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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

1. Loi des finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi.

(p. 8145).

INTÉRIEUR M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la sécurité.

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la police.

M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les collectivités locales.

M. Jacky Darne, suppléant M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités locales.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

MM. Pascal Clément, Bernard Derosier, Jacques Brunhes, Thierry Mariani, le ministre de l'intérieur par intérim, Jean-Louis Debré.

Suspension et reprise de la séance (p. 8166)

MM. Roland Carraz, Rudy Salles, Gérard Saumade, rapporteur spécial, Guy Teissier, Jean-Pierre Blazy, Alain Clary, Christophe Caresche, Alain Belviso, Mme Nicole Bricq.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance.

(p. 8177).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

;

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

INTE

RIEUR

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'intérieur.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur par intérim, mes chers collègues, en quelque quinze minutes, je vais tenter de vous résumer l'opinion de la commission des finances sur la partie « sécurité » du projet de budget du ministère de l'intérieur.

« Tout citoyens, toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité. » Par ces propos

qui ont été tenus lors du colloque de Villepinte, en octobre 1997, et que nous pouvons tous, je crois, reprendre à notre compte, le Premier ministre a souligné la valeur éternelle des principes affirmés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, sur le « droit à la sûreté » et sur la nécessité d'une force publique pour la garantie des droits des citoyens.

Cette constatation, dont l'évidence n'a pas toujours été admise, est aujourd'hui reprise par le Gouvernement. Elle induit nécessairement la volonté d'une politique de sécurité tout entière axée sur la proximité et la satisfaction des attentes légitimes de la population.

Le projet de budget qui nous est soumis essaie de dégager les moyens, essentiellement humains, permettant un véritable rapprochement entre la police et les citoyens.

Sa progression globale, de 2,9 %, tranche avec les évolutions des années précédentes et empêche de considérer que le ministère de l'intérieur a été maltraité.

Pour autant, ce budget n'est pas entièrement satisfaisant. D'une part, il ne rompt par avec une pratique qui conduit à considérer les moyens de fonctionnement alloués à la police comme une variable d'ajustement.

D'autre part, il ne permet pas d'anticiper sur la prochaine mutation démographique, induite par une pyramide des âges des policiers particulièrement défavorable.

Je commencerai par le budget de la police nationale.

Alors que les crédits n'avaient augmenté que de 1,1% en 1997 et 1998, ils progressent en 1999 de 2,9 %. De même, les autorisations de programme connaissent une forte progression, de plus de 10,3 %.

Mais, vous le savez, le budget de la police nationale se caractérise par sa rigidité, provoquée par le poids des dépenses de personnel. Cette rigidité fait que les moyens de fonctionnement constituent, je le répète, la variable d'ajustement du budget, ce que l'on peut regretter.

Les dépenses de personnel de la police nationale augmenteront de 2,6 % en 1999, mais la mise en oeuvre de l'accord salarial de la fonction publique du 10 février 1998 pèse très lourd sur cette progression.

Les effectifs des personnels de police, tous corps confondus, se sont accrus de 9 465 unités au cours des dix dernières années. Cette progression, pour satisfaisante qu'elle soit, n'en dissimule pas moins de réels problèmes structurels et fonctionnels.

D'une part, la pyramide des âges des policiers montre que les besoins en recrutement seront considérables au cours des prochaines années.

D'autre part, le recrutement de 5 000 fonctionnaires administratifs prévu par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité n'a pu avoir lieu. Un quart seulement de l'objectif a été réalisé.

Les mouvements d'emplois prévus en 1999 conduisent à une augmentation des effectifs globaux de la police nationale de 3 288 unités, soit 2,3 % des effectifs.

Les indemnités et allocations diverses représentent plus de 30 % des rémunérations principales versées dans la police. Elles sont en augmentation de 3,6 % par rapport à 1998.

Mais cette augmentation résulte avant tout de mesures générales appliquées à l'ensemble de la fonction publique et l'accord salarial signé en février 1998 en constitue la plus grande part. En raison du poids de ces mesures générales, les indemnités catégorielles connaissent une évolution que l'on peut qualifier de dérisoire, d'un montant global de 17 millions de francs.

Les moyens de fonctionnement sont en progression de 2,1 %. L'augmentation réelle sera peut-être un peu plus importante. En effet, une compensation est intervenue entre la réduction des moyens de fonctionnement liée à la suppression d'emplois et l'ajustement des crédits de fonctionnement relatifs aux adjoints de sécurité.

La situation du parc automobile de la police suscite l'inquiétude de votre rapporteur. Les besoins sont importants et le parc automobile n'est pas suffisamment renouvelé. Je ne saurais trop insister sur la nécessité de consentir un effort dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1998.


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Les dépenses informatiques et télématiques sont, quant à elles, essentiellement liées à l'adéquation avec le système informatique central de Schengen.

En ce qui concerne l'équipement immobilier, un effort a été accompli mais le retard est tel que, si l'on se réfère a ux opérations envisagées, qui sont particulièrement lourdes, il sera loin d'être comblé. Un effort annuel considérable serait nécesaire. Devant ces difficultés, le ministère de l'intérieur envisageait d'avoir recours à des locations, mais il semble, d'après ses services, que le ministère des finances n'ait pas encore donné son accord pour cette nouvelle procédure.

En ce qui concerne les logements, si l'objectif fixé de 4 000 a été atteint en cinq ans, l'effort doit être poursuivi car leur nombre est encore insuffisant.

Je souligne par ailleurs la nécessité de renouveler les véhicules mis à la disposition de la police, en rappelant que les gros véhicules, camions et engins, s'amortissent sur une période de douze ans, tandis que les petits véhicules s'amortissent sur une période de huit ans. Les dotations consacrées à l'équipement lourd doivent donc être reconsidérées.

Ayant évoqué en quelques mots les effectifs, les moyens, vous comprendrez que le rapporteur spécial de la commission des finances s'attache un peu au fond.

Si le droit à la sécurité n'est pas assuré à chaque citoyen, on ne peut envisager de le faire profiter d'autres libertés. Pour sa mise en oeuvre, il fallait définir une politique. Cette politique a été un peu précisée par la circulaire interministérielle du 28 octobre 1997 relative à la mise en place des contrats locaux de sécurité.

Je connais, peut-être plus que d'autres, en tant qu'élu parisien, la nécessité de ces contrats. Je précise toutefois qu'ils n'ont pas encore été mis en place dans les vingt arrondissements de Paris.

Ces contrats s'inscrivent dans une logique de police de proximité afin de donner davantage d'efficacité et de visibilité à l'action quotidienne de la police.

La sécurité ne peut pas être l'affaire des seuls services de police ou de gendarmerie. Il convient d'associer à leurs actions les élus au plan local et les acteurs de la vie sociale, les représentants des bailleurs sociaux, des sociétés de transport ou des associations.

Le contrat local de sécurité vise d'abord à fournir un diagnostic, ensuite à définir un plan d'action avec les acteurs que je viens de citer.

Quelques centaines de contrats ont d'ores et déjà été signés en France, mais des réticences sont apparues à partir du moment où le besoin s'est fait sentir d'affecter un tel contrat à plusieurs communes d'une même agglomération. Les élus ont quelquefois souhaité limiter le diagnostic et, par suite les moyens, à leur seule commune.

Le besoin d'un contrat local de sécurité est très fortement ressenti à Paris. C'est un contrat de proximité et, à l'évidence, il doit être mieux connu de la population. Il ne s'agit pas simplement de mettre en oeuvre des moyens importants, il faut aussi réduire le sentiment d'insécurité des citoyens.

Mais qui dit contrat local de sécurité, qui dit police de proximité, dit aussi attention portée à la question des effectifs. Les adjoints de sécurité, ayant la qualité d'agents contractuels, sont chargés de renforcer les services. Des agents locaux de médiation sociale sont également recrutés.

Le recrutement des agents de sécurité ne peut pas se faire de manière homogène. Certaines régions, comme l'Ile-de-France, peut-être en raison d'un niveau de chômage moins élevé, ont peu de candidats et rencontrent des difficultés de recrutement.

Les agents locaux de médiation sociale ont pour objectif de créer les conditions d'un sentiment de sécurité et de traiter au mieux les incivilités. Encore une fois, il s'agit de tenter de redonner aux citoyens un début de sentiment de sécurité. Vous le constatez, monsieur le ministre, je suis particulièrement modeste. Mais cette démarche en direction des citoyens est absolument nécessaire. Abreuver les Français de statistiques rassurantes n'a pour effet que de les exaspérer. Un citoyen dont la grand-tante a été dévalisée l'avant-veille est peu sensible à l'annonce de la réduction du nombre des délits dans la période précédente. Je ne dis pas cela pour être désagréable, je considère simplement qu'il faut faire comprendre aux citoyens que ces contrats locaux de sécurité les concernent très directement. Le fait de voir sur le terrain des adjoints de sécurité ou des agents de médiation a un effet rassurant.

Après les contrats locaux de sécurité, je voudrais évoquer la réforme de la préfecture de police de Paris. Le projet que nous a fait parvenir le ministère de l'intérieur, et qui a été élaboré par le préfet de police, s'apparente, par son ampleur, à la réforme qui avait été réalisée par les préfets Lépine et Hennion, qui sont en quelque sorte à l'origine de la philosophie de la préfecture de police.

Je ne m'étendrai pas sur le renom de la préfecture de police ni sur les compétences propres du préfet de police de Paris, mais une réorganisation de ses services est indispensable. La proposition de créer dans chaque arrondissement une circonscription unique de police de proximité est excellente ; cette mesure sera connue des citoyens et leur donnera le sentiment de vivre dans une petite commune qu'ils connaissent bien.

M. Christophe Caresche.

Très bien !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

Les crédits de paiement consacrés à la sécurité civile augmentent de 9,7 %.

Je ne m'étendrai pas sur cette information purement abstraite.

Pour conclure, je soulignerai que la préparation de ce projet de budget a donné lieu à des échanges intéressants entre les membres de la commission des finances, ceux de la commission des lois, le ministre et ses collaborateurs.

M. le ministre peut, je crois, nous donner acte que nous avons été dans son sens. Les compléments d'information que nous avons demandés ont donné lieu à l'actualisation souhaitée par son ministère. Cette actualisation a été acceptée par le ministère des finances.

C'est une bonne chose. Le Gouvernement a défini une politique de sécurité qui se soucie de la sécurité de chacun des citoyens. C'est heureux car, reconnaissons-le, la sécurité et l'emploi sont aujourd'hui les deux préoccupations essentielles de nos concitoyens. Il eût été aberrant de ne pas prendre en compte les besoins justifiés mis en avant par le ministère de l'intérieur.

Ce sera chose faite après le vote de la loi de finances rectificative. En conséquence, la commission des finances souhaite l'adoption du budget de la sécurité pour 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, pour la police.


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M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la police. Monsieur le ministre, la commission des lois a donné un avis favorable au projet de budget de la police nationale pour 1999. Je vous le dis d'entrée de jeu pour qu'il n'y ait pas de suspens et pour vous éviter toute émotion. Cela ne signifie pas pour autant que nous en soyons entièrement satisfaits, même si les perspectives devraient s'éclaircir sensiblement avec les engagements annoncés au titre du projet de loi de finances rectificative pour 1998. Je tiens d'ailleurs à vous remercier des efforts que vous avez déployés, comme je remercie M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, et M. Didier Migaud, rapporteur général, de leur diligence.

En matière de sécurité, l'argent et les effectifs ne font pas tout. On peut même nous faire remarquer que le nombre de nos policiers et de nos gendarmes nous situe à la première place en Europe. Compte tenu de la situation, il faut revoir l'organisation, la pratique, instaurer un nouvel état d'esprit. Et c'est là que nous retrouvons immédiatement le problème des moyens, qui n'est pas forcément ni uniquement un problème d'effectifs, mais, qui dit moyens, dit efficacité et moral des personnels de la police.

La situation est connue, j'irai donc vite. Une délinquance qui augmente, qui concerne des gens de plus en plus jeunes, qui s'exporte vers la périphérie, des phénomènes de bandes qui nourrissent maintenant une délinquance beaucoup plus grave que par le passé. Les causes de cette situation sont le terreau social qui résulte de la crise, un chômage qui reste élevé, une précarité qui s'aggrave, des phénomènes de ghetto dans les grandes villes et à leur périphérie.

A l'initiative de M. Jean-Pierre Chevènement, auquel je tiens à rendre hommage, une réflexion en profondeur s'est engagée dans l'esprit du colloque de Villepinte pour initier de nouvelle méthodes : en amont, l'idée de citoyenneté, l'éducation à la citoyenneté, une police de proximité, le renforcement de la coopération entre les services de l'Etat, l'éducation nationale, la police, la justice, les collectivités locales. C'est dans cet esprit qu'ont été créés les contrats locaux de sécurité.

Prévention, îlotage, présence dans les quartiers à problèmes, de jour et de nuit, rondes pédestres des policiers et pas seulement tournées en voiture sont une nécessité.

Mais si l'on veut vraiment y parvenir, il faudra envisager, et je sais que c'est dans vos intentions, une gestion décentralisée des personnels, car les fonctionnaires de police ne doivent pas avoir dépassé la quarantaine lorsqu'ils se trouvent dans les régions du centre, du sud de la France ou de retour chez eux.

Le projet de budget pour 1999 est-il vraiment à la hauteur de ces exigences ? Le ministre de l'intérieur déclarait, dès le 17 juin dernier, devant la commission des finances, que la part des crédits globaux de son ministère dans l'ensemble des crédits budgétaires de l'Etat diminuait sensiblement depuis ces dernières années pour tomber de 4,07 % en 1993 à 3,72 % en 1998. Or, ajoutait-il, compte tenu de l'importance particulière des crédits de personnels encore accrus par les conséquence de l'accord salarial dans la fonction publique, cela se fait au détriment du renouvellement du parc automobile qui est dans un état déplorable, de la rénovation de nombreux commissariats de police ou de la nécessité d'en implanter de nouveaux dans les zones très urbanisées de v ingt-six départements classés sensibles. Le ministre concluait en faisant ressortir le contraste entre l'attente de sécurité constatée dans l'opinion et au Parlement et la pauvreté des moyens de son ministère : 7,3 milliards de francs pour les dépenses de fonctionnement hors personnel sur un total de 51 milliards de francs au titre du fonctionnement et 1,7 milliard de francs pour les dépenses d'investissement. Ces chiffres sont, hélas, éloquents.

Le projet de budget pour 1999 présente néanmoins des aspects positifs : le recrutement, pour la seconde année consécutive, des adjoints de sécurité, le déploiement d'ACROPOL afin d'assurer la sûreté des transmissions des services de police, le recrutement par anticipation de 1 400 policiers pour compenser les départs en retraite qui seront supérieurs à 25 000 en cinq ans.

Mais il y a aussi les insuffisances. Les investissements immobiliers sont trop faibles. Les promesses du budget de 1998 seront compromises. Nous estimons qu'il manque quelque 110 millions de francs, auxquels il faut ajouter 120 millions de francs pour le parc automobile. Le système d'interception des GSM, des téléphones mobiles, pour intercepter les communications des délinquants, exigerait 60 millions de francs au bas mot.

S'agissant du régime indemnitaire des personnels, une partie du corps des officiers ne pourra être dotée et le gros des gardiens de la paix n'aura pas grand-chose. Pour remédier à cette situation, 100 millions de francs seraient nécessaires. Je vous donne acte dans le même temps, monsieur le ministre, de votre volonté de veiller à une meilleure répartition des effectifs et des primes en tenant compte de l'engagement sur le terrain des fonctionnaires.

En outre, si le redéploiement police-gendarmerie se réalise, il ne se fera pas à coût nul. Il faudrait prévoir quelque 100 millions de francs. C'est une réforme nécessaire pour tenir compte des déplacements de populations et de la carte de la délinquance, mais qui exige une véritable concertation avec tous les acteurs, les élus en particulier. Or nous n'en sommes encore qu'aux premiers et timides balbutiements de la concertation.

Devant les lacunes certaines de ce budget s'avancent les promesses du projet de loi de finances rectificative qui passera en conseil des ministres le 18 novembre prochain.

Nous notons qu'il est envisagé dans ce cadre de consacrer 100 millions de francs supplémentaires au fonctionnement de la police. Sont également prévus : 90 millions de francs qui allégeront d'autant le projet de budget pour 1999 et seront affectés au remboursement de la dette envers France Télécom, 45 millions de francs pour l'envoi des pastilles vertes - la sécurité est-elle bien concernée ici au sens strict du terme ? -, 85 millions de francs pour l'immobilier et 90 millions de francs de crédits de paiement supplémentaires pour le système ACROPOL. Soit au total 410 millions de francs, desquels il faut à mon sens déduire la somme qui sera affectée aux pastilles vertes, et qui sont à mettre en face des 490 millions que j'ai chiffrés. Il faut enfin noter que 70 millions seront gagés sur les réservations immobilières de logements sociaux destinés aux personnels de police.

J'ajouterai qu'il faut toujours craindre, hélas ! le gel des crédits, les annulations de crédits, l'inadéquation entre les autorisations de programme et les crédits de paiement.

Ainsi le budget de 1997 dans son exécution a-t-il subi des gels, puis des annulations de crédits, des reports de crédits, sans que les sommes ainsi perdues soient récupérées par la loi de finances rectificative de 1997. Pour 1998, les arrêtés d'annulation, même s'ils sont moins lourds, existent déjà depuis janvier dernier : 12,6 millions de francs de crédits de paiement, 32 millions de francs d'autorisations de programme.


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Il est temps que le budget de la police comme sa réorganisation et sa modernisation deviennent prioritaires.

Avant de quitter cette tribune, je souhaite dire un mot de la situation des grévistes de la faim de LimeilBrévannes, en grève depuis soixante-dix jours. De tels cas existent aussi sur d'autres sites, à Orléans, par exemple.

Les implications humaines sont lourdes. Le Président de la République du Sénégal, M. Abdou Diouf, qui s'exprimait il y a quelques jours de cette tribune, s'en est d'ailleurs inquiété au cours de son voyage. Aujourd'hui, quelque 60 000 personnes ne sont pas encore régularisées. Le conseil des ministres a examiné un texte de Mme Aubry envisageant l'aide au retour, la formation, le suivi, l'instauration de visas à multiples entrées. Si ce texte est loyalement appliqué, dans le cadre d'une politique de codéveloppement, cela peut être une solution. Il y va de l'intérêt de notre pays et de son rayonnement. Mais je vous demande un geste d'humanité à l'égard des grévistes de la faim, qui risquent leur santé et parfois leur vie pour vivre au milieu de nous. Je vous prie, monsieur le ministre, de bien vouloir transmettre ce message au Premier ministre.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civile.

M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civile.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parce qu'elles sont directement liées à l'évolution de notre monde moderne économique, technologique et sociale, les missions de la sécurité civile sont devenues ces dernières années à la fois plus nombreuses et plus diversifiées et sont de plus en plus souvent assurées dans un contexte difficile.

La responsabilité de l'essentiel de ces missions ayant été historiquement et légalement confiée aux communes, le territoire français connaît aujourd'hui une grande inégalité dans les moyens en équipements et en hommes, donc dans les coûts de ce service.

L'organisation locale de la sécurité civile connaît une réforme historique des services d'incendie et de secours dont la mise en oeuvre, vous vous en doutez, suscite des inquiétudes liées aux conséquences financières pour les collectivités locales qui supportent la charge d'un service sur lequel elles ont un pouvoir de décision relativement limité et dont elles voient les coûts augmenter de manière alarmante.

Le budget que nous examinons est modeste et sans grande perspective. Avec 1,220 milliard de francs, le budget de la sécurité civile occupe en effet une place modeste au sein du ministère de l'intérieur : moins de 1 % des effectifs du ministère. L'augmentation des crédits par rapport à l'année précédente, qui est de 9,7 %, n'aboutit cependant qu'à la stricte reconduction des moyens indispensables pour maintenir une capacité opérationnelle minimale de la sécurité civile. En effet, la réforme des armées et le remplacement progressif des appelés par des professionnels est à l'origine de la progression des crédits de personnel - plus de 15 % -, ainsi que de l'augmentation de la participation de l'Etat aux dépenses des services de secours de la ville de Paris - plus 29 millions de francs. Les crédits de fonctionnement sont par ailleurs seulement reconduits et représentent le seuil incontournable en deçà duquel il serait extrêmement difficile de continuer l'activité opérationnelle.

Les moyens alloués à la poursuite du renouvellement de la flotte d'hélicoptères vétustes et à la modernisation des trakers sont limités à 81 millions de francs, alors que les crédits affectés à la maintenance, en nette diminution, pourraient se révéler une fois de plus insuffisants. Il faut rappeler que la flotte de Canadair, dont le marché a fait l'objet d'observations de la part de la Cour des comptes, continue à poser des problèmes techniques majeurs qui la rendent peu opérationnelle. Malgré une réorganisation du service de déminage engagée, le problème de stockage de matériels dangereux n'est pas complètement résolu. Enfin, la subvention à l'Institut national de la sécurité civile diminue ainsi que celle allouée au service d'incendie et de secours en raison de la non-reconduction classique des crédits d'origine parlementaire.

Cependant, ce service connaît des missions plus étendues et plus diversifiées. La société nouvelle dans laquelle nous vivons génère en effet des risques nouveaux auxquels de nouvelles missions doivent répondre. Ces risques nouveaux sont engendrés par la société industrielle : risques chimiques, bactériologiques, nucléaires, qui sont le prix à payer de l'évolution technologique du monde moderne.

Malgré les efforts de prévention, les risques d'incendie demeurent, en particulier dans les régions du Sud, et les risques naturels persistent, comme vient de nous le rappeler cruellement l'actualité du cyclone Mitch. Enfin, dans un monde en tension, on ne peut ignorer le risque terroriste qui reste potentiel.

Parallèlement, nos concitoyens, confiants dans l'évolution scientifique, réclament de plus en plus de sécurité pour des risques de plus en plus minimes. Ils exigent même, souvent avec l'aide des médias, un risque zéro et une intervention immédiate et efficace des secours en cas de sinistre. Cette exigence croissante d'une société où le besoin de sécurité va de pair avec le recours de plus en plus fréquent à des procédures contentieuses rend la tâche des intervenants de la sécurité civile de plus en plus difficile.

Enfin, l'évolution du champ d'intervention de ce service exige une formation technique des personnels, des moyens opérationnels adaptés, donc des efforts financiers qui sont loin d'être négligeables. Au courage et au dévouement des hommes s'ajoutent désormais de manière i ndissociable la technicité et le professionnalisme qu'exigent ces nouvelles missions.

La mutation est donc indispensable, mais son coût sera élevé pour les collectivités territoriales. En effet, la réforme des services d'incendie et de secours et l'élargissement du champ d'intervention de la sécurité civile que nous venons d'évoquer ont motivé l'adaptation des textes concernant les différentes catégories de sapeurs-pompiers.

Les effectifs stagnent alors que le nombre d'interventions est passé de 1 million en 1975 à 3 millions en 1995. On peut cependant regretter l'absence d'étude d'impact sur le coût de la réforme des SDIS. La mise en oeuvre de la réforme des services d'incendie et de secours va de pair avec l'adaptation du statut des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels.

S'agissant du volontariat, la loi du 3 mai 1996 tire les enseignements d'une crise susceptible d'affecter l'organisation même de la sécurité civile dont le personnel est composé à 84 % de volontaires. Elle organise mieux les relations entre les volontaires et leurs employeurs. Cette loi est donc une étape importante pour la reconnaissance du volontariat. Cependant, le problème de la formation demeure et il semble désormais nécessaire qu'aux mêmes


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missions et aux mêmes responsabilités corresponde la même formation, que l'on soit professionnel ou volontaire.

En ce qui concerne les professionnels, la gestion centralisée des services d'incendie et de secours nécessite une adaptation et une harmonisation des statuts. Deux types de réforme existent : l'harmonisation du régime indemnitaire et celle du régime de travail. Le régime indemnitaire a été réglé par une réflexion engagée en 1994 et le dé cret du 5 juin 1998, mais ce décret ne détermine qu'un cadre de référence à l'intérieur duquel les conseils d'administration de SDIS négocient et décident. Cette réforme augmentera la masse salariale de 5 % environ.

Quant au régime de travail, il demeure inchangé.

L'Etat, faute d'avoir été capable de négocier un statut uniforme dans ce domaine, a laissé à chaque collectivité locale le soin de négocier, ce qui entraînera probablement un surcoût supplémentaire. Si l'on y ajoute le problème des retraites non réglé et le passage inéluctable aux 35 heures, on mesure l'inflation que connaîtront les coûts de fonctionnement pour les collectivités territoriales dans les années qui vont venir. La départementalisation, qui n'est en fait qu'une mutualisation des moyens des communes, est en passe d'accroître de façon considérable les charges des communes dans les prochaines années.

Dans ce contexte, les collectivités locales ne contrôlent ni l'organisation des secours, puisque les schémas départementaux d'analyse et de couverture du risque dépendent du préfet, ni les avis techniques, qui dépendent des directeurs des SDIS, ni la demande croissante de la population, ni bien sûr le risque, souvent imprévisible. Une réforme est donc en cours. C'est une bonne réforme, mais elle est inachevée et des réflexions pour l'avenir sont indispensables.

En effet, une telle mutation en profondeur ne saurait se satisfaire de la réforme de l'organisation des services de secours et d'incendie, dont les collectivités locales supportent seules la charge. Si cette réorganisation était indispensable, elle ne doit être considérée que comme une étape vers une mutualisation des moyens et surtout une clarification des compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat.

S'il est clair qu'un alourdissement de la fiscalité ne saurait être envisagé, il serait opportun de réfléchir à une participation plus importante de l'Etat aux moyens de la sécurité civile par la prise en charge de secteurs bien spécifiques, comme la formation ou le financement de moyens opérationnels interdépartementaux.

Enfin, une participation des assurances privées, qui bénéficient en grande partie des efforts de prévention de la sécurité civile, en particulier dans la sécurisation et le contrôle des bâtiments, pourrait également être envisagée.

On ne peut que constater que la sécurité civile met de plus en plus souvent à la disposition des SAMU et des SMUR ses moyens techniques et humains, dont ne disposent pas les centres hospitaliers. Il s'agit là d'un exemple typique de transfert de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales. Il est donc urgent de préciser, dans le cadre du secours aux victimes, et ce de manière conventionnelle et négociée, les missions respectives et les moyens financiers mis en jeu. Enfin, comment envisager que l'Etat se désengage de missions de sécurité sur l'ensemble du territoire, alors qu'il s'agit en l'occurrence d'une mission conjointe de l'Etat et des collectivités locales ? Le Président de la République rappelait le 27 juill et 1998, à Brignoles : « L'Etat doit naturellement prendre toute sa part dans ce combat commun. (...) Ce sont les budgets décidés aujourd'hui qui permettront les succès de demain. »

On ne peut que regretter, monsieur le ministre, que ce budget de la sécurité civile ne prépare pas vraiment l'avenir et se contente de gérer modestement sa capacité d'intervention, sans qu'une réflexion d'ensemble soit conduite sur les conséquences matérielles et financières de la mutation profonde de ce service, et notamment de son coût pour les collectivités territoriales.

Après examen de ce budget, et pour les raisons que je viens d'énoncer, j'ai proposé à la commission de le rejeter. Elle ne m'a pas suivi, mais je suis persuadé que beaucoup d'élus locaux de la majorité, comme de l'opposition, partagent mes inquiétudes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités locales.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités locales.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'efforcerai de présenter en un quart d'heure un budget essentiel, non seulement de par l'importance de ses crédits, mais en raison des problèmes techniques complexes et des problèmes politiques qu'il pose.

Dans la conclusion de mon rapport sur le budget « collectivités locales » du projet de loi de finances pour 1998, je notais qu'il s'agissait d'« un budget de transition en attendant l'engagement de multiples concertations concernant notamment la fiscalité locale et la sortie du pacte de stabilité ».

Au pacte de stabilité, le Gouvernement, après quatre réunions de concertation avec les élus locaux au printemps dernier, propose de substituer un contrat de croissance et de solidarité. Il nous soumet une réforme de la taxe professionnelle qui doit être prochainement accompagnée des dispositions relatives à la révision des bases cadastrales. Il ne faudrait pas que ce soit à une date trop éloignée, si l'on veut que les calculs effectués en 1992 ne deviennent pas complètement obsolètes. Je sais que des propositions diverses ont été faites à ce sujet. La révision des bases, qui devait figurer dans la loi de finances rectificative, a été repoussée. Ce ne doit pas être sine die , sinon il faudra recommencer l'ensemble des calculs.

La loi de finances pour 1999 gouvernera encore la transition puisque, outre la réforme de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le Gouvernement présentera au Parlement, au cours des premiers mois de 1999, trois projets de loi qui portent respectivement sur l'aménagement du territoire, sur l'intercommunalité et sur les interventions économiques des collectivités locales. Ces projets de loi, dont il faudra s'assurer de la cohérence, auront des conséquences financières qui détermineront une nouvelle ossature des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Surtout, ils seront appréciés en fonction des rapports politiques nouveaux qu'ils sont susceptibles de générer entre l'Etat et les collectivités locales.

La décentralisation voulue par François Mitterrand et Gaston Defferre devient une valeur dont tous les partis se réclament. Mais cette unanimité comporte des lignes


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d'interprétation très diverses. Pour les uns, il s'agit de réduire le pouvoir de l'Etat jusqu'à parvenir à une certaine Europe des régions ; pour les autres, dont je suis, il s'agit de rapprocher l'administration des citoyens et de renforcer la capacité d'action des collectivités locales sans pour autant mettre en cause la permanence du pouvoir de l'Etat, seul garant de l'unité de la République.

Tel est le filtre politique à travers lequel je veux examiner aujourd'hui deux problèmes très importants de ce budget : l'évolution des dotations de l'Etat aux collectivités locales dans le cadre du nouveau contrat de croissance et de solidarité et les réformes proposées en matière de fiscalité locale.

Le contrat de croissance et de solidarité fait bénéficier les collectivités locales de la reprise de la croissance. Mais il eût été souhaitable de retenir une fraction plus importante du PIB pour l'indexation du périmètre normé. En portant celle-ci à 20 % en 1999, au lieu de 15 % dans le projet initial, le Gouvernement, sous votre impulsion, monsieur le ministre, a toutefois accompli un effort qui mérite d'être souligné. L'enveloppe normée progresse ainsi de 970 millions par rapport à une indexation fondée sur la seule évolution de l'inflation.

Par ailleurs, le contrat de croissance et de solidarité reconduit le choix de la dotation de compensation de la taxe professionnelle comme variable d'ajustement du périmètre normé. En prévoyant, d'une part, de moduler la baisse de la DCTP consécutive à la forte croissance et, d'autre part, de majorer la dotation de solidarité urbaine de 500 millions au titre des trois années de contrat, le Gouvernement a amélioré le mécanisme mis en oeuvre de 1996 à 1998.

Le contrat de croissance et de solidarité représente donc un progrès significatif de la participation de l'Etat au bénéfice des collectivités locales. Mais il me semble, monsieur le ministre, que cet effort est encore insuffisant et qu'il devrait être accentué dans l'intérêt même de l'économie nationale et du soutien de la croissance qui est, je crois, le problème majeur de notre temps.

En effet, la formation brute de capital fixe des collectivités locales, qui s'élève à quelque 180 milliards de francs, représente en fait 75 % de celle des administrations publiques et environ 13 % de celle de la nation. Il s'agit donc d'un levier très puissant et d'autant plus efficace qu'après une légère baisse en 1995 et 1996, l'investissement local est orienté à la hausse sous l'effet d'équipements nouveaux, qui correspondent à ce que je propose d'appeler des « besoins de civilisation » : gestion de l'eau, assainissement, traitement des déchets, mais aussi nouveaux investissements sociaux, dans l'éducation, le sport, la culture, l'aide aux plus défavorisés.

C'est pourquoi je considère que l'indexation de l'enveloppe normée devrait retenir une fraction plus importante de l'évolution du produit intérieur brut. Le principe de l'annualité budgétaire pourrait permettre de fixer cette fraction à 50 % à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances pour 2000 et 2001.

La progression de l'enveloppe normée, qui est, à structure constante, de 1,82 %, ne peut être respectée qu'au m oyen d'une baisse importante de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Celle-ci devait, initialement, régresser de 11,2 % à structure constante.

Mais le relèvement judicieux de 15 % à 20 % de la fraction du PIB prise en compte pour l'indexation de l'enveloppe normée devrait permettre de ramener cette baisse à 9,3 %.

En ce qui concerne les concours hors enveloppe, il faut signaler un progrès sensible en matière d'éligibilité des travaux au Fonds de compensation de la TVA, qui entraînerait un coût supplémentaire pour l'Etat d'environ 500 millions de francs, selon les calculs qui ont été fournis à votre rapporteur spécial.

D'autre part, un nouveau prélèvement sur les recettes d'Etat est institué pour compenser la perte de recettes subie par les communes, départements, régions et groupements de communes dotés d'une fiscalité propre, ainsi que par les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, du fait de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle. En 1999, le dispositif que vous avez mis au point, monsieur le ministre, permettra une compensation intégrale évaluée à 11,8 milliards de francs. Pour les années 2000 à 2003, la compensation attribuée en 1999 sera actualisée en tenant compte du taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement entre 1999 et l'année de versement. A cet égard, il nous faut souligner que la technique de la compensation a été préférée, pour des raisons diverses, à celle du dégrèvement. Cette dernière aurait permis aux collectivités locales de bénéficier de l'évolution du taux de la taxe professionnelle et de la masse salariale.

Dès lors, si l'évolution de la DGF se révélait beaucoup moins favorable dans les prochaines années, il serait certainement indispensable de réexaminer les modalités de la compensation, d'autant que ces modalités restent très floues, pour ne pas dire très incertaines, à partir de 2004.

Ce flou devrait certainement être supprimé, si le contrat est véritablement un contrat de solidarité.

Au total, l'ensemble des dotations - sous enveloppe, hors enveloppe, compensation de la réforme fiscale et fiscalité transférée - représente 321,968 milliards de francs, soit quelque 17 % des dépenses de l'Etat, en hausse de 10 %, en fonction des compensations diverses, par rapport à 1998, dont une augmentation de 3,79 % des dotations sous enveloppe et de 2,61 % de la dotation hors enveloppe. Les dotations de fonctionnement, dont la DGF représente plus de 95 %, s'élèvent à 116,2 milliards de francs, dont 109,2 milliards de francs au titre de la DGF, soit une progression de 2,78 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.

J'en viens à la réforme de la fiscalité locale.

Le Gouvernement avait annoncé son intention de mener à bien cette réforme en 1999. Vaste programme ! En dépit de l'extrême complexité de ce chantier, la promesse est tenue, puisque le Parlement examinera prochainement les trois grands volets de cette réforme : la révision générale des valeurs locatives et son incorporation dans les bases ; la modification de l'assiette de la taxe professionnelle ; le développement de la taxe professionnelle à taux unique.

La réforme de la taxe d'habitation apparaît également souhaitable. A cet égard, notre collègue Edmond Hervé a proposé dans son rapport d'information de constituer un groupe de travail pour étudier la possibilité d'asseoir la taxe d'habitation sur les revenus des habitants, ceux pris en compte pour le calcul de la CSG. Cette proposition pourrait avangageusement être mise à profit.

Il reste que nous sommes, là encore, dans une phase de transition. La suppression progressive de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle est, certes, une réforme intéressante, mais il ne s'agit pas d'une réforme globale de cette imposition puisqu'elle ne concerne que les bases. D'ailleurs, en éliminant la part salaire de la matière imposable ne réduit-on pas sensiblement l'intérêt


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que représente le projet de taxe professionnelle à taux unique comme ressource principale des futures communautés d'agglomération ou de communes ? Cette taxe unique ne devrait pas suffire à rapprocher les taux au niveau national et, par conséquent, ne devrait pas permettre d'opérer une véritable péréquation des ressources en faveur des collectivités locales les plus démunies.

Il me paraîtrait préférable, monsieur le ministre, d'aller au bout de la logique amorcée par la présente loi de finances en substituant à l'assiette actuelle une assiette valeur ajoutée établie au plan national. Ce ne serait pas très révolutionnaire puisqu'on ne ferait ainsi qu'appliquer l'article 14 de la loi du 10 janvier 1980, lequel dispose :

« A compter d'une date qui sera fixée par une loi ultérieure, la taxe professionnelle aura pour base la valeur ajoutée. » Il serait temps de mettre en oeuvre les décisions

du législateur de 1980 ; nous n'aurions jamais que vingt ans de retard ! De plus, nous ne ferions ainsi que suivre la proposition du Conseil des impôts visant à transformer le système actuel d'impôt de répartition territorialisé en un impôt mutualisé au plan national et réservé aux collectivités locales sous forme de dotation.

Certains de mes collègues élus locaux formulent des objections fortes. Elles me paraissent manquer leur cible qui est, n'en doutons pas, l'amélioration de la capacité des collectivités locales à faire face à leurs missions. Il me semble, en effet, que cet objectif serait d'autant mieux atteint et la lisibilité par les citoyens des actions respectives des collectivités publiques d'autant mieux assurée, que l'Etat remplirait pleinement ses missions propres qui sont au premier chef la sécurité, l'enseignement et la justice sociale sur l'ensemble du territoire.

En se recentrant sur ses fonctions régaliennes d'impulsion, de coordination et de prise en compte du temps long pour l'orientation de la nation - et n'hésitons pas à le dire au travers du Plan qui reprendrait alors le rôle qui lui revient : éclairer l'avenir et en diminuer les incertitudes - l'Etat pourrait être le partenaire accompagnateur efficace des collectivités décentralisées. La nation entière y gagnerait.

Ces remarques étant faites, je vous invite, mes chers collègues, après l'avis favorable de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, à adopter le budget des collectivités locales pour 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Roland Carraz.

Très bonne intervention !

M. le président.

La parole est à M. Jacky Darne, suppléant M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités locales.

M. Jacky Darne, suppléant M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités locales.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, retenu dans sa circ onscription où il accueille aujourd'hui le Premier ministre, M. René Dosière n'a pu nous rejoindre à temps et m'a demandé de le remplacer. Je n'aurai pas sa qualité, mais les insuffisances de mon intervention pourront être largement compensées par la lecture attentive de son remarquable rapport.

Le projet de budget des collectivités locales est d'abord marqué par la fin du pacte de stabilité et par la création d'un nouveau contrat de croissance et de solidarité. J'évoquerai ensuite la réforme de la fiscalité locale, avant d'esquisser les débats à venir sur les formes de l'intercommunalité, de l'aménagement du territoire et des interventions économiques des collectivités.

Le pacte de stabilité de 1996 avait été signé dans des conditions difficiles puisqu'il n'avait fait l'objet d'aucune concertation. Cette année, des discussions approfondies ont eu lieu avec les associations d'élus, et le nouveau contrat, à l'évidence, est beaucoup plus satisfaisant. Son enjeu est considérable puisque, si l'on considère les dotations et subventions, d'une part, les compensations d'autre part, l'ensemble des concours dépasse les 300 milliards de francs. L'objectif est bien sûr de contractualiser les relations entre l'Etat et les collectivités locales, de les stabiliser pour les années 1999 à 2001 et de permettre ainsi une gestion prévisionnelle.

Je rappelle d'ailleurs que l'Assemblée a déjà délibéré à l'occasion de l'examen de la première partie de la loi de finances. Elle a augmenté la part de la croissance qui était à retenir dans le calcul de l'enveloppe normée. Ainsi, en sus de la hausse des prix, ce sont 20 % de la progression du produit intérieur brut qui seront retenus pour l'année 1999, pour parvenir à 33 % en 2001. Pour les collectivités locales, c'est donc l'assurance d'une croissance en volume.

Le dispositif est, à l'évidence, beaucoup plus favorable que celui qui existait antérieurement. Certes, on peut toujours envisager d'autres indexations. Par exemple, il ne serait pas du tout absurde de prendre comme référence l'augmentation des recettes fiscales de l'Etat et de considérer que les collectivités doivent augmenter dans les mêmes proportions. Ce serait là un procédé symétrique aussi efficace.

Dans le cadre du nouveau contrat de croissance et de solidarité, les concours sous enveloppe comprennent en particulier la dotation globale de fonctionnement dont la progression est de 2,78 %, en application de la règle qui en lie l'évolution à la hausse des prix et à la croissance, soit un montant de 109,29 milliards de francs, ce qui est significatif. Le même taux sera applicable à la dotation spéciale instituteur et à la dotation particulière élu local.

Quant à la dotation globale d'équipement, qui est indexée sur la formation brute de capital fixe des administrations publiques, elle augmente également de façon significative - 3,8 %.

J'insisterai plus particulièrement sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle qui constitue la variable d'ajustement des concours de l'Etat. Après le vote de la première partie de la loi de finances, cette dotation devrait diminuer de 9,3 %, contre plus de 11 % prévus initialement. En outre, le Gouvernement a choisi de moduler cette baisse de façon que les communes les plus démunies ne la supporteront pas en totalité. En particulier pour les communes éligibles à la DSU, la baisse sera limitée aux deux tiers de la diminution moyenne. Si l'on tient compte du fonds national de péréquation, ces communes pourraient même ne pas subir de diminution.

A cet égard, je veux souligner la majoration exceptionnelle de 500 millions de francs de la DSU qui augmentera d'un montant équivalent chaque année. C'est un point positif. Mais cet effort, pour significatif qu'il soit, reste cependant dérisoire si l'on considère que la dotation de solidarité urbaine ne représente jamais que 1 % du total des concours de l'Etat.

Au surplus, les critères d'attribution ne sont pas suffisamment sélectifs. Ainsi, la DSU concerne 22 millions de personnes si l'on additionne les habitants des communes


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b énéficiaires. Or il faut cibler bien davantage les communes et les sites. Il y a une certaine faiblesse à accepter les demandes diverses de toutes les collectivités.

Une politique efficace de la ville passe par un financement satisfaisant pour les collectivités locales plutôt que par des actions émanant de tous les ministères et que les maires auront du mal ensuite à coordonner. Je crois donc que l'effort consenti sur la DSU doit être amplifié.

Je souhaite encore attirer votre attention sur les conséquences de la diminution du fonds de compensation pour les groupements de communes. Ce point peut paraître secondaire, mais il n'est pas négligeable. Dans les groupements de communes à fiscalité propre, la diminution sera la même que pour les communes ordinaires. Il ne sera pas tenu compte du fait que, sur le territoire de ces groupements, il existe des communes bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine. Pourtant, il serait normal que ces groupements ne supportent la diminution que dans la proportion des habitants ne bénéficiant pas de la DSU. Le fonds de péréquation devrait être adapté en conséquence. A défaut, les groupements de communes seront pénalisés. Je souhaite donc que ce point soit revu lors de la deuxième lecture de la première partie de la loi de finances.

Sur la modernisation de la fiscalité locale, je ne m'attarderai pas sur la réforme de la taxe professionnelle quasiment acquise. C'est la conclusion d'une affaire qui a donné lieu à bien des contestations. Depuis sa naissance, en 1975 à la suite de la fin de la patente, jusqu'au rapport du Conseil des impôts de 1997, cet impôt a suscité, en effet, bien des critiques. Je veux simplement indiquer que la suppression de la partie salaires a été décidée d'une façon un peu unilatérale par le Gouvernement. La proposition du rapport Hervé était d'une toute autre nature, puisqu'elle consistait à créer une taxe professionnelle unique et à favoriser les groupements. Je note que selon le Conseil des impôts et un certain nombre d'observateurs, la suppression de la part salaires n'aura pas forcém ent un très fort impact en matière de création d'emplois, même si cette décision va dans le sens d'un allégement des charges pour les entreprises.

En fait, la question qui nous est posée est celle de l'évolution constante depuis des années de la substitution de la collecte locale aux dotations de l'Etat. D'autant qu'à cette suppression de la partie salaires, il faut ajouter la suppression de la taxe additionnelle des droits de mutation pour les régions, et celle des droits départementaux de mutation à titre onéreux. C'est-à-dire que le transfert de la collecte locale vers l'Etat, engagé déjà depuis de nombreuses années se poursuit. Je rappelle que la taxe professionnelle, comme la taxe d'habitation sont largement collectées par l'Etat plutôt que par les collectivités locales.

Ce glissement dans la politique fiscale soulève deux questions de fond. La première est celle de la confiance que l'on accorde à l'Etat. Car derrière le transfert des fonds à l'échelon central, c'est le problème de la redistribution qui se pose. Les contrats de trois ans, c'est bien, mais que se passe-t-il ensuite ? Quelle assurance avonsnous ? Il y a là une fragilité. Une évolution culturelle est à opérer dans les relations entre l'Etat et les collectivités.

La deuxième est celle de la péréquation. Certains bénéficient de rentes de situation, quand d'autres se trouvent désavantagés. Comment gérer cela ? A l'évidence, des évolutions de ce type ne réforment pas l'ensemble de notre système de péréquation.

Je ne pense pas, quant à moi, que les collectivités perdent de leur autonomie dès lors que les impôts sont collectés au niveau central. D'autres pays le démontrent.

Mais leurs traditions décentralisatrices ne sont pas les nôtres, les types de relations entre l'Etat et les collectivités ne sont pas les mêmes. Des engagements plus fermes devraient donc être pris en la matière.

Cela me conduit à mon troisième point : les réformes institutionnelles et l'avenir de la décentralisation. Trois projets de loi sont annoncés. Si ces réformes sont importantes, significatives, et doivent modifier les relations entre les collectivités et l'Etat, elles ne constituent pas, néanmoins, une nouvelle loi de décentralisation. On a choisi des petits pas significatifs, plutôt qu'une remise à jour de la loi de décentralisation de 1982 et des textes qui ont suivi. Autrement dit, les questions de compétences, de modes de financement, de sélectivité des impôts, de recomposition géographique du territoire, voire de suppression de telle ou telle collectivité, et par conséquent de modification des modes d'élection, ne sont pas à l'ordre du jour. Peut-être est-il plus acceptable de passer par des petits pas que de se livrer à une mise à jour générale. Mais atteindra-t-on ainsi les objectifs souhaités : une organisation compréhensible par nos citoyens, un paiement d'impôt audible, et donc la transparence nécessaire pour la démocratie ? Je formulerai, simplement, trois ou quatre observations rapides sur ces projets de réforme. Premièrement, j'aimerais que les textes sur les interventions économiques prévoient des limitations telles que l'on évitera désormais le chantage des entreprises auprès des collectivités locales. Il ne faut plus qu'elles puissent négocier les investissements en jouant sur la TP ou le bénéfice de subventions diverses. Mais, évidemment, ce type de disposition doit prendre sa place dans une négociation européenne, pour éviter que la concurrence que l'on aura réussi à limiter entre les communes françaises ne se retrouve à l'échelon des pays.

Deuxièmement, je crois qu'il faut simplifier l'intercommunalité, mais, en même temps, la rendre évolutive.

Par exemple, je considère que limiter les communautés urbaines à 500 000 habitants revient à figer la situation, car on a fait le tour des possibilités offertes dans ce cadre.

Pourtant, cette structure est plutôt satisfaisante. Ne faut-il pas abaisser les seuils, et surtout permettre des évolutions ? Je suis frappé par les difficultés auxquelles peuvent donner lieu les limites de territoire. Problèmes de concurrence, d'intérêts politiques ou locaux, qui conduisent à exclure telle ou telle commune ou au contraire à l'inclure, en fonction de considérations qui ne sont pas simplement celles de la réalité des mouvements, des biens et des personnes, c'est-à-dire de la réalité économique.

Il faut donc prévoir des dispositifs souples pour les groupes d'agglomérations ou de communautés urbaines, afin d'éviter des concurrences sur les territoires extérieurs, et donc permettre une évolution de ces structures intercommunales.

Il importe aussi de prendre en compte que, dans une a gglomération ou une communauté urbaine, les communes sont très hétérogènes en richesses et en besoins de dépense, car les populations sont extrêmement différentes. Collectiviser les recettes par une taxe professionnelle unique, c'est bien. Encore faut-il faire en sorte que les dépenses soient également le résultat d'une certaine solidarité.

Certes, les projets de loi prévoient un fonds de solidarité, mais de façon totalement facultative. On peut donc imaginer que, suivant les conjonctions de tel ou tel terri-


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toire, le partage et la solidarité ne joueront pas du tout.

Ne faudrait-il pas rendre obligatoire l'existence d'un fonds de solidarité intercommunal, en énumérant les critères qui pourront être retenus, quitte à laisser ensuite chaque groupement décider lui-même des pourcentages, et des modalités précises ? Il conviendrait, en tout cas, de prévoir un cadrage plus précis qu'il ne l'est dans les textes actuels.

Enfin, l'intercommunalité est une nécessité pour favori-s er le développement économique et répondre aux besoins des habitants. Si l'on veut qu'elle soit pertinente et facilitée, il importe que les groupements qui se forment ne perdent pas de recettes fiscales par rapport à la situation antérieure des communes qui le composent.

L'ensemble de ces garanties permettront, j'en suis sûr, une nouvelle étape dans notre organisation territoriale et assureront de nouvelles relations entre l'Etat et les collectivités locales dans le sens de la stabilité et du développement dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il y a un an, Jean-Pierre Chevènement présentait son premier bugdet en tant que ministre de l'intérieur. Je sais qu'il souhaiterait être présent, ici et maintenant, au sein de votre assemblée. En attendant son retour, j'assume pleinement les responsabilités du ministère de l'intérieur et il me revient de vous exposer les grandes lignes du budget pour l'exercice 1999.

Lors de la préparation du budget, Jean-Pierre Chevènement a défendu ses priorités avec sa pugnacité coutumière. Ces priorités, définies il y a un plus d'un an, sont la mise en oeuvre d'une politique de proximité, la professionnalisation et la modernisation de la sécurité civile, la revalorisation du rôle des administrations centrale et territoriale, l'amélioration de la démocratie locale. Au colloque de Villepinte, un triptyque, « citoyenneté, proximité, efficacité » a été affirmé comme orientation de la politique de sécurité du Gouvernement. C'est en fait toute l'action du ministère de l'intérieur qui est régie par ces trois principes.

Les crédits du ministère de l'intérieur s'élèveront en 1999 à 88,2 milliards de francs. Comme vous le savez, ce budget est constitué de deux composantes. La première est relative à certaines dotations aux collectivités locales qui augmentent fortement l'an prochain. Mais la raison principale en est la compensation de la réduction des droits de mutation immobilière. La seconde est relative aux services de l'Etat. Hors crédits relatifs aux élections, ce budget augmente de 3 %, ce qui est important au regard des dotations de ces dernières années.

Cette progression s'accompagnera de mesures significatives dans la loi de finances rectificative que vous aurez prochainement l'occasion d'examiner. Je peux d'ores et déjà vous annoncer qu'elle contiendra près de 500 millions de francs de mesures nouvelles pour le budget de l'intérieur. Ces montants complèteront ceux de la loi de finances pour 1999, que nous examinons aujourd'hui, et permettront essentiellement de renforcer les moyens consacrés à l'équipement et au fonctionnement de la police nationale. La sécurité civile et l'administration territoriale en bénéficieront également. En même temps que je présenterai les crédits de la loi de finances initiale, je préciserai les dotations complémentaires que j'ai obtenues dans le cadre de la loi de finances rectificative.

A cet égard, je tiens à remercier les rapporteurs, M. Migaud, rapporteur général du budget, mais aussi M. Tony Dreyfus et M. Louis Mermaz pour l'attention qu'ils ont portée à l'évolution des crédits de ce ministère et leur soutien, dans les discussions avec le ministère du budget, afin que la loi de finances rectificative vienne ainsi compléter le contenu de cette loi de finances initiale pour 1999.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Cet effort financier signifie bien que le Gouvernement entend doter le ministère de l'intérieur des moyens nécessaires pour assurer ses missions.

L'action du ministère de l'intérieur vise d'abord à répondre à une des principales préoccupations des Français : la sécurité.

Je vous ai rappelé les orientations du colloque de Villepinte : la mise en oeuvre d'une sécurité de proximité et le droit à la sécurité, pour tous les Français sur l'ensemble de notre territoire. C'est ce qui inspire notre action et le Gouvernement s'est doté des moyens nécessaires pour y parvenir.

Ainsi, au 31 décembre 1998, 8 250 adjoints de sécurité auront été recrutés, en priorité dans les vingt-six départements très sensibles. Dans un an, leur nombre sera porté à près de 16 000. L'engagement des 20 000 recrutements sera tenu à l'été 2000. La montée en puissance du dispositif se fait donc à un rythme rapide, compatible avec la nécessité d'une sélection rigoureuse des adjoints recrutés.

M. Thierry Mariani.

Ils ne sont pas formés !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Sous l'autorité directe des gradés et des gardiens de la paix, ces adjoints de sécurité concourent en effet à des tâches difficiles, comme l'îlotage dans les quartiers sensibles, l'amélioration de l'accueil dans les commissariats et une meilleure prise en charge des victimes, missions qui demandent des qualités de sang-froid et d'écoute.

Ainsi les adjoints de sécurité constituent une ressource privilégiée pour les recrutements à venir, ceux que nous aurons à effectuer dans la police nationale.

J'évoquerai ces problèmes après M. Dreyfus, qui a rappelé l'effort important de recrutement que nous devrons effectuer.

Je vous indique que 15 000 agents locaux de médiation sociale doivent également être recrutés par les collectivités locales, certaines associations et établissements publics au titre des emplois-jeunes, en particulier les sociétés de transport et les bailleurs sociaux. Ils agissent en amont de la police dans un rôle essentiellement préventif. Le processus de recrutement est d'ores et déjà engagé. Un peu plus de 1 500 emplois ont été créés ces trois derniers mois.

Vous le savez, la professionnalisation des armées et la suppression du service national entraîneront, de fait, la disparition progressive des policiers auxiliaires. Ainsi 4 175 emplois budgétaires seront supprimés au 1er janvier 1999. Il restera 4 150 policiers auxiliaires l'année prochaine.

Pour mettre en oeuvre la police de proximité, les contrats locaux de sécurité constituent un instrument privilégié. Ceux-ci permettent, comme l'ont justement noté vos rapporteurs, Tony Dreyfus et Louis Mermaz, une détermination précise des besoins de sécurité, une affectation des moyens humains et matériels et une organisation


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du partenariat au niveau local, tant avec les collectivités locales qu'avec les organismes et associations qui peuvent être concernés.

Aujourd'hui, 137 contrats locaux de sécurité ont d'ores et déjà été signés et plus de 400 sont en préparation.

La qualité de ces contrats en termes de définition du diagnostic et d'association des partenaires, après quelques premières réalisations parfois un peu rapides, mais il fallait enclencher le mouvement, est désormais satisfaisante.

Jean-Pierre Chevènement et moi-même avons signé des contrats qui déclinent de véritables plans d'action détaillés et concertés en matière de police de proximité, de prévention de la délinquance, de prévention de la récidive, d'aide aux victimes et de médiation pénale.

La police de proximité est aussi le principal objectif de la réforme en cours à la préfecture de police de Paris, pour mieux répondre aux attentes du public, qu'il s'agisse de l'accueil sur place, dans les différents arrondissements, ou de la prévention de la délinquance, tout en continuant d'exercer, avec la même efficacité, les missions traditionnelles d'ordre public.

Pour atteindre cet objectif, la réforme de la préfecture de police de Paris comportera deux innovations essentielles.

La première sera la création, dans chaque arrondissement de Paris, d'une circonscription unique de police urbaine de proximité, placée sous l'autorité d'un commissaire central. Ce choix mettra fin à l'éclatement actuel entre commissariats de quartier de police judiciaire et commissariats de sécurité publique. Il donnera plus de cohérence et d'efficacité à l'action locale de la police et il offrira une meilleure lisibilité pour le public.

La deuxième innovation consistera en l'instauration de trois filières distinctes, correspondant chacune à une direction. Seront ainsi créées une direction de l'ordre public et de la circulation et une direction de la police urbaine de proximité, tandis que la direction de la police judiciaire sera réorganisée, notamment en faisant passer de six à trois le nombre des divisions.

L'existence de ces trois directions confortera les références d'excellence de la préfecture de police en matière d'ordre public et de police judiciaire et elle permettra d'afficher la priorité nouvelle, liée d'ailleurs à la mise en place des effectifs, donnée à la police de proximité.

Bien entendu, cette nouvelle organisation maintiendra les trois autres directions actives de la préfecture de police : la direction des renseignements généraux, la direction de la logistique et l'inspection générale des services.

La concertation déjà engagée avec l'ensemble des acteurs concernés, notamment les personnels, doit se poursuivre dans les prochaines semaines afin qu'ils soient tous associés au succès de cette réforme.

M. Laurent Dominati.

Et la concertation avec les élus ?

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Nous attendons de M. le préfet de police de Paris que ce projet ambitieux voie le jour au tout début de l'année 1999.

Cette réforme de la préfecture de police de Paris est sans aucun doute la plus importante que la police parisienne ait connue depuis la Libération, peut-être même depuis la fin du

XIXe siècle puisque M. Dreyfus a évoqué les figures des préfets Lépine et Hennion. Il s'agit donc, tout en respectant le statut particulier de la préfecture de police, d'exprimer dans la capitale la capacité de la police nationale à s'adapter aux attentes d'aujourd'hui et à anticiper les besoins du siècle prochain.

En ce qui concerne la répartition territoriale des forces de police et de gendarmerie, les propositions que le Gouvernement avait demandé aux préfets d'expertiser au niveau local ont suscité de multiples réactions. Il a donc décidé de reprendre ce dossier et de confier au conseiller d'Etat M. Fougier, ancien préfet de police de Paris, le soin de procéder à un état des lieux et à des consultations approfondies. Il remettra ses propositions avant la fin de l'année. Ainsi que je l'ai indiqué lors des questions d'actualité, je vous confirme que, dans l'attente de ces propositions, aucune décision ne sera prise.

M. Fougier a déjà effectué cinq déplacements en BasseNormandie, Nord Pas-de-Calais, Pays de Loire, Champagne-Ardenne et Aquitaine. Il se rendra dans chacune des régions métropolitaines d'ici à la fin de l'année. Il se tient à la disposition de tous les élus et des organisations syndicales.

M. Jacques Brunhes.

Qu'il vienne aussi dans les banlieues !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Il connaît également la situation des banlieues. Les fonctions qu'il a déjà exercées lui ont donné de grandes compétences en la matière.

Vous connaissez la position du Premier ministre sur le suivi de ce dossier puisqu'il a assuré il y a quelques jours :

« Nous entrons dans une phase de véritable concertation et non de décision sur ce sujet. Les décisions viendront ensuite. » Le Gouvernement prolongera la concertation

une fois le rapport de M. Fougier déposé de telle sorte que les élus et les personnels intéressés soient pleinement associés à sa démarche.

Dans le domaine des armes, il faut se préoccuper d'une prolifération inquiétante et de leur usage à l'encontre des personnes, sans porter atteinte aux droits de ceux qui souhaitent chasser, collectionner ou pratiquer le tir sportif.

Une mission, confiée à M. Claude Cancès, inspecteur général de la police nationale, a permis de définir plusieurs mesures d'urgences. Elles font l'objet d'un décret, qui est sur le point d'être publié. Il n'accorde de possibilités de détention qu'à ceux qui pratiquent effectivement le tir ou la chasse ; il restreint l'achat des « 22 long rifle » et il oblige les détenteurs d'armes à posséder un coffre ou une armoire forte.

Le Gouvernement ne s'en tiendra pas là. Dans la ligne des travaux que vous avez entamés en adoptant la proposition de loi de M. Le Roux, en mai dernier - je représentais d'ailleurs le Gouvernement lors de ces débats parl ementaires -, je vous confirme la préparation de dispositions législatives qui compléteront cette proposition de loi, simplifieront et renforceront la législation ancienne du décret-loi de 1939.

Vous avez voté, ici même, en première lecture au printemps dernier, le projet de loi relatif aux polices municipales. Il aboutira, je l'espère, dans quelques semaines. Ce projet de loi vise à la fois à garantir un meilleur recrutement des policiers municipaux, que la pratique faisait exister sans aucun statut et un meilleur contrôle de leur armement. En même temps, il permettra d'étendre leurs prérogatives, notamment en matière d'application des arrêtés municipaux et de code de la route, tout en leur donnant la faculté de relever les identités.

La confusion avec la police nationale sera évitée, mais la coopération intercommunale en la matière sera possible. Vous savez que ces avancées étaient attendues depuis longtemps. Elles seront concrétisées rapidement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Dans le domaine des effectifs, l'élan de modernisation de la police nationale engagé depuis 1985 a vu ses effets bénéfiques s'amenuiser. La police nationale a maintenant besoin d'une relance et d'un renouveau.

La réforme des corps et carrières sera poursuivie en 1999. Elle permet de revaloriser la situation et les responsabilités des agents du corps de maîtrise et d'applicatione t d'améliorer l'action de proximité en faveur des citoyens. Par ailleurs, cinquante attachés de police contribueront à un meilleur encadrement administratif de la police nationale.

Vos rapporteurs ont aussi relevé que la pyramide des âges dans la police rend nécessaires des recrutements considérables jusqu'en 2003. Tous corps additionnés, plus de 25 000 agents devront être recrutés. Le tableau qui figure dans le rapport de M. Tony Dreyfus en donne la répartition.

Par ailleurs, nous devrons, au cours de cette période de cinq ans, consentir un gros effort de formation et faire face à une réduction momentanée des personnels opérationnels. Pour combler ce handicap, j'ai demandé au Premier ministre d'autoriser des recrutements en surnombre dès 1999 afin de pouvoir disposer de personnels en tenue qui suivront des stages de formation, avant que ceux qu'ils sont appelés à remplacer ne partent en retraite.

M. Roland Carraz.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Le budget comporte trois dispositions indemnitaires principales au bénéfice des agents du corps de maîtrise et d'application sur lesquels vos rapporteurs et certains de vos collègues, M. Brunhes notamment, ont appelé l'attention du Gouvernement.

L es nouvelles responsabilités d'encadrement des adjoints de sécurité seront prises en compte par la création d'une prime nouvelle. Mille échelons exceptionnels de gardiens de la paix seront également créés afin de valoriser cet encadrement dans les vingt-six départements les plus sensibles.

Enfin, une indemnité sera créée pour les gradés et gardiens qui disposeront, après une formation d'au moins un an, de la qualification d'officier de police judiciaire. A cet égard, la proposition de loi présentée par votre collègue François Huwarth vient d'être adoptée après un vote conforme du Sénat. A terme, six mille gradés et gardiens disposeront de cette qualification. Les officiers de police, les agents administratifs de la catégorie B de la police nationale et les agents techniques de laboratoire bénéficieront également de mesures indemnitaires revalorisées.

En outre, je suis d'ores et déjà en mesure de vous annoncer qu'après discussion des modalités avec les organisations syndicales, le régime indemnitaire des agents du corps de maîtrise et d'application, qui exercent sur la voie publique dans les circonscriptions les plus sensibles et qui bénéficient de ce fait d'une prime de fidélisation, sera revalorisé. Il s'agira de mettre en place un barème progressif, dès la deuxième année d'exercice, pour tenir compte des responsabilités particulières que ces personnels assument.

Au plan du fonctionnement, les crédits de la police nationale progressent de 2,6 % à structure constante, soit 92 millions de francs dans la loi de finances pour 1999.

La croissance est encore plus significative si l'on prend en compte les 100 millions de francs qui seront alloués au fonctionnement de la police nationale dans la loi de finances rectificative, répondant aux voeux du rapporteur.

Cette forte progression des crédits permettra de financer dans de bonnes conditions l'équipement des nouveaux adjoints de sécurité et d'assurer la modernisation des moyens de fonctionnement de la police nationale. Tel sera notamment le cas du parc de véhicules automobiles sur lequel vos deux rapporteurs ont appelé notre attention.

En matière d'équipement de la police, la loi de finances permet de mettre en oeuvre la tranche 1999 du très important réseau de télécommunications numériques cryptées ACROPOL. Comme vous le savez, le Gouvernement a fait de ce programme une priorité en décidant que la modernisation sera achevée à l'horizon 2007, et non 2014 comme l'avait prévu le gouvernement précédent.

Cet engagement sera tenu. Si, jusqu'à présent, le Rhône, l'Isère, la Loire, les trois départements de la région Picardie, et la Seine-Saint-Denis ont été équipés, cette couverture s'étendra à la fin de l'année prochaine à Paris, à la Petite Couronne et à la Corse.

L'effort financier est considérable. Il atteindra 512 millions de francs en autorisations de programme et 403 millions de francs en crédits de paiement, complétés par la loi de finances rectificative à hauteur de 90 millions de francs. Ce très important programme de télécommunications cryptées, interopérable avec la gendarmerie, aura donc enfin trouvé son financement et sa cohérence.

En ce qui concerne la sécurité civile, partie importante de la sécurité, l'action de l'Etat vient en renfort de celle des services locaux pour les incendies, les inondations et autres catastrophes. Par leur compétence et leur présence en tout point du territoire, les 240 000 sapeurs-pompiers, dont 85 % sont volontaires - monsieur Léonetti l'a rappelé - constituent l'élément majeur du système de secours.

Nos compatriotes savent qu'ils peuvent compter sur eux. Ils ont pleine confiance dans leurs compétences. Ils apprécient leur courage et leur dévouement. Ces femmes et ces hommes, qu'ils soient militaires, professionnels ou volontaires, paient chaque année un lourd tribu à leur dévouement pour la sécurité civile de nos concitoyens. Je vous rappelle, en effet, que dix-sept sapeurs-pompiers ont trouvé la mort en service depuis le début de l'année.

La contribution des sapeurs-pompiers volontaires aux services de secours est une richesse irremplaçable. Ils vivent et travaillent au sein des quartiers et des villages.

Ils doivent concilier leur mission de sapeur-pompier et les contraintes de leur emploi. Il faut soutenir activement leur engagement, et promouvoir les valeurs de citoyenneté active qu'ils incarnent pour que ce vivier puisse se développer. J'ai d'ailleurs participé, au début du mois d'octobre, à la journée nationale des sapeurs-pompiers et je pense que ce rapport entre les pompiers et la population doit être développé pour agrandir le vivier des pompiers volontaires.

En matière de sécurité civile, la mission de l'Etat est é galement de faire face à des risques particuliers - chimiques, nucléaires, bactériologiques, explosifs - et de projeter des moyens outre-mer ou à l'étranger, pour aider des populations en détresse.

Ainsi, vous connaissez les ravages que le cyclone Mitch vient de provoquer en Amérique centrale. La France a envoyé en première urgence dans les pays les plus touchés, le Honduras et le Nicaragua, vingt-trois spécialistes de l'action humanitaire dont huit médecins. La situation dramatique constatée sur place a conduit le Président de la République et le Premier ministre à décider la mise sur


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

pied d'un dispositif lourd d'assistance humanitaire. Cent v ingt-cinq hommes des unités d'intervention de la sécurité civile, six démineurs du génie et dix médecins supplémentaires sont partis hier soir en renfort.

Lors du passage du cyclone Georges aux Antilles, il y a quelques semaines, 240 personnels ont été engagés pour aider les populations locales, dont certains éléments avaient été prépositionnés. Vous savez que si ce cyclone a évidemment touché nos îles des Antilles, il a provoqué plus de dégâts en Haïti, à Saint-Domingue, et dans les différentes petites îles de la Caraïbe. Nos personnels de la sécurité civile, je peux en témoigner, ont accompli un travail considérable, notamment en distribuant vivres et médicaments et en remettant en état les infrastructures pour secourir les victimes. Je tiens à rendre hommage à leur action.

Le dispositif nécessaire pour remplir toutes ces missions n'a pas à être trop volumineux. Il doit surtout être très professionnalisé et d'une totale opérationnalité, afin que les services soient toujours et partout disponibles sur les sinistres qui rendent nécessaire leur action.

Tel est le sens de la professionnalisation des unités de sécurité civile, dont M. Léonetti a parlé, qui sera engagée en 1999. Nécessaire du fait de la suppression du service national, elle se poursuit avec des objectifs opérationnels.

Ainsi, 367 emplois professionnels sont créés par le projet de loi de finances dans les unités d'intervention et d'instruction de la sécurité civile en contrepartie de la suppression d'emplois d'appelés. La concentration des moyens humains et matériels dans des unités totalement opérationnelles a rendu nécessaire la fermeture de l'unité de Rochefort, qui était trop petite, comme le ministre de la défense l'a d'ores et déjà annoncé.

Pour la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, au budget de laquelle l'Etat contribue à hauteur de 25 %, un mouvement parallèle de professionnalisation est engagé. Il conduit à la création de 442 emplois d'engagés et de volontaires. Je tenais à le souligner, bien que ces postes ne soient pas inscrits au budget du ministère. Compte tenu de l'augmentation rapide du nombre des interventions, qui a progressé de plus d'un quart en dix ans, un remplacement nombre pour nombre des appelés a été décidé.

Un important effort d'équipement de la sécurité civile est parallèlement mis en oeuvre. Un Hercules C-130 de grande capacité sera loué l'an prochain pendant la saison des feux. L'utilisation, cette année, d'un tel avion a permis de démontrer sa complémentarité avec les Canadair.

Un Tracker sera remotorisé et le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de secours engagé au plan financier.

En complément, la réparation d'un Tracker endommagé sera financée en loi de finances rectificative pour 10 millions de francs. La loi de finances rectificative permettra également de rééquilibrer le chapitre de la maintenance des avions et des hélicoptères, traditionnellement sousdoté, pour plus de 100 millions de francs en autorisations de programme et 60 millions de francs en crédit de paiement.

Pour les pilotes de Canadair, auxquels je tiens à rendre hommage pour leur dévouement dans une tâche difficile et périlleuse, un plan de revalorisation indemnitaire sera mis en oeuvre en 1999.

M. Alain Clary.

Il faut souhaiter que tous les Canadair soient opérationnels !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Il permettra en trois ans une amélioration des conditions de rémunération afin de garantir le recrutement des meilleurs pilotes.

Concernant enfin la mission de déminage, M. Chevènement a engagé dès son arrivée un plan de modernisation qui sera poursuivi l'année prochaine, notamment par l'acquisition de robots et de tenues lourdes. Ainsi, grâce aux compléments qu'apporte la loi de finances rectificative, nous répondrons aux préoccupations exprimées par M. Léonetti, notamment sur le plan des matériels et des moyens.

J'en viens maintenant aux mesures concernant l'admin istration centrale et l'administration territoriale. Il convient tout d'abord de renforcer sa mission d'animation, de contrôle, d'évaluation et de conception. M. Chevènement a ainsi souhaité la création d'une délégation aux affaires internationales qui prenne en compte les fonctions internationales qui se développent beaucoup, y compris au sein même du ministère de l'intérieur, notamment pour ce qui relève de la coopération européenne et plus particulièrement de ce qu'on appelle l'espace Schengen. De même, un centre d'études et de prospective permettra de renforcer la fonction d'étude, de recherche et de prospective au sein du ministère. La publication du décret créant ces deux structures est imminente.

Le régime indemnitaire applicable à l'administration centrale et territoriale sera revalorisé et il sera procédé à des transformations d'emplois. La création de douzee mplois d'ingénieurs renforcera les compétences du ministère dans la gestion des systèmes d'informations.

Le crédits de fonctionnement de l'administration cent rale s'établissent au même niveau que ceux de l'année 1998 avec la prise en compte, en loi de finances rectificative, du remboursement de la dette de 90 millions de francs à France Télécom, et l'intégration des études.

Pour l'administration territoriale, 1999 sera l'année du lancement de la réforme de l'Etat. Des travaux de concertation et de réflexion ont été conduits par M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat, et de la décentralisation. La poursuite du mouvement de déconcentration permettra à l'Etat d'être plus proche des citoyens, au service des usagers et à l'écoute des élus et de la population locale.

Cela implique une modernisation en profondeur des services déconcentrés et notamment des préfectures. Je sais que leurs agents sont fortement sollicités cette année : missions d'urgence sociale, régularisation des étrangers, pastille verte, distribution de la carte nationale d'identité dont la gratuité a provoqué un afflux de demandes.

M. Thierry Mariani.

Ils ont failli avoir également le PACS !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Demain, ces era l'immatriculation des cyclomoteurs, l'application d'une nouvelle réglementation sur les armes. Il ne suffit pas de rendre hommage à ces fonctionnaires pour la qualité de leur travail ; il faut aussi leur donner des moyens d'action adaptés à leurs missions nouvelles.

Fondée sur le principe de la déconcentration, la réforme de l'Etat ne peut naturellement être conduite dans le secret de l'administration centrale. Dès l'an prochain, chaque préfet devra élaborer, en concertation avec ses collaborateurs et avec les chefs de l'ensemble des services de l'Etat, le projet territorial de l'Etat, avec de réelles marges de manoeuvre et d'innovation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Pour améliorer la qualification des personnels de préfecture, afin notamment de leur donner une meilleure efficacité dans le contrôle de légalité, le budget prévoit d es transformations d'emplois et une revalorisation indemnitaire.

Quant aux moyens de fonctionnement des préfectures, ils seront maintenus au même niveau qu'en 1998.

J'en viens maintenant aux actions communes, c'est-àdire celles qui concernent l'ensemble du ministère de l'intérieur : action sociale, informatique et immobilier.

Un rapport d'ensemble sur l'action sociale a été rédigé, à la demande de M. Chevènement, par M. Jean-Marie Alexandre. Dans le budget 1999, il est prévu de poursuivre les revalorisations des montants consacrés à la médecine de prévention et au développement de la restauration chaude dans les commissariats.

Volet important de l'action sociale du ministère : la location aux fonctionnaires de logements à des conditions préférentielles. Des résultats probants ont été obtenus pour les différentes solutions mises en oeuvre par le ministère, réservations immobilières, contractualisation avec des bailleurs privés, acquisition de logements donnés à bail. Le parc locatif du ministère de l'intérieur dépasse désormais les 10 000 logements, principalement en région parisienne. Les objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité, 800 logements supplémentaires chaque année, ont été dépassés. Il faut désormais améliorer qualitativement l'offre en Ile-de-France et la développer dans les villes de province où la situation de l'immobilier est tendue, comme Lyon ou Nice.

Ces moyens alloués au ministère de l'intérieur permettront de poursuivre la mise en oeuvre des grandes applications informatiques : fichier automatisé des empreintes digitales, nouvelle application des passeports infalsifiables, réalisation du système central d'information Schengen.

Surtout, un nouveau fichier d'empreintes génétiques verra le jour l'année prochaine. Des affaires récentes ont démontré l'absolue nécessité de disposer d'un moyen d'archiver les empreintes génétiques des personnes condamnées pour viol et agression sexuelle.

Dans le domaine immobilier enfin, les autorisations de programme ont été maintenues au niveau élevé de l'année 1998 : 938 millions de francs en 1999, contre 930 millions de francs cette année.

Ces montants ont fortement progressé par rapport aux budgets précédents alors même qu'a été parallèlement accélérée la mise en oeuvre d'ACROPOL. Il est vrai que les besoins immobiliers du ministère de l'intérieur sont importants. Il faudra poursuivre la modernisation des commissariats de police, dont l'état de certains justifie des travaux urgents.

M. Alain Clary.

Tout à fait !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

L'effort à cet égard sera réorienté vers les départements sensibles et très sensibles. Les commissariats situés dans des zones où les statistiques de criminalité sont plus élevées font l'objet en priorité des rénovations immobilières ; nous serons également attentifs aux constructions d'hôtels de police dans les grandes métropoles.

Pour l'administration territoriale, le parc immobilier est très vaste et suppose des travaux nombreux en matière de sécurité et d'accueil du public, particulièrement dans les services préfectoraux. Le réseau des sous-préfectures d'Ilede-France devra également être adapté en fonction des évolutions démographiques.

Enfin, la réforme de la préfecture de police de Paris, la professionnalisation de la sécurité civile et la mise en oeuvre d'un nouveau schéma pour les centres de rétention auront des conséquences immobilières.

La dotation en crédits de paiement, qui mesure le volume des travaux qui pourront être effectivement payés, donc réalisés, atteint 619 millions de francs dans le budget pour 1999, en progression de 71 millions de francs par rapport au budget 1998. En prenant en compte les crédits reportés d'une année sur l'autre et les financements complémentaires ouverts en loi de finances rectificative, les crédits de paiement permettront de réaliser les investissements prévus.

J'en viens enfin aux relations avec les collectivités locales, que le Gouvernement souhaite fonder sur un nouveau contrat.

Conformément aux engagements pris, la sortie du pacte de stabilité a fait l'objet d'une large concertation, conduite pendant quatre mois avec les associations mais également avec le président et le rapporteur de la commission des finances. Ces discussions ont porté leurs fruits et le Gouvernement a pu tenir compte des attentes des élus tout en leur expliquant les préoccupations qui lui sont propres. Cela marque une rupture de méthode par rapport à la procédure suivie en 1995 : le pacte de stabilité, vous vous en souvenez, avait été unilatéralement imposé aux collectivité locales.

Le Gouvernement souhaite conserver une approche globale des relations financières entre les collectivités et l'Etat, associant les dotations de l'Etat, la réforme fiscale et l'évolution des charges. Aussi a-t-il voulu garantir une règle du jeu précise et stable.

Trois idées ressortent, me semble-t-il, des discussions qui ont eu lieu avec les élus locaux. D'abord, l'Etat, comme les collectivités locales, est attaché à la programmation pluriannuelle de l'évolution des dotations, qui permet d'établir des prévisions de gestion budgétaire.

Ensuite, la situation financière respective de l'Etat et des collectivités locales doit être prise en compte. De ce point de vue, l'amélioration de la situation financière des collect ivités locales est une réalité : les administrations publiques locales ont consenti de gros efforts de gestion.

Elles ont pu enregistrer une capacité supplémentaire de financement de 17,6 milliards de francs en 1997, soit 0,2 point de PIB, et cette situation devrait perdurer en 1998 et en 1999. Il faut s'en féliciter, même si l'investissement public qu'elles portent à plus des deux tiers - M. Saumade le rappelait tout à l'heure - n'a pas retrouvé son dynamisme, loin s'en faut.

Toutefois, si la situation financière des collectivités locales s'est globalement améliorée, les inégalités n'en sont pas moins marquées. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité substituer au pacte de stabilité un contrat de croissance et de solidarité. Ces deux éléments sont en effet indissociables si l'on veut rénover les dotations de l'Etat aux collectivités locales en introduisant une meilleure prise en compte des différences objectives de situations.

Pour l'objectif de croissance, une démarche pluriannuelle a été proposée par le Premier ministre lors de la rencontre du 9 juillet dernier. Elle doit permettre de tirer parti de la croissance pour renforcer la péréquation. La structure du périmètre ne sera pas modifiée, pas plus que les règles de progression de chacune des dotations qui le constituent. Ainsi, la DGF, principale dotation, connaîtra une progression de 2,78 % en 1999.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

L e principe d'un engagement triennal sera donc reconduit dans le contrat, mais l'enveloppe des concours ne sera plus seulement indexée sur les prix. Une fraction croissante de l'indice prévisionnel du produit intérieur brut, donc de l'évolution de la richesse nationale, sera prise en compte, soit 15 % en 1999, taux porté à 20 % par votre assemblée en première lecture, 25 % en 2000 et 33 % en 2001.

Pour l'objectif de solidarité, vous savez que le Premier ministre a proposé qu'un groupe de travail du comité des finances locales se penche en 1999 sur la péréquation, notamment dans la DGF. D'ores et déjà, le Gouvernement propose de renforcer la péréquation existante de deux façons.

La dotation de compensation de la taxe professionnelle que M. Darne a évoquée dans son intervention, est la variable d'ajustement du périmètre normé. En d'autres termes, elle évolue de façon inversement proportionnelle par rapport à l'enveloppe des dotations, notamment la DGF. Elle connaîtra l'an prochain une baisse de 9 %, plus importante que par le passé, en raison du retour de la croissance, sur laquelle la DGF est indexée. Toutefois, conscient des problèmes que peut poser cette diminution, le Gouvernement a décidé de moduler la réduction de la DCTP dans un sens favorable aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine, aux bourgs-centre éligibles à la dotation de solidarité rurale, aux départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale et aux régions bénéficiant du fonds de correction des déséquilibres régionaux. Toutes ces collectivités se verront exonérer de 50 % de la baisse de la dotation de compensation, grâce aux travaux de la commission des finances qui s'est montrée particulièrement vigilante sur ce point.

En outre, les communes éligibles à la DSU et à la DSR bourg-centre ne connaîtront aucune perte de dotation de compensation, grâce à un versement du fonds national de la taxe professionnelle.

Par ailleurs, la DSU sera accrue en 1999 d'un apport budgétaire de 500 millions de francs qui viendra s'ajouter aux quelque 500 millions induits par croissance naturelle de la DGF, en fonction des décisions que le comité des finances locales prendra au moment de la répartition. La DSU devrait ainsi augmenter d'environ 1 milliard de francs. Ce dispositif sera reconduit en 2000 et en 2001.

Au total, compte tenu de cet abondement et des autres ajustements de diverses dotations que je viens d'évoquer, l'effort de l'Etat progressera de 4 % par rapport à 1998, soit un niveau de progression réel sans précédent depuis 1993.

Je ne m'étendrai pas sur l'évolution de chacune des dotations dont les règles ne sont pas modifiées, sauf en ce qui concerne le fonds de compensation de la TVA. Le Gouvernement a, en effet, accepté un amendement de votre commission qui permet d'étendre le bénéfice du FCTVA aux travaux d'intérêt général ou d'urgence réalisés sur le patrimoine de l'Etat ou des biens privés. Cette mesure était attendue.

Enfin, l'évolution des charges inquiète aussi les élus.

M. Saumade et M. Darne, au nom de M. Dosière, s'en sont fait l'écho et deux décisions ont été prises.

A propos de la CNRACL, un groupe de travail a été constitué au sein du comité des finances locales et s'est réuni hier. Il doit proposer une solution pour le long terme dans le cadre des travaux sur l'avenir des retraites que le Premier ministre a demandés au Commissariat général au Plan.

Pour 1999, toute augmentation de la cotisation des collectivités employeurs à la CNRACL est bien évidemment écartée.

M. Alain Clary.

Elle est déjà très élevée !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Quant aux normes, leur coût apparaît aux yeux de beaucoup d'élus tout à la fois croissant et non maîtrisé. L'Etat et les élus locaux doivent trouver une méthode qui permette de mesurer et de limiter les conséquences sur les budgets locaux des normes techniques, qu'elles soient d'origine européenne ou nationale. Là encore, le Gouvernement propose de travailler en concertation avec les élus locaux pour avancer sur ce dossier.

Je ne reviendrai pas, compte tenu du temps qui m'est imparti, sur la réforme fiscale des collectivités locales, abordée dans l'examen de la première partie de la loi de finances, ni sur les projets de loi relatifs à l'intercommunalité, à l'aménagement du territoire et à l'intervention économique des collectivités locales. Mais toutes ces démarches montrent que le Gouvernement entend poursuivre le mouvement de décentralisation amorcé en 1982 et qui a profondément réformé l'organisation territoriale de notre pays, le fonctionnement de la démocratie locale et le rapport avec nos concitoyens.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais vous dire à la suite de vos rapporteurs, MM. Mermaz, Dreyfus, Saumade, M. Darne, suppléant M. Dosière, et M. Léonetti. Les rapports qu'ils ont présentés au nom des commissions, riches d'enseignements, offrent une vision équilibrée des perspectives budgétaires du ministère de l'intérieur. Vous aves pu noter que le complément de crédits que vous appeliez de vos voeux interviendra dans le cadre de la loi de finances rectificative ; il permettra de doter le ministère de l'intérieur, et plus particulièrement la sécurité publique et la sécurité civile, des moyens nécessaires. Je me suis personnellement employé à l'obtenir.

Le budget pour 1999, que je vous présente aujourd'hui, est, j'en suis convaincu, un bon budget pour le ministère de l'intérieur. Il nous permettra de mettre en oeuvre une politique de réforme et de modernisation à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés en m atière de sécurité et d'administration publiques.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément, premier orateur inscrit.

M. Pascal Clément.

Pour un budget du ministère de l'intérieur, celui-ci a des échos assez nouveaux dans cette assemblée. Traditionnellement, la partie « police » est saluée par les parlementaires qui pensent, en revanche, que le Gouvernement pourrait faire un effort supplémentaire sur la partie « collectivités locales ». Cette fois-ci, il y a quasi-unanimité, aussi bien à gauche qu'à droite, pour dire que les crédits de la police ne correspondent pas aux besoins.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Jean-Pierre Blazy.

Pas du tout !

M. Alain Clary.

Ce n'est pas avec la nostalgie du gouvernement Juppé qu'on peut régler les problèmes ! La régression, c'était avant !

M. Pascal Clément.

Je croyais que le groupe communiste était opposé à ce budget. Aurait-il changé d'avis ?

M. le président.

Mes chers collègues, seul M. Clément a la parole.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

M. Alain Clary.

Pas d'amalgame ! Qu'il parle au nom de la droite et de Juppé !

M. Pascal Clément.

Je voulais rendre service au Gouvernement : c'est réussi ! Le groupe communiste votera votre budget. Voilà une bonne nouvelle, monsieur le ministre. Vous allez pouvoir m'écouter l'esprit libéré !

M. Guy Teissier.

Le groupe communiste varie souvent !

M. Pascal Clément.

Je voudrais d'abord évoquer l'insécurité croissante et exprimer nos doutes quant à la politique de proximité.

Nous examinons, en effet, ce budget dans un contexte d'insécurité croissante : violence dans les lycées, dans les transports urbains, sur la voie publique, montée de la délinquance juvénile. Sur les huit premiers mois de l'année, la délinquance a augmenté de 5,5 %.

Face à ces évolutions, le Gouvernement - vous l'avez rappelé dans votre discours, monsieur le ministre - a fait de longues et grandes déclarations. Ainsi à Villepinte, il a lancé l'idée d'un plan anti-violence dans les lycées et d'un plan de lutte contre la délinquance juvénile. Malheureusement, ces pétitions de principe n'ont pas été suivies de beaucoup d'actes. Nous attendons toujours la définition d'une politique de sécurité et d'une politique pénale qui soit claire, ferme et transparente.

Le Premier ministre s'était engagé, dans sa déclaration de politique générale, à rétablir l'égalité de tous les citoyens face à l'insécurité, notamment en menant une politique dite « de proximité ». Les faits ont démenti ses d éclarations : violence accrue dans les transports publics - quel département n'est pas concerné ? - violence accrue dans les établissements scolaires et sur la voie publique.

Par ailleurs, les instruments de cette politique de proximité apparaissent contestés : les emplois de proximité - adjoints de sécurité, agents locaux de médiation posent des problèmes évidents de formation, de définition de postes, d'évolution de carrières, tandis que les contrats locaux de sécurité ont fait dernièrement l'objet d'un bilan plus que mitigé.

Aujourd'hui, 116 contrats locaux de sécurité ont été signés et 456 sont en cours d'élaboration. L'objectif du Gouvernement était de créer, surtout dans les quartiers sensibles, un partenariat entre tous les acteurs de la sécurité, afin d'établir un diagnostic de la situation et de présenter des propositions.

Le rapport d'étape de la mission interministérielle d'évaluation de ces CLS, qui n'a pas été rendu public, révèle que de multiples dysfonctionnements sont apparus dans les premiers CLS. Ainsi, 43 % d'entre eux ont été signés en dehors des départements jugés les plus sensibles en matière de délinquance et d'insécurité. Les diagnostics locaux de sécurité apparaissent en général insuffisants, le sentiment d'insécurité des habitants étant très souvent négligé. Ce sont essentiellement les préfets qui ont été à l'origine des CLS, l'initiative étant venue plus rarement des maires. On déplore un certain manque de concertation au-delà du cadre de la police et de la gendarmerie.

Et ainsi la participation des services de la justice, de l'éducation nationale, du ministère de l'emploi et de la solidarité apparaît très insuffisante. Les lourdeurs culturelles propres aux différentes institutions administratives empêchent, et cela est tout à fait regrettable, une meilleure association.

S'agissant du projet de redéploiement des forces de sécurité, monsieur le ministre, vos oreilles ont dû beaucoup tinter ! Vous avez pour l'instant battu en retraite mais vous semblez garder l'intention, après la mission confiée au conseiller d'Etat Guy Fougier, de lancer vos premières décisions dès le début de l'année prochaine.

V ous envisageriez de fermer 94 commissariats, qui couvrent 193 communes rurales de moins de 20 000 h abitants, et confier à la police la sécurité de 38 communes urbaines qui dépendent actuellement de la gendarmerie. Ce projet de redéploiement concernerait donc 3 000 policiers et 1 200 gendarmes.

Or cette décision a été mal acceptée, je ne vous apprend rien, d'autant plus que nombre d'entre nous l'ont découverte dans la presse.

Aux yeux des élus, les métiers et les missions de la police et de la gendarmerie sont totalement différents. Les gendarmes sont une force de proximité connue et appréciée des populations rurales ...

M. Jacques Brunhes.

Et urbaines !

M. Pascal Clément.

... qui trouvent beaucoup d'intérêt au fait qu'ils vivent avec leurs familles dans les gendarmeries, c'est-à-dire à l'endroit même de leurs missions. En revanche, compte tenu de leurs effectifs, les policiers, tournent jour et nuit, samedi et dimanche compris, et assurent donc une présence permanente.

A ceux qui assimilent les uns aux autres, les élus font observer qu'il faut plusieurs policiers pour accomplir le temps de service effectif d'un gendarme et que, jusqu'à présent, lorsqu'on parle de substituer un corps à l'autre, on ne tient jamais compte de leurs spécificités, de leur disponibilité, de la manière dont chacun s'acquitte de ses missions qui, il est vrai, sont comparables.

De vives oppositions sont apparues, d'abord dans les rangs de la majorité plurielle. Jean-Pierre Michel, pourtant proche de M. Chevènement, a menacé de quitter le Mouvement des citoyens, parce qu'on fermait le commissariat de Lure. Paul Quilès n'a pas caché ses critiques.

L'affaire a donc été mal engagée.

S'il semble, en effet, nécessaire d'adapter la répartition de nos forces, il n'en est pas moins clair qu'une partie de la province française est traumatisée par la suppression des services publics. Je prends l'exemple, qui n'est évidemment pas choisi au hasard, de la sous-préfecture de Montbrison. Après lui avoir enlevé sa recette des finances, on veut fermer son commissariat de police et on menace de la priver de son tribunal de grande instance. Comment expliquer à la population pourquoi en quelques années, on lui enlève la plupart des services publics ? Monsieur le ministre, dans certains cas, il ne faudra, avec votre collègue de l'aménagement du territoire, réali-s er une nouvelle répartition qu'après une analyse complète de la place des services publics en milieu rural.

Sinon vous risquez de provoquer un blocage complet.

Sur un sujet cher à la droite, voici comment agit un homme qui est proche, dit-on, du Premier ministre français, je veux parler de M. Tony Blair. Celui-ci a présenté un programme de lutte contre la criminalité d'une grande sévérité. La lutte contre la délinquance juvénile en est un des aspects les plus novateurs puisqu'il prévoit un programme « zéro tolérance », avec une présomption d'irresponsabilité qui ne s'appliquera plus aux mineurs de plus de douze ans et un système de couvre-feu imposant aux parents de prendre leurs responsabilités : ils pourront se voir contraindre par la justice de ne pas laisser leurs enfants sortir après vingt et une heures le soir et s'assurer qu'ils se rendent bien à l'école le lendemain. Par ailleurs, le Gouvernement britannique prévoit de privatiser et d'augmenter le nombre de prisons pour jeunes, et de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

mettre en place des mesures visant à éviter la récidive des jeunes délinquants. Enfin, il est prévu des travaux de compensation et l'obligation de présenter des excuses aux victimes.

Je le disais au début de mon exposé, la politique lancée à Villepinte a bien peu de réalité aujourd'hui. Alors que celles pratiquées en Grande-Bretagne, ou encore aux

Etats-Unis, à New York entre autres, donnent des résultats. Accepterez-vous, monsieur le ministre, d'aller au-delà des déclarations de principe du colloque de Villepinte, et de vous inspirer, peu ou prou, de ces politiques ? Je n'aurai pas le temps de parler des adjoints de sécurité aussi longtemps que je l'aurais souhaité. A mon avis, se posera un problème d'intégration au terme de leur contrat de cinq ans. Il eût été préférable d'aider les collectivités locales à en employer au sein de leur police municipale, plutôt que de les faire travailler avec la police nationale, ne serait-ce que pour éviter de mélanger deux catégories de jeunes : l'une diplômée et formée, l'autre non.

V otre budget de la police est finalement assez médiocre. Les moyens sont inférieurs à ceux de l'année dernière et les faibles marges de manoeuvre qui vous sont laissées sont utilisées presque exclusivement pour les adjoints de sécurité et le service ACROPOL.

Je voudrais que les critiques de l'Assemblée nationale, qui avaient jailli déjà en commission des lois, de tous bords, vous aident monsieur le ministre à renégocier ce budget malingre. Le groupe Démocratie libérale souhaite que vous obteniez au moins les moyens humains et matériels de vos ambitions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier.

Monsieur le ministre, même si nous sommes très heureux de vous voir au banc du Gouvernement, je me fais l'interprète de mon groupe pour témoigner à Jean-Pierre Chevènement nos voeux de meilleure santé.

M. Alain Clary.

Nous nous y associons, bien sûr !

M. Bernard Derosier.

Le ministère de l'intérieur, outre la sécurité, a la charge d'une part importante des ressources des collectivités locales. Or le projet de budget pour 1999 relatif aux relations financières entre l'Etat et les collectivités locales est marquée par la sortie du pacte de stabilité, ce dont je me réjouis, et par l'entrée en vigueur d'un contrat de croissance et de solidarité.

Le principe d'un engagement triennal de l'Etat envers les collectivités locales a donc été reconduit. La structure du périmètre normé, c'est-à-dire les dotations prises en compte dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité, n'est pas modifiée par rapport au pacte de stabilité du gouvernement précédent.

En revanche, et là on peut parler de rupture, ce nouveau contrat fixe une indexation des concours de l'Etat prenant en compte non seulement l'inflation mais également une fraction de la croissance du PIB, soit 15 % en 1999, 25 % en 2000 et 33 % en 2001, dans le projet initial. La commission des finances a augmenté le pourcentage prévu pour 1999.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que les trois années d'exercice du pacte de stabilité s'étaient soldées par une perte de 10 milliards de francs pour les collectivités locales eu égard aux critères appliqués avant sa mise en oeuvre de façon unilatérale, alors que si l'indexation du pacte de croissance et de solidarité avait été retenue, ce serait 7,5 milliards de francs supplémentaires que les collectivités locales auraient reçu. On voit la différence entre un gouvernement de droite et un gouvernement de gauche à l'égard des collectivités territoriales !

M. Laurent Dominati.

Mon oeil !

M. Bernard Derosier.

Il convient aujourd'hui de souligner la volonté du Gouvernement de faire participer les collectivités locales au partage des fruits de la croissance.

Souvent, cependant, trop souvent, les collectivités territoriales doivent faire face à des décisions prises par l'Etat, et ce dans de multiples domaines, auxquelles elles ne sont généralement pas associées, et qui ont des conséquences financières importantes.

J e citerai quelques exemples : l'augmentation des salaires et de ses éléments annexes dans la fonction publique, qui a des répercussions sur les budgets des communes, départements et régions ; les taux de cotisation employeur des différents régimes de sécurité sociale et de retraite, notamment la CNRACL ; la perspective des 35 heures.

Je sais bien que M. Zuccarelli a mis à l'étude l'application de la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Mais elle a déjà des répercussions dans la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif puisque les prix de journée sont supportées pour partie par les collectivités territoriales.

Dernier exemple, le coût des services départementaux d'incendie et de secours. Au nom de mon groupe, je m'étais élevé contre la loi de 1996 parce que l'Etat n'y consacrait pas les moyens nécessaires. Aujourd'hui, on peut en mesurer les conséquences et je suis effaré de ce que va coûter aux communes et aux départements la mise en oeuvre de cette disposition. Il importe que vous vous penchiez sur cette question, monsieur le ministre, et que vous apportiez des réponses aux collectivités territoriales.

Il faut donc une plus grande concertation et il convient de donner véritablement aux collectivités locales les moyens de remplir leurs missions.

Le projet de budget qui nous est proposé pour 1999, intégrant la réforme de la taxe professionnelle, prévoit u ne dotation de l'Etat aux collectivités locales de 279,5 milliards de francs, ce qui représente une évolution de 2,10 % En effet, dans le cadre de la rénovation de la fiscalité locale qu'il entend engager en 1999, dans le sens d'une plus grande justice fiscale et de la priorité à l'emploi, le Gouvernement souhaite réformer la taxe professionnelle.

Cet impôt créé en 1975 a toujours été critiqué depuis, aussi bien par la droite, qui en avait la paternité, que par la gauche, notamment en raison de ses effets négatifs sur l'emploi.

Il faut souligner que c'est le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, et la majorité qui le soutient qui engagent sa réforme.

C'est un fait, la taxe professionnelle a un effet dissuasif sur les embauches. Aussi, la part de la taxe professionnelle assise sur les salaires sera supprimée progressivement sur cinq ans.

Mais il faudra aller plus loin, monsieur le ministre, et engager une véritable réforme de fond de la fiscalité locale. Je le dis car, après avoir lu hier soir, dans la presse, que la réforme de la taxe d'habitation serait repor-


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tée, je veux que vous sachiez que les députés socialistes y sont très attachés et qu'ils vous apporteraient leur soutien dans l'hypothèse où il y aurait, sur ce sujet, des divergences d'appréciation, entre le ministère de l'intérieur et le ministère de l'économie et des finances.

Bercy ferait-il preuve en 1998 du même conservatisme fiscal que dénonçait en 1990 le président de la commission des finances d'alors - ne cherchez pas, il s'agissait de Dominique Strauss-Kahn.

Les pertes de recettes subies par les collectivités seront compensées par l'Etat sous la forme d'une dotation. Cette compensation sera établie en fonction des taux de taxe professionnelle de 1998 et des bases de 1999, et sera i ndexée sur la dotation globale de fonctionnement de 1999 à 2003. Elle atteindra 11,8 milliards de francs en 1999 et plus de 60 milliards en 2004. Puis elle sera intégrée dans la dotation globale de fonctionnement à compter de 2004.

Une autre recette des collectivités locales se voit transformée en compensation : il s'agit des droits de mutation sur les immeubles à usage professionnel.

Je ne peux, monsieur le ministre, qu'exprimer des réserves quant aux conséquences de ces réformes en matière de compensation. En effet, la part croissante des financements de l'Etat dans les finances locales semble contredire l'esprit de la décentralisation.

Dans un Etat moderne, démocratique et décentralisé, les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales doivent être des relations de partenariat et doivent s'appuyer sur une confiance réciproque, il ne faudrait pas déresponsabiliser les élus locaux.

Dans le cadre du projet de loi sur l'intercommunalité, nous évoquerons sûrement cette « autre » réforme, celle de la taxe professionnelle.

Afin de lutter contre les inégalités entre communes, la péréquation de la taxe professionnelle doit être encouragée. En effet, nous ne pouvons laisser durablement perdurer les fortes distorsions de concurrence ni les choix parfois irrationnels de localisation d'activités qu'entraînent les écarts de taux de taxe professionnelle au sein d'une même agglomération.

Il faut mettre un terme à l'injustice qui en découle dans la répartition des richesses, le plus souvent au détriment des villes qui assument l'essentiel de la charge des équipements collectifs.

La taxe professionnelle d'agglomération, c'est-à-dire un taux de taxe professionnelle identique décidé par des élus, pour un ensemble de communes, permettrait d'éviter cette situation anachronique.

Par ailleurs, le Gouvernement propose d'intégrer pour le calcul des impôts locaux, et principalement pour la taxe d'habitation, les nouvelles évaluations cadastrales effectuées en 1990.

En effet, cet impôt, le plus injuste de notre système fiscal, est encore calculé sur la base de valeurs établies en 1970. C'est une des raisons pour lesquelles, en 19901991, nous étions favorables à la création d'une taxe départementale sur le revenu qui devait se substituer à la part départementale de la taxe d'habitation. Malheureusement, elle fut abandonnée sur pression d'on ne sait trop qui ; en tout cas, par une décision qui ne convenait pas, à l'époque, à l'engagement des députés socialistes.

Aujourd'hui, l'Etat prend une part de plus en plus importante de la taxe d'habitation, du fait de la multiplication des dégrèvements législatifs, ainsi que des modes de compensation qui sont intervenus pour tenter de limiter l'injustice profonde de la taxe d'habitation. Il en résulte que le nombre de contribuables qui sont exonérés en totalité ou partiellement de cette taxe est de plus en plus important : près de 40 % dans le locatif privé, et jusqu'à 80 % dans le logement HLM.

La taxe d'habitation, en raison de son mode de calcul, ne prend pas en compte les revenus. Aussi, mes chers collègues, une réforme de la taxe d'habitation prenant comme référence la capacité contributive des contribuables doit être engagée. Il faut rendre cet impôt plus

« juste ».

Ayant exprimé ces observations, je n'entends pas pour autant souscrire aux arguments de la majorité sénatoriale, son nouveau président en tête, arguments selon lesquels on assisterait aujourd'hui à une plus forte recentralisation qu'hier. Je dis « aujourd'hui » car il ne fait pas de doute que, depuis 1982, an I de la décentralisation, l'Etat, par l'intermédiaire de tel ou tel de ses ministres - ceux d'hier - ou de telle ou telle de ses administrations centrales - celles d'hier mais aussi celles d'aujourd'hui - a une tendance naturelle à récupérer un pouvoir qui relève aujourd'hui des élus locaux.

Profitons, monsieur le ministre, de la ferveur des plus récents ralliés à la décentralisation, je veux dire la droite, qui la combattait avec acharnement dans les années 80, profitons de cette ferveur qui s'ajoute à celle des défenseurs historiques de la décentralisation, je veux dire les socialistes, pour franchir la nouvelle étape indispensable au renforcement de la décentralisation. Nous apprécierons alors la valeur de cet attachement de la droite à ce qu'elle combattait hier.

Au regard des réformes entreprises, il convient de s'interroger, monsieur le ministre, sur l'évolution des dotations de l'Etat et sur les incidences de celle-ci sur l'esprit de la décentralisation.

Force est de constater néanmoins que ce projet de budget va dans le sens d'une plus juste prise en compte des besoins des collectivités locales. C'est pourquoi le g roupe socialiste le votera, sans hésitation aucune.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Avant toute chose, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir transmettre à nouveau à M. Chevènement nos voeux de prompt et total rétablissement, lui dire combien nous avons suivi l'évolution de son état avec une sympathie admirative et l'assurer de notre fidèle amitié. Je tiens également à vous indiquer, monsieur Queyranne, que nous apprécions votre efficace intérim, d'autant que vous l'exercez en même temps que vous avez la charge des lourds dossiers des DOM-TOM.

Ce qui fonde la qualité de nos relations, monsieur le ministre, c'est la franchise ; ce que Socrate appelait la

« vertu » et qu'il suggérait de donner aux concitoyens dès lors qu'il s'agissait de régler les affaires de la République.

Vous me permettrez donc d'être franc. La vertu en politique, c'est d'abord de tenir les engagements pris.

Je rappelle que M. le Premier ministre a fait de la sûreté une priorité dès son discours d'investiture. Le Gouvernement l'a confirmé les 24 et 25 octobre 1997 à Villepinte. Nous nous sommes félicités de cette prise de conscience. La sécurité des personnes et des biens est un droit fondamental. Plus encore aujourd'hui, c'est un élément essentiel de la liberté, de la fraternité et de la


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citoyenneté. Cette exigence est légitimement d'autant plus vive pour de très nombreux concitoyens que l'insécurité renforce les difficultés sociales et économiques.

Les fonctions de sécurité relèvent des compétences régaliennes de l'Etat de droit, par le biais des services de police, de gendarmerie et de justice. La conduite de la politique publique de sécurité est donc, en tout premier lieu, de la pleine et entière responsabilité de l'Etat.

Pour autant, la définition des objectifs de cette politique et les conditions de sa mise en oeuvre exigent de plus en plus un travail partenarial entre institutions publiques, associations, citoyens, dans le respect clair des compétences et des responsabilités de chacun.

En effet, la sécurité est inséparable d'une réduction des actes de délinquance et d'incivilité, d'une prévention menée largement en amont des faits constatés. Ces missions, cela va de soi, seront d'autant mieux rendues que la cohésion sociale, la réduction des inégalités, la qualité de la vie urbaine, le civisme et la participation à l'exercice de la citoyenneté grandiront. Cela nécessite de mobiliser l'ensemble des acteurs.

Or, monsieur le ministre, cette démarche partenariale inscrite dans les orientations définies par le Gouvernement dans le cadre du conseil de sécurité intérieur de juin 1998 et du conseil interministériel du 30 juin 1998, démarche que l'on retrouve dans les contrats locaux de sécurité, est fortement remise en cause par les faits euxmêmes et surtout par la faiblesse de votre budget, qui, s'il restait en l'état, serait, je n'hésite pas à le dire, un des plus mauvais de ces dernières années.

M. Rudy Salles et M. Thierry Mariani.

Très juste !

M. Jacques Brunhes.

Nous sommes donc loin de la priorité annoncée.

Les dernières statistiques prouvent que la délinquance s'aggrave. Sur les sept premiers mois de l'année, le total des crimes, des délits et des actes de délinquance commis sur la voie publique a progressé.

M. Thierry Mariani.

Eh oui !

M. Jacques Brunhes.

La violence urbaine et la délinquance des mineurs sont en hausse de 6,32 %. Comment ne pas être alerté par la gravité des problèmes qui se posent dans les zones urbaines ? Comment rester insensible à la demande sociale de sécurité qui s'amplifie ? Le mouvement de grève dans les transports en commun, à la suite de l'agression de conducteurs, n'en est que l'illustration.

Certes, la seule politique sécuritaire ne résoudra pas elle-même les problèmes. Le contre-exemple des EtatsUnis en témoigne : on peut bien laisser croire à une inversion des tendances lourdes dans le Bronx, mais le budget de construction des prisons est plus élevé que le budget social, et rien n'est résolu humainement - seuls quelques affairistes spéculateurs s'y retrouvent.

Tant que des dysfonctionnements de notre société ne seront pas résolus, nous continuerons à voir, comme ce fut le cas lors des derniers événements qui se sont déroulés à Paris, des jeunes des banlieues révoltés contre leur exclusion de la société. La perte des repères du vécu, l'effondrement des cadres normatifs comme le travail qui soutenaient la vie sociale, rendent aujourd'hui inopérants les facteurs et les institutions qui assuraient l'intégration.

La politique sécuritaire doit être d'abord, c'est une évidence, une politique de justice sociale. Elle doit aussi être partenariale : elle doit s'appuyer sur les conseils communaux de prévention de la délinquance, sur les associations, sur les communes, sur les citoyens, et elle doit être contractualisée par les contrats locaux de sécurité.

Mais l'Etat doit donner le « la », impulser, stimuler.

Or le budget, par ses insuffisances, risque au contraire de décourager par la minceur des moyens.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Jacques Brunhes.

Je sais, monsieur le ministre, que vous avez à rattraper les conséquences de la gestion désastreuse de la droite.

M. Thierry Mariani.

Nous, au moins, on publiait les résultats !

M. Jacques Brunhes.

Les années 1996 et 1997 ont vu l'abandon de la modernisation des forces de sécurité et le renoncement par la droite à des engagements inscrits dans la LOPS.

Le budget voté en 1996 avait été largement amputé en cours d'année avec une diminution de 5,82 % des crédits de fonctionnement, de 25 % des autorisations de programme...

M. Thierry Mariani.

Mais les résultats étaient là !

M. Jacques Brunhes.

... et de 110 % des crédits de paiement prévus pour les investissements lourds.

M. Alain Clary.

La droite a la mémoire courte !

M. Jacques Brunhes.

Ces suppressions avaient été pérennisées en 1997. Si bien que l'insuffisance des crédits votés avait rendu nécessaire le déblocage de crédits d'avance. Je tenais à le rappeler, chers collègues de droite.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

Mais les résultats étaient là !

M. Jacques Brunhes.

Je ne m'attarderai pas sur une analyse comptable de crédits de la police nationale. Mais il apparaît que leur montant ne permet pas d'assurer la mise en oeuvre des bonnes résolutions affichées. Ce montant enterre définitivement les engagements budgétaires contenus dans la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité.

Le nombre de personnels actifs de la police diminue et les titulaires perdent cette année cinquante-neuf postes.

Cette question est d'autant plus aiguë que 25 000 fonctionnaires vont partir à la retraite dans les cinq ans et qu'aucun plan de recrutement n'est prévu.

La réforme des corps de commandement pouvait débloquer des effectifs à budget constant. Or il n'en est rien, puisque l'on a appliqué une substitution poste pour poste.

Le recrutement de 7 600 adjoints de sécurité permet de compenser les suppressions de policiers auxiliaires issus du contingent. Que des jeunes soient recrutés en période de chômage peut être une excellente méthode, à condition que toutes les mesures soient prises pour assurer l'efficacité fonctionnelle.

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas le cas !

M. Jacques Brunhes.

Or ces jeunes n'ont que deux mois de formation dont un théorique...

M. Thierry Mariani.

Ce qui est ridicule !

M. Jacques Brunhes.

... alors qu'un gardien de la paix bénéficie, lui, de deux années de formation. Pourtant, ils sont affectés à des missions qui relèvent normalement de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

celles des gardiens de la paix et qui n'entrent pas dans leurs compétences, sans être, la plupart du temps, accompagnés par des policiers titulaires.

Pour pallier ces difficultés, le Gouvernement avait envisagé le redéploiement des forces de police et de gendarmerie. Son plan a fait l'unanimité contre lui. Il est donc gelé. Je souhaite simplement que tous les élus, les groupes de la majorité bien évidemment, soient consultés, y compris les élus de banlieue, avant que ne soient prises des décisions qui ne peuvent être que politiques. Arrêtons définitivement l'utilisation de la calculette. Ecoutons davantage les exigences qui montent du terrain.

L'Etat doit notamment renforcer les effectifs sur le terrain afin de mettre en oeuvre un îlotage efficace. Il est, en effet, un facteur de proximité essentiel à la sécurité des zones dites sensibles. Et seuls des policiers et des îlotiers, en nombre suffisant, bien formés et disposant d'un véritable statut, peuvent assurer une polique de prévention efficace.

Au total, monsieur le ministre, les policiers s'interrogent sur l'avenir d'un service public de sécurité pour demain. Ils craignent que la présence policière sur le terrain soit assurée majoritairement par des adjoints de sécurité et des policiers municipaux, tandis que les policiers titulaires seraient orientés vers des tâches relevant du tout judiciaire. Le non-respect de la LOPS et l'absence de gestion prévisionnelle des besoins et des ressources de la police nationale entraînent un malaise général de la police.

En ce qui concerne les personnels administratifs, la LOPS prévoyait de créer 5 000 emplois. Or, il n'y en a eu que 1 174 de créés depuis 1995. Seule la création d'un nombre suffisant de postes permettrait de libérer un nombre important de policiers de leurs tâches administratives et de les envoyer sur le terrain.

Dans le domaine de l'action sociale, les efforts déployés sont loin de combler les retards accumulés. Par exemple, dans le domaine du logement des fonctionnaires de police, les acquisitions sont en deçà des autorisations de programme et, surtout, des besoins, en particulier dans les grandes agglomérations. Pourtant, seules des facilités de logement permettront d'implanter durablement les policiers dans les zones dites sensibles.

Enfin, la rénovation, tant de certains commissariats dont la vétusté et l'insalubrité sont inacceptables que du parc automobile et des moyens techniques, est impérative pour revaloriser la police nationale.

Monsieur le ministre, soyons clairs, si votre budget avait dû rester en l'état, le groupe communiste n'aurait pu le voter.

Je veux maintenant aborder une question de forme qui, comme toujours, rejoint le fond. J'ai appris hier dans les couloirs, et parce que je vous ai interrogé, monsieur le ministre, que, compte tenu de l'inquiétude des parlementaires, le Gouvernement avait décidé d'accorder une rallonge de crédits de 500 millions dans une loi de finances rectificative. Je me félicite, bien entendu, que nous ayons été entendus. Par ailleurs, votre directeur adjoint de cabinet a bien voulu me détailler les répartitions qui seront faites de cette somme. Pour autant - et je le dis en toute sérénité, mais très franchement -, si je ne vous avais pas interpellé hier, c'est par la presse que j'aurais appris cette nouvelle donne,...

M. Thierry Mariani.

Eh oui !

M. Jacques Brunhes.

... ou même un peu plus tard en séance, puisque vous venez de l'annoncer dans votre intervention.

Monsieur le ministre, ce n'est pas ainsi que l'on peut travailler utilement...

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

M. Alain Clary.

Tiens, M. Debré est dans la majorité ?

M. Jacques Brunhes.

... avec un des groupes de votre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Vous n'y êtes sans doute pour rien mais je ne souhaite pas que de tels dysfonctionnements se reproduisent.

Nous sommes dans la majorité.

M. Jean-Louis Debré.

Ah bon ?

M. Jacques Brunhes.

Nous avons des propositions à v ous faire et nous entendons être des partenaires constructifs. Nous souhaitons être consultés et entendus.

Bref, nous souhaitons que, à l'avenir, vous teniez le plus grand compte de l'observation solennelle que vous fait le groupe communiste.

Nous voulons tout faire pour que le Gouvernement mette enfin en pratique ses bonnes intentions et que soite ntendue l'exigence forte d'une police républicaine capable d'assurer pleinement ses missions de service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Rudy Salles.

C'est un ultimatum !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun conserve encore en mémoire les propos du Premier ministre sur la sécurité...

M. Bruno Le Roux.

D'excellents propos !

M. Thierry Mariani.

... lors de sa dernière prestation télévisée. La gauche se préoccuperait enfin de cette question et ne laisserait plus se commettre impunément ce qu'elle continue d'appeler pudiquement des « actes d'incivilité », et que nous qualifions, quant à nous, d'actes de délinquance.

Toujours selon le Premier ministre, l'ordre devrait régner sur le territoire et les transports en commun devraient être sécurisés. Bref, nos concitoyens peuvent être rassurés : l'Etat socialiste veille !

Mme Nicole Bricq.

Tout en finesse, Mariani !

M. Thierry Mariani.

Le réveil, hélas, est moins satisfaisant. Force est de constater que les faits sont têtus et que les incantations d'une partie, et d'une partie seulement, de votre majorité vert-rose-rouge ne suffiront pas, loin s'en faut, à garantir à tous nos concitoyens la sécurité qu'ils sont en droit d'attendre.

Car l'évolution de la délinquance n'échappe pas à la règle qui prévaut dans toutes les matières avec ce gouvernement. Malgré des propos rassurants, monsieur le ministre, et malgré les bonnes intentions affichées, la situation se dégrade, et vous le savez. En effet, après plusieurs années consécutives de baisse, le nombre des crimes et délits commis en France augmente à nouveau depuis janvier dernier. D'après des sources concordantes, et malgré le silence de vos services,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Un silence assourdissant !

M. Thierry Mariani.

... les huit premiers mois de l'année se sont traduits par un dérapage du nombre des crimes et délits constatés de plus de 3 %.

M. Jean-Louis Debré.

En moyenne !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

M. Thierry Mariani.

Permettez-moi de vous demander à nouveau solennellement de bien vouloir confirmer ces chiffres et de nous indiquer les raisons de votre mutisme.

En effet, la tradition républicaine et la coutume veulent que le ministère de l'intérieur adresse régulièrement à la représentation nationale les chiffres relatifs à la délinquance. Telle était en tout cas la conduite de vos prédécesseurs, qui nous faisaient parvenir à intervalles réguliers - trois à quatre fois par an pour Jean-Louis Debré les statistiques relatives aux actes criminels et délictueux commis sur le territoire.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani.

Il est absolument inacceptable que le Parlement soit tenu à l'écart de ces informations, comme c'est le cas aujourd'hui.

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Puis-je vous interrompre, monsieur Mariani, avec votre autorisation ?

M. Thierry Mariani.

Je vous en prie.

M. le président.

La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur Mariani, je vous invite simplement à lire l'excellent rapport de votre collègue Louis Mermaz.

Mme Nicole Bricq.

Il ne l'a pas lu !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Aux pages 37 et suivantes, il présente un constat d'ensemble de l'évolution de la délinquance et indique les chiffres du premier semestre. On apprend ainsi que, au premier semestre 1998, « la criminalité globale augmente de 2,32 % par rapport au premier semestre de l'année précédente, ce pourcentage consolidant, cependant, une progression de 1,53 % des faits constatés par la police, mais de 5 % de ceux constatés par la gendarmerie ». Ces chiffres existent, et vous en avez eu connaissance.

M. Rudy Salles.

Hier, et même pas par le ministre de l'intérieur !

M. Guy Teissier.

L'encre du rapport n'est pas encore sèche !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Ils figurent dans un rapport parlementaire.

M. Thierry Mariani.

Le rapport a été distribué hier !

M. Christophe Caresche.

Vous ne l'avez pas lu !

M. Raymond Douyère.

Evidemment, il ne va pas en commission !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Comme le Premier ministre l'a indiqué, les prochains chiffres seront communiqués en fin d'année, et concerneront les six mois suivants.

Nous faisons par conséquent la même chose que M. Debré et nous communiquons ces éléments à tous les membres de la commission des lois ainsi qu'à tous ceux qui s'intéressent à ces questions.

Je vous renvoie donc simplement à l'analyse très détaillée du rapport parlementaire. Ces chiffres ne sont pas secrets, ils figurent dans un document de travail du Parlement.

M. Roland Carraz.

Très bien ! Il fallait le dire !

M. Jean-Louis Debré.

Puis-je répondre d'un mot, monsieur le président ?

M. le président.

Soit, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Jean-Louis Debré.

Monsieur le ministre, ces chiffres, nous les connaissons depuis hier. Or une tradition du ministère de l'intérieur, remontant à plusieurs années, voulait que ces chiffres soient communiqués très régulièrement à la représentation nationale.

M. Christophe Caresche.

Il n'y a que les chiffres qui les intéressent !

M. Jean-Louis Debré.

Or vous les connaissez, puisque chaque préfet a reçu communication des statistiques concernant son département. Le ministère de l'intérieur publiait auparavant les chiffres globaux à intervalles très réguliers et les communiquait aux parlementaires. Or je constate que, depuis plusieurs mois, nous vous avons interrogé à de multiples reprises à l'occasion des questions d'actualité ou en d'autres circonstances, mais que l'on n'a pas voulu nous communiquer ces chiffres. C'est seulement hier que nous en avons pris connaissance dans un rapport parlementaire, alors que la tradition, je le répète, voulait que le ministère de l'intérieur nous les communique lui-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Il n'y a rien à ajouter : tout est juste !

M. le président.

Veuillez poursuivre, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

Nous connaissons donc ces chiffres depuis hier seulement, date de publication du rapport.

Avouez, comme l'a souligné Jean-Louis Debré, que cette procédure est un peu surprenante eu égard aux usages.

De toute façon, quelle que soit la date à laquelle ces chiffres nous ont été remis, ils confirment la tendance que nous dénonçons, c'est-à-dire une reprise de la délinquance. A cet égard, permettez-moi de vous rappeler les variations, en pourcentage, des crimes et délits constatés entre 1994 et 1997 ; elles traduisent une amélioration obtenue grâce au travail de vos prédécesseurs, Charles Pasqua et Jean-Louis Debré, que vous critiquez vertement aujourd'hui.

Entre 1994 et 1995, la baisse a été de 6,47 %, et elle a été de 2,88 % l'année suivante. Entre 1996 et 1997, elle a été de 1,86 %.

M. Jean-Pierre Blazy.

Alors, pourquoi dire que l'insécurité augmente ?

M. Thierry Mariani.

Je comprends donc que vous ayez de la peine à assumer votre bilan pour 1998 et que vous préfériez le faire paraître en catimini dans un rapport parlementaire, plutôt que de l'annoncer sous les lambris de votre ministère.

M. Christophe Caresche.

Il faut lire les rapports !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Il y a ceux qui les lisent et ceux qui ne les lisent pas !

M. Thierry Mariani.

D'ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ? Comment voulez-vous faire baisser la délinquance dans notre pays alors que certains membres éminents de votre majorité, dont des parlementaires, s'affichent ouvertement avec des personnes qui bafouent les lois de la République, je veux parler des sans-papiers.

Comment voulez-vous ne pas créer un sentiment d'impunité quand des élus refusent de s'en remettre aux lois - pourtant laxistes, Dieu sait à quel point ! - qu'ils ont eux-mêmes votées ? Comment voulez-vous faire respecter


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

l'ordre quand ces mêmes élus s'opposent en toute illégalité, parfois même physiquement, à l'exécution des décisions de justice, comme cela a été le cas pour certaines expulsions d'étrangers en situation irrégulière ? Quel message délivrons-nous à la population si des élus se conduisent de la sorte ? En effet, alors que le comportement des élus devrait être exemplaire et servir de référence, notamment pour les plus jeunes, certains membres de votre majorité font le contraire en contestant le bien-fondé et la valeur des lois de la République.

Dans ces conditions, comment s'étonner de l'augmentation quasi exponentielle de la délinquence juvénille ? Je vous serais d'ailleurs reconnaissant de bien vouloir nous indiquer les chiffres dont vous disposez à cet égard pour 1998.

Cependant, plus grave que l'augmentation des chiffres à proprement parler, on note une diminution de l'âge des intéressés et une gravité croissante des infractions dont ils se rendent coupables.

Il n'est pas rare, en effet, de voir des « chefs de bande » de 12, 13 ou 14 ans semer le trouble dans un quartier. Il n'est plus exceptionnel de voir des meneurs prendre part à des actes de viol, des vol avec violence, des coups et blessures volontaires, des actes de destruction et de dégradation.

Or, face à ces nouvelles formes de violence, la société se trouve quelque peu désarmée. En votre qualité de ministre de l'intérieur, vous avez un véritable défi à relever.

Quels crédits comptez-vous dégager en 1999 pour lutter tout particulièrement contre les mineurs délinquants ? Quelles actions spécifiques allez-vous mettre en oeuvre pour endiguer ce phénomène inquiétant à plus d'un titre, qui nécessite un traitement adapté ? Rien de concret ne transparaît dans votre projet de budget ! Alors qu'il conviendrait de développer l'îlotage, alors qu'il serait nécessaire de placer les effectifs les plus compétents dans les quartiers sensibles, alors que nous devrions augmenter les effectifs qui sont réellement disponibles sur le terrain, rien de tout cela n'est fait.

Pis : votre budget reflète votre désengagement et votre abandon sur bien des points. Vous ne donnez pas aux forces de l'ordre des moyens suffisants pour remplir convenablement leurs missions.

Les dépenses de fonctionnement par agent diminuent de 3,6 % si on ne tient pas compte des crédits d'investissement, et de 1,3 % si l'on en tient compte. Ces crédits ne prennent pas la mesure de notre société et des différentes formes de délinquance qu'elle doit affronter : délinquance financière, internationale ou bien encore juvénile.

Vous avez choisi de recruter des adjoints de sécurité plutôt que d'embaucher de véritables professionnels, quitte à transformer la police nationale en entreprise de main-d'oeuvre temporaire et parfois sous-qualifiée. En effet, les deux mois de formation qui sont alloués à ces jeunes sont nettement insuffisants, chacun en convient, y compris sur vos bancs, lorsqu'on sait qu'il faut au moins quatorze mois pour former un agent titulaire. Plus grave : le déficit de formation peut être dangereux dans la mesure où les agents de sécurité sont détenteurs d'une arme.

Vous amputez de 4,68 % les crédits affectés à la formation par rapport à 1998, ce qui, là aussi, va à l'encontre du bon sens.

Vous ne prévoyez aucun crédit supplémentaire pour les reconduites à la frontière - c'est révélateur -, alors que nous avons toujours sur notre sol 60 000 étrangers en situation irrégulière, recensés et connus des services des préfectures.

M. Jean-Pierre Blazy.

Quel amalgame !

M. Thierry Mariani.

Monsieur le ministre, vous me permettrez de m'arrêter quelques secondes sur ce point.

Cela montre là aussi que, quelles que soient les déclarations faites lors des questions d'actualité, le mardi ou le mercredi, vous ne prévoyez pas dans ce budget les moyens réels pour appliquer les lois de la République. En fait, vous n'avez pas la volonté de faire appliquer ces lois et de procéder à l'expulsion des personnes qui restent sans titre de séjour sur notre territoire.

Enfin, mais je pourrais poursuivre la liste, vous maintenez tout juste une stagnation des ressources de votre budget par rapport au budget général, alors qu'un effort supplémentaire était attendu, tant il paraît nécessaire.

Tout cela va à l'encontre de vos discours. Vous ne pouvez pas afficher, comme vous le faites, votre volonté de maîtriser certains phénomènes de délinquance, et ne pas concrétiser dans le budget vos belles déclarations.

Selon vos dires, la sécurité fait partie des actions prioritaires du Gouvernement. Comment ne pas être déçu, pour ne pas dire dépité, par le projet de budget que vous nous présentez ? Celui-ci ne parviendra pas à donner aux personnels concernés les moyens indispensables à l'accomplissement de leurs missions dans des conditions satisfaisantes.

Quand on prétend vouloir lutter contre la déliquance et assurer la sécurité de nos concitoyens, ce qui est tout de même l'une des principales tâches régaliennes de l'Etat, on s'en donne les moyens.

Voyez ce qui a été fait à New York, et qui a conduit à faire baisser de 75 % en quatre ans les délits dans le métro. C'est un véritable plan de récupération du métro qui a été mené dans cette cité.

Il comprenait cinq phases.

Dans un premier temps, il s'est agi de lutter contre les graffiti et les dégradations de toute nature, tout en durcissant les sanctions pénales applicables en la matière. C'est ainsi que les délinquants ont été condamnés dans 80 % des cas à l'exécution d'un travail d'intérêt général, sur les lieux mêmes de l'infraction et dans les vingt-quatre heures.

La mise en place d'une sanction rapide, certaine et significative fut considérée comme un élément clé de la diminution des saccages.

Dans un second temps, il a été mis un terme à la présence dans le métro des bandes de marginaux qui le peuplaient.

Dans un troisième temps, des équipes spéciales ont été mises en place pour contrôler et sanctionner les voyageurs sans billet. Ceux-ci étaient systématiquement conduits au commissariat, ce qui a permis de confisquer au passage un nombre impressionnant d'armes, trouvées en possession des intéressés.

A noter que cela tranche fortement avec la situation qui prévaut dans notre pays, où l'on peut voir un jeune resquiller et monter sans ticket dans le bus, devant les caméras de France 2, chaîne de service public, en toute impunité et sans que l'intéressé manifeste le moindre remords ni la moindre gêne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Dans un quatrième temps, chaque station a bénéficié de la désignation d'un responsable chargé non seulement de répondre aux attentes des usagers, mais également de veiller à leur sécurité.

Enfin, mille policiers supplémentaires ont été affectés dans le métro, sans compter les recrutements de personnels effectués par l'entreprise qui le gère.

Voilà l'exemple d'un véritable plan de lutte contre la délinquance, qui a fait ses preuves. Je le répète, le nombre des délits a diminué de 75 % en quatre ans, de 1990 à 1994.

Bien entendu, cela n'a pas été facile, il a fallu mettre en oeuvre des moyens à la hauteur de l'enjeu et faire preuve d'une réelle volonté.

Or c'est bien ce qui manque dans ce budget. Au-delà des mots, vous ne faites preuve d'aucune volonté, pas plus que vous ne donnez aux forces de l'ordre les moyens de faire leur travail.

Ce qui manque à notre pays, c'est la volonté politique de s'attaquer enfin aux zones de non-droit qui s'y développent, et dans lesquelles les délinquants font euxmêmes la « police ». Ce qui ne concernait jusqu'à présent que les banlieues des grandes villes est peu à peu en train de faire école, hélas, sur l'ensemble du territoire.

Chacun reconnaît que le phénomène de la violence urbaine a tendance à s'étendre à des villes de province d'importance moyenne, et même à certains villages jusqu'à présent préservés, où il provoque un fort accroissement du sentiment d'insécurité.

Désormais, aucune région n'est réellement à l'abri d'un embrasement, aucune commune n'est exclue des problèmes liés au développement de l'insécurité.

C'est à cette situation que vous êtes confronté. C'est aux problèmes quotidiens d'insécurité que vous devez vous attaquer.

Pour ce faire, vous devez redonner confiance aux agents de police, vous devez leur assurer des conditions de travail décentes, vous devez promouvoir leurs actions, afin qu'ils se sentent soutenus et épaulés par leur hiérarchie.

Vous devez aussi développer les actions sociales du ministère pour soutenir les agents de police qui travaillent dans des conditions difficiles. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Ce budget est insuffisant. Il n'est la traduction d'aucune mesure forte visant à mieux lutter contre l'insécurité.

Je le répète, on ne gouverne pas uniquement avec des symboles et des déclarations de bonnes intentions.

Il ne suffit pas que le Premier ministre affiche à la télévision sa décision de faire respecter la loi partout sur le territoire pour que sa volonté soit exaucée comme par miracle. M. Jospin est, certes, un illusionniste de talent, chacun en convient, mais en matière de sécurité, il n'est certainement pas magicien.

La lutte contre la délinquance de rues, la lutte contre les « incivilités », comme vous les nommez pudiquement, la lutte contre les jeunes délinquants nécessitent de vrais moyens tant en personnels qu'en matériels. Elle doit reposer sur des personnels qualifiés et convenablement équipés.

Vous avez décidé de ne pas mettre en oeuvre ces moyens pourtant indispensables à la réalisation d'une politique vraiment efficace visant à endiguer l'insécurité en France.

Alors que vous auriez pu investir une partie des fruits de la croissance dont vous bénéficiez pour fournir un effort supplémentaire afin d'améliorer la sécurité dans notre pays, vous n'en avez rien fait.

C'est un choix, à notre sens malheureux, du Gouvernement que vous aurez à assumer plus tard et sur lequel vous devrez rendre des comptes à nos concitoyens.

Nous ne saurions vous suivre dans cette voie, qui est celle du renoncement et du laisser-tout-faire.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe du Rassemblement pour la République votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. Roland Carraz.

M. Roland Carraz.

Monsieur le ministre, je voudrais d'abord, au nom du groupe RCV, vous demander de bien vouloir adresser nos voeux de rétablissement rapide et complet à M. Chevènement. Laissez-moi ensuite vous dire combien nous apprécions la manière dont vous conduisez votre intérim : avec tact, intelligence et compétence.

M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis.

C'est gentil !

M. Roland Carraz.

Je salue les orientations du Gouvernement qui s'est fixé comme priorité la lutte contre la délinquance. La délinquance a beaucoup progressé ces vingt dernières années pour de nombreuses raisons, que nous connaissons, comme l'éclatement social, résultat de politiques souvent brutales. La délinquance s'est développée géographiquement dans des zones bien déterminées - périphérie des grandes villes, couronne parisienne, littoral méditerranéen. Elle prend des formes nouvelles préoccupantes : délinquance des mineurs, croissance des violences urbaines et difficultés dans les transports en particulier.

Dès son investiture, le Premier ministre a décidé, il l'a confirmé l'an dernier à Villepinte, de faire du droit à la sûreté, prévu dans l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, un des axes fondamentaux de sa politique. Cela passe par les contrats locaux de sécurité, le développement d'un vaste partenariat sur le plan local, des objectifs définis en termes de proximité et d'îlotage ainsi que l'élaboration de réponses judiciaires rapides et générales.

Ces orientations ont déjà trouvé un début de réalisation. De ce point de vue, j'attire l'attention de l'Assemblée nationale sur un élément particulièrement important de la politique de sécurité du Gouvernement : le rôle que joue désormais le Conseil de sécurité intérieure. Celui-ci s'est réuni en avril, en juin et en octobre. Il constitue à l'heure actuelle un des outils essentiels pour couvrir tous les aspects interministériels concernés par une politique de sécurité en relation étroite avec la politique de la ville.

M. Christophe Caresche.

Absolument !

M. Roland Carraz.

Je vous confirme, monsieur le ministre, le soutien résolu du groupe RCV sur ces orientations qui sont bonnes et solides.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Pour autant, s'agissant de votre budget, je ferai deux observations essentielles.

M. Guy Teissier.

Quand même ! (Sourires.)

M. Roland Carraz.

Premièrement, les crédits auraient mérité une progression plus significative.

M. Rudy Salles.

Ah, vous trouvez, vous aussi !

M. Roland Carraz.

En effet, 2,92 %,...

M. Guy Teissier.

Ce n'est pas beaucoup !

M. Roland Carraz.

... c'est insuffisant, surtout si l'on compare ce chiffre à l'augmentation de 5,6 %, tout à fait justifiée, des crédits du ministère de la justice. Un tel pourcentage n'est pas à la hauteur de la priorité affichée par le Gouvernement et ne permet pas de rattraper les retards accumulés, depuis 1995, dans l'exécution de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité.

Deux points me semblent particulièrement préoccupants : le retard dramatique pris en matière de recrutement d'emplois administratifs...

M. Guy Teissier.

Tout à fait !

M. Roland Carraz.

... ainsi que les coupes claires - tout le monde en est conscient - qui ont été effectuées dans les crédits consacrés à l'équipement immobilier, en particulier dans les budgets 1996 et 1997.

Ma seconde observation porte sur la structure de votre budget, monsieur le ministre. Le budget d'un grand ministère, d'une grande administration publique, comme celui de l'intérieur, ne peut pas rester éternellement aussi déséquilibré entre les charges des personnels, 82 % - le poids des mesures acquises consomme la quasi-totalité des moyens supplémentaires -, et la part dramatiquement insuffisante de l'investissement, 2,8 %. Vous ne pouvez pas dans ces conditions construire les hôtels de police, les salles de commandement, rénover l'immobilier, renouveler suffisamment vite les véhicules et achever dans des délais brefs le réseau de transmission ACROPOL. Bien évidemment, la variable d'ajustement, ce sont les crédits de fonctionnement. A 15 %, ils se situent à un niveau strictement suffisant, c'est le moins que l'on puisse dire.

Une correction par le biais de la loi de finances rectificative était indispensable. J'ai été heureux de vous entendre annoncer une enveloppe supplémentaire de 500 millions de francs. Cette somme permettra le financement de plusieurs opérations, que je ne détaille pas.

Ces observations étant faites, je voudrais relever un certain nombre de points que je considère comme très positifs.

Le premier est la poursuite de la mise en oeuvre du dispositif des adjoints de sécurité, pour lequel je ne serai pas aussi sévère que certains intervenants précédents.

C'est une mesure particulièrement utile. Vous pourrez puiser dans ce vivier les futurs policiers dont vous aurez besoin dans les cinq années à venir.

Le deuxième élément très positif est la modernisation de la sécurité civile.

Le troisième est le franchissement d'une étape importante dans la réalisation du réseau de communication ACROPOL, même si le rythme de réalisation me semble insuffisant. Certes, 2007 c'est mieux que 2014, mais j'aurais préféré pour ma part 2002 ou 2003.

E n conclusion, je vous suggérerais, monsieur le ministre, de réfléchir pour l'avenir dans trois directions.

D'abord, je souhaiterais que vous réfléchissiez, en particulier pour le budget de la sécurité, à une restructuration budgétaire, afin de rechercher un meilleur équilibre entre les investissements, le fonctionnement et le personnel.

Ensuite, il faut rechercher une meilleure répartition géographique. Je ne développerai pas les arguments que j'ai défendus avec le sénateur Jean-Jacques Hyest dans le rapport que vous connaissez, mais je remarque qu'il existe une répartition vraiment trop inégalitaire des forces de sécurité dans notre pays. Personne n'accepterait d'avoir dans une commune un instituteur pour dix élèves, et dans la commune voisine un instituteur pour quatrevingts élèves. Il faut corriger ces inégalités. Il y a des centaines de milliers d'habitants dans les banlieues, dans la périphérie des grandes villes, qui attendent des moyens.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. Roland Carraz.

Cette réflexion doit être conduite dans la plus grande concertation avec les élus et avec les syndicats. Il faudra également prévoir les avantages sociaux supplémentaires qui devront être accordés aux personnels concernés.

Enfin, je souhaiterais que vous réfléchissiez à une nécessaire modernisation de la gestion de la police.

Il serait peut-être judicieux de mettre en oeuvre un indicateur universel de sécurité.

M. Bruno Le Roux.

Bravo !

M. Roland Carraz.

Ainsi, nous pourrions mesurer la sécurité que l'Etat doit à chaque citoyen. Le maire pourrait ainsi savoir s'il dispose des moyens dont il a besoin, s'il en a trop ou pas assez.

M. Bruno Le Roux et

M. Jean-Pierre Blazy.

Très bien !

M. Roland Carraz.

Cet indicateur universel pourrait s'appliquer aussi bien à la police qu'à la gendarmerie.

Il serait également nécessaire de mettre en oeuvre dans la police nationale des effectifs de référence et des tableaux d'effectifs. Il n'est pas normal que nous ne puissions pas expliquer de façon rationnelle pourquoi il y a assez de policiers à tel endroit et insuffisamment à tel autre.

Il faudrait par ailleurs développer une meilleure gestion prévisionnelle, pour permettre de gérer les départs à la retraite et de préparer des plans de formation, en particulier pour les adjoints de sécurité.

Vous pourriez en outre réfléchir à une rénovation fonctionnelle.

Il faut enfin avoir la lucidité et la volonté de s'attaquer aux charges indues de la police de façon qu'un plus grand nombre de policiers soient à l'oeuvre sur la voie publique.

Je me réjouis des orientations confirmées par le Parlement en matière d'officiers de police judiciaire. Nous aurons ainsi, je pense, des procédures mieux faites.

Je souhaiterais également que puisse être retenue l'idée de « référentiel métier » réclamée par certains syndicats de police, et que nous puissions combler notre retard en matière de personnel administratif.

D'une certaine manière, votre budget est sauvé par la loi de finances rectificative. Si l'on additionne les crédits du projet de loi de finances initial et ceux de la loi de finances rectificative annoncée, votre budget affiche un taux de progression de 3,8 %. Je le considère comme un budget d'étape dans la lutte que vous avez engagée contre la délinquance et qui doit se poursuivre si nous voulons obtenir de bons résultats.

Je souligne également, car cela me semble important, qu'on ne peut demander au ministère de l'intérieur de prendre en charge la totalité de l'effort de sécurité. Votre budget doit être replacé dans l'ensemble de l'effort gouvernemental. A ce propos, je tiens à rappeler que si, le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

budget du ministère de l'intérieur aurait pu être, d'entrée de jeu, un peu meilleur, il est à mettre sur le même plan que les budgets de la justice, plus 5 %, de la ville, plus 3 %, de l'éducation nationale, plus 4 %, des collectivités locales et de la politique de la ville, plus 4 %. On ne peut pas dire que ce Gouvernement néglige les efforts en matière de sécurité.

C'est la raison pour laquelle le groupe RCV vousr enouvelle, monsieur le ministre, sa confiance, la confiance qu'il porte au Gouvernement mais également aux policiers. Il connaît votre capacité d'écoute, ainsi que celle du Premier ministre. Il sait que l'action qui mobilise l'ensemble du Gouvernement doit être longue, patiente, prudente. Il sait qu'il peut compter sur vous dans le chemin que vous avez choisi, pour la sûreté de tous, à travers l'action d'une police républicaine au service de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique est une chose, le respect de la personne humaine en est une autre. Bien évidemment, nous nous associons à tous les messages de sympathie adressés à M. Chevènement, et nous lui souhaitons un total et prompt rétablissement.

La présentation du budget est l'acte politique majeur de l'action gouvernementale. C'est pourquoi, sur le budget du ministère de l'intérieur qui concerne en particulier la sécurité des Français, je voudrais m'attacher à démontrer ce que sont les actions réelles de l'Etat dans ce domaine, à ne pas confondre avec les ambitions virtuelles affichées dans les discours. Tout gouvernant qui se respecte ne doit pas, en effet, prendre ses discours pour des actes.

S'agissant des crédits du ministère de l'intérieur prévus pour la police pour 1999 le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne correspondent pas à l'attente de nos concitoyens. Et, si j'en juge par les réactions qu'ils ont suscitées, ils ne correspondent même pas à l'attente de vos propres amis, et non des moindres. En effet, une trentaine de députés socialistes, dont l'un de vos prédécesseurs, M. Paul Quilès, s'inquiètent ouvertement des insuffisances de ce budget et réclament un renforcement des crédits de quelque 500 millions de francs. D'après les informations parues dans la presse, il semble que cette position soit partagée par l'ensemble des commissaires socialistes de la commission des lois qui dénoncent, comme Mme Neiertz, le manque de moyens basiques, notamment en équipements ou en automobiles.

Enfin, le rapporteur des crédits de la police de la commission des lois, M. Mermaz, a formulé, dans son rapport et ici même, des remarques en forme de condamnation de votre budget qui doivent être entendues.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités locales.

N'exagérez pas !

M. Rudy Salles.

Que dit M. Mermaz ? Il constate tout d'abord une montée de la petite et moyenne délinquance.

A ce propos, je vais apporter quelques exemples pour renforcer et illustrer les dires du rapporteur. Je ne rappellerai pas les chiffres qui ont été donnés par Thierry Mariani tout à l'heure, mais ils montrent que lorsque la gauche est au pouvoir, la délinquance augmente et qu'elle baisse lorsque la droite est au pouvoir.

Je vois que cela fait rire M. Saumade. Mais je vais vous donner quelques chiffres.

M. Guy Teissier.

M. Salles a raison !

M. Rudy Salles.

Avec la gauche au pouvoir, en 1989, l'augmentation de la délinquance a été de 4,29 % M. Saumade rit encore. En 1990, elle atteignait 6,93 % - M. Saumade rit déjà un peu moins.

M. Guy Teissier.

Il rit jaune !

M. Rudy Salles.

Cette augmentation a été de 7,20 % en 1991 et de 2,32 % en 1992, et là M. Saumade ne rit plus du tout !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Monsieur Salles, puis-je vous interrompre ?

M. Rudy Salles.

Je vous en prie !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Saumade, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Mon cher collègue, comme vous le savez certainement, car vous êtes très cultivé, Disraeli a dit un jour que la statistique était la forme la plus raffinée du mensonge.

M. Guy Teissier.

On vous le ressortira !

M. le président.

Je vous en prie, monsieur Salles, veuillez poursuivre !

M. Rudy Salles.

Je ne ferai pas miens ces propos, monsieur Saumade, car ces chiffres apparaissent dans les rapports les plus officiels. Je vous y renvoie.

Pour 1998, il est en revanche difficile de disposer de chiffres officiels pour connaître l'évolution de la délinquance dans le pays, puisque, comme l'a très justement rappelé tout à l'heure Jean-Louis Debré - le ministère de l'intérieur n'en a communiqué aucun -, ni pour le premier semestre, ni pour le premier trimestre, où nous avons là tout de même un recul suffisant. Ces chiffres sont néanmoins connus des services de police, il convient donc de les révéler pour mesurer les premiers effets de votre politique. Il y aurait donc, selon des sources bien informées, une augmentation de la délinquance de l'ordre de 2 % pour le premier semestre. Toujours selon nos informations, cette augmentation se situerait autour de 3,3 % sur les huit premiers mois de l'année 1998. Ces chiffres sont encore pires sur Paris, où les analyses de la Préfecture de police continuent à être publiées, elles ! Ainsi, après plusieurs années de baisse de la délinquance dans la capitale, le premier trimestre de 1998 est de nature à nous inquiéter fortement et à inquiéter encore davantage les Parisiens, puisque la hausse de la délinquance se situe autour de 7 %. Cette tendance préoccupante a fait l'objet d'articles de presse qui analysaient cette poussée inédite et indiquaient, par exemple, que le nombre de hold-up avait doublé, que les vols à la roulotte avaient augmenté de 30 %, les vols à la tire de 22 %, les destructions et dégradations de biens de 18 %, les vols avec violence de 14 % et les cambriolages de 5 %.

Il faut par ailleurs constater que la délinquance n'est pas le monopole des quartiers dits « sensibles », puisqu'en janvier 1998 les faits constatés ont augmenté - écoutez bien ! - de 52 % par rapport à janvier 1997 dans le 1er arrondissement de Paris, de 44 % dans le 3e , de 31 % dans le 8e arrondissement et de 29 % dans le 19e arrondissement.

M. Guy Teissier.

C'est effrayant !

M. Rudy Salles.

Voilà des chiffres qui parlent d'euxmêmes et qui se passent de tout commentaire. Ils illustrent, hélas, l'état de votre politique et surtout ses conséquences désastreuses en matière de sécurité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

La deuxième remarque du rapporteur concerne les effectifs. M. Mermaz se réjouit du recrutement de 7 600 adjoints de sécurité, mais il observe que celui-ci est compensé par la baisse du nombre des appelés affectés à la police nationale, ajoutant que ces adjoints ne sauraient se substituer complètement à des policiers, et il a raison.

Le rapporteur aurait pu ajouter que les dépenses de fonctionnement par agent étaient en baisse de 3,6% et que les dépenses de formation subissaient une diminution de 4,68 %, alors même que la formation des adjoints de sécurité est un point capital dès lors qu'ils se voient confier des armes. On voit donc bien qu'en ce qui concerne les effectifs, ce budget s'inscrit dans une logique négative, ce que nous ne pouvons que déplorer.

Concernant les effectifs des forces de sécurité dans notre pays, je voudrais ici donner mon sentiment qui ne doit pas céder à quelque fantasme que ce soit. Chacun sait bien ici que les effectifs assurant la sécurité publique en France sont comparables à ceux des autres grands payse uropéens. Au total, ce sont 62 000 policiers et 52 000 gendarmes environ qui se consacrent à la sécurité publique. En revanche, ce qui pose problème c'est la répartition des forces de sécurité sur le territoire en fonction des difficultés rencontrées sur le terrain, donc des besoins. C'est justement là que le bât blesse et je vous en donne quelques exemples.

Le premier département criminogène de France, en termes de faits constatés par rapport à la population, se trouve être le département des Alpes-Maritimes.

M. Jean-Pierre Blazy.

Pourtant, il y a des polices municipales armées ! Que font-elles ?

M. Rudy Salles.

Or, lorsque l'on examine les effectifs de police dans ce département par rapport à la population, les Alpes-Maritimes n'arrivent qu'à la vingt-huitième place !

M. Jean-Pierre Blazy.

Avec des polices municipales armées jusqu'aux dents !

M. Rudy Salles.

Cela veut dire que, dans ce département, on manque cruellement de moyens par rapport aux besoins. Dois-je vous rappeler que les effectifs de la police nationale à Nice sont équivalents à ce qu'ils étaient il y a cinquante ans alors que, dans le même temps, la population a doublé, le nombre d'heures de travail a diminué et que les sources de délinquance ont considérablement augmenté !

M. Roland Carraz.

Qu'a fait Jean-Louis Debré ?

M. Alain Clary.

Qu'ont fait Pasqua et Debré ?

M. Rudy Salles.

Ces éléments ont été mis en évidence dans le rapport de MM. Hyest et Carraz, qui préconise que la répartition des forces police-gendarmerie soit revue. Ce rapport démontre que la répartition géographique des effectifs de fonctionnaires assurant la sécurité des Français est inversement proportionnelle aux besoins. Plus les Français habitent en zone urbaine et plus ils sont en insécurité, pourtant ils ne disposent pas, proportionnellement à la population, de plus d'effectifs de police et de gendarmerie que dans les zones moins criminogènes.

M. Bruno Le Roux.

C'est beau de le dire maintenant !

M. Rudy Salles.

Il ne s'agit donc surtout pas d'opposer la police et la gendarmerie qui sont l'une et l'autre indispensables pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

Malheureusement, à partir d'un rapport parlementaire intéressant,...

Mme Nicole Bricq.

Excellent rapport !

M. Rudy Salles.

... vous avez réussi à développer une nouvelle guerre des forces de sécurité. Au lieu de proposer la nouvelle répartition préconisée dans ce rapport à l'occasion d'une très large concertation avec les élus locaux, vous avez lancé d'une façon autoritaire une réforme que personne ne comprenait sur le terrain. Cela a provoqué de vives réactions dans la population. J'ai même vu, et c'est profondément regrettable, des signatures de pétitions contre tout changement, ce qui reviendrait à dire que telle force de sécurité est moins valable que telle autre. Voilà le résultat de votre politique. C'est consternant et maintenant, devant le tollé général, vous faites machine arrière.

Et que dire de votre conception de la concertation avec les élus locaux ? Nous n'avons pas la même que vous.

Pour nous, il s'agit d'un véritable partenariat où chacun doit assumer ses responsabilités.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Vous ne l'avez pas montré dans le passé !

M. Rudy Salles.

Pour vous, il s'agit d'un partenariat où les collectivités locales doivent prendre en charge, financièrement et non en termes d'autorité, les responsabilités de l'Etat. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

C'est le cas, par exemple, des contrats locaux de sécurité sur lesquels votre gouvernement a fondé tant d'espoirs. Il s'agit, une fois encore, de faire participer les collectivités locales à une oeuvre collective en faveur de la sécurité. Nul ne peut s'opposer sur le fond à une telle démarche, sauf qu'il s'agit, en réalité, pour l'Etat, de se défausser de ses responsabilités et de faire participer les collectivités à l'effort de sécurité qui relève pourtant de lui.

M. Francis Delattre.

Très bien !

M. Rudy Salles.

Ce dispositif devait, avant toute chose, établir un diagnostic sur chacun des secteurs concernés.

Le premier rapport d'étape de la mission interministérielle d'évaluation des contrats locaux de sécurité, non rendu public, regrette que les diagnostics locaux de sécurité soient en général insuffisants ou trop sommaires à l'exception, et cela ne nous étonnera pas, de la ville d'Issyles-Moulineaux qui, comme chacun sait, est administrée par un maire UDF, notre excellent collègue André Santini. Pour résumer, on peut dire que les contrats locaux de sécurité ne rencontrent pas le succès attendu par le Gouvernement qui en avait pourtant fait le fer de lance de sa politique de sécurité lors du fameux colloque de Villepinte.

Autre sujet relevant de votre responsabilité sur lequel je tiens à m'exprimer ici : l'immigration clandestine.

Mme Nicole Bricq.

Il y a longtemps qu'on n'en avait pas entendu parler !

M. Rudy Salles.

Oui, madame Bricq, cela vous intéresse ! Eh bien, je vais en parler, soyez rassurée ! Je ne serai pas très long, car nous avons déjà beaucoup évoqué le sujet à cette tribune et j'espère que nous aurons à nouveau l'occasion de le faire dans l'avenir. Je voudrais simplement rappeler certains chiffres inquiétants et résultant de la circulaire du 1er juillet 1997.

Sur 179 264 demandes de régularisation déposés dans les préfectures, 62 702 ont été satisfaites. Qu'advient-il des dossiers refusés ? Les immigrés en situation irrégulière concernés sont-ils l'objet de reconduites systématiques à la frontière ? La réponse est non, et votre gouvernement


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laisse perdurer dans notre pays des situations de nond roit inacceptables touchant au bas mot près de 70 000 personnes.

La fermeté du Gouvernement n'est donc qu'apparente : elle ne réside que dans les discours. Elle est battue en brèche par une réalité toute différente. En effet, aucun dispositif pour l'éloignement de ces étrangers irréguliers n'a été mis en place, le recours à des vols spéciaux ayant été abandonné. Le nombre des départs effectifs des personnes ayant eu un refus de régularisation représenterait un pourcentage d'environ 0,5 %, ce qui est tout à fait marginal et devrait vous inciter à une beaucoup plus grande modestie dans ce domaine.

En fait, vous tenez un discours pour rassurer la majorité de l'opinion et vous agissez en sens contraire pour être agréable aux associations de défense des sans-papiers qui vous ont soutenus pendant la campagne électorale et où vous comptez les franges les plus extrêmes de vos amis.

Or, il faut rappeler ici que les conséquences sociales liées à ce problème ont un coût estimé par la commission d'enquête du Sénat à près de 500 millions de francs de dépenses supplémentaires en année pleine. Ironie du sort, c'est exactement le montant des crédits manquant au budget de la police pour 1999 et que semblaient réclamer, sans les obtenir, MM. Mermaz, Quilès, Mme Neiertz et quelques autres de vos amis ! Si le temps ne nous était pas compté, on pourrait également critiquer le budget de la sécurité civile, mais je ne le ferai pas, me rangeant aux arguments du rapporteur pour avis, notre excellent collègue Jean-Antoine Léonetti qui a su montrer, là aussi, les carences de ce budget. Je rappelle simplement, pour mémoire, la situation difficile des pilotes de Canadair qui ont été contraints, en début d'été, de se mettre en grève pour se faire entendre de votre gouvernement.

M. Guy Teissier.

Très juste ! C'est gravissime !

M. Rudy Salles.

Là encore, ils ont dû attendre plusieurs semaines avant que le ministre de l'intérieur ne réagisse, alors que nous nous trouvions dans une saison de risque maximal, en état d'alerte pour ce qui est des incendies de forêt.

Beaucoup de critiques mériteraient d'être exposées et développées du haut de cette tribune, notamment concernant votre attitude à l'égard des polices municipales...

M. Alain Clary.

Polices ou milices ?

M. Rudy Salles.

... mais je me contenterai de vous renvoyer aux arguments que l'opposition a su légitimement développer lors de la discussion du projet de loi sur ce sujet.

Je m'excuse d'avoir été un peu long, mais c'était la seule occasion de vous exposer les arguments du groupe UDF puisque, pour la première fois, le ministre de l'intérieur que vous êtes n'est pas venu présenter son budget à la commission des lois de l'Assemblée nationale. Vous le comprendrez aisément, compte tenu des insuffisances de ce projet de loi de finances et des critiques que nous avons exposées, le groupe UDF-Alliance votera contre le projet de budget de l'intérieur.

M. Francis Delattre.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Guy Teissier.

M. Guy Teissier.

L'ordre est, paraît-il, devenu une valeur de gauche.

M. Christophe Caresche.

Cela vous embête !

M. Bruno Le Roux.

Ce n'est pas une valeur ! C'est un droit !

M. Guy Teissier.

Il est vrai d'ailleurs que, dans un passé récent, certains pays l'avaient prouvé...

M. le Premier ministre, Mme la garde des sceaux,

M. Chevènement ou vous-même, monsieur le ministre, l'avez d'ailleurs déclaré à plusieurs reprises, et pour certains avec une telle force de conviction qu'un élu ou un citoyen mal averti aurait pu s'y laisser prendre. Mais l'ordre et la sécurité ne se décrètent pas par des déclarations ministérielles. Elles s'obtiennent par une volonté politique forte associée à une augmentation réelle de moyens en hommes et en matériel.

Malheureusement, malgré les engagements du Gouvernement et de votre majorité à rétablir l'égalité des citoyens devant la sécurité à Villepinte en octobre 1997, l'annonce d'un plan antiviolence dans les lycées ainsi que d'un plan de lutte contre la délinquance juvénile, les chiffres sont là, accablants. Pas de querelle ! Tout à l'heure, vous nous avez montré un rapport dont l'encre n'était pas encore sèche.

M. Rudy Salles.

Très bien !

M. Guy Tessier.

Nous savons que, depuis huit mois, la délinquance a augmenté de 5,5 %, ce qui, soit dit en passant, n'est pas négligeable. C'est plutôt inquiétant.

Rudy Salles a excellemment indiqué les progressions et les tendances. Lorsque nos amis gouvernaient, la délinquance diminuait. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ne soyez pas aveugles ! Et lorsque vous êtes au pouvoir, elle augmente de 5,5 % en huit mois. M. le ministre, l'a d'ailleurs très loyalement reconnu tout à l'heure.

Face à ces évolutions et dans ce contexte d'insécurité croissante, vous nous présentez un budget très en deçà des attentes de nos concitoyens et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur. Manifestement, la volonté indéfectible de l'Etat de remplir sa mission régalienne, qui est d'assurer la sécurité intérieure dans notre pays, n'y est pas, ou n'y est plus. Car quelles sont les grandes orientations budgétaires pour 1999 ? Une stagnation des ressources par rapport au budget général, une régression du budget par rapport au PIB national. Cette constatation est intéressante, car elle permet de noter la part de la richesse nationale que votre gouvernement est prêt à consacrer à la sécurité de notre pays. Malheureusement, cette part diminue.

Autre orientation : l'abandon du programme de recrutement de 5 000 agents administratifs. C'était pourtant une bonne chose. Il ne s'agit pas là de faire de la politique. Nous avions lancé ce programme, mais vous n'avez pas continué. Vous auriez pourtant dû, car cela aurait permis un meilleur accueil de nos concitoyens dans les commissariats. Ils en ont bien besoin lorsqu'ils arrivent traumatisés à la suite d'une agression. Et cela aurait permis aussi d'envoyer sur le terrain des forces de police auxquelles vous faites remplir des tâches administratives, ce qui est quand même regrettable. Depuis 1995, vous avez supprimé 918 postes budgétaires de fonctionnaires administratifs.

Les dépenses de fonctionnement par agent ont diminué également. En effet, comment ne pas être surpris de constater que, là où un fonctionnaire de la police nationale a besoin de 34 797 francs par an pour fonctionner - voiture, immobilier, armement -, un fonctionnaire de préfecture a besoin de deux fois plus ? Je ne suis pas opposé à l'augmentation des ratios en faveur de l'administration territoriale, mais nous aurions souhaité, eu


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égard à la loi d'orientation et de programmation, que cette augmentation se fasse dans les mêmes proportions pour la police nationale.

Enfin, on relève une baisse des crédits de formation par rapport à 1998. Vous présentez, monsieur le ministre, la création d'une direction de la formation comme un symbole fort de la volonté d'améliorer la qualification des personnels, mais on constate en même temps une dégradation régulière des dépenses de formation, que prolonge le projet de loi de finances pour 1999. N'y a-t-il pas là une contradiction étonnante ? A noter aussi l'inexécution des crédits d'équipement.

Portés par la loi d'orientation du 21 janvier 1995 à 7 milliards de francs, ils n'ont été exécutés qu'à hauteur de 130 millions de francs depuis le vote de la loi.

Au lieu d'engager une politique ambitieuse, à même de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens, vous avez préféré faire des choix différents, n'hésitant pas à consacrer l'essentiel de vos efforts au recrutement d'adjoints de sécurité. Nous comprenons parfaitement cette stratégie qui s'inscrit dans la politique de développement des emplois-jeunes que privilégie le Gouvernement.

Ainsi, après les 8 250 adjoints recrutés dès cette année, vous nous proposez de créer 7 600 nouveaux emplois en 1999. L'effort est certes substantiel, mais répond-il réellement aux besoins ? Car ces jeunes adjoints, hormis le remplacement des policiers auxiliaires amenés à disparaître avec la fin de la conscription, auront surtout le mérite d'exercer un pseudo-métier de policier à un coût nettement réduit.

Vous hochez la tête, monsieur le ministre. Mais je me suis rendu sur place, et j'ai vu ces jeunes gens et ces j eunes filles formidables, pleins d'entrain, pleins d'enthousiasme, rester au commissariat. J'ai demandé pourquoi au commissaire. Eh bien, c'était tout simplement parce que le « parrain » ou le « tuteur », bref, le fonctionnaire de police chargé de les encadrer était ce j our-là en récupération. Ces jeunes étaient donc contraints de passer toute leur journée de travail dans les locaux. Vous avouerez que c'est une curieuse manière de les utiliser.

Formés en seulement huit semaines, jeunes, bien entendu, sans expérience, on peut aussi s'interroger sur l'opportunité de les envoyer dans des zones sensibles exercer des fonctions de sécurité et, surtout, d'en faire l'axe incontournable de la politique gouvernementale dans une période ou l'on constate quotidiennement le durcissement de la nature même des actes de délinquance.

Très sincèrement, monsieur le ministre, j'aurais aimé que les 93,3 millions de francs affectés à la création de ces postes soient utilisés à meilleur escient, par exemple pour le recrutement de vrais policiers vraiment formés ou pour l'amélioration des moyens de communication. S'il est vrai que l'insécurité s'est accrue du fait de l'explosion des troubles urbains, des actes de délinquance ou des incivilités, la création de tels emplois ne peut à elle seule compenser la faiblesse des engagements du Gouvernement en ce domaine.

Plus fondamentalement, aucune réflexion n'a été entreprise sur l'avenir de ces 20 000 jeunes à l'issue de leur contrat de cinq ans - c'est-à-dire dans quatre ans pour les premiers embauchés - ce qui est quelque peu surprenant de la part d'un gouvernement qui se prétend sérieux.

Mme Nicole Bricq.

Il l'est !

M. Guy Teissier.

C'est vous qui le dites ! En somme, monsieur le ministre, votre réponse n'est pas adaptée à l'enjeu. Au contraire, vous persistez dans vos erreurs puisque vous confirmez aussi la baisse des effectifs de gradés, officiers dans la police en tenue et lieutenants dans les autres services.

Ce budget n'est pas bon, ce n'est pas celui que nous attendions. Il a même réussi à mécontenter vos propres amis. Vous comprendrez que le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne puisse le cautionner.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Mes chers collègues, permettezmoi tout d'abord, au nom du groupe socialiste, d'adresser un salut amical à Jean-Pierre Chevènement, qui se repose à Belle-Ile après la terrible épreuve qu'il a subie. Et soyez vous-même remercié, monsieur le ministre, pour le travail que vous accomplissez dans ces circonstances particulières.

N'en déplaise à l'opposition, la sécurité est bien une priorité pour le Gouvernement et la majorité. Le Premier ministre l'a indiqué dans son discours de politique générale et le colloque de Villepinte est venu concrétiser cette orientation. A cette occasion, l'opposition entre répression et prévention a été dépassée, le devoir pour l'Etat d'assurer la sécurité des citoyens a été réaffirmé et la néc essité de coproduire la sécurité tant au niveau local que national clairement affichée. Cette politique globale de sécurité a été progressivement mise en place depuis seize mois.

Le conseil de sécurité intérieure illlustre cette volonté d'organiser la complémentarité en matière de sécurité au niveau national. Les contrats locaux de sécurité, créés il y a un an, organisent cette complémentarité et la mise en place d'un partenariat actif au niveau local. Tous, sur tous les bancs, nous sommes en train de les négocier, et c'est bien.

Un an après la circulaire du 28 octobre 1997, des c ontrats locaux de sécurité ont été conclus dans 116 communes ou agglomérations et 456 sont en cours d'élaboration.

Cependant, un récent rapport d'étape de la délégation interministérielle d'évaluation des contrats locaux de sécurité réclame davantage de concertation, notamment entre les services de l'Etat. Il faut le faire ! Afin d'organiser la complémentarité entre les multiples acteurs publics et privés en matière de sécurité, il est éga lement indispensable de clarifier leurs compétences respectives. Nous sommes en train de le faire pour les polices municipales et un autre projet de loi nous sera prochainement soumis sur les sociétés de gardiennage. Il est urgent, monsieur le ministre, que ces textes aboutissent. J'apprécie également que vous ayez annoncé la publication d'un décret sur les armes à feu et la poursuite du travail législatif engagé par l'Assemblée à l'initiative de notre collègue Bruno Le Roux.

Même si la mise en oeuvre d'une politique globale et transversale des problèmes de sécurité rencontre certaines d ifficultés, nous devons absolument conserver cette approche et mettre au centre de nos initiatives les préoccupations légitimes de nos concitoyens.

L'augmentation des budgets de la justice et de la ville constitue également une réponse, mais elle ne saurait être la seule. En effet, la sûreté, dans sa réalité et dans le sentiment qu'on en a, est inséparable d'une bonne coopération entre les différentes institutions de l'Etat et entre les différents ministères.


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De plus, cette politique ne peut réussir que si elle s'inscrit dans la durée, en partenariat avec l'ensemble des services de l'Etat et en concertation étroite avec les élus, d'une part, les personnels et leurs représentants, d'autre part. Elle ne peut réussir également que si l'Etat, notamment à travers le budget, lui en donne les moyens financiers.

La police nationale vit depuis 1985 une mutation importante centrée sur la redéfinition de ses missions et la réforme du statut et du métier de policier. L'enjeu, aujourd'hui, c'est la mise en oeuvre progressive d'une véritable police de proximité dans une approche globale des questions de sécurité.

Après des années de contraction - faut-il rappeler que nos précédesseurs construisaient des commissariats sans les doter de moyens humains et matériels suffisants ? -, le budget qui nous est proposé prévoit notamment une hausse des moyens de fonctionnement, et la plupart des postes de dépenses bénéficient de crédits supplémentaires.

Pour 1999, les crédits de la police nationale atteignent 29,11 milliards de francs, ce qui correspond à une progression nominale de 2,92 %, supérieure à celle de la moyenne de l'ensemble des budgets civils.

Il est prévu de recruter 7 600 adjoints de sécurité supplémentaires, ce qui porterait leur effectif à 15 860 à la fin de 1999. Cette mesure permettra de renforcer les patrouilles d'îlotiers, d'améliorer les conditions d'accueil du public ; la mise en oeuvre d'une police de proximité passe par là. Il est vrai cependant que, par rapport au calendrier initial, des retards ont été pris et que certains départements parmi les plus sensibles ont des difficultés à recruter des adjoints de sécurité.

Ceux-ci doivent impérativement bénéficier d'une formation. Nous ne devons pas oublier que des accidents ont eu lieu cette année et que, compte tenu des départs à la retraite, une partie des adjoints sont destinés à devenir gardiens de la paix. Ce sont des fonctionnaires actifs qui devront assurer cet encadrement, ce qui suppose une disponibilité et une capacité suffisantes. Or les policiers sont fortement sollicités par ailleurs.

Enfin, le recrutement d'adjoints de sécurité ne peut en aucun cas devenir la seule variable d'ajustement en matière de personnel, car un adjoint de sécurité n'est pas un gardien de la paix.

Le recrutement par anticipation de 1 400 gardiens de la paix constitue une avancée. Ce pré-recrutement est nécessaire afin de garantir une efficacité accrue des services concernés.

Malgré ces efforts significatifs, il faut constater que la répartition des effectifs n'est pas homogène et que cert aines zones souffrent d'un déséquilibre entre une demande de sécurité croissante, liée à une insécurité é galement croissante, et une offre de moyens qui reste insuffisante.

Alors que les statistiques de la délinquance s'étaient a méliorées jusqu'en 1997, les chiffres du premier semestre 1998 traduisent une tendance inverse, ce qui ne peut qu'alimenter le sentiment d'insécurité. Depuis quelques années déjà, nous constatons que les actes délictueux sont plus violents, que les délinquants sont plus précoces et que la multiplication des incivilités perturbe gravement la vie quotidienne de nos concitoyens.

Il est urgent de réorganiser l'offre de sécurité en fonction de la géographie de l'insécurité réelle. Ainsi, en Ilede-France, plus on s'éloigne de Paris, moins les forces de sécurité sont présentes. Le ratio varie de un policier pour 3 97 habitants dans les Hauts-de-Seine à un pour 526 habitants dans le Val-d'Oise, alors que ce département, dont je suis l'élu, est en tête des chiffres de la criminalité en Ile-de-France.

M. Jacques Brunhes.

Il faudrait surtout comparer avec Paris !

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est volontairement que je ne parle pas de Paris, qui présente des caractères spécifiques.

Il s'agit de la capitale et il n'y a pas, à Paris, de police municipale.

M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas une raison !

M. Jean-Pierre Blazy.

Cependant, une véritable réforme de la préfecture de police de Paris devrait aussi offrir des possibilités de redéploiement.

Au niveau national, suite aux orientations validées par le conseil de sécurité intérieure du 27 avril dernier, il a été prévu de redéployer des fonctionnaires de police en procédant à des transferts de compétences entre police et gendarmerie. De nombreux élus ont relayé les craintes de leurs administrés et la plupart des organisations syndicales ont émis des réserves. Hier encore, monsieur le ministre, mon groupe, par la voix de Jean-Paul Dupré, vous a interrogé sur le sujet.

Le Gouvernement a décidé d'élargir la consultation en cours et a chargé M. Fougier d'en rendre compte avant la fin de l'année. Cette volonté de concertation et d'explication doit être renforcée. En effet, s'il n'est pas question de remettre en cause le principe du redéploiement, celui-ci doit être opéré en étroite collaboration avec les élus et les représentants des personnels de police, et répondre aux exigences de proximité et de complémentarité des forces de sécurité.

Par ailleurs, le redéploiement prendra du temps, celui sans doute nécessaire pour attendre les départs en retraite.

Or, dans les vingt-six départements urbains, nous ne pouvons plus attendre, monsieur le ministre. Dans le mien, par exemple, il manque 150 gardiens de la paix.

M. Guy Teissier.

Que fait le Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Blazy.

Dans ces conditions, comment vos services pourraient-ils mettre en oeuvre cette police de proximité dont nous avons tant besoin ? On sait que certains gradés refusent de rejoindre leur poste, préférant perdre leurs galons. Comment pourrait-on, dès lors, assurer un bon encadrement des adjoints de sécurité ? De telles situations sont préjudiciables à la mise en oeuvre de nos engagements.

Une gestion prévisionnelle et active des effectifs, tant quantitative que qualitative, doit devenir la règle, même s'il est difficile pour l'administration de maîtriser totalement les départs en retraite anticipée et les capacités d'accueil et de formation. Il faut tenir compte de la répartition des effectifs sur le territoire selon l'âge des personnels et leur expérience, mais aussi de la distribution de la population et de l'évolution de la carte de la délinquance.

Chacun sait depuis fort longtemps que, compte tenu de la pyramide des âges des différents corps, les besoins en recrutement sont considérables à l'horizon 2002. C'est demain ! Parallèlement, il convient de favoriser l'affectation prioritaire des personnels aux missions de police. La réaffectation sur la voie publique des policiers occupés à des tâches administratives est un enjeu majeur si l'on veut accroître la présence des forces de police sur le terrain.

Sur les 5 000 fonctionnaires administratifs, techniques et scientifiques prévus par la LOPS, 1 174 postes seulement


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ont été créés, soit le quart de l'objectif. Cela ne favorise pas le retour sur la voie publique des personnels actifs affectés à des tâches administratives.

M. Guy Teissier.

Vous allez voter contre le budget !

M. Jean-Pierre Blazy.

Vous n'avez rien fait quand vous étiez aux affaires, monsieur Teissier ! Il est prévu de supprimer 102 emplois administratifs.

Cette contribution du ministère aux efforts d'économie constitue un signe paradoxal et inquiétant pour les élus et surtout pour les personnels. Un effort reste donc à accomplir pour rationaliser les tâches et traiter le problème des « missions indues », qui regroupent l'ensemble des tâches non prioritaires confiées à la police nationale.

Selon une étude réalisée en 1995, ces tâches occuperaient l'équivalent de 7 400 fonctionnaires.

Enfin, si la sécurité repose sur des hommes, il est vrai aussi que les hommes doivent disposer de moyens qui leur permettent de remplir pleinement leurs missions, sans s'exposer inutilement. J'entends souligner les besoins évidents en véhicules - il faut les renouveler -, comme en moyens protégés de communication.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé une rallonge budgétaire de quelque 500 millions de francs, dont la moitié sans doute pour la police. C'était indispensable et le groupe socialiste en est très satisfait.

L'année 1999 constitue le dernier exercice budgétaire de la LOPS. Cette loi n'a pas été mise en oeuvre par ceux qui l'ont votée, mais ils prétendent aujourd'hui nous donner des leçons.

M. Guy Teissier.

Vous êtes au pouvoir depuis deux ans !

M. Jean-Pierre Blazy.

Il nous faut impérativement réorganiser la gestion des personnels et des moyens afin de permettre à l'Etat de mieux répondre aux attentes des autres coproducteurs de la sécurité et à celles de nos concitoyens.

Le groupe socialiste, monsieur le ministre, soutient votre action et votera les crédits de l'intérieur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Clary.

M. Alain Clary.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de budget pour 1999 s'inscrit dans le cadre plus général de la situation économique et des réformes en cours.

La conjoncture actuelle est rendue indécise par la crise financière qui, comme le pacte de stabilité européen et la politique monétariste de la Bundesbank, présente des risques majeurs de récession. Or les effets de la crise - le chômage, la précarité, l'exclusion - sont directement répercutés sur les collectivités locales, qui assurent une part importante de la solidarité.

Plus que jamais, donc, les collectivités locales doivent obtenir des moyens accrus pour répondre aux besoins économiques et sociaux des populations ainsi qu'à leurs responsabilités nouvelles. D'autant que les réformes ou les exigences légitimes, en matière de sécurité ou de scolarité induisent des dépenses supplémentaires qui appellent un rattrapage significatif.

Les lois récemment adoptées, celle contre les exclusions, celle relative aux emplois-jeunes ou encore celle sur les 35 heures, impliquent que les communes puissent traduire concrètement ces avancées et contribuer ainsi à la réussite des réformes engagées. C'est tout le sens de nos appréciations, voire de nos critiques et de nos sollicitations. C'est ce qui nous conduit à juger insuffisante la progression de l'enveloppe globale pour 1999, bien qu'une rallonge de dernière heure, à hauteur de 500 millions, soit la bienvenue.

Le nouveau contrat de croissance et de solidarité marque une avancée appréciable, mais encore trop timide par rapport au pacte de stabilité. L'enveloppe globale devrait augmenter dans les mêmes proportions que la DGF, c'est-à-dire le taux de l'inflation plus la moitié de la progression du PIB, alors que le chiffre actuellement retenu n'est que de 20 % du PIB.

La réforme de la taxe professionnelle, engagée dans la première partie de la loi de finances, reste elle aussi insuffisante. Elle accorde des avantages considérables aux entreprises, sans leur demander en contrepartie aucune garantie en termes de création d'emplois et de compensation financière pour les collectivités.

La réforme de la taxe professionnelle ne peut s'arrêter, selon nous, à la suppression de la part salariale. La prise en charge de l'essentiel de cette taxe - 60 % -, par le budget de l'Etat, c'est-à-dire par les petits contribuables à travers l'impôt, risque même de préluder à sa suppression pure et simple dans quelques années.

Contrairement à ce qui est dit quelquefois, la taxe professionnelle n'est pas un impôt obsolète, voire imbécile.

Elle représente 50 % de la fiscalité locale et constitue la première ressource fiscale des collectivités.

C'est pourquoi l'introduction des actifs financiers dans l'assiette serait un progrès réel, contribuant à recentrer les profits des entreprises sur l'investissement et l'emploi en France, c'est-à-dire sur une croissance réelle et non financière. Le produit de ce prélèvement national pourrait être redistribué par l'intermédiaire du fonds de péréquation de la taxe professionnelle. En taxant ces acquis financiers à un taux faible, 0,3 %, le rendement annuel serait de 78 milliards de francs.

Il y a en effet une sous-fiscalisation évidente de la richesse financière, comme si les actifs mobiliers étaient intouchables alors que nos concitoyens perçoivent bien les dangers que représentent la spéculation pour l'emploi et les restructurations industrielles. Ces recettes permettraient en outre d'alléger la contribution de l'Etat et donc de lui redonner des marges d'action. En l'absence d'un tel dispositif, les communes perdraient un sixième de leur pouvoir fiscal et donc une bonne part de leur autonomie.

A ce sujet, on peut d'ailleurs se demander si, faute de pouvoir fusionner de manière autoritaire les communes, ce moyen de les priver de leur autonomie financière ne tendrait pas, en pratique, au même but, dans une Europe où certains cherchent, contre la démocratie et au nom de la concurrence, à nier l'originalité française, riche de la diversité de sa vie communale.

A propos de la taxe d'habitation et de la taxe foncière des propriétés bâties, nous proposons, nous aussi, de pousser plus loin la justice fiscale et sociale en améliorant encore la prise en compte des revenus dans son mode de calcul, de manière que son produit n'excède pas 2 % des revenus imposables.

Il importe également de reconnaître le caractère social de certaines dépenses des collectivités : celles liées notamment aux vacances, aux loisirs, aux fournitures scolaires.

Elles comportent une TVA au taux maximum, qui ne fait l'objet d'aucun remboursement.

C'est pourquoi nous proposons de rembourser aux collectivités la TVA sur toutes les dépenses de fonctionnement à objet social.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Ce problème de la fiscalité m'amène à évoquer la coopération communale qui sera au coeur des projets sur l'aménagement du territoire et l'intercommunalité. Le débat sur la réforme de l'intercommunalité devrait être abordé, selon nous, non pas à partir des inégalités de ressources entre villes, mais à partir des réels besoins et projets de développement de la coopération intercommunale librement décidée.

Les députés communistes qui ont combattu à l'époque la loi Joxe-Baylet ne pourraient se retrouver dans une nouvelle loi qui viderait les communes de leur substance et leur imposerait la supracommunalité. Les inégalités entre les habitants des communes et des quartiers, tant dans la charge contributive que dans la répartition des équipements, seraient aggravées.

Il y a 36 000 communes, mais aussi aujourd'hui 1 8 000 établissements publics de coopération intercommunale. L'aménagement doit être au service de toute la population. Si une nouvelle cohérence est souhaitable, la coopération à laquelle nous aspirons doit s'exercer pour des projets librement décidés sur un territoire pertinent qui peut varier selon la nature des projets, et ne pas toujours coïncider avec celui de la communauté d'agglomération envisagée par le projet du Gouvernement.

Il faut avancer vers le partenariat effectif. Dynamiser un véritable esprit communautaire, au travers de projets c oncrets, ne doit pas écraser l'identité de chaque commune.

En tout état de cause, des moyens sont nécessaires. La solution ne peut être de partager des ressources qui iraient en diminuant. Sans réforme, notamment de la taxe professionnelle, l'intercommunalité pourrait se révéler une forme de partage de la pénurie.

Des ressources supplémentaires sont donc indispensables pour répondre aux besoins et réduire les disparités entre les communes.

En matière d'emprunts, la réduction des frais financiers ne suffit pas à assurer la relance des investissements : les collectivités réalisent 72 % des investissements civils mais ne perçoivent que 10 % de l'impôt global.

La solidarité doit l'emporter sur la concurrence. L'amén agement du territoire relève d'une responsabilité publique et nationale. Pour mieux participer aux choix qui les concernent, nos concitoyens aspirent à des droits et des moyens nouveaux de contrôle et d'intervention.

L'exercice effectif de la citoyenneté est un gage de progrès.

J'évoquerai enfin la CNRACL et notre souci d'assurer la pérennité de la caisse en soulageant les dépenses locales. Depuis plusieurs années, des artifices techniques et budgétaires assurent l'équilibre de la caisse de retraite des agents territoriaux et hospitaliers, grevé par le mécanisme même de surcompensation.

La menace d'un nouveau relèvement des cotisations employeurs est d'autant plus tangible que se confirme une dégradation du rapport démographique entre actifs cotisants et retraités du fait des difficultés financières des collectivités et de la politique de réduction des effectifs dans les hôpitaux.

Si l'on cessait d'obliger la CNRACL à compenser le désengagement de l'Etat de ses régimes spéciaux de retraites déficitaires, le fameux mécanisme de la « surcompensation », les sommes qui y ont été indûment consacrées pourraient être reversées à la caisse et le taux de cotisation global, employeurs-salariés, pourrait être ramené à un niveau voisin de 23 % au lieu de 32,95 % actuellement.

V oilà, monsieur le ministre, quelques-unes des remarques que je tenais à faire au nom de mon groupe - mais aussi de très nombreux élus locaux et de leurs associations - sur cette dimension du budget de l'intérieur pour 1999. L'année qui vient sera particulièrement importante pour l'avenir des structures communales.

Sachez que nous prendrons toute notre place, de manière constructive et responsable dans le débat, pour faire entendre les aspirations de nos concitoyens et avanc er vers les changements que nous avons engagése nsemble. (Applaudissement sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'intervention de Jean-Pierre Blazy, je voudrais préciser, au nom du groupe socialiste, certains points qui concernent le volet sécurité de ce projet de budget.

L'examen d'un budget pose traditionnellement une double question. D'abord celle des moyens qui lui sont affectés, et notre discussion a montré qu'elle se centrait surtout sur cet aspect. Cet exercice traditionnel, peut-être un peu convenu, consiste à comparer d'une année sur l'autre les budgets et à mesurer leur évolution. Pour ma part, je souhaite, qu'en la matière, on sorte des polémiques qui ne font pas avancer le débat. Ensuite, celle de l'adaptation de ces moyens aux missions qui sont définies.

Elle est tout aussi importante. Il s'agit de savoir quelle est la meilleure adéquation des moyens que nous mettons au service de telle ou telle action avec la réalité qu'on prétend traiter. Comme Louis Mermaz l'a montré, on peut, en effet, de moins en moins dissocier ces deux aspects.

M. René Dosière, rapporteur pour avis. Décidément, M. Mermaz est très lu ! (Sourires.)

M. Christophe Caresche.

Cela m'amène à deux considérations. D'une part, il faut avoir le courage de dire que les moyens que nous consacrons au ministère de l'intérieur ne sont pas extensibles à l'infini. Et les gouvernements, quels qu'ils soient, sont toujours soumis à des contraintes budgétaires. D'autre part, s'il faut des moyens pour réformer et mettre en oeuvre une politique nouvelle, ceux-ci ne suffisent pas toujours à atteindre les objectifs fixés. Une politique ne se résume pas à un budget.

Certes, elle exige des moyens mais surtout une bonne utilisation de ceux-ci.

Cela est particulièrement vrai pour la police qui est confrontée aux nécessités de la réforme, qui doit faire face à des défis nouveaux, complexes, difficiles à appréhender, et qui doit même, par certains aspects, assumer une véritable mutation dans sa façon de voir les choses et de travailler. Dans ce secteur moins qu'ailleurs, on ne peut dissocier les aspects quantitatifs des aspects qualitatifs.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. Christophe Caresche.

Quantitativement, le budget progresse sensiblement, montrant par là que le Gouvernement et la nation font de la sécurité une priorité de l'action publique. Je me réjouis qu'à la demande des députés socialistes et de la majorité, le Gouvernement ait fait un effort supplémentaire et débloqué 500 millions supplémentaires dans le cadre du prochain collectif budgétaire. Certains sur les bancs de l'opposition ont un peu ironisé. Il n'empêche que la majorité est dans son rôle lorsqu'elle propose, et éventuellement, corrige. Mais peutêtre n'est-ce pas la conception qu'a l'opposition du débat


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parlementaire ? En tout cas, c'est la mienne, et je suis heureux que le Gouvernement ait écouté et entendu les élus de sa majorité.

En tout état de cause, tout cela ne trouvera son véritable sens que si, parallèlement, sont conduites les réformes nécessaires au sein de l'institution policière et des différentes institutions qui concourent à la sécurité dans notre pays. Elles doivent mieux adapter encore leurs réponses aux nouveaux enjeux de la sécurité. C'est tout le sens de la période actuelle. Après avoir fixé le cap au colloque de Villepinte, nous devons - le Gouvernement et sa majorité - traduire dans les faits les objectifs. Si j'avais à résumer d'une phrase l'enjeu de cette période, je dirai que nous devons réussir Villepinte. Nous savons que ce sera long et difficile parce que le chantier est important et qu'il implique une multitude d'acteurs, et parce que les réponses ne sont pas simples. En effet, les nouvelles formes d'insécurité sont multiformes, difficiles à appréhender et mettent en jeu l'ensemble de l'organisation sociale.

Mais nous connaissons la volonté du Gouvernement et nous mesurons le chemin déjà parcouru, après quelques mois. Je ne reprendrai que quelques éléments. C'est d'abord la mise en place du conseil de sécurité intérieure qui est un élément essentiel - M. Carraz l'a dit. C'est ensuite le travail législatif, qui a permis de mieux mettre en cohérence l'ensemble des acteurs qui concourent à la sécurité. Le fait qu'aujourd'hui la sécurité intéresse non seulement la police, mais aussi une multitude d'acteurs qu'il fallait mettre en cohérence, est extrêmement nouveau. C'est encore la loi sur les polices municipales et, le projet de loi sur les organismes de sécurité privée qui va venir en discussion. J'ajouterai évidemment les contrats locaux de sécurité, ainsi que le recrutement des adjoints de sécurité, et bientôt des adjoints de médiation sociale.

Enfin, c'est la réorganisation de la police et de la gendarmerie, et je voudrais dire un mot sur cette question.

Le Gouvernement et l'Etat seront jugés sur leur capacité à résoudre les problèmes là où ils se posent. L'é volution de la délinquance, ces dernières années, a montré que celle-ci a progressé de manière parfois très spectaculaire dans les zones urbaines. Ce constat est admis de tous, je crois. C'est donc dans ces zones qu'il faut concentrer les moyens pour contrer l'insécurité. Si le Gouvernement ne le faisait pas, il manquerait à son premier devoir, qui est d'assurer la sécurité des citoyens partout et pour tous. La réorganisation des forces de l'ordre est une des conditions qui permettront d'assurer l'égalité devant la sécurité.

M. Bruno Le Roux.

Tout à fait !

M. Christophe Caresche.

Je comprends parfaitement que certains élus aient eu le sentiment d'avoir été un peu négligés dans la méthode utilisée. Mais, je le dis clairement, l'objectif de réorganiser la répartition de ces forces doit être maintenu.

M. Bruno Le Roux.

Très bien !

M. Christophe Caresche.

C'est un objectif juste, c'est un objectif de solidarité.

Un mot, pour finir, sur Paris.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Où il y a beaucoup de policiers !

M. Christophe Caresche.

C'est vrai.

M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis.

Il y en a trop !

M. Christophe Caresche.

Non, il n'y en a pas trop.

M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis.

Mais si, comparez au reste de la France !

Mme Nicole Bricq.

Ils sont mal utilisés à Paris !

M. Christophe Caresche.

Il n'y en a pas trop. Je suis d'ailleurs heureux que les deux rapporteurs, Louis Mermaz et Tony Dreyfus, aient fait une place importante à la réforme de la préfecture de police dans leurs rapports respectifs.

J'en suis heureux comme élu parisien, bien sûr, mais aussi comme élu de la nation. Car, compte tenu de l'implication de l'Etat à Paris et de la place qu'occupe Paris en France, cette réforme intéresse l'ensemble de la nation.

Ce n'est pas simplement une affaire qui concerne les élus parisiens.

C'est pourquoi cette réforme se doit d'être exemplaire : elle sera une vitrine pour le Gouvernement et l'Etat. Pour ma part, je suis certain qu'elle contribuera à améliorer la sécurité dans l'ensemble de l'agglomération parisienne. Je ne suis pas de ceux qui opposent Paris et sa région, d'abord parce qu'une telle opposition ne réflèterait pas la réalité des choses, en tous les cas du point de vue de la délinquance, nous le savons bien. S'il est tout à fait légitime de reconnaître les besoins de l'agglomération parisienne, des banlieues, qui sont effectivement touchées par les phénomènes de délinquance, il me paraît tout aussi normal de dire qu'à Paris les problèmes de délinquance sont également importants et qu'ils doivent être réglés.

Cette réforme nécessaire mais longtemps différée est donc enfin en passe d'aboutir. Le préfet de police est entré dans une phase de discussion avec les personnels.

J'espère, sans en douter, que tous ceux qui sont concernés prendont la mesure de l'enjeu. Car la réforme de la préfecture de police sera la meilleure réponse à ceux qui, sur les bancs de l'opposition, veulent démanteler la police parisienne. Il y a là un enjeu pour l'Etat, pour les Parisiens, mais aussi pour les personnels de la police parisienne.

Vous-même, monsieur le ministre, avez longuement insisté sur cette réforme. Je sais que votre détermination est totale. Cette réforme est attendue et nécessaire, et je me réjouis qu'elle soit en bonne voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Belviso.

M. Alain Belviso.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'on peut légitimement se féliciter d'une augmentation des crédits affectés à la sécurité civile, la précédente déminution de ces mêmes crédits, pour l'année 1998, nous impose une vigilance c ertaine. Les enjeux sans cesse renouvelés dans ce domaine de l'intervention publique réclament en effet une constance dans la progression des moyens, tant humains que matériels.

J'aborderai quelques aspects de ce budget. D'abord les feux de forêt. Si, pour 1998, le nombre de feux de forêt et leurs conséquences quant aux superficies ravagées est relativement satisfaisant, notamment dans la région méditerranéenne, ce résultat, qu'il faut mettre sur le compte d'une meilleure prévention, appelle deux remarques de notre part.

La première a trait au manque de moyens dévolus au conservatoire de la forêt méditerranéenne. Certes, il dépend du ministère de l'agriculture, mais nous pensons qu'il est important de relier son action aux résultats obtenus cette année, pour souligner la fragilité d'un bilan, flatteur néanmoins, quand les moyens pour le consolider


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dépendent de ministères dont les priorités varient selon leurs logiques propres. Pour consolider et améliorer encore ce bilan, il faut s'appuyer sur le maintien du niveau de formation des hommes. A ce titre, la nonparution des textes relatifs à la formation « feux de forêt », pourtant approuvés par le comité de pilotage du 26 janvier 1998, ne peut qu'interpeller les élus que nous sommes, à l'instar des sapeurs-pompiers eux-mêmes, qui subissent les conséquences de la départementalisation à travers une remise en cause de leurs acquis et une augmentation de leur temps de travail.

M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas tout à fait exact !

M. Alain Belviso.

Si, par ailleurs, on rapproche ce dernier phénomène de la difficulté que rencontrent nombre de titulaires des concours de sapeurs-pompiers pour trouver un poste avant expiration du délai de validité de cet examen, on aura déterminé une situation paradoxale qu'il est, à notre sens, urgent de réformer.

C'est en tout cas ce que nous souhaiterions, pour répondre à un souci d'amélioration du service rendu à la population.

Dans cet esprit, renforcer les moyens humains, tout en les répartissant mieux sur le territoire, permettrait de renforcer l'égalité des citoyens, quel que soit le lieu de l'intervention. Chaque citoyen a en effet le droit d'être secouru de la même façon, avec la même efficacité en centre-ville, en rase campagne, en montagne ou en pleine mer.

Par ailleurs, les services d'incendie et de secours doivent ou, du moins, devraient être égaux pour tous.

C'est donc avec le double objectif de l'égalité territoriale et de la gratuité pour les citoyens que doit s'approfondir la concertation entre pouvoirs publics, communes et personnels dans le cadre de la rationalisation de la gestion des moyens de secours.

Bien évidemment, les moyens humains, pour essentiels qu'ils soient, ne donnent leur pleine efficacité que s'ils s'appuient sur des matériels performants et modernisés.

La complexité accrue des risques, en particulier ceux liés aux avancées technologiques, appelle certes une évolution des matériels que doit prendre en compte le budget. Pour autant, il ne faut pas oublier la nécessité de maintenir le potentiel déjà acquis au regard des risques pour lesquels nous possédons une expertise et une maîtrise reconnues.

A ce titre, l'exemple du parc d'aéronefs est particulièrement éclairant. Les bases devraient accueillir, en 1999, vingt-cinq bombardiers d'eau dont onze Canadair afin d'améliorer la qualité de notre capacité d'intervention aérienne. Pourtant, la sécurité civile ne dispose pas d'autorisations de programme correspondant à cet objectif.

L'enveloppe actuellement prévue est à peine suffisante pour maintenir sa capacité opérationnelle. Nous avons cependant bien noté, monsieur le ministre, que la loi de finances rectificative permettra de nouvelles avancées, même si elles seront encore insuffisantes.

N os préoccupations nationales, pour essentielles qu'elles soient, ne doivent pas occulter l'implication de notre pays sur le terrain international. Les incendies qui ont ravagé la Grèce cet été et, dans le vif de l'actualité, les inondations catastrophiques en Amérique centrale nous imposent de réfléchir à un mode de coopération qui irait au-delà de l'envoi ponctuel de moyens humains et matériels.

En ce sens, l'installation, dans le sud de la France, d'une école européenne sur la lutte contre les feux de forêts associant les pays du pourtour méditerranéen, permettrait de formaliser des échanges transnationaux alors qu'actuellement ils ne se font que dans l'urgence des sinistres majeurs qui désolent l'Europe du Sud.

M. Alain Clary.

C'est une bonne idée !

M. Alain Belviso.

La multiplicité des dangers, des risques nouveaux associés à des risques anciens dont la gestion est de plus en plus sophistiquée, tout nous montre la nécessité d'anticiper en mettant en place une prévention à la hauteur des enjeux.

Afin que puisse être assuré le droit de chacun à la sécurité civile, dans une époque de mutations, il faut accompagner la diversification des risques par une politique budgétaire plus volontariste, et prenant mieux la mesure des défis auxquels nous sommes confrontés.

Espérons que la grande, la trop grande timidité de ce budget pour 1999 puisse, dans l'avenir, céder la place à une plus grande ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes à l'an I de la politique ambitieuse et moderne de sécurité définie par Jean-Pierre Chevènement. J'ai d'ailleurs relevé que Tony Dreyfus avait mis en exergue, dans son rapport, la phrase prononcée par Lionel Jospin à Villepinte : « Toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité. »

Aujourd'hui la question est de savoir comment vit ce concept de sécurité sur l'ensemble du territoire. Sur ce sujet, nous avons effectivement une conception de la sécurité fondamentalement différente de celle de l'opposition, qui ne parvient pas à sortir du simplisme répressionprévention, comme s'il ne fallait pas concilier les deux.

C'est pourquoi, nous voulons une police de proximité a vec laquelle nos concitoyens se sentent bien, en confiance et qui soit en forte synergie avec eux.

Tel est bien l'objectif que vous poursuivez, monsieur le ministre, notamment avec la mise en place des contrats locaux de sécurité, avec le renforcement du dispositif policier existant par les adjoints de sécurité, avec la mise en place des agents locaux de médiation sociale, avec le renforcement et la redéfinition de l'îlotage, l'îlotier ne devant plus être seulement un « gardien de square amélioré » comme le dit Louis Mermaz dans son excellent rapport, mais un policier opérationnel. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Parallèlement, le ministère de la justice met en place des moyens pour traiter et accélérer les procédures, notamment celles relatives à la délinquance des mineurs, pour développer les maisons de justice et la médiation. Il y a donc bien cohérence dans la politique gouvernementale.

Tout cela participe pleinement de notre conception du droit à la sûreté pour tous, d'abord pour ceux de nos concitoyens dont la vie quotidienne est la plus difficile.

Pour cela, nous avons besoin non seulement d'hommes et de femmes à l'aise dans leurs fonctions, mais aussi de moyens et d'équipements. Il faut donc mieux les répartir et les mettre en adéquation avec les zones urbaines dans les départements prioritaires. Je suis, en effet, convaincue que c'est d'abord par ses résultats dans ces départements prioritaires, dans ces zones urbaines difficiles, que sera jugée votre politique.


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Or il subsiste encore une trop grande disparité en défaveur de l'Ile-de-France par rapport au reste de la France et, au sein même de l'Ile-de-France, les départements de la grande couronne sont les plus mal lotis. Cela est encore plus vrai pour la réalité que je connais le mieux, celle de l'arrondissement de Meaux, qui est en pleine expansion démographique. Compris entre le pôle de Roissy au nord et celui de Marne-la-Vallée au sud, il accueille de nombreuses populations venant de la petite couronne.

Mardi nous avons examiné, dans cette enceinte, le budget de M. Bartolone, ministre délégué à la ville. Au cours du débat, le problème des violences urbaines a été évoqué par Laurent Cathala. En effet, comment la politique de la ville peut-elle réussir si l'Etat n'engage pas tous les moyens nécessaires pour que la sûreté soit assurée ? Alors que l'Etat est prêt à mettre beaucoup d'argent dans les grands projets urbains, il serait dommage que ces efforts ne soient pas récompensés par l'accroissement de la sécurité. En la matière, l'Etat doit exercer sa puissance régalienne en se donnant les moyens nécessaires et ne pas s'en remettre au développement des polices municipales.

La Seine-et-Marne fait partie des vingt-six départements prioritaires. Il n'empêche que, dans le seul arrondissement de Meaux, le plan initial de redéploiement prévoyait la fermeture de deux gendarmeries. Je peux le comprendre dans l'optique de la réorganisation des forces de police et de gendarmerie et dans la logique du rapport de M. Carraz et M. Hyest, dont je veux souligner l'excellence, mais à condition que soient mis en oeuvre les moyens nécessaires à une bonne répartition des forces de sécurité - mon collègue et ami Christophe Caresche l'a souligné - et à une utilisation correcte des forces existantes. En effet tout n'est pas affaire de quantitatif.

Je vais donner deux exemples dans lesquels un coup de pouce est indispensable pour appuyer vos priorités.

Le premier concerne la mise en place des adjoints de sécurité, qui répond à un réel besoin, notamment en Ilede-France. Cependant, dans la pratique, on constate un important déficit de candidatures, alors même que cette région est certainement celle qui a le plus besoin de ces adjoints. A cet égard vous nous avez annoncé des incitations financières et des bonifications de carrière pour fixer les personnels dans les départements prioritaires. Cela est une bonne décision car l'efficacité de telles mesures a été constatée lors de la constitution des zones d'éducation prioritaires dans l'éducation nationale.

Le deuxième exemple concerne les contrats locaux de sécurité. Ils ont le grand intérêt de faire travailler ensemble des personnes et des services qui n'en ont pas forcément l'habitude ; je pense à l'éducation nationale, à la police et à la justice. Ils doivent aussi permettre un diagnostic efficace afin de définir les besoins et de trouver les meilleures solutions.

Pourtant cette phase de diagnostic est trop souvent sous-estimée. Les contrats locaux doivent être non un simple mécanisme administratif de plus, mais un moyen de recenser les besoins et les souhaits de tous les acteurs d'une ville. Cela suppose une concertation avec les associations de quartiers et les habitants. Cette confrontation nécessaire pourra éviter bien des erreurs par la suite.

En conclusion, nous ne pouvons qu'espérer que la volonté du Gouvernement d'avoir une police plus proche et mieux équipée rencontre la réalité. Cela suppose l'implantation de personnels et d'équipements immobiliers, là où les besoins sont les plus forts. En la matière, une mission a été menée pour évaluer les besoins en équipement du nord de la Seine-et-Marne. Elle a été conduite par M. Panquel et M. Vanier voici plus d'un an, mais nous n'en connaissons toujours pas les résultats.

L'annonce récente de la révision à la hausse de votre budget et l'amorce de la rationalisation de la sécurité en France vont dans le bon sens. Votre budget doit maintenant se traduire dans le financement des priorités définies il y a un an. Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur les députés socialistes pour vous y aider. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (no 1078) ; M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

Intérieur (suite) : Sécurité M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 32 au rapport no 1111). Police M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1115, tome II). Sécurité civile M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République (avis no 1115, tome III). Collectivités locales M. Gérard Saumade, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 33 au rapport no 1111) ; M. René Dosière, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1115, tome IV).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT