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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Adoption d'une résolution portant sur une proposition d'acte communautaire (p. 10321).

2. Contrôle de l'obligation scolaire. - Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 10321).

M. Patrick Leroy, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10324)

MM. Jean-Pierre Brard, Bruno Bourg-Broc, Mme Catherine Picard,

MM. Christian Kert, Gilbert Gantier.

Clôture de la discussion générale.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Mme la ministre.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10329)

Articles 1er A, 1er B et 1er à 4. - Adoption (p. 10329)

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10331)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 10331)

3. Licenciement et retraite des salariés de plus de cinquante ans. - Discussion d'une proposition de loi (p. 10331).

M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10336)

MM. Alain Belviso, Gilbert Gantier, Jacques Desallangre, Christian Kert, Mme Hélène Mignon,

MM. Bruno Bourg-Broc, Gérard Bapt.

Clôture de la discussion générale.

MM. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; le rapporteur.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10346)

Article 1er (p. 10346)

M. François Rochebloine.

A mendement de suppression no 1 de Mme Catala : MM. Bruno Bourg-Broc, le rapporteur, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. - Rejet.

Adoption de l'article 1er

Après l'article 1er (p. 10346)

MM. le président, Bruno Bourg-Broc.

Amendements nos 2 à 5 de Mme Catala : MM. Bruno Bourg-Broc, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. Rejets.

Articles 2 et 3. - Adoption (p. 10348)

Titre (p. 10348)

M. le président.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10348)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 10348).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1 ADOPTION D'UNE RÉSOLUTION

PORTANT SUR UNE PROPOSITION D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président.

J'informe l'Assemblée, qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du règlement, la résolution sur la proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (COM [1998] 574 final/no E 1171), adoptée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, est considérée comme définitive.

2

CONTRO LE DE L'OBLIGATION SCOLAIRE Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire (nos 1032, 1250).

Le rapport de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, porte également sur la proposition de loi identique de M. Jean-Pierre Brard (no 1136, 1250).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Patrick Leroy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, mes chers collègues, je veux vous rappeler, à titre liminaire, qu'au moins 6 000 enfants de six à seize ans seraient aujourd'hui soustraits à l'école de la République et soumis à l'emprise de sectes pour leur éducation. Outre des menaces pour leur santé physique et mentale, ces enfants sont victimes de propagande sectaire et soumis à une manipulation dogmatique sous couvert de programmes éducatifs originaux. Leur avenir est en cause, car ils risquent d'être marginalisés et embrigadés sans disposer de l'esprit critique leur permettant de conserver leur liberté de conscience.

Il est donc indispensable de renforcer le contrôle de l'enseignement dispensé à ces enfants, pour s'assurer que les valeurs fondatrices de la République, la citoyenneté et la laïcité au premier chef, leur soient bien inculquées. Le principe constitutionnel de la liberté de l'enseignement ne saurait justifier un trop grand laxisme dans le contrôle du droit de tous à l'instruction. La nation se doit en effet de garantir l'égal accès de l'enfant à l'instruction, ainsi que le proclame le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

La France est également tenue d'appliquer la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 20 novembre 1989. Celle-ci reconnaît, dans son article 28, le droit de l'enfant à l'éducation et précise, dans son article 29, que l'éducation doit viser à favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités.

Cet article 29 prévoit par ailleurs explicitement que l'éducation dispensée dans les établissements d'enseignement privés doit être conforme aux normes minimales prescrites par l'Etat.

Ces normes, fixées par la loi Ferry de 1882, la loi Goblet de 1886 et la loi Debré de 1959, apparaissent aujourd'hui trop lâches car elles permettent à des sectes de dispenser un enseignement dangereux pour l'avenir des enfants et de leur insertion sociale.

La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les droits de l'enfant en France avait ainsi préconisé de renforcer le contrôle de l'enseignement dispensé aux enfants non scolarisés, en instaurant un dispositif régulier d'évaluation des connaissances de l'enfant et en dotant à cette fin les inspecteurs de l'éducation nationale d'un véritable pouvoir d'investigation.

C'est pourquoi M. Jean-Pierre Brard et les députés membres du groupe communiste et apparentés ont déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 14 octobre 1998, une proposition de loi tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire. Il s'agit en fait de la reprise, presque à l'identique, du texte d'une proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat le 29 juin 1998 sur la base des conclusions de sa commission des affaires culturelles et avec l'accord du Gouvernement.

Ce texte concerne uniquement le grave problème des enfants éduqués par les sectes. Il n'est certes pas possible de viser explicitement les organisations sectaires, car celles-ci n'ont pas de définition juridique précise. Il ne s'agit pas non plus d'ouvrir, avec ce texte, un débat plus général sur l'obligation scolaire.

Le texte du Sénat prévoit que le contrôle de l'obligation scolaire sera tout d'abord renforcé au moyen de la déclaration que doivent effectuer les parents qui choisissent de faire donner l'instruction à leur enfant dans la famille. Cette déclaration devra désormais être faite chaque année, lors de chaque changement de domicile et à la suite de tout changement de choix d'instruction par les parents, c'est-à-dire lorsqu'un enfant est retiré d'un établissement d'enseignement en cours d'année.


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Les enfants instruits dans la famille feront également l'objet, dès la première année et au moins une fois par an, d'un contrôle de l'autorité académique qui permettra de vérifier que le droit de l'enfant à l'instruction est respecté.

Par ailleurs, les maires mèneront tous les deux ans une enquête sociale sur les conditions de l'instruction dispensée dans la famille. En cas de contrôle négatif et au terme d'une procédure contradictoire, les parents seront mis en d emeure d'inscrire leur enfant dans l'établissement d'enseignement public ou privé de leur choix.

En ce qui concerne les établissements d'enseignement privés hors contrat, le texte adopté par le Sénat autorise l'évaluation par les autorités académiques de l'enseignement dispensé dans ces établissements et impose à cet enseignement de respecter l'objet de l'instruction obligatoire.

Ce contrôle, qui pourra avoir lieu une seule fois par an, sera laissé à la libre appréciation de l'inspecteur d'académie. On peut regretter ce caractère facultatif, alors que le contrôle des enfants instruits dans leur famille est obligatoire et doit être effectué au moins une fois par an.

Par ailleurs, il est institué une procédure contradictoire de vérification puis de mise en demeure de l'établissement par les autorités académiques. Les parents des élèves pourront aussi être mis en demeure d'inscrire leur enfant dans un autre établissement de leur choix en cas de contrôle négatif. Il ne faudrait cependant pas que les délais fixés soient trop longs, afin de ne pas retarder l'enclenchement d'une action judiciaire lorsqu'elle est nécessaire.

Enfin, le texte adopté par le Sénat prévoit de durcir les sanctions pénales relatives au manquement à l'obligation scolaire et au défaut de déclaration d'instruction dans la f amille. Le défaut de déclaration sera puni de 10 000 francs d'amende et le refus d'inscription dans un établissement en cas de contrôle négatif de l'instruction donnée dans la famille de 50 000 francs d'amende et six mois d'emprisonnement.

Il est également proposé de créer une nouvelle infraction délictuelle incriminant les directeurs d'établissement privé qui ne respecteraient pas, dans les classes hors contrat, l'objet du droit de l'enfant à l'instruction, en prévoyant également la possibilité de mettre en cause la responsabilité pénale des personnes morales, c'est-à-dire des organisations sectaires soutenant un tel enseignement.

L'adoption de ce texte marquera une étape importante dans la lutte contre les sectes. Certes, son dispositif pourrait être amélioré et l'efficacité des contrôles encore renforcée. Le Sénat peut notamment paraître un peu réservé, d'autant que ses réserves ont été émises au nom de la liberté de l'enseignement sur le contenu de laquelle le Conseil constitutionnel ne s'est d'ailleurs jamais prononcé. Pour autant, il s'agit d'aller vite car l'avenir de milliers d'enfants est en jeu. C'est pourquoi la commission des affaires culturelles, familiales et sociales vous demande d'adopter ce texte sans modification.

Pour conclure, je veux encore réaffirmer que l'école de la République doit être privilégiée pour promouvoir l'autonomie de l'enfant, l'épanouissement de sa personnalité et son ouverture sur le monde extérieur. Elle seule permet, en effet, de transmettre l'esprit des Lumières face à l'obscurantisme des sectes. De manière plus générale, il faut engager résolument la lutte contre les facteurs d'exclusion qui amènent beaucoup trop d'enfants à déserter l'école. (Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, à l'heure où la France célèbre le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, je me réjouis tout particulièrement ce matin de voir l'Assemblée nationale légiférer sur une matière aussi fondamentale que le renforcement de l'obligation scolaire, qui constitue en réalité une formidable avancée dans l'affirmation du droit de tous les enfants à l'instruction et à l'éducation.

La proposition de loi qui vous est soumise ce matin émane - pourquoi ne pas le rappeler ? - d'un parlementaire de l'opposition. Par ailleurs, je tiens à souligner ici à quel point les débats menés en séance ont permis d'enrichir le texte initial et d'aboutir à son adoption, au Sénat, à l'unanimité.

C'est dire que le débat que nous ouvrons ce matin dépasse les clivages partisans : il concerne, en effet, la protection de nos enfants contre l'emprise sectaire, l'embrigadement, l'aliénation de leur esprit et de leur libre arbitre. Et, fait exceptionnel, si l'Assemblée nationale adopte aujourd'hui la proposition de loi en termes identiques à ceux du Sénat, celle-ci sera immédiatement applicable.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, le renforcement de l'obligation scolaire correspond à une ardente nécessité. Rappelons, en effet, que, chaque année, plusieurs milliers d'enfants sont privés du droit élémentaire à l'instruction, en raison de mécanismes de contrôle défaillants ne permettant ni aux maires ni aux responsables de l'éducation nationale de s'assurer que tous les enfants de la République ont un réel accès à l'instruction.

Le sénateur Nicolas About déclarait, au cours des débats au Sénat, que, lors de l'intervention des services de gendarmerie, l'année dernière, dans une secte installée dans la Drôme, seuls vingt-deux enfants en âge d'être scolarisés avaient été déclarés en mairie sur les soixantedix-neuf mineurs qui avaient été en réalité découverts et dont la présence était ignorée des autorités. Autrement dit, c'étaient des enfants sans droits.

Face à une telle situation, il est urgent et nécessaire que la loi garantisse le droit à l'instruction à tous les enfants en âge scolaire, qu'ils soient instruits dans leur famille ou dans des établissements privés hors contrat dans lesquels les contrôles sont aujourd'hui limités à l'hygiène, à la sécurité des locaux, aux diplômes et à la

« moralité » du directeur.

Dès lors, afin de donner toute sa force à la proposition de loi, il est apparu nécessaire d'y insérer, dans l'article 1er , deux points fondamentaux, et c'est ce qu'a fait le Gouvernement.

Le premier rappelle le droit de chaque enfant à bénéficier d'une instruction, conformément au préambule de la Constitution de 1946, qui garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction.

Le second proclame la nécessité d'assurer prioritairement l'instruction au sein des établissements d'enseignement, afin qu'une loi qui date du

XIXe siècle ne soit plus détournée de son objet initial.

Il faut veiller, tout d'abord, au droit de chaque enfant à l'instruction.

Bien souvent, au nom de l'instruction dans la famille, des enfants sont maintenus dans un état d'inculture, d'ignorance, ou pis encore, embrigadés, aliénés, maltraités. Des gourous affirment la nécessité de l'éveil de l'enfant aux plaisirs pour mieux abuser d'eux. Certains les


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privent de leur autonomie pour mieux les asservir ou les dominer. D'autres, enfin, n'hésitent pas à les conduire jusqu'au sacrifice de leur vie. Dans les milieux intégristes ou obscurantistes, on s'oppose à la scolarisation des filles.

Cette réalité n'est ni acceptable ni tolérable, et il est nécessaire que la loi garantisse à tous les enfants en âge scolaire le droit à l'instruction, en faisant en sorte d'empêcher le contournement des textes. Il suffit pour cela de s'appuyer, comme vient de le dire excellement votre rapporteur, sur les exigences de la convention internationale des droits de l'enfant, qui affirme, en son article 28, que tous les Etats signataires reconnaissent le droit de l'enfant à une éducation de nature à favoriser l'épanouissement de sa personnalité - et ce concept deviendra essentiel pour procéder aux contrôles - en reprenant la définition qui en est donnée à la fois par l'ordonnance du 6 janvier 1959 et par la loi d'orientation du 10 juillet 1989.

C'est tout ce dispositif qui a donc, comme je le disais en introduction, été adopté à l'unanimité par tous les groupes politiques du Sénat.

Il convient de donner aux contrôles qui seront opérés par les inspecteurs d'académie une nouvelle portée que celle retenue par les lois du

XIXe siècle qui exigeaient seulement que l'enfant sache lire, écrire et compter. En effet, à la fin du XXe siècle, à l'ère de la révolution informatique, de l'explosion culturelle, il faut avoir d'autres exigences lors des contrôles qui, si la présente proposition de loi est adoptée, porteront non seulement sur les connaissances de l'enfant, mais aussi sur l'épanouissement de sa personnalité, sur les conditions d'acquisition de son autonomie, sur son ouverture sur le monde qui l'entoure et dans lequel il doit trouver sa place de citoyen libre.

Au

XIXe siècle, ne l'oublions pas, l'enfant n'était pas reconnu comme un citoyen, mais comme un être sans droits. Cette proposition de loi vise aussi à reconnaître l'enfant comme un citoyen à part entière.

En second lieu, il est nécessaire d'assurer prioritairement l'instruction au sein des établissements d'enseignement.

L'école est le creuset de la citoyenneté : elle participe par destination à la construction d'une société ouverte, où l es enfants apprennent que les citoyens doivent reconnaître l'autorité des lois de la République et non le pouvoir absolu d'un individu ou d'un groupe.

Dès lors, la scolarisation des enfants au sein d'institutions qui les préparent à l'exercice actif de cette citoyenneté et qui leur apprennent en même temps le respect des différences et le sens de l'égalité est un droit fondamental de la personne humaine.

L'école est le lieu où l'enfant apprend, comprend et découvre. C'est aussi l'endroit où il se confronte à l'autre et apprend à vivre avec lui et à le respecter.

Tel est le sens profond de l'obligation scolaire : garantir à chaque enfant les conditions d'un développement autonome de ses facultés, de son intelligence, de son libre arbitre et de son esprit critique, autrement dit, le préparer à l'exercice actif d'une citoyenneté responsable, par l'instruction, bien sûr, mais aussi par des moyens permettant d'assurer véritablement son intégration dans la vie civique. C'est pourquoi il convient d'assurer à chaque enfant des conditions d'éducation à la hauteur de ce que chaque être humain aspire à devenir.

L'éducation des enfants a toujours été une responsabilité partagée et la liberté de conscience implique la liberté d'instruction. Cette éducation relève aussi et bien évidemment de la responsabilité des familles. Toutefois, la liberté n'est pas, et n'a jamais été, l'absence de loi. Le devoir de protéger l'enfant est une obligation morale qui s'adresse à chacun de nous, et c'est un devoir collectif.

Alors même que s'exprime le besoin d'un retour de l'éthique et d'un resserrement du lien social autour de valeurs communes, il convient aujourd'hui, à l'heure où le désarroi moral fait parfois le lit du fanatisme et du sectarisme, de protéger l'enfant contre les conséquences de ces dérives. C'est pourquoi il est nécessaire de confirmer dans la loi que l'instruction doit être prioritairement assurée dans les établissements d'enseignement.

S'il est clair que, dans un certain nombre de cas, l'instruction dans la famille recouvre des réalités dramatiques - enfants malades ou lourdement handicapés -, je crois néanmoins qu'il nous appartient d'affirmer la priorité que nous entendons donner à l'instruction dans les établissements d'enseignement et d'être en mesure d'accueillir, comme je viens de m'y engager, le plus grand nombre d'enfants malades ou handicapés. Cette priorité va bien évidemment de pair avec le renforcement de l'obligation scolaire, ainsi que cela a d'ailleurs été affirmé lors des débats au Sénat.

Il serait incompréhensible, en cette fin de XXe siècle, où l'obligation scolaire est une formidable conquête qui est enviée dans bien des pays du monde, de ne pas affirmer le rôle de l'école.

Si, au

XIXe siècle, était prévue la possibilité d'instruction dans les familles, c'est parce que le réseau d'écoles que nous avons aujourd'hui n'existait pas. Il ne faut donc plus permettre que cette possibilité offerte par la loi soit détournée de son objet ou utilisée pour mettre en péril le droit de l'enfant à l'instruction.

Si la liberté des choix doit être préservée, elle ne signifie pas pour autant que tous ces choix soient équivalents ou doivent se faire au détriment de l'intérêt de l'enfant. Il nous appartient d'affirmer cette évidence, qui ne peut échapper à aucun parent, dans la loi que nous élaborons ensemble.

Il s'agit ici non de restreindre la possibilité d'instruire l'enfant dans la famille, puisque ce principe demeure dans la loi, mais de veiller à ce que cette liberté de choix ne se retourne pas contre ses intérêts, ou qu'elle ne soit pas finalement dans les faits une violation de ses droits à l'éducation, droits qui sont protégés par la loi, par les grandes conventions internationales et par le préambule de la Constitution.

Il ne faut pas non plus que la présente loi ait un effet contraire à celui qui est recherché et que, en encadrant l'instruction par la famille, celle-ci se trouve banalisée voire encouragée ou même encore utilisée par les sectes, qui trouveraient là un moyen de contourner la loi. Le dispositif conçu et mis au point par le Sénat permet d'éviter tous ces écueils. En effet, si l'Assemblée nationale adopte le dispositif voté par le Sénat, le renforcement du contrôle de l'obligation scolaire sera d'une réelle efficacité, grâce à la mise en place d'un processus clairement organisé.

Premièrement, dès qu'un enfant atteindra l'âge de six ans, la famille devra l'inscrire dans un établissement d'enseignement ou déclarer au maire et à l'inspecteur d'académie pourquoi il ne l'est pas.

Deuxièmement, cette déclaration, qui sera obligatoire et dont l'omission sera sanctionnée d'une forte amende, entraînera immédiatement une enquête de la mairie.

Cette enquête débarrassée de son aspect « sommaire » prévue par les lois du

XIXe siècle aura pour double objet : d'une part, d'établir les raisons avancées par les personnes


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responsables de l'enfant ; d'autre part, de s'assurer qu'une telle situation est compatible avec l'état de santé de l'enfant et les conditions de vie de la famille.

Troisièmement, en cas de défaillance de la mairie, le préfet, en sa qualité de représentant de l'Etat, pourra se substituer à l'autorité municipale.

Quatrièmement, au-delà de l'enquête initiale effectuée par la mairie, l'inspecteur d'académie, qui disposera du rapport du maire, devra une fois par an, dans un délai de trois mois après la rentrée scolaire, vérifier que l'enseignement prodigué dans la famille ou dans un groupe est bien conforme au droit de l'enfant à l'instruction, tel que défini à l'article 1er de la proposition de loi. Il pourra même y procéder « sans délai » en cas de défaut de déclaration en mairie.

Il est important de souligner que le contrôle pourra être opéré notamment, mais pas exclusivement, au domicile des parents de l'enfant. Cela permettra de convoquer le mineur dans un autre lieu que son domicile, où l'évaluation mais aussi la parole de l'enfant pourra être moins encadrée et, surtout, beaucoup plus libre.

Cinquièmement, l'absence de mesures de nature à remédier à la situation pourra conduire l'inspecteur d'académie à saisir le procureur de la République sur la base d'un délit inséré dans une section du code pénal relative à la mise en péril des mineurs et faisant encourir aux personnes responsables de l'enfant qui se sont refusé à l'inscrire dans un établissement d'enseignement, malgré la mise en demeure de l'inspecteur d'académie, une peine de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende.

En résumé, l'instruction dans la famille, qui pourrait faire dorénavant l'objet d'une déclaration annuelle dès l'âge de six ans, couplée avec le contrôle annuel de l'inspecteur d'académie, assure au dispositif une parfaite lisibilité et une véritable efficacité : la famille déclare, le maire enquête, le préfet se substitue si nécessaire, l'inspecteur d'académie contrôle. En cas de soustraction d'un enfant à l'obligation scolaire contraire à ses intérêts fondamentaux, la justice est saisie.

S'agissant du contrôle de l'enseignement assuré dans les établissements hors contrat, il a paru essentiel que les v érifications opérées par l'inspecteur d'académie ne portent pas sur l'enfant, mais bien sur les conditions dans lesquelles l'enseignement est dispensé aux élèves.

La mise en demeure touchera cette fois le directeur de l'établissement concerné, qui devra, là encore, remédier à la situation dans un délai fixé par l'inspecteur d'académie afin que soit prodigué aux élèves un enseignement conforme à leur droit à l'instruction. Elle exposera le directeur à des poursuites pénales qui peuvent également être dirigées contre l'établissement lui-même, personne morale.

On doit à cet égard relever que les décisions de fermeture de l'établissement ne sont pas confiées à l'autorité administrative, mais au juge judiciaire, gardien des libertés individuelles.

Chacun prend bien conscience qu'en cette fin du XXe siècle le droit de tous les enfants à l'instruction est une impérieuse nécessité, qu'elle correspond à la revendication de citoyenneté et que la scolarisation est un droit fondamental de la personne humaine qu'est l'enfant.

Celui-ci doit être, dès son plus jeune âge, en mesure d'apprendre, de connaître, de rencontrer l'autre dans sa différence et dans son égalité pour devenir un citoyen libre et éclairé.

Interdire à des milliers d'enfants, comme c'est aujourd'hui le cas en France, l'exercice de tels droits, revient à les exclure de l'Humanité, à les soumettre au hasard des influences, à les rendre plus vulnérables, à les livrer à l'obscurantisme et à l'ignorance.

Au-delà du devoir de protection, il est important, cinquante ans après la Déclaration universelle des droits de l'homme, que l'Assemblée nationale inscrive dans notre droit positif, par son vote, le droit de tous les mineurs vivant sur notre sol à l'instruction, à l'éducation, dans le respect des libertés qui fondent notre République.

La représentation nationale, si elle adopte la proposition de loi, pourra compter sur moi pour prendre très rapidement les textes d'application qui donneront en particulier aux inspecteurs d'académie les moyens de protéger ces droits fondamentaux. (Applaudissements.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, madame la ministre, il faut remercier nos collègues sénateurs de leur engagement. Nous nous honorons d'avoir repris leur proposition de loi en cette veille de Noël. Pour une fois, le dicton selon lequel les sénateurs travaillent à un rythme de sénateur aura été démenti. (Sourires.)

Des choses ont changé depuis les travaux d'Alain Vivien, d'Alain Gest et de Jacques Guyard sur les sectes.

Nous ne voyons plus ici Mme Gounord, par exemple, la

« gourelle » de la Scientologie, qui avait réussi à s'introduire dans l'une des tribunes les plus prestigieuses de notre assemblée.

Il aura fallu la mort d'un bébé de vingt-neuf mois dans une « communauté » des Hautes-Pyrénées, par suite de la malnutrition et du défaut de soins, pour reposer le problème de la situation des enfants vivant au sein des sectes et, par voie de conséquence, celui de l'obligation scolaire et des enfants qui y échappent. L'expérience prouve, en effet, que l'école peut contribuer à protéger les enfants contre les atteintes des sectes.

Comme notre rapporteur l'a excellemment rappelé, il y a en France une obligation d'instruction et non une obligation de fréquentation scolaire. Le premier problème est ainsi celui des enfants instruits dans une famille appartenant à une secte. Par ailleurs, les organisations sectaires s'appuient sur les facilités qu'offre la législation française pour ouvrir des établissements scolaires hors contrat. Les ingrédients sont donc réunis pour rendre la France attractive pour toutes sortes de communautés sectaires.

Je ne reviendrai pas sur les lacunes de la législation existante ni sur les dispositions de la proposition de loi.

Je m'attarderai néanmoins sur le quotidien des enfants qui sont nés dans une secte ou y ont été amenés par leurs parents et qui sont complètement coupés du monde extérieur et, en premier lieu, du système scolaire.

Qu'en est-il réellement? Ou plutôt qu'en sait-on, car la réalité va certainement bien au-delà de ce que nous savons ? Le 29 juin dernier, au Sénat, le rapporteur Jean-Claude Carle avançait les chiffres de 1 000 enfants instruits dans des familles appartenant à des sectes et 3 600 instruits dans des établissements privés qui entretiendraient des liens avec des sectes. A l'évidence, nombre d'enfants échappent à ces statistiques faute d'avoir été déclarés e n mairie par leurs parents.


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Citons, en outre, le cas de centaines d'enfants qui sont inscrits au Centre national d'enseignement à distance pour des raisons dites religieuses, mais qui peuvent en fait être dictées par un comportement sectaire.

Enfin, de 30 000 à 40 000 enfants au moins de familles membres des Témoins de Jéhovah sont bien scolarisés dans des établissements relevant de l'éducation nationale, mais ils reçoivent en fait une double scolarisation, dans les fameuses « salles du Royaume ».

Alors que l'enfant devrait pouvoir bénéficier d'une éducation qui lui permette de devenir un membre à part entière de la société, les Témoins de Jéhovah offrent un exemple frappant d'enfermement par l'ensemble des interdits et des refus qui sont imposés aux mineurs. Il s'agit en particulier de l'interdiction de participer à un club, à une association quelconque, sportive ou humanitaire, de l'interdiction d'être délégué de classe ou de participer au vote, de l'interdiction de célébrer les anniversaires et les fêtes - qu'il s'agisse de la Fête des mères, de la Fête des pères, de la Toussaint, de Noël, de Pâques, ou du jour de l'an. Une telle éducation va à l'encontre d'une ouverture sur le monde et porte un grave préjudice à l'épanouissement des enfants.

La liste est longue des sectes dont les enfants sont les premières victimes.

Ces groupes s'inscrivent en rupture avec l'environnement social, médical et scolaire. Les enfants qui font partie des sectes sont embrigadés, ghettoïsés, placés sous le contrôle non de leurs parents naturels, mais d'un gourou.

Ainsi, Mme Narootai Salve, alias Sri Mataji, la « gourelle » de la secte du Sahaja Yoga, dit aux mères : « Vous ne devez pas vous attacher à votre enfant : c'est mon travail. Ces enfants sont les miens, pas les vôtres. Trop d'attachement aux enfants est un signe de dégradation. »

L e pseudo-révérend Moon en dit tout autant :

« Chaque mère devrait considérer son enfant comme son ennemi. »

Au-delà même de l'éducation, bien des témoignages font état de suivis médicaux insuffisants, de privations de sommeil, de repas irréguliers, ainsi que d'atteintes à l'intégrité physique.

A la secte de la Citadelle, les enfants sont soumis à une nourriture très frugale, avec des jeûnes répétitifs, pratiques caractéristiques du conditionnement sectaire.

Chez Krishna, sous prétexte d'un régime végétalien, les enfants sont victimes d'une alimentation carencée, sans viande ni poisson, ni oeufs, qui porte gravement atteinte à leur santé.

L'absence de soins médicaux est aussi tristement répandue. S'agissant des Témoins de Jéhovah, l'air bonasse de leurs prédicateurs n'enlève rien à leur attitude criminelle qui consiste à refuser la transfusion sanguine, en particulier pour leurs enfants, même si la vie de ces derniers est en danger.

Notons que, dans d'autres sectes, les enfants sont battus : c'est le cas à l'intérieur de la secte Tabitha's Place pour discipliner leur nature déchue, ou à la Citadelle où l'on frappe les enfants avec une ceinture pour chasser les démons, ou encore chez les Enfants de Dieu. Des viols ont été perpétrés sur des mineurs dans la secte du Mandarom et chez les Raëliens. Des enfants ont été soumis à la prostitution dans la secte des Enfants de Dieu. Enfin, le crime de l'inceste a été observé chez des Témoins de Jéhovah, dont trois des membres ont été accusés de nondénonciation de ce crime. Pour autant, ils ont pu bénéficier d'un curieux traitement de faveur de la part de la justice...

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est scandaleux !

M. Jean-Pierre Brard.

... puisqu'ils n'ont été condamnés qu'à trois mois de prison avec sursis.

Il serait inutile d'allonger la liste des méfaits de ces sectes. Devant de tels dangers, on ne peut se contenter d'un constat d'impuissance.

Il devenait urgent de commencer à revoir un certain nombre de dispositions d'ordre législatif afin de se doter d'outils plus efficaces pour améliorer la protection des mineurs.

Il reste beaucoup à faire mais le renforcement du c ontrôle de l'obligation d'instruction conforme aux valeurs de la République constitue un premier pas concret dans la lutte contre l'emprise liberticide des sectes.

(Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons a été adoptée à l'unanimité au Sénat.

Présenté au Sénat par l'opposition, inscrit à notre ordre du jour par le groupe communiste dans le cadre de l'article 48-3 de la Constitution, ce texte est le symbole d'un consensus intelligent entre les différentes composantes de cet hémicycle. Il est en tout cas le symbole de la volonté de la représentation nationale de lutter contre l e phénomène sectaire et, plus précisément, contre l'embrigadement insupportable des plus jeunes dans les sectes dont, au demeurant, il n'existe pas de définition précise au regard de la loi.

Certes, il nous faut rester vigilants sur le développement des phénomènes sectaires chez les adultes, mais nous devons l'être encore plus quand il touche des enfants qui, par définition, n'ont aucun repère, aucun moyen de résister ou de s'échapper. C'est pourquoi ce texte est le bienvenu.

Les dispositions prévues permettront aux pouvoirs publics de mieux cerner le nombre des enfants concernés et donneront des outils importants pour lutter contre les conséquences néfastes des phénomènes sectaires sur le plan éducatif. Mais, au-delà du problème des sectes, elles permettront également de mieux contrôler le niveau de l'éducation à domicile, tant pour certains publics particuliers, comme les handicapés ou les itinérants, que pour tout enfant recevant un enseignement familial. Cet aspect du texte est plus important que l'on ne pourrait le penser à l'heure où le développement des nouvelles technologies rendra plus accessible l'enseignement à domicile et multipliera certainement le nombre des élèves qui étudieront chez eux.

Je ne reviendrai pas sur les différentes dispositions t echniques du texte, qui répondent parfaitement à l'attente du groupe RPR en la matière. Je me permettrai simplement, madame la ministre, de formuler quelques remarques sur leur application et je souhaiterais que vous puissiez répondre aux questions que je vais vous poser.

Sur un plan très pratique, je m'interroge sur la manière dont les maires et les inspecteurs d'académie procéderont.

Concernant les maires, chacun sait que le droit positif prévoit déjà un certain nombre de déclarations et de contrôles. La loi oblige les familles qui souhaitent délivrer elles-mêmes un enseignement à faire une déclaration en mairie lorsque l'enfant atteint l'âge de six ans et le maire doit diligenter une enquête lorsque l'enfant atteint l'âge de huit, dix et douze ans. Mais tous les maires qui sont ici savent qu'il n'en est rien.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Je citerai à titre d'exemple Châlons-en-Champagne, ville dont je suis le maire, où, sur plus de dix mille jeunes scolarisés, nous n'avons enregistré, dans les dix ans qui v iennent de s'écouler, que deux déclarations, l'une en 1989 et l'autre en 1990, et ni mon prédécesseur ni moi-même n'avons diligenté la moindre enquête.

Tous les maires savent bien que nous n'aurons pas la possibilité de contrôler, dans le futur, qui déclarera et qui ne déclarera pas. En effet, si l'on peut considérer que les peines encourues auront un effet dissuasif, il n'en demeurera pas moins que nous n'aurons aucun moyen réel de vérifier que tous les parents feront bien une déclaration à la mairie.

L'obligation portant sur une période couvrant l'école primaire, le collège ou le lycée professionnel, n'aurait-il pas été plus judicieux de confier directement la responsabilité du contrôle au préfet ? Quant aux inspecteurs d'académie, ils ont la charge de contrôler les connaissances et l'émancipation personnelle des enfants tant dans les familles que dans les établissements hors contrat. Comment, d'un point de vue très pratique, procéderont-ils aux contrôles annuels ? Enfin, le droit à l'instruction est, tel qu'il est défini, fondé sur deux éléments : d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base doit être assurée et, d'autre part, l'éducation doit permettre de développer la personnalité et d'exercer sa citoyenneté. Mais qui doit contrôler le développement de la personnalité et l'exercice de la citoyenneté ? Selon quelles normes ? Ce sont là des questions fondamentales auxquelles la proposition de loi, pas plus que les textes antérieurs, ne répond.

Cette obligation présente pourtant un caractère général applicable à tous les types de scolarité - public, privé sous contrat, privé hors contrat, familles - et sa portée est importante : tout enfant a droit à l'acquisition d'un certain nombre de connaissances. Il ne s'agit plus - c'est essentiel - d'une obligation de moyens, mais d'une obligation de résultats. Autrement dit, les savoirs de base lire, écrire et compter - doivent maintenant être de fait l'objet d'une obligation de résultats. Mais chacun sait qu'aujourd'hui l'enseignement public et l'enseignement privé ne garantissent pas ce résultat : on estime que de 10 à 20 % des élèves qui entrent en sixième ne savent ni lire, ni écrire, ni compter.

Q uelles seront concrètement les conséquences de l'article 1er A sur ces enfants ? Si l'on considère qu'il s'agit d'une obligation de moyens pour le public et le privé sous contrat, et d'une obligation de résultats pour le privé hors contrat ou pour l'éducation en milieu familial, il s'agit bien d'une obligation de résultats puisque le non-respect de cette obligation est assortie de sanctions pénales. Mais il y a là un traitement pour le moins inéquitable puisque cela revient à dire que l'on admet que des enfants du public ou du privé sous contrat ne sachent pas lire, écrire ou compter.

Madame la ministre, je vous remercie à l'avance de bien vouloir me répondre sur ce point.

Je terminerai mon propos en félicitant à nouveau les parlementaires à l'origine de cette proposition, qu'ils soient du Sénat ou de notre Assemblée. La lutte contre les sectes, et plus particulièrement contre l'embrigadement des plus jeunes, doit recueillir notre assentiment général. C'est pourquoi le groupe RPR se réjouit de ce texte, fût-il modeste et limité. Il votera donc pour son adoption.

(Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Picard.

Mme Catherine Picard.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, chargée de l'enseignement scolaire, mes chers collègues, cette proposition de loi est le résultat d'un constat : il est urgent de protéger quelques milliers d'enfants qui, sous couvert d'éducation dans la famille, sont en fait scolarisés dans les « écoles de sectes ». JeanPierre Brard vient de nous décrire les exactions qui y sont commises au nom d'une pseudo-instruction.

A la suite du travail effectué par nos collègues sénateurs et de celui groupe parlementaire d'études sur les sectes, nous allons pouvoir développer des processus opérationnels de lutte contre les abus de ceux qui, sous couvert de pratiques éducatives, nuisent durablement à l'instruction et à l'épanouissement des enfants.

La loi du 10 juillet 1989 donne un contenu au concept d'éducation que nous défendons. Elle dispose que : « Le droit de l'enfant à l'instruction a pour objet de lui garantir, d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale de la formation professionnelle et technique, et, d'autre part, l'éducation pour développer sa personnalité, élever son niveau de formation initiale et continue, s'insérer dans la vie sociale et professionnelle et exercer sa citoyenneté. »

Cela vaut pour les enfants scolarisés dans les établissements publics et les établissements privés sous contrat.

Mais comment vérifier l'application de ce contenu éducatif pour les enfants éduqués « dans la famille » ou dans les établissements hors contrat, même ces derniers ne représentent que 5 % des établissements ? Aujourd'hui, les seuls contrôles dont ils font l'objet nous venons de le voir - sont liés à l'application de la loi Ferry du 28 mars 1882.

Nous ne pouvons nous contenter d'exigences scolaires datant du

XIXe siècle : savoir lire, écrire et compter.

Baser un contrôle sur ces données ne permet pas de soustraire aux intégrismes, aux violences, à l'abrutissement v olontaire et à l'embrigadement plusieurs milliers d'enfants.

La nouvelle démarche de contrôle proposée dans ce texte est pleinement satisfaisante.

Elle respecte le principe de liberté des parents dans le cadre de l'instruction obligatoire, tout en réaffirmant que cette liberté ne peut s'exercer au détriment du citoyen en devenir.

L'éducation doit préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre. C'est ce que stipule l'article 29 de la Déclaration internationale des droits de l'enfant.

A l'heure où la question de l'effectivité des droits affirmés dans les différentes déclarations se pose parfois avec la dureté de la colère sociale, nous devons donner une portée opérationnelle à ces déclarations et particulièrement à cette Déclaration internationale des droits de l'enfant.

Si l'enfant a le droit à une éducation qui lui permette de devenir un citoyen responsable, l'Etat - l'Etat républicain d'autant plus - a le devoir de lui assurer l'effectivité de ce droit.

C'est aussi au nom de ce droit que les enfants malades ou gravement handicapés sont autorisés à être scolarisés dans la famille. Il ne s'agit pas, avec cette proposition de loi, de revenir sur là-dessus. Au contraire, on sait que, bien souvent, l'objectif premier de ceux qui assurent le


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suivi pédagogique de ces enfants est de les préparer, si leur état de santé le permet, à réintégrer un établisseme nt scolaire.

Il est donc naturel que ce texte réaffirme que les établissements d'enseignement assurent prioritairement l'instruction obligatoire.

Il ne s'agit pas non plus de sanctionner les quelques centaines de parents qui font le choix d'éduquer euxmêmes leurs enfants, quand c'est dans l'intérêt réel de l'enfant et de son épanouissement.

Mais, si ces parents ont le droit de choisir le genre d'éducation qu'ils donnent à leurs enfants, les pouvoirs publics, eux, ont le devoir de veiller à ce que l'intérêt de ces mêmes enfants soit préservé.

Le texte qui nous est proposé est un compromis entre ces deux aspects de l'obligation scolaire.

Je voudrais cependant appeler l'attention de mes collègues sur une problématique intermédiaire. Je pense aux enfants qui sont scolarisés par le Centre national d'enseignement à distance - le CNED.

Scolarisés dans un établissement public, ils ne font l'objet d'aucun contrôle. Pourtant, si la majorité d'entre eux bénéficient réellement des services éducatifs du CNED, certains abus existent et le recours à la pratique par correspondance sert souvent à soustraire des enfants à l'obligation scolaire.

A ce titre, il serait particulièrement intéressant de fixer les critères qui peuvent justifier un recours à l'enseignement à distance et de contrôler, par exemple, ceux qui invoquent simplement et sans autre justification la « phobie scolaire » sur simple certificat médical.

Les sectes sont très promptes à utiliser toutes les failles de nos dispositifs de contrôle. Soyons vigilants sur cette question, comme nous le serons dans d'autres domaines très prochainement.

Concernant la dimension opérationnelle de la proposition qui nous est soumise, le groupe socialiste souscrit pleinement aux nouveaux dispositifs proposés.

En impliquant les autorités municipales pour ce qui relève de leur compétence : le suivi des conditions de vie générale de la famille et les corps d'inspection de l'éducation nationale pour ce qui relève du contrôle pédagogique, nous construirons un dispositif efficace.

En annualisant la déclaration des parents et les contrôles, nous éviterons au maximum à des enfants d'être laissés dans un état d'abandon éducatif.

En étendant ces contrôles aux établissements privés hors contrat qui, je le rappelle, ne représentent pas plus de 5 % des établissements privés, nous limiterons les

« arnaques » dont sont parfois victimes des parents trop crédules -, d'autant que les sanctions prévues sont dissuasives.

Pour conclure, je voudrais, mes chers collègues, revenir sur ce qui fonde notre engagement dans le combat contre les sectes et sur ce qui définit la méthode dorénavant adoptée.

Ce n'est pas le rôle de l'Etat de faire à la place de l'enfant les choix de sa vie d'adulte, mais c'est bien à l'Etat de lui garantir qu'il pourra les faire librement au sens matériel bien sûr, mais aussi au sens moral.

C'est donc dans une position de respect et de garantie stricte de la laïcité que se place notre travail de législateur.

Aussi, madame la ministre, le groupe socialiste soutient cette proposition et la votera.

(Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapporteur du Sénat de cette proposition de loi émanant, à l'origine, de deux parlementaires issus de notre famille politique, et intelligemment reprise par notre collège Jean-Pierre Brard a eu raison de dire que le texte qui nous est aujourd'hui soumis est modeste et limité, mais réaliste et applicable. Pour nous prononcer, il apparaît opportun d'établir la juste mesure entre les intentions de ce texte et les besoins auxquels il doit répondre.

J'émettrai d'abord une évidence rassurante, madame la ministre - surtout pour vous : renforcer le contrôle de l'obligation scolaire, c'est confirmer la place essentielle de l'école dans la construction d'une société ouverte et responsable. L'école est bien ce lieu où l'enfant découvre et comprend notre monde. Et cette proposition ne saurait en aucun cas être comprise comme une acceptation tacite de la déscolarisation. L'instruction en famille, qu'elle soit ou non sectaire, doit demeurer une exception. Et le fait que le législateur s'applique aujourd'hui à en renforcer le contrôle ne signifie pas que nous nous préparons à une augmentation du nombre d'enfants déscolarisés. Par ce texte, nous rappelons la place de l'école comme lieu d'apprentissage de la citoyenneté.

L'exposé des motifs et les dispositions de cette proposition de loi appellent quelques remarques, dont les décrets d'application devront tenir compte - dans la mesure, bien entendu, où elle sera votée.

On aurait pu imaginer, dans une version plus libérale, s'en tenir aux dispositifs existants, parfois plus souples.

Mais nous les avons déjà expérimentés pour la plupart, sans succès. Il est en particulier un qui me paraît exemplaire, car nous aurions pu légitimement fonder des espoirs sur lui : je veux parler de la suspension du versement des allocations familiales.

Une telle mesure n'est pas efficace. Les familles qui veulent embrigader des enfants se passent aisément de ce versement. Par ailleurs, et paradoxalement, elles se sentent libérées de toute contrainte à l'égard de la société et e stiment qu'elles peuvent se dispenser d'observer les règles qui sont les nôtres, y compris celles qui sont destinées à protéger les enfants.

Madame la ministre, il y a quelques années, dans ma circonscription, près d'Aix-en-Provence, on a découvert dans une villa une quarantaine d'enfants : tous étaient déscolarisés, mais certains étaient inscrits à un centre de télé-enseignement. Tous étaient inconnus des services sociaux, car les parents ne percevaient aucune allocation.

Les devoirs adressés au centre de télé-enseignement étaient parfaitement accomplis, en langue française bien entendu, alors que la plupart de ces enfants ne la connaissaient pas puisqu'ils arrivaient de l'étranger ! La secte qui les accueillait, les Enfants de Dieu, mettait en évidence que, sans lien social - avec la suppression des allocations familiales - et sans lien scolaire, ces enfants, comme l'indiquait Jean-Pierre Brard, pouvaient vivre à côté de notre société, dans un monde virtuel, créé pour eux afin de les tenir à l'écart de notre société.

Le constat de l'insuffisance du dispositif existant appelle une autre remarque sur le contrôle de l'enseignement.

Ainsi que vous l'avez rappelé, madame la ministre, nous sommes unanimes à penser que le contrôle des méthodes d'enseignement ne sont pas suffisantes. Aussi nous faut-il en cerner les contours exacts.


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A notre avis, ce contrôle ne doit pas s'exercer seulement sur les techniques mais également sur le contenu de l'enseignement, car il a vocation à ouvrir la personnalité de l'enfant.

Comme Jean-Pierre Brard et les autres intervenants l'ont indiqué, certaines associations veillent à enseigner très méthodiquement la conjugaison, la grammaire, les mathématiques, par exemple, mais font parallèlement subir aux enfants, en guise de programmes scolaires, des cours sans aucun lien avec les programmes habituels, destinés à créer un enfermement idéologique susceptible d'éloigner l'enfant de la réalité de la vie sociale. Le contenu de l'enseignement, sa vocation à ouvrir la personnalité sont aussi, sinon plus, importants que les méthodes utilisées, qui ne sont en fait qu'une enveloppe.

Place de l'école dans la société, exigence d'un niveau scolaire comparable à celui de l'enseignement classique, mise en place des modalités de contrôle : il reste au texte à bien responsabiliser les différents acteurs du dispositif prévu.

Je ne doute pas de la capacité de votre ministère à renforcer les pouvoirs des inspecteurs d'académie et à leur donner une formation complémentaire pour faire face à des problèmes spécifiques. En revanche, comme Bruno Bourg-Broc tout à l'heure, je m'inquiète sur la possibilité des maires d'exercer le pouvoir de contrôle que l'on attend d'eux. Nous sommes ici de nombreux élus locaux et nous connaissons la multiplicité des tâches des maires et le caractère hétérogène de leurs missions.

Il me semble, madame la ministre, que nous devons veiller également aux acteurs de ce contrôle. Si ce texte est voté - et je ne doute pas qu'il le soit -, il conviendrait que vous preniez attache avec les grandes associations des maires de France pour les sensibiliser à ce problème.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien !

M. Christian Kert.

Cette entreprise de marginalisation des familles, qu'elles soient sectaires ou non, qui prive les enfants de l'instruction obligatoire et compromet leur avenir, est trop importante pour que l'on en ignore les acteurs.

Ces remarques formulées, ces craintes exprimées, le groupe UDF-Alliance considère qu'à l'heure où le désarroi moral fait apparaître des extrémismes et des sectarismes, il convient d'approuver toutes les initiatives destinées à protéger l'enfant contre ces dévoiements. Malgré sa modestie, cette proposition ressortit à cette entreprise.

Aussi notre groupe la votera-t-il. (Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dernier intervenant dans ce débat, je constate que beaucoup de choses ont déjà été dites par mes collègues, ce qui me permettra d'être bref.

La proposition de loi que nous discutons aujourd'hui a été déposée par deux sénateurs du groupe des Républicains indépendants, Serge Matthieu et Nicolas About, que nous avons bien connus ici puisque ce sont deux de nos anciens collègues. Elle a été adoptée à l'unanimité p ar le Sénat le 29 juin dernier. Elle est aujourd'hui reprise par le groupe communiste.

M. Jean-Pierre Brard.

Et apparentés !

M. Gilbert Gantier.

Je ne peux que me réjouir (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste) du fait que, sur un texte qui vise à protéger les enfants contre le phénomène sectaire, un aussi large consensus puisse être trouvé. Une fois n'est pas coutume ! La commission d'enquête sur les droits de l'enfant avait bien relevé le problème des enfants non scolarisés, qu'il s'agisse d'enfants dont l'instruction est assurée par leur famille ou d'enfants élevés dans des sectes. Mais mal connu et mal évalué, ce phénomène pose la question de la pertinence actuelle du contrôle de l'obligation scolaire.

Je souscris donc à la proposition de loi qui permet un réel contrôle de cette obligation.

Pourtant, je mettrai un léger bémol à vos incantations, madame le ministre. Si le phénomène sectaire doit être combattu car il porte atteinte à la dignité de la personne et à l'ordre public, s'il doit être spécialement combattu pour préserver les enfants des excès des adultes, il est cependant difficile à appréhender. Le combat contre les sectes doit être apprécié au regard de la liberté de conscience et de la liberté d'enseignement, qui sont des principes fondamentaux de notre République.

N ous sommes tous d'accord pour qu'un certain contrôle se mette en place auprès des familles et auprès des établissements scolaires hors contrat, pour détecter les phénomènes sectaires et protéger les enfants.

Cependant, ce contrôle des connaissances ne doit pas se faire au mépris des exigences constitutionnelles de la liberté d'enseignement et de la liberté de conscience.

En effet, la liberté d'enseignement est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon la décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 1977.

Elle comprend un élément essentiel qui est le respect du caractère propre des établissements privés. Le Conseil constitutionnel considère même qu'il ne saurait y avoir de liberté de choix de l'enseignement que s'il y a pluralisme des modes d'organisation de l'enseignement. Il reconnaît ainsi « le caractère propre des établissements d'enseignement privé les distinguant de ceux de l'enseignement public ».

De la même manière, la liberté de conscience constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Elle s'étend à la fois à la liberté religieuse, à la liberté de conscience et à la liberté des opinions philosophiques.

C'est donc seulement en cas d'atteinte à l'ordre public que des sanctions, qui vont de la fermeture des classes à 6 mois d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende, pourront être prises.

En luttant contre des phénomènes dangereux, parce que destructeurs de la dignité de la personne, il ne faut pas mettre en danger nos libertés fondamentales, qui font la grandeur de la République.

Sous ces quelques réserves, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera la proposition de loi.

(Applaudissements.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avant que vous ne répondiez, madame la ministre, aux quelques questions qui vous ont été posées, je voudrais me féliciter que ce texte, dont l'initiative revient au Sénat et qui a été repris par le groupe communiste, ait été adopté à l'unanimité par notre commission, avec la volonté de le rendre immé-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

diatement applicable en le votant conforme. Et vous aurez, j'en suis sûr, madame la ministre, le souci de publier très rapidement la circulaire d'application - un décret ne sera pas nécessaire - afin que les instructions requises soient données à votre administration.

Texte modeste, texte applicable, texte important, a dit

M. Kert. La formule est juste.

Texte important, car il concerne plusieurs milliers d'enfants - 6 000 approximativement, a indiqué M. Brard en commission - enfermés « dans un monde virtuel dangereux ». Là encore, l'expression correspond bien à la réalité.

Le point fondamental, c'est que nous nous référons à l a convention internationale relative aux droits de l'enfant. C'est pour défendre ces droits que nous légiférons, et cette notion prendra chaque jour un peu plus d'importance.

Texte modeste aussi, mais qui s'inscrit dans une démarche opiniâtre, M. Brard a rendu hommage à ce travail lancé par M. Alain Vivien, largement poursuivi par lui-même et relayé aujourd'hui par Mme Picard, qui préside le groupe de travail sur les sectes.

Mme Odette Grzegrzulka.

Avec talent !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Merci de me le souffler.

Chacun mesure aujourd'hui les risques de contagion qui menacent notre société. Il ne faut pas les sousestimer.

Texte applicable, enfin. Mme la ministre répondra aux questions de M. Bourg-Broc, mais je pense que M. Kert a fait une bonne suggestion en proposant d'entreprendre une action d'information des différentes associations de maires. Ce serait de bonne politique et cela permettrait de rendre bien plus effective l'application de ce texte.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je me félicite du travail de notre commission. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Je me félicite également de la qualité des interventions et de l'accord de l'ensemble des groupes pour reprendre la proposition de loi adoptée par le Sénat.

En effet, si cette proposition émane d'un parlementaire UDF, elle a été reprise aujourd'hui par le groupe communiste...

M. Jean-Pierre Brard.

Et apparentés ! (Sourires.)

Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

... et elle s'appuie sur le travail approfondi de Jean-Pierre Brard et de Catherine Picard.

Mme Odette Grzegrzulka.

Pour un texte de société, cette unanimité est exceptionnelle ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire. De plus, il semble acquis que ce texte sera adopté conforme et sera donc immédiatement opérationnel. Cela mérite aussi d'être souligné, car il est extrêmement rare que l'on assiste aussi rapidement à l'adoption définitive d'un texte d'origine parlementaire.

Vous m'avez interrogée, en particulier, sur la question très importante relative à l'action des maires. Cette question a été largement débattue au Sénat et je l'ai également évoquée lors des contacts que j'ai pu avoir avec les parlementaires à l'occasion de la préparation de ce texte.

On avait un temps envisagé de donner aux seuls préfets le pouvoir de déclencher une enquête à la suite d'un rapport du CCAS ou d'un signalement effectué par la DDASS, un médecin ou des voisins qui auraient observé les agissements d'une secte. Mais, finalement, c'est la solution suivante qui a prévalu : les inscriptions à l'école primaire étant confiées aux mairies, il n'est pas souhaitable de contourner les pouvoirs du maire pour le contrôle de l'obligation scolaire.

En outre, gràce à leurs services sociaux, les maires peuvent être informés plus aisément de certaines pratiques qui les conduiront à déclencher des enquêtes.

Une fois posé le principe, je voudrais vous rassurer sur un point : aucune obligation de résultats ne pèse sur le maire. Il a la possibilité de contribuer à briser la loi du silence à la suite d'un signalement, mais s'il rencontre des difficultés à mener l'enquête, le texte prévoit expressément que le préfet peut se substituer à lui, et notamment requérir les forces de police et de gendarmerie, ce qui est fréquemment le cas. Dans l'exemple que j'ai évoqué tout à l'heure, c'est le préfet de la Drôme qui a déclenché une opération de contrôle de la gendarmerie. Si le maire doit transmettre le signalement, il serait excessif de lui imposer une obligation de résultats. En revanche, les sénateurs ont tenu à lui maintenir la possibilité de déclencher l'enquête.

Cela étant, monsieur Bourg-Broc, nous veillerons à ce que l'Association des maires de France soit étroitement associée à la rédaction de la circulaire d'application, pour que nous aboutissions à un dispositif simple et opérationnel, qui ne fasse pas peser sur les maires des contraintes qu'ils ne seraient pas en mesure d'assumer.

M. Bruno Bourg-Broc.

Merci, madame la ministre.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien ! Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er A

M. le président.

« Art. 1er A. - Le droit de l'enfant à l'instruction a pour objet de lui garantir, d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d'autre part, l'éducation lui permettant de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle et d'exercer sa citoyenneté.

« Cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d'enseignement. »

Je mets aux voix l'article 1er A. (L'article 1er A est adopté.)

Article 1er B

M. le président.

« Art. 1er B. - Les deux premiers alinéas de l'article 7 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article 1er de l'ordonnance no 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

scolarité obligatoire doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé, ou bien déclarer au maire et à l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, qu'elles lui feront donner l'instruction dans la famille.

Dans ce cas, il est exigé une déclaration annuelle.

« Les mêmes formalités doivent être accomplies dans les huit jours qui suivent tout changement de résidence ou de choix d'instruction.

« La présente obligation s'applique à compter de la rentrée scolaire de l'année civile où l'enfant atteint l'âge de six ans. »

Je mets aux voix l'article 1er B. (L'article 1er B est adopté.)

Articles 1er à 4

M. le président.

« Art. 1er . - L'article 16 de la loi du 28 mars 1882 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 16. - Les enfants soumis à l'obligation scolaire qui reçoivent l'instruction dans leur famille sont dès la première année, et tous les deux ans, l'objet d'une enquête de la mairie compétente, uniquement aux fins d'établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables, et s'il leur est donné une instruction dans la mesure compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette enquête est communiqué à l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale.

« Lorsque l'enquête n'a pas été effectuée, elle est diligentée par le représentant de l'Etat dans le département.

« L'inspecteur d'académie doit au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d'instruction par la famille, faire vérifier que l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction tel que défini à l'article 1er A de la loi no du tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire.

« Ce contrôle prescrit par l'inspecteur d'académie a lieu notamment au domicile des parents de l'enfant.

« Ce contrôle est effectué sans délai en cas de défaut de déclaration d'instruction par la famille, sans préjudice de l'application des sanctions pénales.

« Le contenu des connaissances requis des élèves est fixé par décret.

« Les résultats de ce contrôle sont notifiés aux personnes responsables avec l'indication du délai dans lequel elles devront fournir leurs explications ou améliorer la situation et des sanctions dont elles seraient l'objet dans le cas contraire.

« Si, au terme d'un nouveau délai fixé par l'inspecteur d'académie, les résultats du contrôle sont jugés insuffisants, les parents sont mis en demeure, dans les quinze jours suivant la notification, d'inscrire leur enfant dans un établissement d'enseignement public ou privé et de faire connaître au maire, qui en informe l'inspecteur d'académie, l'école ou l'établissement qu'ils auront choisi. »

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

« Art. 2. - I. - Dans l'article 2 de la loi no 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés, après les mots : "à l'obligation scolaire," sont insérés les mots : "à l'instruction obligatoire,".

« II. - L'article 2 de la loi no 59-1557 du 31 décembre 1959 précitée est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« L'inspecteur d'académie peut prescrire chaque année un contrôle des classes hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l'article 2 de l'ordonnance no 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article 1er de la loi d'orientation no 89-486 du 10 juillet 1989 sur l'éducation.

« Ce contrôle a lieu dans l'établissement d'enseignement privé dont relèvent ces classes hors contrat.

« Les résultats de ce contrôle sont notifiés au directeur de l'établissement avec l'indication du délai dans lequel il sera mis en demeure de fournir ses explications ou d'améliorer la situation et des sanctions dont il serait l'objet dans le cas contraire.

« En cas de refus de sa part d'améliorer la situation et notamment de dispenser, malgré la mise en demeure de l'inspecteur d'académie, un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini par l'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, l'autorité académique avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale.

« Dans cette hypothèse, les parents des élèves concernés sont mis en demeure d'inscrire leur enfant dans un autre établissement.

« III. - A. - Dans la dernière phrase du onzième alinéa de l'article 9 de la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire, les mots : "et aux lois" sont remplacés par les mots : ", aux lois et notamment à l'instruction obligatoire". »

« B. - Après le mot : "livres", la fin de l'article 35 de la loi du 30 octobre 1886 précitée est ainsi rédigée : "..., sous réserve de respecter l'objet de l'instruction obligatoire tel que celui-ci est défini par l'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire". »

(Adopté.)

« Art. 3. - Il est inséré, après l'article 227-17 du code pénal, deux articles 227-17-1 et 227-17-2 ainsi rédigés :

« Art. 227-17-1 . - Le fait, par les parents d'un enfant ou toute personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, de ne pas l'inscrire dans un établissement d'enseignement, sans excuse valable, en dépit d'une mise en demeure de l'inspecteur d'académie, est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende.

« Le fait, par un directeur d'établissement privé accueillant des classes hors contrat, de n'avoir pas pris, malgré la mise en demeure de l'inspecteur d'académie, les dispositions nécessaires pour que l'enseignement qui y est dispensé soit conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini par l'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, et de n'avoir pas procédé à la fermeture de ces classes est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende. En outre, le tribunal peut ordonner à l'encontre de celui-ci l'interdiction de diriger ou d'enseigner ainsi que la fermeture de l'établissement. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

« Art. 227-17-2 . - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction définie au second alinéa de l'article 227-17-1.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

«

1. L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

«

2. Les peines mentionnées aux 1o , 2o , 4o , 8o et 9o de l'article 131-39. »

(Adopté.)

« Art. 4. Le fait, par les parents d'un enfant ou toute personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, de ne pas déclarer en mairie qu'il sera instruit dans sa famille ou dans un établissement privé hors contrat est puni d'une amende de 10 000 F.

« Le contrôle de la fréquentation et de l'assiduité scolaires ainsi que les sanctions au regard du versement des prestations familiales et en matière pénale seront déterminés par décret en Conseil d'Etat. »

(Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

M. le président.

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mes chers collègues, à la demande de la commission des affaires culturelles, qui souhaite se réunir, je vais suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à onze heures.)

M. le président.

La séance est reprise.

3

LICENCIEMENT ET RETRAITE DES SALARIÉS DE PLUS DE CINQUANTE ANS Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans (nos 1236, 1251).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, chers collègues, la présente proposition de loi déposée par M. Alain Belviso et les membres du groupe communiste et apparentés s'inscrit dans une volonté de justice sociale et de réduction du chômage. Elle a pour objet de limiter les licenciements de salariés âgés de plus de cinquante ans et d'améliorer la situation, au regard de la retraite, des salariés de plus de cinquante ans. Elle vise à réaliser des avancées sociales importantes permettant d'apporter des réponses concrètes à des attentes fortes des salariés, des jeunes et des chômeurs.

Avant d'aborder le fond de la proposition, je voudrais d'abord rappeler que l'Assemblée nationale est aujourd'hui placée dans une situation inédite. En effet, à la suite de l'invocation par le Gouvernement de l'article 40 de la Constitution à l'égard de la proposition de loi avant même son examen en commission, la proposition se trouve, après la décision de la commission des finances, amputée de plusieurs mesures à caractère social qu'elle prévoit. En application de cette décision, la commission n'a pu se prononcer que sur quatre des neuf articles initiaux de la proposition de loi.

La conférence des présidents avait pourtant, à la demande du groupe communiste, accepté d'inscrire cette proposition à l'ordre du jour de la séance réservée aux initiatives des groupes.

La décision du Gouvernement d'invoquer l'article 40, à ce stade de la procédure, est sans précédent. Elle est d'autant moins acceptable que, sous la précédente législature, il avait été convenu entre tous les groupes politiques et le Gouvernement que, dans le cadre des séances réservées à un ordre du jour fixé par l'Assemblée nationale, le Gouvernement n'opposerait, s'il le souhaitait, l'article 40 qu'à l'issue des débats. Une telle disposition avait été prise afin de respecter l'initiave parlementaire et donc le débat démocratique.

Cet accord de bonnes pratiques démocratiques avait d'ailleurs été respecté, en 1996, lors de la discussion sur la proposition de loi de M. Michel Berson concernant un sujet similaire, à savoir la création d'une allocation d'attente pour la retraite. L'article 40 avait alors été invoqué à la fin de la discussion générale en séance publique.

Cette proposition, je le rappelle, a finalement connu une issue positive sous la forme de la création de l'allocation spécifique d'attente - ASA -, adoptée l'an dernier sur proposition du groupe communiste.

Tous les espoirs sont donc permis s'agissant des dispositions qui viennent d'être déclarées irrecevables à la demande du Gouvernement. Nous pourrons et vous pourrez toujours, madame la ministre, les reprendre.

Le bureau de la commission des finances a décidé d'opposer l'article 40 de la Constitution aux articles 1er , 2, 3, 4 et 9. Ne sont donc recevables que les articles 5, 6, 7 et 8. La proposition de loi est ainsi amputée de la moitié de ses articles et de plusieurs dispositions essentielles ; vidée d'une grande partie de sa substance, sa portée en est d'autant réduite et sa cohérence affectée.

La décision du Gouvernement est particulièrement inacceptable puisque, en pratique, elle réduit considérablement la portée et l'intérêt de la procédure prévue par l'article 48, alinéa 3, de la Constitution. Il serait dommage que cette fenêtre ouverte dans ce que d'aucuns considèrent comme le carcan du parlementarisme rationalisé soit prématurément refermée. Cependant, si ce type de comportement de la part du Gouvernement devait se renouveler, il vaudrait mieux alors renoncer à utiliser cette procédure.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Sur le fond, s'agissant de dispositions à caractère social attendues par nos concitoyens, la décision du Gouvernement est également injustifiable. Elle revient à empêcher tout débat sur des propositions d'avancées sociales favorables aux salariés qui ont eu de longues carrières et à l'emploi, notamment des jeunes. On peut souligner la contradiction qu'il y a à utiliser un artifice de procédure pour éviter de débattre sur certaines dispositions d'une proposition de loi qui vise à concrétiser des engagements du Gouvernement.

Cela est particulièrement surprenant pour ce qui concerne les dispositions relatives à l'ARPE qui, à la suite de l'invocation par le Gouvernement de l'article 40, ont été déclarées irrecevables par la commission des finances alors qu'elles reprennent exactement, j'y insiste, les termes de la proposition de loi no 1172 déposée par le groupe socialiste. On est alors en droit de se demander si c'est la seule préoccupation d'auteur qui a motivé l'invocation de l'article 40 ou si la position du Gouvernement a évolué sur le fond.

Quoi qu'il en soit, le rapporteur et la commission ont estimé opportun de présenter l'intégralité de la proposition de loi : les différentes dispositions qu'elle prévoit forment, en effet, un ensemble de mesures cohérent. Des dispositions visent en particulier à dégager les moyens nécessaires pour financer les avancées sociales proposées.

Cela permettra de prouver la pertinence de la démarche et la faisabilité financière des propositions formulées.

La proposition de loi comporte quatre volets.

L'article 1er propose d'instaurer le droit à la retraite à taux plein pour les salariés totalisant quarante annuités de cotisation à l'assurance vieillesse. Cette mesure de justice sociale, pleinement légitime, serait favorable à l'emploi.

Elle serait en oute d'un coût limité, et dans ce cas aisément finançable, voire nul.

Avant d'aborder la question du coût de la mesure, je voudrais rappeler deux citations tirées d'un ouvrage coordonné par M. Emmanuel Raynaud intitulé Les retraites dans l'Union européenne qui relativise l'ampleur des difficultés de financement à venir des régimes de retraites. Il met en avant principalement deux arguments.

Le premier est que « les générations du baby-boom ne devraient guère coûter plus cher à la collectivité lorsqu'elles seront en retraite que lorsqu'elles étaient sur les bancs de l'école ».

Le second est que « le financement des inactifs est le même problème, qu'il s'agisse de verser des pensions aux futurs retraités ou des prestations aux actuels chômeurs ».

Pour ces auteurs, le remède est d'abord à rechercher dans le taux de croissance de l'économie.

Je veux également rappeler l'engagement pris par le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée natiionale le 19 juin 1997 : « Tout salarié ou chômeur ayant cotisé quarante ans devrait pouvoir cesser son activité dans des conditions satisfaisants. »

Madame la ministre, l'article 1er de la proposition de loi s'inscrit dans cette perspective. Le droit à la retraite à taux plein pour les salariés totalisant quarante annuités de cotisation à l'assurance vieillesse est une mesure de justice sociale qui permettrait aux salariés qui ont eu une carrière longue et ont largement contribué à financer la retraite de leurs aînés de pouvoir, à leur tour, bénéficier d'un repos bien mérité dans des conditions convenables.

A cet égard, on peut aussi rappeler que le Gouvernement vient de décider la reconduction, jusqu'à la fin de 1999, du congé de fin d'activité pour les fonctionnaires d'au moins cinquante-huit ans totalisant 37,5 annuités de cotisations tous régimes confondus et son extension aux fonctionnaires d'au moins cinquante-six ans justifiant de 40 annuités de cotisations, un amendement à la loi de finances pour 1999 venant d'être adopté à cet effet. Il serait donc incompréhensible que les salariés du secteur privé restent à l'écart d'une telle amélioration.

La reconnaissance du droit à la retraite à taux plein aux salariés ayant cotisé quarante ans pour la retraite, sans condition d'âge, est une mesure d'équité qui doit être prise rapidement. Elle permettrait notamment aux salariés qui ont commencé à travailler très jeune - quatorze ou quinze ans - et qui ont souvent exercé des métiers difficiles de profiter sans attendre de leur retraite et ainsi de compenser partiellement les inégalités d'espérance de vie existantes entre les catégories socio-professionnelles.

En outre, la mesure proposée permettrait aussi de dégager près de 300 000 postes pour des personnes plus jeunes qui sont actuellement à la recherche d'un emploi.

Elle a même fait l'objet d'un chiffrage précis.

On peut ainsi penser, sur la base d'un coût moyen pour une retraite à taux plein actuellement estimé à 90 000 francs et si les près de 550 000 personnes composant le public potentiel de la mesure demandaient la liquidation de leur retraite, que le coût brut de la mesure serait de 49,5 milliards de francs. De ce montant, il faut déduire les 27 milliards de francs destinés à financer des dispositifs dont bénéficient actuellement les personnes concernées et qui sont à la charge de la collectivité. Il convient également de prendre en compte les effets positifs sur l'emploi résultant des postes dégagés et des économies d'indemnisation consécutives.

S i l'on fait l'hypothèse, raisonnable, que, sur les 300 000 actifs concernés par la mesure, deux sur trois feraient l'objet d'une embauche de remplacement, le nombre de chômeurs pourrait être réduit de 200 000. Sur la base du coût moyen d'un chômeur de 120 000 francs, l'économie qui en résulterait représenterait 24 milliards de francs. Au total, si l'on comptabilise les deux effets, la réforme pourrait donc être réalisée à coût pratiquement nul pour la collectivité.

Le coût, assez faible en tout état de cause, de la mesure peut être facilement financé, par exemple en redéployant les crédits consacrés aux exonérations de charges patronales assises sur les salaires, mesure à l'efficacité plus que contestable.

Une autre solution prévue par l'article 8 consiste à créer une contribution sur les revenus financiers au même taux de 14,6 % que celui applicable aux salaires au titre de l'assurance vieillesse. Cette contribution pourrait rapporter près de 51 milliards de francs en 1999. Le financement de l'assurance vieillesse ne serait ainsi plus essent iellement supporté par le facteur travail. Cette diversification des sources de financement permettrait également de conforter les régimes de retraite par répartition.

Les articles 2, 3, et 4 de la proposition de loi visent à étendre et à proroger le dispositif d'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, mis en place par les partenaires sociaux en 1995. Je rappelle que ce dispositif de préretraites contre embauches permet aux salariés de plus de cinquante-huit ans totalisant quarante annuités de cotisations vieillesse de quitter leur entreprise à partir de cinquante-huit ans, avec l'accord de leur employeur et moyennant une ou plusieurs embauches compensatrices.


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Le dispositif de l'ARPE est très favorable à l'emploi et à l'insertion professionnelle des jeunes. Il permet des embauches de qualité. La quasi-totalité des embauches, 99 %, s'effectuent, en effet, sur la base de contrats à d urée indéterminée et le plus souvent à temps plein : 78 % des cas.

Depuis l'ouverture du dispositif, 115 000 embauches compensatrices au départ de salariés en ARPE ont été réalisées. Cela profite surtout aux jeunes puisque l'âge moyen des personnes embauchées est de trente ans. Le d ispositif qui devait initialement expirer le 31 décembre 1996 a été reconduit une première fois pour l'année 1997, puis une nouvelle fois pour deux ans jusqu'à la fin 1999.

Cette proposition de loi vise à apporter une réponse à une demande forte des partenaires sociaux, exprimée notamment dans plusieurs accords de branche conclus récemment concernant le réduction du temps de travail.

Ces accords demandent en effet explicitement le renouvellement et l'extension de l'ARPE.

Cette préoccupation est largement partagée. Il y a quelques semaines, le groupe socialiste a déposé à l'Assemblée nationale une proposition de loi, no 1172,r elative à la cessation d'activité des salariés ayant acquis 160 trimestres de cotisation d'assurance vieillesse en contrepartie d'embauches. Le rapporteur et le groupe communiste pensent également qu'une initiative parlementaire est nécessaire. C'est la raison pour laquelle les articles 2, 3 et 4 de la présente proposition de loi reprennent le texte de celle déposée par le groupe socialiste.

En outre, même si l'on peut se féliciter du fait que la négociation entre les partenaire sociaux sur le renouvellement de l'ARPE ne soit plus bloquée par le MEDEF et que des réunions de négociation soient prévues les 16 et 22 décembre prochain, il apparaît opportun que le législateur puisse prendre position pour, au minimum, éclairer les partenaires sociaux sur la voie qu'il préconise.

C'est pourquoi il est souhaitable de rappeler l'économie des trois articles de la proposition de loi déclarés irrecevables.

L'article 2 prévoit l'extension du bénéfice de l'ARPE à tout salarié totalisant quarante annuités de cotisation d'assurance vieillesse, sans condition d'âge.

L'article 3 vise à proroger l'application du dispositif de l'ARPE dans des conditions fixées par les partenaires sociaux gestionnaires de l'UNEDIC.

L'article 4 propose d'inscrire dans la loi le principe de la participation de l'Etat au financement de l'ARPE. Il s'agit ainsi de reprendre dans la loi l'engagement du Premier ministre pris devant les partenaires sociaux lors de la conférence nationale sur l'emploi, les salaires et la réduction du temps de travail du 10 octobre 1997, de participer au financement d'une extension de l'ARPE, à raison d e 40 000 francs par adhésion d'un salarié ayant commencé à travailler à quatorze ans. Le MEDEF a refusé l'abondement par l'Etat et préfère s'orienter vers la création d'une contribution spécifique demandée aux entreprises.

Le coût de la prorogation de l'ARPE en 1999, c'est-àdire l'ouverture du dispositif aux salariés qui atteindront l'âge de cinquante-huit ans en 1999 et totaliseront 160 trimestres, s'élèverait à 1,8 milliard de francs en 1999, tandis que son extension aux salariés qui ont commencé à travailler à quatorze ou quinze ans et qui concernerait environ 14 000 personnes coûterait 2,9 milliards de francs supplémentaires en 1999 ou 2,2 milliards de francs si l'on prend en compte l'éventuelle participation de l'Etat. Ces montants, comparés aux dépenses du régime d'assurance chômage qui dépassent 100 milliards de f rancs, représentent des charges supportables pour l'UNEDIC.

La discussion sur les articles de la proposition de loi concernant ce sujet n'est plus possible, à moins que le Gouvernement ne décide de les reprendre à son compte.

C'est pourquoi j'insiste, madame la ministre, pour rappeler que le Gouvernement a tout loisir de le faire aujourd'hui d'autant qu'il a indiqué, en conférence des présidents, qu'il ne fallait pas invoquer l'article 40 avant le débat en commission et la discussion en séance publique.

Le troisième volet de la proposition de loi vise à corriger deux imperfections du dispositif de la contribution Delalande ayant pour objet de réduire le risque de licenciement des salariés de plus de cinquante ans.

Je rappelle que, afin de freiner les licenciements de salariés âgés, qui ont peu de perspectives d'emploi, au moment où l'autorisation administrative de licenciement a été supprimée, la loi du 10 juillet 1987 relative à la lutte contre le chômage de longue durée a instauré une c otisation dite contribution Delalande due par l'employeur pour toute rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de cinquante ans. En 1992, le montant de la contribution a été augmenté et celle-ci a été étendue à toute rupture d'un contrat de travail d'un salarié âgé de plus de cinquante ans.

Le dispositif en vigueur comporte cependant deux failles qui ont été exploitées par des entreprises préférant recourir aux conventions de conversion moins coûteuses pour elles plutôt qu'aux préretraites.

Ainsi, certaines entreprises font pression sur leurs salariés pour qu'ils adhèrent à une convention de conversion dans le seul but d'échapper au paiement de la contribution Delalande. Ce contournement de la loi explique que la part des salariés de plus de cinquante ans parmi les entrées en convention de conversion augmente régulièrement.

E n second lieu, des employeurs peu scrupuleux concluent, pour échapper au paiement de la contribution Delalande, une convention d'allocation spéciale de préretraite, puis font pression sur leurs salariés pour qu'ils refusent le bénéfice de ce dispositif de préretraite. Dans ce cas, en effet, les employeurs sont dispensés de payer ladite contribution.

Cette situation ne peut perdurer et il convient de corriger les imperfections du dispositif, afin d'améliorer la protection des salariés les plus vulnérables contre le licenciement.

En conséquence, le troisième volet de la proposition de loi vise à corriger ces imperfections en assujetissant à la contribution Delalande, d'une part, les ruptures des contrats de travail des salariés ayant adhéré aux conventions de conversion - tel est l'objet de l'article 5 - et, d'autre part, les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice d'une préretraite ; cela est prévue dans l'article 6.

Afin d'éviter que des entreprises, avant l'entrée en vigueur de la loi, ne licencient à moindre frais, c'est-àdire sans acquitter la contribution Delalande, l'article 7 prévoit l'application des nouvelles dispositions à compter du 1er janvier 1999.

En conclusion, je veux formuler quelques remarques.

Je tiens d'abord à remercier le président Jean Le Garrec d'avoir, avec son esprit d'ouverture habituelle, que jes alue, laisser le rapporteur aborder en commission


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l'ensemble des dispositions de la proposition, même si la commission n'a pu, bien évidemment, se prononcer que sur les articles recevables. Il doit cependant être clair que l'irrecevabilité de certains articles ne signifie pas qu'ils ont été rejetés. Bien au contraire - et le compte rendu des travaux de la commission en témoigne - la majorité plurielle est unanime à soutenir l'extension et la prorogation de l'ARPE.

En ce qui concerne le droit à la retraite à quarante annuités de cotisation, la commission a semblé sensible à la démonstration du rapporteur et un consensus semble possible sur ce point. Cela laisse envisager des suites positives.

Il faut espérer que le Gouvernement tire profit du débat d'aujourd'hui.

En premier lieu, je souhaite que le précédent regrettable qui a conduit à cette discussion tronquée ne se reproduise pas.

En second lieu, je demande au Gouvernement de réfléchir pour que, à la lumière du sort qui été finalement réservé à la proposition de M. Berson et de notre discussion, nous puissions avancer dans la voie que le groupe communiste a ouverte. En ce jour de manifestation nationale des associations de chômeurs et à la veille de la trêve des confiseurs, le Gouvernement serait bien inspiré de faire un geste en faveur de nos concitoyens les plus en difficulté qui sont à la recherche d'un emploi. Tel était bien l'objectif de la proposition dans sa rédaction initiale.

Enfin, je souhaite que le président de notre assemblée veille à maintenir ce petit espace laissé à l'initiative parlementaire que constitue la séance mensuelle réservée aux g roupes afin que le parlementarisme rationalisé ne devienne pas un parlementarisme rationné. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, en visant à mieux protéger les fins de carrière des plus âgés, le groupe communiste fait preuve d'une bonne et belle continuité dans l'utilisation de son droit de tirage pour la séance mensuelle réservée aux propositions de loi des groupes.

En effet, il y a juste un an, il nous proposait d'attribuer une allocation spécifique d'attente aux bénéficiaires du RMI ou de l'ASS ayant cotisé quarante ans et qui n'étaient pas pris en charge par l'allocation aux chômeurs âgés. Cette proposition de loi, qui rejoignait d'ailleurs les préoccupations d'autres groupes de la majorité, avait été reprise par la commission et avait finalement été adoptée à l'unanimité. J'espère que la présente proposition de loi connaîtra un destin identique.

Elle est, en effet, importante car les salariés âgés sont les premières victimes des licenciements économiques : 25 % des inscriptions à l'ANPE des salariés de plus de cinquante ans ont pour motif un licenciement économique, contre 10 % en moyenne pour l'ensemble des salariés. Plus grave, ceux qui sont frappés par le chômage après cinquante ans et, surtout, après cinquante-cinq ans, ont moins de chance de retrouver un emploi. Ainsi, près des deux tiers des chômeurs de plus de cinquante ans sont des chômeurs de longue durée alors que, dans la moyenne nationale, ce taux n'est que d'un tiers.

Pour faire face à cette situation, le Gouvernement a placé le développement de l'emploi au coeur de ses priorités et cette politique a déjà produit des effets positifs : les licenciements économiques ont baissé de 26 % cette année, 350 000 emplois ont été créés dans le secteur marchand et le nombre des chômeurs a baissé de plus de 180 000.

En ce qui concerne les licenciements, la première priorité du Gouvernement est d'intervenir le plus en amont possible des plans sociaux pour trouver des alternatives.

Tel est notamment l'objet du volet défensif de la loi du 13 juin 1998 qui permet - et nos services incitent les entreprises à le faire - d'analyser la possibilité d'une réduction de la durée du travail pour éviter des licenciements. A la fin du mois de novembre, près de quatrevingts accords de ce type avaient été conclus. Ils concernent 13 000 salariés et ont permis de préserver 1 300 emplois. Ce sont autant de licenciements qui ont pu être évités.

Le groupe communiste était d'ailleurs déjà intervenu sur ce sujet, faisant préciser utilement dans la loi les modalités de contrôle et de remboursement de l'aide dans le cas où les entreprises ne mettraient pas en oeuvre leurs engagements en matière d'emploi ou de réduction de la durée du travail.

Nous devons, par ailleurs, trouver les moyens d'encourager une meilleure gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour éviter ces licenciements. Nicole Péry et moi-même travaillons sur ce sujet en faisant en sorte que la création de nouveaux emplois soit mieux anticipée et que la formation soit davantage utilisée comme outil d'adaptation des salariés aux métiers et aux emplois de demain.

Notre deuxième priorité est de veiller à la qualité des plans sociaux, afin de favoriser le reclassement des salariés tant en interne qu'à l'externe. Dès juillet 1997, donc dès notre arrivée au Gouvernement, j'ai demandé aux préfets et aux services déconcentrés de veiller à la qualité des plans sociaux. Il faut, en effet, éviter qu'ils se résument à des mesures de préretraite qui étaient d'ailleurs jusqu'alors largement financées par l'Etat, ou à des indemnités versées aux salariés pour qu'ils acceptent les licenciements, voire pour que l'on puisse qualifier ces départs de volontaires, ce qui est, à l'évidence, abusif.

Ces plans sociaux doivent comporter de réelles mesures en faveur du reclassement des salariés grâce, notamment, à des actions de formation et à la mise à disposition de la reconversion des bassins d'emploi, ou au reclassement, de moyens conséquents. Chaque plan social fait ainsi l'objet d'un examen particulier de la part de l'inspection du travail qui dispose, depuis 1993, du pouvoir de constater l'absence d'un plan social ou son insuffisance.

De plus, à votre initiative, monsieur Gremetz, et à celle du groupe communiste, la loi de lutte contre les exclusions a donné la possibilité à l'administration du travail de suivre l'exécution des plans sociaux et le respect par l'employeur des engagements pris. Ainsi que je l'ai indiqué à plusieurs reprises, la contribution de l'Etat au financement des plans sociaux ne doit pas conduire la collectivité à se substituer aux responsabilités des entreprises, notamment lorsque celles-ci ont des moyens.

C'est la raison pour laquelle nous faisons, depuis plus d'un an, beaucoup plus contribuer les entreprises qui peuvent le faire au financement des préretraites par une négociation plus serrée des conditions d'accès et par une augmentation des primes et du coût de la préretraite qui est payé par l'entreprise elle-même. Cela ne signifie pas,


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je le répète car je l'ai déjà dit lors de la discussion budgétaire, que le Gouvernement se désengage du financement des préretraites. D'ailleurs il y en aura encore 18 000 cette année.

Cependant nous souhaitons que, financées fortement par la collectivité, elles jouent d'abord dans les régions en difficulté où il est difficile de retrouver un emploi, dans les secteurs en difficulté ou dans les entreprises en difficulté. Elles ne doivent pas être un moyen facile pour les entreprises de gérer leur restructuration en imposant une charge supplémentaire au budget de l'Etat alors qu'elles ont des résultats positifs.

E n ce qui concerne les préretraires progressives, 25 000 ont été prévues cette année, mais, d'après nos informations, la réalisation se situera aux alentours de 15 000. Ce dispositif se situe, en effet, sur le même créneau que l'ARPE, l'allocation de remplacement pour l'emploi.

Par ailleurs le Gouvernement est favorable aux dispositifs en faveur des actifs âgés ayant commencé à travailler tôt.

Avant d'en venir au fond, je veux en deux mots, revenir sur le débat procédural que votre rapporteur vient d'engager en indiquant que la saisine de la commission des finances avant le passage en séance publique est d'autant moins acceptable que, sous la précédente législature, il avait été convenu que, dans le cadre des séances réservées à un ordre du jour fixé par l'Assemblée, le Gouvernement n'opposerait, s'il le souhaitait, l'article 40 qu'à l'issue des débats.

M. François Rochebloine.

Eh oui !

M. Bruno Bourg-Broc.

En effet !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Messieurs, si vous êtes défavorables à la négociation collective, il faut le dire. Je développe un argument de fond car la négociation sur ce thème a lieu actuellement.

Cela ne signifie pas pour autant, comme certains ont pu le dire voire l'écrire, que l'Etat se désengage des préretraites.

M. François Rochebloine.

Pour les 35 heures, on négocie après !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Permettez que je termine.

A l'appui de sa démonstration, votre rapporteur a rappelé que, sous la précédente législature, lors de la discussion de la proposition de loi Berson, le Gouvernement n'avait invoqué l'article 40 qu'à l'issue de la discussion générale en séance publique.

Ces éléments sont rigoureusement exacts, mais je crois que la conclusion tirée est un peu plus discutable.

D'abord, et M. Gremetz vient de le montrer de manière flamboyante, comme l'habitude, le fait que le Gouvernement ait opposé l'article 40 ne l'a pas empêché de revenir sur le fond des questions qu'il souhaitait aborder. La commission elle-même les a évoquées.

Ensuite, cette « jurisprudence » Berson n'a eu pour seul effet que d'empêcher l'examen des articles auxquels était opposé l'article 40.

Tel sera exactement le cas aujourd'hui puisque, dans la discussion générale, vous pourrez vous exprimer sur le problème de l'ARPE.

En réalité, je le dis très simplement, nous ne souhaitions pas donner un signe négatif aux partenaires sociaux au moment même où la négociation est engagée sur l'ARPE, puisque la réunion de négociation a lieu mercredi prochain. Or, s'il nous paraît extrêmement important que le législateur intervienne dans des domaines où la négociation n'est pas possible ou pas souhaitée, il est préférable de la laisser suivre son cours quand elle est engagée. Cela vaut d'autant plus pour l'ARPE qu'elle a été créée à l'initiative des partenaires sociaux.

M. François Rochebloine.

Mais pourquoi n'en avezvous pas fait autant pour les 35 heures ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Justement, pour les 35 heures, la négociation était très peu a vancée ; lorsque nous sommes arrivés, seulement 500 accords Robien avaient été signés. Il a fallu que nous annoncions la loi sur les 35 heures pour que l'application du dispositif Robien prenne un essor particulier, pour arriver finalement à 2 500 accords. Cinq cents accords en dix-huit mois, c'est quand même très peu: par comparaison, notre loi a déjà donné lieu à près de 800 accords en moins de quatre mois.

M. François Rochebloine.

Et combien de créations d'emplois ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est bien parce que la négociation était insuffisante que nous avons souhaité intervenir. Et rappelons que la négociation sur l'ARPE, quant à elle, n'est pas une négociation d'entreprise mais une négociation interprofessionnelle, qui s'applique à l'ensemble de la nation.

Il n'y a donc pas d'opposition sur le fond, M. Gremetz le sait bien. Il sait aussi que, depuis le mois de mars, je suis intervenue auprès de l'UNEDIC pour que l'ARPE soit non seulement reconduite mais élargie ; le Gouvernement a même proposé de financer une partie de cette extension. Nous poursuivons donc bien les mêmes objectifs, mais je n'ai pas souhaité donner un signal négatif aux organisations patronales et syndicales qui négocient le renouvellement d'un accord qu'elles avaient elles-mêmes signé en septembre 1995, et qui permet le départ en préretraite après 58 ans des salariés qui le souhaitent et qui totalisent plus de quarante ans de cotisations. Ce dispositif a permis 125 000 départs et l'embauche d'environ 110 000 personnes ; le Gouvernement souhaite, il l'avait dit dès le 10 octobre, qu'il soit non seulement pérennisé mais étendu, principalement à ceux qui ont commencé à travailler très tôt, à l'âge de quatorze, quinze ou seize ans.

Nous avions même proposé de participer au financement de cette extension à hauteur de 40 000 francs par an et par personne ; or, je l'ai bien compris, le MEDEF ne souhaite pas que le Gouvernement intervienne dans le financement. On aurait mal compris que le Parlement discute de ce texte alors même que les rencontres sont en cours et que la négociation doit se poursuivre mercredi prochain.

Cela dit, M. Gremetz le sait aussi, tout comme le président de la commission des affaires sociales avec qui nous avons souvent abordé ces questions, nous attendons les conclusions de l'accord et si, contrairement à ce que nous espérons, il devait ne pas être signé, le Gouvernement et sa majorité prendraient alors toutes leurs responsabilités.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Voilà !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais, je le répète, nous souhaitons que la négociation prime, et c'est seulement pour cette raison que nous avons opposé l'article 40 sur cette partie de la discussion - ce qui ne nous nous empêche pas, monsieur le rapporteur, de don-


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ner les uns et les autres notre avis sur cette question.

Nous avons, me semble-t-il, le même et nous souhaitons que l'ARPE soit pérennisée et étendue au plus vite.

Le quatrième axe d'intervention, au coeur de la proposition de loi, c'est le freinage des licenciements des plus de cinquante ans par une contribution spécifique des entreprises.

En 1987, afin de dissuader les licenciements de salariés âgés alors que l'autorisation administrative venait d'être supprimée, une contribution des entreprises dite « contribution Delalande » a été instaurée. Son montant avait été à l'origine fixé à trois mois de salaire brut. Les entrées en assurance chômage des personnes de plus de cinquantecinq ans se sont alors fortement réduites, passant de 85 000 en 1987 à 65 000 en 1988 et à 60 000 en 1990, dans une conjoncture, il est vrai, relativement favorable.

Cette tendance s'est inversée en 1990, pour atteindre 70 000 licenciements de salariés de plus de cinquantecinq ans en 1992. C'est la raison pour laquelle j'avais déjà décidé en 1992 de renforcer la contribution et de l'étendre à toute rupture d'un contrat de travail à partir de cinquante ans selon un barème progressif, allant de un mois pour les salariés âgés de cinquante ans jusqu'à six mois pour les salariés de plus de cinquante-six ans. Cet aménagement a permis, dans un contexte pourtant beaucoup moins favorable qu'en 1987, marqué par une faible croissance puis par la récession, de freiner les entrées au chômage des plus de cinquante-cinq ans, dont le nombre est alors redescendu à 55 000. Mais depuis 1994, ces licenciements sont repartis à la hausse en dépit d'une c onjoncture plus favorable, pour atteindre 71 000 en 1997, du fait notamment que certaines entreprises ont mis en place des stratégies de contournement des préretraites du fonds national pour l'emploi.

En effet, comme l'a remarqué votre rapporteur, le disp ositif juridique régissant la contribution Delalande comporte deux failles sérieuses qui en limitent grandement l'efficacité. C'est à ces failles que s'attaque précisément la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise.

Tout d'abord, la loi n'a pas assujetti au versement de cette contribution les ruptures du contrat de travail intervenant dans le cadre des conventions de conversion. Si l'on peut comprendre que ces cas de rupture aient été exclus du champ de la cotisation lorsque le dispositif des conventions de conversion n'était pas connu, tel n'est plus le cas aujourd'hui, d'autant que certaines entreprises, dans les faits, font pression sur les salariés pour qu'ils adhèrent à ce dispositif dans le seul but d'échapper au paiement de la cotisation et de ne pas avoir à discuter avec l'Etat de l'éventuelle mise en oeuvre des préretraites.

Ce contournement de la loi explique que la part des salariés de plus de cinquante ans parmi les entrées en convention de conversion soit passée de 12 % en 1994 à 18 % en 1997 pour toucher plus de 22 000 personnes par an. La dérive est encore plus importante pour les plus de cinquante-cinq ans dont le poids dans l'ensemble des conventions de conversion a été multiplié par quatre sur la même période.

Une seconde faille n'a pas manqué d'être exploitée par certains employeurs : il suffit de conclure une convention d'allocation spéciale du fonds national de l'emploi, puis de faire pression sur leurs salariés pour qu'ils refusent le bénéfice de ce dispositif de préretraite. Dans un tel cas en effet, il n'est pas prévu que les employeurs soient tenus de payer la cotisation.

La proposition de loi trouvera son plein rendement par le doublement de la contribution Delalande. En effet, une préretraite à partir de cinquante-sept ans, voire cinquante-six ans par dérogation, est aujourd'hui deux fois plus coûteuse pour les grandes entreprises qu'un licenciement sec - d'où, là encore, des tentations de contournement. Pour éviter les effets de seuil, le barème sera progressif : de deux mois de salaire pour un salarié de cinquante ans à douze mois de salaire pour un salarié de cinquante-six et cinquante-sept ans. Il deviendra ensuite dégressif jusqu'à soixante ans, le coût pour la collectivité étant d'autant moins élevé que l'on se rapproche de l'âge de la retraite.

Ce nouveau barème interviendra par décret au plus tard le 1er janvier 1999. Il ne s'appliquera toutefois pas aux petites entreprises chez lesquelles le phénomène de contournement reste marginal. Ainsi, celles de moins de vingt salariés continueront à être exonérées pour le premier licenciement pendant une période de douze mois ; celles de vingt à cinquante salariés resteront au barème actuel.

Je réponds enfin à ceux qui s'inquiètent d'éventuels effets pervers sur les embauches de salariés âgés que j'avais instauré en 1992 une exonération pour les chômeurs de plus de cinquante ans embauchés après 1992. Ce cas d'exonération demeure. Il y a donc bien une incitation à embaucher les chômeurs de plus de cinquante ans, puisque la contribution Delalande ne vaut que pour les salariés de plus de cinquante ans embauchés avant 1992 et n'est donc pas due dans ce cas.

En conclusion, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, cette intervention législative apparaît nécessaire pour mieux protéger les salariés âgés. C' est la raison pour laquelle le Gouvernement accueille très favorablement la proposition de loi telle qu'elle ressort de vos travaux en commission, ajoutant son souhait à ceux de la commission et du rapporteur de voir le dispositif A RPE pénennisé et approfondi par les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Belviso.

M. Alain Belviso.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs, la question de l'emploi est au coeur des préoccupations de nos concitoyens.

L'abaissement de l'âge de la retraite répond à une forte attente des salariés et elle est ressentie comme un moyen de libérer des emplois pour les jeunes générations.

Ces raisons ont conduit le groupe des députés communistes et apparentés à soumettre à la discussion de l'Assemblée nationale une proposition de loi tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans.

Le rapporteur a rappelé tout à l'heure que le Gouvernement a saisi la commission des finances, avant même l'examen de notre proposition de loi par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Le président de notre groupe, Alain Bocquet, tout comme le rappor-


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teur, M. Gremetz, ont condamné cette méthode qui prive le Parlement d'un débat sur le fond et remet en cause une décision prise lors de la précédente législature.

M. François Rochebloine.

On vous a répondu.

M. Alain Belviso.

Malgré les explications qui viennent d'être fournies par Mme la ministre, nous ne pouvons que nous élever contre cette procédure sans précédent qui empêche le Parlement de s'exprimer sur des dispositions aussi attendues. Tout se passe comme si l'on avait cherché à empêcher la représentation nationale de débattre sur le fond de si graves questions ; mais force est de constater que nous y parviendrons malgré tout.

Cela rappelé, j'en viens à l'articulation de notre proposition de loi.

Son premier volet a pour objet d'accorder le droit à la retraite à taux plein à toute personne ayant cotisé quarante annuités à l'assurance vieillesse. L'adoption d'une telle proposition constituerait une mesure de justice sociale et d'assainissement des finances publiques : les embauches induites généreraient de nouvelles recettes pour la sécurité sociale, l'UNEDIC, l'Etat, et par voie de conséquence une diminution des dépenses au titre de l'indemnisation du chômage supportée par la collectivité.

On avance souvent que notre société ne pourrait supporter plus longtemps le coût de notre système par répartition, en raison de la dégradation connue du rapport entre actifs et retraités. Dans cette logique, il serait inconcevable de s'orienter vers un abaissement de l'âge de la retraite. La capitalisation aurait un meilleur rendement ; toutefois, celle-ci présentant plus de risques pour les salariés, il faudrait trouver un compromis.

Ceux qui argumentent ainsi oublient de mentionner le coût social des salariés exclus de leur entreprise, le coût humain, le gâchis et la mal-vie qui en découlent.

Notre proposition rend caduc ce type de raisonnement spécieux. Sa mise en application libérerait des emplois et n'entraînerait aucune dépense supplémentaire. En effet, comme l'a indiqué le rapporteur, la retraite après quarante annuités de cotisation permettrait de dégager 300 000 emplois. Même appliquée, comme nous le demandons, sans condition d'âge, son coût s'élèverait à 49,5 milliards de francs. Or il faut déduire de cette somme le coût des mesures dont bénéficient actuellement les personnes potentiellement concernées : RMI, ASS, ACA, ARPE, préretraites totales ou progressives représentent un coût de 27 milliards. La dépense occasionnée par notre proposition se trouve ainsi sérieusement amoindrie, puisqu'elle n'atteint plus que 22,5 milliards.

De surcroît, l'embauche de 200 000 chômeurs à la place des 300 000 départs en retraite - partant de l'hypothèse plutôt basse de deux réemplois pour trois départs, ce qui laisse place à un progrès dans ce domaine - représenterait une économie de 24 milliards de francs sur l'indemnisation de ces ex-chômeurs. Autant dire très concrètement que notre proposition, simple et immédiatement applicable, ne coûterait rien à la nation, mieux, elle lui ferait réaliser des économies.

Mes chers collègues, madame la ministre, l'abaissement de l'âge de la retraite, avec comme perspective de l'amener à cinquante-cinq ans et de revenir aux trentesept annuités et demi de cotisations, est une aspiration d'autant plus forte que trois millions de personnes sont sans emploi et au moins autant dans une situation précaire. Le mouvement des chômeurs est là pour nous le rappeler. Des salariés toujours plus nombreux voient leurs conditions de travail se dégrader. Seulement un Français sur deux âgé de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans travaille et un jeune actif sur quatre est au chômage. N'est-il pas illogique et inhumain de proposer l'allongement de la durée du travail, comme le fait souvent le patronat, alors que 60 % des salariés qui liquident leur retraite ne sont plus en activité ? La question du financement ne peut être résolue qu'à la condition d'entamer une réflexion approfondie sur les cotisations sociales, comme l'engagement en a été pris lors du débat sur le financement de la sécurité sociale.

Les moyens existent dans notre pays : depuis 1980, la part de la richesse nationale consacrée aux salaires est passée de 68 % à 60 %. Elle est aujourd'hui redescendue au niveau de 1950 ! La part des revenus de la propriété, des profits des entreprises, des intérêts a augmenté de plus de 20 %. La bourse bat des records et les plans de licenciement se poursuivent malgré tout. Pourquoi seules les cotisations salariales devraient-elles participer au financement des pensions ? Les profits spéculatifs qui gangrènent notre économie pourraient également y contribuer. Nous l'avons largement évoqué lors des débats précédents.

Le deuxième volet de notre texte reprend une proposition de loi du groupe socialiste. Il vise à lever la condition d'âge pour les salariés en activité qui souhaiteraient bénéficier de l'ARPE, favorisant ainsi l'embauche de jeunes.

Cette disposition, votée à l'unanimité, après accord des partenaires sociaux les 5 juillet et 6 septembre 1995, s'est traduite par la loi du 21 février 1996. Elle permet le départ en retraite anticipée pour des salariés âgés d'au moins cinquante-sept ans et neuf mois et ayant cotisé quarante annuités au régime d'assurance vieillesse et douze ans au régime d'assurance chômage, avec au moins un an d'ancienneté chez l'employeur. Le départ a lieu à l'initiative du salarié après accord de l'employeur et acceptation du fonds paritaire pour l'emploi. Le salarié perçoit une allocation égale à 65 % du salaire brut m oyen des douze derniers mois. En contrepartie, l'employeur s'engage à réaliser une ou plusieurs embauches permettant de maintenir le volume d'heures travaillées.

Depuis la mise en oeuvre de cette mesure, 126 000 per-s onnes ont pu bénéficier de l'ARPE, permettant l'embauche compensatrice de 115 000 chômeurs - cela a été rappelé - dont l'âge moyen est de trente ans.

Comme l'ont écrit nos collègues socialistes dans l'exposé des motifs de leur proposition de loi, la situation du chômage demeure préoccupante. Les salariés qui ont cotisé quarante annuités et donc commencé à travailler dès quatorze ans ont amplement participé au développement de la nation.

D'après les calculs effectués par l'UNEDIC, la prorogation de l'ARPE représenterait 1,8 milliard de francs et son extension à l'ensemble des salariés ayant commencé à travailler à quatorze ou quinze ans, soit 14 000 personnes, coûterait 2,1 milliards supplémentaires en 1999 et environ 4 milliards de francs en 2000 et 2001. Ces sommes, on le voit bien, sont peu de choses au regard de celles consacrées par les organismes sociaux et l'Etat à l'indemnisation du chômage et aux diverses mesures d'aide sociale.

Et comme le rappelait notre collègue Christian Cuvilliez lors du débat sur le collectif budgétaire la semaine dernière, puisque nous disposons d'un excédent budgétaire, pourquoi ne pas l'utiliser à satisfaire une revendication tant attendue, au lieu de l'utiliser prioritairement à la réduction du déficit ?


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Le troisième volet est consacré à l'extension du dispositif Delalande, c'est-à-dire le versement par l'employeur d'une cotisation pour toute rupture de contrat de travail d'un salarié âgé de plus de cinquante ans. Il apporterait une source de recettes supplémentaires pour l'Etat.

Le montant de la cotisation due par l'employeur en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié de plus de cinquante ans, qui était à l'origine de trois mois de salaire brut, sera porté à un an de salaire après l'adoption de la loi de finances.

La loi n'avait pas assujetti au versement de la cotisation les ruptures du contrat de travail intervenant dans le cadre des conventions de conversion. Aujourd'hui, il s'avère que de nombreuses entreprises font pression sur leurs salariés pour qu'ils adhèrent à ce dispositif, dans le seul but d'échapper au paiement de la cotisation.

Ce contournement de la loi explique pour une large part l'augmentation du nombre de salariés de plus de cinquante ans entrés en convention de conversion : celui-ci passé de 12 % en 1994 à 17 % en 1997 ; cette part a été multipliée par quatre pour les plus de cinquante-cinq ans.

En outre, des employeurs, pour échapper à la contribution, concluent une convention d'allocation spéciale, puis font pression sur leurs salariés pour qu'ils refusent le bénéfice de ce dispositif de préretraite. Le troisième volet de notre proposition de loi vise à soumettre à la cotisation les ruptures de contrats de travail après adhésion aux conventions de conversion et les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice des préretraites.

Le dernier volet est consacré aux recettes : il accroît celles de l'Etat et de la sécurité sociale par un prélèvement sur les revenus financiers - hors épargne populaire équivalent à celui effectué sur les salaires.

Un tel dispositif, nous l'avons rappelé lors du débat relatif à la loi de financement de la sécurité sociale, accroîtrait sensiblement les recettes. Une cotisation de 14,6 % - c'est-à-dire au même taux que celle pesant sur les salaires - sur les revenus financiers des ménages et des entreprises, hors épargne populaire, rapporterait près de 51 milliards, comme l'a précisé M. le rapporteur.

Il est donc tout à fait possible de trouver les moyens de financer notre proposition de loi sans remettre en cause l'existence de notre système par répartition.

Telles sont les remarques que je voulais formuler dans le cadre de cette discussion générale. Je veux une dernière fois regretter la procédure employée, mais en espérant que l'ensemble des propositions formulées aujourd'hui par notre groupe, si elles ne rencontrent pas immédiatement l'approbation du Gouvernement, servent de base à un approfondissement de la réflexion commune, afin que l'action gouvernementale et celle de sa majorité soient en mesure de répondre avec davantage d'audace à l'exigence d'une action plus forte et plus résolue encore pour l'emploi et contre les licenciements. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, la proposition de loi du groupe communiste dont nous discutons aujourd'hui a bien failli passer à la « trappe », puisque, sur neuf articles, cinq ont été déclarés irrecevables par la commission des finances et un, créant une contribution sur les revenus financiers, a finalement été retiré en commission des affaires sociales.

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Il n'a pas été retiré ! C'est une erreur, mon cher collègue. Le groupe communiste a maintenu son amendement qui a été repoussé par la commission.

M. Gilbert Gantier.

Un article a donc été rejeté par la commission.

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

C'est cela !

M. Gilbert Gantier.

Il ne reste donc plus que trois articles, n'est-ce pas, monsieur le rapporteur ?

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Nous sommes d'accord.

M. Gilbert Gantier.

A l'origine, je le rappelle, il s'agissait d'une proposition tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans.

Elle comprenait trois volets : le premier ouvrait le bénéfice des droits à la retraite à taux plein sans condition d'âge pour chaque salarié ayant cotisé quarante annuités ; le deuxième prévoyait la possibilité d'étendre l'allocation de remplacement pour l'emploi, le troisième étendait la cotisation Delalande concernant les ruptures de contrats de travail des salariés ayant adhéré aux conventions de conversion.

De ces trois volets, il ne reste donc que l'extension de la cotisation Delalande. C'est déjà ça. Tout est bon, en effet, pour ressouder la majorité plurielle qui paraît actuellement en légère difficulté, surtout en période de manifestation des chômeurs.

M. Jean-Pierre Brard.

Parlez-nous de l'Alliance ! (Sourires.)

M. Gilbert Gantier.

Au demeurant, cette proposition du groupe communiste était, au départ, un projet du Gouvernement. En effet, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui vient de quitter l'hémicycle, avait annoncé le doublement de la cotisation Delalande et son application aux conventions de conversion. Je reconnais d'ailleurs bien là la manoeuvre : il s'agit de flatter les partenaires politiques en leur permettant de déposer des propositions pour tenter de colmater une majorité qui connaît quelques brèches.

M. Alain Bocquet.

Parlez-nous de l'Alliance !

M. Gilbert Gantier.

Pense-t-on vraiment diminuer le taux de chômage des salariés de plus de cinquante ans en augmentant la cotisation Delalande ? Cette contribution a été adoptée, en 1987, par une autre majorité d'ailleurs, pour les employeurs qui procèdent à des licenciements économiques secs de salariés de plus de cinquante ans. Cette pénalité, que l'entreprise devait verser à l'UNEDIC et qui représentait trois mois de salaires, était destinée à compenser le surcoût que ces licenciements imposent à l'UNEDIC.

Depuis, c'est toujours la majorité socialiste et communiste qui utilise et augmente la contribution Delalande.

La majorité actuelle est en fait un peu comme le coucou : elle pond ses oeufs dans les nids des autres.

M. Jean-Pierre Brard.

Encore faut-il savoir faire éclore les oeufs ! (Sourires.)

M. Gilbert Gantier.

Nous l'avons vu ce matin pour une proposition relative à la protection des enfants.

Mme Hélène Mignon.

Nous l'avons votée à l'unanimité !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. Gilbert Gantier.

Nous l'avons vu pour les trentecinq heures avec la loi Robien et nous le voyons maintenant avec la proposition Delalande dévoyée de son objectif initial.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous, vous n'avez plus d'ailes pour atterrir dans le nid ! (Sourires.)

M. Gilbert Gantier.

En 1989, puis en 1991, vous avez généralisé l'application de la contribution Delalande à toute rupture de contrat de travail d'un salarié de cinquante-cinq ans ou plus ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de base du chômage. En 1992, le montant de la contribution a été porté à six mois de salaires, puis la contribution a été étendue aux ruptures de contrat de travail concernant les salariés âgés de cinquante ans, et non plus de cinquante-cinq ans.

Le chômage des plus de cinquante ans a-t-il été résolu pour autant ? Hélas ! je ne le pense pas.

Mme Hélène Mignon.

Ça serait pire autrement !

M. Gilbert Gantier.

On arrive même à un résultat opposé : dès qu'ils atteignent quarante-cinq quarante huit ans, les chômeurs ne sont plus, malheureusement, embauchés.

Aujourd'hui, vous décidez d'appliquer la contribution aux conventions de conversion au prétexte que leur nombre a beaucoup augmenté. Demain, vous voudrez peut-être doubler la contribution. Je croyais que vous vous étiez convertis au bien-fondé de la baisse des charges sociales préconisée par le professeur Malinvaud, qui n'est pas de vos adversaires. Je suis déçu ! Je sais aussi que Mme la ministre prépare un projet de loi relatif au travail précaire, qui utiliserait une contribution Delalande nouvelle formule, pour taxer les entreprises qui font un usage abusif des emplois précaires, par exemple pour les entreprises qui dépasseraient un seuil de 10 à 15 % d'emplois précaires par rapport à l'emploi total.

Il est également envisagé d'instaurer une modulation des cotisations d'assurance chômage en fonction des pratiques de licenciement des entreprises. Le Gouvernement souhaite que des négociations entre les partenaires sociaux aient lieu. Mais si les négociations échouent, le Gouvernement semble prêt à prendre des dispositions législatives au premier semestre 1999 pour les suppléer. C'est toujours la même méthode : les partenaires sociaux sont libres de négocier pourvu qu'ils négocient comme le Gouvernement le demande, sinon on leur retire cette liberté.

En adoptant ce dispositif, mes chers collègues, vous montrez votre incapacité à accepter le monde actuel ; vous pratiquez toujours les mêmes recettes : augmenter une taxe, créer une nouvelle cotisation.

Malgré tous ses efforts, la France ne sort pas de sa terrible exception en matière de chômage. Si nous avons un chômage plus grave chez nous que chez nos partenaires, c'est parce que, entre le chômage de quelques-uns et la remise en cause de nos rigidités et de nos habitudes néfastes, nous avons collectivement et inconsciemment préféré le chômage, contrairement à ce que nous affirmons.

Mes chers collègues, il faudrait au contraire baisser les charges sociales si nous voulons un jour triompher du chômage. C'est la raison pour laquelle le groupe Démocratie libérale votera contre cette proposition de loi.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia et M. Bruno BourgBroc.

Très bien !

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Pauvre Delalande !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre.

Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion de cette proposition de loi intervient à point dans un débat que nous devrions engager sur les retraites et le nécessaire maintien des mécanismes de répartition.

Avant d'aborder plus au fond la discussion sur la présente proposition, il me paraît souhaitable de préciser dans quel contexte intervient notre débat.

L'inquiétude est réelle chez les retraités, et les futurs retraités que nous sommes tous, alors que se multiplient des articles de presse et colloques ayant pour thème l'avenir du régime. Les craintes se fondent sur certains projets de réforme qui porteraient atteinte au principe de mutualisation, mais aussi sur des mesures ayant affecté depuis quelques années le pouvoir d'achat des retraités.

Selon les propos de M. le secrétaire d'Etat au budget, le Gouvernement a pris la décision courageuse de réfléchir à l'évolution de notre système de retraite. Je crains que cette déclaration n'ait pas apaisé les préoccupations.

Or, le débat et la réflexion ne peuvent se mener sereinement dans un contexte d'anxiété, imputable en majeure partie à l'accroissement de la pression fiscale décidée par les précédents gouvernements.

Je comprends cette inquiétude. Les retraités ont vu leur pouvoir d'achat chuter depuis 1993, avec la suppression progressive de l'abattement fiscal de 10 % et, de façon concomitante, la hausse des prélèvements sociaux et de la TVA : 1993, hausse de la CSG ; 1996, création de la CRDS et hausse des cotisations maladie ; 1997, hausse de la CSG et hausse des cotisations maladie.

Il est du devoir du Gouvernement et de sa majorité de restaurer un climat de confiance et de démontrer que nous ne sommes plus dans cette logique d'accroissement de la pression fiscale. Malheureusement, les inquiétudes n'ont pas été dissipées par l'attitude du Gouvernement qui, lors de la discussion budgétaire, a contrecarré le projet unanime de la représentation nationale visant à stabiliser à 20 000 francs le plafond de l'abattement fiscal de 10 % au bénéfice des retraités. Cette décision, inopportune, devrait être corrigée en 1999. Mais il aurait été préférable de saisir une opportunité symbolisant la capacité d'écoute et les préoccupations de l'actuel gouvernement à l'égard des retraités.

L'adoption de la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise permettrait de réformer judicieusement l'ouverture des droits à la retraite et d'adresser un signal démontrant qu'il existe de substantielles différences entre une politique de droite et une politique de gauche.

Il ne s'agit pas pour autant d'être maximaliste ou jusqu'au-boutiste et de prendre, par là même, des mesures inconsidérées. Nous devons être pleinement conscients des contraintes liées au financement du régime de retraites.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui, tout comme celle déposée par les députés du Mouvement des citoyens en février 1998, prend pleinement en compte ces contraintes. Nous ne proposions pas, et nos amis communistes non plus, d'abaisser l'âge de la retraite de façon uniforme. Nous suggérions l'introduction d'un nouveau critère alternatif permettant aux travailleurs ayant cotisé plus de 160 trimestres de bénéficier de leur retraite, et ce quel que soit leur âge.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Lors de précédents débats devant notre assemblée, le Gouvernement a pourtant fait la preuve de son souci à l'égard des chômeurs ayant cotisé plus de 160 trimestres !

Nous avons voté, le 14 janvier 1998, une proposition de loi permettant à ces personnes de bénéficier d'une allocation spécifique d'attente, en sus du RMI ou de l'allocation de solidarité spécifique, leur permettant de vivre plus décemment.

Les députés du Mouvement des citoyens avaient, quant à eux, déposé une proposition de loi permettant à toute personne ayant cotisé 160 trimestres de prendre sa retraite, qu'elle soit au chômage ou non. Nous estimions que les salariés intéressés par cette mesure avaient commencé à travailler très jeunes et généralement à des tâches physiquement astreignantes ; il nous semblait légitime qu'ils puissent bénéficier d'un repos mérité. Cette mesure étant facultative, les personnes trouvant dans leur travail une forme de réalisation auraient pu poursuivre leur activité alors que celles usées par quarante années de dur labeur pouvaient choisir de prendre leur retraite.

Ce dispositif présenterait aussi l'avantage d'être créateur d'emplois car, à la différence de l'allocation d'attente ou de l'allocation chômeurs âgés, cette mesure concernerait des salariés et non les seuls chômeurs. Le départ à la retraite anticipée permettrait l'embauche de jeunes, un plus rapide renouvellement des générations au travail et une plus grande justice sociale.

La charge supplémentaire pourrait être prise en charge, comme en Allemagne, à parité entre l'Etat et les caisses de retraite sans que cela porte atteinte à l'équilibre de leurs budgets. Le coût de cette réforme est d'ailleurs très probablement surévalué car il faut y intégrer les bénéfices escomptés.

D'une part, ce dispositif ouvrant un droit nouveau à la retraite se substituerait de fait, pour les personnes en situation de chômage, à des allocations multiples. Cela aurait pour conséquence de changer la portée symbolique et le statut des personnes concernées, qui ne relèveraient plus de la solidarité nationale mais verraient la société reconnaître leur dignité et les droits qu'elles ont acquis par leur travail.

D'autre part, on peut espérer que les départs à lar etraite seraient généralement compensés par des embauches, faisant ainsi diminuer le nombre des chômeurs. Ces anciens chômeurs n'auraient plus à être indemnisés et participeraient par leurs cotisations au financement du régime ainsi mis en place. Mais, au-delà de cet aspect purement comptable, nous devons aussi prendre en considération les conséquences sociales et psychologiques de l'exclusion.

L'exclusion sociale et la détresse qu'elle provoque engendrent aussi des coûts pour la société, qui sont certes plus difficilement quantifiables, mais que nous devons intégrer si nous souhaitons évaluer le plus justement possible le besoin net de financement de cette réforme. De plus, nous ne devons pas être que de simples comptables ; nous sommes garants de l'intérêt général, nous faisons des choix politiques, même si nos propositions, pour devenir effectives, doivent tenir compte du contexte budgétaire.

Je me réjouis de partager ces perceptions avec mes collègues communistes et de pouvoir, grâce à cette séance, aborder ce thème.

L'article 1er de la proposition aurait recueilli notre entier soutien si le Gouvernement n'avait invoqué, avant toute discussion, l'article 40 de la Constitution afin de justifier de son irrecevabilité. L'utilisation de cet article par le Gouvernement a vidé cette proposition de loi d'une majeure partie de sa substance. Il ne reste plus que trois articles, qui corrigent judicieusement la contribution Delalande.

Je regrette que nous ne puissions ouvrir dès aujourd'hui le débat sur la retraite des salariés ayant cotisé plus de quarante annuités et sur l'extension du dispositif de l'ARPE. Tous les groupes parlementaires de la majorité reconnaissent l'efficacité de ce dispositif. Néanmoins, il aurait été opportun d'en étendre le champ d'application.

De plus, nous avons voté récemment un article du projet de loi de finances pour 1999 modifiant le régime de l'ARPE pour les anciens combattants. La détermination de M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a permis d'adopter une mesure dont nous nous sommes tous félicités.

M. François Rochebloine.

C'est vrai !

M. Jacques Desallangre.

Le débat et la discussion sur les amendements auraient, s'ils avaient eu lieu, probablement permis de s'engager sur la voie d'une extension à tous les salariés de ce régime favorable.

En conclusion, force est de dire que la déclaration d'irrecevabilité de la majeure partie des articles de cette proposition de loi novatrice, qui favorisaient la justice sociale et la résorption du chômage, est regrettable.

Je souhaite vivement que nous engagions le débat tant attendu et annoncé par le Gouvernement afin que nous puissions renouveler nos propositions mais aussi revenir sur le barrage en force que le Gouvernement a opposé aux députés, unanimes, sur la stabilisation du plafond de l'abattement fiscal des retraités. Je veux trouver dans les propos que Mme la ministre a prononcés il y a quelques instants des raisons d'espérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. François Rochebloine.

L'espoir fait vivre !

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après le texte sur l'obligation scolaire que le groupe UDF a approuvé, nous examinons maintenant - c'est un hasard - une proposition de loi qui tend à prendre en compte une meilleure gestion des âges en matière de ressources humaines.

Sur le fond, cette intention est louable et s'inscrit dans le droit fil d'un texte que le groupe UDF avait soutenu il y a maintenant onze ans. Il s'agit du dispositif instauré par la loi du 10 juillet 1987, dit « dispositif Delalande », émanant de notre collègue du groupe RPR dont nous saluons l'initiative, qui a, jusqu'à aujourd'hui, permis une certaine maîtrise des licenciements des salariés âgés. En effet, la réglementation, introduite par un amendement de notre collègue, avait permis d'obliger les entreprises qui licenciaient des salariés âgés de plus de cinquantecinq ans à verser à l'UNEDIC l'équivalent de trois mois de salaire.

En 1992, Mme Aubry, alors ministre du travail, n'était pas revenue sur ce dispositif, elle l'avait, au contraire, renforcé, pour ne pas dire durci. Elle avait augmenté et élargi la contribution en transposant dans la loi un accord signé par les partenaires sociaux et les entreprises qui ont alors été tenues de verser au régime assurance chômage entre un mois et six mois de salaire quand elles licenciaient un salarié âgé de cinquante ans ou plus.

Depuis cette date, le système est resté en vigueur. Il a rapporté 1,7 milliard de francs au régime d'assurance chômage en 1997.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Le 6 novembre dernier, nous apprenions par un quotidien économique, qui titrait à la une « Sanction doublée pour les licenciements après 50 ans », que la contribution Delalande était de nouveau sur la sellette et pourrait doubler. Cette annonce a surpris sur la forme tandis que le Gouvernement proposait aux partenaires de négocier, il semblait déjà avoir fixé le terme de la négociation, étrange conception du dialogue social sur lequel ici même, Mme Aubry s'exprimait tout à l'heure.

Le groupe UDF a eu sur ce sujet un débat avec le Gouvernement en séance publique, lors de l'examen des crédits de l'emploi et du travail le 10 novembre dernier.

Les travaux de ce matin nous permettent, grâce à l'initiative du Parlement qui a pris le Gouvernement au mot, de prolonger, d'approfondir et, nous l'espérons au sein de l'opposition, d'enrichir nos échanges.

Quels ont été jusqu'à présent les termes de nos précédentes discussions ? J'aimerais y revenir en quelques mots, car ils sont, me semble-t-il, intéressants pour la discussion de la proposition de loi du groupe communiste qui nous est soumise aujourd'hui, amputée il est vrai - le rapporteur l'a bien dit - d'une partie non négligeable de ses dispositions, notamment sur les conditions d'ouverture du droit à la retraite et sur l'allocation de remplacement pour l'emploi, en raison de l'article 40 de la Constitution.

M. François Rochebloine.

Eh oui !

M. Christian Kert.

La majorité plurielle choisit apparemment de faire porter aux entreprises la responsabilité d'une certaine dérive concernant les licenciements des salariés âgés. La faute serait clairement du côté du chef d'entreprise qui chercherait à se séparer de ses salariés âgés sans même envisager d'autres solutions, comme le recours aux préretraites FNE.

Nous exagérons à peine, tant nous savons quelle est l'approche de la majorité à l'égard de l'entreprise : nous avons eu l'occasion d'en débatre au moment du texte sur les 35 heures, exemple qui illustre bien le corpus idéologique de votre majorité.

Pour revenir au fond du problème, nous l'affirmons sans ambiguïté, nous partageons le diagnostic qui a été fait car nous savons comme vous que la part des personnes âgées de plus de cinquante ans indemnisées par l'allocation unique dégressive, l'AUD, est passée de 25 % en juillet 1997 à 27,9 % en juillet de cette année.

Malheureusement, en effet, et nous le déplorons sincèrement, eu égard aux drames personnels et familiaux que sont contraints de vivre les salariés ayant passé un certain âge, le chômage ne recule pas pour les salariés de plus de cinquante ans.

Au contraire, selon les chiffres du mois de septembre, il a même augmenté de près de 3 % pour les hommes et de 5 % pour les femmes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Eh oui !

M. Christian Kert.

Le chômage de ce que l'opinion appelle couramment les « quinquas » s'est petit à petit, mais de façon profonde, installé dans notre pays, ouvrant souvent la voie au pire que sont le chômage de longue durée, puis la fin des droits, avec pour terrible corollaire l'exclusion.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Eh oui !

M. Christian Kert.

Pour stopper cette dérive que, sur tous les bancs, nous considérons comme inquiétante et inacceptable, l'approche qui nous est proposée ici ne nous paraît pas être celle qui convient. Elle fait en réalité l'impasse sur les raisons qui conduisent les entreprises à agir ainsi.

Aujourd'hui, un certain nombre d'entreprises confrontées à de réelles difficultés se tournent en premier lieu vers les salariés les plus âgés au sein de leur effectif pour un licenciement de type économique, car ce sont ceux qui coûtent le plus cher. Elles le font indépendamment du fait qu'elles peuvent faire financer ces licenciements par la collectivité.

Gardons-nous d'avoir une vision manichéenne, voire caricaturale de l'entreprise : la réalité sur le terrain est tout autre. Avant le coût financier, le coût humain et psychologique est souvent terrible.

Ainsi pourrions-nous, au lieu d'insérer un nouvel alinéa après l'article L. 321-13 du code du travail et de compléter l'article L. 633-9 du code de la sécurité sociale par un nouvel alinéa instaurant une contribution sur les revenus financiers, envisager d'autres pistes de travail.

L'approche qui nous est proposée nous paraît en effet pour le moins répressive et trop pénalisante. Cette méthode risque de figer les possibilités d'emploi alors qu'il faut absolument inciter.

M. Delalande a raison quand il propose de subordonner le paiement de la contribution de 1987 à une convention directe avec une autre entreprise pour le reclassement, via des réseaux d'entreprises. Pourquoi n'avoir pas choisi cette direction ? Nous l'approuvons également lorsqu'il suggère de subordonner le paiement de la contribution de 1987 à une formation quand il y a eu un plan de formation et de reconversion dans les deux années qui ont précédé le licenciement.

Nous croyons pour notre part, au groupe UDF, sous l'impulsion de notre collègue Jacques Barrot, que, sur la question de l'emploi et du travail, il importe de façon impérieuse de s'acheminer vers une réforme d'ampleur.

Elle consisterait à mettre en place une formation tout au long de la vie pour faire bénéficier le plus grand nombre, le cas échéant, d'une véritable deuxième chance.

C'est le passage de l'obligation de former à l'obligation de qualifier que nous devons réussir et auquel nous devons ensemble réfléchir et travailler. Notre système de formation professionnelle doit s'adapter afin d'offrir aux salariés français, quel que soit leur âge, la chance d'être encore plus adaptables.

Il me semble qu'il s'agit là d'une forte garantie contre les évolutions économiques et les aléas des mutations technologiques. C'est aussi un facteur de promotion des travailleurs indispensable à l'épanouissement social.

Avec les dispositions de cette proposition de loi, nous craignons d'avoir l'effet inverse du but que vous recherchiez, sincèrement. En effet, il nous paraît tout à fait clair que le dispositif qui nous est présenté comporte un nombre d'effets pervers qui conduiront, à n'en pas douter, et c'est la raison pour laquelle nous y sommes défavorables, à un ralentissement des embauches des salariés de plus de quarante ans.

Vous entendez préserver l'emploi et, dans le même temps, vous constituez un véritable frein à l'emploi. Les entreprises, à l'évidence, en dépit de l'optimisme dont faisait preuve Mme Aubry tout à l'heure, hésiteront à embaucher des salariés ayant un peu moins de cinquante ans, craignant d'avoir bientôt à supporter le coût d'un éventuel licenciement ultérieur.


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Or, même si nous assistons actuellement à une baisse du chômage, dont nous nous réjouissons mais que nous devons, nous le savons tous ici, à la conjoncture, la France se situe en cette matière très en dessous de la moyenne européenne. Le taux de chômage diminue, en effet, plutôt moins chez nous que dans les autres pays européens.

Imaginons donc, mes chers collègues de la majorité, des dispositifs qui soient une vraie chance pour l'emploi, qui soient davantage positifs et imaginatifs afin que le comportement des entreprises ne soit pas biaisé par des dispositifs lourds, pénalisants, contraignants, et à effet quasiment nul sur l'emploi.

Le groupe UDF votera donc contre cette proposition de loi, simplement parce que nous considérons que ce dispositif emprunte une voie trop répressive et insuffisamment incitative. Nous craignons, comme vous peut-être, que, finalement, il ne serve pas suffisamment l'emploi.

M. François Rochebloine et M. Bruno Bourg-Broc.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Avec cette proposition de loi, madame la secrétaire d'Etat, nous abordons le fonctionnement des conventions de conversion mises en place en 1986. Elles ne sont pas mises en cause dans leur principe mais dans l'usage qui peut en être fait et qui est condamnable. On a pu en effet voir des détournements de cet usage, et cela semble s'être aggravé depuis 1992.

Pourquoi enregistre-t-on un nombre croissant de salariés de plus de cinquante ans quittant l'entreprise avec dans la poche une convention de conversion ? Pourquoi cette mesure a-t-elle pris un tel essor : 12 % en 1994, 17,5 % en 1997 ? Pourquoi le nombre de salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans qui en bénéficient s'est-il rapidement envolé, en quadruplant ? Nous sommes tous ici préoccupés par le problème de l'emploi. Le chômage de ces hommes, de ces femmes de plus de cinquante-cinq ans nous interpelle. S'il faut se préparer à changer de métier plusieurs fois dans la vie, nous l'avons souvent dit, est-il raisonnable de penser que des conventions de conversion proposées à des personnes âgées de plus de cinquantecinq ans leur permettront de retrouver un emploi avant l'âge de la préretraite à cinquante-sept ans ? Honnêtement, nous pouvons même dire que c'est du pipeau. Ce sont des licenciements déguisés, différés, à moindre coût pour l'employeur. Pourquoi verser à l'UNEDIC la contribution Delalande si, en contournant la loi, sans prendre en compte la dignité des travailleurs, on peut s'en sortir à meilleur compte ? La contribution Delalande, instituée en 1987, après la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, avait pour but de dissuader les entreprises de licencier les salariés de plus de cinquante ans, avant qu'il n'aient atteint l'âge de prétendre à la préretraite, mais ce dispositif comporte deux failles, celle que je viens d'évoquer et une seconde concernant la convention d'allocation spéciale de préretraite dont peuvent jouer les employeurs, les salariés prenant souvent des décisions sous la pression. Le texte que nous allons voter dans quelques instants traduit notre volonté de protéger les salariés.

J'ai écouté M. Gantier avec beaucoup d'attention, mais un fossé nous sépare et je crois que c'est définitif.

Il faut effectivement, messieurs de l'opposition, des entreprises et des salariés, sans quoi le monde économique ne tournerait pas, mais les chefs d'entreprise ne doivent pas jouer avec le respect et la dignité de ceux qui leur permettent de faire tourner leurs entreprises et de réaliser des bénéfices. C'est vrai qu'il y a des entreprises en difficulté, mais il y a des façons de faire face à ces difficultés, et tout le monde en est conscient.

Monsieur le rapporteur, vous avez également évoqué le dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi, instauré après accord des partenaires sociaux, à qui nous devons laisser le soin d'en discuter. Les rencontres prévues entre organisations syndicales dans les jours qui viennent devraient aboutir à un accord entre représentants des salariés et représentants du patronat sur la reconduction de ce processus à partir du 1er janvier 1999.

Les discussions doivent également porter sur son extension.

Mme la ministre a proposé une aide financière visant à conforter les versements de l'UNEDIC des employeurs.

Le MEDEF semble refuser cette possibilité puisqu'il a trouvé une modalité de financement en faisant appel à de plus gros versements des entreprises, tout en demandant constamment, par ailleurs, des réductions de charges.

Nous vous demandons donc d'être très attentive à ces négociations. Le groupe socialiste, en tout cas, les suivra avec un grand intérêt. Nous observerons les conclusions.

Je rappelle que Serge Janquin, au nom du groupe socialiste, a déposé une proposition de loi s'y rapportant.

Nous saurons comme vous prendre nos responsabilités.

Je regrette que les discussions sur les droits à la retraite ne soient pas à l'ordre du jour, tout en ayant conscience qu'un tel dossier, attendu par les travailleurs, porteur d'espoir pour les plus jeunes sans emploi, ne pourra valablement être ouvert que lorsque nous connaîtrons la conclusion du rapport confié à M. Charpin, commissaire au Plan. Quand, comment partir en retraite ? Uniformi-s ation des droits des travailleurs, financement des retraites, ces sujets nous interpellent tous et feront sans aucun doute l'objet d'un grand débat dans les prochains mois.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les quatre premiers articles de la proposition puisqu'ils ont été occis par l'application de l'article 40.

M. Jean-Pierre Brard.

Sans prières ! (Sourires.)

M. Bruno Bourg-Broc.

Je ne voudrais pas vous faire croire, monsieur Gremetz, que j'étais d'accord sur leur contenu, mais en d'autres temps et dans des circonstances comparables, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même fait remarquer, l'application de l'article 40 avait été plus tardive, permettant la discussion de l'ensemble de la proposition de loi. Le président de l'Assemblée nationale et le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'époque y avaient veillé.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas gentil, ça ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Un peu sadique ! (Sourires.)

M. François Rochebloine.

Mais non !

M. Bruno Bourg-Broc.

J'ai bien entendu l'argumentation de Mme Aubry, qui a quitté prématurément le banc du Gouvernement, argumentateur fondée notamment sur le fait que des négociations et des concertations vont avoir lieu. Comme ce n'est pas toujours le cas et qu'on décide trop souvent avant de se concerter, les adeptes de la consultation, et nous en sommes, s'en réjouissent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

J'en viens aux articles qui ont été retenus.

La proposition de loi tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans, présentée par le groupe communiste, tend à modifier la contribution dite Delalande que doivent verser les entreprises aux ASSEDIC lorsqu'elles incluent dans un licenciement des salariés de plus de cinquante ans.

Le groupe communiste entend ainsi mettre en pratique les déclarations de Mme Aubry lors de la discussion du budget le 10 novembre dernier. Mme Aubry nous avait alors expliqué qu'il fallait durcir la contribution pour opérer un rattrapage par rapport au coût d'une préretraite et limiter les licenciements des salariés âgés de cinquante à cinquante-six ou cinquante-sept ans. Elle avait d'ailleurs déjà doublé ladite contribution en 1992.

La présente proposition de loi répond à une volonté similaire, même si elle ne reprend qu'une partie des desiderata ministériels. Il s'agit en fait d'étendre le champ d'application de la contribution aux licenciements des salariés ayant adhéré aux conventions de conversion ainsi qu'à ceux ayant refusé le bénéfice d'une préretraite.

Les différents dispositifs, celui que nous examinons aujourd'hui ou celui proposé par Mme la ministre, ne nous semblent pas répondre au problème de fond. Pourquoi une entreprise licencie-t-elle des salariés de plus de cinquante ans ? Plusieurs facteurs entrent en jeu. Au-delà des effets d'aubaine, souvent réels, les entreprises ont tendance à licencier les salariés les plus âgés pour les remplacer par des plus jeunes qui coûtent moins cher. Elles considèrent aussi que les salariés âgés ont du mal à s'adapter aux évolutions technologiques, et c'est parfois le c as, malheureusement. Le problème est donc plus complexe qu'on ne veut bien le dire. C'est sur ces points-là qu'il faut s'interroger, et notamment sur la difficile question de la formation continue des salariés.

Toutes les études prospectives montrent que le travail évolue. Nous nous dirigeons probablement vers une société d'activité, et non plus de plein emploi. Les actifs seront conduits de plus en plus à changer non seulement d'entreprise, mais également d'activité. Les évolutions technologiques, de plus en plus rapides et complexes, vont accélérer cette tendance et rendre la formation continue tout aussi importante, si ce n'est plus, que la formation initiale. C'est à ces chantiers-là qu'il faut s'attaquer en priorité, mais ce n'est pas ce que vous nous proposez.

D'autres pistes sont à explorer dans ce sens. J'ai déposé, avec mes collègues Nicole Catala et Jean-Pierre Delalande, des amendements dont je rappelle brièvement la philosophie : il s'agit d'exonérer de la contribution les entreprises qui font un effort particulier pour le reclassem ent effectif ou la formation des salariés qu'elles entendent licencier. C'est une démarche très différente, qui consiste à inciter les entreprises, par un dispositif financier, à travailler réellement au reclassement professionnel des salariés.

Pour conclure, cette proposition de loi ne répond pas au problème posé, qui est réel, à savoir le chômage des plus de cinquante ans. Vous vous contentez d'augmenter les charges qui pèsent sur les entreprises. C'est pour cette raison que le groupe RPR votera contre ce texte.

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt, dernier orateur inscrit.

M. Gérard Bapt.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les articles 5, 6 et 7 de la proposition de loi qui nous réunit concernent l'extension de la contribution dite Delalande versée à l'UNEDIC par les entreprises qui licencient un salarié âgé de plus de cinquante ans. Cette contribution sera également exigée pour les salariés de plus de cinquante ans concernés par un projet de licenciement économique et ayant accepté d'adhérer à une convention de conversion, ainsi que pour ceux ayant refusé le bénéfice d'une préretraite allocation spéciale FNE.

Cette mesure était souhaitée par le Gouvernement, sa majorité. Il était devenu flagrant, en effet, qu'une préretraite accessible à partir de cinquante-sept ans, voire cinquante-six avec dérogation, était deux fois plus coûteuse qu'un départ avant cinquante-six. Aussi nombre d'entreprises avaient-elle accéléré les licenciements de salariés âgés de cinquante à cinquante-six ans.

Ce phénomène était aggravé depuis la mise en place de l'ACA, système améliorant l'indemnisation chômage des personnes ayant plus de quarante ans de cotisations vieillesse.

Bénéficiant aux préretraités, ce système a ainsi favorisé la prise en charge de ces salariés âgés par les fonds publics jusqu'à l'âge de la retraite, en dépit d'un premier relèvement du coût de la contribution Delalande.

Il était donc préjudiciable à l'ARPE, dont l'avantage est l'embauche d'un jeune en contrepartie d'un départ en préretraite, d'autant plus qu'un départ en ARPE coûtera davantage à l'entreprise, selon les termes du compromis trouvé, ai-je lu, entre les diverses branches patronales à l'occasion du renouvellement de la convention. Les entreprises devraient désormais verser à l'UNEDIC 20 % de la rénumération des douze derniers mois du salarié partant en ARPE, soit près de deux mois et demi de salaire. Pour 40 000 départs, cette contribution rapporterait 1,2 milliard de francs à l'UNEDIC et servirait à financer l'extension de l'ARPE aux salariés ayant commencé à travailler dès quatorze ans.

Cette avancée serait très positive. Elle est obtenue sans recourir à l'aide de l'Etat qui avait été proposée mais n'est pas souhaitée par le patronat. La négociation qui va s'ouvrir la semaine prochaine devrait donc reconduire en l'étandant le système de l'ARPE, ce qui est une avancée notable.

Qu'il soit aussi permis d'espérer que les autres points de négociation, l'amélioration des conditions d'indemnisation des chômeurs de longue durée et l'indemnisation des travailleurs précaires, notamment des jeunes, soient également pris en compte au moment où le Gouvernement consulte les partenaires sociaux sur la taxation du recours abusif aux contrats à durée déterminée et à l'inté rim. Cette contribution serait en effet destinée à l'indemnisation ou à la formation des travailleurs précaires.

La proposition de loi que nous examinons est donc bienvenue dans ce contexte, même si l'amélioration de la conjoncture économique ainsi que la volonté du Gouvernement ont limité le recours aux départs en préretraite.

La consommation des crédits qui leur sont affectés en ont témoigné. Lors du vote en première lecture du collectif pour 1998, il a été possible d'annuler pour redéploiement plus de 3 milliards de francs sur les articles concernant les allocations spéciales du FNE et les préretraites progressives.

La loi de finances pour 1999 a pris acte de cette évolution en diminuant de 8,3 milliards de francs en 1998 à 4,8 milliards de francs en 1999 les crédits destinés au


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

financement des allocations spéciales FNE et de 3 milliards de francs à 2 milliards de francs ceux concernant les préretraites progressives.

Parallèlement, il convient de privilégier l'ARPE, qui constitue la procédure d'excellence pour favoriser l'entrée des jeunes dans le milieu professionnel et permettre aux salariés qui le souhaitent de partir en préretraite. C'est aussi un moyen offert aux entreprises pour mieux gérer la pyramide des âges de leurs effectifs.

Il s'agit donc de rendre plus difficiles les départs de salariés âgés vers la préretraite.

A cet égard, la disposition de la proposition de loi tendant à étendre la contribution Delalande pour le licenciement d'un salarié âgé de plus de cinquante ans et à la mettre en oeuvre en cas de convention de conversion, de même que celle visant à l'alourdir à compter du 1er janvier prochain, comme vient de le préciser Mme la ministre, sont donc des mesures cohérentes avec l'extension de l'ARPE dans le cadre d'une politique de l'emploi mieux ciblée et plus efficace.

Le bilan de l'ARPE, dans sa première mouture, en dépit de la concurrence que représentaient les autres dispositifs en cours de correction, est largement positif.

L'ARPE a déjà bénéficié à près de 120 000 personnes et a permis 110 000 embauches compensatrices, notamment de jeunes, en trois ans.

Dès le 10 octobre 1997, à l'occasion de la conférence nationale sur la réduction du temps de travail, l'emploi et les salaires, le Premier ministre avait proposé que l'Etat abonde à hauteur de 40 000 francs par an et par salarié l'extension du dispositif ARPE. Mme la ministre a rappelé cet engagement du Gouvernement à l'occasion de sa récente audition par la commission des finances. Il semble que le patronat, par principe, n'accepte pas cette offre. Mais l'essentiel est que le bénéfice de l'ARPE puisse être étendu et que l'ensemble des dispositifs soient articulés de manière que les entreprises soient incitées à choisir l'ARPE. Les dispositions envisagées vont dans ce sens.

Le groupe socialiste les votera.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Le débat est suffisamment important pour que je présente rapidement, après la clôture de la discussion générale, quelques remarques simples.

Nous débattons ce matin des articles 1er , 2 et 3 d'une proposition de loi déposée par le groupe communiste, qui concerne l'élargissement, et, oserai-je le dire, le verrouillage du dispositif Delalande, dispositif qui était, me semble-t-il, bien compris à un moment donné par l'opposition actuelle, mais qui l'est moins aujourd'hui. C'est un peu étonnant ; je me borne seulement à noter le fait.

Quelle est la situation ? La France présente cette caractéristique détestable et dangereuse d'avoir le taux de chômage des jeunes le plus élevé d'Europe - il est vrai que les conditions démographiques y sont pour quelque chose, mais tout de même - et le plus mauvais taux de sortie du travail. Cette situation catastrophique, qui se traduit par une distorsion de la pyramide des âges, pose déjà un problème à certaines entreprises, lequel ne va pas manquer de s'accentuer dans les années à venir.

Cette situation détestable s'accompagne d'une formidable hypocrisie que je voudrais dénoncer et qui consiste à attribuer cette situation aux mutations technologiques alors qu'elle est due à une absence de gestion prévisionnelle des emplois. Les mutations technologiques ont bon dos ! Soyons sérieux, le problème n'est pas là ! M. François Rochebloine ! En effet !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Au lieu d'internaliser les problèmes, les entreprises ont préféré laisser à la collectivité nationale le soin de gérer des difficultés sociales, tout en ayant l'hypocrisie de se plaindre du poids des charges sociales.

M. Bruno Bourg-Broc.

Vous exagérez !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais c'est la vérité ! Il faut le dire, même avec la netteté et la brutalité que j'emploie.

M. François Rochebloine.

C'est un peu court !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je simplifie peut-être, mais les problèmes sont ceux-là.

M. Bruno Bourg-Broc.

Vous caricaturez !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

J'ajoute que lorsque les entreprises - et il s'agit de grosses entreprises - signent des conventions, en particulier des conventions FNE de départ en préretraite, elles ne remplissent même pas leurs obligations puisque, selon le rapport à la Cour des comptes, elles doivent à l'Etat 3 milliards d'arriérés, si ce n'est plus ! Il faut le dire ! Il est vrai que je préférerais que ce type de problème soit réglé dans le cadre de la gestion des effectifs.

Il est vrai que je préférerais que le MEDEF s'indigne de tels comportements plutôt auprès des grandes entreprises et dénonce également l'abus des contrats précaires et des contrats à durée déterminée. Mais j'ai beau tendre l'oreille, je n'entends jamais rien ! Il est donc logique et normal, mais aussi peut-être regrettable car il n'y a pas d'autres moyens, que le Gouvernement, s'appuyant sur un texte déposé par le groupe communiste - et je trouve l'initiative heureuse - fasse prendre des dispositions législatives pour freiner cette évolution.

Le Gouvernement a raison de le faire car, comme l'a fort justement souligné M. Kert - et je partage son analyse -, nous savons très bien ce que signifie le licenciement d'un salarié âgé de plus de cinquante ans : à terme, hélas ! c'est, dans bien des cas, la précarité si ce n'est l'exclusion !

M. François Rochebloine.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Telle est bien la situation.

On se trouve confronté à une préoccupation sociale, bien entendu, mais également à une préoccupation économique. Je dis clairement - et j'ai travaillé suffisamment longtemps dans de grandes entreprises pour savoir de quoi je parle - que c'est une absurdité économique que les entreprises paieront au prix fort.

J'ajoute, confirmant ainsi les propos de Mme la ministre, que, en général, cette situation concerne les grandes entreprises. Regardons, par exemple, ce qui se passe du côté de l'industrie automobile.

Je vais d'ailleurs citer une déclaration de Mme la ministre afin que chacun l'ait bien en mémoire. Elle précise que le barème, qui interviendra au plus tard le 1er janvier 1999, ne s'appliquera toutefois pas aux petites entreprises pour lesquelles le phénomène de contournement est marginal - et c'est juste. Ainsi, les entreprises de moins


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

de vingt salariés continueront à être exonérées pour les licenciements qui interviendront dans une période de douze mois - et Mme la ministre a raison. Et elle ajoute que les entreprises de vingt à cinquante salariés continueront à être soumises au barème actuel.

Il s'agit d'une déclaration extrêmement importante qui montre bien qu'on ne mélange pas la situation des entreprises de moins de vingt salariés et celle des entreprises de vingt à cinquante salariés. Bien souvent - et là, je rejoins ce qu'ont dit M. Gremetz et M. Kert - les chefs d'entreprise de moins de vingt salariés ont une conscience beaucoup plus aiguë de la dimension sociale des problèmes,...

M. François Rochebloine.

C'est vrai !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... de la situation des salariés et de la nécessité de s'adapter au marché.

Pour ma part, je ne mélange pas tout. Mon discours est clair, précis et je sais à qui il s'adresse.

Si le MEDEF veut prendre des dispositions, qu'il le dise clairement et qu'il dénonce les pratiques actuelles. En tout cas, il doit faire attention à ce que sera la situation des grandes entreprises dans les années à venir : il risque d'y avoir un déséquilibre total de la pyramide des âges.

L'argument selon lequel il est nécessaire de s'adapter aux technologies nouvelles a bon dos ! Si l'on commence à considérer qu'une femme ou un homme de plus de cinquante ans n'est pas capable de s'adapter à de nouvelles conditions de travail, on peut se demander à quoi servent les dispositifs de formation permanente ? Comme j'ai, hélas ! un peu plus de cinquante ans, je trouve cela particulièrement désagréable ! (Sourires.)

C'est une remarque tout à fait personnelle.

Sur ce point, monsieur le rapporteur, nous faisons du bon travail législatif. Et si les choses devaient s'améliorer, si le grand patronat - notez que je ne parle pas du grand capital - devait prendre conscience de ces difficultés, ces dispositifs pourraient, bien entendu, être revus.

M. Gremetz, qui, en fin politique, est très habile, a repris, sans grands changements, les dispositions d'une proposition de loi déposée par le groupe socialiste.

M. Maxime Gremetz.

rapporteur.

Je l'ai dit !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Oui, monsieur le rapporteur, vous l'avez dit, car vous êtes parfaitement honnête. Et, comme je suis signataire de la proposition de loi, je ne vais pas...

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Voter contre !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... dire que je suis opposé à ce que vous proposez.

Bien entendu, je ne confonds pas le problème des licenciements des salariés de plus de cinquante ans avec celui des retraites plus précoces pour des femmes ou des hommes...

M. François Rochebloine.

Eh oui !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... - et Dieu sait si, dans ma région, on connaît cette situation -, qui ont travaillé dès l'âge de quatorze ou quinze ans dans des métiers extrêmement durs.

M. François Rochebloine.

Très juste !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

De ce point de vue, nous n'avons pas le moindre désaccord. Je suis même persuadé que l'opposition serait assez d'accord, elle aussi. D'ailleurs, elle vient de le dire.

Toutefois, je comprends le Gouvernement, monsieur Gremetz. Cela fait aussi partie de mon rôle. Il fallait que le débat ait lieu. Il a eu lieu, enrichi par la qualité de votre rapport et de vos interventions. Mais, au moment même où les partenaires sociaux s'engagent dans cette négociation - ce sera le cas dès mercredi -, le Gouvernement a le souci de ne pas donner un signe qui risquerait d'apparaître comme un élément de blocage d'une négociation : on sait comment certains les conduisent. Disons les choses comme elles sont. Tel est le souci du Gouvernement, et je le comprends. Avec prudence, il invite sa majorité plurielle à maîtriser ses impatiences.

M. François Rochebloine.

Aïe, aïe, aïe !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Maîtrisons donc nos impatiences !

Mme Catherine Génisson.

Collectivement !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Collectivement, bien entendu ! Mais, par ailleurs,...

Mme Muguette Jacquaint.

Par ailleurs, il y a des impatiences !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... restons vigilants.

Ce que Mme la ministre a dit est extrêmement important : elle veut que les partenaires sociaux négocient.

Ceux-ci commencent à le faire. Le Gouvernement est même prêt à participer à cette négociation, si c'est néce ssaire ; on verra bien. Quoi qu'il en soit, nous espérons, nous souhaitons, nous voulons que cette négociation aboutisse. Toutefois, si elle n'aboutissait pas, il appartiendrait au législateur et au Gouvernement de revoir la situation, car, de toute manière, ce problème est posé et il doit être réglé durant l'année 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Il me semble que l'on oublie qu'à l'origine le texte comportait trois dispositions essentielles et non deux.

M. François Rochebloine.

Eh oui !

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Nous venons de discuter du dispositif Delalande, dans le but de l'améliorer.

Nous venons également de parler de l'ARPE. J'ai bien pris note que Mme la ministre avait indiqué que des négociations devaient avoir lieu à ce sujet entre le 16 et le 22 décembre. Si elles n'aboutissaient pas, j'ai bien entendu que le Gouvernement s'engageait - et je m'en félicite - à agir par voie législative, afin qu'il y ait non seulement reconduction du dispositif de l'ARPE, mais également extension de celui-ci.

Toutefois, monsieur le président de la commission, vous avez oublié une des propositions : la première.

M. François Rochebloine.

La plus courte !

Mme Muguette Jacquaint.

La plus importante !

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Cette proposition, simple, précise et de bon sens concerne 550 000 personnes, au travail ou au chômage, ayant cotisés quarante annuités. Ces personnes devraient pouvoir bénéficier, quel que soit leur âge, de leurs droits à la retraite.

On peut bien expliquer qu'il existe une exception française, mais il y a tout de même un paradoxe à ce que des millions de jeunes soient en attente d'un emploi alors que


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des salariés ayant cotisé quarante annuités continuent à travailler. De surcroît, j'ai lu dans La Tribune de ce matin, journal économique s'il en est, que certains préconisent de reporter l'âge de la retraite à soixante-cinq ans ; c'est loin d'être rassurant !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce sont sans doute les mêmes, qui proposent de mettre au chômage les salariés âgés de cinquante ans ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Je tenais à faire ce rappel, monsieur le président de la commission, afin que ne subsiste aucune ambiguïté entre nous. Les choses sont donc très claires.

L'article 40 ayant foudroyé les articles 1er et 2, il ne reste donc plus, chacun l'a bien compris, que l'article 3, et c'est de lui que nous devons discuter.

En tout état de cause, le débat a eu lieu, des engagements ont été pris, et c'est l'essentiel. Nous veillerons à ce qu'ils soient tenus.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail, un alinéa ainsi rédigé :

« La cotisation est due également pour chaque rupture du contrat de travail intervenue du fait de l'adhésion d'un salarié à une convention de conversion prévue par l'article L. 322-3. Le montant de cette cotisation tient compte de la participation de l'entreprise au financement de la convention de conversion. »

La parole est à M. François Rochebloine, inscrit sur l'article.

M. François Rochebloine.

A mon tour, comme le rapporteur et plusieurs des intervenants, je déplore que la proposition de loi déposée par le groupe communiste ait été amputée par la commission des finances, en vertu de l'article 40 : sur les neuf articles, il n'en reste plus que trois ! C'est une première et elle est particulièrement regrettable à un moment où l'on souhaite revaloriser le rôle du Parlement. J'ose espérer qu'une telle décision ne se reproduira pas à l'avenir.

Par ailleurs, je tiens à dénoncer le fonctionnement de notre assemblée. Il est anormal, en effet, que nous n'ayons été en possession du rapport que quelques heures avant la tenue de notre débat. Cela n'est pas très sérieux.

Mes propos ne mettent évidemment nullement en cause le personnel de l'Assemblée.

Les bonnes intentions ne suffisent pas, il faut des actes.

Et j'ai envie de dire : légiférons moins, mais légiférons mieux ! J'avais déposé un amendement après l'article 1er , article 1er que, comme Christian Kert, j'aurais souhaité voir accepté. Cet amendement reprenait la proposition de notre collègue Maxime Gremetz, que j'avais cosignée avec plusieurs collègues appartenant aux différents groupes de cette assemblée. Il visait à accorder la retraite anticipée aux anciens combattants demandeurs d'emploi en fin de droits totalisant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse, diminuées de la durée de leur séjour en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. En fait, cet amendement reprenait des engagements du candidat Lionel Jospin avant les élections. Il est dommage que pour certains - mais Lionel Jospin n'est pas le seul - les engagements n'aient de valeur que pour ceux qui les reçoivent.

Aussi ne faut-il pas s'étonner que l'abstention progresseo u que certains se tournent vers l'extrême droite, comportement que pour ma part j'ai toujours dénoncé.

M. le président.

Mme Catala, MM. Delalande et Bourg-Broc ont présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er »

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Avant de défendre cet amendement de suppression de l'article 1er de cette proposition

« cul-de-jatte », je tiens à avouer que j'ai du mal à comprendre la diatribe anti-entreprise à laquelle s'est livré le président Jean le Garrec. Heureusement, ses analyses sont souvent moins caricaturales.

J'en viens à l'amendement. Comme je l'ai dit, je considère que le dispositif prévu à l'article 1er ne permettra pas de répondre à la question de fond, c'est-à-dire qu'il n'empêchera pas les entreprises de continuer à licencier les salariés âgés. Cet article 1er , tout comme l'ensemble de la proposition d'ailleurs, ne manquera pas de pénaliser la capacité des entreprises, sans pour autant favoriser le développement des capacités de reconversion et de formation. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons sa suppression.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

La commission a examiné l'amendement no 1. Elle a estimé, à la majorité, que l'article 1er répondait pleinement à son objet. J'invite en conséquence l'Assemblée à rejeter cet amendement.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Le Gouvernement est, pour les mêmes raisons que la commission, défavorable à l'amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président.

Les amendements nos 2, 3, 4 et 5, présentés par Mme Catala, M. Delalande et M. Bourg-Broc, peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

A ccepteriez-vous, monsieur Bourg-Broc, de les défendre simultanément ?

M. Bruno Bourg-Broc.

Volontiers, monsieur le président.


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M. le président.

L'amendement no 2 est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Avant le dernier alinéa de l'article L.

321-13 du code du travail est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'employeur qui passe directement une convention avec une autre entreprise pour le reclassement du salarié dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, est dispensé de ce versement. »

« II. Les pertes de recettes sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 3 est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Avant le dernier alinéa de l'article L.

321-13 du code du travail est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'employeur qui a passé une convention pour le reclassement du salarié concerné avec des associations culturelles, sportives, sociales ou caritatives ou avec des collectivités territoriales dans des conditions de répartition des charges financières établies entre elles, est dispensé de ce versement. Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de ce reclassement. »

« II. Les pertes de recettes sont compensées, à concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 4 est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Avant le dernier alinéa de l'article L.

321-13 du code du travail sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« L'employeur qui a mis en oeuvre pour les salariés concernés un plan significatif de formation ou de reconversion dans les deux années qui ont précédé le licenciement est dispensé de ce versement.

« Un décret en Conseil d'Etat précisera le modalités d'application de cet article. »

« II. Les pertes de recettes sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 5 est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Avant le dernier alinéa de l'article L.

321-13 du code du travail est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'employeur dont le salarié concerné est recruté en application de l'article 66 de la loi quinquennale no 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle est dispensé de ce versement. »

« II. Les pertes de recettes sont compensées, à concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Ces quatre amendements visent à préciser l'article L.

321-13 du code du travail.

L'amendement no 2 concerne les entreprises qui sont confrontées à des salariés âgés qui n'arrivent plus à sui vre les évolutions technologiques. Contrairement à ce qu'a soutenu M. Le Garrec, cette situation ne constitue pas toujours un alibi au licenciement.

Plutôt que d'opter pour le licenciement, il serait certainement utile, dans un certain nombre de cas, de préserver le capital humain et professionnel en reclassant les salariés concernés dans une entreprise sur un poste mieux adapté. Ce mécanisme aurait pour conséquence de favoriser la création de réseaux d'entreprises.

L'amendement no 3, qui a été adopté par la commission, répond au souci de privilégier la démarche du reclassement du salarié par rapport au licenciement. Pour ce faire, il convient de faciliter la signature de conventions entre les entreprises et le secteur associatif ou les collectivités locales.

Chaque fois que nous parlons des associations, nous soulignons qu'elles sont créatrices d'emplois. Quant aux collectivités locales, elles offrent également des possibilités de reconversion.

L'amendement no 4 vise à favoriser la réorientation des salariés âgés vers un autre poste de travail ou une autre q ualification. Pour permettre cette réorientation, il conviendrait de dispenser du paiement de la contribution les entreprises qui ont consenti un réel effort de formation.

Quant à l'amendement no 5, il est cohérent avec l'article 66 de la loi quinquennale, qui visait à faciliter l'insertion des salariés ayant acquis une compétence professionnelle dans l'enseignement technologique et professionnel. Pour permettre plus facilement à des salariés de plus de cinquante ans de faire bénéficier de leur expérience les établissements d'enseignement, nous proposons de dispenser de la contribution les entreprises qui permettraient une telle reconversion.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les quatre amendements ?

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

La commission a estimé, après vérification, que le code du travail répondait déjà à la nécessité que traduit l'amendement no 2. Elle n'a donc pas retenu cet amendement.

Quant à l'amendement no 3, M. Bourg-Broc nous a dit que la commission l'avait adopté. En fait, elle l'a accepté sous réserve de vérifications dans le code du travail. Elle s'est également demandé si cet amendement ne produirait pas d'effet pervers.

Après examen, nous invitons l'Assemblée à ne pas l'adopter, car il nous ferait mettre le doigt dans un engrenage de dérogations mutiples. Or nous ne souhaitons pas nous engager dans cette voie.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le rapporteur, de quels « effets pervers » parlez-vous ?

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Je suis persuadé que, si l'amendement no 3 était adopté, nous verrions se constituer une multitude d'associations qui voudraient profiter de la disposition. Or je trouve qu'il y en a déjà beaucoup et je ne souhaite pas qu'il y en ait plus. Il me paraît donc préférable que nous en restions là.

Les amendements nos 4 et 5 tendent à exempter de la taxes les entreprises qui feraient un effort de formation.

Cela n'est pas possible.

Je rappelle qu'assurer la formation des salariés est pour les entreprises un devoir. On ne va tout de même pas leur dire : « Faites un petit effort de formation, et on vous détaxera ! » Autant supprimer l'article 1er car alors le texte n'aurait plus de raisons d'être !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

En ce qui concerne l'amendement no 2, j'ajouterai aux propos de M. le rapporteur


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que la loi actuelle prévoit déjà le remboursement du versement de l'entreprise si le salarié concerné trouve un emploi sous contrat à durée indéterminée dans les trois mois. De plus, l'amendement, ne prévoyant pas d'obligation de résultats, n'entre pas dans la logique du Gouvernement, qui souhaite rendre le dispositif plus incitatif.

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement no 3. Je partage la crainte du rapporteur de voir apparaître des contrats à durée déterminée très courts, qui constitueraient un détournement du dispositif.

Le Gouvernement est aussi défavorable à l'amendement no 4 car son objectif est de rendre, je le répète, le dispositif plus incitatif.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Kert, ont rappelé l'effort de formation des entreprises. Mais je rappellerai, après M. Gremetz, que cette formation est, pour tout chef d'entreprise, une obligation. Il ne s'agit que d'une obligation de financement, mais nous savons très bien que l'intérêt économique de l'entreprise est, comme celui des salariés, de faire en sorte que les ressources humaines soient constamment ouvertes à l'insertion professionnelle.

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement no 5. Bien sûr, si les salariés de plus de cinquante ans ont une compétence à mettre au service des jeunes au travers d'un poste d'enseignant associé, nous ne pourrons que nous en féliciter. Mais cela n'entre pas dans l'exigence qui est la nôtre de rendre le dispositif plus dissuasif.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement n'est pas adopté.)

Articles 2 et 3

M. le président.

« Art. 2. - L'avant-dernier alinéa de l'article L.

321-13 du code du travail est ainsi rédigé :

« Cette cotisation n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie des allocations spéciales prévues par le 2o de l'article L.

322-4. »

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

« Art.

3. - Les dispositions des articles 1er et 2 sont applicables pour toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999. »

(Adopté.)

Titre

M. le président.

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, son titre est ainsi rédigé :

« Proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans ».

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi à quinze heures, deuxième séance publique : Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1192, relatif à l'emploi des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction : M. Daniel Marcovitch, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1217) ; M. Jacques Guyard, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (avis no 1242) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1186, relatif à l'organisation de certains services au transport aérien : M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1216) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 825, portant diverses mesures relatives à la sécurité routière : M. René Dosière, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1153).

Vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

DÉCISION DU BUREAU DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (Réunion du jeudi 3 décembre 1998) Le bureau de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, saisi par le Gouvernement, en application de l'article 92, alinéa 2, du règlement de l'Assemblée nationale, de la recevabilité de la proposition de loi de M. Alain Belviso et plusieurs de ses collègues tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans (no 1236), après avoir entendu M. Maxime Gremetz, rapporteur et signataire de cette proposition ;


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constatant, en premier lieu, que l'article 1er de cette proposition de loi vise à ne plus exiger de condition d'âge pour l'ouverture du droit à une pension de retraite à taux plein pour les salariés ayant cotisé durant quarante ans au moins ; rappelant que le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision no 60-11 DC du 20 janvier 1961, que les charges des régimes obligatoires de base de sécurité sociale sont des charges publiques ; rappelant également que, selon une jurisprudence constante et confirmée par le Conseil constitutionnel, la création d'une charge publique entraîne l'irrecevabilité de l'initiative parlementaire qui la propose, nonobstant les ressources de compensation qu'apporterait par ailleurs cette initiative ; constatant ensuite que les articles 2 à 4 de cette proposition de loi tendent à supprimer la condition d'âge en vigueur pour le bénéfice, avec quarante annuités de cotisations, de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE), à pérenniser ce dispositif et à instaurer une participation de l'Etat à son financement, qui est actuellement assuré par le fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi, c'est-à-dire par le régime d'assurance chômage (UNEDIC), en l'absence de personnalité juridique de ce fonds ; rappelant qu'il a estimé, dans sa décision du 15 janvier 1997 sur la recevabilité de la proposition de loi de M. Michel Berson et plusieurs de ses collègues relative aux chômeurs âgés de moi ns de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse (Xe législature, no 2955, 2e rectifié), que le régime d'assurance chômage, par la nature de son financement, comme par celle des prestations qu'il verse, constitue un régime de protection sociale obligatoire entrant dans le champ d'application de l'article 40 de la Constitution ; rappelant par ailleurs qu'il n'y a pas lieu d'invoquer la gestion paritaire, conventionnelle et privée de ce régime pour justifier de la recevabilité d'une initiative du législateur qui ne tend pas à ratifier un accord des partenaires sociaux ; estimant, en outre, que l'assurance chômage bénéficie actuellement d'une garantie financière de l'Etat, compte tenu des engagements pris par celui-ci dans le cadre de la convention du 13 octobre 1993 et des avenants qui y ont été apportés ; constatant enfin que l'article 9 de la proposition de loi crée une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts pour l'affecter à la couverture de l a participation de l'Etat au financement de l'ARPE ; rappelant que l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959, dont les dispositions sont, en vertu de l'article 92, alinéa 5, du règlement de l'Assemblée nationale, opposables dans les mêmes conditions que l'article 40 de la Constitution, prévoit, en son article 18, que l'affectation d'une recette au sein du budget de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances et d'initiative gouvernementale, décide, en conséquence, d'opposer l'article 40 de la Constitution aux articles 1er , 2, 3, 4 et 9 de la proposition de loi de M. Alain Belviso et plusieurs de ses collègues tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans (no 1236).