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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

FRANÇOIS D'AUBERT

1. Modification de l'ordre du jour prioritaire (p. 10274).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

2.

« Département Protection Sécurité ». - Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête (p. 10274).

M. Raymond Forni, rapporteur de la commission des lois.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

3. Rappel au règlement (p. 10276).

MM. Christian Estrosi, le président.

4.

« Département Protection Sécurité ». - Reprise de la discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête (p. 10276).

QUESTION PRÉALABLE (p. 10276)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : Mme Nicole Catala, MM. Raymond Forni, rapporteur de la commission des lois ; José Rossi, Renaud Donnedieu de Vabres, Gaëtan Gorce, Jacques Limouzy. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10283)

MM. Alain Tourret, José Rossi, Mme Geneviève Perrin-Gaillard,

MM. Patrick Devedjian, Guy Hermier, Renaud Donnedieu de Vabres, Mme Marie-Hélène Aubert,

M.

Bernard Grasset.

Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 10291)

Adoption de l'article unique.

CONSTITUTION DE LA

COMMISSION D'ENQUÊTE (p. 10291)

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 10291)

5. Pratiques des groupes industriels. - Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête (p. 10292).

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10293)

MM. Alain Fabre-Pujol, Jean Besson, Daniel Paul, Claude Gaillard, Jean-Michel Marchand, François Goulard, Pierre Carassus.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 10300)

Adoption de l'article unique.

CONSTITUTION DE LA

COMMISSION D'ENQUÊTE (p. 10300)

M. le président.

6. Animaux dangereux et errants. - Discussion, en nouvelle lecture, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi (p. 10301).

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Georges Sarre, rapporteur de la commission de la production.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10301)

MM. Léonce Deprez, Jean-Pierre Blazy, François Goulard, Jacques Rebillard, Nicolas Dupont-Aignan, Daniel Paul.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 10304)

Article 1er (p. 10304)

Amendement no 1 de la commission de la production : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 10304)

Amendement no 2 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 3 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 4 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 5 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 6 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 7 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 8 de la commission : M. le rapporteur. Retrait.

Adoption de l'article 2 modifié.

Après l'article 2 (p. 10306)

Amendement no 20 rectifié de M. Sarre : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Article 7 (p. 10306)

Amendement no 9 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.


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Amendement no 10 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, André Angot. - Adoption.

Amendement no 11 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, François Goulard. - Adoption.

Adoption de l'article 7 modifié.

Article 8 bis (p. 10307)

Amendement no 16 de M. Sarre : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 8 bis modifié.

Article 10 (p. 10307)

Amendement no 12 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 10 modifié.

Article 13 (p. 10308)

Amendement no 13 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 13 modifié.

Article 15 (p. 10308)

Amendement no 14 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 15 modifié.

Article 19 bis (p. 10308)

Amendement no 19 de Mme Perrin-Gaillard, avec les sousamendements nos 24 et 23 du Gouvernement, et amendement identique no 21 de M. Sarre : Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. le rapporteur, le ministre, Léonce Deprez, André Angot, François Goulard. - Adoption des sous-amendements nos 24 et 23 et des amendements identiques modifiés.

Ce texte devient l'article 19 bis.

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 10312)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

7. Dépôt d'un projet de loi (p. 10312).

8. Dépôt d'un rapport (p. 10312).

9. Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution (p. 10312).

10. Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat (p. 10313).

11. Ordre du jour des prochaines séances (p. 10313).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim, pour une communication relative à l'organisation de nos travaux.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous indique que le projet de loi relatif à l'emploi des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction ne pourra venir en discussion que demain, à quinze heures, afin que la séance de ce soir soit levée assez tôt pour que la séance mensuelle réservée à un ordre du jour décidé par votre assemblée ait bien lieu demain matin à neuf heures.

M. le président.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

2

« DÉPARTEMENT PROTECTION SÉCURITÉ » Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion : de la proposition de résolution de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d'enquête pour faire toute la lumière sur les agissements et objet du groupement de fait dit « Département Protection Sécurité » (no 770) ; de la proposition de résolution de M. Robert Gaïa et plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d'enquête afin de faire le point sur l'organisation, le fonctionnement, les objectifs, les soutiens et les agissements du groupement dit « Département Protection Sécurité » (no 879).

Ces propositions ont fait l'objet d'un rapport commun (no 902).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Raymond Forni, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur par intérim, mes chers collègues, jusqu'à peu nous étions, bien malgré nous, habitués aux dérapages verbaux des dirigeants du Front national le plus souvent heureusement, il faut le dire, sanctionnés par la justice. Mais, depuis deux ans, ce mouvement nous montre une autre facette de son triste talent : de Montceau-les-Mines à Mantes-la-Jolie, en passant par Strasbourg, le service d'ordre du Front national, mieux connu sous ses peu avenantes initiales DPS, multiplie les agissements qui vont - pardonnez du peu ! - de l'usurpation de fonction d'autorité à la voie de fait pure et simple.

En dehors de nos murs, nombreux sont ceux qui réclament l'application des lois existantes afin de mettre un terme à ces débordements scandaleux. De son côté, notre assemblée est saisie de deux propositions de résolution ayant un objet comparable, la première déposée le 6 mars 1998 par M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues membres du groupe RCV...

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. Raymond Forni, rapporteur.

... tendant à créer une commission d'enquête « pour faire toute la lumière sur les agissements et objets du groupement de fait dit Département Protection Sécurité », la seconde, déposée le 7 mai dernier par M. Robert Gaïa et plusieurs de nos collègues membres du groupe socialiste, demande également la création d'une commission d'enquête « afin de faire le point sur l'organisation, le fonctionnement, les objectifs, les soutiens et les agissements du groupement dit Département Protection Sécurité ». Au-delà des subtilités de rédaction, l'objet de ces propositions est clair : réunir des informations précises et incontestables sur les agissements de cette organisation qui, pour le moins, cultive l'opacité.

Consciente de la difficulté de la matière, la commission des lois s'est scrupuleusement attachée, sur ma proposition, à suivre les prescriptions législatives et réglementaires pertinentes et donc indiscutables. En l'occ urrence, selon l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et les articles 140 et 141 de notre règlement, il lui appartenait de se prononcer sur la recevabilité de ces propositions de résolution, puis d'en examiner l'opportunité.

La première condition de recevabilité, mentionnée par l'article 140 de notre règlement, suppose que la proposition détermine avec précision les faits qui donnent lieu à enquête.

Je n'entrerai pas dans les détails ; chacun pour l'essentiel les connaît. Mais, sans se prononcer sur la qualification des faits en cause, il est peu contestable que ces assertions reposent sur des situations précises, sur des faits avérés.


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Ce constat, conforté par le fait qu'en la matière votre commission des lois adopte traditionnellement une interprétation souple, conduit donc à admettre comme satisfaite la première des conditions de recevabilité.

La seconde consiste à s'assurer que les faits ayant motivé le dépôt de la ou des propositions de résolution ne font pas l'objet de poursuites judiciaires en cours.

Interrogée, en application de l'article 141 de notre règlement, Mme la garde des sceaux nous a confirmé qu'il n'y a vait pas de poursuites judiciaires en cours. Par conséquent, la seconde condition de recevabilité était également satisfaite.

Recevables - cela est indiscutable - ces propositions de résolution sont-elles par ailleurs opportunes, sachant, bien entendu, que cette notion d'opportunité recèle une certaine part de subjectivité.

A l'évidence, les comportements imputés au DPS ainsi que ses activités douteuses, si elles sont avérées, sont graves : port d'uniformes, utilisation de cartes de police, usage d'armes, voies de fait, violences.

Dans ces conditions, ne vaudrait-il pas mieux recourir à l'arsenal juridique dont disposent les pouvoirs publics ? De fait, on pourrait ainsi songer à utiliser les dispositions pénales relatives aux mouvements dissous.

La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées autorise la dissolution, par décret en conseil des ministres, des associations considérées comme portant atteinte à l'ordre public et à la démocratie. Je ne citerai pas ici les sept types de mouvement visés, que j'énumère dans mon rapport écrit.

Je précise par ailleurs qu'en complément de cette sanction administrative les articles 431-15, 431-17 et 431-18 du code pénal incriminent et sanctionnent la participation au maintien ou à la constitution d'un mouvement dissous en application de cette loi.

On pourrait aussi envisager de mobiliser les dispositions qui pénalisent la participation à un groupe de combat. En effet, le nouveau code pénal a créé une incrimination spécifique pour une catégorie particulière de mouvement mentionnée par la loi de 1936. Ainsi, le seul fait d'organiser un groupe de combat ou d'y participer est pénalement sanctionné, même si ce mouvement n'a pas été dissous au préalable.

Pour être qualifié de « groupe de combat », un mouvement doit satisfaire cumulativement à quatre conditions : constituer un groupement, détenir des armes ou y avoir accès, avoir une organisation hiérarchisée, et représenter une menace pour l'ordre public. Je rappelle simplement que le responsable du DPS se faisait appeler à une certaine époque « colonel », ce qui est d'une certaine manière l'aveu d'une hiérarchie au sein de ce groupement. Bien entendu, ce faisceau de critères doit être apprécié à l'aune de la jurisprudence relativement abondante afférente à la loi de 1936.

Sauf à anticiper sur les travaux de la commission d'enquête, ce qui n'est pas mon rôle, il n'est pas utile de se livrer ici à une exégèse de ces dispositions, sachant que, à l'évidence, leur maniement est délicat. Ces quatre conditions cumulatives constituent des notions difficiles à apprécier, même si personnellement, et comme sans doute un certain nombre d'entre vous, j'ai des idées claires et précises sur ce point.

En particulier, si le DPS possède a priori certaines des caractéristiques que j'ai évoquées tout à l'heure, il ne les réunit peut-être pas toutes cumulativement. En outre, il faut préciser qu'en vertu des travaux préparatoires du nouveau code pénal, le dispositif pénal n'a pas pour but de « pénaliser le service d'ordre d'un parti politique », qu'il soit de gauche ou de droite.

Il n'en reste pas moins que des faits inacceptables dans une démocratie moderne ont été commis. Il peut donc apparaître utile de mener des investigations pour savoir si le DPS est, au-delà de son apparence, un mouvement dont la nature et les missions le différencient fondamentalement d'un service d'ordre licite, pour le rapprocher d'un groupement interdit par la loi. Dans cette persp ective, la création d'une commission d'enquête parlementaire est une option qui a semblé adéquate à votre commission des lois. Sa composition pluraliste, ses m éthodes de travail, qui privilégient les auditions, devraient assurer une approche fiable et impartiale du dossier. En outre, la publicité des conclusions de la commission d'enquête permetttrait à tous nos concitoyens, quelles que soient leurs options politiques, de disposer d'une information aussi complète que possible.

Les propositions de résolution examinées par votre commission, tout en ayant un objet identique étaient rédigées en termes légèrement différents et perfectibles.

Aussi, la commission a préféré retenir une rédaction de synthèse permettant de définir clairement l'objet de la commission d'enquête. Et elle vous demande, compte tenu de ces observations, de l'adopter.

Dans le contexte actuel, je me demande personnellement si cette décision est opportune. Il appartiendra, dans quelques instants, à chacun d'entre vous de se prononcer. En tout cas, je le repète, cas, la commission des lois suggère une réponse positive à la démarche entreprise y a quelques mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le groupement de fait appelé Département Protection et Sécurité - DPS - du Front national a été créé en 1985 comme service d'ordre de cette organisation politique. Mais les faits auxquels se réfèrent les demandes de création d'une commission d'enquête dépassent largement cette seule fonction. Certains de ces faits sont d'une gravité telle que les poursuites intentées ont donné lieu à condamnation.

A insi, la cour d'appel de Colmar a, au mois d'avril 1998, confirmé la condamnation de deux responsables régionaux du DPS pour « arrestation, séquestration ou détention arbitraire et immixtion dans une fonction publique ». Ils avaient, en arguant faussement de la qualité de policier, procédé à un contrôle d'identité sur la personne de deux manifestants à Strasbourg.

En outre, le DPS est fréquemment cité à propos d'incidents, voire de violences qui, sans le mettre en cause directement, montre que des personnes auteurs de faits graves, ont pu être des collaborateurs occasionnels, ou même réguliers. La dimension de racisme et de xénophobie y est, on le sait, souvent présente.

Chaque fois que de tels faits se sont produits, des informations judiciaires ont été ouvertes. Le Gouvernement suivra donc avec intérêt les travaux de la commission d'enquête sur la proposition que vient de rapporter M. Forni au nom de la commission des lois. Il apportera les contributions que la commission d'enquête sollicitera.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

Je tiens à exprimer aux auteurs des deux propositions de résolution mon accord sur la volonté qui les anime, celle d'éviter de graves dérives contraires à l'Etat de droit.

Cela étant, il est évident que les personnes qui, dans le cadre du DPS ou dans le prolongement de leur appartenance à ce groupement, se livreraient à des actes délictueux, continueront d'être poursuivies sans faiblesse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

3 RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Christian Estrosi.

Rappel au règlement !

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi, pour un rappel au règlement.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, je tiens à m'élever contre les modifications constantes de l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée. Hier, la conférence des présidents a décidé d'avancer la discussion, initialement prévue la semaine prochaine, de la proposition dont nous avons commencé l'examen. Et à l'ouverture de la séance, nous avons appris que l'examen du texte portant sur la participation des employeurs à l'effort de construction était reporté à demain.

Les députés sur tous ces bancs s'organisent pour travailler à la fois dans leur circonscription et à l'Assemblée.

Ils ont besoin d'un ordre du jour fixé au moins une semaine à l'avance et sont pris par cette mauvaise organisation des travaux.

Au titre de l'article 58, j'appelle donc l'attention de la présidence sur ce point. Je demande instamment que l'on mette un peu d'ordre dans la fixation des travaux de l'Assemblée, de façon que les députés puissent s'organiser plus facilement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Estrosi, je prends acte de votre protestation concernant la modification de l'ordre du jour. La raison invoquée par le Gouvernement est que la séance réservée demain matin à ce que l'on appelle les

« niches parlementaires » doit commencer à neuf heures.

L'ordre du jour de ce soir étant chargé, il a paru raisonnable de reporter à demain après-midi la discussion du texte auquel vous avez fait allusion.

Je rappelle aussi que le jeudi est un jour ouvrable de la vie parlementaire...

Cela étant, je conçois que ce changement puisse gêner ceux qui étaient inscrits dans la discussion générale.

4

« DÉPARTEMENT PROTECTION SÉCURITÉ » Reprise de la discussion d'une proposition de résolution

M. le président.

Nous reprenons la discussion de la proposition de résolution.

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste espérait-il faire passer en catimini la résolution, que vient de présenter M. Forni, tendant à créer une commission d'enquête sur le Département Protection Sécurité, c'est-àdire sur le service d'ordre du Front national ? On pourrait le croire puisqu'il a fait avancer de dix jours - rien que cela ! - la discussion de cette proposition.

Etrange gouvernement, en vérité, qui explique qu'il n'a pas la possibilité d'inscrire à notre ordre du jour les textes qui doivent réformer l'institution judiciaire, mais qui, en revanche, dégage un créneau pour nous soumettre cette proposition de résolution dont - j'aurai l'occasion d'y revenir - le but inavoué était, et reste sans doute encore, en dépit du contexte nouveau que vient d'évoquer

M. Forni, d'agiter encore l'épouvantail du Front national.

Peut-être s'agit-il aujourd'hui de faire un peu oublier les échecs et les faux pas de M. Jospin et de ses ministres.

Pour un peu, cette résolution aurait pu être votée ce soir à la sauvette, ce qui aurait donné au Parti socialiste l'image d'une formation politique vertueuse attachée à la lutte contre l'extrémisme, tout particulièrement contre son expression la plus violente, celle du service d'ordre que l'on a évoqué avant moi.

Eh bien ! non mes chers collègues, le Parti socialiste n'est pas un parti vertueux. Du moins certains de ses dirigeants me semblent avoir manqué et manquer encore singulièrement de vertu républicaine.

M. Christian Estrosi.

Ah, ça oui !

Mme Nicole Catala.

La proposition qui nous est soumise porte sur des faits dont on vient de nous dire qu'ils étaient inacceptables, des faits violents, des faits répréhensibles. Pourtant, me semble-t-il, ils ne sont pas poursuivis.

Alors, pourquoi cette commission d'enquête ? Si ces faits sont réellement délictueux, il faut qu'ils soient d'abord relevés par la police, puis soumis à la justice !

M. José Rossi.

C'est vrai !

Mme Nicole Catala.

Pourquoi Mme la garde des sceaux ne donne-t-elle pas l'instruction de les poursuivre ? Nous nous posons légitimement ce type de question.

M. Christian Estrosi.

Bien sûr ! Que fait la police ?

M. José Rossi.

Complicité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Grasset.

Venant de vous, cela est drôle !

Mme Nicole Catala.

Dès lors que ces questions restent sans réponse, nous ne pouvons pas ne pas estimer que, même aujourd'hui, cette proposition de résolution a probablement, aux yeux de ses auteurs, le mérite, sinon de ressusciter le Front national, car il est encore bien vivant, du moins de ressouder les troupes de cette formation extrémiste que nous n'avons cessé de dénoncer.

M. Raymond Forni, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Ce sera dur !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

Mme Nicole Catala.

Face à cette manoeuvre, on pourrait être tenté de défendre une sorte d'exception d'irrecevabilité qui ne serait pas d'ordre constitutionnel mais d'ordre politique et moral. Je vais, à l'image de notre éminent ex-collègue Jean Foyer, parler latin un instant, p our citer la maxime que beaucoup d'entre vous connaissent : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

M. Alain Tourret.

Usque tandem abutere patientia nostra, madame Catala ? (Sourires.)

Mme Nicole Catala.

Il me semble que nos collègues socialistes auraient dû méditer cette maxime avant de se lancer dans l'opération qu'ils entreprennent aujourd'hui.

En effet, cela va nous donner l'occasion, dans le cadre de la question préalable que je défends ce soir, de dénoncer avec force la compromission ancienne et constante de certains dirigeants socialistes avec l'extrême droite,...

M. Bernard Grasset.

Millon par exemple !

Mme Nicole Catala.

... de dénoncer ces liaisons dangereuses nouées du temps de François Mitterrand et qui se perpétuent aujourd'hui.

M. Christian Estrosi.

Eh oui !

M. Bernard Grasset.

Mais non ! Et Charles Baur ?

Mme Nicole Catala.

La montée en puissance du Front national depuis les années quatre-vingt, en effet, n'est pas exclusivement due à la force d'entraînement de son chef, même conjuguée aux inquiétudes ou au désarroi de beaucoup de nos concitoyens. Elle trouve aussi son origine dans le soutien, dissimulé mais efficace, de François Mitterrand. Sans ce soutien, l'extrême droite n'occuperait pas, dans la vie politique française, la place qu'elle y tient aujourd'hui.

M. Jacques Limouzy.

Voilà !

M. Christian Estrosi.

Très bien !

Mme Nicole Catala.

En vérité, et je regrette d'avoir à le rappeler, tendre les bras aux communistes pour mieux les étouffer, affaiblir la droite républicaine...

M. José Rossi.

C'est vrai !

Mme Nicole Catala.

... en détournant une partie de son électorat vers l'extrême droite, tels ont été les objectifs politiques constants de François Mitterrand.

M. Christian Estrosi.

Excellente analyse !

M. José Rossi.

Lucide !

M. Jacques Limouzy.

On le comprend !

Mme Nicole Catala.

Il les a atteints, de façon temporaire sans doute, mais incontestable : de tous les pays de l'Union européenne, en effet, la France est celui qui est le plus affecté par la montée de l'extrémisme.

Par des manoeuvres blessant le coeur même de la morale républicaine, le chef de l'Etat a, durant deux septennats, renforcé un courant politique porteur de haine et de rejet de l'autre. Les moyens employés à cette fin ont été constamment et demeurent les mêmes.

Il s'agit d'abord d'attiser les craintes engendrées par une immigration excessive, de jouer sur la réprobation d'une régularisation à tout va des immigrés clandestins,...

M. Bernard Grasset.

Et que fait le RPR ?

Mme Nicole Catala.

... sur la désapprobation de leur accès au droit de vote, bien souvent envisagé par François Mitterrand, chacun s'en souvient (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et d'aiguiser la peur de voir l'identité nationale se dissoudre.

La deuxième technique régulièrement employée a été de mettre en oeuvre le mode de scrutin le plus favorable à l'extrême droite.

Enfin, on a utilisé les médias pour populariser les thèses du Front national et la personne de son chef, tout en le diabolisant.

Depuis le départ de François Mitterrand, ses héritiers n'ont pas véritablement répudié cette politique. Bien des indices montrent au contraire que, depuis avril 1997, M. Jospin en est le continuateur. Ainsi il a reporté, à des dates ultérieures, le nécessaire débat sur l'exclusion...

M. Alain Tourret.

Qui a dissous l'Assemblée nationale ?

Mme Nicole Catala.

... en cours au moment de la d issolution, pour faire voter prioritairement, par le Parlement, la réforme de notre droit de la nationalité et des règles applicables à l'entrée et au séjour des étrangers , sachant bien que sur de tels sujets, l'opinion publique est prompte à s'émouvoir. Il vous a semblé électoralement utile de les mettre au premier plan du débat public avant les élections régionales qui ont été si difficiles et si tumultueuses.

M. Raymond Forni, rapporteur.

Eh oui, pour Charles Millon !

Mme Nicole Catala.

De même, le Gouvernement a différé la réforme du scrutin régional, alors qu'il disposait de la majorité nécessaire pour l'adopter avant le printemps de 1998 et, aujourd'hui, il impose par la force une réforme scélérate de ce mode de scrutin.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Très bien !

Mme Nicole Catala.

Cette réforme va institutionnaliser les triangulaires pour toutes les élections régionales à venir.

Je le répète, les procédés utilisés sont toujours les mêmes et la démonstration peut en être faite aisément en retraçant notre vie politique au cours des quinze ou seize dernières années.

L e scénario se joue en quatre actes. François Mitterrand en a planté le décor avec une habileté diabolique. Il faut lui reconnaître ce talent.

M. Christian Estrosi.

Absolument !

Mme Nicole Catala.

Il a suffi à Lionel Jospin de poursuivre la pièce, sans bénéfice d'inventaire à cet égard.

Reportons-nous, pour suivre le déroulement du premier acte, au début des années 80. Jean-Marie Le Pen, qui s'est présenté aux élections présidentielles de 1974, n'a obtenu que 0,7 % des suffrages. En 1981, il ne se présente pas, faute, semble-t-il, d'avoir obtenu un nombre suffisant de parrainages. Mais, dès le début de son septenn at, François Mitterrand fait régulariser environ 150 000 clandestins.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

S'ils n'ont pas été 150 000, il y en a eu 140 000, mes chers collègues ! J'ai encore ces chiffres en mémoire.

M. Gaëtan Gorce.

Vous n'êtes pas à une approximation près !

Mme Nicole Catala.

Il élargit les conditions d'accès et de séjour des étrangers sur notre territoire et propose d'étendre le droit de vote aux étrangers. Ces mesures, qui heurtent et inquiètent la population, ont très rapidement des conséquences électorales : lors de cantonales partielles de 1982, deux candidats du Front national obtiennent, l'un 10,5 % des voix dans l'Isère, l'autre 12,7 % à Dreux.

Les scores du Front national ne sont plus des scores marginaux dès 1982.


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Il est vrai que, simultanément, François Mitterrand veille à ce que Jean-Marie Le Pen puisse largement diffuser ses idées. Ainsi, à la suite d'une rencontre entre M. Le Pen et l'un des conseillers du chef de l'Etat, ce dernier fait donner l'ordre à TF 1 d'inviter le leader du Front national au journal télévisé de 20 heures. Ce sera fait le 29 juin 1982. A partir de là, Jean-Marie Le Pen sera régulièrement convié à s'exprimer sur les ondes, à la télévision comme à la radio.

A l'époque pourtant, le Gouvernement n'était pas démuni des moyens qui auraient permis de freiner la médiatisation des thèmes du Front national et de son leader. Il aurait pu freiner cette médiatisation au lieu de l'encourager. Cependant, non seulement ces moyens ne sont pas mis en oeuvre, mais aucune réprobation des idées lepénistes n'est formulée par le chef de l'Etat : François Mitterrand ne combat pas Jean-Marie Le Pen, il s'en sert.

M. Raymond Forni, rapporteur.

Et Pasqua partage ses idées !

Mme Nicole Catala.

Cette analyse est confirmée par plusieurs interlocuteurs de M. Mitterrand et par nombre d'analystes ou d'historiens de cette période.

Ainsi, Jean Daniel écrivait récemment (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Vous êtes contents que je cite Jean Daniel ? Si vous voulez, je peux aller chercher d'autres citations dans mon dossier.

Il a donc écrit : « François Mitterrand pensait que la droite française avait vocation à rejoindre l'extrême droite. Il s'accommodait de cette fatalité au point de la précipiter avec un sadisme réjoui. »

M. Jean Delobel.

Il ne s'est pas trompé.

M. Raymond Forni, rapporteur.

Il avait raison.

Mme Nicole Catala.

J'enregistre votre satisfaction, monsieur Forni.

M. Raymond Forni, rapporteur.

La droite n'a pas rejeté l'extrême droite, voilà ce que je veux dire !

Mme Nicole Catala.

Si vous lisiez intégralement les propos de M. Daniel, vous constateriez qu'il relevait luimême que bien des responsables de la droite, à ses yeux, avaient apporté un démenti à ces assertions de M. Mitterrand et qu'il y avait parmi eux les gaullistes.

M. Raymond Forni, rapporteur.

Sauf M. Pasqua !

M. Guy Hermier.

Que fait M. Estrosi dans sa région avec l'extrême droite ?

M. le président.

Je vous en prie !

Mme Nicole Catala.

Au-delà de ce témoin de premier rang, d'autres témoignages ont été recueillis par les auteurs de diverses enquêtes, notamment par MM. Faux, Legrand et Pérez pour leur ouvrage La main droite de Dieu. Cité dans ce livre, Paul Quilès indique avoir évoqué la question de l'extrême droite avec l'ancien Président de la République et il rapporte leur entretien en ces termes : « Mes réflexions avec lui ont été nombreuses sur ce sujet. Elles étaient plus stratégiques que politiques.

François Mitterrand est assez factieux pour savoir qu'il peut diviser l'adversaire. »

M. Jacques Limouzy.

Eh oui ! Mme Nicole Catala Vous constatez qu'à la fin il ne parlait plus au passé mais au présent. Je laisse à M. Quilès la responsabilité de ce propos.

Jouissant de la complicité inavouée du chef de l'Etat, le Front national va réaliser aux élections européennes suivante le score le plus important obtenu par un parti d'extrême droite depuis la Seconde Guerre mondiale : 11 % des suffrages. Sa poussée se confirme aux élections cantonales de 1985, où plus de 1 500 candidats se présentent sous l'étiquette du Front national et obtiennent 10,44 % des voix au plan national. Il se trouve donc installé dans notre vie politique. Il ne restait plus à François Mitterrand qu'à le faire entrer au Parlement. Ce sera fait l'année suivante après qu'il eut imposé la représentation proportionnelle pour les législatives de 1986.

Les listes du Front attirent 2,7 millions de voix, soit 9,7 % des suffrages, et trente-cinq députés du Front font leur entrée à l'Assemblée. Cependant, la manoeuvre qui tendait à empêcher la droite républicaine de reconquérir la majorité en divisant son électorat - chacun sait quelsr ésultats permet la représentation proportionnelle échouera, mais de peu puisque les formations de la droite républicaine ne l'emportent que de trois sièges ! Le scrutin majoritaire sera très vite rétabli par le Gouvernement de Jacques Chirac, provoquant une grande fureur de Jean-Marie Le Pen, qui déclare en septembre 1986 : « En privant mes 2,7 millions d'électeurs de représentation à l'Assemblée nationale, M. Pasqua ouvre la voie à la tentation objective de la violence de mes électeurs ! » Vous voyez que M. Pasqua aussi a su combattre le Front national.

La violence de ces attaques contre Jacques Chirac et Charles Pasqua contraste avec la grande retenue de M. Le Pen à l'égard de M. Mitterrand, qu'il n'attaque jamais ouvertement.

Une fois revenue au pouvoir en 1988, la gauche va reprendre les mêmes errements pervers qu'en 1981. Dès 1989, en effet, à l'initiative de Pierre Joxe, des textes réforment le droit de l'immigration dans un sens laxiste, ce qui avive les tentations xénophobes d'une partie de nos concitoyens, de ceux qui sont les plus affectés par l'insuffisante intégration d'une partie de la population d'origine étrangère.

L'insécurité croissante pousse également au vote extrémiste. Si bien que M. Le Pen va être de plus en plus connu et occuper une place de plus en plus importante au coeur de notre vie politique. Il n'a plus besoin de l'aide de M. Mitterrand pour passer à la télévision : il est devenu une vedette médiatique, que condamnent en vain les dirigeants de la droite républicaine.

M. Jean-Pierre Blazy.

On l'a vu dernièrement !

Mme Nicole Catala.

On l'a vu après les élections régionales, en effet, et le Président de la République lui-même a condamné très clairement M. Le Pen et le Front national. Vous faites bien de le rappeler.

M. Jean-Pierre Blazy.

Ça n'a pas été le cas de tout le monde !

M. Guy Hermier.

On a vu comment M. Estrosi s'est comporté en Provence !

M. Christian Estrosi.

On vous a également vu, monsieur Hermier, en première ligne tous les jours.

M. Guy Hermier.

Vous avez bien soutenu le Front national !

M. le président.

Je vous en prie, messieurs, Mme Catala a seule la parole.

Mme Nicole Catala.

Toutefois, le scrutin majoritaire uninominal a été conservé, qui empêchera le piège de se refermer sur les formations républicaines de droite.

Certes, aux législatives de 1993, le Front national recueille 3 150 000 voix, soit 12,5 % des suffrages - trois points de plus qu'en 1988 - et devient la troisième force


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

politique française... Mais la barre des 12,5 % de voix au premier tour qu'il faut avoir franchie pour se présenter au second ne le sera que par un petit nombre de ses candidats et aucun n'entrera à l'Assemblée nationale. M. Le Pen n'en poursuit pas moins sa route : après avoir violemment attaqué Jacques Chirac, qui le condamne avec force, il obtient 15 % des voix à l'élection présidentielle de 1995.

Le nombre des voix obtenues représente presque le tiers des voix de l'électorat habituel des formations de la droite.

Le deuxième acte de la pièce dont notre pays a été et demeure le théâtre s'est joué au printemps de 1997. En quinze ans, le Front national est devenu, comme j'essaie de le montrer et comme le relève Pascal Perrineau, une force décisive, capable de faire basculer la majorité d'un côté ou de l'autre. Lorsque s'ouvre la brève campagne électorale d'avril-mai 1997, il apparaît vite que M. Le Pen a choisi son camp : celui de la gauche.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Hermier.

Chirac aussi !

M. Jean-Pierre Blazy.

Qui a dissous ? Ce n'est quand même pas Le Pen !

Mme Nicole Catala.

Il le dit d'ailleurs clairement. Le 13 mai 1997, sur Europe 1 : « Je préférerais une assemblée de gauche à une assemblée de droite, car je pense que cela paralyserait M. Chirac dans le projet qu'il a de dissoudre la France dans l'Europe de Maastricht. »

M. Jean-Pierre Blazy.

M. Chirac a dissous l'Assemblée, en tout cas !

M. Raymond Forni, rapporteur.

La dissolution, c'est sa plus belle réussite !

Mme Nicole Catala.

Je lui laisse la responsabilité de cette explication.

Le 15 mai 1997, sur RTL, il dit : « Il serait préférable pour la France que celle-ci ait une cohabitation avec une majorité de gauche parce que cela stopperait la dérive mortelle du pays vers l'euro-mondialisme de Maastricht ».

Et, le même jour, il ajoute : « Le projet de Jacques Chirac est le projet le plus dangereux. Celui de Lionel Jospin me semble moins affirmé. »

Ainsi, durant toute cette campagne, M. Jean-Marie Le Pen ne cessera de proférer des condamnations violentes et haineuses à l'encontre des dirigeants de la droite modérée, qui, de leur côté, dénoncent sans relâche son extrémisme, ses propos injurieux et racistes, sa xénophobie.

Ces traits honteux qui le stigmatisent, M. Le Pen vient d'ailleurs de les reconnaître lui-même puisque, dans son différend actuel avec M. Mégret il déclare que ce dernier s'appuie sur une « minorité extrémiste, et même raciste ».

C'est donc qu'au sein du Front national il y a bien des extrémistes et des racistes. Tel maître, tel élève, a-t-on envie de dire !

M. Alain Tourret.

L'élève était au RPR !

Mme Nicole Catala.

Quoi qu'il en soit, la haine de M. Le Pen pour la droite modérée le conduit, en ces mois d'avril et mai 1997, à « condamner à mort » politiquement une douzaine de députés RPR-UDF sortants, dont le Premier ministre Alain Juppé, François Bayrou, Pierre Mazeaud, Pierre-André Wiltzer, et bien d'autres.

M. Gaëtan Gorce.

Ils ont été réélus. C'est ridicule !

Mme Nicole Catala.

Michel Hannoun n'a pas été réélu. D'autres ont aussi été battus du fait de la position prise par le Front national.

Les électeurs du Front ont été invités à faire battre ces candidats. D'ailleurs, tout au long de la campagne, il sera clair, premièrement, que les candidats de la droite républicaine se battent sur deux fronts - à gauche et sur l'extrême droite - deuxièmement, que les leaders du Front national ont décidé de peser sur les résultats des élections en faveur de la gauche et, troisièmement, qu'à aucun moment les chefs de celle-ci n'expriment leur rejet de l'extrême droite.

M. Christian Estrosi.

Les triangulaires !

Mme Nicole Catala.

Ayant obtenu près de 15 % des suffrages au soir du premier tour, le Front national est en position de maintenir ses candidats dans 132 circonscriptions où auront lieu soit des duels avec le Front national, soit des triangulaires.

M. Christian Estrosi.

C'est le pacte !

Mme Nicole Catala.

Cette situation sera fatale à la majorité sortante : là où il y a triangulaire, le maintien du candidat du Front national prive le candidat de la droite modérée de l'appoint de voix nécessaires pour l'emporter ; et même lorsque ce candidat de la droite modérée est arrivé en tête, il n'y a aucune consigne de retrait du candidat de gauche. C'est donc alors le candidat de gauche qui est élu grâce au Front national.

Ce sont ainsi 41 députés de gauche, dont 32 socialistes, qui ont été élus à l'Assemblée nationale, du fait des triangulaires décidées par le Front national et, donc, grâce au Front national.

M. Christian Estrosi.

Eh oui !

Mme Nicole Catala.

M. Le Pen a délibérément choisi - il l'avait d'ailleurs dit - de faire gagner la gauche qui, il est vrai, ne l'avait que mollement combattu durant la campagne...

J'en arrive au troisième acte de notre scénario. Il se déroule tout près de nous, entre le mois de juin 1997 et le mois de mars 1998.

Peu après son arrivée à Matignon, M. Jospin chausse les bottes de François Mitterrand : au lieu de soumettre à l'Assemblée le projet de loi sur l'exclusion, en cours de discussion au moment de la dissolution, au lieu de lui proposer une réforme du scrutin proportionnel applicable aux élections régionales, scrutin dont chacun savait qu'il allait rendre certaines régions ingouvernables, le Premier ministre se borne à faire voter la « mesurette » que constitue ce que l'on appelle l'article « 49-3 régional ».

En revanche, il a fait préparer et adopter une réforme de notre code de la nationalité qui abroge l'exigence pour les jeunes étrangers qui sont nés en France mais n'ont pas acquis la nationalité française par la filiation d'en manifester la volonté à dix-huit ans pour l'acquérir et fait annoncer par le ministre de l'intérieur que les étrangers en situation irrégulière seront régularisés. Immédiatement, 140 000 clandestins se manifestent, les organisations d'ext rême gauche se mobilisent, un véritable lobbying

« immigrationiste » se met en mouvement. L'examen d'une nouvelle loi réformant les règles d'accès et le séjour sur notre territoire se déroule ainsi, l'hiver dernier, sous la pression des associations et, comme l'on dit, de la rue.

M. Guy Hermier.

Ah, la rue !

Mme Nicole Catala.

M. Jospin, qui avait voulu jouer avec l'immigration pour gonfler encore une fois l'électorat du Front national avant les élections régionales, comme l'avait fait son prédécesseur, va se retrouver pris dans le piège d'une surenchère, dont il n'est d'ailleurs toujours pas sorti, et dont il n'est pas près à mon avis de sortir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

Mais les Français, eux, s'inquiètent d'un surcroît d'immigration que notre pays ne peut plus accueillir.

Aussi, les mêmes méthodes - ces bonnes vieilles méthodes des années 1981-1982 - conduisant aux mêmes effets, la gauche va en récolter les fruits, des fruits vénéneux, lors des élections cantonales, et plus nettement aux élections régionales du 15 mars 1998. Le maintien de la représentation proportionnelle pour les régionales, en effet, conduit à ce qu'une majorité de régions ne disposent, au soir du 15 mars, d'aucune majorité claire et que, dans près d'une moitié d'entre elles, les élus du Front national deviennent les arbitres de la situation.

Les anathèmes et les violences entourent, dans plusieurs conseils régionaux, l'élection du président, et la gauche conquiert une douzaine de régions. Mais sa victoire doit avoir un goût bien amer, d'abord parce qu'elle découle en partie des manoeuvres pernicieuses que j'ai rappelées, notamment de la mise à l'ordre du jour de l'Assemblée de textes dont on sait bien qu'ils avivent les craintes des Français et gonflent le vote extrémiste, ensuite parce que, dans plusieurs conseils régionaux, c'est la gauche elle-même qui est prise à son propre piège puisqu'elle n'a pas de véritable majorité et se trouve donc dans la plus grande difficulté pour gérer les régions qu'elle préside.

Le quatrième acte de la mauvaise pièce que l'on nous joue est en train de s'écrire : il s'agit de la réforme du mode de scrutin pour les élections régionales.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Très bien !

Mme Nicole Catala.

Si les auteurs de cette réforme étaient mus par un esprit républicain, ils poursuivraient d eux objectifs : instaurer un mode de scrutin qui conduise à des majorités claires, écarter toute modalité de vote qui favorise le Front national.

M. Bernard Grasset.

Pourquoi ne pas l'avoir vousmême interdit ?

Mme Nicole Catala.

Or c'est le contraire qui apparaît dans le projet de loi qui nous a été soumis.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Très bien !

Mme Nicole Catala.

En instituant un scrutin à deux tours, le texte permet toutes les combinaisons. A gauche, les diverses listes de la gauche, que j'ai envie d'appeler

« composite » plutôt que « plurielle », mais ce soir j'adopterai encore l'adjectif « plurielle ».

(Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Raymond Forni, rapporteur.

Merci, madame !

Mme Nicole Catala.

Les diverses listes de la gauche plurielle fusionneront avec la bénédiction des beaux esprits cependant qu'à droite toute fusion sera interdite entre les listes des formations républicaines et celles du Front national.

M. Jean-Pierre Blazy.

Vous le regrettez ?

Mme Nicole Catala.

C'est en quelque sorte, mes chers collègues, l'institutionnalisation des triangulaires pour les scrutins de liste. C'est la promotion du Front national comme arbitre de la vie politique française,

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

C'est vous qui la faites, la promotion du Front national !

Mme Nicole Catala.

C'est vraiment un choix immoral et inadmissible.

M. Christian Estrosi.

Très juste !

Mme Nicole Catala.

Au moment même où ce parti se déchire et va peut-être éclater, vous lui offrez, avec cette réforme du mode de scrutin pour les régionales, l'assurance qu'il pèsera quand même dans les scrutins régionaux à venir.

Cette réforme, en vérité, est plus que partisane, elle est scélérate. Elle tend hypocritement à perpétuer l'influence d'une formation extrémiste que, par ailleurs, du haut des tribunes, l'on prétend combattre.

M. Jean-Pierre Blazy.

On ne réduira pas le Front national uniquement par des réformes de scrutin !

Mme Nicole Catala.

Mais a-t-on entendu un seul des beaux esprits dont s'honore la gauche s'élever contre ce projet scélérat ? Pour ma part, je n'en ai point entendu.

C'est le silence. Silence, on tourne... On tourne le même scénario, le même depuis 1981.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Très juste ! Elle a tout à fait raison !

Mme Nicole Catala.

Est-il besoin, après un tel constat, d'argumenter davantage la question préalable que je défends au nom du RPR ?

M. Bernard Grasset.

Oui, parce que, pour l'instant, vous ne nous avez pas convaincus !

Mme Nicole Catala.

Je ne pense pas qu'il faille argumenter davantage.

La preuve est établie que ceux-là mêmes qui prétendent aujourd'hui enquêter sur le service d'ordre du Front national sont ceux ou les héritiers de ceux qui ont favorisé son essor, élargi son influence, grossi son électorat, tout en utilisant les médias pour diaboliser non seulement ses chefs, mais aussi ses électeurs.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Tout à fait !

Mme Nicole Catala.

Ce sont les pyromanes qui crient :

« Au feu ! » ce soir.

A ce stade, en vérité, ce n'est pas vraiment une question préalable qu'on a envie de poser. Ce serait plutôt celle d'un juge : reconnaissez-vous les faits ? Plaidez-vous coupables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean Delobel.

Cette plaisanterie est vraiment énorme !

M. le président.

Le Gouvernement souhaite-t-il intervenir ?...

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Forni, rapporteur.

Je répondrai en quelques mots à Mme Catala. Si j'avais eu l'honneur d'être son professeur et si j'avais eu à noter sa copie, j'aurais écrit dans la marge : « hors sujet », car ses propos n'ont évidemment strictement rien à voir avec le débat qui nous occupe aujourd'hui.

M. Jacques Limouzy.

Il est incroyable d'entendre ça !

M. Raymond Forni, rapporteur.

J'ai d'ailleurs l'impression - impression modeste puisque c'est la mienne - que, depuis quelque temps, l'habitude est prise de parler de sujets qui n'ont aucun lien avec ceux qui sont inscrits à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il serait bon qu'on en revienne à l'essentiel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

Ce qui est aujourd'hui proposé par la commission des lois, c'est la création d'une commission d'enquête sur le comportement d'un groupe, d'une milice...

M. Christian Estrosi.

Les masques tombent !

M. Raymond Forni, rapporteur.

... le DPS, annexe du Front national. Contestez-vous, madame, l'existence de ce groupe et sur ses pratiques ?

M. Christian Estrosi.

Vous en êtes à l'origine. C'est vous qui l'avez fabriqué !

M. Raymond Forni, rapporteur.

Contestez-vous des faits avérés, vérifiés qui, contrairement à ce que vous avez dit, ont fait l'objet, pour certains d'entre eux, de condamnations par la justice de notre pays ? Si c'est le cas, cela signifie - excusez-moi de le dire, ce n'est pas non plus une provocation - que vous voulez couvrir d'un manteau d'une blanche pureté les agissements du Front national.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Non !

M. Christian Estrosi.

Assumez vos responsabilités !

Mme Nicole Catala.

C'est la conséquence de votre attitude !

M. Raymond Forni, rapporteur.

Très franchement, madame, comme je sais que votre intention n'était pas au départ de concurrencer Mme Boutin dans la défense d'une question préalable, je suis étonné des arguments que vous avez utilisés.

Mme Nicole Catala.

Pourtant, ils sont pertinents !

M. Raymond Forni, rapporteur.

Je vous sais suffisamment objective pour reconnaître que ce que la commission des lois propose aujourd'hui est tout simplement de créer une commission d'enquête, à laquelle, je vous le rappelle, vous participerez puisque l'opposition y sera évidemment présente. Vous pourrez faire des propositions.

Vous pourrez suggérer des auditions, y compris sur la réécriture de l'histoire que vous nous avez développée au cours de votre intervention. Il me semble que cette proposition ne devrait pas susciter de débats à l'Assemblée nationale mais au contraire réunir tous les démocrates et les républicains, sur tous les bancs de l'hémicycle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Pas quinze jours après l'adoption du projet de loi sur les élections régionales.

M. le président.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. José Rossi pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. José Rossi.

Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera la question préalable opposée par Mme Catala. Je m'étonne de la position que vient d'exprimer notre rapporteur car j'avais cru comprendre à la fin de son propos, qui était très modéré, que lui-même s'interrogeait sur l'opportunité de la proposition de résolution qui nous est soumise et trouvait que l'on était en droit de se demander s'il s'agissait réellement de lutter contre certaines pratiques que nous condamnons tous.

J'aurai l'occasion de m'exprimer dans la discussion générale sur le fond du sujet, car il y a manifestement matière à s'interroger. Qu'il me soit cependant permis de dire dès à présent que si actes délictueux il y a, il faut faire jouer l'arsenal répressif. En effet si le ministre de l'intérieur a connaissance de certains actes, il peut mettre en route certaines procédures pour les réprimer.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Oui !

M. José Rossi.

... tout comme, et en premier lieu, la justice. Si les faits que vous avez mentionnés sont tellement patents et durent depuis si longtemps, il faut, audelà des procédures judiciaires qui ont été engagées et qui se sont conclues par des jugements pour certaines d'entre elles, en lancer d'autres immédiatement ! Or ce n'est pas de cela qu'il s'agit, aujourd'hui ! Ce qu'il est proposé d'organiser, c'est une sorte de spectacle sur ce dossier. Il ne faut pas oublier qu'il est dans les tiroirs de la commission des lois depuis plus de six mois.

Le Gouvernement a choisi de l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée en dernière limite, les six mois étant sur le point de s'écouler.

M. Raymond Forni, rapporteur.

Il n'y a pas de délai.

M. José Rossi.

Au-delà de ce délai réglementaire, cette proposition risquait de tomber aux oubliettes.

M. Raymond Forni, rapporteur.

Non ! Permettez-vous que je vous interrompe ? monsieur Rossi ?

M. le président.

Non, monsieur le rapporteur, nous en sommes aux explications de vote ! Poursuivez, monsieur Rossi.

M. José Rossi.

Sur le fond, le groupe Démocratie libérale et Indépendants rejoint l'argumentation développée par Mme Catala pour estimer que ce débat est tout à fait inopportun et injustifié.

Nous sommes unanimes à condamner les actes délictueux qui pourraient avoir été commis, s'ils sont vérifiés, mais nous considérons que la police et la justice disposent d'ores et déjà de tous les moyens d'investigation et de sanctions éventuelles nécessaires.

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UDF-Alliance tient à saluer le superbe exposé de Mme Catala. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Elle a rappelé la genèse de la progression du Front national dans notre pays et a situé clairement les responsabilités.

M. Alain Cacheux.

Quelle tristesse !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Evidemment, le débat aujourd'hui prend une tournure un peu particulière. L'actualité nationale et internationale est tellement importante que ce qui nous réunit ce soir n'aura pas, demain matin, la place que peut-être vous aviez souhaité qu'elle eût. Cette discussion, organisée de nuit, sur une courte durée, ne rassemble que quelques parlementaires et se déroule dans l'indifférence générale, puisque la presse n'est pas présente.

M. René Dosière.

Nous ne travaillons pas pour la presse !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous pensiez prendre une décision qui aurait été l'objet de toutes sortes de commentaires dans tous les cafés de France et de Navarre demain matin. Une fois de plus, le Front national aurait pu s'ériger en victime.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

M. René Dosière.

Ne méprisez pas les discussions de café.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Nous refusons cette spirale léonine et scélérate que Mme Catala a décrite avec beaucoup de précision.

Cela vous gêne sans doute mais nous, nous choisissons la voie la plus difficile et la plus courageuse qui consiste à essayer de persuader nos concitoyens qu'ils font une erreur, de montrer que ce n'est pas en s'engageant dans la spirale de la haine, du racisme, de l'antisémitisme, de la désignation de boucs émissaires que nous réglerons les problèmes quotidiens de la société française. C'est cette volonté de persuasion qui nous anime.

Si des faits délictueux ont été commis, et il semblerait que ce fût le cas, que la justice soit saisie et que la garde des sceaux, puisque, heureusement, elle en a encore aujourd'hui le pouvoir, donne le cas échéant les instructions nécessaires ! Et s'il faut aller plus loin, si les faits sont tellement graves et les liens entre le service de sécurité et le parti totalement avérés, que le Gouvernement interdise ce parti.

A chacun son rôle.

Bien sûr, nous souhaitons que le Parlement puisse contrôler le Gouvernement, l'exécutif, l'administration mais ce pouvoir nous a tant de fois été refusé que nous ne pouvons nous empêcher de penser que ce que vous proposez n'est qu'une étape supplémentaire dans une espèce de complicité objective. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF-Alliance soutient avec beaucoup de passion et de fougue la question préalable défendue avec brio par Mme Catala. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.

M. Gaëtan Gorce.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'opposition s'oppose, le Gouvernement gouverne.

M. Jean Besson.

Et la majorité s'écrase !

M. Gaëtan Gorce.

Le Gouvernement s'efforce de gouverner sereinement, l'opposition s'oppose systématiquement et, ce soir - vous me pardonnerez le terme mais je crois qu'il est adapté - de façon outrancière.

M. Christian Estrosi.

Vous êtes des spécialistes !

M. Gaëtan Gorce.

Permettez-moi d'abord de m'interrog er sur les orientations de votre intervention, madame Catala, et donc de l'opposition que vous avez représentée dans ce débat.

Toute votre démonstration bute sur ce paradoxe : vous prétendez condamner l'extrême droite et le Front national, au travers d'une condamnation de la gauche et, en particulier, des socialistes, mais en fait vous les protégez.

Mme Nicole Catala.

Pas du tout !

M. Gilbert Meyer.

N'importe quoi !

M. Gaëtan Gorce.

L'adoption de votre question préalableaboutirait à protéger le DPS, organisation en relation avec le Front national, des investigations d'une commission d'enquête dont la commission des lois a retenu pour le principe au mois de mai dernier et que nous souhaitons diligenter, indépendamment du contexte politique que vous décrivez.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Après avoir institutionnalisé les triangulaires !

M. Gaëtan Gorce.

Eclairée de la sorte, votre intervention apparaît sous un autre jour : vos outrances, vos attaques insensées et même indécentes contre François Mitterrand...

M. Jean-Pierre Baeumler.

Tout à fait !

M. Patrick Devedjian.

Elles sont plus modérées que celles de Rocard ! M. Gaëtan Gorce ... n'ont d'autre explication que votre incapacité et celle de la droite à assumer le problème que vous posent, et depuis longtemps, l'extrême droite et, plus largement, la tentation de passer une alliance avec l'extrême droite, comme certains l'ont fait dans quatre régions françaises tout en la condamnant à Paris. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Limouzy.

C'est un casuiste ! Mme Nicole Catala. Nous n'avons jamais été élus, nous, grâce aux triangulaires ! M. Patrick Devedjian. C'est vous, à gauche, qui êtes élus par le Front national !

M. Gaëtan Gorce.

Rester à l'écart du pouvoir vous est si insupportable que l'idée de revenir au pouvoir avec quelqu'un qui serait fréquentable vous paraîtrait acceptable et presque séduisante.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Après avoir adopté le texte sur les conseils régionaux, vous ne pouvez pas dire cela !

M. Gaëtan Gorce.

Le Front national restera comme un coin planté dans le coeur de la droite, comme une plaie purulente (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) tant que vous n'assumerez pas vos responsabilités vis-à-vis de celui-ci et que vous vous en tiendrez à la thèse selon laquelle le Front national serait le produit, le résultat, le fruit d'une volonté machiavélique de François Mitterrand ou de la gauche au pouvoir.

M. Gilbert Meyer.

Qui a créé le Front national ?

M. Gaëtan Gorce.

Les causes qui font qu'il existe dans ce pays une extrême droite, un racisme, une xénophobie qui s'expriment sur le terrain électoral, et que vous n'hésitez pas d'ailleurs à reprendre dans certaines de vos interventions, ces causes sont malheureusement beaucoup plus profondes, beaucoup plus sérieuses. Tant que vous n'accepterez pas de les examiner en face, vous n'en aurez pas fini avec le Front national. La démocratie non plus, malheureusement ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilbert Meyer.

C'est grâce au Front national que vous êtes majoritaire !

M. Patrick Devedjian.

Quelle est alors l'utilité de cette délibération ?

M. Gaëtan Gorce.

On pouvait aborder ce débat d'une autre manière, éviter les procès d'intention, le rapporteur l'a rappelé. Nous disposons de suffisamment de faits, d'indices, d'événements pour penser qu'une enquête est nécessaire pour savoir si ces faits, ces événements, ces comportements sont le fruit d'une organisation programmée à partir d'un plan existant, ou s'il s'agit, au contraire, d'une série d'éléments que des coïncidences auraient rapprochés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Déférez les responsables au parquet !

M. Gaëtan Gorce.

Nous pouvons craindre, malheureusement, que ces agissements obéissent plutôt à un plan.

Usurpation de fonctions publiques, menaces, écoutes illégales, armement, entraînement de forces armées, tout cela mérite, me semble-t-il, une enquête.

M. Gilbert Meyer.

Les écoutes illégales, parlons-en !

M. Gaëtan Gorce.

Il est normal que la République veuille s'informer, pour se protéger.

Mais si la leçon de vertu républicaine que vous prétendez nous donner est infondée...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Nous ne donnons pas de leçon !

M. Gaëtan Gorce.

... elle est aussi indécente. Vous permettrez à un élu de la Nièvre, à un ancien collaborateur de François Mitterrand, de s'élever contre des attaques qui visent un homme. Il aurait peut-être été justifié qu'elles visent un bilan, une politique, qu'elles mettent en cause des actions...

M. Gilbert Meyer.

Rapprochez-vous de M. Rocard, mon cher collègue !

M. Gaëtan Gorce.

... mais s'attaquer ainsi à une personne, de manière répétée, je ne dirai même pas insidieuse tant les choses sont dites, ne peut que provoquer mon indignation. Vous ne courez pas le risque, madame, que François Mitterrand vous réponde.

M. Patrick Devedjian.

Dites-le à Rocard !

Mme Nicole Catala.

Lisez ce qu'a déclaré M. Quilès. Je n'ai fait que le citer.

M. Gaëtan Gorce.

Moi, je réponds avec colère.

Les propos que vous avez tenus sont tout à fait déplacés.

Au-delà de l'homme et de la période, la manoeuvre est évidente. Vous cherchez à jeter l'opprobre sur un courant politique, sur la gauche tout entière, que vous voulezr endre responsable de vos propres défaillances. La manoeuvre est un peu grosse, si elle n'est pas élégante.

Vous nous permettrez de penser qu'il est relativement facile de la déjouer, simplement en la dénonçant.

M. le président.

Monsieur Gorce, je vous demande de conclure parce que vous avez déjà dépassé les cinq minutes accordées à chaque orateur dans les explications de vote.

M. Gaëtan Gorce.

Vous me pardonnerez cette véhémence, monsieur le président, qui me semble justifiée par ce que j'ai entendu.

M. René Dosière.

C'est intéressant ce qu'il dit !

M. Gaëtan Gorce.

Qui prend, encore une fois, la responsabilité de faire de l'extrême droite une victime sinon ceux qui, au lieu de s'engager dans ce débat sur le fond, comme le rapporteur nous y a invités, ont décidé, en posant cette question préalable, de déplacer le débat sur un terrain politique...

M. Jean-Pierre Baeumler.

Politicien !

M. Gaëtan Gorce.

... qui me paraît douteux, à partir d'une démonstration qui l'était tout autant.

Je suggère, et c'est, je crois, le voeu de l'ensemble de la majorité, que nous rejetions cette question préalable d'un revers de la main - elle ne mérite pas mieux - pour aborder le vrai sujet : la République doit-elle se protéger ? Quelle menace peut représenter pour elle le DPS ? Que l'Assemblée fasse sont travail, comme elle l'a fait sur d'autres sujets. Celui-ci le mérite sans délai. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Claude Gaillard.

Quelle arrogance !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Limouzy, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jacques Limouzy.

Monsieur le président, rassurezvous, je serai bref. C'est préférable sur ces sujets, n'est-ce pas, monsieur Forni ?

M. René Dosière.

Ça commence bien !

M. Jacques Limouzy.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que Mme Catala était hors sujet. Non, elle a dominé son sujet. Je puis vous dire, après trente et une années d'expérience parlementaire, qu'on est toujours un peu hors sujet quand on domine celui-ci et qu'on élève la discussion.

Le groupe RPR va voter la question préalable, pour toutes les raisons qui ont été évoquées ici et parce que c'est Nicole Catala qui l'a exposée.

M. Jean-Pierre Blazy.

Quel argument !

M. Jacques Limouzy.

Je ne veux pas tomber dans la casuistique de l'orateur précédent. Mais permettez-moi de conclure par un voeu : si par hasard - je n'y crois guère le Front national s'effondrait, je souhaite qu'il ne manque pas trop à la gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le président, monsieur le ministre, cette commission d'enquête aurait pu concerner le Front national lui-même, tant il est vrai que le Front national n'est pas un parti comme les autres, se mettant délibérément en marge de la démocratie, utilisant l'intimidation, mais aussi maniant l'injure, le racisme et la xénophobie, collectionnant les condamnations tant en raison de la négation des chambres à gaz que de la négation de l'égalité des races. Mais notre démocratie, c'est sa force comme sa faiblesse, a admis l'existence du Front national.

Bien plus, elle lui donne le droit de toucher de l'argent public.

Notre volonté de ne pas invoquer l'application à l'encontre du Front national des textes relatifs à la reconstitution de mouvements dissous et aux groupes de combat, tant leur maniement est délicat, ne doit pas pour autant nous amener à relâcher notre vigilance.

Le Département Protection Sécurité est le bras armé du Front national. Il est organisé de manière paramilitaire et il ne s'en cache pas. Pour l'instant, il ne se comporte que comme une cohorte prétorienne, protégeant son chef et organisant des équipes musclées. Mais, à l'évidence, les divisions internes du Front national amèneront, et cela a commencé, tensions et oppositions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

Le pouvoir des « porte-flingues » s'annonce. Les purges que le fhrer du Front national a ordonnées ne se feront pas sans mal ni riposte. Comme dans les mafias, les éliminations se feront brutalement. Rappelons-nous la disparition, toujours inexpliquée, de François Duprat, à l'époque opposant de M. Le Pen.

Cette commission d'enquête s'impose. Elle permettra, madame Catala, de connaître les soutiens du Front national, son origine, le rôle joué par le mouvement Occident dont de nombreux membres, madame, sont aujourd'hui membres du RPR, ...

M. Jean-Pierre Blazy.

N'est-ce pas, monsieur Devedjian ?

M. Alain Tourret.

... aux postes les plus élevés, comme i ls ont été membres des autres partis de droite.

MM. Chirac, Balladur et Juppé ont confié les postes ministériels les plus éminents aux membres d'Occident.

Mme Catherine Picard.

Tout à fait !

M. Alain Tourret.

C'est une réalité. M. Mégret appartenait au RPR ! M. le maire de Nice, membre éminent du RPR aujourd'hui, appartenait, il y a très peu de temps, au Front national. Les passerelles existent entre le RPR ou les autres partis de droite et le Front national ; elles fonctionnent dans les deux sens. Personne ne peut le nier.

Qui a parlé des idéaux communs, madame Catala, entre le Front national et le RPR, sinon votre ami M. Pasqua ? Dont acte.

Mme Nicole Catala.

Qui a condamné le Front national ? C'est le Président de la République.

M. Alain Tourret.

Des idéaux communs, nous, nous n'en avons pas ! Avec qui sont alliés MM. Millon, Soisson et Blanc, jadis ministres ou occupant des postes importants à droite ?

M. Patrick Devedjian.

Nous, nous ne fréquentions pas M. Bousquet ! Nous ne fréquentions pas les pourvoyeurs de chambres à gaz !

M. Alain Tourret.

Quels pactes ont-ils signés ? Quels pactes signeront-ils demain alors même que l'élection de M. Millon a été annulée ? Je ne sais si la commission d'enquête nous l'apprendra. Ce que je sais, c'est qu'il est indispensable d'informer la représentation nationale sur les oeuvres et les manoeuvres des fascistes. Nous voterons donc pour la constitution de cette commission d'enquête.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Très bien ! Il y a des choses qu'il faut rappeler.

M. le président.

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Monsieur le président, chers collègues, ce que vient de dire M. Tourret...

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est la vérité.

M. José Rossi.

... pour justifier son vote approuvant la constitution d'une commission d'enquête témoigne à l'évidence de l'intention profonde qui est celle des auteurs des propositions de résolution. Il s'agit bien de faire une opération politique pour dénoncer des alliances supposées avec le Front national.

M. Jean-Pierre Blazy.

Ce ne sont pas des alliances supposées. Ce sont des alliances réalisées !

M. José Rossi.

Cela justifie entièrement le propos de Mme Catala. Vous l'avez d'ailleurs en partie reconnu mesdames, messieurs de la majorité.

Quelques mois après que notre assemblée a été saisie de deux propositions de résolution, celle de M. Aschieri, au nom du groupe RCV, tendant à créer une commission d'enquête pour faire toute la lumière sur les agissements et objets du groupement de fait dit Département Protection Sécurité, et celle de M. Gaïa, au nom du groupes ocialiste, demandant également la création d'une commission d'enquête pour faire le point sur l'organisation et le fonctionnement, les objectifs, les soutiens et les agissements du groupement DPS, nous sommes fondés à nous interroger sur les intentions profondes qui sont les vôtres.

Nous les connaissons désormais, elles ne sont manifestement pas justifiées. Vous disposez aujourd'hui de tous les moyens de lutter contre les actes délictueux qui pourraient être éventuellement commis ou qui, il ne faut pas le nier, ont été commis en certaines circonstances.

Nous sommes tous attachés aux principes de la démocratie, au respect des droits de l'homme et des lois de la République, nous considérons que la sûreté est un droit imprescriptible et inaliénable, qu'il revient à l'Etat d'assurer la préservation de la liberté et de la sécurité de chacun, nous condamnons évidemment tous les actes violents et illégaux, d'où qu'ils viennent, quels que soient leurs auteurs, sur quelque partie que ce soit du territoire national. C'est pour cela, mais cela ne semble pas être votre cas, monsieur le ministre, et c'est curieux, que nous faisons confiance à la police et à la justice de notre pays...

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Bien sûr !

M. José Rossi.

... pour punir les contrevenants et protéger les victimes. La justice, sur ce dossier, a bien fait son métier, si j'ose dire, puisqu'elle a déjà condamné pour arrestation illégale et usurpation de fonction de police judiciaire les auteurs visés par la proposition dont nous débattons ce soir, accusés de contrôles d'identité abusifs.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Absolument.

M. José Rossi.

Pour les actes de violence commis envers d'autres personnes à l'occasion de manifestations publiques, la justice a également eu l'occasion de se prononcer. Nous avons donc le sentiment que, quand les procédures sont mises en route, elles sont opérantes et vont à leur terme.

Regardons maintenant les choses sous un autre angle.

Il y a eu évidemment certain sujets contestables, mais les commissions d'enquête qui ont travaillé dans de bonnes conditions au cours des dernières années, qui ont marqué leur action par l'autorité et le rayonnement de leurs conclusions, étaient souvent présentées comme un instrument indispensable de contrôle de l'action gouvernementale. On a évoqué il y a un instant l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et les articles 140 et suivants de n otre règlement. Selon l'ordonnance de 1958, ces commissions ont pour objet de « recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales », et, selon l'article 140 la proposition de résolution doit

« déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics où les entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion ».

Dans la pratique, si l'on regarde les travaux accomplis par les commissions d'enquête au cours des dernières années, on constate qu'elles ont été créées le plus souvent


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

pour recueillir des informations sur les carences de l'Etat ou ses dysfonctionnements. Ainsi, la commission Novelli sur les aides à l'emploi, qui a eu un grand rayonnement, a mis en évidence les nombreuses incohérences de la politique de l'emploi préjudiciables aux citoyens et aux contribuables. La commission d'enquête sur le Crédit lyonnais, dirigée par notre président de ce soir, a ouvert nos yeux sur la grande légèreté qui avait caractérisé le c ontrôle de l'Etat. Plus récemment, la commission d'enquête sur la MNEF, qu'a proposée M. Goasguen, membre du groupe Démocratie libérale et que vous avez acceptée, a visé à faire la lumière sur l'origine de fonds initialement destinés aux étudiants qui auraient pu être détournés. Or cette mutuelle remplit une véritable fonction de service public pour les étudiants.

Vous le voyez bien, les commissions qui ont eu le plus grand rayonnement, dont l'autorité est certaine, ont eu en réalité pour objet d'éclairer la représentation nationale sur des dysfonctionnements administratifs ou politiques de l'action étatique. Elles n'ont presque jamais pour vocation de se substituer à la police ou à la justice. La preuve, c'est qu'elles ne peuvent en aucun cas porter sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires.

En ce qui concerne le DPS, sommes-nous réellement dans un cas qui puisse motiver la création d'une commission d'enquête ? Le groupe Démocratie libérale ne le pense pas et il le dit très clairement. Le DPS n'est ni un service public ni une entreprise nationale, il n'est pas chargé d'une mission de service public, c'est un organisme de droit privé qui ne bénéficie pas de fonds publics, à l'inverse du parti politique auquel il est lié. Les fait visés par la proposition de résolution ne font l'objet d'aucune précision réelle, contrairement aux exigences posées par les textes, et le rapport, monsieur le rapporteur, fait uniquement état d'agissements allant de l'usurpation de fonctions d'autorité à la voie de fait pure et simple, de comportements qui vont bien au-delà d'interventions « musclées » d'un service d'ordre trop zélé.

Certes, vous citez, sans les détailler, les événements de Montceau-les-Mines et de Mantes-la-Jolie, qui justifieraient la création d'une commission d'enquête, mais, je l'ai déjà souligné, ils me semblent avoir déjà fait l'objet de procédures judiciaires parvenues à leur terme, et on ne voit pas très bien quelle lumière supplémentaire pour-r aient apporter les investigations d'une commission d'enquête parlementaire, à moins de dénigrer le travail déjà réalisé par la justice, ce qui n'est manifestement pas votre intention.

En réalité, cette proposition de création d'une commission d'enquête pourrait ressembler - je n'insiste pas car cela a été longuement développé par Mme Catala - à une manoeuvre visant à alimenter la polémique, à polariser encore une fois l'ensemble du débat politique sur la question du Front national. D'ailleurs, comme par coïncidence, elle arrive à l'Assemblée nationale au moment même où le Gouvernement doit faire face à de réelles difficultés. Quel meilleur atout, quand votre politique rencontre quelques difficultés, que d'agiter une nouvelle fois ce chiffon rouge qui vous a déjà tant rendu de services ? Vous nous accusez un peu dans votre rapport de ne pas assumer nos responsabilités quant à la conduite à tenir vis-à-vis d'un mouvement portant atteinte à la démocratie. Cela a été dit de manière plus percutante encore par l'un des intervenants tout à l'heure. Nous ne voulons pas ce soir cautionner ce que nous considérons comme un véritable montage politique, quand tous les m oyens existent pour préserver la République des attaques dont elle ferait l'objet, et notre position est tout à fait claire. Je rappelle que nous n'avons aucune complaisance pour les mouvements qui commettent des actes délictueux. Comme vous, nous souhaitons que ces actes soient punis sévèrement. Si le groupement considéré agit en violant les lois de notre pays, le Gouvernement a les moyens de sanctionner ces actes et ces agissements. La loi du 10 janvier 1936 portant sur les groupes de combat et les milices privées autorise en effet la dissolution par décret en conseil des ministres des associations considérées comme portant atteinte à l'ordre public et à la démocratie, notamment celles qui provoquent des manifestations armées dans la rue, celles qui ont le caractère d'un groupe de combat ou de milice privée.

Je rappelle que, dans une réponse à une question écrite du 5 février 1998, le ministre de l'intérieur lui-même estimait que les actions des membres du DPS ne conféraient pas à l'ensemble de l'organisation le caractère de groupement de combat ou de milice privée. Il excluait dont la voie de la dissolution administrative. Cependant, il ajoutait aussitôt qu'il fallait privilégier les procédures judiciaires. Nous y sommes nous aussi favorables. Si des malversations ont eu lieu, il revient au ministère public d'engager des poursuites contre les auteurs de tels agissements. Par ailleurs, le nouveau code pénal contient une incrimination spécifique pour les groupes de combat définis comme tout groupement de personnes détenant des armes ou y ayant accès, doté d'une organisation hiérarchisée et susceptible de troubler l'ordre public. A la fin de sa réponse, le ministre de l'intérieur indiquait que l'organisation concernée devait faire l'objet d'une attention particulière.

Dès lors, nous nous en remettons à vous, monsieur le ministre. S'il est nécessaire de réprimer, c'est de votre responsabilité et de celle de la justice, pas de celle du Parlement. Si, au contraire, rien ne justifie la sanction, nous ne voyons pas au nom de quoi cette commission d'enquête devrait voir le jour.

Permettez-nous encore une fois de dénoncer l'ambiguïté de la démarche qui a été initiée par les auteurs de la proposition de résolution. Vous êtes la majorité, vous êtes le gouvernement de la France, vous disposez de la police, du ministère public, qu'attendez-vous pour agir au lieu de vous défausser sur une commission d'enquête alibi ?

M. Claude Gaillard.

Eh oui !

M. José Rossi.

Cette commission d'enquête, vous allez la mettre en route puisque vous êtes majoritaires. Quant à nous, au groupe Démocratie libérale, nous ne voulons pas prendre part à une procédure de cette nature. Nous ne voterons pas contre, nous ne nous abstiendrons pas, nous ne participerons pas au vote car nous désapprouvons la méthode même que vous employez.

Mais attention ! Si vous décidez de créer cette commission d'enquête, nous allons y participer car, à partir du moment où une commission d'enquête est mise en route, les membres de l'opposition comme ceux de la majorité ont le devoir d'y participer. Il serait cocasse que l'on se rende compte, si les choses sont plus graves qu'on ne le pensait, que ce sont les services de l'Etat eux-mêmes qui n'ont pas fait leur travail et que les responsabilités qui devaient être celles de la police ou de la justice n'ont pas été assumées, ce que nous ne pensons pas puisque, quand il y avait lieu de le faire, les procédures ont été engagées et les condamnations prononcées.

Alors, d'une manière ou d'une autre, à quoi tout cela sert-il sinon à organiser le spectacle que j'évoquais tout à l'heure ? Nous en faisons assez dans ce domaine, si je peux me permettre de le dire. N'en rajoutons pas et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

ramenons l'Assemblée nationale et le Parlement tout entier aux sujets qui intéressent les Français au quotidien.

Soyez plus proches, les uns et les autres, de la vie locale, de la vie quotidienne de nos concitoyens et ne les détournez pas des problèmes qui les angoissent parfois sur des sujets bien plus graves que ceux que nous évoquons ce soir, si toutefois, bien sûr, les services compétents, police et justice, assument les responsabilités qui sont les leurs, car, dans notre Etat, grâce à Dieu, nous avons encore les moyens de faire respecter la loi quand nous le voulons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale, du groupe Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques instants, nous serons appelés à nous prononcer sur la création d'une commission d'enquête destinée à faire le point des agissements du groupement appelé Département Protection Sécurité, organisation chargée de maintenir l'ordre et la sécurité, en particulier lors des manifestations du Front national.

Nous aurons à le faire avec courage et détermination dans le cadre de nos prérogatives. Chacun d'entre nous doit être aujourd'hui parfaitement en mesure d'apprécier l'ampleur de la tâche qui sera la nôtre, et je ne vous déroulerai pas ce soir le film de notre mobilisation. Il aurait été à coup sûr plus respectable et plus noble que celui qui vient de nous être livrée sans aucune conviction.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Allons donc !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Il s'agit donc de chercher à expliquer dans quelle mesure des actions à maintes fois constatées, dont les principales ont eu lieu à Strasbourg, Mantes-la-Jolie, Montceau-les-Mines et, plus largement, chaque fois que des manifestations sont organisées pour protester contre les meetings du Front national, ont pu être possibles.

Existe-t-il derrière les images que la télévision nous jette en pleine figure un groupement susceptible de contrevenir à la loi de 1936, toujours applicable, qui s'intéresse aux organisations à caractère de groupe de combat ou de milice privée ? Existe-t-il derrière les propos, analyses, réflexions rapportés par la presse ou même derrière ceux d'un certain nombre de personnes ayant peu ou prou trouvé un accueil au sein de ce groupe une organisation structurée et hiérarchisée ? La commission se propose de trouver les réponses à ces questions. Elle se justifie au regard du seul impératif démocratique qui est le nôtre et qui aurait pu être largement partagé dans cet hémicycle sans considération politicienne, mise à part, bien entendu, celle de Mme Catala et de ses amis.

Mme Nicole Catala.

Elle fait mal, mon intervention !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

La réflexion permanente, le questionnement à long terme sur ce sujet m'apparaissent désormais de plus en plus dangereux, et il est temps de se pencher sur ce DPS, de mesurer les moyens mis à sa disposition, comme les soutiens dont il peut bénéficier.

S'il porte atteinte à l'ordre public, s'il tombe sous le coup de la loi de 1936, il y aura alors nécessité de prendre les mesures qui s'imposent. Si tel n'est pas le cas, nous devrons en faire le constat sans pour autant cesser d'être vigilants à l'égard de ses agissements. Dans tous les cas, le Parlement aura fait son travail et son devoir. A l'heure où certains regrettent que les parlementaires semblent avoir des pouvoirs de plus en plus limités, prendre la fuite sur un tel sujet m'apparaîtrait criminel au regard des enjeux démocratiques et républicains qu'il représente.

En proposant ce texte, l'Assemblée nationale fait donc son travail, quoi qu'en pensent celles et ceux qui recherchent la polémique permanente et qui veulent s'emparer d'un tel sujet pour jeter l'opprobre sur les parlementaires, en particulier ceux de gauche.

Pour ma part, j'ai conscience, avec mes collègues socialistes, d'accomplir mon devoir, de prendre mes responsabilités en proposant de mener ces investigations dans le but d'éclairer chacun d'entre nous, mais aussi tous les citoyens sur un sujet qui, s'il n'est pas abordé en toute transparence et impartialité, s'il n'est pas jugé sur des pièces, risque d'amener notre pays à connaître des situations contraires à l'esprit républicain. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai la proposition de création d'une commission d'enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Quel est l'objet de cette commission d'enquête ? Ce n'est pas d'obtenir les moyens nécessaires pour dissoudre le Front national. Autrement, vous n'auriez pas mis en cause le seul DPS. Il est indissoluble du Front national, partie prenante de son organisation. Vous vous êtes contenté de centrer votre demande sur lui et pas sur le Front national. Pourquoi ? L'action que vous voulez conduire peut-elle aboutir à un résultat ? De deux choses l'une : ou bien la commission d'enquête pourra découvrir des infractions susceptibles d'être le support juridique d'une application de la loi du 10 janvier 1936, ce qui permettra de prononcer la dissolution, ou bien elle ne constatera aucune infraction, et on ne voit pas l'intérêt de ses travaux. Dans ces conditions, on ne voit pas non plus l'intérêt de la commission d'enquête.

Le Gouvernement dispose, par sa police, de moyens d'investigation considérables, et la seule chose en cause - et c'est une chose très importante -, c'est l'applicabilité de la loi du 10 janvier 1936 : le Gouvernement peut-il prononcer en conseil des ministres la dissolution du Front national ou, au moins, du DPS ? La question mérite d'être examinée de près.

On sait par un certain nombre de jugements qui ont été rendus que des milices existent et qu'elles ont commis des infractions, réprimées comme telles par la justice. Des moyens juridiques existent donc d'ores et déjà. Des enquêtes de police, des jugements rendus par des juridictions établissent qu'un service d'ordre a commis des infractions. Vous disposez d'ores et déjà, si vous en avez la volonté politique, des moyens de prononcer la dissolution. La commission d'enquête n'a donc en aucun cas pour objet de conduire à l'application de la loi du 10 janvier 1936.

Encore une fois, elle ne pourra pas constater d'infractions : elle devra se dessaisir automatiquement si jamais elle tombe dessus. Si elle n'en constate pas, ses travaux ne serviront à rien. Par ailleurs, le Gouvernement dispose, lui, des moyens de constater les infractions. Il y en a eu.

Il dispose des moyens de les recenser, et elles peuvent servir de support juridique à l'applicabilité de la loi du 10 janvier 1936.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

Dans ces conditions, vous vous moquez de nous en nous proposant cette commission d'enquête qui était dans les tiroirs de la commission des lois depuis six mois et que, fort opportunément, vous inscrivez à l'ordre du jour au moment où le Front national est soumis à de graves turbulences au point que les vrais démocrates peuvent espérer qu'il va au moins se couper en deux. C'est l'espérance de tous ceux qui n'ont pas été élus grâce à lui, monsieur Queyranne, grâce au maintien du Front national dans une triangulaire.

M. Alain Fabre-Pujol.

Les amis de M. Millon vont être désespérés.

M. Patrick Devedjian.

Vous sortez opportunément cette proposition destinée à agiter le Landerneau. Quelle peut être sa finalité ? De créer une espèce de mouvement d'union sacrée entre les deux protagonistes dont nous espérons tous que, vu leur tempérament et ce qu'on a déjà entendu, ils vont arriver aux extrêmes. Vous, vous agitez une menace, d'ailleurs fallacieuse, qui doit les inciter à se réunir et à mettre fin à leurs divisions.

Monsieur le ministre, je vous propose une solution beaucoup plus simple : si la division du Front national vous dérange tant que ça, organisez une mission de bons offices pour réconcilier Mégret et Le Pen, parce que c'est ça le véritable objet de la commision d'enquête. C'est uniquement d'agiter une pseudo-menace devant les protagonistes en leur disant : réunissez-vous devant le péril, faites face en commun, et arrêtez surtout de vous diviser ! C'est la raison pour laquelle vous avez mis ce texte à l'ordre du jour au moment le plus violent de la crise.

Mme Nicole Catala.

Et oui !

M. Patrick Devedjian.

Et vous nous demandez, en nous donnant des leçons de morale, de cautionner cette pantalonnade ! Nous n'allons pas tomber dans ce panneau ! Quarante et un députés de gauche dont vous-même, monsieur Queyranne, ont été élus dans une triangulaire grâce au maintien du Front national au deuxième tour. Vous avez beaucoup trop intérêt à ce que le Front national soit puissant pour vouloir réellement sa disparition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Du reste, les conditions d'application de la loi de 1936 sont d'ores et déjà réunies.

Mettez donc vos actes en accord avec vos discours. Si vous voulez vraiment interdire le Front national et le DPS, faites-le, mais tout de suite. Vous en avez les moyens. En attendant, nous ne nous prêterons pas à cette pantalonnade et nous ne prendrons pas part au vote.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Grasset.

Quel courage !

Mme Catherine Picard.

Ce n'est pas du courage, c'est de la méchanceté !

M. le président.

La parole est à M. Guy Hermier.

M. Christian Estrosi.

Un stalinien à la tribune !

M. Guy Hermier.

Ceux qui font alliance avec le Front national feraient mieux de se taire !

M. Christian Estrosi.

Parlez-nous triangulaires !

M. Guy Hermier.

Monsieur Estrosi, si on vous avait laissé faire, vous auriez fait alliance avec le Front national en Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Mme Catherine Picard.

Monsieur Estrosi, vous n'avez de leçons à donner à personne, ici !

M. Guy Hermier.

Vous étiez un chaud partisan de cette alliance. Alors, s'il vous plaît, taisez-vous ! Nous n'avons pas de leçons à recevoir de votre part.

Mme Catherine Picard.

Estrosi, le « motodidacte » !

M. Christian Estrosi.

Vous êtes un spécialiste des alliances !

M. Guy Hermier.

Ça vous fâche, vous devenez tout rouge ! C'est pourtant la vérité. Vous auriez mieux fait de ne pas être présent ce soir ou de vous taire !

M. Christian Estrosi.

Lisez votre papier, monsieur Hermier ! Vous n'êtes pas capable d'improviser !

M. Guy Hermier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, le groupe communiste votera pour la création d'une commission d'enquête parlementaire sur le Département Protection Sécurité, le fameux DPS du Front national.

Pour ma part, je m'en tiendrai strictement à l'objet de notre débat.

M. Christian Estrosi.

C'est L'Humanité qui a écrit son intervention !

M. Guy Hermier.

Je ne suivrai pas Mme Catala dans cette sorte de vaste rétrospective historique qu'elle a tracée dans sa question préalable, qui appellerait bien des débats...

Mme Nicole Catala.

Je vous écoute avec intérêt !

M. Guy Hermier.

... mais qui l'a conduite à une terrible contradiction : présenter le RPR et son chef,

M. Chirac,...

Mme Nicole Catala.

Il a condamné récemment encore le Front national !

M. Guy Hermier.

... comme les fers de lance du combat contre le Front national, et nous demander ce soir de ne pas nous inquiéter, demander à la représentation nationale de ne pas se doter des pouvoirs d'investigation dont elle peut disposer...

Mme Nicole Catala.

Il y a la police !

M. Guy Hermier.

... pour mesurer si le DPS, ce n'est pas la constitution d'une organisation paramilitaire, d'une milice, qui menace aujourd'hui et pourrait peut-être menacer plus encore demain notre démocratie.

Mme Nicole Catala.

Que la police fasse son travail ! Que Mme la garde des sceaux donne des instructions ! Elle peut le faire !

M. Guy Hermier.

Ne vous en déplaise, madame Catala, si vous êtes prêtes à ce point à lutter contre le Front national, faites en sorte que la représentation nationale puisse jouer dans ce domaine tout son rôle ! La commission des lois a examiné les deux propositions de résolution le 14 mai dernier et ce débat était prévu à l'ordre du jour de notre assemblée depuis quelques semaines déjà. Il est vrai que, depuis dimanche, le Front national est sous les feux de l'actualité mais repousser ce débat ou même ne pas mettre en place la commission d'enquête, comme vous l'avez suggéré, serait apparu comme une sorte de complaisance à son égard. Pour notre part, nous n'avons jamais eu et nous n'aurons jamais de complaisance à l'égard du Front national.

Cette question du DPS nous préoccupe depuis longtemps déjà.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

C'est ainsi qu'il y a un an, le 10 décembre 1997, mon ami Georges Hage a adressé une question écrite au ministre de l'intérieur pour lui demander une enquête sur l'organisation et les agissements de ce qui est présenté comme un simple service d'ordre.

En effet, des actes délictueux commis par des membres du DPS, des témoignages de personnes agressées, les reportages les plus divers ont ému l'opinion publique et fait craindre la constitution, sous couvert d'un service d'ordre d'une formation politique, d'une organisation p aramilitaire, d'une milice pouvant représenter une menace pour la démocratie.

Notre groupe, vous le savez monsieur le ministre, est profondément attaché à l'indépendance des partis politiques, des organisations syndicales, des associations, condition première d'une démocratie pluraliste garantie par notre Constitution. Pour exercer cette liberté, ces organisations assurent normalement le service d'ordre des manifestations qu'elles organisent. Mais ce service d'ordre n'a pas de caractère permanent ; il est le plus souvent composé de militants bénévoles, occasionnellement mobilisés pour des initiatives bien précises, qui veillent à assurer la sécurité et la tranquillité.

Or d'après les informations dont on peut disposer, il n'en irait pas du tout de même pour le Département Protection Sécurité du Front national. Ces informations laissent penser que le DPS serait organisé sur un mode paramilitaire, qu'il dispenserait une formation au combat et disposerait d'armements non autorisés.

Le DPS ferait appel - il faudra le vérifier - à 3 000 volontaires au moins dont 1 700 appelés régulièrement, avec port de l'uniforme et d'insignes distinctifs.

Le DPS serait par ailleurs organisé de manière hiérarchique avec six zones dirigées par des coordinateurs qui contrôleraient vingt-deux responsables régionaux, contrôlant eux-mêmes quatre-vingt-quinze responsables départementaux.

Il semble enfin que le DPS ait recours à des équipes spécialisées pour les interventions « musclées » - comme tout le monde a pu le voir à la télévision lors de la réunion publique que le Front national a tenue à Montceaules-Mines le 25 octobre 1996. Le DPS était alors équipé de casques et de boucliers anti-émeutes, de cagoules et de matraques, de bombes lacrymogènes et incapacitantes, comme l'a fait remarquer notre collègue Didier Mathus au ministre de l'intérieur lors de la séance du 30 octobre 1996.

Dans certains cas, le DPS n'hésiterait pas à se substituer à la force publique et à en usurper les fonctions, comme on l'a vu lors du congrès du Front national à Strasbourg en mars 1997 où des membres du DPS se sont fait passer pour des policiers.

Le DPS aurait également des tâches de renseignement interne et externe. Selon l'ancienne centrale unitaire de la police, il ne ferait aucun doute que le DPS disposerait d'un fichier des anti-Front national. Des témoignages d'opposants au Front national et même d'anciens membres de ce mouvement, qui sont entrés en dissidence, semblent l'attester.

Enfin, le DPS propagerait parmi ses membres des thèses encourageant la discrimination, la haine de l'autre, la violence. De nombreuses affaires qui ont été déjà rappelées à cette tribune tendent à le montrer, comme les violences, les agressions impliquant des membres du DPS, à Mantes-la-Jolie notamment.

La gravité de ces faits a conduit nombre d'associations, d'élus, de personnalités, de citoyens à demander l'application des lois en vigueur, et vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, qu'il s'agisse de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées qui autorise la dissolution des associations considérées comme portant atteinte à l'ordre public et à la démocratie, ou bien des articles du code pénal incriminant la participation au maintien ou à la reconstitution d'un mouvement d issous, ou enfin des dispositions introduites en 1992 dans le nouveau code pénal relatives à la participation à un groupe de combat, même non dissous, entendu comme un groupement de personnes détenant ou ayant accès à des armes, doté d'une organisation hiérarchisée et susceptible de troubler l'ordre public.

Dans sa réunion du 14 mai dernier, la commission des lois a estimé - je cite le compte rendu de cette séance que « des investigations approfondies destinées à faire la lumière sur l'organisation, le fonctionnement et les activités réelles du DPS étaient nécessaires afin de déterminer si sa nature et ses missions le différenciaient fondamentalement d'un service d'ordre licite pour le rapprocher d'un groupement interdit par la loi ». Tel est, je crois, le problème de fond que la commission d'enquête aura à étudier, n'en déplaise à la droite.

En conséquence, la commission a proposé, suivant en cela les parlementaires qui l'avaient demandé, la constitution d'une commission d'enquête parlementaire dont la composition pluraliste et les méthodes de travail - la droite a suffisamment demandé au cours des débats sur le PACS des méthodes de travail permettant de larges auditions - assureraient une approche du dossier fiable et impartiale.

Monsieur le ministre, notre groupe suivra les conclusions de la commission. Il est favorable à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'organisation, le fonctionnement, les objectifs, les soutiens et les a gissements du groupement Département Protection Sécurité. Il participera activement à ses travaux, avec un double souci d'impartialité et de vigilance républicaine.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, enquêter, contrôler sont des objectifs à atteindre pour revitaliser le rôle de l'Assemblée nationale comme celui du Sénat. Et lorsqu'on est un nouveau parlementaire, on s'étonne de ne pas avoir plus de pouvoirs, ou qu'ils ne soient pas davantage exercés.

A priori, renforcer, dans le cadre des règles démocratiques, le rôle de contrôle du Parlement sur le Gouvernement, sur l'exécutif, sur l'administration, sur la vie publique, pourquoi pas ? Mais on se heurte à deux objections. La première, c'est que sur des sujets très importants, nous, l'opposition, nous l'avons demandé à la majorité plurielle de cette assemblée qui nous l'a refusé.

Au sein de la commision des lois, j'ai fait partie de ceux qui ont souhaité, au moment de la régularisation des sans-papiers, la création non pas d'une commission d'enquête, mais d'une mission d'information, pour étudier comment, département par département, préfecture par préfecture, se posait la question, pour vérifier si l'unité de la République était bien respectée, mais peutêtre aussi pour faire apparaître des problèmes que vous avez aujourd'hui à traiter, monsieur le ministre, et qui


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tiennent à la situation des personnes présentes sur le territoire national sans avoir été régularisées. Le travail de cette mission d'information aurait peut-être été utile au Gouvernement et à la réflexion de l'Assemblée nationale.

C'eût été normal. Mais c'était l'opposition qui le proposait, et vous l'avez réfusé.

Aujourd'hui, il s'agit du Front national et du DPS, et cela légitime tout. Cet argument serait recevable, mes chers collègues de la majorité, si vous n'aviez pas adopté, il y a quelques jours, la loi relative aux conseils régionaux, loi totalement indigne de notre démocratie.

Comme l'ont dit certains députés de l'opposition, par cette loi vous institutionnalisez les triangulaires. Par cette loi, vous menacez l'unité de la République, car la création d'une circonscription régionale permettra à des listes départementales de s'opposer avant de fusionner au deuxième tour.

D'une certaine manière, nous ne pouvons donc pas accepter la leçon de vertu républicaine que vous voulez nous donner alors que, il y a quinze jours, vous avez mis le Front national au coeur de la vie politique française et des futures élections régionales.

Pourtant certains sujets devraient pouvoir nous rassembler. Les lois électorales font partie des dispositions qui devraient faire l'objet d'un accord unanime.

Une étude sur le Front national que nous combattons, une enquête sur le DPS dont l'attitude est visiblement contraire aux lois de la République, puisque des faits commis par certains de ses membres ont déjà fait l'objet de décisions de justice, devraient effectivement pouvoir nous rassembler. Mais le comportement de la gauche ces dernières années, et il y a quinze jours encore, ne nous permet pas ce rassemblement, cette unité. Votre cynisme est de plus en plus perceptible. Au lieu de vous attacher à faire reculer les motifs d'exaspération de nos concitoyens qui les conduisent vers l'extrémisme, vers le refus, vers la négation, vous adoptez des mesures qui sont des étendards de la provocation.

Etait-il urgent, au moment de la constitution du nouveau gouvernement, d'entreprendre à nouveau une modification du code de la nationalité ? Etait-il nécessaire, alors qu'une sorte de point d'équilibre et d'accord républicain étaient établis au sein de la communauté nationale, d'attaquer bille en tête ce sujet qui n'était pas une urgence sociale et qui ne réglait aucune situation d'exaspération, aucun problème de cohabitation dans certains quartiers de nos villes ou au sein de certaines communautés ?

Mme Nicole Catala.

Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous avez brandi les étendards de la provocation...

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est vous qui faites de la provocation !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... en tendant ensuite le filet électoral pour ramasser les voix.

Mme Nicole Catala.

Très juste !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le courage aujourd'hui, c'est de dire à nos concitoyens que prêcher la haine et l'exclusion, jeter des anathèmes, désigner des boucs émissaire à la vindicte populaire ne sont pas des remèdes pour notre société.

Le courage, pour parler de l'actualité brûlante, c'est de dire que certains accords n'auraient pas eu les mêmes effets électoraux s'ils avaient été non pas souterrains mais déclarés et officialisés.

M. Bernard Grasset.

Vous parlez de la Picardie ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le courage, c'est de dire à nos concitoyens, à notre électorat - puisque chacun a le sien - que les accords et les alliances avec le Front national ne font pas le jeu de la droite, mais celui de la gauche.

M. Bernard Grasset.

Et Millon ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Il n'est pas facile de tenir ce genre de propos, vous vous en doutez, mes chers amis, nous qui travaillons tous dans nos circonscriptions en étant plus proche possible de nos concitoyens. Sur le terrain, les élus de droite qui n'ont pas conclu d'accord avec le Front national se voient tenus pour responsables d'avoir fait perdre des régions à la droite. On nous envoie assez souvent à la gueule - il n'y a pas d'autres termes :

« Vous avez livré votre région à la gauche ! » Le courage face à ce genre de comportements, c'est tout simplement d'éclairer le jeu que la gauche a souvent pratiqué avec le Front national.

Tout d'abord, comme l'a expliqué Nicole Catala, en menant une politique de provocation qui heurte le bon sens. Ensuite, en ne traitant pas les problèmes concrets de nos concitoyens. Il faut pourtant savoir faire un tri dans les propos des électeurs, y compris ceux du Front national. Il y a, d'une part, l'exaspération recevable, le cri lancé à cause des problèmes qui ne sont pas traités ou qui devraient l'être davantage et, d'autre part, les idées contre lesquelles, avec beaucoup de force, de résolution, nous devons avoir le courage de mener un combat.

Il y a donc une spirale, une politique de provocation, qui nourrit le Front national ; elle consiste à ne pas régler les problèmes concrets et à tendre ensuite le filet électoral.

Face à ce sujet qui nous préoccupe, nous pouvons créer une commission d'enquête parlementaire, c'est possible du point de vue légal. Mais pourquoi ne pas retenir la solution bien préférable et beaucoup plus efficace, selon moi, qui consiste à faire confiance à nos institutions, à la justice de notre pays, à la police et la gendarmerie ? Rien ni personne n'est au-dessus des lois. Il appartient donc, le cas échéant, au procureur d'engager des poursuites et d'ouvrir une enquête préliminaire ; les informations dont peuvent disposer le ministre de l'intérieur ou le garde des sceaux devraient donc être transmises à la justice.

Je pense que c'est le meilleur moyen pour traiter cette délicate et difficile question. Il ne faut cependant pas qu'il y ait d'ambiguïté. Nous combattons bien évidemment les comportements délictueux qui ont été constatés, mais à chacun son rôle. Il nous appartient, à nous, élus, de nous battre sur le terrain de l'action politique, du combat d'idées, d'essayer de convaincre nos concitoyens quand ils sont dans l'erreur, d'avoir le courage de le leur dire, mais aussi de savoir les écouter, c'est-à-dire de savoir trouver les solutions répondant à leurs préoccupations concrètes. A nous de jouer notre rôle de force de proposition, d'action, de persuasion, d'innovation.

Ne nous réjouissons pas trop vite aujourd'hui des divisions constatées au sein du Front national, parce que leur résultat le plus évident, ou le plus immédiat, sera de créer des frustrations et des exaspérations supplémentaires qui nourriront une fois de plus la cohésion et la solidarité de ses membres.

Monsieur le ministre, devant cette proposition parlementaire, nous devrions vous dire : « Messieurs de l'exécutif, traitez vos affaires, nous traitons les nôtres ! », nous


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devrions être heureux de faire jouer ce pouvoir et d'agir tous ensemble. Mais, il y a quinze jours, le Gouvernement et la majorité ont adopté, en urgence, une loi relative aux élections régionales qui discrédite totalement votre volonté et qui constitue une étape supplémentaire dans le processus décrit par Nicole Catala.

Le système que nous avons proposé était simple. Il visait, au lieu d'institutionnaliser les triangulaires, à permettre qu'il y ait une sorte de duel au deuxième tour, projet contre projet, programme contre programme, républicains de droite contre républicains de gauche. Si, en deuxième lecture, vous reveniez sur ce texte, si vous recherchiez un accord républicain sur les modes de scrutin, peut-être oublierions-nous la spirale de responsabilités ; car, avant 1981, le Front national ne paralysait pas la vie politique française.

Mme Nicole Catala.

C'est vrai !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Une poignée d'extrémistes existaient dans notre pays et, malheureusement, ils existeront toujours ; mais ils étaient très marginaux.

Aujourd'hui, le problème n'est plus celui-là. Il nous appartient donc, à nous, élus, de mener le combat des idées et, à la justice, à la police et à la gendarmerie de faire face à d'éventuels comportements délictueux et d'effectuer leur travail, sous votre autorité, monsieur le ministre, et sous celle des autres ministres concernés.

C'est la raison pour laquelle le groupe UDF, qui ne se dégage d'aucune responsabilité, qui tient à manifester sa volonté dans le combat politique contre l'extrémisme, ne participera pas à ce vote, faisant confiance à la justice de notre pays pour résoudre les problèmes qui surgissent parfois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Raymond Forni, rapporteur.

Courage, fuyons !

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais quant à moi me réjouir que cette commission d'enquête puisse enfin voir le jour, car cela n'a pas été si simple.

Je m'en félicite d'autant plus, au nom des députés Verts et de nombre de mes collègues du groupe RCV, que nous avions déposé ce projet de résolution dès le 6 mars dernier.

En effet, si la République garantit à chacun, individuellement aussi bien que collectivement, le droit d'expression, y compris le droit de contester, celui-ci doit respecter les principes de souveraineté nationale et de démocratie. Elle ne saurait pour autant tolérer, sous couvert d'une formation politique légale, la constitution d'organisations de type paramilitaire, même si on peut également se poser la question de la légalité du Front national ; mais c'est là un autre débat.

Je ne reviendrai pas sur tous les faits incriminés, largement évoqués par ailleurs, et qui méritent une investigation de notre part.

Dans un souci de vigilance, il apparaît nécessaire de faire la lumière sur les agissements du groupe de fait dit DPS, d'établir si celui-ci ne tombe pas sous le coup de la loi du 10 juillet 1936 relative aux groupes de combat et aux milices privées, mais aussi de savoir comment son activité a pu être possible.

La loi de 1936, votée à la suite des événements de février 1934, s'est appliquée aux ligues, par exemple aux Camelots du roi ou aux Croix de feu, et, plus récemment, en 1985, au FANE, accusé de « propager une idéologie antisémite, raciste et pronazie », et, en 1993, au HVE, qui présentait « les caractères d'un groupe de combat ».

En tant qu'écologistes, nous sommes bien sûr héritiers d'une certaine tradition contestataire, mais nous nous inspirons tout autant des principes de la non-violence. Particulièrement réfractaires à toute idée de censure des idées ou des manifestations, nous pensons que c'est la force de la démocratie d'accepter leurs différentes expressions, même lorsque celles-ci nous heurtent profondément, à condition, toutefois, qu'elles ne mettent pas en cause la sécurité et n'incitent pas à la violence.

Ce qui est intolérable, en effet, c'est que ce type de groupement fasse peur à nos concitoyens. Lorsque certains jeunes, à la peau mate ou pas, hésitent à passer leurs vacances dans certaines villes de France ou à assister à un match de football disputé par leur équipe parisienne préférée, ou encore à une manifestation, où est la sécurité que tout habitant de ce pays est en droit d'attendre de nos institutions ?

M. François Goulard.

Que fait la police ?

Mme Marie-Hélène Aubert.

N'est-ce pas la fonction régalienne la plus primaire et la plus indispensable de l'Etat ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Si !

Mme Marie-Hélène Aubert.

C'est pour ces raisons que mes collègues et moi-même approuvons la création de cette commission d'enquête. Nous souhaitons vivement qu'elle puisse faire son difficile travail jusqu'au bout.

C'est une oeuvre de salubrité publique et je répondrai à M. Donnedieu de Vabres que le cynisme consisterait à ne rien faire.

Cependant, cette commission d'enquête, si elle est nécessaire, n'est pas suffisante pour faire reculer le Front national. C'est la force et la clarté de nos convictions, y compris sur le problème de l'immigration, la rénovation de la démocratie, et surtout l'efficacité concrète des politiques publiques que nous sommes capables de mettre en place pour lutter contre le chômage et la pauvreté, dans le respect des engagements pris devant les électeurs, qui permettront réellement de renvoyer le Front national à ce dont il n'aurait jamais dû sortir : la marginalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. François Goulard.

Merci, Mitterrand !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Grasset.

M. Bernard Grasset.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en écoutant le remarquable propos de Mme Catala, j'ai bien senti qu'il s'agissait d'une comédie, en quatre actes, et non d'une tragédie classique.

Quand je l'ai entendue citer, comme dans une litanie, le nom de François Mitterrand, j'ai pensé que, comme ce fut le cas de certain roi, elle le trouvait encore plus grand mort que vivant. Quant à sa conclusion, c'était une conclusion à la Molière : « Et voilà pourquoi votre femme est muette ! ».

M. François Goulard.

Votre fille ! Mais la fille a grandi !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

M. Bernard Grasset.

Rien, dans son exposé, qui est pourtant celui d'un professeur de droit, n'était dans le sujet. Je reviendrai donc au sujet.

Que ce soit sur un stade, lors d'une réunion publique ou d'une manifestation autorisée sur la voie publique, toute association, tout syndicat, tout mouvement politique utilise, pour la bonne marche de son organisation, des adhérents ou des militants chargés de maintenir l'ordre et la sécurité, sans pour autant que ce groupe se substitue à la force publique.

Mais dès lors qu'un mouvement utilise un groupe d'individus organisés dans une structure du nom de Département Protection Sécurité, organisés militairement, revêtus d'un semblant d'uniforme et utilisant souvent des armes par destination, il est permis de se demander si l'on ne passe pas insensiblement du service d'ordre d'une manifestation à une protection musclée et provocante émanant d'un parti politique qui prétend par ailleurs participer à la vie démocratique de notre pays. Nous avons connu, il y a quelques années, le service d'action civique et ses dérives meurtrières.

De nombreux incidents ont émaillé les actions de ce service d'ordre du Front national, allant de l'usurpation de la fonction d'autorité à des voies de fait caractérisées.

Il me paraît nécessaire de connaître la réalité de ces comportements et de ces activités qui, s'ils étaient avérés, seraient graves. Aussi, tout en reconnaissant que deux séries de dispositions relatives aux mouvements dissous ou à la participation à un groupe de combat peuvent, sinon apporter un début de réponse, du moins permettre la sanction de tels méfaits, il est utile que nous sachions tous exactement à quoi nous en tenir quant à l'activité du DPS.

Il ne s'agit pas de pénaliser le service d'ordre d'un mouvement politique dès lors qu'il accomplit sans violences et sans provocations la mission qui lui est impartie.

Il s'agit de collationner et de vérifier les informations relatives aux débordements du DPS, en faisant le point sur son organisation, ses objectifs, ses soutiens et ses agissements.

Si l'enquête ne donne pas lieu à la constatation de faits répréhensibles, nous ne pourrons que nous en réjouir.

Si, à la lumière de graves incidents répétés, nous constatons que ce service d'ordre, véritable police privée au service d'une formation politique, agit dans un but de déstabilisation et en dehors du cadre légal, nous pourrons alors faire appel aux lois et règlements réprimant de tels agissements.

L'histoire ne se répète pas, elle bégaie parfois, et

Mme Catala nous en a donné l'éclatante démonstration.

Déjà, en 1936, la même droite, sur les mêmes bancs, accusait Léon Blum de faire le jeu des ligues. C'est aujourd'hui le même jeu : pour lutter contre le Front national, il ne faut surtout pas enquêter sur le DPS.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Nous n'avons jamais dit cela !

M. Bernard Grasset.

Pour réduire le Front national, il faut agiter les mêmes fantasmes sécuritaires anti-immigrés et homophobes, opposer la bonne cuisine française à la mauvaise cuisine étrangère. Qui, déjà, a parlé de ces cages d'escalier où ça sentait mauvais ? M. Peyrat, qui est des vôtres et qui fut des leurs, l'a bien compris : pour réduire le Front national, il faut faire comme lui, mais en un peu plus chic.

Voilà pourquoi je voterai pour la création de cette commission d'enquête. J'en suis encore plus convaincu après avoir écouté les patenôtres mielleuses des orateurs de la droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La discussion générale est close.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Il est créé, en application des articles 140 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête de trente membres sur les agissements, l'organisation, le fonctionnement, les objectifs du groupement de fait dit "Département Protection et Sécurité" et les soutiens dont il bénéficierait. »

Avant de mettre aux voix l'article unique, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, le titre de la proposition de résolution est ainsi rédigé :

« Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les agissements, l'organisation, le fonctionnement, les objectifs du groupement de fait dit "Département Protection et Sécurité" et les soutiens dont il bénéficierait. »

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.

(L'article unique de la proposition de résolution est adopté.)

Constitution de la commission d'enquête

M. le président.

Afin de permettre la constitution de la commission d'enquête dont l'Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l'article 25 du règlement, avant le mardi 15 décembre, à dix-sept heures, le nom des candidats qu'ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.

La séance est suspendue.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Mes chers collègues, il reste encore deux textes inscrits à l'ordre du jour de la séance de ce soir. Je vous rappelle que la séance devra être levée à une heure, c'est-à-dire dans une heure et demie, pour permettre la reprise des travaux demain matin à neuf heures. J'invite donc chacun des orateurs à s'en tenir strictement à son temps de parole.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

5 PRATIQUES DES GROUPES INDUSTRIELS Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. André Lajoinie et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur certaines pratiques des groupes industriels, de services et financiers, relatives à l'emploi et à l'aménagement du territoire (nos 775, 1034).

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, mes chers collègues, le 1er juillet 1998, la commission de la production et des échanges a examiné la proposition de résolution no 775 de M. le président Lajoinie et plusieurs de ses c ollègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur certaines pratiques des groupes industriels, de services et financiers, relatives à l'emploi et à l'aménagement du territoire.

L'objet de la création de cette commission d'enquête parlementaire était, pour l'auteur de la proposition, de p ouvoir étudier certains comportements des grands groupes industriels, de services et financiers susceptibles de compromettre l'équilibre économique de la société par des pratiques telles que les stratégies de délocalisations, l'externalisation croissante d'activités confiées à la soustraitance, certaines pratiques peu transparentes de transferts financiers, ou encore une modernisation des appareils de production et une reconversion des sites volontairement trop hésitantes.

L'examen de cette proposition sous l'angle de sa recevabilité formelle, conformément à l'article 141 du règlement, montra que la condition relative à l'absence de poursuites judiciaires était en principe remplie. En effet, Mme la garde des sceaux a informé le président de notre assemblée, par courrier du 28 mai dernier, qu'il ne lui était pas possible de lui faire connaître si des poursuites judiciaires étaient en cours sur les faits ayant motivé cette proposition en raison de la formulation trop générale de cette dernière. C'est donc uniquement au regard de l'opportunité de la création d'une telle commission d'enquête que la proposition a été examinée, et je vais y consacrer le reste de mon intervention.

Tout d'abord, un constat s'impose : si, jusqu'au début des années 80, les grandes entreprises françaises se caractérisaient, par rapport à leurs concurrentes des autres pays industrialisés, par un niveau d'investissements à l'étranger relativement faible, cette situation a changé dans la deuxième moitié de la décennie précédente, qui a vu une forte croissance de nos investissements à l'étranger. Si l'on examine la répartition géographique de ces investissements, on constate que celle-ci est très marquée en faveur des pays industrialisés. Sur la période 1992-1996, ceux-ci ont en effet accueilli 85 % des flux d'investissements directs français, dont environ 50 % pour les seuls pays de l'Union européenne. Parallèlement, les investissements à destination des pays en développement sont restés relativement stables. Ainsi la croissance des investissements des grands groupes français à l'étranger ne traduit-elle pas toujours un mouvement massif de délocalisations au profit de pays à faible coût de main d'oeuvre, comme on pourrait le craindre. Elle traduit aussi des stratégies de développement et de conquête de marchés. Parallèlement, les groupes étrangers apportent une contribution importante à l'activité industrielle en France. Notre pays s'intègre donc dans la stratégie de mondialisation des grands groupes multinationaux.

Pour la localisation des unités de production, le critère des coûts de production, et notamment des coûts salariaux, est loin d'être le seul pris en compte. Plusieurs facteurs, par exemple la nécessité de prendre mieux et plus rapidement en compte les besoins des clients, jouent en faveur d'une localisation à proximité des consommateurs.

Les fermetures de sites industriels s'inscrivent le plus souvent dans une logique d'optimisation des conditions de production. Bien entendu, une telle logique a des effets sur le plan territorial, que ce soit sous forme de concentrations d'implantations industrielles, ou de restructurations visant à réduire les capacités de production.

Dans ce contexte, la France a été confrontée à des décisions de fermetures de sites prises par des groupes français et étrangers. Certaines ont dominé l'actualité. Ainsi la fermeture, par le groupe américain Hoover, il y a de cela cinq ans, de son usine à Longvie en Bourgogne et l'implantation d'une nouvelle usine en Ecosse, manoeuvre qui avait entraîné la suppression de près de 680 emplois dans notre pays et qui est restée dans toutes les mémoires. Ou bien encore, la fermeture, par le groupe japonais JVC, de son établissement lorrain de Villers-la-Montagne, entraînant là encore la suppression de 243 emplois.

Ces cas de fermetures de sites en France suivis d'une relocalisation de la même activité dans un pays différent sont certes douloureux, mais restent relativement rares. La véritable concurrence entre territoires se joue plutôt au moment du choix de l'implantation de nouveaux investissements. Dans ce domaine, la France ne manque pas d'atouts, puisqu'elle se situait en 1996 au troisième rang mondial, après les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Il n'en reste pas moins que nous devons rester vigilants, afin qu'aucune distorsion de concurrence, notamment entre les pays de l'Union européenne, ne vienne fausser la localisation des nouveaux investissements.

Par ailleurs, nous devons aussi veiller à ce que les aides publiques dont bénéficient les investisseurs ne soient pas détournées de leur objet, qui est de renforcer l'emploi et de contribuer à un développement équilibré et durable de notre territoire. Ce dernier point mérite d'être souligné dans le contexte actuel avec la discussion prochaine, ici même, du projet de loi de Mme Dominique Voynet sur l'aménagement et le développement durable du territoire, la négociation de la nouvelle génération des contrats de plan Etat-régions et la révision des dispositions relatives aux fonds structurels communautaires.

Ainsi, en ce qu'elle traduit bien la préoccupation d'une meilleure implication des entreprises dans le développement durable de nos régions et dans la lutte pour résorber le chômage, la proposition de création d'une commission d'enquête sur le thème proposé paraît opportune et tel est le sens de la conclusion de mon rapport. La mise en place d'une telle commission constituerait un moyen bienvenu pour examiner l'utilisation qui est faite par les entreprises, qu'elles soient françaises ou multinationales, des aides publiques dont elles bénéficient. Cette commission pourrait également proposer de nouveaux moyens de contrôle, à la disposition des pouvoirs publics et des salariés, permettant de moraliser les pratiques dans ce domaine.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

L'objet est non pas de stigmatiser les entreprises, mais d'étudier certaines pratiques aux limites du droit, voire certaines pratiques déviantes, qui ont pu être constatées.

La commission d'enquête devrait également examiner les conséquences de l'évolution du contexte légal et les modifications des régimes d'aides à l'emploi et des conditions de travail au sein des entreprises, ainsi que la transformation en cours des aides européennes, notamment d es périmètres géographiques des fonds structurels communautaires. Elle pourra en outre se pencher sur le problème des distorsions de concurrence induites par la différence de niveau des aides communautaires entre les

Etats de l'Union européenne et faire des propositions pour y remédier.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que, suivant en cela son rapporteur, la commission de la production et des échanges a adopté à l'unanimité la proposition de résolution tendant à créer cette commission d'enquête sur certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et financiers, et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission de la production et des échanges.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la persistance d'un chômage massif, la croissance d'un salariat précarisé nourrissent des milliers de drames humains. C'est également un énorme gâchis pour la société française qui se traduit en partie par un coût social grandissant. Cette réalité interpelle la pratique de l'ensemble du monde politique, économique et social. Cette proposition de commission d'enquête, dont j'ai eu l'honneur d'être le premier signataire, se veut un moyen de recherche de réponse à la hauteur du défi.

Le Premier ministre expliquait dans une récente interview que « si la précarité est systématique dans les entreprises, il ne faut pas s'étonner qu'un jour la précarité se vive dans la rue ». Il poursuivait en disant que « c'est toute une conception de la société, n'opposant pas l'économique et le social, sur laquelle il faut travailler ».

La commission d'enquête qu'il vous est proposé de créer ce soir s'inscrit dans cette perspective. Elle a en effet pour objectif, sur la base d'une analyse précise, de faire des propositions pour concilier le devenir économique des grandes entreprises avec l'avenir de la société dans son ensemble. Elle ne sera pas le lieu d'un discours diabolisant l'entreprise, niant les défis de la mondialisation et de la révolution informationnelle.

Ce qui est en question c'est la façon dont les grandes firmes industrielles, financières et de services, françaises ou étrangères, installées en France assument leur responsabilité sociale et comment leurs actions participent ou non au développement d'une performance globale du tissu économique favorable à l'emploi. Dans cet esprit, certaines pratiques, parfois à la limite de la légalité ou profitant de vides juridiques, devront être examinées du point de vue de leur impact sur l'emploi stable, la croissance réelle et un développement équilibré du territoire.

Il s'agit, en premier lieu, des stratégies et des conditions de délocalisation de sites et de la tendance croissante à l'externalisation d'activités. Ces pratiques mettent en concurrence des hommes, des territoires, mais aussi les entreprises de sous-traitance. Elles fragilisent souvent un tissu de PME et nourissent la précarité des salariés.

La commission d'enquête pourra également s'intéresser aux relations financières à l'intérieur des groupes et au retard parfois volontaire dans la modernisation de certaines filiales qui peut être responsable d'un affaiblissement des entreprises concernées, remettant en cause leur rentabilité, leur pérennité.

Il est légitime que la représentation nationale se saisisse de ces problèmes lorsque l'on sait que les grands groupes, ceux comptant plus de 10 000 personnes, représentent à eux seuls plus du quart de la main-d'oeuvre, ainsi que la moitié des capitaux fixes et des profits bruts du système productif français.

Au vu du poids des groupes dans l'économie, des secteurs dans lesquels ils interviennent, des technologies qu'il maîtrisent et des ressources financières publiques ou non qu'ils mobilisent, il est évident qu'ils sont déterminants pour l'évolution du tissu économique et social français. Il est, par conséquent, normal que les élus de la nation s'informent et enquêtent sur leur comportement et sur les conséquences de leurs décisions.

La légitimité des pouvoirs publics à questionner les stratégies des groupes est renforcée par la masse d'argent public dont ils bénéficient. Ces entreprises profitent en effet largement des politiques de soutien à l'emploi, à la recherche, à l'investissement et à l'aménagement du territoire. Il est juste, par conséquent, que l'on puisse faire un bilan des effets et de l'utilisation de ces aides financières.

Enfin, au regard de leur importance dans l'économie, toute politique économique et sociale qui se donne pour but, par exemple, de réduire le chômage et la précarité doit chercher à peser sur la pratique des groupes afin qu'ils participent à l'effort national dans cette direction.

Cette commission d'enquête pourrait alors servir à une réflexion féconde sur les outils dont dispose l'Etat, en vue de les améliorer si nécessaire, pour orienter l'utilisation des formidables moyens des grandes entreprises.

La gravité de la crise financière met en évidence le besoin de régulation de l'économie. Le marché ne suffit pas. Mais les dispositifs actuels d'intervention publique montrent également leurs limites. Donner des pouvoirs nouveaux à la société, aux élus, aux salariés est une des solutions que pourraient proposer cette commission afin d'empêcher que les pratiques des groupes s'opposent aux visées macro-économiques de la nation. Ces droits nouveaux permettraient également un contrôle de l'utilisation des ressources publiques dont bénéficient ces firmes, ainsi que de leur politique de l'emploi. Ces dispositions permettraient enfin que l'action des pouvoirs publics anticipe les problèmes des entreprises et qu'ils ne soient plus, comme aujourd'hui, appelés à intervenir dans l'urgence pour, bien souvent, payer le coût social de leurs décisions antérieures.

C'est pour toutes ces raisons que la commission de la production et des échanges, suivant en cela les conclusions de son rapporteur, M. Philippe Duron, vous demande d'approuver la création de cette commission d'enquête parlementaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Fabre-Pujol.

M. Alain Fabre-Pujol.

Monsieur le président, chers collègues, monsieur le ministre, le temps est loin où le royaume de France lançait ses navires sur les mers du


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monde, où la France vivait en exploitant ses colonies, loin aussi des Trente glorieuses, période de reconstruction et de prospérité. Aujourd'hui, nous nous interrogeons sur l'avenir de notre économie, celle de notre pays, en Europe, au coeur de notre village planétaire. Ne sommesnous pas l'un des premiers investisseurs à l'étranger ? Ne sommes-nous pas placés au troisième rang mondial par l'importance des investissements directs effectués par des entreprises étrangères sur un territoire national ? Oui, nous sommes une puissance qui exporte et qui est attractive par la qualité de ses infrastructures et de son service public, par la qualité de sa main-d'oeuvre, le potentiel de recherche de ses universités et de ses entreprises.

M ais des dysfonctionnements graves sont parfois constatés. La commission d'enquête « sur certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et financiers, relatives à l'emploi et l'aménagement du territoire » a pour but de mettre en lumière ces dysfonctionnements et de proposer diverses dispositions tendant à les corriger ainsi que vient de l'indiquer le rapporteur.

D'ores et déjà se posent deux questions : quel sera le champ d'investigation de cette commission ? Quels seront ses axes privilégiés de recherche ? Face à l'immensité de ce champ d'investigation, il faudra déterminer les activités qui feront l'objet de ses travaux. Il n'est pas humainement possible d'étudier tous les secteurs.

La commission aura à coeur de choisir les plus pertinents, par exemple ceux relevant de l'agroalimentaire, de la distribution, des activités manufacturières, de services, en veillant à ce que les groupes questionnés soient répartis sur tout le territoire.

Elle pourra également suivre deux axes d'étude qui me semblent importants : la position des firmes par rapport à la situation de l'emploi ; l'influence des décisions des firmes nationales et multinationales sur les politiques d'aménagement du territoire.

L'influence des firmes multinationales est certaine dans le domaine de l'emploi. Or les dirigeants des grands groupes oublient parfois leur responsabilité sociale. La production et l'emploi ont tendance à devenir une préoccupation accessoire. Le problème se pose d'ailleurs plus pour les firmes étrangères que pour les firmes françaises.

Efficacité et rentabilité ne doivent pas être les ennemis de l'emploi. Les groupes n'ont pas que des droits, ils ont aussi des devoirs. Certaines firmes semblent l'oublier.

Dans plusieurs secteurs, notamment ceux où la maind'oeuvre peu qualifiée est nombreuse, les délocalisations sont fréquentes et touchent cruellement diverses régions.

Nous nous rappelons tous de l'implantation de Hoover en Ecosse.

Un autre exemple, puisque celui-ci a été cité : la fermeture du site nîmois de la société CEAC-Fulmen après son rachat par le groupe américain Exide. Ce site était partic ulièrement performant : meilleure productivité du groupe, normes européennes de qualité, mais coût de main-d'oeuvre plus élevé qu'en Turquie ou dans les pays émergents de l'est de l'Europe. D'autres exemples enfin, pris dans mon département, sur le textile par exemple - les entreprises Weill ou Cacharel - viennent confirmer ce propos.

La commission pourra également s'interroger sur le rapport des entreprises à l'aménagement du territoire.

M. Heurteux nous dit dans un ouvrage récent que

« l'aménagement du territoire doit être au service de l'entreprise pour que l'entreprise soit à son service ».

Les rapports entre entreprise et aménagement du territoire fonctionnent en effet sur une logique d'interaction et de réciprocité. Les infrastructures sont essentielles pour susciter l'implantation des firmes, mais les capitaux nécessaires à leur développement ne seront disponibles que si de nombreuses entreprises sont implantées sur la région.

C'est pourquoi, pour favoriser la délocalisation vers les provinces, de nombreuses aides sont versées aux entreprises qui choisissent de s'installer à l'écart de l'Ile-deFrance.

Il semble nécessaire d'essayer d'influer sur le choix des entreprises par l'octroi de ces aides. Ce qui crée une polémique, c'est que les subventions allouées à l'entreprise ne donnent pas forcément, en retour, un avantage comparable à la région où elle s'est installée.

Si nous ne voulons plus que les collectivités territoriales continuent à se comporter en courtisanes flétries, nous devons nous poser la question de l'efficacité des aides publiques. Il n'est pas acceptable que des entreprises ayant reçu des aides importantes ne se comportent pas comme des entreprises citoyennes.

Ainsi, le groupe Usinor affiche de bons résultats grâce à diverses participations publiques depuis vingt ans. Il a annoncé son intention de se retirer d'une partie de sa production. Nous devons pouvoir demander que le repreneur des quatre filiales à vendre ait un objectif industriel et de préservation de l'emploi.

De ces systèmes parfois opaques, je ne voudrais pas que la conclusion puisse être tirée que la capacité d'action publique est nulle. La mission d'information projetée sur les paradis fiscaux et bancaires devrait le montrer.

Nous ne voudrions pas non plus que le phénomène de la mondialisation nous fasse conclure à l'effacement du politique.

Le Gouvernement a su montrer, ces derniers mois, qu'il était vigilant, notamment à propos d'Orangina.

M. François Goulard.

Ce n'est pas de la politique, c'est du droit !

M. Alain Fabre-Pujol.

L'Assemblée, en créant cette commission d'enquête, veut montrer la même préoccupation.

Vous savez qu'il n'y a, pour l'instant, pas de règles internationales. L'une des missions de notre commission d'enquête sera probablement d'y réfléchir.

L'actualité économique récente nous y invite : les groupes américains Exxon et Mobil ont réalisé, pour cinquante milliards de francs, la plus grosse fusion de l'histoire.

M. François Goulard.

Pour plus de cinquante milliards !

M. Alain Fabre-Pujol.

Mais l'Europe n'est pas exclue de ces grands mouvements économiques : le groupe français Rhône-Poulenc et le groupe Hoechst ont également donné naissance à une filiale commune, affirmant leur volonté de créer « une entreprise nouvelle, de culture européenne et d'ambition mondiale ».

Il ne s'agit pas de condamner en bloc ces mouvements mais d'être vigilants et protecteurs à l'égard de nos concitoyens. A ce propos, la protection des marques, leur ratt achement à une origine géographique indiquant


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l'authenticité des produits pourront être étudiés. Ce serait une piste pour la marque Perrier et le site de production de Vergèze, propriété du groupe suisse Nestlé.

Cette commission d'enquête, proposée sur la demande du président de la commission de la production et des échanges, André Lajoinie, paraît, sur fond de retrait français des négociations de l'AMI à la demande du Premier ministre, Lionel Jospin, particulièrement opportune aux yeux du groupe socialiste. Nous voterons pour sa création. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Besson.

M. Jean Besson.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera bref.

Au travers de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur certaines pratiques des groupes industriels, de service et financiers, relatives à l'emploi et à l'aménagement du territoire, c'est un nouveau rapport sur les délocalisations que l'on nous prépare.

Pour mémoire, rappelons qu'en 1993 Franck Borotra a présidé avec M. Chavanes une commission d'enquête sur le sujet, et que, par la suite, Jean Arthuis en fait de même au Sénat. Bref, en la matière, tout ou presque est déjà c onnu. Pourquoi donc, monsieur le rapporteur, recommencer ce travail aujourd'hui, alors qu'il y a tant à faire par ailleurs ? Parallèlement à l'analyse des pratiques des groupes industriels en matière de délocalisation d'activités, la commission semble s'orienter vers l'analyse des suppressions d'emploi et donc des plans de restructuration.

S'agit-il, en fait, il faudrait le dire, de prolonger certains discours à la mode, pour tenter de justifier l'idée qu'il faut restreindre la liberté des entreprises face à ces décisions ? Jusqu'à quel point l'entreprise est-elle responsable de ces restructurations et des suppressions d'emploi ? Et, quand je dis « responsable », je vous entends presque dire

« coupable ».

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Bruno Bourg-Broc.

Très bien !

M. Jean Besson.

L'entreprise n'est-elle pas plutôt le reflet du contexte économique général ? Sans prétendre qu'elle n'anticipe pas quelquefois sur certaines difficultés, n'est-elle pas le reflet des contraintes créées par son environnement économique, par une fiscalité confiscatoire et parfois discriminatoire, provoquant des distorsions et des situations de concurrence déloyale, par des prélèvements sociaux plus accablants ici que partout ailleurs ?

M. Alain Fabre-Pujol.

Quel sens de la mesure !

M. Jean Besson.

Telle que nous la définissons, l'entreprise n'est certainement pas cette « entreprise citoyenne » que célèbrent certaines idéologies particulièrement éloignées des réalités économiques et sociales.

M. François Goulard.

Très bien !

M. André Lajoinie, président de la commission.

C'est vous qui avez parlé d'

« entreprise citoyenne », pas nous !

M. Jean Besson.

L'entreprise, mes chers collègues, n'a qu'une seule responsabilité : assurer sa pérennité, c'est-àdire, par voie de conséquence, préserver l'emploi existant et se développer suffisamment pour pouvoir, malgré les gains de productivité, augmenter l'emploi sans préjudice pour son indispensable compétitivité.

Et l'entreprise, aujourd'hui, assure sa pérennité comme elle le peut, au milieu de la tourmente de la mondialisation et dans un contexte où le risque économique n'est certainement pas, compte tenu notamment de l'évolution des besoins, des marchés et de l'intensification de la concurrence, comparable à ce qu'il était il y a quelques années.

N otre position s'appuie sur deux considérations majeures.

La première est que l'investigation des mécanismes complexes auxquels vous avez fait allusion a déjà plusieurs fois été faite et qu'aucun événement majeur ne s'est produit de nature à les modifier, et j'ajouterais : « malheureusement ».

La seconde est que la mise en cause de l'entreprise, vers laquelle, je sens bien, vous êtes tentés de déboucher, est désuète, sans fondement. Vous cherchez à installer la suspicion dans les esprits.

Les termes mêmes de l'intitulé de votre proposition constituent un aveu d' a priori.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Jean Besson.

La commission d'enquête sera chargée d'étudier « certaines pratiques des entreprises ». C'est évidemment d'une perfidie sans nom. Et quand vous dites

« des entreprises », vous visez en réalité « toutes » les entreprises et non pas certaines ou quelques-unes comme le supposerait l'emploi de l'article indéfini.

C'est exactement le contraire de l'élan et du soutien dont l'économie française a besoin pour se développer et pour créer de vrais emplois.

Ce sont les raisons pour lesquelles le groupe RPR votera contre votre proposition de résolution.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Monsieur le président, mes chers collègues, en quelques années, le paysage des entreprises s'est profondément modifié, comme le montrent toutes les études réalisées dans la dernière période.

Je citerai ici quelques-unes de ces modifications : augmentation importante du nombre de PME, voire de très petites entreprises ; diminution significative du nombre de grandes entreprises ; augmentation du nombre de groupes avec extension de ces groupes sur un nombre de plus en plus important de PME ; forte « externalisation » de services, avec créations équivalentes de filiales par les grandes entreprises ; dépendance de plus en plus grande des PME à l'égard des groupes comme à l'égard des établissements financiers ; augmentation, certes, du nombre d'emplois dans les PME mais forte diminution des emplois dans les grandes entreprises, avec maintien, à un niveau élevé, du chômage ; explosion du temps partiel, la plupart du temps contraint, des contrats à courte durée, des missions d'intérim, le tout menant à une société éclatée où la précarité s'est fortement développée ; délocalisation d'activités à travers la France, l'Europe, quand ce n'est vers des pays hors de la Communauté européenne ; constitution de « mégagroupes » sur des bases non industrielles mais essentiellement financières, conduisant à des réductions du nombre de sites et du nombre d'emplois ; mise en concurrence des bassins d'emplois, des régions, des Etats afin de déterminer les lieux d'implantation, l'objectif étant de profiter, au mieux et avec le minimum de contraintes, des moyens mis à disposition sous forme d'aides publiques directes, d'exonérations de charges, de personnels qualifiés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

La liste pourrait être allongée des pratiques que nous constatons tous et qui mettent à mal les emplois et les équilibres dans nos communes, nos départements ou dans nos régions.

L'arsenal des mesures d'aides à l'économie mises en place progressivement est très important. Toutes contribuent à mettre, sous des formes diverses, à la disposition des entreprises des moyens publics, souvent financiers, dégagés par les collectivités locales, l'Etat ou l'Europe.

Des exemples récents ont mis en évidence ces aides et incitent l'opinion à s'interroger sur l'impact de ces aides à moyen et à long terme.

Qu'il s'agisse d'entreprises françaises ou de groupes étrangers, il est sain qu'un examen de ces aides en soit fait. En ce sens, la proposition d'André Lajoinie et du groupe communiste devrait contribuer à éclairer la situation.

Cet examen est d'autant plus nécessaire qu'au moment où les financements publics sont mis à contribution, chômage et précarité sont toujours aussi massifs. L'évolution récente en matière d'emplois, pour encourageante qu'elle soit, reste fragile et, surtout, les stratégies des entreprises ne s'inscrivent pas dans un renversement de la nature des emplois. Les suppressions massives d'emplois demeurent, les hommes restant aux yeux de beaucoup de dirigeants économiques - peut-être pas de tous - la meilleure variable d'ajustement.

La presse spécialisée a pu écrire que jamais les grands groupes qui pilotent toujours notre économie n'ont eu à leur disposition des réserves financières aussi importantes qu'actuellement.

Les opérations d'acquisition, les OPA tentées ou réalisées le montrent bien. Ainsi, le groupe Bolloré met fin à sa tentative de prise en main de Bouygues ; mais en un an, il aura « gagné » 1 milliard et demi de francs sans avoir contribué à créer aucune richesse ni un seul emploi.

Ces masses financières accumulées posent problème et il est bon que la représentation nationale s'y intéresse, d'autant que les groupes français les plus grands, ceux qui se sont constitué les réserves financières les plus importantes, ont réduit en même temps et leurs emplois et leurs investissements dans notre pays.

En externalisant leurs secteurs les moins performants, en les filialisant, ils parviennent à obtenir que des aides p ubliques importantes leur soient attribuées. Ils complètent souvent la rentabilité, au niveau souhaité, de ces secteurs « PMIsés », les domaines les plus profitables restant toujours au coeur des groupes.

On peut ainsi dire que les aides publiques contribuent bien souvent à assurer une rentabilité supérieure des capitaux privés, une sorte de prime supplémentaire, sans pour cela assurer l'emploi, les qualifications, le développement de la recherche ou un équilibre harmonieux des territoires.

Les conséquences de telles pratiques sur les bassins d'emploi sont visibles pour chacun d'entre nous. L'objectif, en tous les cas celui des députés communistes, c'est le plein emploi. Croire que laisser jouer les marchés serait la solution au chômage, c'est en fait permettre que soient remis en cause les statuts et les conventions collectives, que s'accentue la précarité et que le maximum de fonds publics soit « aspiré », contribuant à une aggravation des difficultés plutôt qu'à un développement sain.

En proposant cette commission d'enquête, il ne s'agit pas de culpabiliser le monde des entreprises. Il s'agit seulement d'examiner la façon dont les choses se passent entre entreprises, entre entreprises et banques et d'analyser sur la base de cas concrets, précis, l'efficacité des aides publiques, non pour les supprimer, mais pour savoir dans quelles circonstances et sous quelles conditions elles peuvent être utiles.

Doivent-elles, par exemple, s'adresser aussi à des entreprises ou des groupes florissants, ou s'adresser seulement à des secteurs en difficulté ? Doivent-elles, par exemple, se faire sous contrôle et, dans ce cas, lequel ? Avec quels engagements de la part des entreprises ou des groupes concernés, au regard de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de l'équilibre des collectivités locales ? Il est bien clair que le monde actuel nécessite une capacité de mouvement des entreprises et qu'il ne saurait être question de remettre cela en cause. En même temps, l'entreprise ne peut se réduire à un lieu d'accumulation financière, régi par la concurrence et la loi unique du marché.

Si l'investissement à l'étranger peut faire partie d'une stratégie industrielle bien comprise, cela ne saurait se faire au détriment du territoire national, de son équilibre et de ses emplois. Cela ne peut être compensé par des implantations aléatoires et à prix élevé d'entreprises étrangèr es, selon une balance dont les hommes et les territoires feraient les frais et qui mettraient à contribution permanente les fonds publics.

Le temps est sans doute venu de mettre en évidence les coopérations plus que les concurrences, de faire en sorte que les aides, qu'elles soient françaises ou européennes, soient attribuées pour favoriser l'emploi plus que pour réduire les capacités.

Sans doute aussi est-il temps de mettre en place, dans et à côté des entreprises, les structures de suivi, d'aide, de contrôle, non pour freiner les initiatives mais pour les rendre plus efficaces.

Sans doute faut-il faire en sorte, en s'appuyant sur l'aide publique, que le crédit serve à valoriser le développement, l'emploi et la recherche.

Sur ces questions, les communistes n'ont pas d'attitude sclérosée. Mais ils ne peuvent admettre la pensée unique qui, sur un fond de mondialisation de l'économie, absout le patronat de l'utilisation des fonds publics et des licenciements qu'il poursuit.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Très bien, monsieur Paul !

M. Daniel Paul.

Tirer les enseignements à partir des observations qui pourront être faites, après avoir entendu les acteurs sociaux de l'économie proposer des modifications aux systèmes d'aide existants, nous paraît aller dans le sens souhaitable pour les entreprises, leur développement, leurs personnels et notre pays.

C'est en ce sens que nous appuyons cette proposition de résolution tendant à la création d'une commission d 'enquête à laquelle nous participerons activement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard.

Monsieur le rapporteur, chers collègues de la majorité, ce qui me frappe le plus en vous écoutant c'est le regard négatif et plein de suspicion que vous continuez de porter sur l'entreprise et la confusion dont vous faites preuve sur un certain nombre de problèmes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

Partant de vos réflexions, j'ai repensé à ce qui s'était passé depuis une quinzaine d'années. Et puisqu'une entreprise de ma région a été citée, JVC, j'ai essayé de voir où étaient les responsabilités. En fait, si j'ai à me plaindre de quelque chose en Lorraine, c'est bien du comportement des entreprises publiques. A l'époque, il s'agissait de la sidérurgie, des HBL et surtout de Thomson qui, à peine installé avec beaucoup d'argent, suite à la reconversion de 1984, n'a pas eu de scrupule à quitter la région lorraine pour des raisons économiques. Au fond, ce sont ceux qui ont eu un comportement relativement douteux alors qu'ils avaient en charge l'entreprise publique qui, aujourd'hui, souhaitent maîtriser davantage l'évolution de l'entreprise privée.

Pourtant, vous avez reconnu, monsieur le rapporteur, que les problèmes étaient relativement marginaux et que ceux liés aux délocalisations s'inscrivaient plutôt dans le cadre européen. Ainsi, prenant prétexte de petites difficultés, on laisse croire que le comportement collectif du système économique est malsain.

J'en viens à la confusion des problèmes. On peut avoir des débats sur l'aménagement du territoire,...

M. Daniel Paul.

On l'aura !

M. Claude Gaillard.

... sur les aides, sur les primes.

Mais encore faut-il les ordonner.

J'ai cru comprendre que nous aurions un débat sur l'aménagement du territoire avec la future loi Voynet.

Puis un autre sur la capacité d'intervention des collectivités locales pour aider les entreprises avec ce qui s'appellera la loi Zuccarelli. Nous verrons ce qu'il en est. Parallèlement, il faut se pencher sur le problème des aides européennes et des diverses primes.

En tout cas, aujourd'hui, il y a une responsabilité publique en matière d'aides, d'aménagement du territoire, de solidarité entre les territoires, et une responsabilité économique qui revient à l'entreprise. Et l'on ne peut pas demander à cette dernière d'assumer des responsabilités qui ne sont pas les siennes. Comme Jean Besson l'a très bien dit, l'entreprise doit assurer sa pérennité car elle ne peut pas compter sur des subventions de l'Etat en fin de mois, en cas de difficultés majeures. Par contre, elle n'a pas en charge, elle, l'aménagement du territoire qui relève, de l'autorité publique.

Par conséquent, laisser croire que les entreprises ne font pas face à leurs responsabilités constitue une erreur de raisonnement...

M. François Goulard.

Très bien !

M. Claude Gaillard.

... et, en tout état de cause, est relativement pervers.

Bref, chers collègues de la majorité, la foi en l'économie dirigée est restée fortement ancrée en vous. Il vous est difficile d'y renoncer.

Pourtant, quand on se penche sur l'évolution des entreprises, on a l'impression qu'elles font déjà l'objet d'une volonté d'ingérence qui ne m'apparaît guère tolérable. Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui de l'externalisation. Que diable ! Laissez donc à l'entreprise privée la responsabilité de s'organiser ou de se réorganiser. Si elle veut se concentrer sur ses fonctions essentielles, au nom de quoi l'empêcherait-on d'externaliser d'autres fonctions, comme l'achat ou la logistique ? Quelle aberration économique que d'aller mettre votre nez dans le fonctionnement interne de l'entreprise ! Cela est d'autant plus malsain que, contrairement à ce que vous avez dit, l'externalisation et la sous-traitance font souvent travailler de petites entreprises.

M. Jean Besson.

Exactement !

M. Claude Gaillard.

Veillez donc à ne pas aller à l'encontre de ce que vous souhaitez, en prétendant tout garder, de façon homogène, au niveau de l'entreprise.

Mes chers collègues, parce qu'il y a une confusion des genres, parce que vous portez un regard plein de suspicion sur les entreprises auxquelles est attribuée une responsabilité qui ne leur incombe pas, parce qu'il y a des l ois en préparation, la création d'une commission d'enquête nous apparaît inopportune voire dangereuse.

Pour ces raisons, le groupe UDF votera contre la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

C'était limpide !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise arrive à point nommé après la décision du Gouvernement de suspendre sa participation aux négociations de l'AMI. En effet, l'accord multilatéral sur l'investissement n'avait pas d'autre objet que de renforcer le pouvoir des grands groupes, de leur garantir aides et soutien publics sans aucun contrôle, contrepartie ou obligation.

Dans l'état actuel des choses, il paraît intéressant à plus d'un titre que la représentation nationale s'interroge sur les pratiques des grands groupes, leur influence en matière d'emploi et d'aménagement du territoire, leur impact sur l'environnement.

Certes, il n'est pas question de nier la mondialisation, pas plus que la nécessité d'adapter notre appareil productif à l'internationalisation de l'économie, mais il nous semble du plus grand intérêt d'examiner dans quelles conditions s'opèrent ces mutations. Quel en est le prix pour la collectivité et quelles sont les conséquences sur l'emploi et l'équilibre territorial ? En outre, les grandes entreprises ne peuvent pas, d'un côté engranger aides à l'emploi et subventions de toute nature et, de l'autre, laisser le soin à la collectivité nationale de régler la facture sociale. L'Etat est en droit d'attendre, en contrepartie de son intervention, une attitude plus citoyenne.

M. François Goulard.

Ça y est, le mot est lancé !

M. Jean-Michel Marchand.

... des groupes implantés sur son territoire.

M. André Angot.

Créez une entreprise !

M. Jean-Michel Marchand.

Parmi l'ensemble des motifs des proposants, auxquels j'adhère, je voudrais souligner deux pour lesquels, me semble-t-il, il serait utile d'examiner si les règles actuelles ne mériteraient pas d'être aménagées.

En premier lieu, les relations entre les groupes industriels et les PMI-PME.

Un nombre important de PMI-PME sont aujourd'hui directement dépendantes de grands groupes industriels.

Certaines d'entre elles sont placées, du fait de la concentration de plusieurs activités dans le giron d'un même groupe, face à un donneur d'ordre unique. D'autres sont issues directement de l'externalisation de la production de ces mêmes groupes. Leur situation s'en trouve parfois à la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

limite du supportable tant les contraintes, particulièrement financières, qui leur sont imposées sont difficiles pour des sociétés souvent modestement capitalisées.

C'est particulièrement le cas pour la plupart des équipementiers automobiles, soumis à des cahiers des charges draconiens qui conduisent ces entreprises à des gestions de plus en plus risquées. Cela les conduit très souvent, trop souvent, à développer des formes de plus en plus précaires du travail.

Ce sont des volants trop importants d'emplois intérimaires. Ce sont des relations commerciales faussées entre donneurs d'ordres et fournisseurs.

M. André Angot.

Ce sera pire avec les 35 heures !

M. Jean-Michel Marchand.

Ne devrait-on pas attendre, en effet, qu'à une relation de dominants à dominés se substitue une véritable relation de coopération ? Et ce n'est là qu'un des aspects du rôle que devront jouer les grands groupes dans la structuration d'un environnement économique propre à développer la création de richesses et d'emplois.

En second lieu, il apparaît tout aussi justifié que soit posée la question de l'utilisation des fonds publics alloués aux entreprises industrielles. Chaque année, des milliards sont consacrés par l'Etat et les collectivités territoriales, sans que l'effet de ces aides soit véritablemet évalué.

Il serait particulièrement judicieux d'examiner la pertinence de ces interventions publiques en termes d'aménagement du territoire, alors que les pratiques concourent le plus souvent à une mise en concurrence des territoires par les grands groupes, contraignant en particulier les collectivités locales à se livrer à une surenchère pour attirer des activités sur leur territoire.

D'autres règles en la matière ne seraient-elles pas de n ature à contribuer à un développement équilibré, durable et équitable du territoire national ? Telles sont les raisons qui nous conduisent à soutenir la proposition présentée par nos collègues du groupe communiste. Il nous semble en effet que la place des grands groupes dans l'économie globale du pays, leur rôle dans le rayonnement de la France au plan de l'économie mondiale méritent que la représentation nationale puisse enquêter sur leurs pratiques pour apporter des réponses aux questions que se pose l'ensemble du corps social.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord consacrer un mot de commentaire au texte de l'exposé des motifs de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur certaines pratiques des groupes industriels, de services et financiers, relatives à l'emploi et à l'aménagement du territoire, présentée par les députés du groupe communiste. Il s'agit, en effet, de l'expression contournée du dernier avatar d'une vulgate marxiste qui n'ose plus vraiment annoncer la couleur. Ce texte est intéressant sur le plan de l'histoire des idées politiques, ou plutôt de la décrépitude de certaines idées politiques.

(Sourires.)

Il l'est d'abord sur le plan sémantique. On remarquera une atténuation générale du vocabulaire classique du Parti communiste autrefois infiniment plus agressif qu'il ne l'est aujourd'hui. On parle ici de grands groupes industriels là où l'on parlait autrefois du grand capital - et je ne prends pas l'accent ! (Sourires.) On parle de responsabilité sociale mal assumée là où, autrefois, le vocabulaire de l'exploitation de l'homme par l'homme...

M. Pierre Carassus.

Qui reste vrai !

M. François Goulard.

... était infiniment plus viril.

Cette platitude relative du vocabulaire, qui s'est soumis aux canons du politiquement correct, se conjugue avec l'affadissement de la pensée. On reproche aux grands groupes de ne pas assez investir, de ne pas assez créer d'emplois, d'être durs avec leurs PME sous-traitantes.

Bref, pour employer un vocable creux qui a fait florès il y a quelques années, le Parti communiste reproche aux entreprises de ne pas être assez « citoyennes ».

A une autre époque, en décrivant en termes combien plus vifs leurs méfaits, on eût fustigé les mécanismes par lesquels l'enrichissement des capitalistes conduisait à la misère du prolétariat et conclu à la nécessité d'une appropriation collective des moyens de production.

Voilà donc notre Parti communiste bien timide dans son expression...

M. Félix Leyzour.

Timide mais gênant, apparemment !

M. François Goulard.

... bien timoré dans ses reproches, bien entravé dans ses propositions alternatives, mon cher collègue.

La raison en est simple. C'est la chute retentissante, définitive, historique de son modèle, l'Union soviétique.

Cet événement, le Parti communiste l'a visiblement intégré mais il n'a ni intégré ni admis que, dès lors que l'on ne croit plus à la possibilité d'organiser avec succès sur un mode totalitaire et collectiviste une société et une économie, il faut bien admettre, volens, nolens, l'économie de marché, ses principes et ses conséquences.

L'économie de marché ne fonctionne pas, mes chers collègues du groupe communiste, comme une économie planifiée et collectiviste, du moins dans la figuration idéale et théorique que vous en avez. Elle obéit à ses règles propres et elle supprime, oui, mais elle crée aussi des emplois. Elle désinvestit, oui, mais elle investit. Elle délocalise et elle localise et, au bout du compte elle est créatrice de richesses et d'emplois. Son bilan est, pardonnez-moi l'emprunt, globalement positif, lui.

M. Claude Billard.

3 millions de chômeurs !

M. François Goulard.

Au regard de cette économie-là, ouverte et en concurrence sur le plan international, votre texte est tout bonnement absurde car il prétend assigner aux entreprises des objectifs qui ne sont pas individuellement les leurs, même si la résultante de leur activité, en d éfinitive, répond largement aux préoccupations d'emplois, d'investissement, de création de richesses que vous affichez.

C'est pourquoi votre proposition de création de commission d'enquête n'aurait pas dû nous faire veiller ce soir. Dans un pays normalement évolué, elle aurait due être classée sans suite.

Mais c'est ne pas compter avec les impératifs de la majorité plurielle. Faire risette au Parti communiste, monsieur le ministre, est une figure obligée pour le Gouvernement.

(Sourires.)

Le groupe socialiste s'y prête. Le rapporteur dans un texte d'ailleurs assez irréprochable sous le rapport de la reconnaissance des réalités économiques du monde actuel...

M. André Lajoinie, président de la commission.

Vous avouez vouloir étouffer la voix des parlementaires !


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M. François Goulard.

... conclut à l'utilité d'examiner l'utilisation qui est faite par les entreprises des aides publiques dont elles bénéficient, ce qui n'était d'ailleurs pas le problème posé par la proposition de résolution du groupe communiste. Bonnes manières faites à ses alliés, concession faite aussi à une partie des députés du groupe socialiste et du groupe RCV qui, en leur for intérieur, ne sont pas loin de rejoindre leurs collègues communistes dans leurs analyses, et qui n'ont admis qu'à regret, à mon sens, la conversion de leurs dirigeants à l'économie de marché.

Tout cela ne serait pas grave s'il ne s'agissait que de concessions formelles à un jeu politique, et d'un hommage posthume à une idéologie défunte. Au vrai, cela n'empêche pas les principaux ministres du Gouvernement d'entretenir des relations de connivence avec les grands patrons français, après avoir été, pour certains d'entre eux, leurs obligés ou leurs salariés.

Mais, si je devais retenir un seul fait du texte rédigé p ar nos collègues communistes, parfaitement exact, celui-là, c'est que, sur les trois dernières années, les cinquante plus grands groupes français ont réduit leurs investissements dans notre pays de 17 %, et accru leurs i nvestissements à l'étranger de 62 %. Ces chiffres illustrent que, dans le jeu de la concurrence mondiale, notre pays souffre aujourd'hui de handicaps certains, le premier d'entre eux étant le poids de la dépense publique et des impôts, qui l'emporte, et de beaucoup, sur celui de nos principaux partenaires. Il souffre du handicap d'être encore, malheureusement, incomplètement converti aux nécessités de l'économie moderne.

Je crois sincèrement que voir le Parlement français, ce soir, avec l'accord du Gouvernement...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je n'ai rien dit !

M. François Goulard.

... et l'appui de la majorité, saisi d'un texte d'une telle veine, traduisant une telle arriération dans la conception de l'économie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ne peut qu'entacher notre image extérieure, et desservir nos intérêts économiques.

Le seul voeu que j'émettrai en concluant, c'est que j'espère que l'heure tardive à laquelle se déroule notre débat lui assurera une assez grande discrétion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Félix Leyzour.

Vous craignez les conclusions de la commission, monsieur Goulard !

M. André Angot.

Créez une entreprise !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Carassus.

M. Pierre Carassus.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas de jour sans que l'actualité ne nous livre, hélas ! son lot de fermetures d'usines, de délocalisations d'entreprises ou de restructurations, générant la disparition de pans entiers d'activité et d'emplois. Face à ces décisions, qui mettent en péril la situation économique des régions et jettent des milliers de familles dans la précarité et l'exclusion, les citoyens s'interrogent sur la crédibilité de l'action publique. Ils doutent - et comment ne pas les comprendre ? - de la capacité et de la volonté de l'Etat à modifier le cours des choses.

En fait, la marche de l'économie leur apparaît comme confisquée par un petit nombre d'acteurs dirigeants de groupe industriels, mais surtout financiers, de plus en plus incontrôlables. Ainsi, ce qu'ils constatent pour le déplorer, c'est l'abdication du politique devant l'économique.

Aussi la commission d'enquête qu'il nous est proposé de créer vient-elle à point nommé puisqu'elle doit permettre à notre assemblée et, au-delà, à la nation, de mieux appréhender la stratégie financière et économique de ces groupes. C'est pourquoi les députés du Mouvement des citoyens se rallient volontiers à cette proposition de nos collègues communistes, et sans leur faire risette.

Par ailleurs, cette commission d'enquête revêt à nos y eux un mérite immédiat puisqu'elle facilitera une réflexion objective sur l'utilisation effective des aides publiques par certains industriels et financiers qui, bien que bénéficiant de dispositifs incitatifs pour embaucher, continuent à laminer l'emploi sans mettre pour autant fin à leur folie spéculative. Par exemple, en Picardie, la chambre régionale des comptes elle-même a relevé que 51 % des crédits régionaux affectés à la création d'emplois avaient été engagés pour des opérations n'ayant a priori pas d'incidence positive sur l'emploi, le contraire étant même beaucoup plus vraisemblable.

Rappelons qu'en 1995 les aides apportées au plan national avaient été évaluées à 170 milliards de francs. Or il n'a jamais été dressé un bilan sincère et objectif permettant d'analyser quelles en ont été les répercussions. Il semble, pour le moins, qu'elles aient peu contribué à freiner les restructurations et les délocalisations et à développer l'emploi. Nous savons, au contraire que, parmi les entreprises qui licencient, plusieurs reçoivent des aides conséquentes et affichent des résultats financiers plus que satisfaisants.

Que dire des différents plans sociaux mis en oeuvre ces dernières années dans ces grands groupes, si ce n'est qu'ils ne sont que de redoutables plans de licenciements pris en charge financièrement par l'Etat et les ASSEDIC ? La réduction des effectifs qui légitime ces plans est considérée par les directions de ces groupes comme le moyen le plus rapide, donc le plus efficace, pour améliorer les résultats de leur entreprise.

On peut constater que les milieux financiers valorisent et encouragent cette démarche quand ils ne l'anticipent pas. Il se dit qu'un licenciement équivaut en moyenne, pour une entreprise, à une perte de 200 000 francs environ, mais que son coût est rentabilisé en un an. N'a-t-on pas entendu un PDG déclarer qu'il n'y a pas d'investissem ent plus rentable qu'un licenciement économique puisque le retour sur investissement est réalisé en un an ? Cette redoutable mécanique finit par inquiéter certains chefs d'entreprise eux-mêmes qui expliquent qu'à force de supprimer des emplois, on va toucher l'os.

La commission d'enquête devrait pouvoir démontrer aisément que, bien souvent, passées des baisses de performance momentanées, les entreprises auraient pu explorer, pour redresser leur situation, d'autres solutions que le licenciement. Cette politique du licenciement systématique est motivée par un seul objectif : la rentabilité financière.

D'ailleurs, l'entreprise elle-même, objet de spéculation, devient une marchandise comme les autres, achetée au moindre fléchissement de ses titres, au-dessous de sa valeur fondamentale, pour être aussitôt dépecée et revendue avec bénéfice substantiel.

Alors que notre pays a connu, ces dernières années, une grave récession, les profits boursiers ont progressé tous les ans de 20 % environ.

M. François Goulard.

Même avec la gauche !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

M. Pierre Carassus.

A l'évidence, cette commission d'enquête n'aura de sens que si elle se donne les moyens d'analyser concrètement les effets pour l'emploi de l'emprise du pouvoir financier sur notre économie. Elle doit être aussi l'occasion de s'interroger sur l'efficacité des lois et des mesures fiscales votées par le Parlement, car nous avons parfois la désagréable sensation que certaines de ces mesures ne sont qu'un simple miroir aux alouettes ou qu'elles introduisent dans la réalité...

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Carassus, s'il vous plaît.

M. Pierre Carassus.

... des effets pervers qui dénaturent leur raison d'être et participent, à leur manière, à la précarisation de l'emploi dans notre pays.

Ainsi, l'impôt sur les sociétés...

M. le président.

Votre temps de parole est terminé, monsieur Carassus.

M. Pierre Carassus.

J'ai fini.

M. le président.

Vous aviez cinq minutes. Terminez ou je serais obligé de vous interrompre.

M. Pierre Carassus.

Ainsi, l'impôt sur les sociétés, malgré les hausses votées pour 1998 et 1999, est à un taux inférieur de presque 10 % à celui pratiqué en 1986.

M. le président.

Monsieur Carassus, je vous demande de conclure.

M. Pierre Carassus.

Je conclus, mais je vous trouve très rigoureux à mon égard.

M. le président.

Vous aviez cinq minutes et tous les orateurs ont respecté leur temps de parole. Vous êtes le seul à ne pas le faire.

M. Pierre Carassus.

Je suis désolé, j'ai une grippe, alors j'ai du mal à parler.

(Sourires.)

M. le président.

Pourtant, vous parlez très vite, monsieur Carassus.

M. Pierre Carassus.

Ayez pitié d'un député momentanément handicapé.

(Rires.)

M. le président.

Je vous demande d'en venir à votre dernier paragraphe et de conclure.

M. Pierre Carassus.

J'y arrive.

Une seule question mérite donc d'être posée : les mesures fiscales favorisent-elles le placement spéculatif ou l'investissement industriel ? En conclusion - afin de faire plaisir au président -, pour les députés du Mouvement des citoyens, la commission d'enquête dont la création nous est aujourd'hui proposée, doit permettre à la représentation nationale de mieux appréhender la crise que nous vivons et de mieux nous armer contre l'emprise des marchés financiers pour favoriser le seul intérêt qui vaille, celui de l'homme, du citoyen, en un mot l'intérêt général qui, comme le rappelait M. le Premier ministre, devrait prévaloir dans un Etat républicain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je serai très bref, monsieur le président, rassurez-vous.

D'abord, je dois vous demander d'excuser l'absence de mon collègue, Christian Pierret, retenu par un deuil familial et faire part au président Lajoinie et aux parlementaires présents de son engagement de venir devant la commission parler de ce sujet dès qu'elle le souhaitera.

Afin que l'Assemblée puisse en venir rapidement à l'examen de texte suivant, très attendu, je me borne à souligner que le Gouvernement, qui a fait de la lutte pour l'emploi et contre le chômage sa priorité, ne peut pas être opposé à la création d'une commission d'enquête qui cherchera à comprendre des mécanismes soit de délocalisation, soit de non-implantation. Ses conclusions devraient éclairer l'action politique du Gouvernement en faveur de l'emploi. Nous les attendons donc avec une grande impatience.

M. le président.

La discussion générale et close.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - En application des articles 140 et suivants du règlement, est créée une commission d'enquête parlementaire de trente membres relative aux pratiques de délocalisation, d'externalisation d'activités, de transferts financiers, de manque de modernisation de filiales de la part de groupes industriels, de services ou financiers et à l'efficacité des aides publiques qui leur sont versées au regard de l'emploi, de l'aménagement du territoire et la création de richesses sur le territoire national. Un des autres objectifs de la commission pourrait être d'avancer des propositions pour inciter les groupes à jouer un rôle d'entraînement favorable à l'emploi, au développement des ressources humaines et des investissements réels. »

Avant de mettre aux voix l'article unique, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, le titre de la proposition de résolution est ainsi rédigé :

« Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et financiers et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire ».

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.

(L'article unique de la proposition de résolution est adopté.)

Constitution de la commission d'enquête

M. le président.

Afin de permettre la constitution de la commission d'enquête dont l'Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l'article 25 du règlement, avant le mardi 15 décembre, à dix-sept heures, le nom des candidats qu'ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

(1) Le compte rendu des travaux de la commission du 25 novembre 1998 sur ce projet de loi est publié en annexe au compte rendu de la présente séance.

6 ANIMAUX DANGEREUX ET ERRANTS Discussion en nouvelle lecture, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi (1)

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 17 novembre 1998.

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte que je vous ai transmis le 10 novembre 1998.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi.

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

J'espère que chacun respectera son temps de parole.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, je vais être encore plus bref que sur le texte précédent. Il m'est en effet arrivé, dans cet hémicycle, de participer à des débats, comme député ou président de séance, et de pester contre des ministres, de droite ou de gauche, qui, en troisième lecture, prononçaient à nouveau de grands discours sur un texte qu'ils avaient déjà présenté deux fois. Je considère que l'esprit de la procédure parlementaire veut qu'en troisième lecture on ne parle que des sujets qui continuent à poser problème.

Ce texte ayant déjà fait l'objet de deux examens très attentifs par votre assemblée, il n'est pas nécessaire de revenir sur son essence et son esprit. Je ne prolongerai donc pas plus longtemps mon intervention, monsieur le président, préférant m'exprimer lors de la discussion des amendements, car le Gouvernement souhaite que nous aboutissions dès ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Merci, monsieur le ministre.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Georges Sarre, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, je suivrai l'exemple de M. le ministre. Estimant avoir tout dit au cours des première et deuxième lectures, je n'ajouterai rien quant au fond en troisième lecture.

C'est pourquoi je propose que nous passions à la discussion générale, en invitant mes collègues à faire plus court que moi encore.

(Sourires.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons en effet déjà débattu du grave problème qui nous occupe ce soir et je ne peux que confirmer le soutien du groupe UDF aux propositions qui nous sont présentées. Je souligne toutefois qu'il conviendrait de tenir compte des remarques de bon sens formulées par nos collègues sénateurs, notamment dans les décrets d'application.

Ainsi le propriétaire de tout chien doit maîtriser son animal, car les pitbulls ne sont pas les seuls à être dangereux. Il faut prendre des mesures d'urgence à l'égard des pitbulls, parce qu'il règne, à cause d'eux, notamment dans les grands ensembles, un climat de crainte, d'effroi et une très mauvaise ambiance. Il est donc indispensable d'instaurer une atmosphère de sécurité dans le milieu urbain.

C'est pourquoi nous soutenons les mesures proposées, tout en demandant que l'on tienne compte au maximum des observations faites par le Sénat dans les décrets d'application.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est très attendu par de nombreux élus locaux et une partie de nos concitoyens pour ce qui concerne le premier chapitre et la mise en oeuvre de nouveaux moyens adaptés au phénomène des animaux dangereux et errants.

Il intéresse également l'ensemble du tissu associatif et professionnel en relation avec l'animal de compagnie, notamment pour ce qui est du deuxième chapitre lié à la moralisation du commerce et à la structuration des activités qui y sont liées.

Je ne reviendrai pas sur cette partie du texte qui, à l'issue des lectures dans les deux assemblées, a été définitivement adopté, les divergences essentielles apparues entre l'Assemblée et le Sénat ayant porté sur le chapitre des chiens potentiellement dangereux.

Le dispositif prévoyant des mesures très fermes à l'égard des maîtres de chiens pouvant être utilisés à des fins délictuelles ou condamnables a en effet été la cause des divergences avec le Sénat. Ce dernier, en préconisant une fusion des catégories de chiens en une seule va à l'encontre de la philosophie générale du projet de loi.

La distinction entre les deux catégories rétablie en commission par l'Assemblée, permet de graduer les mesures de prévention applicables à l'utilisation des chiens et les sanctions à l'encontre de leurs maîtres. En effet, il nous fallait trouver des réponses adaptées selon les types de chiens, leur dangerosité et les problèmes de sécurité qu'ils sont susceptibles de poser à nos concitoyens.

Il faut également des réponses rapides, d'où la pertinence de laisser à un texte réglementaire le soin d'établir la liste des types de chiens.

Vous avez mis en place, monsieur le ministre, un groupe de travail sur cette question des catégories regroupant les représentants du ministère de l'intérieur, mais


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

aussi ceux des organismes cynophiles, les représentants de la profession vétérinaire et des associations de protection animale. Il est indispensable que l'arrêté soit pris dès la promulgation de la loi.

La commission de la production et des échanges a souhaité, à l'occasion de cette nouvelle lecture, améliorer encore l'efficacité du texte. Ainsi un amendement qui sera présenté par le rapporteur prévoit la possibilité d'interdire dans les appartements locatifs la possession ou la détention d'un ou plusieurs chiens d'attaque. J'avais moimême, dès la première lecture, envisagé une telle mesure, qui paraît indispensable.

L'amendement prévoit la modification de la législation en vigueur en créant une exception à la loi du 9 juillet 1970 qui affirme que toute stipulation « tendant à interdire la détention d'un animal familier dans un local d'habitation » est réputée non écrite, cette détention étant toutefois subordonnée au fait que le dit animal ne cause aucun trouble de jouissance aux occupants de l'immeuble.

U n grand nombre d'élus locaux et d'organismes d'HLM sont favorables à cette disposition compte tenu des nuisances et des troubles de jouissance que les chiens d'attaque sont susceptibles d'occasionner dans les immeubles, en particulier dans les grands ensembles sociaux de nos quartiers.

En conclusion, le rétablissement du texte tel que nous l'avons voté en deuxième lecture et les améliorations proposées permettront l'adoption d'un projet équilibré qui propose finalement de protéger à la fois l'homme et l'animal.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous d'accord sur la nécessité de régler le problème des chiens dangereux. Cela ne fait aucun doute.

A l'origine de ce projet de loi a été le problème posé par les pitbulls. Cependant, au sein du groupe Démocratie libérale et Indépendants, nous ne sommes pas d'accord avec la façon dont vous prévoyez de lutter contre ces dangers.

En effet, nous sommes persuadés que ce sont les maîtres plus que les chiens qui sont responsables du comportement agressif de ces animaux : le mauvais propriétaire fait le mauvais chien et non l'inverse.

Nous estimons donc que l'essentiel ne réside pas dans la distinction entre deux catégories de chiens établie dans ce projet de loi. Elle sera d'ailleurs difficilement applicable. En effet comment faire la différence entre un chien d'attaque et un chien de défense ? En outre la création de deux catégories de chiens pose plusieurs problèmes.

D'abord les modalités pour arrêter la liste des chiens potentiellement dangereux seront extrêmement complexes et l'on peu s'interroger sur les critères retenus. Ainsi, comment seront classés les chiens issus de croisements ? Au vu de la nouvelle règlementation, les délinquants en puissance risquent d'ailleurs de changer systématiquement de race ou de type de chien pour se tourner vers des animaux non classés en première catégorie puis les rendre agressifs par dressage.

Par ailleurs les contraintes administratives, notamment la stérilisation, risquent de peser d'abord sur les personnes respectueuses de la loi dont les animaux ne posent pas de problème.

Enfin, les pouvoirs publics sauront-ils résister à l'opinion quant un accident sera provoqué par un chien qui ne figure pas dans la liste et que sera demandé son classement en première catégorie ? Les études ont montré que des pitbulls ou d'autres chiens considérés comme dangereux, pouvaient, bien dressés et bien dirigés par leur maître, se comporter normalement. Nous pensons donc que la constitution d'une seule et unique catégorie est la solution la plus sage.

Nous émettons également des réserves sur la solution retenue en matière d'indentification des animaux, le tatouage nous paraissant une meilleure solution.

Enfin, la commission a déposé, le 17 novembre dernier, un amendement à l'article 2 qui tend à insérer un article 211-5 bis dans le code rural à propos des règlements de copropriété et des contrats de location. Or cette décision a été prise après l'examen du texte par le Sénat.

Cette proposition n'a donc pas pu être examinée par nos collègues sénateurs, ce qui nous semble contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Malgré ces réserves, nous voterons en faveur de ce texte imparfait.

Je voudrais, pour terminer, faire quelques observations sur l'article 19 bis qui a été introduit par le Sénat en deuxième lecture,...

M. Georges Sarre, rapporteur.

On en parlera tout à l'heure !

M. François Goulard.

... pour souligner les inconvénients de principe qui s'attachent à la validation législative d'erreurs qui ont été commises par l'administration.

Je n'ai pas de point de vue particulier sur la décision politique qui avait été prise. En revanche, il est certain que l'administration a commis une erreur et le fait d'offrir la possibilité aux administrations de corriger leurs erreurs par la voie d'une validation législative me paraît non seulement violer le principe du respect du droit, mais égalememt placer l'administration dans une situation d'impunité qui est dommageable.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cela résulte de l'arrêté de M. Vasseur !

M. François Goulard.

Là n'est pas la question, monsieur le ministre. Vous n'êtes pas, vous-même, à l'abri d'erreurs de cet ordre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Tout à fait.

M. François Goulard.

Si l'administration supportait toutes les conséquences de ses actes, y compris les plus contestables, sans se voir offrir de telles facilités, qui sont évidemment refusées à toute autre personne morale ou physique, je suis pour ma part convaincu qu'elle montrerait infiniment plus attentive et responsable.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Rebillard.

M. Jacques Rebillard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, le groupe RCV est tout à fait favorable au texte qui nous est présenté par notre excellent collègue Georges Sarre.

Je reviendrai simplement sur l'article 19 bis car ce qui s'est passé au dernier concours de l'école vétérinaire est inique. Ainsi, avec trois concours d'accès, on est arrivé à la situation où des élèves ont été recalés avec des notes supérieures à celles des derniers élèves admis. C'est bien difficile à comprendre et à admettre au nom de l'équité.

Une sortie honorable doit être trouvée. Nous en avons


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

parlé avec nos collègues parlementaires qui sont vétérinaires. Le marché de l'emploi pour les vétérinaires et les capacités d'accueil des écoles vétérinaires devraient permettre d'accueillir des élèves supplémentaires. C'est pour cette raison que le groupe RCV est favorable aux amendements nos 19 et 21 présentés par nos collègues PerrinGaillard et Sarre et aux sous-amendements proposés par le Gouvernement.

M. le président.

La parole est à M. Nicolas DupontAignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Je m'exprime au nom du groupe RPR où nous avons la liberté de vote sur ce dossier. Je défends également mon point de vue personnel : il va de soi que je soutiens totalement ce texte puisque j'ai été, avec 65 collègues, à l'origine d'une proposition de loi qui était exactement similaire. Je ne ferai donc - une fois n'est pas coutume - aucune complication.

Le sujet sur lequel porte le projet de loi est d'actualité : dans mon département, la semaine dernière encore, une petite fille a été déchiquetée par un pitbull. J'insiste donc sur l'urgence qu'il y a à agir.

La classification des chiens dangereux en deux catégories est très utile, parce qu'elle permettra la souplesse nécessaire à la mise en place des mesures, à condition, bien sûr, que toutes les associations soient consultées.

Cela ne pourra se faire d'ailleurs qu'avec un accord des différentes sociétés et, en particulier de la société centra le canine. Donc je ne suis pas inquiet là-dessus.

Dans cette classification, l'accent est mis dans un premier temps sur les pitbulls qui sont véritablement dangereux car ils ne servent pas seulement pour attaquer, mais sont utilisés également comme moyens de menace et d'intimidation dans beaucoup de nos banlieues pour le trafic de stupéfiants.

J'ajoute que je soutiens totalement l'amendement qui a été déposé en commission permettant aux organismes d'HLM d'interdire la présence de pitbulls dans certains immeubles. Nous avons eu des cas où cela se révelait indispensable. D'aucuns nous ont expliqué à un moment que cela n'était pas possible. Selon certains juristes, ça l'est. J'espère que nous serons sur la bonne voie en ce domaine.

J'insisterai, pour conclure, sur deux points.

D'abord, bien évidemment, l'application de la loi ne dépend pas simplement du législateur, mais de la police.

Or nous nous apercevons que la police n'a actuellement aucun moyen matériel approprié : armes pour endormir les chiens, instruments pour les capturer, fourrière en liaison avec le conseil général. Je demande donc à M. le ministre, comme je l'avais demandé à son prédécesseur, de veiller personnellement à ce que la loi que nous allons voter soit bien appliquée. Sinon, nous risquons d'engendrer une nouvelle déception chez nos concitoyens qui attendent, dès le vote de ce texte, une action concrète sur le terrain.

Enfin, j'évoquerai moi aussi le problème de la validation des concours vétérinaires. J'avais alerté, il y a quelque temps, le Gouvernement sur cette affaire. La validation législative peut être acceptable pour couvrir des erreurs administratives à condition qu'elle n'ajoute pas une injustice à une autre injustice. C'est pourquoi l'amendement que plusieurs membres du groupe RPR ont déposé en commission, et qui a été repris ensuite par le Gouvernement, vise non seulement à valider le concours de ceux qui sont reçus mais également à rattraper ceux qui avaient obtenu une note supérieure à celle du dernier candidat admis. Cela me paraît être la moindre des choses, car il aurait été insupportable que le Parlement cautionne une nouvelle injustice. En conséquence, nous voterons ce texte.

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Monsieur le président, monsieur le ministre, nous regrettons que le Sénat ait adopté, lors de l'examen de ce projet de loi, un amendement concernant l'admission aux concours d'entrée dans les écoles vétérinaires en 1998.

Tout d'abord, son objet n'a aucun rapport avec le texte en discussion. Il est temps de mettre fin au procédé qui consiste à faire régulariser discrètement et à l'improviste par le Parlement des problèmes épineux que l'administration devrait résoudre. C'est ce qu'on appelle un « cavalier ».

Et c'est un « cavalier » bien cavalier que celui qui nous est présenté, si l'on considère la désinvolture avec laquelle il est proposé et son caractère profondément injuste pour les jeunes ayant passé le concours.

La réforme du concours d'entrée des écoles vétérinaires introduite par M. Vasseur limite la présentation au concours à deux fois de suite dans les deux ans suivant le bac. Elle avait pour objectif d'éviter que la présentation au concours se répète indéfiniment durant plusieurs années. Elle a instauré, temporairement, des quotas de places entre élèves issus de la première année de prépas et les redoublants ayant échoué une ou deux fois.

Par des arrêtés ministériels rétroactifs pris à la veille des épreuves, des quotas arbitraires et des listes complémentaires contestables, ce système a abouti à pénaliser des candidats qui n'ont pas été reçus au concours, tout en ayant obtenu des notes supérieures à celles des candidats admis grâce à l'application de quotas entre les différentes catégories d'élèves.

C'est ainsi que des centaines de candidats lésés ont déposé un recours devant le Conseil d'Etat demandant l'annulation des résultats du concours pour rupture d'égalité entre candidats aux mêmes épreuves et abus d'autorité. Or, l'article 19 bis du projet de loi, outre qu'il est étranger à son objet, tend à valider le concours tel quel avec toutes ses anomalies et sans tenir compte du préjudice des candidats lésés et à empêcher le Conseil d'Etat de se prononcer sur les recours déposés.

Si cette disposition, contraire à la justice et à une procédure démocratique, devait être maintenue, les candidats visés ne manqueront pas de saisir la Cour européenne des droits de l'homme. D'ailleurs, la nocivité de cette mesure est aujourd'hui reconnue par le propre auteur de l'amendement.

L'école vétérinaire française se classait, il y a encore quelques années, parmi les meilleures du monde. Elle a, depuis, perdu beaucoup de son prestige. Elle a besoin d'une réforme profonde du contenu et de la forme des enseignements, de la procédure des concours et des examens ainsi que les moyens pour la rénovation et la modernisation des locaux universitaires. Cette réforme doit être mûrement réfléchie et menée en concertation avec toutes les parties intéressées. La profession vétérinaire mériterait que l'on se penche sur sa spécificité et qu'un texte, consacré à cette discipline, traite l'ensemble des problèmes et non pas l'un d'entre eux, en catamini, entre deux articles traitant des pitbulls.


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C'est pourquoi, au nom de l'équité, nous demandons que soit remis en cause l'article 19 bis et que soit mis en place un comité de réflexion sur la réforme de la médecine vétérinaire en France afin de trouver une solution rapide au problème actuel.

M. le président.

La discussion générale est close.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique et qui font l'objet d'amendements.

Discussion des articles Article 1er

M. le président.

« Art. 1er L'article 211 du code rural est ainsi rédigé :

« Art.

211. Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire, de sa propre initiative ou à la demande de toute personne concernée, peut prescrire au propriétaire ou au gardien de cet animal de prendre des mesures de nature à prévenir le danger.

« En cas d'inexécution, par le propriétaire ou le gardien de l'animal, des mesures prescrites, le maire peut, par arrêté, placer l'animal dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci. Les frais sont à la charge du propriétaire ou du gardien.

« Si, à l'issue d'un délai franc de garde de quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal, le propriétaire ou le gardien ne présente pas toutes les garanties quant à l'application des mesures prescrites, le maire autorise le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d'un vétérinaire mandaté par la direction des services vétérinaires, soit à faire procéder à l'euthanasie de l'animal, soit à en disposer dans les conditions prévues au II de l'article 213-4.

« Le propriétaire ou le gardien de l'animal est invité à présenter ses observations avant la mise en oeuvre des dispositions du présent article. En cas d'urgence, cette formalité n'est pas exigée et les pouvoirs du maire peuvent être exercés par le préfet. »

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Au début du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 211 du code rural, substituer aux mots : "quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal", les mots : "huit jours ouvrés". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Cet amendement a pour but de rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Il prévoit un délai de huit jours ouvrés pour la garde d'un animal présumé dangereux dans un lieu de dépôt. Cette formule est préférable au délai de « quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal » préconisé par le Sénat, tout particulièrement parce qu'elle ménage les finances des organismes gestionnaires.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis favorable, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

1. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Sont insérés, après l'article 211 du code rural, huit articles 211-1 à 211-9 ainsi rédigés :

« Art.

211-1. Les types ou races de chiens susceptibles d'être dangereux faisant l'objet des mesures spécifiques prévues par les articles 211-2, 211-3 et 211-5, sans préjudice des dispositions de l'article 211, sont définis par arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre de l'agriculture pris après consultation des organismes cynophiles agréés.

« Art.

211-2. I. Non modifié.

« II. Est puni de trois mois d'emprisonnement et de 25 000 F d'amende le fait de détenir un chien appartenant à l'un des types ou races mentionnés dans l'arrêté interministériel prévu à l'article 211-1, en contravention avec l'interdiction édictée au I du présent article.

« III. Supprimé.

« Art.

211-3. I. Non modifié.

« II. Il est donné récépissé de cette déclaration par le maire lorsqu'y sont jointes les pièces justifiant :

« de l'identification du chien conforme à l'article 276-2 et pratiquée exclusivement par un vétérinaire titulaire du mandat sanitaire ;

« de la vaccination antirabique du chien en cours de validité ;

« dans des conditions fixées par décret, d'une assurance garantissant la responsabilité civile du propriétaire du chien ou de celui qui le détient, pour les dommages causés aux tiers par l'animal. Les membres de la famille du propriétaire ou de celui qui détient l'animal sont considérés comme tiers au sens des présentes dispositions.

« III. Non modifié.

« Art.

211-4. Supprimé.

« Art.

211-5. Les chiens appartenant à l'un des types ou races mentionnés à l'article 211-1 doivent être muselés et tenus en laisse par une personne majeure dans les lieux publics, les locaux ouverts au public et les transports en commun.

« Ils doivent être muselés et tenus en laisse sur la voie publique et dans les parties communes des immeubles collectifs.

« Leur stationnement dans les parties communes des immeubles collectifs est interdit.

« Art.

211-6 à 211-9. Non modifiés. »

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 2, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 211-1 du code rural :

« Art.

211-1. Les types de chiens susceptibles d'être dangereux faisant l'objet des mesures spécifiques prévues par les articles 211-2 à 211-5, sans préjudice des dispositions de l'article 211, sont répartis en deux catégories :

« première catégorie : les chiens d'attaque ;

« deuxième catégorie : les chiens de garde et de défense.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

« Un arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre de l'agriculture établit la liste des types de chiens relevant de chacune de ces catégories. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Rétablissement du texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Dans le II du texte proposé pour l'article 211-2 du code rural, substituer aux mots : "l'un des types ou races mentionnés dans l'arrêté interministériel prévu", les mots : "la première ou la deuxième catégorie mentionnée". »

La parole est à M. le rapporteur

M. Georges Sarre, rapporteur.

Rétablissement du texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« A la fin du deuxième alinéa du II du texte proposé pour l'article 211-3 du code rural, supprimer les mots : "et pratiquée exclusivement par un vétérinaire titulaire du mandat sanitaire". »

La parole est à M. le rapporteur

M. Georges Sarre, rapporteur.

Rétablissement du texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Après le troisième alinéa du II du texte proposé pour l'article 211-3 du code rural, insérer l'alinéa suivant :

« pour les chiens mâles et femelles de la première catégorie, le certificat vétérinaire de stérilisation de l'animal ; » La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Rétablissement du texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Rétablir le texte proposé pour l'article 211-4 du code rural dans le texte suivant :

« Art.

211-4. I. L'acquisition, la cession à titre gratuit ou onéreux, hormis les cas prévus au troisième alinéa de l'article 211 ou au troisième alinéa de l'article 213-7, l'importation et l'introduction sur le territoire métropolitain, dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon des chiens de la première catégorie mentionnée à l'article 211-1 sont interdites.

« II. La stérilisation des chiens de la première catégorie est obligatoire. Cette stérilisation donne lieu à un certificat vétérinaire.

« III. Le fait d'acquérir, de céder à titre gratuit ou onéreux, hormis les cas prévus au troisième alinéa d e l'article 211 ou au troisième alinéa de l'article 213-7, d'importer ou d'introduire sur le territoire métropolitain, dans les départements d'outremer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierreet-Miquelon des chiens de la première catégorie mentionnée à l'article 211-1 est puni de six mois d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende.

« Le fait de détenir un chien de la première catégorie sans avoir fait procéder à sa stérilisation est puni des peines prévues au premier alinéa.

« Les peines complémentaires suivantes peuvent être prononcées à l'égard des personnes physiques :

« 1o La confiscation du ou des chiens concernés, dans les conditions prévues à l'article 131-21 du code pénal ;

« 2o L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction, dans les conditions prévues à l'article 131-29 du même code. »

La parole est à M. le rapporteur

M. Georges Sarre, rapporteur.

Rétablissement du texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 211-5 du code rural :

« Art.

211-5. I. - L'accès des chiens de la première catégorie aux transports en commun, aux lieux publics à l'exception de la voie publique, et aux locaux ouverts au public est interdit. Leur stationnement dans les parties communes des immeubles collectifs est également interdit.

« II. Sur la voie publique, dans les parties communes des immeubles collectifs, les chiens de la première et de la deuxième catégories doivent être muselés et tenus en laisse par une personne majeure.

Il en est de même pour les chiens de la deuxième catégorie dans les lieux publics, les locaux ouverts au public et les transports en commun.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

« III. Un bailleur ou un copropriétaire peut saisir le maire en cas de dangerosité d'un chien résidant dans un des logements dont il est propriétaire.

Le maire peut alors procéder, s'il le juge nécessaire, à l'application des mesures prévues à l'article 211. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Rétablissement du texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis favorable, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement no 8, ainsi rédigé :

« Après le texte proposé pour l'article 211-5 du code rural, insérer l'article suivant :

« Art.

211-5 bis. Les règlement de copropriété et les contrats de location d'immeubles peuvent prescrire l'interdiction de posséder ou de détenir un chien appartenant à la première catégorie. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Monsieur le président, je retire cet amendement au profit du suivant.

M. le président.

L'amendement no 8 est retiré.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 2

M. le président.

M. Sarre a présenté un amendement, no 20 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Le I de l'article 10 de la loi no 70-598 du 9 juillet 1970 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est licite la stipulation tendant à interdire la détention d'un chien appartenant à la première catégorie mentionnée à l'article 211-1 du code rural ».

« II. Dans le II du même article, après le mot :

« article », sont insérés les mots : ", à l'exception de celles du dernier alinéa du I,". »

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Dans un premier temps, la commission avait décidé que les chiens d'attaque ne pourraient pas stationner dans les parties communes.

Nous avons pensé qu'il était nécessaire de faire preuve encore d'un peu plus de rigueur. C'est pourquoi il est accordé dans cet article la possibilité pour les logeurs, c'est-à-dire les sociétés HLM ou les offices HLM, d'interdire aux locataires de posséder des chiens de la première catégorie.

La commission a adopté cet amendement à l'unanimité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 20 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 7

« Article

7. Il est inséré, après l'article 213-2 du code rural, quatre articles 213-3 à 213-6 ainsi rédigés :

« Art.

213-3. Non modifié.

« Art.

213-4. I. Lorsque les chiens et les chats accueillis dans la fourrière sont identifiés conformément à l'article 276-2, le gestionnaire de la fourrière recherche, dans les plus brefs délais, le propriétaire de l'animal.

Dans les départements officiellement déclarés infectés par la rage, seuls les animaux vaccinés contre la rage peuvent être rendus à leur propriétaire.

« A l'issue d'un délai franc de garde de quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal, si l'animal n'a pas été réclamé par son propriétaire, il est considér é comme abandonné et devient la propriété du gestionnaire de la fourrière qui peut en disposer dans les conditions définies ci-après.

« II et III. Non modifiés.

« Art.

213-5.

I. Dans les départements indemnes de rage, lorsque les chiens et les chats accueillis dans la fourrière ne sont pas identifiés, les animaux sont gardés pendant un délai franc de quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal. L'animal ne peut être remis à son propriétaire qu'après avoir été identifié conformémen t à l'article 276-2. Les frais de l'identification sont à la charge du propriétaire.

« Si, à l'issue de ce délai, l'animal n'a pas été réclamé par son propriétaire, il est considéré comme abandonné et devient la propriété du gestionnaire de la fourrière qui peut en disposer dans les mêmes conditions que celles mentionnées au II de l'article 213-4.

« II. Non modifié.

« Art.

213-6. Non modifié. »

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article 213-4 du code rural, après la référence : "276-2", insérer les mots : "ou par le port d'un collier où figurent le nom et l'adresse de leur maître". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Rétablissement du texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article 213-4 du code rural, substituer aux mots : "quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal", les mots : "huit jours ouvrés". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Rétablissement du texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis favorable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

M. le président.

La parole est à M. René Angot.

M. André Angot.

Pour des raisons que j'ai déjà défendues lors des deux premières lectures de même qu'en commission, je pense qu'il est imprudent de ne conserver que huit jours ouvrés en fourrière un chien dont on ne connaît pas l'origine. En effet, ce délai est en contradiction avec la législation qui existe sur la surveillance des chiens mordeurs dans le cadre de la lutte contre la rage.

Vous pouvez très bien trouver sur la voie publique un chien dont vous ne connaissez pas les antécédents. Il peut avoir mordu ou simplement éclaboussé de salive une personne qui aura été en contact avec lui. Or, vous savez monsieur le ministre, et vos services savent, que la salive d'un chien enragé est porteuse du virus de rage quinze jours avant que ce chien ne meure de cette maladie.

Donc la législation que nous appliquons dans le domaine de la surveillance des chiens mordeurs porte sur un délai de quinze jours.

Je ne suis pas intervenu sur l'article 1er , parce que le cas était différent : on enlevait un chien à son propriétaire pour le mettre en fourrière. Dès lors, on connaissait les antécédents du chien.

Dans l'article 7, il est question des chiens trouvés sur la voie publique. On prend un grand risque pour la santé publique à euthanasier ce chien au bout de huit jours alors que quelques jours supplémentaires de surveillance permettraient de l'éviter.

M. le rapporteur nous objecte le coût de la garde d'un chien dans une fourrière, qui reviendrait à 20 francs par jour. Les risques pour la santé publique, le prix d'une personne humaine, le coût médical d'une personne qui risque de décéder de la rage, si la surveillance n'est pas bonne, sont, monsieur le rapporteur, sans commune mesure avec celui du maintien d'un chien en fourrière quelques jours supplémentaires.

M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

Je mets...

M. André Angot.

La commission n'a pas répondu !

M. le président.

Un orateur s'est exprimé contre l'amendement. Je passe maintenant au vote. C'est la règle !

M. François Goulard.

C'est quand même regrettable ! Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président.

Je ne peux pas vous la donner, monsieur Goulard. Je vous rappelle qu'il est une heure moins cinq et que nous examinons en troisième lecture un texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifié. Un seul orateur a le droit de s'exprimer après que la commission et le Gouvernement ont donné leur avis.

Je mets donc aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé pour l'article 213-5 du code rural, substituer aux mots : "quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal", les mots : "huit jours ouvrés". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Nous demandons, là aussi, que le délai soit fixé à huit jours ouvrés.

Retour au texte de l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis favorable !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Dans le strict respect de notre règlement, monsieur le président, et même s'il est tard, je m'étonne qu'à l'argumentation empreinte d'une très grande logique et d'une très grande vérité scientifique de notre collègue Angot, ni le rapporteur ni le ministre n'aient cru devoir répondre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous avons déjà répondu !

M. Georges Sarre, rapporteur.

Cinquante fois !

M. le président.

Si je comprends bien, il s'agissait d'un commentaire sur l'amendement no 10, monsieur Goulard ! Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8 bis

M. le président.

« Art.

8 bis. Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées dans les deux ans qui suivent la promulgation de la présente loi un rapport dressant un bilan de l'application du présent chapitre. »

M. Sarre a présenté un amendement, no 16, ainsi rédigé :

« A la fin de l'article 8 bis, substituer aux mots : "de l'application du présent chapitre", les mots : "sur la portée de cette loi concernant les deux catégories de chiens mentionnées à l'article 211-1 du code rural". »

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Retour au texte de l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 8 bis, modifié par l'amendement no

16. (L'article 8 bis, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

M. le président.

« Art. 10. - L'article 276-3 du code rural est ainsi rédigé :

« Art.

276-3. - I à IV. - Non modifiés.

« V. Les personnes qui, sans exercer les activités mentionnées au III, détiennent plus de neuf chiens d'au moins six mois doivent mettre en place et utiliser des installations conformes aux règles sanitaires et de protection animale pour ces animaux.

« VI. Non modifié. »

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« Dans le V du texte proposé pour l'article 276-3 du code rural, substituer aux mots : "d'au moins six mois", le mot : "sevrés". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Rétablissement de la rédaction de l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 10, modifié par l'amendement no

12. (L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Article 13

M. le président.

« Art. 13. - Il est inséré, après l'article 276-4 du code rural, un article 276-5 ainsi rédigé :

« Art.

276-5. - I. - Non modifié.

« II. Seuls les chiens et les chats âgés de plus de huit semaines peuvent faire l'objet d'une cession à titre onéreux ou gratuit.

« III à V. Non modifiés. »

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« A la fin du II du texte proposé pour l'article 276-5 du code rural, supprimer les mots : "ou gratuit". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Retour à la rédaction de l'Assemblée nationale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement no

13. (L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 15

M. le président.

« Art. 15. - Il est inséré, après l'article 276-7 du code rural, cinq articles 176-8 à 276-12 ainsi rédigés :

« Art.

276-8. - Non modifié.

« Art.

276-9. - Est puni de 50 000 F d'amende :

« 1o Le fait, pour toute personne gérant un refuge ou une fourrière ou exerçant l'une des activités visées à l'article 276-3, en méconnaissance d'une mise en demeure prononcée en application de l'article 276-8 :

« de ne pas avoir procédé à la déclaration prévue au IV de l'article 276-3,

« de ne pas disposer d'installations conformes aux règles sanitaires et de protection animale pour les animaux ou de ne pas les utiliser,

« de ne pas être titulaire d'un certificat de capacité, ou de ne pas s'assurer qu'au moins une personne en contact avec les animaux, dans les lieux où s'exercent les activités, est titulaire d'un certificat de capacité ;

« 2o Le fait, pour tout détenteur de plus de neuf chiens de plus de six mois visés au V de l'article 276-3, de ne pas disposer d'installations conformes aux règles sanitaires et de protection animale pour ces animaux, malgré la mise en demeure prononcée en application de l'article 276-8.

« Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au présent article encourent également la peine complémentaire de l'affichage et la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

« Les personnes morales peuvent être déclarées respon-s ables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions prévues au présent article.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« l'affichage ou la diffusion ordonnés dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal. »

« Art. 276-10 à 276-12. - Non modifiés. »

M. Sarre, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Dans le sixième alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article 276-9 du code rural, substituer aux mots : "de plus de six mois", le mot : "sevrés". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

Coordination et retour au texte de l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 15, modifié par l'amendement no

14. (L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Article 19 bis

M. le président.

« Art. 19 bis. - Sont admis aux concours d'entrée dans les écoles vétérinaires ouverts en 1998 les élèves dont les noms figurent à l'arrêté du ministère de l'agriculture et de la pêche du 13 août 1998.

« Un rapport du ministère de l'agriculture et de la pêche relatif à la clarification et à la simplification des p rocédures d'admission au concours vétérinaire sera communiqué au Parlement dans les quatre mois qui suivent la publication de la présente loi.

« Un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application de cet article. »

Je suis saisi de deux amendements identiques nos 19 et 21.

L'amendement no 19 est présenté par Mme PerrinGaillard, MM. Patriat, Blazy, Desbons, Le Guen, Montane, Mmes Marre, Génisson, Bousquet, BenayounNakache, MM. Bapt, Veyret et les membres du groupe socialiste ; l'amendement no 21 est présenté par M. Sarre.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Rédiger ainsi l'article 19 bis :

« Sans préjudice des droits éventuels à l'indemnisation des candidats non admis, sont admis dans les écoles nationales vétérinaires en 1998 les candidats


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

dont les noms figurent dans l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 13 août 1998 portant admission par ordre de mérite dans les écoles nationales vétérinaires en 1998.

« Les candidats des concours A dont le nom ne figure pas sur l'arrêté du 13 août 1998 mais qui ont obtenu une note égale ou supérieure à la plus faible note des candidats de ces concours admis au titre de cet arrêté, sont exceptionnellement autorisés à subir les épreuves du concours 1999.

« Un rapport du ministre de l'agriculture et de la pêche relatif à la clarification et à la simplification des procédures d'admission au concours d'accès aux écoles vétérinaires sera remis au Parlement dans les quatre mois suivant la publication de la présente loi. »

Sur l'amendement no 19, je suis saisi de deux sousamendements, nos 24 et 23, présentés par le Gouvernement.

Le sous-amendement no 24 est ainsi rédigé : « Au début du premier alinéa de l'amendement no 19, supprimer les mots : "Sans préjudice des droits éventuels à l'indemnisation des candidats non admis". »

Le sous-amendement no 23 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'amendement no 19 :

« Les candidats des concours A, A 1 et A 2 dont le nom ne figure pas sur l'arrêté du 13 août 1998 mais qui ont obtenu une note égale ou supérieure à la plus faible note des admis au titre de cet arrêté, toutes catégories des concours A, A 1 et A 2 confondues, sont également admis selon leur ordre de mérite et par tiers et sur trois ans à compter de la rentrée universitaire 1999. »

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour soutenir l'amendement no

19.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Monsieur le ministre, malgré l'heure tardive et notre fatigue collective, je voudrais m'attarder quelques minutes sur l'article 19 bis et l'amendement que, avec un certain nombre de mes collègues, je vous propose.

L'article 19 bis, introduit par le Sénat, ne nous convenait pas du tout. Pourquoi ? Parce qu'il entérinait une situation inique : un certain nombre de candidats au concours de l'Ecole nationale vétérinaire n'étaient pas reçus bien qu'ils aient obtenu des notes supérieures à celles des derniers admis.

Entériner une telle situation, qui avait déjà fait l'objet de plusieurs recours de la part des élèves lésés, nous apparaissait quelque peu insupportable. Insupportable pour nous, mais aussi pour ces étudiants qui, motivés, avaient travaillé pendant des années dans l'espoir d'exercer un métier qui leur plaisait. Il nous paraissait important de rétablir une situation plus normale.

L'amendement que nous présentons ce soir, vous le savez, monsieur le ministre, ne nous plaît pas véritablement sur le fond mais il ouvre la voie à une solution qui sera probablement plus juste et plus généreuse.

Vous souhaitez également sortir de cette situation quelque peu ubuesque, et en sortir par le haut. Cette volonté vous honore et honore le Gouvernement. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Les grands mots sont lâchés !

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Bon rattrapage !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Au nom de tous ces étudiants qui attendent une solution à leurs problèmes, je vous remercie pour les dispositions que vous avez prises dans les sous-amendements que vous allez, dans quelques instants, nous présenter.

Nous arrivons au terme de l'examen de ce texte en troisième lecture. C'est la première fois dans ma vie de parlementaire, qui, certes, est encore très brève, que je vois un texte de loi se terminer par une solution qui, non seulement est intéressante, mais qui va également apporter la joie dans un grand nombre de familles.

Reste à régler le problème de l'intégration.

Pour ce qui me concerne, j'estime que le Gouvernement fait un effort considérable au travers des sousamendements qu'il va présenter dans quelques instants et qui permettront de prévoir les conditions d'entrée aux écoles vétérinaires des étudiants concernés.

Le groupe socialiste a participé avec coeur et pugnacité à l'élaboration de cette solution mais je salue aussi la contribution de tous les membres de gauche plurielle ainsi que de nombreux députés de l'opposition.

M. André Angot.

Quand même !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement no 21, qu'il présente à titre personnel, et donner l'avis de la commission sur les deux amendements nos 19 et 21.

M. Georges Sarre, rapporteur.

La manière scandaleuse dont l'administration a organisé le concours d'entrée aux écoles nationales vétérinaires en 1998, selon une méthode qui a rompu avec le principe républicain d'égalité entre l es candidats, nous oblige aujourd'hui à trancher.

L'Assemblée nationale, comme le Gouvernement, le fait sans barguigner.

Tous les membres de la commission de la production se sont déclarés indignés et ont jugé indispensable de ne pas faire subir aux candidats admis les conséquences des irrégularités commises. En conséquence, ils ont exprimé le souhait que les résultats du concours qui ont été publiés par l'arrêté ministériel du 13 août 1998 soient validés.

A l'occasion de cette validation législative, qui a été introduite dans le projet de loi par un amendement voté par le Sénat en seconde lecture, les parlementaires ont reçu de nombreuses sollicitations afin de rétablir dans leurs droits les candidats qui ont été recalés alors qu'ils avaient obtenu une note moyenne supérieure à la note du dernier candidat admis. Hélas ! ces sollicitations dépassent les pouvoirs du Parlement.

En effet, les commissaires en sont convenus, la tradition républicaine d'indépendance des jurys des concours et le respect du domaine réglementaire relevant du Gouvernement limitent les initiatives des parlementaires. Il ne serait pas acceptable de ce point de vue que le Parlement fixe un seuil d'admission à un concours ou un nombre de candidats admis.

En outre, l'article 40 de la Constitution interdit les amendements des parlementaires entraînant la création d'une charge publique, ce qui est le cas si un député proposait de déclarer admis les 199 candidats recalés ayant obtenu une note égale ou supérieure à celle du dernier candidat des concours A déclaré admis. En effet, la promotion 1998 des écoles vétérinaires est de 438 élèves ; en ajouter 199 excéderait largement le simple accroissement des charges de gestion.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

C'est pourquoi Mme Perrin-Gaillard, de nombreux députés socialistes et moi-même avons déposé deux amendements identiques limitant la mesure d'équité complémentaire à la validation du concours à une autorisation pour ces 199 candidats de subir une nouvelle fois les épreuves du concours vétérinaire. Aller au-delà aurait contrevenu ou bien à la tradition républicaine ou bien à l'article 40 de la Constitution.

Mais, à la demande pressante des députés, le Gouvernement, qui seul pouvait agir, a déposé un sousamendement proposant l'intégration dans les écoles vétérinaires de ces 199 candidats injustement recalés.

Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez rassurer les députés sur les conditions dans lesquelles se dérouleront à l'avenir les concours vétérinaires - comme le proposait l'amendement sénatorial, un rapport est demandé au Gouvernement sur les procédures d'admission aux écoles vétérinaires - et sur les conditions précises dans lesquelles le ministère procédera à l'intégration de ces 199 candidats.

Chers collègues, je pense que nous faisons ce soir oeuvre de justice et d'équité.

M. le président.

La parole est à M. le ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 19 et 21 et présenter les sous-amendements nos 24 et 23.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous abordons ici le seul point de la soirée qui va nous accaparer quelques minutes, mais l'enjeu en vaut la peine. Le sujet est extrêmement complexe, il ne faut pas le contourner.

Je commencerai par rassurer M. Sarre sur l'avenir, pour pouvoir parler plus tranquillement du passé.

Dès l'année prochaine, on rentrera dans le droit commun, les prochains concours seront organisés sans quota, les choses seront ainsi plus simples.

Les quotas ont été introduits par une réforme décidée en 1996 par un de mes prédécesseurs, M. Vasseur...

M. André Angot.

C'est faux, les arrêtés ont été pris après !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... dont je ne conteste pas le fondement, monsieur Angot - sans que les dispositions aient été arrêtées avec beaucoup de précision. Elle prévoyait une sorte de numerus clausus, avec une entrée en sifflet étalée sur trois années.

Il a bien fallu gérer la restriction des entrées dans les écoles vétérinaires avec le souci de ne pas créer d'inégalités entre les différents étudiants qui se présentaient. En effet, à partir du moment où on limitait le nombre de possibilités et l'âge pour se présenter au concours, il ne fallait pas défavoriser ceux qui se présentaient pour la première fois par rapport à ceux qui s'y étaient déjà pré sentés.

V ous avez parlé, monsieur le rapporteur, de la

« manière scandaleuse » dont l'administration a traité ces concours, je veux défendre celle-ci. L'administration fait ce qu'elle peut avec les moyens dont elle dispose. Quand des réformes sont mal ficelées, elle essaie de réparer les dégâts. Les fonctionnaires sont hors de cause.

M. François Goulard.

C'est un peu facile.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Les fonctionnaires font ce que leurs responsables politiques, les ministres, leur demandent de faire. J'ai cette culture, monsieur Goulard : je couvrirai toujours les fonctionnaires placés sous mon autorité. C'est une règle de base.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Bravo !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je dis les choses comme je les pense et j'en espère autant des autres, de ceux qui étaient là avant moi comme de ceux qui seront là après-moi. Je ne suis là que depuis un mois, je décide pour le temps qui m'est imparti.

J'en reviens à notre propos. Afin de préserver l'égalité entre les étudiants, l'administration a donc inventé un système de quotas. Il m'est arrivé de le dire devant le Sénat, et je répète ce mot devant l'Assemblée, l'administration de mon ministère a été dans son histoire plus astucieuse pour gérer les quotas laitiers que pour gérer les quotas d'étudiants. En la circonstance, le résultat a été assez piètre.

Le résultat du concours de 1998 a été contesté devant le Conseil d'Etat par diverses associations d'étudiants, pour des raisons d'ailleurs parfois contradictoires, les unes se plaignant qu'il y ait trop d'étudiants, les autres pas assez.

Quand j'ai découvert ce dossier, j'ai pensé qu'il fallait attendre la décision du Conseil d'Etat. Mais le secrétaire général du Gouvernement m'a expliqué, et convaincu, que si celle-ci était défavorable et cassait les résultats du concours, nous nous retrouverions devant un vide juridique.

Nous avons donc décidé d'entrer dans une procédure de validation du concours, solution qui, j'en conviens, n'est pas glorieuse mais il m'est arrivé ici de valider par voie législative des propositions encore moins glorieuses, si vous voyez ce que je veux dire, messieurs de l'opposition, et sur lesquelles je peux revenir si vous me le demandez.

D ans un premier temps, le Gouvernement avait accepté un amendement du Sénat visant à valider le concours tel qu'il était jugé par le jury au mois de juin.

Mais, aussitôt, de nombreux parlementaires, au premier rang desquels Mme Perrin-Gaillard qui vient de défendre brillamment l'amendement no 19, nous ont fait valoir que cela créait une injustice pour les étudiants qui, bien qu'ayant obtenu une moyenne supérieure à celle du dernier admis, avaient été recalés en juin. Le Gouvernement accepte la suggestion des parlementaires - en raison de l'article 40, ils ne pouvaient la présenter eux-mêmes d'intégrer tous les étudiants recalés ayant obtenu une note supérieure ou égale à celle du dernier admis. Leur nombre s'élève à 199.

Pour faire face à cet afflux supplémentaire, le Gouvernement propose d'intégrer ces étudiants sur trois ans, en trois tiers, par ordre de mérite, c'est-à-dire en fonction des notes obtenues. Nous rendons ainsi justice aux étudiants concernés, en leur permettant d'entrer dans l'école vétérinaire, tout en ne surchargeant pas les capacités d'accueil des écoles. Lorsque je parle de trois ans, je comprends la première année 1998-1999, avec un trimestre de retard qui sera rattrapé, et les deux années suivantes.

Le Gouvernement propose donc de retenir l'amendement de Mme Perrin-Gaillard, modifié par les deux sousamendements nos 24 et 23 qui permettent la concrétisation du dispositif que je viens d'exposer.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 24 et 23 ?

M. Georges Sarre, rapporteur.

La commission, qui s'est réunie ce matin, a voté unanimement ces sous-amendements.

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

M. Léonce Deprez.

Monsieur le président, j'ai été volontairement bref tout à l'heure dans mon intervention au nom du groupe UDF parce que je voulais intervenir tout particulièrement sur cet article 19 bis.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez, à juste titre, souligné que les commissaires étaient unanimes - et je vous remercie de l'avoir précisé - pour refuser d'admettre les conséquences des erreurs commises et pour considérer qu'il fallait trouver une solution législative.

Les députés UDF, notamment Mme Marie-Thérèse Boisseau et Mme Anne-Marie Idrac, comme les députés des autres groupes, sont intervenus en ce sens en commission.

Nous avons demandé au Gouvernement de faire oeuvre de justice, pour que tous les étudiants concernés puissent se retrouver admis. Les députés, en effet, ne pouvaient pas proposer eux-mêmes une telle solution, il fallait que la décision soit prise par le Gouvernement.

La solution proposée par M. le ministre à travers les sous-amendements aboutit au but que nous nous étions fixé. Nous en prenons acte. Il s'agit d'une décision équitable pour les étudiants vétérinaires qui ont préparé ces examens et qui ne doivent pas voir leur carrière gâchée par les erreurs qui ont pu être commises à l'occasion d'un concours.

J'en profite pour souligner que les sénateurs nous ont fait savoir qu'ils avaient été mal informés et que l'amendement qu'ils avaient proposé ne correspondait pas à leur volonté.

M. François Goulard.

C'est bien de le dire !

M. le président.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Monsieur le ministre, pour être intervenus sur ce problème en commission et, pour ce qui me concerne, directement auprès de vos services, nous pouvons nous féliciter de la solution proposée.

Nous ne pouvions pas accepter l'article 19 bis adopté par le Sénat, à la demande du Gouvernement, au dernier moment d'ailleurs.

Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le concours d'entrée dans les écoles vétérinaires s'est déroulé dans des conditions calamiteuses cette année. Nous avons un devoir moral de réparer la cacophonie administrative qui a marqué ce concours, même si, pour beaucoup de jeunes, les dégâts psychologiques sont irréparables.

C'est une question de justice que de déclarer reçus tous les candidats malheureusement recalés alors qu'ils avaient des notes supérieures à des candidats déclarés reçus et de leur permettre d'entrer dans les écoles vétérinaires au plus tôt.

Toutefois, monsieur le ministre, j'avoue ne pas avoir très bien compris votre explication sur les sous-amendements.

Le sous-amendement no 23 déclare admis tous les élèves qui ont une note supérieure au dernier des candidats déclarés reçus par tiers et sur trois ans, à compter de la rentrée universitaire 1999. Or j'ai cru vous entendre annoncer que vous pouviez en intégrer dès cette année, à partir du mois de janvier. C'est important, car certains de ceux qui ont passé le concours en 1998 ne risquent d'intégrer les écoles vétérinaires qu'en 2001, c'est-à-dire après avoir perdu pratiquement quatre ans. Il serait bien que les écoles vétérinaires puissent accueillir quelques élèves dès janvier 1999. Je fais entièrement confiance aux élèves qui ont subi la préparation vétérinaire pour savoir qu'ils pourront rattraper aisément dans l'année scolaire, ou dans les deux premières années scolaires, les cours qu'ils auront ratés dans le premier trimestre de l'année scolaire 19981999.

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Tout à fait !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, à question difficile, réponse difficile ! Je me suis en effet un peu exposé tout à l'heure en parlant d'intégration à partir de janvier prochain. C'est ce que je souhaitais mais quand j'ai consulté les responsables des quatre écoles vétérinaires ils m'ont fait savoir qu'ils avaient déjà fait un effort cette année, en intégrant quarante élèves supplémentaires.

Donc ce que j'avais souhaité n'est pas possible. Il faut s'en tenir à ce que prévoit le sous-amendement no 23, c'est-à-dire la mise en oeuvre du dispositif à compter de la rentrée 1999. Je vous prie d'excuser mon erreur de tout à l'heure, monsieur Angot. Mais cela ne retire rien à notre volonté d'intégration de tous les étudiants qui ont eu des notes supérieures au dernier admis en juin 1998 sur trois ans à partir de la rentrée 1999.

M. le président.

Le sous-amendement no 23 est donc maintenu dans son texte ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Oui.

M. le président.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Monsieur le ministre, il est dangereux d'inscrire ce délai dans la loi. Vous vous condamnez ainsi à ne pas trouver d'autre solution d'ici là. Mieux vaudrait déclarer que les étudiants concernés pourront intégrer les écoles vétérinaires « au plus tôt ». On peut certainement trouver des solutions avec les écoles vétérinaires. Faire rentrer des étudiants qui ont passé le concours en 1998 seulement en 2001, sachant qu'ils ont encore cinq années d'études derrière, ce n'est pas raisonnable.

Je sais que vos services et un certain nombre de personnes espèrent qu'il n'en restera plus 199 au bout de deux ou trois ans parce que beaucoup auront abandonné d'ici là.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

C'est qu'ils n'avaient pas envie de faire l'école vétérinaire, alors !

M. André Angot.

Des jeunes de vingt ou vingt et un ans vont perdre trois ans pour faire ensuite cinq années d'études. Si on pouvait ne pas inscrire dans la loi qu'ils seront admis par tiers à partir de 1999, mais les déclarer reçus et trouver une solution pour qu'ils entrent en fonction des possibilités d'intégration dans les écoles, ce serait une formule beaucoup plus souple, qui vous arrangerait probablement, monsieur le ministre.

M. le président.

Si je comprends bien, monsieur le ministre, M. Angot vous suggère de rectifier le sousamendement no

23. Vous avez la parole.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je suis désolé mais je ne suis pas d'accord. On pourrait décider ce soir que tout le monde est reçu et est admis cette année, et le problème serait réglé, mais je suis obligé de tenir compte de la capacité de formation des écoles vétérinaires. En mon âme et conscience, j'ai fait ce que je souhaitais faire. Compte tenu des capacités d'accueil et du fait que quarante jeunes supplémentaires ont été intégrés cette année, ils seront tous admis sur trois ans.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

Autant fixer clairement les choses dans la loi pour tout le monde, de façon que ces jeunes sachent définitivement sur quel pied danser à partir de ce soir. Ils ont suffisamment attendu, il y a eu suffisamment de contretemps et de confusion pour qu'on adopte un dispositif définitif et clair et qu'on arrête de jouer avec leurs nerfs.

Je maintiens donc les sous-amendements du Gouvernement.

M. le président.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Intégrer 199 élèves dans les conditions où nous le faisons est une mesure qui mérite d'être soulignée et je crois que les élèves nous en seront reconnaissants, mais il faut faire preuve de sagesse.

Les écoles vétérinaires ont déjà accueilli cette année un certain nombre d'élèves. Leur en imposer d'autres ne me paraît pas être la meilleure solution.

Ces jeunes, monsieur Angot, pour lesquels nous venons de prendre une décision qui leur ôte toute incertitude, sont motivés, ont envie de réussir. Peut-être ne partagerez-vous pas mon opinion, mais deux ou trois ans dans une vie, ce ne sont jamais des années perdues. Ces jeunes ont des capacités formidables. S'ils sont motivés, s'ils ont envie d'entrer dans une école vétérinaire, ils le feront et seront aussi bons et peut-être même meilleurs que les autres, et ce ne sont pas les arguments que vous nous avez avancés qui me feront changer d'avis. Je leur fais confiance. Certains vont faire autre chose entre-temps, peut-être des études qui leur apporteront de toute façon un plus dans leur vie, car la vie, vous savez, c'est quelque chose qui dure.

Comme l'a expliqué M. le ministre, les écoles vétérinaires ont déjà consenti un effort. Il faut savoir demander et se battre pour des causes justes, mais, à un moment donné, il faut savoir s'arrêter. C'est cela le véritable sens de notre action politique.

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Je ne suis pas d'accord avec M. Angot pour prévoir qu'ils doivent être admis le plus tôt possible. Une telle expression n'a aucune valeur juridique et n'offre pas de certitude. Ce qu'il faut, c'est sortir les étudiants en question de l'incertitude. Mieux vaut donc garder la solution proposée dans le sous-amendement du Gouvernement, qui s'engage. Les étudiants auront au moins devant eux une perspective très précise d'être admis dans l'école et de suivre le processus de leur formation. C'est mieux que de s'en tenir à des formules floues qui ne donneraient pas satisfaction à ces étudiants, très inquiets aujourd'hui.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. On va faire attendre pendant de très longues années des étudiants qui, au terme de ce que nous allons voter, ont réussi un concours. C'est une situation éminemment désagréable pour eux.

Vous nous expliquez, monsieur le ministre, que les écoles vétérinaires ont déjà fait un effort ! Non ! Elles ne font pas preuve de bonne volonté, comme souvent les administrations, pour s'adapter à des situations nouvelles ! Avec un peu de bonne volonté, quelques heures supplémentaires des enseignants et un peu d'imagination de leur direction, je suis persuadé qu'elles peuvent intégrer une promotion en janvier 1999. Simplement, comme ce n'est pas leur intérêt direct de faire un tel effort, elles ne le font pas. Vous mettiez en valeur tout à l'heure l'autorité souveraine du ministre qui couvre ses fonctionnaires.

Il vous appartient aussi de leur dire que, quelquefois, il y a des efforts à faire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

24. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

23. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 19 et 21 modifiés par les sousamendements adoptés.

(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président.

En conséquence, l'article 19 bis est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

7 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 9 décembre 1998, de M. le Premier ministre, un projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Ce projet de loi, no 1253, est renvoyé à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

8 DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président.

J'ai reçu, le 9 décembre 1998, de M. Alain Rodet, un rapport, no 1254, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan sur le projet de loi portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance (no 1243).

9 DÉPÔT D'UN RAPPORT

SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 9 décembre 1998, de Mme Nicole Bricq, un rapport, no 1255, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

(1) Cette annexe a été publiée par erreur à la suite du compte rend u intégral des séances du 25 novembre 1998.

Plan sur la proposition de résolution de MM. Dominique Bussereau, François d'Aubert et Gilbert Gantier visant à créer une commission d'enquête sur Air France (no 980).

10 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 9 décembre 1998, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 1999, modifié par le Sénat.

Ce projet de loi, no 1252, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

11

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, no 1032, tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire et de la proposition de loi, no 1136, de M. Jean-Pierre Brard et plusieurs de ses collègues tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire : M. Patrick Leroy, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1250).

Discussion de la proposition de loi, no 1236, de M. Alain Belviso et plusieurs de ses collègues tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans : M. Maxime Gremetz, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1251).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.)

A quinze heures, deuxième séance publique : Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat no 1192, relatif à l'emploi des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction : M. Daniel Marcovitch, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1217) ; M. Jacques Guyard, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1242).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (no 1186), relatif à l'organisation de certains services au transport aérien.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1216).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 825, portant diverses mesures relatives à la sécurité routière.

M. René Dosière, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1153).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 10 décembre à une heure vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ANNEXE (1) EXAMEN PAR LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES E CHANGES EN NOUVELLE LECTURE DU

PROJET DE LOI, MODIFIE PAR LE SE NAT EN D

EUXIE ME LECTURE, RELATIF AUX ANIMAUX DANGEREUX ET ERRANTS ET A LA PROTECTION

DES ANIMAUX Présidence de M. André Lajoinie, président La commission de la production et des échanges a examiné, le mardi 17 novembre 1998, en nouvelle lecture, sur le rapport de M. Georges Sarre, le projet de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux (no 1185).

M. Georges Sarre, rapporteur, a rappelé que la commission mixte paritaire n'avait pu parvenir à un texte sur les dispositions de ce projet de loi restant en discussion.

C HAPITRE Ier Des animaux dangereux et errants Article 1er (art. 211 du code rural) Mesures visant à prévenir le danger susceptible d'être présenté par un animal Sur cet article, le rapporteur a proposé de rétablir le texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture et prévoyant que le délai de garde de l'animal n'est pas de quinze jours à compter de la date de la capture de celui-ci, mais de huit jours ouvrés.

M. André Angot a fait valoir que le délai de quinze jours retenu par le Sénat s'expliquait pour l'essentiel par les nécessités de la lutte contre la rage et, qu'en prévoyant de réduire ce délai , on prenait un risque grave pour la santé publique.

Le rapporteur a fait remarquer que les données de ce débat étaient désormais bien connues et que la réduction du délai de garde à huit jours ouvrés s'imposait en considération des finances des organismes gestionnaires. Il a indiqué également que le délai franc de huit jours ouvrés était suffisant pour permettre au vétérinaire de juger de la dangerosité d'un animal.

M. André Angot a rappelé qu'un cas de rage de chien avait été détecté dans le Gard au début de 1998 et que des préc autions importantes devaient en toute hypothèse être prises face à ce risque. Il a indiqué également que, dans le cas de ce chien atteint de la rage, nul ne connaissait ses antécédents et qu'il ét ait en particulier impossible de déterminer si cet animal avait été l'auteur de morsures. Ceci justifie, a estimé M. André Angot, que le délai de quinze jours au préalable prévu pour le contrôle du risque rabique soit en tout état de cause maintenu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

M. Jean-Pierre Blazy a exprimé son accord avec l'analyse du rapporteur.

La commission a ensuite adopté l'amendement du rapporteur, puis l'article premier ainsi modifié.

Article 2 (art. 211-1 à 211-9 [nouveaux] du code rural) Mesures applicables aux chiens potentiellement dangereux Art. 211-1 (nouveau) du code rural Etablissement d'une liste de chiens potentiellement dangereux La commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le texte adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale et distinguant deux types de chiens susceptibles d'être dangereux, les chiens d'attaque et les chiens de garde et de défense, la liste des types de chiens relevant de chacune de ces catégories étant fixée par arrêté interministériel.

Art. 211-2 (nouveau) du code rural Interdiction faite à certaines catégories de personnes de détenir des chiens potentiellement dangereux Sur cet article, la commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le texte voté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, afin de faire référence à l'existence de deux catégories de chiens susceptibles d'être dangereux.

Art. 211-3 (nouveau) du code rural Formalités imposées aux détenteurs de chiens potentiellement dangereux La commission a adopté deux amendements du rapporteur rétablissant le libellé de cet article, tel qu'adopté par l'Assemb lée nationale en deuxième lecture. Le premier amendement prévoit que l'identification du chien dont la preuve doit être apportée au moment de la déclaration du chien en mairie peut être opérée par une personne autre qu'un vétérinaire titulaire d'un mandat sanitaire. Le deuxième amendement prévoit que la déclarat ion en mairie doit également être accompagnée par la fourniture du certificat vétérinaire de stérilisation de l'animal dans le cas des chiens de la première catégorie.

Art. 211-4 (nouveau) du code rural Mesures spécifiques concernant les chiens d'attaque La commission a adopté un amendement du rapporteur ayant pour objet de rétablir cet article dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, en cohérence avec son vote sur l'article 211-1 créant la catégorie des chiens d'attaque.

Art. 211-5 (nouveau) du code rural Mesures restreignant la circulation des chiens potentiellement dangereux La commission a adopté sur proposition de son rapporteur un amendement rétablissant cet article dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Art. 211-5 bis (nouveau) du code rural Interdiction de posséder ou de détenir dans les logements un chien d'attaque Le rapporteur a proposé un amendement prévoyant que les règlements de copropriété et les contrats de location puissent prescrire l'interdiction de posséder ou de détenir un chien appartenant à la première catégorie.

M. André Lajoinie, président, a observé que le texte de l'amendement prévoyait une possibilité d'interdiction, offrant ainsi une certaine souplesse dans l'application de cette mesure.

M. Nicolas Dupont-Aignan, usant de la faculté offerte par l'article 38 du règlement de l'Assemblée nationale, a exprimé son accord avec la suggestion du rapporteur, estimant que celle-ci répond à de vrais besoins sur le terrain.

M. Jean-Pierre Blazy a rappelé qu'il avait lui-même souhaité l'intervention de cette mesure lors des débats de la commission en première lecture, mais que des risques d'inconstitutionnalité avaient été alors évoqués. Notant que la jurisprudence rendait impossible de telles interdictions, M. Jean-Pierre Blazy a souligné l'intérêt d'une disposition législative en la matière.

La commission a adopté cet amendement puis l'article 2 ainsi modifié.

Article 7 (art. 213-3 à 213-6 [nouveaux] du code rural) Mesures relatives à la mise en fourrière et aux chats errants Art. 213-4 (nouveau) du code rural Fonctionnement du service de fourrière pour les animaux identifiés La commission a adopté deux amendements du rapporteur rétablissant le texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture : le premier, rétablissant la possibilité d'identifier un chien ou un chat accueilli en fourrière par le port d'un collier où figurent le nom et l'adresse de son maître ; le second, prévoyant que le délai de garde de l'animal identifié en fourrière est, comme pour l'article 211, non de

« quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal », mais de « huit jours ouvrés ».

Art. 213-5 (nouveau) du code rural Fonctionnement du service de fourrière pour les animaux non identifiés Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement rétablissant le texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture et prévoyant, par cohérence avec les votes intervenus aux articles 211 et 213-4, que le délai de garde de l'animal en fourrière est de « huit jours ouvrés ».

La commission a ensuite adopté l'article 7 ainsi modifié.

C HAPITRE II De la vente et de la détention des animaux de compagnie Article 10 (art. 276-3 du code rural) Terminologie - Gestion des fourrières et refuges ; élevages de chiens et chats ; activités commerciales concernant les chiens et chats et autres animaux de compagnie d'espèce domestique La commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture afin d'asseoir l'obligation de mettre en place et utiliser des installations conformes aux règles sanitaires et de protection animale sur la notion de chiens sevrés figurant dans la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. M. André Angot a cependant fait valoir que le dispositif voté par le Sénat, qui avait décidé de ne faire supp orter cette obligation qu'aux détenteurs de plus de neuf chiens âgés d'au moins six mois, prenait mieux en compte la réalité de la situation des propriétaires de chiots auxquels il sera particulièrement difficile d'imposer la réglementation sanitaire.

Puis la commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 13 (art. 276-5 [nouveau] du code rural) Cessions et publication d'offres de cession d'animaux de compagnie Protection des races de chiens et chats La commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant l'interdiction de céder à titre gratuit des chiens et chats âgés de moins de huit semaines introduite par le Sénat. Puis, elle a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 15 (art. 276-8 à 276-12 [nouveaux] du code rural) Sanctions des infractions à l'article 276-3 et pour mauvais traitements envers animaux dans des établissements professionnels Amende forfaitaire


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 DÉCEMBRE 1998

Art. 276-9 (nouveau) du code rural Sanctions pénales pour infraction à l'article 276-3 La commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant la référence au seuil de dix chiens sevrés qu'elle a esti mé préférable à celui de dix chiens âgés de plus de six mois vo té par le Sénat.

Puis, elle a adopté l'article 15 ainsi modifié.

C HAPITRE V Dispositions diverses Article 19 bis (nouveau) Validation des concours d'entrée dans les écoles vétérinaires pour 1998 La commission a été saisie par le rapporteur d'un amendement de rédaction globale de l'article additionnel introduit par le Sénat en deuxième lecture afin de préciser la rédaction du d ispositif et indiquer que la mesure de validation n'éteint pas les recours en indemnité. Un débat s'est engagé.

Le rapporteur a fait valoir que son amendement visait à conforter la situation des candidats reçus. Il s'est cependant déclaré très circonspect quant à l'équité de cette mesure de validation.

M. André Angot a souhaité que la commission propose un dispositif permettant que ne soit pas remise en cause l'admission des candidats reçus en 1998 aux concours des écoles nationales vétérinaires et que puisse être réglée la situation de ceux qui auraient dû être reçus.

M. Nicolas Dupont-Aignan a dénoncé les conditions scandaleuses du déroulement des concours en 1998. Il a estimé que le Parlement devait répondre à deux préoccupations : la validation des candidats admis et l'impossibilité dans laquelle se trouvent les candidats recalés de repasser à nouveau les concours.

M. Pierre Ducout a convenu que tous les députés étaient d'accord pour ne pas remettre en cause la situation des candidats admis en 1998. Par ailleurs, le ministre de l'agriculture a supprimé le système des quotas pour les prochains concours de 1999. Cependant, il souhaite s'en tenir aux décisions des jurys relatives aux listes des candidats reçus aux concours. Il a proposé que les candidats recalés en 1998 puissent, par souci d'équité, se représenter une nouvelle fois aux concours. Il convient en outre d'étudier la possibilité d'admettre un certain nombre - une quarantaine par exemple - d'élèves vétérinai res.

M. Jacques Fleury a rappelé que les concours vétérinaires établissaient traditionnellement une distinction entre les candidats se présentant pour la première fois aux concours et ceux se présentant pour la seconde fois. Au cours de la scolarité 1997-1998, le ministère de l'agriculture a créé une nouvelle distinction entre les candidats se présentant pour la première fois ayant effectué une année de classe préparatoire et ceux ayant effectué deux années de classe préparatoire. L'iniquité des concours 1998 provient du fait que le jury a déclaré que les candidats ayant effectué deux années de classe préparatoire seraient traités non pas comme ceux ayant effectué une seule année de classe préparatoire mais comme ceux passant pour la seconde fois les concours. Cette dernière catégorie a bénéficié d'une note d' admission minimale de 12,03 alors que les candidats se présentant pour la première fois après avoir effectué une seule année de classe préparatoire ont bénéficié d'une note de 10. Quarantequatre candidats ayant effectué deux années de classe préparatoire ont ainsi été éliminés au profit de candidats se prése ntant pour la seconde fois aux concours.

M. Léonce Deprez s'est interrogé sur les possibilités dont dispose le législateur pour remédier à de telles situations.

M. François Patriat a rappelé que M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, avait introduit des quotas dans les concours vétérinaires afin de rétablir une égalité des chanc es qui n'existait pas entre les candidats ayant des moyens financiers leur permettant d'effectuer ou non plusieurs années de classe préparatoire. Les règlements des concours pour 1998 ont été établis en juillet 1997 et la modification du 6 février 1998 n'a fait qu'entériner ce qui avait été annoncé. En outre, 44 places supplémentaires ont été débloquées pour les candidats se présentan t pour la seconde fois aux concours. Si les candidats déclarés non admis en application du nouveau système de quotas devaient être reçus grâce à une mesure de régularisation rétroacti ve, 200 places supplémentaires seraient nécessaires.

M. François Patriat a indiqué avoir consulté l'ordre des vété rinaires qui lui a déclaré que les concours pour 1998 lui paraissaient valables et qu'ils devaient être validés. En outre, M. François Patriat a rappelé que les jurys de concours étaient souverains et que la loi ne devait pas remettre en cause leur autorité sous peine de discréditer le système français de recrutement par concours. Il a conclu qu'il fallait avoir conscience que les écoles nationales vétérinaires étaient dans l'incapacité matérielle d'accueillir plusieurs dizaines d'élèves supplémentaires.

M. Jean-Pierre Blazy a fait observer que l'organisation des concours relevait du pouvoir réglementaire et qu'il était contestable de se tourner vers le Parlement pour régler les vices de procédure et redresser les irrégularités d'organisation.

M. Nicolas Dupont-Aignan a approuvé les propos de M. Jean-Pierre Blazy et a ajouté que la loi ne pouvait pas tout régler, notamment l'admission des candidats inscrits sur les listes complémentaires.

Le rapporteur a rappelé que le Parlement était avant tout saisi d'une demande tendant à permettre le maintien d'une promotion d'élèves vétérinaires dont l'existence est menacée par les risques sérieux de constatation de l'illégalité des règlements d'organisation des concours et donc d'annulation des concours.

M. Roger Meï s'est interrogé sur les possibilités offertes au Parlement pour régler les injustices des concours pour 1998.

Après une suspension de séance, M. Pierre Ducout a présenté un sous-amendement tendant à permettre aux candidats déclarés non admis en 1998, mais dont la note est supérieure à la note obtenue par le dernier élève admis, de repasser les concours en 1999.

Le rapporteur a souligné que ce dispositif permettait de valider les concours de 1998, de proposer une mesure redressant certains torts et d'engager la discussion.

M. Jacques Fleury a estimé que le sous-amendement n'offrait qu'une solution de repêchage qui ne corrigeait pas l'injustice subie par les candidats visés.

M. André Angot a fait observer que plusieurs de ces candidats ne s'étaient sans doute pas inscrits à nouveau en classe préparatoire à la rentrée 1998 après avoir appris leur échec aux concours.

La commission a adopté le sous-amendement de M. Pierre Ducout et l'amendement de rédaction globale du rapporteur ainsi modifié.

Puis, elle a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES Communication du Conseil constitutionnel en application de l'article LO 181 du code électoral

CIRCONSCRIPTION NOM DU DÉPUTÉ dont l'élection est contestée

NOM DU REQUÉRANT Alpes-Maritimes (2e ). Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

M. Jean-Louis Milla.