ? Cette règle simple évitera bien des procès.

Le PACS donne de la sécurité et encourage à la stabilité. Il encourage à la stabilité des couples non mariés, car les droits ne sont pas tous immédiats. Il donne de la sécurité à la vie quotidienne, en permettant à chacun de savoir que l'autre est solidaire des actes de la vie courante, en traitant le problème du logement, en permettant les rapprochements professionnels ou les congés familiaux.

Il sera l'occasion pour deux personnes de se poser des questions sur l'organisation de leur vie de couple avec ses conséquences matérielles. Il permettra à deux personnes qui ont vécu ensemble des années de ne plus être considérées comme étrangères l'une à l'autre lors d'une donation ou d'une succession. Cela m'apparaît juste et normal.

Le pacte est utile parce qu'il comble un vide juridique.

Quand près de 5 millions de personnes vivent ensemble sans être mariées, le droit ne saurait continuer à les ignorer. Le pacte civil de solidarité est une bonne réponse aux difficultés de ces couples. Il est aussi une marque de respect de la société à l'égard de ces couples et de leur choix de vie.

Le pacte de solidarité mérite un débat sérieux et honnête. Ne lui attribuons pas plus de qualités ou de défauts qu'il n'en a ; il représente une possibilité supplémentaire offerte à deux personnes, et seulement à elles deux, de cesser d'être considérées comme étrangères l'une à l'é gard de l'autre, alors qu'elles vivent sous le même toit et se déclarent solidaire. Il ne nous dispensera pas, en tout cas, d'une réflexion approfondie sur la famille, que j'ai déjà engagée.

Le pacte n'est ni un idéal ni une panacée. Il est du domaine du nécessaire et du possible. Il ne remet en cause ni notre identité ni la société. Il constitue une avancée indéniable, il répond à un besoin, il encourage la stabilité et la solidarité.

Voilà pourquoi, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement soutient la démarche entreprise par vos rapporteurs et vos commissions.

Le vote de la proposition de loi est prévu pour le 10 novembre. Je souhaite, bien entendu, que tel soit le cas. Mais si l'Assemblée nationale estimait que les débats doivent se prolonger, le Gouvernement prendrait le temps qu'il faudrait pour que les vraies questions soient correctement traitées, quitte à modifier l'ordre du jour prévu.

(Mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vais vous indiquer comment nous allons procéder.

Dans un instant, l'une de nos collègues défendra l'exception d'irrecevabilité. Elle s'est fixée un temps de parole non négligeable, mais elle n'est pas obligée de respecter cet engagement. (Sourires.)

Nous entendrons le début de son intervention jusqu'à dix-neuf heures trente, heure normale de levée de la séance. Si elle n'a pas fini, elle poursuivra son propos, pour le temps qui lui restera, à la reprise de la séance du soir.

Nous appliquerons la même règle pour l'exposé des autres motions.


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Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la politique n'est rien si elle n'est pas d'abord affaire de convictions et volonté de faire évoluer le monde en fonction de ces convictions.

Mme Nicole Bricq.

Là, nous sommes d'accord !

Mme Christine Boutin.

La politique ne sert à rien si, dans nos enceintes, les convictions n'ont pas droit de cité, p our autant qu'elles soient respectueuses de ces deux conceptions qui ouvrent l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : la liberté et l'égalité. Ou plutôt, s'il faut en croire le doyen Vedel, l'égalité comme principe et la liberté comme, en quelque sorte, sa première conséquence.

Oserai-je rappeler à ce sujet certain slogan de la campagne présidentielle qui fit fortune en 1981, par lequel le candidat Mitterrand disait vouloir « changer la vie », ce qui n'est pas autre chose que tenter de faire évoluer le corps social en fonction d'un ensemble de convictions.

(Approbations sur divers bancs du groupe socialiste.)

Faire en sorte, selon le titre d'un ouvrage que nous devons au président Fabius (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , d'être fidèle à sa source en « allant vers la mer » comme le disait Jaurès. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Julien Dray.

Ils l'ont changée !

M. Guy-Michel Chauveau.

Miracle !

Mme Christine Boutin.

Mon collègue Georges Hage, l'autre jour, lisant quelques versets de l'Ancien Testament n'a pas voulu faire autre chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et dans un récent article d'un grand quotidien du soir, André Fontaine faisait état d'un bref échange entre le Président Mitterrand et le président Chaban-Delmas, le premier ayant dit au second : « Toi, tu veux changer la société et moi je veux changer de société. »

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh oui !

Mme Christine Boutin.

Or nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre d'un texte dont certains de nos collègues, de la majorité comme de l'opposition, ont pu dire dans la presse qu'il s'agissait du texte le plus important dont notre corps social ait eu à débattre depuis des années. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Si c'est le cas, ce que je crois également, alors il n'est pas exagéré de dire que nous sommes en train de débattre de conceptions de la société, de convictions qui peuvent s'opposer. Du reste, notre collègue Jacques Floch ne disait pas autre chose au moment des très brefs travaux de la commission des lois sur le texte dont nous débattons aujourd'hui.

Dans ce débat, à mes yeux tronqué, on a tenté effectivement d'opposer deux conceptions de la société, deux formes de conviction.

La première, celle qui est défendue par les promoteurs du PACS, tend à démontrer que notre société n'a pas le choix. Elle est engagée dans une évolution sociologique qui ne lui permet de considérer le PACS que comme une sorte de passage obligé vers un bonheur plus grand, une avancée sociale sans précédent, inéluctable. Bien entendu, dans cette conception, il serait vain de s'opposer à cette avancée. Puisque le PACS est à la fois inéluctable et indiscutable, il est paré de toutes les vertus : il est l'expression la plus parfaite de la démocratie, du progrès, de l'intelligence, du droit, de la constitutionnalité, de la justice, et ainsi de suite.

(Murmures sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Le progrès social est sa marque, la plus haute forme de l'humanisme est son principe et son intention, le bonheur humain sa raison d'être.

Face à cela, les opposants au PACS se sont vu interdits de ces vertus. On ne pourrait être opposé à cette proposition sans être tout aussi soucieux de la démocratie, du droit, de la justice, du bonheur des hommes. On ne pourrait être opposé au PACS sans avoir l'intention de faire le malheur des hommes, donc de vouloir faire barrage à la volonté du corps social dans une sorte de réflexe antidémocratique. On ne pourrait être opposé au PACS et prétendre dans le même temps comprendre les évolutions radicales du monde moderne.

Bref, s'opposer au PACS serait à peine tolérable et serait indigne de notre mission de représentants de la nation. Les opposants au PACS seraient en dehors du sens de l'histoire, et de ce fait quasiment illégitimes à faire valoir la moindre réserve sur cette proposition.

De telles déclarations ont de quoi surprendre. Elles contrastent en tout cas avec les affirmations que je mentionnais tout à l'heure selon lesquelles le PACS est un sujet majeur et que son adoption pourrait faire prendre un véritable virage de civilisation à notre corps social.

C'est pourquoi on est en droit de s'étonner de n'avoir pas vu s'organiser devant les Français le débat qui correspondait à ces enjeux.

Tout a été fait, au contraire, pour camoufler à nos concitoyens le sens profond de cette proposition.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean Le Garrec.

Caricature !

Mme Christine Boutin.

Le Gouvernement n'a pas souhaité prendre tous les moyens à sa disposition pour faire poser les questions de fond et l'inscription pour le moins rapide de ce texte, pourtant régulièrement rejeté comme irrecevable par notre assemblée le 9 octobre dernier, ne fait que corroborer cette intention de camouflage, dont la précipitation est un signe parlant.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

L'attitude du Gouvernement n'a pas permis que ce débat de fond ait lieu. Les silences et atermoiements du Gouvernement sont fort éloquents.

Le Premier ministre n'est apparu qu'en fin de course pour soutenir ce texte, avec des arguments dont on m'accordera qu'ils sont pour le moins spécieux, et destinés à camoufler les véritables conséquences du texte pour notre peuple.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dont on connaît la réticence pour des raisons d'ordre financier, n'a pris la parole sur le fond que pour faire référence aux affrérages médiévaux en tentant d'expliquer qu'après tout il ne s'agissait là que de copier le Moyen Age. Parlez-moi de modernité !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

On a lu, à la fin de cet été, les hésitations du ministre de l'intérieur, gêné par la perspective de voir régulariser sans aucune possibilité de contrôle des ressortissants étrangers « pactisants » dont les intentions seraient bien plus sociales et financières qu'affectives.

Nous n'avons pas entendu que Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, soit intervenue officiellement, en dépit du fait que le PACS présente plus qu'un rapprochement sémantique avec le nom de son ministère.

On aurait pu s'attendre aussi à ce que les experts missionnés par le Gouvernement sur ce dossier soient entendus de façon officielle. Cela n'a pas été le cas, en particulier de Mme Théry, qui a remis pourtant, l'an dernier, un rapport à la demande du Gouvernement ; pas davantage du très récent délégué interministériel à la fami lle nommé au début de l'été. Il est vrai que l'imminence de la réforme du code de la famille brouille également le décor.

Cette attitude, hésitante et silencieuse, nous conduit à chercher à comprendre et à tenter de découvrir les raisons pour lesquelles, de reculade en reculade, le Gouvernement accepte finalement de soutenir ce texte, au point de bousculer imprudemment l'ordre du jour de notre assemblée en cette fin d'année.

Et on serait certainement fondé à croire que le PACS n'est qu'une réponse conjoncturelle visant à assurer la cohésion de la majorité plurielle en satisfaisant presque sans condition aux desiderata de son aile dure.

(Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ce « grand chambardement des couples », comme titrait récemment un hebdomadaire français, est probablement le prix à payer pour assurer l'unité de la gauche plurielle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il est la réforme idéologique dont la gauche a peut-être besoin pour être sûre qu'elle est encore unie.

M. Yann Galut.

Et c'est vous qui dites ça ?

Mme Frédérique Bredin.

Essayez plutôt de réussir l'Alliance !

Mme Christine Boutin.

Mais c'est là une ardoise un peu lourde pour la France, d'autant plus qu'on s'est payé le luxe de lui voler le débat.

M. Thierry Mariani.

Tout à fait !

Mme Christine Boutin.

Comment dès lors comprendre le refus de débattre des différentes personnes intéressées à c e sujet à l'exception du rapporteur ? Comment comprendre les arguments utilisés par les membres du Gouvernement et de la majorité parlementaire pour essayer de rallier l'opinion à leur cause sans dire la vérité ? Cette absence de débat au fond sur un texte, sur lequel l'ensemble des médias et nos concitoyens souhaiteraient entendre clairement le Gouvernement, est-elle le signe d'un embarras ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Si c'est le cas, pourquoi ?

M. Bernard Accoyer.

Parlez doucement, vous avez le temps !

M. Thierry Mariani.

Il faut répéter ! Les membres de la majorité ne comprennent pas !

M. Jean-Michel Ferrand.

Oui, pas trop vite ! Ils ne peuvent pas suivre !

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues ! Un peu de silence !

Mme Christine Boutin.

On répondra peut-être que le texte ne pose aucun problème, que c'est un bon texte et que tout se passera bien. Mais si beaucoup d'idées nous opposent, je ne crois pas Mme le ministre Guigou...

Plusieurs députés socialistes.

« La » ministre !

Mme Christine Boutin.

... aveugle, au point de ne pas voir que le PACS est une espèce de monstre juridique qui bouleversera jusqu'aux fondements de notre droit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Franck Borotra.

Laissez-les dire !

M. le président.

Un peu de calme ! Mme Boutin va continuer son résumé. (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

Je le réaffirme, ce texte est un monstre juridique qui bouleversera jusqu'aux fondements de notre droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est cette attitude qui a fait dire à l'hebdomadaire L'Express , le 1er octobre dernier : « Le courage politique aurait peut-être consisté à entamer un vrai débat au moment où s'ouvrira le grand chantier de la réforme de la famille en 1999 et de tout mettre à plat... »

M. Jean-Pierre Blazy.

Quel rapport avec la famille ?

Mme Christine Boutin.

... en distinguant les problèmes posés par les couples hétérosexuels, par les couples homosexuels, par l'archaïsme du divorce actuel... »

M. Alfred Recours.

L'Express n'est pas parole d'évangile !

Mme Christine Boutin.

... et en triant les sujets - héritage, impôt sur le revenu, droits sociaux, filiation.

(M. Michel Péricard remplace M. Laurent Fabius au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD,

vice-président

Mme Christine Boutin.

Cette liste n'est d'ailleurs pas limitative puisque de nombreux autres aspects de notre vie sociale, tout aussi importants mais moins fondamentaux pour notre République, sont percutés par le PACS.

Cette attitude précipitée et urgentiste s'est, du reste, retrouvée dans les travaux préparatoires. Nous sommes nombreux à avoir trouvé que la commission avait procédé de manière très rapide, trop rapide...

M. Thierry Mariani.

Cavalière !

M. Bernard Accoyer.

Vingt-sept minutes !

Mme Christine Boutin.

... compte tenu de l'importance de ce texte dont, sur tous ces bancs, nous nous accordons le caractère disons « original » et en tous les cas structurant pour notre corps social. Un texte de cette import ance aurait sûrement mérité la constitution d'une commission ad hoc ...

M. Arthur Dehaine.

Certainement !

Mme Christine Boutin.

... un travail au fond étalé sur plusieurs mois permettant de regarder en profondeur l'ensemble des problèmes posés par l'intention du PACS


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

et ses répercussions juridiques, sociales, fiscales et psychologiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Rien de tout cela n'a été fait. Je n'ai même pas souvenir, depuis douze ans, que les membres d'une commission de l'Assemblée nationale aient déjà été dans cette situation où aucune audition n'ait été possible. Les rapporteurs ont auditionné, pas les députés !

M. Thierry Mariani.

Exactement ! C'est la vérité !

M. Arthur Dehaine.

C'est suspect !

Mme Christine Boutin.

C'est la première fois que cela se produit depuis douze ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La commission des finances de notre assemblée n'a été saisie pour avis que dans des conditions qui empêchent évidemment de réaliser un vrai travail au fond...

M. Jean-Louis Debré.

Et les droits du Parlement ?

M. Richard Cazenave.

Mme Guigou les bafoue !

Mme Christine Boutin.

... alors que l'on connaît les incidences financières et économiques de ce texte.

Pourquoi donc avoir confisqué ce débat aux législateurs que nous sommes ? Traite-on en urgence les questions fondamentales pour l'ensemble d'un corps social ? Prétend-on que de vagues enquêtes tiennent lieu de consultation du peuple français, qui est pourtant prévue par nos textes constitutionnels ? Ne convient-il pas de nommer une commission ad hoc pour traiter de cela ?

M. Alfred Recours.

Bachi-bouzouk !

Mme Christine Boutin.

Ne convient-il pas de faire en sorte que les commissions permanentes de notre assemblée soient saisies dans des conditions de durée qui permettent de travailler comme il sied, et notamment en organisant des auditions larges afin d'entendre au fond toutes les positions en présence. C'est vrai, madame le ministre, nous aurions souhaité un vrai débat au fond...

M. Yann Galut.

Vous l'avez refusé, le débat !

Mme Christine Boutin.

... afin que les questions posées par ce texte soient traitées comme il convient. En effet, le PACS pose à notre société bien des questions. Il est porteur d'orientations graves et lourdes de sens...

Plusieur députés du groupe socialiste.

Pourquoi ?

Mme Christine Boutin.

... ainsi que quelques exemples le montreront. Ne soyez pas impatients, la réponse va venir ! Faut-il rompre avec la tradition civilisatrice selon laquelle la famille est la communauté sur laquelle la société est naturellement fondée ?

M. Raymond Douyère.

Ça n'a rien à voir ! Hors sujet !

Mme Christine Boutin.

Est-il suffisant de prendre acte de la crise familiale pour fabriquer artificiellement un ersatz de famille ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) dont personne ne voit l'utilité sociale ? Faut-il vraiment que le droit se borne à enregistrer les évolutions des moeurs et des pratiques sociales, et si oui, j usqu'où doit-il aller ? L'homosexualité (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) doit-elle devenir une référence sociale et institutionnelle ? Si oui, dans quelles conditions et dans quel but ? Quelles en seraient les conséquences sur l'ensemble des relations sociales ? On le voit, le PACS pose question sur les fondements mêmes de notre société. Il interroge sur le statut de la famille, d'autant plus que l'on a visiblement l'intention de priver le budget de l'Etat...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Faux !

Mme Christine Boutin.

... de six ou sept milliards de francs pour le financer, au moment même où l'on prive la branche famille de quatre milliards de francs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Lamentable !

Mme Christine Boutin.

Le PACS interroge sur le regard que notre société pose sur l'homosexualité et sur la souffrance que portent la majorité des membres de la communauté qui la composent.

Il interroge, au-delà, sur l'enfant, notamment au regard de cette très forte demande de la communauté homosexuelle sur l'adoption et les techniques artificielles de procréation.

Il interroge sur la précarité qu'il entend réduire, alors que de très nombreux observateurs ont manifesté leur inquiétude à propos des dispositions du PACS qui réintroduisent la répudiation dans notre droit.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Thierry Mariani.

Absolument !

Mme Dominique Gillot.

On vous a répondu, enfin ! C'est de la malhonnêteté intellectuelle !

M. le président.

Mes chers collègues, s'il vous plaît ! Madame Boutin, vous avez la parole.

Mme Christine Boutin.

Merci, monsieur le président.

Il interroge sur l'esprit de notre fiscalité tant du point de vue de la conception de notre système d'imposition sur le revenu que du point de vue des droits de succession.

Il interroge sur le respect de l'égalité, qui est la première exigence de la Déclaration des droits de l'homme et, de ce fait, la première règle absolue de notre droit.

Il interroge sur la prétendue neutralité de l'Etat et sur la manière dont il pense avoir le droit de s'immiscer dans la vie privée des citoyens.

Toutes ces interrogations constituent autant de motifs d'inconstitutionnalité que je développerai devant vous, mais deux étapes sont nécessaires avant que nous entrions dans l'inconstitutionnalité en tant que telle. Je souhaite, dans une première partie, retracer brièvement les étapes qui ont préparé le texte qui nous est soumis aujourd'hui, depuis 1990. Ce bref aperçu historique nous donnera quelque matière pour tenter, dans un deuxième temps, de décrire ce que sont la nature et le contenu du PACS.

J'entrerai enfin dans le détail de l'exposition des motifs de l'irrecevabilité, en montrant comment le PACS est opposé à la lettre de notre Constitution, mais également à un certain nombre de textes internationaux qui engagent notre pays, ainsi qu'au règlement de notre assemblée en ce qui concerne la notion même d'irrecevabilité et son traitement dans notre enceinte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. Franck Borotra.

Très bien ! Beau programme ! Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Bravo !

Mme Christine Boutin.

Merci ! Je souhaiterais, pour débuter mon propos, effectuer un rapide examen historique des différentes étapes qui ont abouti au projet que nous examinons aujourd'hui et en tirer quelques enseignements.

C'est à la suite des conséquences de l'épidémie du sida q ue les revendications de reconnaissance sociale de l'homosexualité, d'égalité de droits, de projet d'union sociale, ont commencé à apparaître. Les structures qui ont fait progresser ces revendications et qui les ont formalisées sont les associations de lutte contre le sida. Ce n'est qu'ensuite que les parlementaires ont pris le relais.

D'abord dénommé « partenariat civil » dans la loi déposée le 25 juin 1990 par le sénateur socialiste JeanLuc Mélenchon (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste), le projet est devenu « contrat d'union civile » en 1992, à l'issue des travaux du comité d'urgence anti-répression homosexuelle et de l'association GaiMultiplex. Cette même année 1992 voit la création du collectif pour le CUC.

La proposition déposée le 25 novembre 1992 sur le bureau de l'Assemblée nationale par Jean-Louis Autexier et sept de ses collègues socialistes se réfère au CUC, tout comme la proposition déposée le 21 décembre 1993 par Jean-Pierre Michel, Jean-Pierre Chevènement et Georges Sarre du Mouvement des citoyens...

Mme Yvette Benayoun-Nakache et M. Yann Galut.

Bravo ! Très bien !

Mme Christine Boutin.

... après l'installation d'une majorité parlementaire hostile à la réforme.

A partir du printemps 1995, les travaux et la consultation inter-associative menés par l'association Aides font évoluer le projet vers l'appellation de « contrat de vie sociale » puis de « contrat d'union sociale », terme que la Lesbian and Gay pride du 22 juin 1996 contribuera à banaliser.

Au terme de plus de six ans de combat, à peine mis en sommeil en 1993 et 1994, le contrat fait encore aujourd'hui l'objet de débats quant à l'appellation officielle qui le désignera. En 1997, Mme Dominique Voynet proposait l'expression de « pacte de compagnonnage », MarieGeorges Buffet (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) celle d'« union de fait », en reprenant les termes d'une proposition de loi déposée en 1989 par les communistes,...

M. Patrick Malavieille.

Bravo !

Mme Christine Boutin.

... et M. Jospin prenait des engagements vis-à-vis des « personnes qui ne peuvent être mariées ».

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et voilà !

M. Yann Galut.

Il y a donc eu débat !

Mme Christine Boutin.

La proposition de loi déposée le 24 juin 1997 par Jean-Pierre Michel et vingt députés RCV adopte le double qualificatif de « contrat d'union civile et sociale ». Les deux propositions socialistes, aux motifs et au dispositif quasiment identiques, déposées, la première le 23 janvier 1997 et la seconde le 23 juillet 1997, portent quant à elles simplement la dénomination de « contrat d'union sociale ».

C'est l'expression de « pacte d'intérêt commun » qui a eu les préférences du groupement d'intérêt public baptisé

« Mission, droit et justice », animé par le professeur JeanHauser, mis en place par Jacques Toubon en vue de mener la réflexion sur ce sujet et reconduit par Mme Guigou.

Le président du collectif pour le CUCS annonçait le 1er janvier 1998 être séduit, quant à lui, à titre personnel, par l'expression « pacte de solidarité civile », nom sous lequel la proposition d'aujourd'hui tente de nous être vendue.

Ainsi donc, en dépit de toute ces modifications dénominatives, qui montrent encore aujourd'hui, que l'on ne sait pas très précisément ce que l'on nous donne à débattre, il apparaît clairement que la proposition de loi de PACS, née dans les officines de lobbies homosexuels,e st destinée aux personnes homosexuelles. Plusieurs preuves nous permettront de l'établir plus tard. Et il est étonnant de constater combien le Gouvernement a voulu depuis plusieurs mois gommer cette réalité.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mais pas du tout !

Mme Christine Boutin.

C'est un marché de dupes pour les Français, tout ayant été fait pour encourager la confusion.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Vous y avez participé.

Mme Christine Boutin.

Ainsi, et la déclaration de Mme la garde des sceaux nous le montre également, le PACS serait pour tous le nouveau nirvana juridique.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

« Les initiateurs du PACS l'ont rendu imcompréhensible », note l'éditorialiste Ivan Rioufol dans Le Figaro du 14 octobre dernier.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Outin.

Saine lecture !

Mme Christine Boutin.

Faites bien attention, parce que je vais bientôt vous citer.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous ne perdez rien pour attendre.

Alors, vous feriez bien de rester tranquilles ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.) Voici donc ce qu'a écrit M. Rioufol : « Les initiateurs du PACS l'ont rendu incompréhensible. Au départ, ils voulaient instituer un mariage bis destiné aux homosexuels. »

Mme Monique Collange.

Pas du tout !

Mme Christine Boutin.

« Devant l'opposition du Président de la République, ils ont conçu alors un concubinage non discriminatoire. Mais, face aux réticences de nombreux élus, ils ont inventé en définitive une sorte de communauté d'entraide juridiquement illisible, un prêt-àporter juridique pour couples de passage. »

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Voilà qui est parfaitement résumer les différentes étapes du PACS, au cours desquelles la confusion a été constante !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Tout a été fait pour encourager cette confusion, à commencer par les dénominations du contrat. Une succession de présentations biaisées, comme en témoignent les sigles successifs sous lesquels se sont cachés les projets d'union homosexuelle, n'ont pas clarifié le débat, et font même obstacle à sa nécessaire ouverture. Tout d'abord, ce fut le CUL. Ensuite, ce fut le CUC, puis le CUS, puis le CUCS, ensuite, le PIC, et enfin le PACS.

(Rires.)

En réalité, tous ces sigles n'ont été que des paravents pour cacher la réalité.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Rome.

Il y a nous derrière le paravent !

Mme Christine Boutin.

De la même manière, et encore ce soir, on a beaucoup de mal à savoir précisément à qui s'adresse le PACS, quels sont les bénéficiaires, quels sont les destinataires. Ils n'ont pas arrêté de changer, sans discontinuer. Cela n'a pas facilité, c'est le moins qu'on puisse dire, les travaux de réflexion et de synthèse qu'il aurait pourtant fallu effectuer, dans l'opinion comme au sein de l'Assemblée. On a voulu de fait accroître la confusion.

Ensuite, les revendications homosexuelles ont été relativisées.

Ce qui rend difficile une juste appréciation par le grand public de la portée de ce texte, c'est qu'on a le sentiment de ne pas se trouver devant une volonté cohérente et coordonnée, mais face à des revendications diverses, entre lesquelles il serait possible de faire un choix raisonnable.

Les lobbies homosexuels militent depuis plusieurs années pour obtenir une certaine reconnaissance sociale...

Mme Monique Collange.

C'est leur droit !

Mme Christine Boutin.

... mais les mouvements ou associations homosexuels diffèrent beaucoup dans leurs demandes. Certains veulent un statut de concubinage (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), d'autres veulent un mariage. (« Oh ! » sur les mêmes bancs), d'autres ne veulent pas en entendre parler.

(« Oh ! » sur les mêmes bancs.) Mais vous êtes tout à fait incorrects, mesdames, messieurs de la majorité, vis-à-vis des communautés homosexuelles. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous êtes insuportables ! Un peu de dignité et de respect vis-à-vis des personnes, s'il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Retrouvons notre calme ! La parole est à Mme Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je le répète, les demandes des différents mouvements et communautés homosexuels diffèrent beaucoup les unes des autres. Certains veulent un statut du concubinage, d'autres veulent un mariage, d'autres, enfin, ne veulent pas en entendre parler. Certaines communautés revendiquent le droit à l'égalité.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

C'est ça, la démocratie !

Mme Christine Boutin.

D'autres demandent le droit à l'indifférence, parfois même à la différence. Certaines autres demandent le droit à l'adoption.

M. Jean-Pierre Blazy.

Toutes veulent le PACS !

Mme Christine Boutin.

C'est faux !

M. Jean-Pierre Blazy.

Le PACS ne serait pas obligatoire.

Mme Christine Boutin.

Nous y reviendrons tout à l'heure. Ne parlez pas trop vite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Madame Boutin, revenez à votre texte.

Ne dialoguez pas avec l'hémicycle !

Mme Christine Boutin.

Il s'agit vraiment d'un débat important et je vous demande, mes chers collègues, de faire preuve d'un peu de dignité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Essayons de retrouver le calme qui était celui du début de cette intervention ! Veuillez poursuivre, madame Boutin.

Mme Christine Boutin.

Il faut bien comprendre que ces divergences ne portent que sur les moyens. Ce sont des dissensions réelles, mais tactiques. Disons que ce sont des divergences d'angles de vue, qui portent sur des éléments importants, mais néanmoins secondaires par rapport au but commun : obtenir la reconnaissance sociale officielle, avec droits y afférents, d'un certain mode de vie. Et les controverses sur la dénomination du futur statut sont, à cet égard, assez révélatrices. Après bien des hésitations, le terme retenu par notre rapporteur et accepté par le Gouvernement, qui soutient ce texte, est donc celui du PACS.

Le terme de « pacte », par le sens symbolique qu'il revêt, se révèle particulièrement insidieux. Selon son étymologie latine, en effet, il vise à établir la paix, non plus l a paix des ménages traditionnels, rejetés dans les oubliettes du « progrès » social, mais celle des « paires » et des « duos ». Et puis, le mot « paix » plaît à l'opinion.

Mais le PACS, parce qu'il se détermine par rapport à la facilité de sa rupture, n'a rien de « paisable ». (Rires, exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Comment ?

Mme Christine Boutin.

... n'a rien de paisible ni d'apaisant, voulais-je dire. Il n'a d'ailleurs pas de sens juridique très précis. C'est plutôt un terme utilisé en droit international. Il fait référence à un contrat d'une valeur supérieure, doté d'une certaine solennité et marquée par une grande durée, ce qui ne correspond en rien à la définition du PACS. Là aussi, on aura voulu tromper l'opinion.

(Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Seules les associations homosexuelles ont défendu publiquement le principe du PACS. Aucune autre association ne l'a fait, si l'on excepte certains mouvements libertaires, alliés de conjoncture.

Il ne faut pas pour autant méconnaître les difficultés qui sont à l'origine de la demande du PACS.

Ces difficultés, c'est d'abord l'éviction par la famille du compagnon homosexuel, qui se voit refuser le droit de visite et d'information à l'hôpital et, après le décès, le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

droit de succession. C'est, ensuite, l'expulsion du logement commun par la famille ou le bailleur au décès d'un compagnon. La plupart des requêtes de « concubins » homosexuels devant les tribunaux concernent des problèmes liés au décès de l'un des deux. C'est encore l'exclusion de certains avantages du droit du travail - par exemple, les homosexuels fonctionnaires ne peuvent bénéficier des avantages du rapprochement des conjoints ou du statut de célibataire géographique - et de l'affiliation à la sécurité sociale. C'est enfin l'impossibilité de rédiger une déclaration commune des revenus, le refus de la reconnaissance du statut de « soutien de famille » pour le compagnon d'un malade du sida appelé sous les drapeaux, ce qui n'a plus beaucoup de sens puisqu'il n'y a plus de service militaire, l'absence de statut du compagnon ou de la compagne étranger, qui ne peut bénéficier du regroupement familial.

Mais le droit actuel répond déjà à une grande partie de ces difficultés ainsi que la défense de la question préalable le montrera certainement.

Certes, cela demande une certaine organisation. Il n'existe pas de statut permettant de bénéficier de tous ces droits d'un coup. Ces difficultés sont effectivement douloureuses, mais adopter le projet d'union sociale, c'est entrer dans un engrenage qui fonctionne comme un piège, jusqu'au bout.

Le PACS n'est pas autre chose que le vecteur de la reconnaissance de la relation homosexuelle comme relation sociale à part entière, au même titre que la relation naturelle de l'homme et de la femme. Il constitue l'alibi qui doit permettre l'inscription de l'homosexualité dans la loi, en vue de donner aux unions homosexuelles des droits équivalents en tout point, à terme, aux droits des familles.

Parce que dans ma compétence parlementaire j'ai choisi de m'intéresser aux problèmes de société, j'ai naturellement depuis de long mois suivi l'élaboration du texte qui nous est proposé aujourd'hui, et j'ai rencontré des groupes homosexuels afin de comprendre leurs revendications.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Oh ! (« Sectaires ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Marc Laffineur.

Le comportement des députés socialistes n'est pas digne !

M me Christine Boutin.

Ces communautés homosexuelles s'expriment de façon simple et claire : « Nous nous aimons et nous voulons la reconnaissance sociale de notre amour par un mariage. Nous voulons avoir des enfants. De plus, il existe des vides juridiques pour notre vie de couple et nous voulons qu'ils soient comblés. »

Voilà quelles étaient les demandes claires et nettes. Pourquoi les avoir masquées ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est vrai !

Mme Christine Boutin.

Autant la revendication d'un mariage m'est apparue comme impossible à satisfaire, autant celle des vides juridiques méritait un examen approfondi. C'est ce que je vous propose de faire maintenant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Dans le domaine de la sécurité sociale, la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social et son décret d'application du 27 mars 1993 ont déjà réalisé l'essentiel du chemin en conférant la qualité d'ayant droit de l'assuré pour l'assurance maladie et maternité à la personne qui, sans vivre maritalement avec lui, « se trouve à sa charge effective, totale et permanente », depuis au moins douze mois.

Dans le domaine du droit du travail, la loi de 1985 interdit, heureusement, la discrimination en raison des moeurs.

Dans le domaine du droit du logement, la loi du 6 juillet 1989 a prévu le maintien du contrat de bail après le décès du locataire, « au profit du concubin notoire ou des personnes à charge qui vivaient avec lui depuis au moins un an ».

M. Alain Calmat.

C'est bien ! C'est notre majorité qui a fait cela !

Mme Christine Boutin.

Et, en 1992, le Parlement a voté un amendement qui prévoyait le transfert de bail au profit de toute personne vivant avec le locataire depuis un an.

Toutes les dispositions concernant le bénéfice, pour le contractant survivant, des contrats de type commercial - téléphone, électricité, bail de location - peuvent ê tre réglées aujourd'hui par le droit civil.

M. Jacques Myard.

C'est exact !

Mme Christine Boutin.

De très nombreux moyens existent pour s'associer juridiquement avec quelqu'un en matière de prêts bancaires et de locations.

En matière de droits de succession, le système de la tontine...

M. Alfred Recours.

Tontine ! Tontine ! Tontine !

Mme Christine Boutin.

... permettait à deux personnes d'acquérir un logement ensemble, le dernier survivant en devenait le seul propriétaire et bénéficiait d'un régime fiscal de faveur qui était celui du droit de vente sur la moitié des biens lorsque la convention de tontine s'exécutait.

En 1980, une réforme a porté le taux d'imposition à 60 %, rendant la tontine inattractive, sauf dans le cas de l a résidence principale d'une valeur maximale de 500 000 francs au jour du décès. Toutefois, je reconnais que le droit successoral n'est pas satisfaisant pour les couples homosexuels.

Mis à part ce point de droit successoral et l'avantage fiscal donné aux couples mariés civilement, l'affaire est donc claire : il n'existe pas de vide juridique pour les personnes homosexuelles vivant ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le vide législatif supposé justifiant ce texte n'ayant plus d'objet, il ne restait plus que la demande d'un mariage.

C'est ce qu'ont bien compris les maires de 19 000 communes de France, dont le nombre a été vérifié par huissier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Yann Galut.

N'importe quoi. C'était bidon ! C'était de la manipulation, de l'escroquerie intellectuelle !

M. le président.

Un peu de calme, mes chers collègues.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mais il faut rétablir la vérité, monsieur le président.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Christine Boutin.

Dans cet embrouillamini que vous avez construit, la pétition du collectif des maires de France pour le mariage républicain a permis au moins de manifester deux évidences.

M. Yann Galut.

Elle n'a jamais été publiée !

Mme Christine Boutin.

Si, monsieur, sur Internet ! Si vous n'êtes pas moderne, c'est votre problème. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Borotra.

Les socialistes ne sont pas modernes !

M me Christine Boutin.

Voulez-vous que je vous explique comment on accède à Internet, comment on surfe sur le Web ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Retrouvez votre calme, mes chers collègues.

Poursuivez, madame Boutin.

Mme Christine Boutin.

Le collectif des maires de France pour le mariage républicain, disais-je, a donc permis de manifester deux évidences.

La première, c'est que plus d'un maire sur deux dans notre pays est opposé à ce projet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yann Galut.

Ce n'est pas vrai ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est faux !

Mme Christine Boutin.

La deuxième est que le démasquage opéré par ce collectif des maires sur l'enjeu d'un mariage pour les personnes homosexuelles a mis les promoteurs du projet dans une telle colère, qu'ils en sont venus tout simplement à demander la tête d'une journaliste qui avait osé, dans les colonnes d'un grand quotidien du soir, parler de la pétition des maires comme d'une réalité.

Et je cite le texte de la lettre adressée par le président du collectif pour le PACS à M. Colombani, directeur du Monde

« Dans son édition datée du 16 avril, Le Monde annonce que 12 000 maires se seraient prononcés contre le contrat d'union civile et sociale. »...

Mme Raymonde Le Texier.

C'est pas bien de rapporter ! Cafteuse !

Mme Christine Boutin.

...

« Cette "information" est totalement fausse et de surcroît invraisemblable ! Je vous adresse ci-joint nos commentaires sur ces papiers. Je vous d emande de bien vouloir me produire copie des 12 000 lettres des maires qui auraient pris position contre notre projet. Par ailleurs, je vous demande de décharger Mme Aulagnon de ce dossier, car je considère qu'il s'agit d'une faute professionnelle grave qui discrédite votre journal et méprise ses lecteurs au nombre desquels j'étais encore à ce jour. »

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cette personne poursuit : « L'hostilité viscérale dont elle fait preuve à l'égard d'une proposition en débat dans ce pays depuis sept ans l'égare des principes de base du devoir d'information. Enfin, je vous demande de bien vouloir publier une mise au point sur cette affaire après avoir réalisé une enquête sérieuse. » - le mot sérieuse

étant souligné.

Elle conclut : « Veuillez agréer, monsieur le directeur, l'expression de ma stupéfaction et de ma peine de découvrir dans Le Monde un article qui doit satisfaire, de toute évidence, les rédactions de Présent ou de Minute. »

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie.

Mme Christine Boutin.

Cela manifeste un bien curieux sens de la démocratie et de la liberté d'information.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Rassemblement pour la République et du groupe démocratie libérale et Indépendants.) En tous les cas, on m'accordera que de tels comportements sont pour le moins inquiétants...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Hors jeu !

M. Michel Françaix.

C'est vous qui nous inquiétez !

Mme Christine Boutin.

... et parfaitement décalés,...

M. Yves Rome.

C'est votre discours qui est décalé !

Mme Christine Boutin.

... de la part de personnes qui revendiquent cette même liberté et la reconnaissance pour fondement de leurs projets.

Le mérite de cette pétition du collectif des maires est d'avoir contribué à faire apparaître au grand jour la réalité des enjeux du PACS, réalité confirmée d'ailleurs par bon nombre de prises de parole dont je vais me faire un plaisir, maintenant, de vous donner lecture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialite, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Dans un texte diffusé sur Internet (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert), le président du collectif pour le CUCS écrit : « Certes, on peut se demander s'il ne serait pas j udicieux d'abolir le mariage, mais la raison nous contraint de tenir compte de la réalité sociale...

M. Jacques Myard.

Quel aveu !

Mme Christine Boutin.

... ce n'est tout simplement pas pensable aujourd'hui. »

Un député du groupe socialiste.

Mais demain, peutêtre...

Mme Christine Boutin.

Je poursuis ma lecture : « Dans un premier temps, il faut donner les moyens à celles et ceux qui ont un projet commun de vie de pouvoir le réaliser sans entrave. »

Le même...

M. Yves Rome.

Qui c'est ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Christine Boutin.

Je cite le président du collectif poru le CUCS, c'est-à-dire le promoteur de tout ce dont nous discutons aujourd'hui !

M. Yann Galut.

Et alors ? Ce n'est pas nous !

Mme Christine Boutin.

Ne vous inquiétez pas, votre tour viendra ! Après avoir dit qu'il faut tenir compte de la réalité du temps, le même - et il nous entend car il n'est pas loin de nous - déclare dans un numéro du Nouvel Observateur , paru au mois de juillet 1997 : « Le mariage civil, parce qu'il implique une promesse de fidélité devant le maire, se cassera bel et bien la figure une fois que le contrat aura fait ses preuves. »

M. Jean-Pierre Foucher.

Incroyable !

Mme Christine Boutin.

CQFD, madame la ministre !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Vous êtes ridicule !

M. François Loncle.

Ça s'appelle de la confusion mentale !

Mme Christine Boutin.

Mme Guigou, dans un autre journal, La Croix (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), indiquait, en mai 1998 : « Le dispositif doit s'adresser à des couples fondés sur des relations sexuelles. »

(« Oh ! ce n'est pas bien ! » sur les bancs des groupes socialiste.) On reviendra sur les frères, ne vous réjouissez pas trop vite.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Le maire communiste de la commune de Somain, dans le Nord (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), déclarait, dans Le Figaro du 3 septembre dernier : « Nous aurons à payer les conséquences des dérapages qu'induit le PACS, qui est la porte ouverte à la reconnaissance du mariage des homosexuels, avec les possibilités qu'il comporte en matière d'adoption. »

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il a raison !

Mme Christine Boutin.

Il poursuit, avec bon sens, du reste : « Un couple se compose d'un homme et d'une femme, et un enfant a besoin des deux pour se structurer correctement. »

M. Yann Galut.

C'est exactement ce qu'a dit Mme la ministre !

Mme Christine Boutin.

Enfin, il ajoute : « Il est extrêmement dangereux de mettre le doigt dans cet engrenage. »

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le rapporteur, Jean-Pierre Michel (« Ah ! » sur les mêmes bancs), indiquait sur France-Culture (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste), le 18 septembre 1998, au cours d'un débat où nous étions lui et moi invités :

« Simplement, je dirai que le texte en question ne parle pas du tout de la parentalité pour plusieurs raisons.

D'abord nous avons voulu nous concentrer sur la situation des couples car on ne peut pas tout faire en même temps.

(« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Je pense et je crois qu'il faut être franc, que ce texte sera un pas en avant... On ne peut pas, comme on dirait vulgairement, charger la barque tout de suite (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Cela étant, le problème de l'adoption se pose, se posera. »

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Schreiner.

Quel aveu !

Mme Christine Boutin.

Je cite toujours M. Jean-Pierre Michel : « Lorsque les gens seront rentrés dans un PACS, le problème de la possibilité d'adopter se posera... Il se posera d'abord pour les couples hétérosexuels qui seront rentrés dans un PACS, et je ne vois pas comment on pourrait leur refuser d'adopter. Alors là, franchement, je pense que personne ne s'y hasardera, mais c'est vrai que l'on ne pourra pas dire à ce moment-là qu'on va le permettre aux uns et pas aux autres (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République) dès l'instant où ils seront dans le même moule juridique. Le problème se posera. Dans combien de temps, je n'en sais rien, ça, c'est le Gouvernement qui appréciera. »

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe des Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Nous ne serons plus là !

M. Yann Galut.

Vous avez eu la réponse à cette question, madame Boutin !

Mme Christine Boutin.

Je vous demande de respecter votre rapporteur, parce que, lui, au moins, il a dit la vérité, alors que vous, vous avez toujours menti ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est le seul à avoir dit la vérité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Carton jaune !

M. le président.

Mes chers collègues, que le silence revienne et que Mme Boutin poursuive.

Mme Christine Boutin.

De même, Jean-Pierre Michel, notre rapporteur, au cours d'un autre débat organisé entre nous par le journal Ouest-France en juin 1998...

Mme Catherine Picard.

Ce n'est pas une exception d'irrecevabilité, c'est une revue de presse !

Mme Christine Boutin.

... déclarait : « Oui, c'est vrai, nous touchons à quelque chose de très profond (Exclamations sur divers bancs) ... » Je vous rappelle que c'est Jean-Pierre Michel qui parle.

Dites-le vous-même, monsieur Michel.

M. Bruno Le Roux.

Quelle faute avons-nous commise pour nous infliger ce supplice ?

Mme Christine Boutin.

« Oui, c'est vrai, dit-il, nous touchons à quelque chose de très profond (Exclamations sur divers bancs) ... » Mes chers collègues, faites tout de même preuve d'un peu de sérieux.

M. le président.

D'ailleurs, je ne suis pas sûr que de tels comportements honorent l'Assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Christine Boutin.

M. Jean-Pierre Michel indiquait, disais-je : « Oui, c'est vrai, nous touchons à quelque chose de très profond, qui est l'idée que notre société, notre droit est fondé sur l'altérité des couples.

Notre texte dit : le couple, ce n'est plus forcément un homme et une femme, ça peut être deux femmes, ça peut être deux hommes. »

M. Jacques Myard.

Non !

Mme Christine Boutin.

Et il conclut : « C'est là qu'est le vrai débat ouvert par le PACS. » Merci, monsieur

Michel, d'avoir dit la vérité ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Schreiner.

Il est bien le seul !

M me Yvette Benayoun-Nakache.

Bravo, monsieur Michel !

M. Patrick Malavieille.

Ce n'est pas un scoop !

Mme Christine Boutin.

A partir de ces révélations - la pétition du collectif des maires, les déclarations des uns et des autres et en particulier celles de notre rapporteur -, plusieurs tentatives ont été entreprises pour rassurer le bon peuple, plutôt méprisé que réellement informé par ces atermoiements successifs.

(« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Les méthodes et les moyens ont été variés. D'abord, on s'est escrimé à affirmer que le PACS n'avait rien à voir avec le mariage et que ces braves maires du collectif n'avaient absolument rien compris.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il est vrai, que contrairement au PACS, le mariage requiert la fidélité...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Ah, parlons-en !

Mme Christine Boutin.

... et suppose un engagement durable.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il est vrai que l'un des fondements du mariage est le renouvellement des générations, alors que le PACS ne prévoit aucune disposition sur la filiation ni sur l'adoption.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yann Galut.

Vous ne voulez tout de même pas supprimer le divorce ?

Mme Christine Boutin.

Il est vrai que les « pactisés » ne s'apportent qu'« une aide mutuelle et matérielle » alors que les époux se doivent fidélité, secours et assistance.

M. Christian Bataille.

C'était le moment ultramontain !

Mme Christine Boutin.

Mais ces deux formules ont quelque chose de commun, la première n'étant qu'une forme édulcorée de la seconde.

Il est également vrai que la « bi-pacsie », comme la bigamie, est interdite, que l'on ne peut être contractant d'un PACS et engagé dans les liens du mariage et que le PACS est dissous du seul fait du mariage.

Il est encore vrai que le PACS, comme le mariage, est interdit entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus.

Il est aussi vrai que le PACS étend à deux personnes, quel que soit leur sexe, les droits fiscaux et sociaux attribués aux époux. Pouvez-vous, madame le ministre...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

« La » !

Mme Christine Boutin.

Je vous en prie ! Changez vos répliques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pouvez-vous, madame le ministre, nous expliquer les raisons de toutes ces restrictions communes et de ces droits similaires entre le mariage et le PACS ?

Mme Monique Collange.

Elle l'a expliqué !

M. Alain Barrau.

Mme Boutin n'a pas écouté la ministre !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Ce doit être ça !

Mme Christine Boutin.

Comment ne pas voir deux institutions concurrentes ? Aujourd'hui, l'organisation juridique du mariage est parvenue à une quasi-perfection. Il semble bien que, comme toute oeuvre d'art qui est connue pour sa beauté et que l'on tente maladroitement de copier, ou comme toute marque réputée pour sa qualité que des entreprises peu scrupuleuses essaieront de reproduire, on s'apprête à n ous proposer une contrefaçon de l'institution du mariage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mais qui dit contrefaçon dit défaut et infériorité par rapport au produit original ! Nous devons comprendre que tout se tient. Au moment même où l'on cherche à promouvoir une sorte de modèle social inversé, on vide de son contenu le vrai modèle. J'ai parlé de la force et de l'attrait uniques du mariage, dans toutes les civilisations, comme protecteur de l'amour de l'homme et de la femme dans le temps...

Mme Monique Collange.

Et l'adultère, ça n'existe pas ?

Mme Christine Boutin.

... et comme cadre nécessaire à l'éducation des enfants. Or le PACS enlève toute raison d'être juridique et sociale au mariage civil. Il le tue par asphyxie.

M. Yann Galut.

A vous écouter, il faudrait revenir sur le divorce !

Mme Christine Boutin.

Il est tout à fait significatif de constater que la plupart des voix qui se sont élevées en faveur de l'union sociale se sont également acharnées contre l'institution du mariage, analysée comme dépassée, contraignante, marquée socialement, idéologiquement et

« psychanalytiquement », et vécue comme une intrusion de la société dans la vie privée. Une telle intrusion justifie que l'on s'attache à détruire, demain seulement, l'institution matrimoniale.

Le paradoxe est que, tout en attaquant le mariage, les p romoteurs du PACS revendiquent une forme de reconnaissance similaire et se placent donc dans une situation contradictoire. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

D'une part, on veut considérer le mariage comme inutile et malsain (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

Un député du groupe socialiste.

Personne ne dit cela !

Mme Christine Boutin.

... et, d'autre part, on réclame une reconnaissance et des certificats pour légitimer un état de vie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Or l'analyse de ce statut montre qu'il est fait implicitement référence à l'institution du mariage. On y retrouve même, ce qui est assez étonnant, une sorte de fascination pour les règles du mariage. A tel point qu'il n'a échappé à personne que le PACS était un « mariage bis ».

M. Patrick Lemasle.

C'est ridicule !

Mme Christine Boutin.

Oui, je le répète, le PACS est un mariage bis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Mais cette appellation fait peut-être trop honneur au PACS, car ce n'est qu'un mauvais plagiat du mariage. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le PACS est d'une piètre qualité juridique et insulte la grande tradition juridique française. (« Très juste ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le PACS discrédite notre pays. Le texte qui nous est proposé est chaotique. Dans notre droit, il n'y a qu'un seul contrat de communauté de vie...

M. Patrick Lemasle.

Tout ce qui est excessif n'est pas crédible !

Mme Christine Boutin.

Merci pour le compliment ! Dans notre droit, disais-je, il n'y a qu'un seul contrat de communauté de vie : le mariage.

Les rédacteurs du code civil ont su prévoir toutes les dispositions nécessaires pour réglementer le mariage. Ils ont su organiser toutes ces dispositions dans différentes parties du code et, progressivement, le mariage a atteint une quasi-perfection.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Le PACS n'en prend que des bribes ici ou là.

D'un point de vue juridique, il est inimaginable d'insérer un texte aussi boiteux que celui du PACS dans le code civil.

M. Bernard Accoyer et M. Pascal Clément.

C'est vrai !

Mme Christine Boutin.

D'un point de vue purement technique, il serait même préférable de proposer le mariage des homosexuels. (« Ah ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Cécile Helle.

Vous faites des progrès !

Mme Christine Boutin.

Le PACS veut imiter le mariage, mais il n'en a pas la perfection juridique.

Mais puisqu'on ne veut pas faire peur,...

M. Jean-Pierre Blazy.

Pour ça, on compte sur vous !

Mme Christine Boutin.

... puisque vous ne voulez pas faire peur, on a évité de reprendre toutes les dispositions du mariage, ce qui rend le PACS impraticable.

Un député du groupe socialiste.

Intégriste !

Mme Christine Boutin.

On a même essayé de dématrimonialiser le PACS, mais les profondes similitudes avec le mariage n'en sont pas moins flagrantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Monique Collange.

L'amour !

M. le président.

Madame Boutin, nous approchons de dix-neuf heures trente. Conformément à ce qu'a indiqué M. le président de l'Assemblée nationale avant que vous ne preniez la parole, je vais bientôt lever la séance.

En conséquence, je vous demande de bien vouloir, si le passage vous paraît bien choisi, interrompre votre intervention, que vous reprendrez à vingt et une heures.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, la demande d'interruption n'est pas du tout habituelle. Elle est le résultat d'un accord en conférence des présidents.

M. le président.

Absolument !

Mme Christine Boutin.

C'est bien volontiers que je me plie à cette demande pour assurer toute la sérénité à nos débats.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous remercie.

Mme Christine Boutin.

Mais, avant de m'interrompre, je voudrais encore dire ceci :

M. le président.

Je vous en prie, ma chère collègue.

Mme Christine Boutin. ... les empêchements faits au mariage sont les mêmes que ceux qui sont avancés pour le PACS, si bien que les seules différences qui séparent le PACS du mariage sont, d'une part, le fait que le PACS soit accessible à deux personnes du même sexe et, d'autre part, la facilité de sa rupture. Le PACS refuse en effet toute espèce de contrainte.

Mme Muguette Jacquaint.

Amen ! (Rires sur certains bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Borotra. C'est formidable : Mme Jacquaint a dit un mot en latin !

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues ! Mme Christine Boutin. Monsieur le président, ce sera bien volontiers que j'interromprai là mon propos.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion des propositions de loi : de M. Jean-Pierre Michel, de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

de M. Guy Hascoët, de M. Alain Tourret, relatives au pacte civil de solidarité (nos 1118, 1119, 1120, 1121 et 1122) : M. Jean-Pierre Michel, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1138) ; M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1143).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mardi 3 novembre 1998 SCRUTIN (no 132) sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Nombre de votants .....................................

542 Nombre de suffrages exprimés ....................

509 Majorité absolue ..........................................

255 Pour l'adoption ...................

266 Contre ..................................

243 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 233. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Damien Alary , Mme Sylvie Andrieux , MM. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , Jean-Marc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , Jean-Pierre Baeumler , JeanPierre Balduyck , Jean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , JeanClaude Bateux , Jean-Claude Beauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Jean-Louis B ianco , André Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , Didier Boulaud , Pierre B ourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle B ousquet , MM. Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul Bret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Marcel Cabiddu , Alain Cacheux , Jérôme Cahuzac , Alain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , André Capet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mmes Véronique Carrion-Bastok , Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteguet , Guy-Michel C hauveau , Jean-Claude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme Marie-Françoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , François Colcombet , Mme Monique Collange , MM. Jean-Claude Daniel , Jacky Darne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean D elobel , François Deluga , Jean-Jacques Denis , Mme Monique Denise , MM. Bernard Derosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Julien Dray , Tony Dreyfus , Pierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Jean-Louis Dumont , Mme Laurence Dumont , MM. Dominique Dupilet , Jean-Paul Dupré , Yves Durand , Jean-Paul Durieux , Philippe Duron , Jean Espilondo , Claude Evin , Alain F abre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt ,

M M. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Pierre Forgues , Jean-Louis Fousseret , Michel F rançaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Gérard Fuchs , Robert Gaïa , Yann Galut , Roland Gar-r igues , Jean-Yves Gateaud , Jean Gaubert ,

M mes Catherine Génisson , Dominique Gillot , MM. André Godin , Gaëtan Gorce , Alain Gouriou , G érard Gouzes , Joël Goyheneix , Bernard Grasset , Michel Grégoire , Mmes Odette Grzegrzulka , Paulette Guinchard-Kunstler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Maurice Janetti , Serge Janquin , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Bertrand K ern , Jean-Pierre Kucheida , André Labarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François L amy , Pierre-Claude Lanfranca , Jack Lang , Jean L aunay , Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , P atrick Lemasle , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern , Michel Liebgott , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Jean-Paul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Daniel Marsin , Marius Masse , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Jean Michel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon ,

M M. Gilbert Mitterrand , Yvon Montané , Gabriel Montcharmont , Henri Nallet , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri , Michel Pajon , Vincent Peillon , Germinal Peiro , Jean-Claude Perez , Mmes Marie-Françoise P érol-Dumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette Peulvast-Bergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reyn aud , M. Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Y ves Rome , Gilbert Roseau , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , René Rouquet , Michel SainteMarie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Patrick Sève , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mmes Catherine Tasca , Christiane Taubira-Delannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vauzelle , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque

Non-votants : 2. - MM. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale) et Jean Glavany (membre du Gouvernement).

Groupe R.P.R. (137) : C ontre : 130. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc , Michel Bouvard , Victor Brial , Philippe Briand , Michel B uillard , Christian Cabal , Mme Nicole Catala , MM. Jean-Charles Cavaillé , Richard Cazenave , JeanPaul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M arc Chavanne , François Cornut-Gentille , Alain Cousin , Jean-Michel Couve , Charles Cova , Henri C uq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , Arthur Dehaine , Jean-Pierre Delalande , Patrick Delnatte , JeanMarie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Eric Doligé , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , Marc Dumoulin , Jean-Pierre Dupont , Nicolas D upont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , François Fillon , Roland Francisci , Pierre Frogier , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , Jean-Pierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Louis Guédon , Jean-Claude Guibal , Lucien Guichon , Jean-Jacques Guillet , Gérard Hamel , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kossowski , Jacques L afleur , Robert Lamy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre Lellouche , Jean-Claude Lemoine , Arnaud L epercq , Jacques Limouzy , Lionnel Luca , Thierry Mariani , Alain Marleix , Franck Marlin , Jean Marsaudon , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Gilbert Meyer , Charles Miossec , Renaud Muselier , Jacques Myard , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Jacques Pélissard , Dominique Perben , Michel Péricard , Pierre Petit , Etienne Pinte , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raimond , Jean-Luc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , Jean-Claude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , François Vannson , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

Groupe U.D.F. (68) : Contre : 67. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Jacques Barrot , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Jean-Louis B orloo , Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Jean Briane , Yves Bur , Dominique Caillaud , Hervé de Charette , Jean-François Chossy , René Couanau , Charles de Courson , Yves Coussain , Marc-Philippe Daubresse , Jean-Claude Decagny , Léonce D eprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude G aillard , Germain Gengenwin , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mmes Anne-Marie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille , MM. Henry Jean-Baptiste , JeanJ acques Jégou , Christian Kert , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , Jean-Antoine Leonetti , François Léotard , Maurice Leroy , Roger Lestas , Maurice Ligot , François Loos , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Dominique Paillé , Henri Plagnol , Jean-Luc Préel , Marc Reymann , Gilles de Robien , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin , Jean-Jacques Weber et Pierre-André Wiltzer

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 41. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Dominique Dord , Renaud Dutreil , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Jean-Claude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier et Gérard Voisin

Groupe communiste (36) : Pour : 3. - MM. Jean-Pierre Brard , Jean-Claude Lefort et Ernest Moutoussamy

Contre : 2. - MM. Patrice Carvalho et Georges Hage

Abstentions : 31. - MM. François Asensi , Alain Belviso , Gilbert Biessy , Claude Billard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jacques Brunhes , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. André Gerin , Pierre Goldberg , Maxime Gremetz , Guy Hermier , Robert H ue , Mmes Muguette Jacquaint , Janine Jambu , MM. André Lajoinie , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Roger Meï , Bernard Outin , Daniel Paul , Jean-Claude Sandrier , Michel Vaxès et Jean Vila

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 30. - M. André Aschieri , Mmes Marie-Hélène Aubert , Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Roland C arraz , Gérard Charasse , Bernard Charles , Yves Cochet , Michel Crépeau , Jean-Pierre Defontaine , Roger Franzoni , Guy Hascoët , Elie Hoarau , Robert Honde , François Huwart , Guy Lengagne , Noël Mamère , JeanMichel Marchand , Alfred Marie-Jeanne , Mme Gilberte Marin-Moskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pontier , Jean Rigal , Georges Sarre , Gérard S aumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret et Aloyse Warhouver

Abstentions : 2. - MM. Jacques Desallangre et Claude Hoarau

Non-inscrits (5) : Contre : 3. - MM. Charles Millon , Jean-Pierre Soisson et Philippe de Villiers

Mises au point au sujet du présent scrutin (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale)

M. Robert Pandraud, qui était présent au moment du scrutin, a fait savoir qu'il avait voulu voter « contre ».

M. Jean-Claude Lefort, qui était présent au moment du scrutin, a fait savoir qu'il avait voulu « s'abstenir volontairement ».