page 10352page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Participation des employeurs à l'effort de construction. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 10353).

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

M. Daniel Marcovitch, rapporteur de la commission de la production.

M. Jacques Guyard, rapporteur pour avis de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10357)

MM. Georges Hage, Robert Pandraud, Jean-Marie Morisset, Georges Sarre, François Goulard, le président, Philippe Decaudin, Alain Cacheux.

M. le secrétaire d'Etat.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10367)

Articles 1er à 4. - Adoption (p. 10367)

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10368)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

2. Organisation de certains services au transport aérien. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 10368).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur de la commission de la production.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10371)

MM. Alain Ferry, Dominique Bussereau, Mme Martine Lignières-Cassou,

MM. Jean Marsaudon, Gilbert Biessy, Robert Pandraud.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10377)

Article 1er (p. 10377)

Amendements nos 4 de M. Deprez, 2 de M. Proriol et 1 de M. Delnatte : MM. Dominique Bussereau, Patrick Deln atte, le rapporteur, le ministre, Robert Pandraud.

- Rejet.

Adoption de l'article 1er

Article 2 (p. 10378)

Après l'article 2 (p. 10378)

Amendement no 3 de M. Proriol : MM. Dominique Bussereau, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10379)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 10379)

3. Mesures relatives à la sécurité routière. Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 10379).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10384)

MM. Dominique Bussereau, Jean-Pierre Baeumler.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance.

(p. 10390).


page précédente page 10353page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 PARTICIPATION DES EMPLOYEURS À L'EFFORT DE CONSTRUCTION Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'emploi des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction (nos 1192, 1217).

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la discussion du projet de budget du logement pour 1999 m'a déjà donné l'occasion d'évoquer devant votre assemblée les grandes lignes du projet de loi aujourd'hui soumis à votre examen, et surtout de décrire longuement le contexte et les orientations générales de la politique du logement dans lesquelles ce texte s'inscrit. Cela me permettra de me limiter à un rappel succinct de ces éléments de contexte pour mieux approfondir le contenu du projet de loi, au demeurant bref, et bien sûr les perspectives immédiates qu'il va ouvrir. Très brièvement donc, quels sont les grands objectifs guidant notre action ? En premier lieu, il nous faut développer une offre de logements diversifiée et accessible. Cette offre repose sur trois piliers qui sont le parc locatif public, le parc locatif privé et l'accession à la propriété.

En second lieu, nous devons privilégier les mesures pérennes et les réformes s'inscrivant dans la durée. Les acteurs du logement ont besoin de règles stables pour engager des projets, ce que ne permettent pas les mesures conjoncturelles, quelle que puisse être leur efficacité par ailleurs.

Enfin, nos outils et nos démarches, pour être efficaces, doivent prendre en compte les évolutions fortes de la société, notamment la mobilité et parfois l'instabilité qui m arquent les parcours professionnels, mais aussi la composition des familles. Les choses bougent plus vite aujourd'hui, surtout chez les jeunes, et les conditions de l ogement doivent s'adapter. Les ménages les plus modestes sont évidemment les plus sensibles à ces changements et certains peuvent rapidement glisser dans la précarité si des protections efficaces ne sont pas mises en place. Notre société a donc aujourd'hui besoin, en matière de logement, non seulement d'une offre diversifiée, mais aussi de mécanismes de garantie et de sécurité.

En adoptant en première lecture le projet de loi de finances pour 1999, messieurs les députés, vous avez approuvé, en particulier, deux réformes importantes qui vont dans le sens de cette politique globale, sociale et pérenne : le statut du bailleur privé - article 68 de la loi de finances - créant un parc locatif conventionné à vocation sociale et intermédiaire ; le financement de l'accession sociale à la propriété par le prêt à taux zéro, ré intégré dans le budget de l'Etat, 110 000 prêts étant prévus en 1999. Ces deux dispositifs entreront en vigueur dès le début de l'année 1999. C'était un impératif puisque les mécanismes antérieurs n'étaient établis dans leur financement que jusqu'au 31 décembre 1998. Il reste à les compléter en matière de sécurisation et c'est là l'objet du projet de loi que nous vous soumettons aujourd'hui.

Ce texte est, de plus, porteur d'une nouvelle ambition pour le 1 % logement, puisqu'il instaure une diversification de l'emploi des fonds et une modernisation de leur gestion. C'est l'aboutissement d'un processus engagé il y a un an ayant pour objet de refonder la légitimité et par là même l'avenir du 1 % logement. Il faut savoir en particulier que le prélèvement de deux fois 7 milliards de francs sur les ressources du 1 % logement, pour financer le prêt à taux zéro, ne pouvait être durablement reconduit sans remettre en cause l'existence même du 1 % logement. C'était en particulier la conviction des partenaires sociaux unanimes, dont vous vous êtes fait - je m'adresse tout spécialement à MM. les rapporteurs - très efficacement les relais, l'écho, les porteurs, jusqu'à l'aboutissement.

Compte tenu de l'importance des enjeux, le Gouvernement a choisi une démarche fondée à la fois sur la réflexion et sur le dialogue avec l'ensemble des partenaires concernés. C'est d'abord le Conseil économique et social, saisi par le Premier ministre, qui, dans son avis du 25 mars, réaffirmait la légitimité du 1 % logement et son utilité économique et sociale dans une société en mutation. Mais cet avis insistait également sur la necessité d'adapter les objectifs du 1 % logement pour prendre en compte les besoins nouveaux des salariés et ceux des populations en difficulté ou en situation d'exclusion et également sur la nécessité d'une contractualisation réelle entre les partenaires sociaux et l'Etat.

C'est sur ces bases que nous avons engagé les discussions avec les partenaires sociaux du 1 % logement.

Ces discussions ont permis d'aboutir, le 3 août dernier, à la conclusion d'une convention quinquennale, dont vous avez connaissance, entre l'Etat et l'Union d'économie sociale du logement rénovant les emplois du 1 % logement et modernisant ses structures. Conclue pour la période 1999-2003 et s'imposant à tous les associés collecteurs de l'UESL, la convention s'articule autour de trois axes essentiels.

Tout d'abord, un engagement clair de l'Etat, qui garantit les moyens des collecteurs du 1 % logement en maintenant le taux de la collecte à 0,45 % des salaires sur toute la durée de la convention et en programmant l'extinction progressive de la contribution au budget du logement qui sera nulle en 2003.


page précédente page 10354page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

En second lieu, la modernisation des structures du 1 % logement sera poursuivie, d'une part, par le renforcement de la gestion paritaire et la transformation des CIL en unions d'économie sociale, d'autre part, par une amélioration de l'efficacité et de la productivité.

Enfin, l'efficacité des emplois du 1 % logement sera renforcée par la réaffirmation du soutien au secteur locatif social, le maintien des prêts aux salariés et le développement de nouvelles formes d'intervention, pour favoriser notamment l'accompagnement du parcours résidentiel des salariés et la prévention des impayés d'annuités ou de loyers, avec la mise en place de dispositifs de sécurisation des accédants à la propriété et des locataires. C'est là l'i nnovation majeure. C'est cette réforme des emplois du 1 % logement que concrétise le présent projet de loi.

Quels sont précisément les dispositifs de sécurisation pour les accédants à la propriété et les locataires ? Pour l'accession sociale à la propriété, le mécanisme prévu permettra d'aider temporairement les accédants qui subiraient une chute importante de leurs revenus. Ainsi, en cas de chômage, tous les emprunteurs ayant contracté un prêt d'accession sociale pourront bénéficier d'un report gratuit, en fin de prêt, de la moitié de leurs mensualités pendant un an.

Ce dispositif de sécurisation universelle est complété par une aide supplémentaire pour les accédants salariés des entreprises assujetties au 1 % logement et dont les revenus sont inférieurs aux plafonds du prêt à taux zéro.

En cas de forte réduction de leurs ressources pour cause de chômage ou d'éclatement de la cellule familiale, ils se verront accorder une avance remboursable gratuite qui les aidera à rembourser leurs prêts. Ces dispositifs de sécurisation devraient concerner plus de 100 000 ménages qui souhaitent acquérir, dans le neuf et dans l'ancien, avec des revenus de l'ordre de deux fois le SMIC.

L'autre nouveauté en matière de sécurisation est l'utilisation des fonds du 1 % logement pour faciliter l'accès au logement locatif. Outre le financement de l'emménagement pour les salariés en mobilité professionnelle, la convention prévoit, pour les jeunes notamment, la prise en charge des cautions ou des dépôts de garantie demandés pour une location. Elle prévoit également que le 1 % logement apportera aux propriétaires une garantie contre les impayés de loyer et de charges. Cette garantie pourra représenter jusqu'à neuf mois de loyer et de charges pour une durée d'engagement de location de trois ans. Dans le parc locatif privé conventionné, le montant est porté à trois ans au lieu de neuf mois en contrepartie d'une réservation locative. Elle permettra, par voie de conséquence, d'éviter des procédures d'expulsion contre les locataires.

Nous pouvons créer ainsi des conditions pérennes et sécurisées tant d'accession à la propriété que d'accès au logement locatif. C'était notre objectif, c'était aussi manifestement celui des partenaires sociaux et des responsables du 1 % logement. Il faut maintenant le traduire dans sa forme législative. Tel est l'objet du texte court qui vous est soumis.

Dans son article 1er , le projet de loi concrétise les possibilités d'emplois nouveaux du 1 %, entérine ses interventions relatives aux emplois très sociaux et confirme la participation des collecteurs au financement des organismes agréés d'information du public sur le logement.

L'article 2 en tire les conséquences sur les missions et les compétences de l'Union d'économie sociale du logement.

L'article 3 adapte les règles financières de fonctionnement de cette dernière, avec la création notamment d'un fonds de soutien à l'accession à la propriété vis-à-vis du risque de chômage.

L'article 4 prévoit que les contrats de prêts devront indiquer que la garantie, en cas de chômage, est financée par des fonds du 1 % logement.

Ce texte a été présenté au Sénat le 12 novembre dernier et a été adopté par la Haute assemblée à l'unanimité , avec quelques ajustements en ayant amélioré la rédaction et la clarté. Je vous précise également que cette première traduction législative de la convention du 3 août ne couvre pas la totalité de la réforme du 1 % logement.

Nous souhaitons notamment pouvoir vous soumettre prochainement un texte relatif à la transformation des CIL - comités interprofessionnels du logement - en unions d'économie sociale et au renforcement du paritarisme.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Mais le projet qui vous est aujourd'hui soumis permettra de traduire dans les faits l'aspect le plus important, mais aussi le plus novateur, de la convention du 3 août 1998 que constitue donc la création des mécanismes adaptés de soutien pour l'accession sociale à la propriété et la location des personnes et familles les plus fragiles.

Une adoption conforme par votre assemblée permettrait de la rendre applicable dès le 1er janvier 1999. Nous aurions ainsi, collectivement, relevé le défi et répondu à l'attente de l'ensemble des partenaires sociaux et, plus encore, à celle de nos concitoyens candidats à l'accession à la propriété ou à l'accès à un logement locatif. Et, derrière cela, nous aurons apporté une pierre supplémentaire à la construction d'un droit au logement choisi tout en contribuant à soutenir l'activité, donc l'emploi, dans le bâtiment.

Je tiens à remercier vos commissions, vos rapporteurs qui ont travaillé ce texte et tous les collaborateurs qu'ils ont mobilisés pour vous permettre, dans un délai très bref, d'être à même de présenter à l'Assemblée nationale les conclusions que vous allez maintenant pouvoir développer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Daniel Marcovitch, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, mes chers collègues, ce serait peu dire que le projet de loi que je rapporte aujourd'hui devant vous était attendu avec impatience et fait l'objet d'une rare unanimité. Le fait que tous les intervenants apportent leur soutien à ce texte - les professionnels du logement, les représentants des propriétaires, les collecteurs et les gestionnaires des fonds du 1 %, mais aussi, fait assez rare pour être souligné, l'ensemble des partenaires sociaux et des partis politiques - tient certainement à son objet. Il s'agit de la traduction législative de l'accord entre l'Etat et l'UESL sur les nouveaux emplois des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction qui offriront désormais une sécurisation de l'accession sociale à la propriété et une aide pour l'accès au logement des ménages et notamment des jeunes.

L'histoire et les péripéties de la loi, dont je souhaite vous dire un mot avant de vous décrire les mesures concrètes qu'elle contient, expliquent sans doute cette


page précédente page 10355page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

unanimité. La participation des employeurs à l'effort de construction, plus connue sous l'appellation du 1 % logement, est un de ces acquis de l'après-guerre dont la France peut s'enorgueillir. Dans un pays soumis aux exigences de la reconstruction, la participation de ce qui, à l'époque, représentait 1 % de la masse salariale des entreprises de plus de dix salariés, au financement du logement social a permis de créer un « système d'aide interprofessionnel, paritaire et local » qui a su s'adapter aux évolutions du secteur du logement.

L'ensemble de ces évolutions résultent notamment des négociations entre l'Etat et les partenaires du 1 %, concrétisées par des conventions successives sur les personnes défavorisées en 1989, la relance de l'accession à la propriété en 1993 ou l'amélioration de l'efficacité de la collecte en 1996. Ainsi, tout au long de ces années, le 1 % logement est devenu un acteur à part entière de la politique nationale du logement, notamment dans sa participation à l'effort de solidarité pour les plus démunis.

Cette évolution s'est néanmoins accompagnée, notamment à partir de 1993, d'une ponction de plus en plus importante au profit du budget de l'Etat. L'ampleur atteinte par ces prélèvements en 1996 et 1997, soit 14 milliards, sans qu'aucune compensation budgétaire n'ait été proposée, avait suscité de lourdes inquiétudes quant à l'avenir du système dans ce que l'on appelle « le monde du 1 % ». L'Union d'économie sociale du logement, organisme créé il y a deux ans et chargé de la gestion de la quasi-totalité des fonds collectés, avait vu ses inquiétudes relayées auprès du Gouvernement tant par les rapporteurs du Sénat que par ceux de l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998.

Le rapport élaboré par le Conseil économique et social en mars 1998 avait rendu un jugement tout aussi sévère affirmant que « le 1 % logement est une contribution détournée de son objectif initial : la construction de logements pour les salariés, menacée dans sa gestion paritaire par des interventions autoritaires des pouvoirs publics alors qu'un important effort d'assainissement de ses modes d'intervention a été engagé ».

Les conclusions de ce rapport, mais aussi les éléments contenus dans la « Note de réflexion sur le 1 % logement de l'an 2000 » publiée par l'UESL en 1997, ont permis qu'une réflexion en profondeur soit engagée. Elle a débouché sur la signature d'une convention entre l'Etat et l'Union d'économie sociale du logement le 3 août dernier dont le préambule expose les objectifs principaux : clarifier les relations entre les partenaires, en restituant progressivement la contribution financière de l'UESL à la politique nationale du logement et en développant de nouveaux emplois ; poursuivre la modernisation du fonctionnement interne du réseau des collecteurs par un renforcement du paritarisme, une rénovation des structures et une amélioration de la productivité. Cette convention couvre la période 1999-2003. Ainsi que je l'ai souligné en commission, outre qu'il s'agit d'une mesure de portée symbolique incontestable car elle marque la fin d'une période, elle offre surtout aux collecteurs du 1 % une lisibilité et une garantie des sommes disponibles sur plusieurs années.

L'ensemble de cette convention fait l'objet de dispositions législatives successives. La restitution progressive de la contribution financière de l'UESL a été votée le mois dernier lors de la première lecture de l'article 39 du projet de loi de finances pour 1999. Le renforcement du paritarisme et la rénovation des structures, mesures très attendues par les partenaires sociaux, feront l'objet de prochaines dispositions législatives, dont je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous précisiez le calendrier.

Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui constitue donc le coeur du dispositif. Il souligne la double volonté des pouvoirs publics de voir, d'une part, les interventions du 1 % logement modernisées et ses relations avec l'Etat clarifiées, d'autre part, la mise en place d'un véritable mécanisme de sécurisation de l'accession sociale à la propriété.

Avant d'aborder les nouveaux emplois du 1 % logement, je souhaiterais revenir, monsieur le secrétaire d'Etat, et je sais que je suis suivi dans cette démarche par la plupart de mes collègues, sur le financement du logement locatif social. Sur ce point, un constat s'impose, celui de l'extrême difficulté que rencontrent aujourd'hui les organismes constructeurs pour « boucler » des programmes de logements sociaux avec des loyers de sortie abordables. La plupart des logements sociaux neufs, pour être loués, nécessitent le recours de plus en plus important et fréquent aux aides à la personne. Il s'agit d'une logique coûteuse pour le budget de l'Etat dont il faudrait aujourd'hui sortir.

Certes, le recentrage des interventions du 1 % logement sur ses missions traditionnelles, qui se traduit notamment par l'objectif que s'est donné l'UESL dans la convention du 3 août de mobiliser près de 4,5 milliards en faveur du logement locatif social, apporte un début de réponse à ces difficultés. Mais en constitue-t-il une solution ? Au regard des conditions dans lesquelles sont offerts les prêts pour le logement locatif social, prêts à 2 % sur douze ans ou quinze ans, par rapport aux conditions proposées par la Caisse des dépôts et consignations pour les PLA, la réponse est clairement non.

Par le retour progressif des fonds à l'UESL et grâce, au travers de la convention, à une garantie des fonds sur cinq ans, le 1 % logement offre désormais une capacité financière solide avec, depuis 1996, des retours de prêts dont le montant total dépasse celui des fonds collectés auprès des entreprises. Cette capacité financière, aujourd'hui de 15 milliards et estimée en 2002 entre 16 et 18 milliards, doit être mise, par des adaptations de réglementation, au service de la construction de logements sociaux. Il s'agit là d'un enjeu qui nous tient tous à coeur et qui est partagé par l'ensemble des partenaires.

Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apportiez des réponses sur ce point.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. Daniel Marcovitch, rapporteur.

Revenons-en maintenant au projet de loi qui, à l'article 1er , élargit la liste des emplois réglementés du 1 % logement et donne ainsi une base légale aux dispositifs de soutien et de garantie mis en place par la convention du 3 août.

Ce texte traduit surtout le souci des pouvoirs publics de renforcer les mécanismes de protection de l'accession sociale à la propriété. Cette préoccupation anime la plupart des pays européens face aux transformations de l'environnement socio-économique qui se traduisent par le regain de la précarité. En effet, la montée du chômage, la mobilité accrue due à l'exigence croissante de flexibilité des parcours professionnels, mais aussi la fragilisation des familles par la multiplication des divorces ou le développement du surendettement des ménages sont autant de problèmes qui mettent à mal des projets d'accession à la propriété s'inscrivant par nature dans un horizon de moyen terme et dans un cadre stable.


page précédente page 10356page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Les mesures proposées dans le projet de loi permettront à la France, selon l'Agence nationale d'information sur le logement, d'avoir un des dispositifs les plus complets de sécurisation. Ce dispositif repose sur deux m écanismes principaux, différant par leurs finalités comme par leurs conditions d'application.

Le premier volet est destiné à couvrir l'ensemble des accédants à la propriété ayant souscrit un prêt d'accession sociale. Les ménages exposés au chômage ont désormais la possibilité d'obtenir un report de leurs échéances de prêt PAS ou de prêt à taux zéro dans la limite de 50 % de leur montant pour une période n'excédant pas douze mois.

Le second volet est réservé aux accédants salariés d'entreprises cotisant au 1 % logement dont les revenus sont inférieurs aux plafonds de ressources d'éligibilité au prêt à taux zéro. Une aide, sous forme d'avance non rémunérée, est accordée aux personnes connaissant une forte réduction de ressources consécutive à une situation de chômage ou à un divorce, pour leur permettre de rembourser les mensualités d'un emprunt afférent à leur résidence principale.

A ce dispositif de sécurisation qui concerne aujourd'hui 240 000 familles, il faut ajouter une meilleure préparation en amont des projets grâce à l'action de conseil des agences départementales pour l'information sur le logement.

En outre, par le biais de la création d'un fonds

« sécurisation 1 % locatif » au sein du fonds d'intervention de l'UESL, le 1 % logement participe également à l'aide à l'emménagement par deux mécanismes de soutien : D'une part, le financement du dépôt de garantie pour les salariés des entreprises cotisant au 1 %, de même que pour tous les salariés en situation de mobilité professionnelle, mais surtout, et je vous en félicite car il s'agit d'un point auquel je suis particulièrement attaché, pour tous les jeunes de moins de trente ans qui se lancent dans la vie active ; D'autre part, une garantie de loyer et de charges locatives d'une durée maximale de neuf mois pour un engagement de trois ans. Cette garantie est portée à trois ans dans le parc locatif conventionné, sous réserve d'une réservation locative au profit du 1 %. Cette mesure complète astucieusement le dispositif prévu par l'article 68 de la prochaine loi de finances.

Afin d'être presque exhaustif, je n'oublie pas de mentionner les mesures pour l'accompagnement social des personnes éprouvant des difficultés à accéder à un logement, ainsi que le financement des associations d'information sur le logement, dont j'ai souligné le rôle éminent dans la préparation des projets d'acquisition et que je tiens à féliciter pour leur travail.

M. le président.

Il faut penser à conclure, monsieur le rapporteur.

M. Daniel Marcovitch, rapporteur.

Je m'y apprête, monsieur le président.

En ce qui concerne les articles 2 et 3, je rappelle qu'ils complètent le cadre légal entourant l'activité de l'UESL afin d'y mentionner sa nouvelle mission de financement de la sécurisation des accédants à la propriété et la cré ation d'un fonds spécifique, appelé « fonds de soutien », ayant une comptabilité propre. Pour être le plus précis possible, tout en essayant de ne pas perdre en clarté, je dois mentionner que ce fonds ne concernera que la garantie chômage.

Par rapport au texte du projet de loi initial, nos collègues sénateurs ont fort justement souhaité modifier l'ordre de présentation des missions dévolues à l'UESL dans l'article 2. La commission n'a pas souhaité revenir sur cette modification frappée au coin du bon sens.

De même, elle n'a pas voulu revenir sur l'article additionnel, l'article 4, qui rend obligatoire la mention sur les contrats de PAS pas du financement par le 1 % de la garantie chômage.

L'ensemble de ce dispositif, comme nous le faisait remarquer le président de la Société de gestion du fonds de garantie accession sociale, lors des auditions préalables, fera du PAS le prêt de référence de l'accession sociale, car il offrira des garanties visibles pour le particulier alors qu'actuellement ces garanties sont plutôt pour le prêteur.

Le texte de loi qui nous est soumis met donc en place un dispositif solide et équilibré qui répond à une véritable attente des professionnels, mais également des partenaires sociaux et de nos concitoyens qui, face à la montée de la précarité, exigent de plus en plus de garanties avant de s'engager. Ce dispositif de sécurisation est non seulement utile, il est nécessaire, voire indispensable.

Afin qu'il entre en vigueur dans les meilleurs délais et pour montrer notre soutien aux efforts entrepris par le G ouvernement et les partenaires sociaux, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter ce texte sans modification et, à l'instar de nos collègues sénateurs, de le voter à l'unanimité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jacques Guyard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 1 % logement a traversé ces dernières années une période un peu agitée, résultat d'une situation où il apparaissait à la fois comme un produit financier relativement obscur, remarquablement souple et, au final, parce qu'il demeurait l'aide à la pierre la plus claire du dispositif de construction de logements, comme un élément essentiel du financement de la construction et de l'accès au logement.

Mais, depuis quelques années, le 1 % était mis en cause, pour une part parce que le contexte économique dans lequel il fonctionnait l'avait rendu moins pertinent.

En effet, la très forte baisse des taux d'inflation que nous avons connue ces dernières années fait qu'aujourd'hui l'intervention du 1 % ne présente plus l'énorme intérêt qui était le sien au temps où le taux des prêts consentis était inférieur de sept, huit, voire neuf points à celui des prêts bancaires et même inférieur de plusieurs points à celui des prêts HLM.

Cela touche les trois fonctions traditionnelles du 1 %. D'abord, le taux de l'aide à l'accession pour les salariés du secteur privé, à savoir le complément de prêt financé par le 1 %, se rapproche de celui des prêts bancaires.

C'est peut-être encore plus nettement le cas, en second lieu, pour le complément au financement PLA apporté aux organismes HLM. Tant que l'intervention du 1 % était réalisée sous forme de subventions ou de prêts à taux faible alors que le PLA était à plus de 5 %, elle était intéressante. Aujourd'hui, ce sont de moins en moins des subventions, de moins en moins des prêts assortis de longs différés, et l'écart entre le prêt du 1 % et le prêt de la Caisse des dépôts est descendu à pratiquement 2 %.


page précédente page 10357page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Enfin, le 1/9 et le 9 % qui ont permis l'action dans le domaine du logement très social ont eux-mêmes souffert de l'évolution de ce secteur.

La dernière raison pour laquelle le 1 % a pu être contesté, c'est que, s'il était officiellement paritaire, il ne fonctionnait pas de manière effectivement paritaire.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. Jacques Guyard.

En réalité, les CIL étaient très peu contrôlés par les partenaires sociaux et on a pu noter qu'une part d'entre eux glissaient vers la prise de contrôle de sociétés anonymes d'HLM et pratiquaient des coûts de gestion excessifs. La mise en place de l'UESL a permis de clarifier la gestion de cet ensemble.

Le sommet de la mise en cause du 1 % a été atteint en 1995 avec la proposition de prêt à taux zéro de M. le ministre Périssol, proposition non budgétée et financée uniquement par un racket sur le produit du 1 % atteignant la moitié des sommes de collecte et de retour. Cet affaiblissement des moyens du 1 % était couvert en principe par une possibilité d'emprunt auprès du Crédit local de France, qui a été appelée à hauteur de 5 milliards de francs.

Que constatons-nous aujourd'hui ? D'abord, le prêt à taux zéro a été un succès malgré l'absence de sécurisation dans le dispositif mis en place par M. Périssol. Je salue donc, monsieur le secrétaire d'Etat, l'effort que vous avez consenti pour la sécurisation des prêts. Cette démarche essentielle est incontestablement la plus novatrice du texte et de la politique qui nous est proposée.

Deuxième constat : le prélèvement de plus de 14 milliards de francs opéré sur le 1 % a été « digéré » sans trop de difficulté par le monde des collecteurs, ce qui prouve qu'il y avait une marge de manoeuvre assez large.

Troisièmement, la capacité de prêt du CLF n'a pas toujours été utilisée pour maintenir les engagements traditionnels du 1 %, mais l'a parfois été pour accélérer les prises de contrôle d'organismes extérieurs. Je me suis même laissé dire que l'on avait vu des CIL acheter des cabinets d'agents immobiliers avec les prêts du CLF ! Je souhaite qu'un contrôle précis soit opéré. L'ANPEEC n'étant pas actuellement en mesure de l'exercer, un contrôle direct de l'Etat est indispensable.

En revanche, la relance de l'accession locale à faible coût pour l'Etat a été d'autant mieux réussie qu'avec la baisse de l'inflation le prêt à taux zéro coûte moins cher m aintenant. Le coût par logement est passé de 74 000 francs en 1995 à 50 000 francs en 1998, ce qui atteste l'ampleur de l'action menée par le Gouvernement pour lutter contre l'inflation.

Désormais, il faut clarifier le financement de la construction tout en maintenant la souplesse indispensable à son efficacité.

M. le président.

Monsieur Guyard...

M. Jacques Guyard, rapporteur pour avis.

Je termine, monsieur le président.

Le travail de clarification est déjà engagé. Je souhaite d'ailleurs qu'il s'étende à la Société de gestion du FGAS, qui va bénéficier de larges financements de l'Etat, des banques et du 1 % logement. Quelle est la masse des réserves constituées ? Comment sont-elles placées ? Comment sont utilisés les produits financiers ? Un contrôle accru est nécessaire.

Enfin, en sécurisant les accédants et les bailleurs sociaux, en particulier du secteur privé conventionné que vous mettez en place pour constituer enfin un ensemble cohérent d'offre de logements à des prix accessibles, vous a vez entrepris, monsieur le secrétaire d'Etat, une démarche majeure que toute l'Assemblée, je crois, ne peut que saluer.

Le 1 % était menacé. Grâce aux partenaires sociaux et grâce à vous-même, un nouveau régime se met en place, un régime équilibré et qui peut durer longtemps.

C'est pourquoi la commission des finances a adopté à l'unanimité votre projet de loi. Elle n'a proposé aucun amendement pour en permettre l'application le plus tôt possible. Elle salue le travail exemplaire de concertation qui a permis de sauver un élément décisif de notre système de financement de la construction.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Georges Hage.

M. Georges Hage.

Notre assemblée est saisie d'un projet de loi qui doit permettre la mise en oeuvre de la convention quinquennale signée le 3 août dernier entre l'Etat et les partenaires du « 1 % logement ».

Il y a encore quelques mois, il n'était pas certain que cette convention verrait le jour, et nous approuvons pleinement le choix du Premier ministre en faveur de la pérennité du système actuel contre la fiscalisation des ressources du 1 %. L'absorption dans le budget de l'Etat de la participation des employeurs au logement des salariés aurait abouti à priver des millions de familles en France d'un soutien important pour accéder au logement ; elle aurait de plus nui à l'emploi et à l'activité dans le bâtiment.

La convention du 3 août s'articule autour de trois objectifs : l'extinction sur quatre ans de la contribution du 1 % au budget de l'Etat ; la diversification des emplois des fonds du 1 %, qui fait l'objet du projet de loi ; la modernisation des structures des organismes collecteurs, qui fera l'objet d'une traduction législative ultérieure.

La participation du 1 % au budget de l'Etat reste élevée, avec une ponction de près de 16 milliards de francs sur cinq ans. Cependant, l'engagement d'éteindre les prélèvements de l'Etat constitue un bon principe, surtout s'il a pour corollaire un engagement correspondant de l'Etat en faveur du budget du logement.

Bien au-delà des sommes investies - 13 milliards de francs en 1996 - le 1 % logement joue véritablement un rôle de levier économique ; il stimule à la fois la construction et la rénovation de l'habitat : pour la même année, le coût des opérations qui ont bénéficié du 1 % à été de l'ordre de 37 milliards de francs. On connaît également son apport indispensable au montage des opérations financières en faveur du logement social.

A ce sujet, je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, si la participation du 1 % en faveur du logement HLM, qui devrait s'élever à 4,5 milliards de francs pendant cinq ans, viendra s'ajouter ou non aux dispositifs déjà existants ? Est-il possible d'envisager un emploi de ces fonds pour abaisser les taux des prêts contractés par les organismes HLM pour la construction sociale ? A côté de ces emplois traditionnels, la convention du 3 août propose d'élargir les activités sociales du 1 % en direction des accédants à la propriété et des locataires, qui pourront bénéficier, pour les uns, d'aides financières en


page précédente page 10358page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

cas de chômage ou de rupture familiale et, pour les autres, d'aides pour leur faciliter l'accès à un logement locatif ou le maintien dans le logement.

Ces orientations répondent à des besoins réels que les longs débats autour du projet de loi sur la lutte contre les exclusions, au sein d'une commission que j'ai eu l'honneur de présider, ont mis en lumière. Lorsque les difficultés surgissent, l'accès à un logement ou le maintien dans le logement constituent la protection la plus sûre pour reconquérir une situation stable, c'est-à-dire pour ne pas sombrer, sans rédemption, dans l'exclusion.

Souscrivant à la philosophie générale de ce texte relatif à la sécurisation des salariés, locataires ou accédants à la propriété, le groupe communiste votera pour le projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Monsieur le président, mes premières phrases seront pour vous. On croyait être habitué à des conditions de travail plutôt défectueuses avant l'interruption ou la fin d'une session. Mais, cette fois-ci, reconnaissez-le, nous battons des records ! J'étais de ceux qui, naïvement, croyaient encore que les conférences des présidents servaient à quelque chose. J'avais donc supposé, angéliquement, que la décision de celle qui avait inscrit la discussion de ce projet de loi hier soir allait être respectée, d'autant que le ministre des relations avec le Parlement nous avait confirmé cette décision deux jours plus tard et qu'elle avait été maintenue par la conférence du 8, c'est-à-dire d'avant-hier. Or nous avons appris hier soir que l'examen de ce projet avait été renvoyé à aujourd'hui, au profit d'une proposition de création d'une commission d'enquête qui semblait, au yeux de certains d'entre nous, plus urgente et plus importante qu'un débat sur les problèmes du logement.

M. François Goulard.

L'actualité commande !

M. Robert Pandraud.

J'en prends acte, monsieur le président, mais je vous saurais gré de rappeler à M. le président de l'Assemblée et à la conférence des présidents que nous sommes quelques-uns, ici, à ne pas être contents des conditions de travail qui nous sont imposées. Par égard pour la dignité de l'Assemblée, je ne ferai pas le décompte de nos collègues présents. Je me bornerai à reprendre une proposition que je fais depuis longtemps : on pourrait sans inconvénient diminuer de moitié l'effectif de toutes les assemblées électives, car il est très rare que plus de la moitié de leurs membres assistent aux séances.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi dont nous abordons aujourd'hui l'examen, vient compléter la convention signée le 3 août 1998 entre le Gouvernement et les partenaires sociaux du mouvement 1 %. Cette convention redéfinit entièrement le rôle du 1 % logement. Pour la première fois, les organismes chargés de sa gestion disposent d'une visibilité sur cinq ans. Pour la première fois, aussi, leurs missions sont rédéfinies dans un esprit d'adaptation à l'évolution des besoins des salariés et des entreprises.

Le 1 % logement est, bien sûr, renforcé dans son rôle de partenaire privilégié des bailleurs sociaux. La consolidation de ce partenariat résulte des financements et des garanties qu'il leur apporte. Ce partenariat se traduira par un montant d'investissements de l'ordre de 4,5 milliards de francs par an, pendant toute la durée de la convention.

En contrepartie de cet engagement financier, les bailleurs sociaux doivent, de leur côté, parvenir à diminuer les loyers d'équilibre, à mieux expliciter les engagements de réservation et à garantir un niveau acceptable d'entretien et d'habitabilité des logements.

Le 1 % logement est aussi confirmé dans ses missions d'accompagnement pour l'acquisition de logements neufs, à travers le prêt à taux zéro. Il l'est aussi pour les travaux d'amélioration, entrepris par les particuliers.

A ce titre, il convient de souligner, et je suis heureux de la faire, l'engagement pris par l'Etat. Cet engagement porte sur la réduction progressive des prélèvements opérés sur les ressources du 1 % logement. La dernière année de ce prélèvement est fixée à l'an 2002. Monsieur le secrétaire d'Etat, il importe, que cet engagement soit respecté par l'Etat ; je sais que vous y veillerez.

Le prélèvement est opéré depuis quatre ans. Il s'élève à près d'un milliard de francs par an et n'avait eu qu'une incidence limitée sur les investissements. Il n'a pas hypothéqué non plus le financement complémentaire du logement. Ainsi, les collecteurs du 1 % n'ont pas vu leurs objectifs remis en cause.

Cependant, les aménagements adoptés pour 1997 et 1998, par la convention de 1996, ont prévu le versement d'une contribution annuelle exceptionnelle. Evaluée à 7 milliards de francs par an, elle représente 50 % des ressources. Elle va alimenter un compte d'affectation spéciale, pour financer les prêts à taux zéro.

Malgré cette ponction importante, l'union d'économie sociale du logement s'est engagée à préserver la capacité d'investissement de ses associés collecteurs et elle a tenu son engagement. Pour y parvenir, elle a mobilisé la trésorerie de ses associés, et emprunté auprès du Crédit local. Malgré une légère baisse dans l'accession à la propriété, le montant des emplois dans le locatif a néanmoins pu être maintenu.

Nombreux sont ceux qui, à l'époque, n'avaient voulu voir que la contribution annuelle des 7 milliards de francs. On avait même entendu crier à la ruine du 1 % logement.

Mais la majorité de l'époque savait que le 1 % logement disposait de moyens suffisants pour promouvoir cette dynamique. Le tout a pu se faire sans obérer les capacités d'aide au logement des salariés et à la construction d'habitations à loyer modéré.

Les prélèvements exceptionnels opérés ne pouvaient cependant être maintenus. Ils risquaient de mettre en danger l'ensemble du dispositif.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous pouvons, dès lors, nous réjouir de la position très ferme, adoptée dès le début de l'année. Elle consistait à conserver la mission d'origine du 1 %, à savoir loger les salariés et poursuivre le financement du prêt à taux zéro.

A compter du 1er janvier prochain, le financement du prêt à taux zéro sera donc progressivement assumé par le budget de l'Etat.

Ce dernier s'est engagé, en outre, à maintenir le taux de la participation des employeurs. L'engagement pris consiste aussi à ne plus effectuer d'autre prélèvement que la contribution fixée par la loi de finances, pour toute la durée de la convention. C'est, à notre avis, l'engagement minimum.

La contribution du 1 % logement pour les quatre prochaines années, ne sera pas insignifiante : 6,4 milliards de francs en 1999, 5 milliards en 2000, encore 3,4 milliards en 2001 et, pour terminer, 1,8 milliard en 2002.


page précédente page 10359page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Au prix d'un petit effort budgétaire, l'Etat aurait très certainement pu réduire le nombre d'échéances. Une diminution substantielle du montant annuel des prélèvements aurait pu aussi se concevoir.

Quoi qu'il en soit, la convention signée, même si elle n'est pas parfaite, a le mérite de clarifier une situation devenue de plus en plus préoccupante. Aussi souhaitonsnous tous que l'engagement pris par l'Etat soit réellement tenu.

En effet, s'agissant du logement, l'utilité économique et sociale du 1 % n'est plus à démontrer. Cela est d'autant plus vrai que, depuis une dizaine d'années, notre pays connaît un déficit de production de logements, estimé à 50 000 logements par an. Pour 1998, selon les projections, les mises en chantier des logements PLA s'établiront au mieux à 30 000 logements. C'est plus qu'alarmant. Le problème reste donc entier dans le secteur locatif social, où persiste, toutes catégories confondues, une sous-consommation importante des crédits ouverts.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mon excellent collègue et ami Gilbert Meyer a plusieurs fois appelé votre attention sur ce problème, notamment lors de l'examen des crédits de votre ministère, le 4 novembre dernier. A la question d'actualité posée le même jour, vous lui avez répondu avoir essayé de prendre en compte, une à une, les difficultés mises en évidence par les organismes du logement social.

Vous avez introduit des mesures correctives et espérez en voir les effets positifs pour 1999. Nous l'espérons aussi, tout en restant très prudents et très anxieux. En effet, la relance des programmes supposait une réponse préalable aux raisons qui bloquent momentanément les chantiers publics. Or nous n'avons relevé aucune véritable stratégie dans ce sens.

Devant tant de difficultés, il était indispensable de trouver une solution pour pérenniser le système du 1 % logement. Ce système, il fallait aussi l'adapter aux contraintes et aux besoins nouveaux des bénéficiaires potentiels.

C'est justement cette diversification et cette modernisation des emplois du 1 % logement, qu'entérine le projet de loi dont nous allons débattre. Il s'agit, tout d'abord, d'aider et de sécuriser les accédants à la propriété.

L'enjeu du dispositif est particulièrement important.

L'année dernière, 65 820 prêts à l'accession sociale et 49 700 prêts à taux zéro ont été attribués. Toutes opérations confondues, cela représente environ 25,8 milliards de francs d'engagements financiers à garantir.

Les accédants salariés d'une entreprise assujettie au 1 % pourront, eux, se voir octroyer des avances remboursables sans intérêt. Ce traitement social doit être justifié par une forte réduction de ressources, ou par des raisons familiales ou de chômage.

Ces avances remboursables seront tirées sur un fonds de prévention.

Il s'agit, ensuite, de réduire les contraintes liées à la mobilité des salariés, en locatif comme en accession. A cet effet, ces salariés pourront obtenir des prêts destinés à financer des travaux de remise en état, d'entretien ou d'amélioration de leur résidence principale.

Il s'agit également de faciliter l'accès au logement locatif, en assurant le versement du dépôt de garantie.

Enfin, le dispositif garantit au bailleur le paiement du loyer et des charges.

On le voit, les missions du 1 % logement seront, par les dispositions du projet de loi, radicalement orientées vers la sécurisation des locataires et des accédants à la propriété.

Le 1 % logement a depuis longtemps une mission très sociale. Il consacre, en effet, depuis 1976, une part non négligeable de ses ressources en faveur des plus démunis.

Des missions nouvelles lui seront assignées dans le futur.

Elles viendront en complément des vocations sociales d'origine.

Le 1 % logement s'adresse également à un segment de la population intermédiaire. Il s'agit des foyers qui dépassent les plafonds de ressources d'accès au locatif aidé. Cette population, malgré le dépassement, ne dispose toutefois pas de revenus suffisants pour se loger dans le secteur privé.

En cela, le 1 % logement complète les dispositions de la loi du 19 février 1998, permettant aux organismes d'HLM d'intervenir sur le parc locatif privé.

Cette loi, prise à l'instigation de notre collègue Meyer, souffre, malheureusement, des anachronismes de son décret d'application : les loyers plafonds fixés sont trop faibles. Ils ne permettent pas l'équilibre des opérations de réhabilitation indispensables.

Sur ce sujet aussi Gilbert Meyer a déjà eu l'occasion de vous alerter, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous lui avez répondu que les loyers plafonds devaient être compatibles avec une occupation sociale du logement. Vous lui avez dit aussi qu'à moins de changer la loi, il n'était pas possible d'en fixer de plus élevés.

Certes, le groupe RPR partage votre avis sur la nécessaire compatibilité des loyers avec l'occupation sociale du logement. Tout en respectant cette règle, nous souhaiterions toutefois qu'un compromis soit trouvé, dans l'ajustement du plafond des loyers, afin que les réhabilitations soient réellement possibles.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agissait là d'une parenthèse. Elle s'imposait, dans la mesure où nous devons mobiliser tous nos moyens en faveur du logement. Nous souhaitons que vous débloquiez la situation.

J'en reviens au projet en discussion. Le texte auquel nous allons nous consacrer a été adopté au Sénat le 12 novembre dernier. Les modifications entreprises ne sont que des ajustements purement rédactionnels, destinés à clarifier la compréhension du texte.

Un tel consensus - fort rare - mérite d'être souligné. Il t raduit, au-delà des clivages politiques, la volonté commune de moderniser un outil pour l'adapter mieux encore à sa fonction.

En conclusion, on peut dire que le 1 % logement de l'an 2000 c'est plus de logements et de services, pour répondre aux besoins d'une population diversifiée, plus de souplesse pour s'adapter aux nouveaux modes de vie et plus de sécurité pour aider les salariés à faire face aux difficultés professionnelles. Le projet de loi répond à ces préoccupations.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous prolongez la politique contractuelle engagée par votre prédécesseur. Partant, vous poursuivez la modernisation des emplois du 1 % logement. Par conséquent, le groupe RPR se prononce en faveur du texte proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.


page précédente page 10360page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. Jean-Marie Morisset.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis sa mise en place en 1953, le 1 % logement a souvent été évoqué dans cet hémicycle. C'était le plus souvent pour réduire les possibilités d'intervention des collecteurs et transférer les diminutions décidées au fonds national d'aide au logement.

C'était parfois aussi pour demander aux collecteurs de verser une partie des contributions au fonds d'accession à la propriété : 1 milliard en 1995, près de 1 milliard en 1996 et un peu plus de 7 milliards en 1997 et 1998 correspondant à 50 % de la collecte reçue des entreprises et des retours sur prêts qui ont contribué, il est vrai, à la réussite du prêt à taux zéro - 410 000 prêts accordés depuis l'origine.

Monsieur Guyard, vous avez parlé de racket, je constate sans polémique que le hold-up continue puisque 16,6 milliards seront prélevés de 1999 à 2002 au profit du budget de l'Etat.

A chaque fois, et quels que soient les gouvernements en place, il s'agissait d'affaiblir les capacités d'investissement des collecteurs et de décider à la place des partenaires sociaux auxquels avait été confiée la gestion du 1 %. En 1996, la loi relative à la mise en place de l'Union d'économie sociale du logement a permis de bien restituer le 1 % logement dans ses missions, son organisation et son avenir. A l'époque, tous les partenaires étaient d'accord : ils reconnaissaient la nécessité d'améliorer le fonctionnement du 1 % logement et de maintenir la participation des employeurs à l'effort de construction dans le champ des aides à la pierre.

C'était d'ailleurs, chacun s'en rappelle, le titre de la convention signée en 1996 entre l'Etat et les partenaires.

Ces derniers avaient donné leur accord à la contribution exceptionnelle, à condition que soit défini un cadre des n ouveaux partage des responsabilités. Ils avaient, à l'époque, reconnu la nécessité d'entreprendre une réorganisation du dispositif pour répondre de façon pérenne aux attentes des salariés des entreprises. Les partenaires sociaux s'étaient donné deux ans de réflexion pour établir un diagnostic, recenser les besoins, définir les nouvelles priorités et - je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de cette démarche - inscrire ce dispositif dans la nouvelle politique du logement et dans la durée.

Aujourd'hui, nous avons donc à valider les premières propositions élaborées dans le cadre d'une concertation élargie. Il ne fait nul doute que la mise en place de l'UESL décidée dans cet hémicycle en 1996 a facilité la préparation de ces décisions.

Il faut en effet se rappeler que l'UESL avait pour objectif de conclure avec l'Etat des conventions définissant des politiques nationales d'emplois des fonds issus du 1 % et prenant en compte une bonne adaptation des ressources aux besoins locaux.

Cette union est devenue un organe représentatif, reconnu par l'Etat et capable de prendre des engagements pour le compte de l'ensemble des associés collecteurs. On peut, à ce jour, remercier les responsables de cette instance pour le travail préparatoire qui a donné lieu à la d iffusion de la note de réflexion publiée en décembre 1997.

Rassembler l'ensemble des collecteurs n'était pas une démarche facile. Promouvoir le rôle des partenaires sociaux, en renforçant le paritarisme pouvait apparaître contradictoire avec la volonté cachée mais permanente de Bercy de fiscaliser progressivement la collecte.

Les associés de l'UESL ont entrepris ces missions. Ils se sont montrés plus rigoureux dans la gestion et plus solidaires dans l'action et le travail effectué depuis deux ans permet désormais de stabiliser les relations entre les associés de l'UESL et l'Etat sur des objectifs clarifiés.

Il faut reconnaître que le plaidoyer du Conseil économique et social sur l'utilité économique du 1 % logement et son avis du mois de mars dernier ont aidé largement les partenaires sociaux à finaliser la convention du mois d'août.

Deux orientations très claires ressortent des travaux du CES. Le 1 % est désormais considéré comme une participation des entreprises et des salariés et non plus comme une des variables d'ajustement du budget de l'Etat. C'est ainsi donner raison à votre ministère et donner tort à Bercy, et nous ne pouvons qu'en être d'accord.

M. François Goulard.

Très bien !

M. Jean-Marie Morisset.

Par ailleurs, le 1 % doit être modernisé. Améliorer le fonctionnement du 1 % était devenu nécessaire. J'ai eu l'occasion de le rappeler en 1996, comme rapporteur du projet de loi sur l'UESL.

Le dispositif s'était écarté progressivement des partenaires sociaux. Il fallait donc leur redonner toute leur place et leur légitimité. En effet, la légitimité appartient à ceux qui paient ou à leurs représentants. Elle appartient également à ceux pour lesquels le 1 % a été institué, c'est-à-dire les salariés. Pour répondre à leurs besoins, le 1 % doit tenir compte des enjeux économiques et sociaux actuels.

Le diagnostic effectué par les collecteurs de l'UESL le démontre à l'évidence, vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat : le cadre économique et financier a été modifié ; l'Etat a recentré les aides publiques en faveur des plus défavorisés ; les bailleurs sociaux sont conduits à accueillir des ménages de plus en plus fragiles et, sans soutien particulier, ils pourront difficilement continuer à concilier un objectif social avec celui d'une saine gestion ; la perspective de stabilité monétaire tend à banaliser l'offre de prêt actuel de 1 % ; la demande des ménages a évolué et certaines catégories rencontrent des difficultés pour se loger, compte tenu des plafonds réglementaires ; l'environnement social est de plus en plus fragilisé et instable.

Chacun le sait, la personne qui souhaite se loger doit présenter des garanties de stabilité d'emploi, familiales et financières. Or les événements quotidiens sont nombreux - mobilité, chômage, reconversion, divorce - qui fragilisent les situations.

La Convention du 3 août dernier a donc validé les priorités définies par les partenaires sociaux et nous devons donner aujourd'hui une base législative aux premières dispositions proposées.

La première priorité est clairement affichée, à savoir participer au développement du secteur locatif social.

Nous ne pouvons, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'être d'accord avec cet objectif car c'est reconnaître la mission première pour laquelle le 1 % a été institué. Le 1 % ne peut en effet accepter de perdre sa raison d'être qui est de loger les salariés des entreprises. Chacun le sait, son rôle dans ce domaine est irremplaçable en raison de sa souplesse d'utilisation et de son impact au maintien de l'emploi dans le bâtiment. Je crois qu'il est bon de rappe-


page précédente page 10361page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

ler quelques chiffres : 35 milliards de francs d'opérations réalisées avec le concours du 1 %, c'est 85 000 emplois directs ou indirects dans le bâtiment et les industries qui s'y rattachent.

Nous pouvons toutefois regretter, monsieur le secrétaire d'Etat, que la capacité d'investissement du 1 % dans ce secteur soit amputée de plus de 16 milliards au cours des quatre prochaines années. Certes, l'Etat s'est engagé à renoncer progressivement aux prélèvements opérés sur le 1 % et à maintenir le taux de la participation à 0,45 % des salaires, mais cet engagement n'est pas inscrit dans le bronze après 2003. Par ailleurs, il ne faudrait pas que, jusqu'à cette date, d'autres conventions viennent modifier les règles du jeu. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous pouvons compter sur votre vigilance. Formulons le souhait que vos successeurs et Bercy se rappellent l'engagement pris.

Le 1 % logement va donc pouvoir continuer d'assurer le financement de la construction. Mais il ne faut pas que ce soit au prix d'une trop grande complexité et d'une perte de lisibilité.

Souvent, vous le savez, le 1 % complète le financement des programmes de PLA traditionnels ou de PLA à loyer modéré ou d'insertion. Or, le logement social est en panne. Un peu plus de 50 000 logements sociaux seront construits en 1998 sur les 80 000 programmés au budget.

Sur ce point particulier, comment expliquer que des dossiers bouclés financièrement au mois de juillet avec un complément de 1 % n'aient toujours pas reçu l'agrément de vos services en novembre ? La complexité des procédures d'instruction et la lenteur des agréments va donc entraîner une non-mobilisation des ressources du 1 % qui avaient été réservées, et on peut le regretter.

Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour donner un nouvel élan au secteur locatif social afin que le 1 % soit intégralement investi dans ce secteur prioritaire.

Les innovations majeures du projet de loi concrétisent en fait le deuxième défi annoncé dans la convention au mois d'août dernier, à savoir adapter des emplois du fonds et les diversifier en fonction de l'évolution de la demande et des besoins des salariés. Je ne les reprendrai pas point par point, d'autant que les dispositifs prévus seront détaillés dans des conventions complémentaires qui doivent définir les modalités concrètes de mise en oeuvre.

Ces propositions de redéploiement des emplois s'appuient sur des constats de terrain et nous ne pouvons que les partager, notamment parce qu'elles répondent à de véritables besoins.

Il reste toutefois à clarifier les conditions d'éligibilité aux différents fonds et à préciser les modalités de prise en charge. Ce qui explique les conventions complémentaires.

Nous pourrions, il est vrai, montrer quelques réticences, dans la mesure où les conditions d'application du dispositif ne sont pas présentées dans le détail.

Mais sur ce point, nous devons rester cohérents. Nous ne pouvons pas en effet rappeler en permanence qu'il convient de redonner la légitimité aux partenaires sociaux et leur laisser les décisions dans la gestion du 1 % logement et les obliger ensuite à travailler dans un cadre législatif ou réglementaire trop contraignant.

La mise en place de l'UESL était basée sur la confiance donnée par les pouvoirs publics à cette nouvelle structure.

Nul doute que celle-ci aura à coeur, dans les conventions qui doivent décrire les modalités de mise en oeuvre, de répondre aux objectifs qui sont retenus dans ce projet de loi.

Nous formulons naturellement le souhait, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'Etat ne prenne pas pour habitude de faire accompagner, par le 1 % et par les différents fonds mis en place, et sans discussion avec les partenaires, d'autres besoins qui pourraient se présenter. Cependant je sais que telle n'est pas votre intention.

Je ne voudrais pas conclure sans rappeler l'objectif de poursuivre la modernisation des structures du 1 %, non pour centraliser la collecte, comme certains ont pu le craindre, avec la mise en place de l'union d'économie sociale pour le logement, mais pour développer et renforcer la gestion paritaire par la mise en place de comités paritaires des emplois et par la transformation des CIL en unions d'économie sociale ainsi que pour améliorer l'efficacité et la productivité du dispositif de collecte en favorisant les regroupements des associés collecteurs et en réduisant les frais de gestion.

M. le président.

Monsieur Morisset, il vous faut conclure !

M. Jean-Marie Morisset.

Je termine, monsieur le président.

Sur ce point l'UESL s'est donné un objectif à atteindre en fin de convention : réduire la valeur du ratio de référence coût de fonctionnement sur immobilisations financières qui sera de 1,35 % en 1999 à 1,15 %. Il était de 1,81 % en 1993.

Il serait bon également, monsieur le secrétaire d'Etat, de repositionner le rôle de l'ANPEEC dans ses fonctions de contrôle et d'information. Cet établissement public industriel et commercial a été créé en 1987 avec pour mission essentielle de garantir le bon emploi des fonds du 1 % logement.

La multiplicité des fonds mis en place sur lesquels transitent ou vont transiter les sommes provenant du 1 % nécessite de la vigilance, car la dispersion peut aboutir à un risque de sous-emploi des fonds affectés.

Ces évolutions supposent des aménagements législatifs et réglementaires. Nous aurons à en débattre avant la fin du premier trimestre de 1999 et je sais que vos services et l'Union d'économie sociale travaillent pour que cette échéance soit tenue.

Dès lors, tout aura été fait pour préparer le 1 % de l'an 2000 et pour qu'il reste un outil d'aménagement du territoire et d'accompagnement du développement économique et social.

Votre prédécesseur avait montré le chemin en 1996 en créant l'UESL. Vous confirmez l'orientation prise en tenant compte des propositions des partenaires sociaux, des représentants des collecteurs et des dirigeants de l'UESL. Dans la continuité de l'accord donné par le Sénat qui n'a modifié le projet de loi qu'à la marge, dans la continuité de la décision de la commission qui a proposé une adoption conforme, et compte tenu également du fait que ce texte met fin, au moins pour cinq ans, aux incertitudes graves qui pesaient sur l'avenir du 1 % logement, le groupe UDF approuve ce projet.

Cet accord, monsieur le secrétaire d'Etat, ne nous dispensera pas toutefois d'un devoir de vigilance, car les modalités de mise en oeuvre de ces nouvelles missions échappent totalement au contrôle du Parlement.

M. le président.

C'est bien votre conclusion, monsieur Morisset ?


page précédente page 10362page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. Jean-Marie Morisset.

Je termine, monsieur le président. C'est ma dernière phrase, mais je crois qu'elle est importante.

En effet, il y a toujours le risque que le poids des nouvelles missions du 1 % logement n'obère ses capacités d'intervention dans le bouclage du financement des programmes de construction de logements locatifs sociaux.

Or cette mission doit rester l'une des priorités du dispositif du 1 % logement.

M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le présent projet de loi recueille un large assentiment sur tous les bancs de cet hémicycle, au Sénat et chez les professionnels. La chose semble naturelle tant il est vrai que ce texte vient donner une base législative à une convention signée le 3 août dernier entre l'Etat et l'Union d'économie sociale pour le logement, convention qui répond assez bien aux deux objectifs fixés par le Conseil économique et social dans son avis du 25 mars dernier : pérenniser le système du 1 % logement et l'adapter aux nouveaux besoins des salariés et des publics en difficulté.

Tout est-il cependant pour le mieux dans le meilleur des mondes possible ? Je ne méconnais nullement les mérites de la convention et du présent projet, mais je voudrais, dans les cinq minutes qui me sont imparties, mettre l'accent sur les faiblesses et les incertitudes pesant encore sur la politique du logement dans notre pays.

L'article 3 de la convention signée le 3 août prévoit de mettre progressivement fin à la ponction opérée sur le 1 % logement. Si je me réjouis que soit ainsi programmée la fin d'un bricolage budgéraire imaginé par votre prédécesseur, je regrette que le retour à la normale soit si lent et je vous interroge : les crédits budgétaires en faveur de l'accession aidée augmenteront-ils à due proportion ? Plus largement, les circuits de financement du logement seront-ils développés dans les années qui viennent ? L'épargne administrée et les prêts spécifiques gérés par des institutions spécialisées peuvent-ils, selon vous, survivre au passage à l'euro ? L'on voit ainsi combien l'artifice budgétaire imaginé en 1996 recelait d'effets pervers. Il en est un, en particulier, sur lequel nous manquons de données ; je veux parler de l'impact sur l'effort de construction de logements locatifs sociaux du prélèvement opéré en 1997 et 1998 sur le fonds du 1 %. Dans son rapport, M. Marcovitch publie quelques chiffres pour 1997 : le solde général est fortement négatif et, en raison du versement au fonds d'accession à la propriété, l'effort en faveur du locatif social a été sérieusement amputé.

Mais qu'en est-il pour 1998 ? Plusieurs de nos collègues ont insisté avec raison sur l'intérêt qu'il y aurait à infléchir l'action du 1 % en faveur du logement social. La convention du 3 août dernier évoque la mobilisation de 4,5 milliards de francs en faveur du logement locatif social. C'est plus que la somme consacrée en 1997, mais moins qu'en 1996, et c'est, en fin de compte, insuffisant.

Cela pose deux questions : comment rendre ces crédits plus attractifs qu'ils ne le sont aujourd'hui pour les organismes constructeurs ; veut-on accroître de façon significative la part des fonds du 1 % consacrés au logement social ? Avec environ 25 %, je considère que cette proportion est tout à fait insuffisante.

Je tiens, avant de conclure, à me féliciter de l'élargissement des missions de l'UESL à la sécurisation des situations tant des accédants que des locataires. Mais rassureznous, monsieur le secrétaire d'Etat : les fonds du 1 %, encore amputés dans les quatre années qui viennent, seront-ils suffisants pour remplir à la fois leurs missions traditionnelles et les nouvelles ? Ce projet de loi et la convention qui l'a précédé constituent les premières étapes nécessaires vers la redéfinition d'une véritable politique du logement. Pouvez-vous nous indiquer si vous avez en tête de prochaines étapes ? En attendant, le groupe RCV, unanime...

M. François Goulard.

Pour une fois !

M. Georges Sarre.

... - un mot de trop ! - votera le texte présenté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens d'abord à m'associer aux critiques portées par notre collègue Robert Pandraud à l'encontre de l'organisation de nos travaux.

Cette nuit, j'ai été conduit à remplacer l'un de mes collègues inscrit dans la discussion du projet de loi relatif aux animaux dangereux. En cet instant, je pallie l'absence de Francis Delattre qui devait intervenir sur ce texte. Le bouleversement, en dernière minute, de l'ordre du jour est toujours désagréable, surtout lorsqu'il s'agit de nous faire délibérer sur une proposition qui a un lien très direct avec l'actualité. Je n'en dis pas plus.

La participation des employeurs à l'effort de construction est-elle légitime ? La question, au moins, l'est. Cette obligation légale faite aux entreprises de consacrer 0,45 % des rémunérations au logement s'inscrit, d'une certaine manière, dans une tradition paternaliste de l'entreprise, remontant à une époque où il était habituel de voir certaines grandes entreprises construire des cités à côté de leurs usines pour loger les ouvriers. Ce qualificatif de paternaliste n'est d'ailleurs pas à prendre en mauvaise part, puisque cet effort en faveur du logement des salariés représentait alors un incontestable progrès social.

Si cette contribution n'existait pas, faudrait-il l'inventer ? Je n'en suis pas persuadé. Sur un plan strictement économique, je ne suis pas certain, en effet, qu'il soit opportun d'avoir un prélèvement de plus sur les salaires, mais je reconnais qu'il s'agit d'un autre débat. Toujours est-il que cet effort en faveur du logement a résisté au temps, a résisté aux majorités successives et, surtout, a résisté aux appétits toujours aiguisés des budgétaires qui, dans une période récente, ont tenté - et partiellement réussi - de s'emparer de la manne.

Par ailleurs cette contribution apporte aussi - cela est extrêmement positif - un facteur de souplesse, de diversité dans la politique du logement. Je vais insister sur cet aspect.

Je pense, en effet, que notre politique publique du logement pèche par un excès d'uniformité dans les solutions qu'elle met en oeuvre. Elle obéit encore excessivement aujourd'hui, malgré les efforts accomplis, à des schémas trop uniformes. Elle est marquée par une grande rigidité législative et réglementaire et par la taille, géné ralement importante, des organismes qui en sont les acteurs. Dans cet ensemble, les interventions au titre du 1 % logement, tranchent à l'évidence par la diversité des solutions retenues, par la liberté de leur cadre légal et par la dispersion extrême des programmes de construction concernés.


page précédente page 10363page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

En outre, les décisions d'utilisation de ces fonds font l'objet d'une discussion à plusieurs niveaux entre partenaires sociaux. C'est aussi un avantage de la formule.

Ces considérations générales me conduisent à vous dire que ce projet de loi recueille l'assentiment circonstanciel, mais réel, du groupe Démocratie libérale.

Le projet de loi donne donc une base législative aux dispositions de la convention du 3 août dernier sur la modernisation du 1 % logement signée par l'UESL et le Gouvernement. Cette convention, adoptée à l'unanimité par les partenaires sociaux, a été inspirée par l'avis du Conseil économique et social rendu en mars 1998, lequel a réaffirmé la légitimité du 1 % et son utilité économique et sociale.

Je vous donne quelques chiffres pour vous permettre de mieux apprécier le rôle économique du 1 % logement.

En 1996, les entreprises ont versé 6,62 milliards de francs aux collecteurs du 1 % logement et, le montant de la collecte, pour 1997, est estimé à 6,78 milliards de francs. En 1996, le coût des opérations ayant bénéficié du 1 % a été de l'ordre de 37 milliards de francs. Cela illustre l'importance de la question. Il faut aussi savoir que, chaque année, 300 000 familles sont logées.

Il est cependant apparu nécessaire de donner au mécanisme plus de transparence, de renforcer le rôle des partenaires sociaux et la diversification des politiques d'emploi du 1 % logement. A cet égard, la convention comporte quatre axes majeurs.

Le premier est un engagement clair dans la durée - cinq ans - qui garantit les moyens des collecteurs du 1 % logement, puisque le taux de la collecte sera maintenu sur cette période.

Le deuxième repose sur une extinction progressive des prélèvements de l'Etat ; il faut s'en féliciter et je souhaite, comme les autres orateurs, que l'engagement de l'Etat soit tenu.

Le troisième axe est la poursuite de l'amélioration de l'organisation interne des organismes collecteurs et de leur efficacité pour mieux répondre aux nouvelles attentes des salariés en matière de logement, avec notamment le renforcement du paritarisme.

Enfin, il s'agit de l'adaptation profonde des emplois des fonds du 1 % logement à l'évolution des besoins des salariés et des entreprises et, plus précisément, d'une extension de ces emplois à la recherche d'une plus grande sécurité tant des accédants à la propriété que des locataires.

Cela constitue une innovation importante et l'objet du présent projet de loi est de concrétiser cette réforme.

Nous avons, en effet, besoin, en matière de logement, non seulement d'une offre diversifiée, mais aussi de mécanismes de garantie et de sécurité plus forts qu'autrefois.

En raison d'une instabilité plus grande, qu'il s'agisse des parcours professionnels et résidentiels, de la composition des familles, tous facteurs qui compromettent parfois les projets d'accession à la propriété, ce mécanisme de garantie est donc particulièrement souhaitable. Il devrait permettre de pallier temporairement les difficultés exceptionnelles des emprunteurs pour rembourser leurs prêts lorsqu'ils sont en situation de chômage. La méthode retenue est un report partiel de mensualités pour toute personne ayant contracté un prêt à l'accession sociale.

Par ailleurs, les emprunteurs salariés des entreprises cotisant au 1 % logement et ayant des revenus inférieurs au plafond du prêt à taux zéro pourront disposer, en cas de forte baisse de leurs revenus liée principalement au chômage, d'une avance remboursable gratuite. On estime que cent mille ménages par an pourraient être concernés par ce qu'on appelle la sécurisation universelle et soixante mille par la sécurisation spécifique aux salariés des entreprises assujetties au 1 %.

Dans le secteur locatif est créé un système de prise en charge sans frais de la caution locative et de garantie en cas d'impayés de loyers et de charges pour les bailleurs.

Le projet de loi prévoit également l'octroi d'aides aux travaux d'emménagement pour faciliter la mobilité professionnelle des salariés. C'est une excellente mesure.

En outre, le projet de loi, dans son article 2, adapte les missions de l'UESL, qui financera le mécanisme de soutien à l'accession sociale à la propriété, à travers la cons titution d'un fonds de soutien.

Pour adapter l'organisation financière et comptable de l'UESL, l'article 3 prévoit la création d'un fonds spécifique destiné au soutien de l'accession à la propriété face au risque de chômage. Il détermine les obligations de solvabilité et de garantie de l'UESL, ce qui est la prudence même.

En conclusion, nous estimons que ce texte de loi constitue une étape intéressante dans la modernisation des interventions du 1 % logement et dans la mise en place d'une politique d'accession à la propriété qui devrait être rendue plus sûre. Je pense, en outre, que les places accordées à l'initiative individuelle, à la négociation des partenaires sociaux, à la souplesse d'intervention peuvent constituer autant de pistes pour faire évoluer notre politique publique d'aide au logement.

M. le président.

Monsieur Goulard, puisque vous avez fait, comme M. Pandraud, une remarque sur les modifications intervenues dans notre ordre du jour, je dois vous indiquer que le décalage intervenu hier soir a été provoqué par l'examen d'une motion de procédure déposée par un groupe de l'opposition, alors qu'elle n'avait pas été prévue.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. le président.

Je crois savoir qu'il a été consacré une heure à cette motion de procédure.

M. Alain Cacheux.

Plus d'une heure !

M. le président.

L'examen du dernier texte a donc été renvoyé à cet après-midi, ce qui était d'ailleurs envisagé dans le programme de travail de l'Assemblée nationale approuvé par la conférence des présidents.

Cela étant, je ferai part à M. le président de l'Assemblée, dès mardi prochain, de vos observations et de celles de M. Pandraud lors de la prochaine conférence des présidents.

M. François Goulard.

Merci !

M. Alain Cacheux.

Ce sont ceux qui organisent les débats qui viennent ensuite se plaindre !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Decaudin.

M. Philippe Decaudin.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais tout de suite lever un suspense insoutenable : le groupe socialiste votera le projet de loi relatif à l'emploi des fonds du 1 % logement. (Sourires.)

Ce projet de loi est le prolongement législatif de la convention quinquennale du 3 août 1998 conclue entre l'Etat et l'Union d'économie sociale pour le logement, convention que nous appelions de nos voeux et qui constitue un renouveau du 1 % patronal.


page précédente page 10364page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Le prélèvement de 7 milliards par an institué par M. Périssol sur le 1 % pour financer le prêt à taux zéro s'achevait à la fin de 1998 et rien n'était prévu pour la suite. C'était une véritable bombe à retardement.

Certes, cette ponction a permis de financer pendant deux ans le prêt à taux zéro, mais cela s'est fait au détriment d'un fonctionnement normal des organismes collecteurs du 1 % patronal, au détriment de l'ensemble des autres interventions voulues par le législateur, au détriment, notamment, du secteur locatif social.

Le système qui va être mis en place dans le cadre de la convention du 3 août 1998 prévoit la prolongation du dispositif, mais avec une diminution progressive des prélèvements de l'Etat jusqu'à leur suppression en 2003.

Ainsi, ce seront 6,4 milliards qui seront prélevés en 1999, 5 milliards en l'an 2000, 3,4 milliards en 2001 et 1,8 milliard en 2002.

La convention a surtout pour intérêt de redéfinir les principes et d'énoncer les modalités de leur mise en oeuvre pour sortir de la situation malsaine engendrée par ces prélèvements à haute dose. Elle a été rendue possible par la volonté de Louis Besson, qui a su convaincre l'ensemble des acteurs du bien-fondé d'une politique qui entend traiter dans leur globalité les questions relatives au logement en s'intéressant aussi bien à l'accession à la propriété qu'au locatif, privé et social.

La signature de cette convention est significative de la confiance retrouvée des acteurs. Ce changement d'état d'esprit, on le doit, je le pense très sincèrement, à la fois à la clarté du cap fixé par le Premier ministre et à la qualité du dialogue mené par Louis Besson.

C'est dans ce contexte qu'il convient d'examiner le projet qui nous est soumis. Il vise tout à la fois, premièrement, à sécuriser les accédants à la propriété, q ue ce soient les accédants modestes qui souscrivent un PAS - un prêt à l'accession sociale - ou les accédants salariés d'entreprises assujetties au 1 % ; deuxièmement, à aider à l'emménagement et ainsi à faciliter la mobilité dans les entreprises en accordant des aides, tant pour les salariés en location que pour les accédants à la propriété ; troisièmement, à faciliter l'accès au logement locatif par la mise en oeuvre de deux dispositifs - un financement du dépôt de garantie et une garantie des loyers et des charges locatives - et, enfin, à développer le secteur conventionné.

Il convient de signaler que les prêts consentis aux salariés accédants nou propriétaires sont maintenus pour l'achat d'un logement neuf et la réalisation de travaux.

Par ailleurs, la réforme des structures, qui visera à donner un nouveau souffle au paritarisme, dans le cadre d'une nouvelle loi, doit permettre aux collecteurs du 1 % d'assumer pleinement leurs responsabilités, en particulier vis-à-vis des organismes de logement social. Leurs interventions doivent contribuer à améliorer le financement des PLA, sous réserve que ces interventions soient bien calibrées en durée et en taux, et qu'elles soient réparties équitablement entre les différentes familles constituant le mouvement HLM.

M. René Dosière.

Très juste !

M. Philippe Decaudin.

Je veux préciser que, bien entendu, il n'est pas question que les 4,5 milliards prévus pour le financement du logement locatif social soient réservés à une seule catégorie d'organismes HLM.

Les errements que l'on a parfois connus dans le passé comme le syphonnage direct des aides d'un organisme collecteur du 1 % au profit d'une société anonyme d'HLM ne doivent pas avoir lieu dans le cadre de l'application de la future loi.

Ce point est important car la répartition du 1 %, hier relativement secondaire, devient essentielle aujourd'hui compte tenu des difficultés de montage d'opérations PLA et compte tenu des masses financières qui sont en jeu. Je rappelle que ce sont 16 à 18 milliards de francs qui seront gérés par l'UESL en 2003. Il y a donc là une responsabilité très importante des organismes collecteurs du 1 %. Je suis convaincu que l'évaluation annuelle prévue à l'article 4 de la convention fera ressortir l'importance primordiale des conditions de financement du locatif social et mettra en lumière la répartition des aides à la fois par famille d'HLM et par région.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste votera votre projet de loi sans aucune réticence ni réserve. Il a déjà été approuvé à l'unanimité pa r le Sénat. Nous espérons qu'il en sera de même pour notre Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis entérine la diversification des emplois du 1 % logement, contenue dans la convention quinquennale du 3 août 1998 conclue entre l'Etat et l'UESL, l'Union d'économie sociale du logement, qui fédère les collecteurs.

Il faut, tout d'abord, se féliciter du maintien du 1 % logement, système original de financement du logement, auquel les partenaires sociaux avaient réaffirmé solennellement leur attachement au printemps dernier, à une époque où l'on entendait beaucoup parler de fiscalisation.

Ces sommes demeurent ainsi affectées pour l'essentiel à l'aide à la pierre, alors qu'une intégration au budget général de l'Etat aurait rapidement conduit à un autre usage, compte tenu des multiples sollications dont l'Etat fait l'objet. Il suffit de garder en tête l'affectation réalisée sur les recettes générées par la taxe additionnelle au droit de bail qui ne vont que trop partiellement à l'ANAH pour mesurer le danger qui aurait alors existé.

Ce maintien laisse entière la capacité de négociation de l'Etat avec les partenaires de l'UESL sur l'utilisation des ressources stables, alors qu'une fiscalisation leur aurait rendu une très large liberté dans l'affectation des retours sur prêts. Or ce sont ces retours sur prêts qui ont sensiblement augmenté ces dernières années et vont continuer à augmenter dans les prochaines années, alors que la collecte nouvelle ne progresse que modérément.

Ce dont nous discutons cet après-midi, c'est de plus de 15 milliards de francs, la collecte représentant un peu plus de 7 milliards de francs, alors que les retours de prêts, aujourd'hui de plus de 8 milliards de francs, progresse d'environ 2 milliards de francs ces quatre prochaines années.

Il faut aussi se féliciter de l'engagement pris par l'Etat dans cette convention de renoncer progressivement au lourd prélèvement opéré sur les fonds du 1 % pour financer le prêt à taux zéro.


page précédente page 10365page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Mais l'importance des sommes en jeu ainsi que l'effort réalisé par l'Etat pour rebudgétiser le financement du prêt à taux zéro conduisent à être plus attentifs et même vigilants sur l'usage qui est fait des ressources stables du 1 % logement.

Il faut d'abord qu'il y ait une plus grande transparence dans les interventions des CIL - les comités interprofessionnels du logement - que les informations soient transmises par le comité des engagements de l'UESL.

Comme M. Guyard, je ne crois pas que les fonds du 1 % doivent servir, comme cela a pu être le cas, au rachat de c abinets d'administrateurs de biens. J'ai quelques exemples dans le Nord - Pas-de-Calais. Ces fonds doivent être davantage contrôlés pour être mieux utilisés.

Il est, à ce sujet, bon que la convention prévoie la poursuite de la modernisation des structures des organismes collecteurs, engendrant ainsi de réelles économies de gestion.

Il est également bon que les usages du 1 % s'adaptent aux besoins d'aujourd'hui par la sécurisation des accédants à la propriété en garantissant leur logement en cas d'aléas, chômage ou difficultés familiales, en facilitant l'accès et le maintien dans leur logement des locataires.

Mais il faut aussi, et je veux insister sur ce point, après beaucoup d'autres orateurs, que les organismes collecteurs contribuent de manière plus significative au financement du logement locatif social.

Certes, la convention prévoit que l'objectif d'investissement annuel des associés collecteurs de l'UESL est de 4,5 milliards de francs pour l'ensemble des opérations réglementées ou réalisées au moyen de prêts sur fonds d'épargne.

Encore faut-il que ces interventions soient réellement attractives pour les organismes constructeurs, qu'elles aient un effet certain sur le logement social. Or, ce n'est pas le cas actuellement, notamment dans la construction neuve.

En effet, ces interventions prennent la forme de prêts à vingt, voire quinze ans, à des taux pouvant aller jusqu'à 2,5 %. Dans ces conditions, l'annuité des prêts qu'ils consentent est parfois supérieure à celle des prêts de la Caisse des dépôts et consignations à trente-deux ans, avec un différé d'amortissement de deux ans : 641 francs pour 10 000 francs empruntés dans le premier cas ; 581 francs pour les prêts de la CDC.

Il n'est pas étonnant que, dans ces conditions, le recours des organismes collecteurs au 1 % ait baissé ces dernières années : 4,98 milliards de francs en 1996 ; 4,1 milliards de francs en 1997 et je pense que le résultat de 1998 sera encore plus décevant.

Pourquoi ne pas envisager le retour au moins partiel des subventions pour financer le locatif social, ou comme le suggère, dans son rapport, le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Guyard, des prêts à taux zéro aux organismes d'HLM avec des différés de remboursement. Cela permettrait un meilleur financement des opérations de construction, un équilibre plus réel de ces opérations et une diminution de leurs loyers d'équilibre et de sortie.

Je sais bien qu'ils contribuent déjà de manière importante au financement du logement très social, notamment à la suite de la convention du 14 mai 1997 qui a refondu les dispositifs 1/9 et 9 %, mais ils doivent apporter une contribution beaucoup plus significative au financement du logement locatif social classique.

C'est pourquoi j'appelle de mes voeux la signature d'un document contractuel entre l'Etat et les partenaires de l'UESL, renforçant très sensiblement l'efficacité de leurs interventions dans le locatif social.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes remarquablement sorti de la bombe à retardement que représentait le financement du prêt à taux zéro au-delà de 1998. Vous avez su trouver un prolongement équitable pour donner une suite à l'amortissement Périssol et soutenir l'investissement locatif privé, avec des contreparties sociales.

Il nous faut trouver une solution au financement du logement locatif social et le 1 % logement doit y apporter une contribution. Je sais bien que ce n'est pas la seule raison qui explique le recul de la construction sociale, mais c'est sans doute une condition nécessaire à son redémarrage.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Monsieur le président, messieurs les députés, je remercie très sincèrement les rapporteurs, M. Marcovitch et M. Guyard, qui vous ont présenté très clairement un sujet fort technique tout en le resituant dans son contexte et en en dégageant les perspectives essentielles : stabilité des règles du jeu, modernisation des emplois, recouvrement progressif de la plénitude de ses moyens par le 1 %, ce qui constitue, - je crois pouvoir le dire sans nuire à l'unanimité de l'adhésion au projet de loi - un cap quelque peu en rupture avec l'approche précédente, qui se caractérisait par une vision à court terme, des prélèvements massifs et une absence de perspectives.

Certes, nous sommes conscients que le projet de loi ne règlera pas tout. Mais, je voudrais très rapidement apporter quelques éléments de réponse aux questions qui m'ont été posées.

Tout d'abord, concernant l'action du 1 % logement en faveur du secteur locatif social, j'indique aux deux rapporteurs ainsi qu'à M. Decaudin, M. Sarre, M. Hage qui a remplacé M. Paul et à M. Morisset, que la convention du 3 août fixe un objectif annuel, quantifié au profit des HLM de 4,5 milliards de francs. Un dialogue entre les partenaires devra permettre d'affecter au mieux ces sommes afin qu'elles contribuent à une diminution du loyer d'équilibre des opérations pour les organismes des divers statuts, comme le disait M. Decaudin, et qu'elles permettent aussi - pourquoi pas ? - une meilleure explication des formules de réservation et une meilleure garantie du niveau d'entretien et de qualité des logements.

Je confirme à M. Hage que les 4,5 milliards de francs en cause viendront bien compléter les financements de l'Etat inscrits au budget du logement et non pas s'y substituer. Ils devront permettre de faciliter le montage des opérations de construction, soit par des subventions soit par des prêts à bas taux d'intérêt. Le prêt principal et ses charges de remboursement en seront diminués d'autant.

D'une certaine manière, comme M. Hage l'a exprimé, cela doit revenir à faire baisser le taux d'intérêt moyen de l'opération et, par voie de conséquence, à minorer les loyers.

Je sais bien, monsieur Marcovitch, que cela ne suffira pas à résoudre toutes les difficultés que rencontrent les organismes constructeurs de logements sociaux, mais cela va quand même dans le bon sens, et je puis assurer

M. Decaudin que nous serons vigilants sur ce point.


page précédente page 10366page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire lors de la présentation du budget du logement pour 1999, l'Etat ne peut pas tout, et, même avec l'appui du 1 % logement, nous sommes bien conscients qu'il restera des progrès à a ccomplir. Je fais là écho aux propos que tenait

M. Cacheux à l'instant même.

Nous aurons donc, dans les prochains mois, dans les prochaines années, des initiatives à prendre, des adaptations à réaliser. S'agissant de la sécurisation de l'accession, M. Marcovitch a indiqué que plusieurs modalités techniques restent encore à trancher. C'est vrai, mais, vous le savez et M. Morisset l'a rappelé, la convention du 3 août prévoit la mise en place de conventions d'application.

Cependant, je voudrais, dès à présent, donner quelques brèves indications sur l'état de nos discussions avec l'union d'économie sociale du logement, dans le cadre de la convention qui doit être conclue prochainement et qui définit les modalités du report gratuit en fin de prêt. Je puis d'ores et déjà vous dire que la période de franchise que nous envisageons pourrait être nulle.

Concernant le délai de carence qui s'écoule entre la signature du contrat de prêt et le premier report de mensualité, un système souple, à l'intérieur d'un délai d'une année, sera mis en place afin de ne pas pénaliser inutilement les accédants qui connaissent des situations professionnelles précaires.

M. Guyard a, lui aussi, posé des questions qui appellent des réponses précises, mais je voudrais au préalable lui dire que le nouveau dispositif de sécurisation mis en oeuvre par la convention du 3 août ne prévoit aucune cotisation des accédants au financement du fonds de sécurisation. C'était une interrogation que comportait son rapport. Je voulais y répondre en premier.

Concernant la société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale, je conviens avec vous, monsieur Guyard, que son fonctionnement peut paraître complexe, mais il faut être, à la fois, suffisamment prévoyant pour avoir un système disposant de fonds suffisants pour faire face à l'évolution de l'accession sur un moyen terme qui peut aller jusqu'à une quinzaine d'années, et suffisamment raisonnable pour que, en prenant ces précautions, nous n'en venions pas à des coûts prohibitifs. Il faut toujours trouver à concilier les deux objectifs.

De plus, le fonctionnement de la société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale est, aux yeux du Gouvernement, totalement transparent. Deux commissaires du Gouvernement auprès de cette société veillent à la clarté des opérations et font preuve, je souhaite vous le dire, de toute la vigilance nécessaire pour en garantir l'efficacité et en assurer la meilleure gestion.

Vous avez également évoqué l'amélioration du contrôle des emplois du 1 % logement.

D'une manière générale, il faut saluer le chemin accompli depuis la création de l'ANPEEC, l'agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction. Cette agence, vous le savez, a pleinement rempli son rôle de contrôle des organismes et sa crédibilité est aujourd'hui reconnue. A ce jour, tous les organismes collecteurs ont fait l'objet d'un ou plusieurs contrôles de l'agence. Globalement, hormis quelques exceptions très marginales, ces contrôles montrent une situation plutôt satisfaisante.

Par ailleurs, je vous indique que la convention du 3 août prévoit que les unions d'économie sociale du logement que nous allons créer en remplacement des CIL, les comités interprofessionnels du logement, seront soumises au contrôle de l'ANPEEC et de la Cour des comptes et que le rapport annuel de l'ANPEEC sur le bilan de ces contrôles sera rendu public.

M. Sarre s'est inquiété de la pérennité du financement du prêt à taux zéro. Je lui indique que la rebudgétisation de ce prêt a été effectué en lui conservant les mêmes conditions que celles arrêtées pour l'exercice qui s'achève.

Ainsi, ce seront bien plus de 110 000 prêts qui pourront être distribués en 1999. Il me semble qu'avec la vigilance de Mmes et MM. les parlementaires, l'inscription au budget du logement du financement du prêt à taux zéro est un meilleur gage de pérennité que le faire reposer sur un prélèvement temporaire de deux ans sur les ressources du 1 % logement.

M. le député Goulard a exprimé des interrogations très proches, mais en allant plus loin dans le temps, puisqu'il m'a fait part de ses craintes pour l'après-2003, c'est-à-dire après la fin de la période d'application de la convention prolongée par la loi dont nous débattons aujourd'hui.

Dois-je y voir la marque d'une grande confiance dans la pérennité de cette majorité ? (Sourires.)

M. Jacques Guyard, rapporteur pour avis.

Bien sûr !

M. François Goulard.

Pas forcément !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Je peux en tout cas lui assurer que, en tant que citoyen tout au moins, je m'efforcerai d'y contribuer.

S'agissant des conséquences du passage à l'euro sur l'épargne administrée et les prêts spécifiques, question soulevée par M. Sarre, Jean-Claude Gayssot et moi-même avons, à de multiples reprises, souligné l'attachement que nous portions à cette particularité française que constitue le système de financement spécifique du logement social.

Dernièrement encore, lors d'une réunion européenne organisée par la présidence autrichienne, nous en avons souligné l'efficacité et réaffirmé devant tous nos collègues combien nous étions attachés à ce circuit de financement spécifique du logement social.

La proposition de M. Cacheux tendant à ce que le 1 % logement serve à accorder plutôt des subventions que des prêts mérite débat. En effet, les nouveaux emplois du 1 % reposent sur des hypothèses de ressources qui incluent non seulement la collecte, c'est-à-dire les 0,45 % versés par les employeurs, mais aussi les retours de prêts. Or ces derniers sont aujourd'hui supérieurs aux cotisations reçues et l'écart ira dans les prochaines années en s'accroissant.

Cette évolution évidemment s'inverserait si nous remplacions les prêts par des subventions et, à terme, poserait sûrement un problème de capacité d'investissement du 1 %. Autant dire que ce point nécessite qu'on l'examine d'une manière approfondie, par exemple à l'occasion de l'évaluation de la convention.

M. Sarre encore, saluant dans la convention du 3 août et dans le texte dont nous débattons aujourd'hui une étape vers une véritable politique du logement, m'a interrogé sur ce que pourraient être les autres étapes à venir.

D ans le domaine législatif, la prochaine sera le complément de travail que la convention du 3 août 1998 nécessite pour la transformation des CIL en unions d'économie sociale afin de développer le paritarisme dans tous les départements, chez tous les organismes collecteurs.

En outre, à la suite d'une communication présentée au conseil des ministres au mois de septembre, Jean-Claude Gayssot et moi-même avons reçu commande d'un texte ambitieux, à élaborer d'ici à l'été prochain, traduisant l'objectif poursuivi par la restructuration du ministère de


page précédente page 10367page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

l'équipement, des transports et du logement, celle-là même qui a conduit à la fusion de la direction de l'habitat et de la construction et de la direction de l'aménagement foncier et de l'urbanisme. En clair, le Gouvernement souhaite voir la politique de l'habitat passer par un organisme créant davantage d'urbanité et répondant mieux aux attentes de nos concitoyens. Ce texte innovant, qu'il nous revient de construire, se situera à la charnière de l'habitat et de l'urbanisme ; il témoignera du souci de rendre des villes et des agglomérations plus équilibrées dans leur habitat et, partant, plus sereines grâce à un cadre de vie à la qualité retrouvée et mieux assurée.

C'est là un gros chantier.

Mais, d'ores et déjà, ce que nous faisons aujourd'hui vient s'ajouter aux dispositions prises pour renforcer les moyens du droit au logement - vous les connaissez, je ne les détaillerai pas -, celles aussi qui visent à redonner des marges aux organismes HLM, notamment en matière de retour de l'aide à la pierre, ou encore à abaisser les taux de TVA. Il faut également rappeler l'article 68 de la loi de finances qui, en instituant le statut du bailleur privé, créera un secteur conventionné accessible aux revenus intermédiaires pour répondre aux besoins de nombre de nos concitoyens qui, écartés du logement social, n'avaient d'autre choix que de faire appel à l'offre locative libre, bien souvent inaccessible. A ces trois étapes vient s'ajouter une quatrième, celle que nous décidons aujourd'hui : la sécurisation de l'accession et de l'accès au locatif en complément de la rebudgétisation de l'accession à la propriété.

Cela dit, monsieur Sarre, votre propos traduit des interrogations légitimes, sinon des impatiences que nous comprenons d'autant mieux que nous les partageons.

Cela tient au fait que le domaine du logement voit interv enir une multitude d'acteurs formant une chaîne complexe qui va de l'Etat à la collectivité locale, en passant par les opérateurs, aux compétences parfois étrangement réparties ; ainsi l'Etat, qui finance le logement, n'a pas la compétence pour accorder le permis de construire.

N'oublions pas non plus les problèmes posés par certaines populations incapables d'accéder au logement sans un accompagnement social, qui exige la mobilisation de travailleurs sociaux relevant tantôt du service public, tantôt d'associations privées. Et sitôt qu'un maillon de toute cette chaîne d'acteurs est défaillant, des dysfonctionnem ents apparaissent, qui nuisent à l'efficacité de l'ensemble.

Face à cette incertitude, les textes que nous adoptons, parce qu'ils visent à donner des outils supplémentaires aux acteurs tout en faisant appel à leur sens des responsabilités et à leur engagement, constituent, et là est toute leur grandeur, une manière de tourner le dos à l'assistance et à l'étatisme, pour reprendre un terme facile. Car il ne suffit pas de mettre en place des moyens budgétaires ni de voter des lois : encore faut-il mobiliser tous les acteurs potentiels, et particulièrement les acteurs locaux avec lesquels les députés entretiennent un contact quasi quotidien. C'est ainsi que tous les moyens et les outils mis en place nous feront progresser vers la concrétisation du droit au logement pour tous, mais aussi du droit au logement choisi ; cette exigence de qualité et de liberté de choix, nos concitoyens souhaitent pouvoir l'exprimer concrètement et nous devons bien évidemment l' accompagner.

Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, de tout ce que vous pourrez entreprendre dans ce sens, en complément des décisions du Gouvernement.

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Articles 1er à 4

M. le président.

« Art. 1er . - I. - Le premier alinéa de l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :

« Les employeurs, occupant au minimum dix salariés, à l'exception de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics administratifs, assujettis à la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts, autres que ceux qui appartiennent à des professions relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale pour lesquelles des règles spéciales ont ét é édictées en application du 3 a dudit article 231, doivent consacrer des sommes représentant 0,45 % au moins du montant, entendu au sens des règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, des rémunérations versées par eux au cours de l'exercice écoulé au financement :

« a) De construction ou d'acquisition de logements, d'aménagement ou de remise en état de logements anciens, d'acquisition et d'aménagement de terrains destin és exclusivement à la construction de logements sociaux ;

« b) De prise en charge temporaire, en cas de difficultés exceptionnelles des emprunteurs, d'une partie des remboursements de prêts immobiliers destinés à l'accession sociale à la propriété ;

« c) D'aides directes à des personnes physiques pour le changement de logement ou le maintien dans celui-ci et l'acccès au logement locatif, de garanties de loyer et charges apportées aux bailleurs ;

« d) De dépenses d'accompagnement social dans le domaine du logement ;

« e) D'aides à des organismes agréés d'information du public sur le logement.

« Ces dispositions sont applicables aux établissements publics ayant un caractère industriel ou commercial, ainsi qu'aux organismes de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics ayant le même caractère. »

« II. - Le deuxième alinéa du même article, qui devient le huitième alinéa, est ainsi rédigé :

« Les employeurs qui, au moyen de leurs ressources propres, ont investi au cours d'un exercice une somme supérieure à celle prévue au premier alinéa peuvent reporter l'excédent sur les exercices postérieurs. »

« III. - A l'article L. 313-9 du code de la construction et de l'habitation, les mots : "troisième alinéa" sont remplacés par les mots : "neuvième alinéa". »

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

M. le président.

« Art. 2. - I. - Est ajouté, après le 2o de l'article L. 313-19 du code de la construction et de l'habitation, un 2o bis ainsi rédigé :

« 2o bis. Assure, à compter d'une date fixée par décret et dans des conditions fixées par convention avec l'Etat, le financement des aides prévues au b de l'article L. 313-1 au bénéfice des emprunteurs ayant souscrit des prêts garantis par le fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété mentionné au troisième alinéa de l'article L. 312-1. »


page précédente page 10368page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

« II. - Au quatrième alinéa de l'artice L. 313-13 et au troisième alinéa de l'article L. 313-16 du code de la construction et de l'habitation, après les mots : "les conventions prévues au 2o ", sont insérés les mots : "et au 2o bis" »

- (Adopté.)

« Art. 3. - I. - Les deux premiers alinéas de l'article L. 313-20 du code de la construction et de l'habitation sont remplacés par huit alinéas ainsi rédigés :

« Les stipulations des conventions prévues au 2o et au 2o bis de l'article L. 313-19 s'imposent aux associés.

« Pour l'exécution de ces conventions, l'Union d'économie sociale du logement dispose, d'une part, d'un fonds d'intervention et, d'autre part, d'un fonds de soutien.

« Le fonds d'intervention contribue à la bonne adaptation des ressources des associés collecteurs aux besoins locaux, compte tenu des politiques nationales et locales d'emploi de la participation des employeurs à l'effort de construction.

« Le fonds de soutien met à la disposition de la société gérant le fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété mentionné au troisième alinéa de l'article L. 312-1 les sommes destinées à financer les aides prévues au 2o bis de l'article L. 313-19.

« La convention prévue au 2o bis de l'article L. 313-19 définit les modalités d'alimentation de ce fonds, ainsi que les modalités de prise en charge temporaire des prêts, et, notamment, la part de mensualités reportée, le nombre de mensualités reportées, le délai de carence et les éventuelles périodes de franchise. Elle prévoit une clause de révision dans le cas où les conditions d'attribution des prêts mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 312-1 sont modifiées de manière substantielle.

« Un décret, pris après consultation de l'Union d'économie sociale du logement, fixe les règles de dotation du fonds de soutien par l'union, les règles régissant son fonctionnement administratif et financier, les normes de gestion destinées à garantir sa solvabilité et l'équilibre de sa structure financière ainsi que les ratios de couverture des risques.

« L'union garantit l'équilibre financier du fonds de soutien.

« Une convention entre l'Union d'économie sociale du logement et la société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale, homologuée par arrêté interministériel, fixe notamment le mode de calcul des sommes à verser, les conditions de contrôle et les modalités de mise en oeuvre de la garantie d'équilibre financier du fonds. »

« II. - A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 313-20, les mots : "au fonds d'intervention" sont remplacés par les mots : "à chaque fonds". »

« III. - Le dernier alinéa de l'article L. 313-20 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Chaque fonds peut également être alimenté par toutes ressources de l'union.

« Les opérations de chacun des fonds et, au sein du fonds d'intervention, de chacune des politiques d'emploi mentionnées au 2o de l'article L. 313-19 sont retracées dans une comptabilité distincte. »

- (Adopté.)

« Art. 4. - Tout contrat de prêt immobilier consenti à une personne susceptible de bénéficier de l'aide prévue au 2o bis de l'article L. 313-19 du code de la construction et de l'habitation mentionne que cette aide est financée par la participation des employeurs à l'effort de construction. »

- (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

2

ORGANISATION DE CERTAINS SERVICES AU TRANSPORT AE

RIEN Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation de certains services au transport aérien (nos 1186 et 1216).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens pour commencer à souligner la qualité du travail de votre rapporteur, JeanJacques Filleul, qui a donné lieu à une concertation fructueuse et bien avant que la discussion de ce texte n'intervienne à l'Assemblée nationale.

Le présent projet de loi, adopté par le Sénat, qui porte sur l'exécution et le financement des services aéroportuaires, a été rendu nécessaire par l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai 1998.

Par cette décision, le Conseil d'Etat avait en effet annulé les arrêts fixant les taux de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, perçue au profit du budget annexe de l'aviation civile. Il pose, en particulier, le principe selon lequel le coût des services de sécurité incendie et de sauvetage ne peut être financé par redevances, au motif que ces services correspondent à des missions d'intérêt général qui incombent par nature à l'Etat.

Mais la portée de cet arrêt dépasse largement la seule redevance pour services terminaux de la circulation aérienne.

D'une part, il s'applique également à certaines redevances perçues par les aéroports dans la mesure où celles-ci financent aussi des services d'intérêt général. Il s'agit des dépenses de sécurité incendie, pour ce qui concerne la rémunération des personnels d'intervention et l'entretien du matériel. Plusieurs contentieux en cours pourraient aussi aboutir à des annulations de décisions de gestionnaires d'aérodromes en matière de redevances liées à la sécurité.

D'autre part, le raisonnement du Conseil d'Etat peut s'appliquer à d'autres services d'intérêt général dont les coûts sont inclus dans l'assiette des redevances aéroportuaires. Tel est le cas des visites de sûreté, prises en charge par les gestionnaires, avec la participation de l'Etat, en application de la loi du 26 février 1996 qui les a autorisés à avoir recours à des agents privés.


page précédente page 10369page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Est aussi concernée la lutte contre le péril aviaire destiné, par des techniques d'effarouchement, à prévenir le risque d'ingestion d'oiseaux dans les réacteurs, ainsi que les contrôles environnementaux destinés à maîtriser les nuisances sonores ou la pollution de l'air.

Tel fut l'objet des amendements déjà votés en première lecture par l'Assemblée nationale lors des débats de loi de finances initiale pour 1999, puis examinés par le Sénat. Il s'agit, je vous le rappelle de la création, au profit des gestionnaires d'aéroports, d'une taxe d'aéroport, de la mise en place d'un fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, de la définition, enfin, d'une taxe unique de l'aviation civile.

Je ne reviendrai pas devant vous sur l'ensemble de ces questions, d'autant plus que l'Assemblée nationale aura à nouveau l'occasion d'examiner ce dispositif après la commission mixte paritaire. Je puis d'ailleurs vous annoncer que le Gouvernement améliorera le dispositif, conformément aux observations des parlementaires et à la concertation qui s'est ensuite engagée. Ces améliorations, qui figurent dans l'amendement déposé dimanche dernier au Sénat, portent sur deux points essentiels : l'élargissement de l'assiette des taxes au fret et la réduction à trois du nombre de classes de la taxe d'aéroport, dans un souci d'aménagement du territoire. Je précise que le dispositif proposé est neutre pour les compagnies aériennes : le montant de la taxe sera en effet compensé par la diminution des redevances.

Dans l'immédiat, le projet de loi soumis à votre examen a deux objets. Le premier, qui correspond à l'article 1er , est de donner une assise juridique aux services chargés de la sécurité incendie, du sauvetage et de la lutte contre le péril aviaire. Ces missions ne sont pas en effet explicitement prévues dans les cahiers des charges des concessions actuellement en vigueur ni dans la loi du 5 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours.

Il est précisé que les titulaires du pouvoir de police exerceront leurs attributions dans le cadre de la réglementation technique définie par l'autorité administrative.

Le service sécurité-incendie-sauvetage est confié au gestionnaire d'aérodrome qui pourra assurer directement cette mission ou la faire assurer par un autre service public, comme le service départemental d'incendie et de secours ou les services du ministère de la défense lorsque ceux-ci sont implantés sur l'aérodrome, ou bien encore par une entreprise spécialisée.

Dans ce dernier cas, un agrément est indispensable afin de s'assurer que la société est effectivement en mesure d'assurer la prestation dans des conditions de sécurité.

Au-delà de l'agrément des pompiers, délivré à l'issue de la formation initiale, il convient notamment que la société ait un responsable compétent en matière d'exploitation d'un service de sécurité incendie et de secours, que la formation continue soit organisée et que les pompiers soient soutenus et encadrés par une structure adéquate.

Le deuxième objectif, traité dans l'article 2, est de procéder à la validation législative des redevances actuellement perçues par les gestionnaires d'aérodromes ainsi que celles perçues par le budget annexe de l'aviation civile.

Le contentieux porte en effet, rappelons-le, sur des sommes très importantes, 460 millions pour l'Etat et 2,3 milliards de francs pour les gestionnaires d'aéroports, qui représentent une part importante, entre le tiers et la moitié, des ressources annuelles procurées par les redevances. Un remboursement compromettrait évidemment l'activité de nos aéroports.

Par ailleurs, ces sommes ont été réellement dépensées.

Le service sécurité incendie a été rendu et les compagnies aériennes en ont répercuté le coût sur les billets d'avion.

Comme il n'est pas possible de rembourser les passagers, ces compagnies, en l'absence de validation, bénéficieraient d'un enrichissement injustifié.

C'est donc pour éviter un risque majeur de blocage du transport aérien que je vous propose cette validation dont l'effet doit être limité dans le temps pour tenir compte du délai strictement nécessaire à la mise en oeuvre du futur dispositif de financement pérenne.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus habitué aux transports terrestres par goût et par attribution, j'ai découvert, à l'étude de ce dossier relatif à l'organisation de certains services du transport aérien, que la technicité et la complexité sont des éléments récurrents dans tous les dossiers liés aux transports. Cela ne vous étonnera point, monsieur le ministre.

Dans ce cadre, j'ai rencontré divers interlocuteurs qui ont fait preuve de grandes compétences et d'une volonté évidente d'obtenir à travers ce texte de loi, à défaut de la réponse idéale, la solution la moins mauvaise afin de clore cet épisode complexe qui fait suite à l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai dernier.

Les missions de l'Etat en matière de sécurité sont primordiales. Il est nécessaire de veiller à ce qu'elles soient intégrées dans un système permettant un financement propre à assumer et à garantir leur bonne réalisation.

Ce projet de loi fait partie de la réforme du financement et de l'organisation des services rendus par l'Etat aux compagnies aériennes, que le Gouvernement a décidé d'engager. Le nouveau dispositif remet en cause le système des redevances sur lequel reposait jusqu'à présent le financement de ces services.

Afin de bien cerner les enjeux du problème, il convient, dans un premier temps, de rappeler rapidement et surtout simplement les caractéristiques du financement du service public de l'aviation civile.

A la différence des autres modes de transport, les services relatifs au transport aérien ont la particularité d'être financés par les compagnies aériennes et gérés par une administration de l'Etat, la DGAC. C'est pourquoi les opérations financières de ce service public sont regroupées dans un budget annexe du budget général, appelé budget annexe de l'aviation civile. Celui-ci prend en charge l'ensemble des dépenses de fonctionnement et d'investissement du transport aérien. En plus de l'autofinancement et du recours partiel à l'emprunt, il est alimenté par des redevances et des taxes dues par les compagnies aériennes.

C'est à partir du moment où le projet de loi de finances pour 1991 a élargi le domaine du budget annexe de l'aviation civile, qui jusqu'alors regroupait les dépenses supportées par l'Etat dans ce domaine, à l'ensemble des services de l'aviation civile, que des ambiguïtés sont apparues dans le financement de ce service régalien par des redevances versées par les compagnies aériennes.

La procédure qui nous fait débattre aujourd'hui a en fait été déclenchée par le recours du SCARA, un syndicat de compagnies aériennes autonomes qui refusaient de payer plus longtemps la redevance service sécurité-incendie-sauvetage. En effet, englobée dans la redevance pour


page précédente page 10370page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

services terminaux de la circulation aérienne, la RSSIS couvre les dépenses des gestionnaires d'aéroports en matière de services de pompiers et de sécurité. En fait, la contestation part du principe que les services de pompiers et de sécurité relèvent des fonctions régaliennes de l'Etat.

Le Conseil d'Etat leur a donné raison estimant « que les coûts de ces services ne peuvent être mis à la charge des usagers au moyen de redevances » ; en d'autres termes, les missions qui incombent, par nature, à l'Etat doivent être financées par l'impôt.

En annulant l'arrêté du 21 février 1996 ainsi que l'arrêté fixant les taux pour 1996, la décision du Conseil d'Etat fait disparaître la base juridique de tous les titres de perception de la RSTCA au titre des années 1991 à 1996. L'Etat se trouve donc confronté au risque d'avoir à rembourser aux compagnies aériennes la totalité des sommes perçues, alors que les services indûment financés par la redevance ne représentent qu'une faible part de son produit total et que les autres prestations de services ont bel et bien été fournies.

Les plates-formes aéroportuaires sont en général gérées par les chambres de commerce et d'industrie, à l'exception d'Aéroports de Paris, et leurs ressources sont essentiellement constituées, comme pour le BAAC, de redevances qui incluent les frais de fonctionnement du service sécurité-incendie-sauvetage. Les motifs retenus par le Conseil d'Etat pour la RSTCA risquent donc de l'être aussi dans des contentieux portant sur les redevances aéroportuaires.

En outre, d'autres dépenses, actuellement financées par des redevances, pourraient être constestées, au motif qu'elles correspondent davantage à des missions d'intérêt général qu'à des prestations directement rendues aux compagnies aériennes. Tel pourrait être le cas des visites de sûreté destinées à prévenir les actes de terrorisme, ou des mesures de protection de l'environnement.

Pour toutes ces raisons, il était nécessaire de revoir l'ensemble des contributions qui assurent les financements des différentes charges liées au fonctionnement, d'où la réforme des taxes aéroportuaires. Ce projet de loi n'est qu'une partie d'une réforme plus vaste.

Trois autres dispositions législatives ont déjà été adoptées en première lecture du projet de loi de finances pour 1999, qui permettent de substituer des taxes aux redevances perçues par les gestionnaires d'aéroport ou par l'Etat pour les dépenses de sécurité d'intérêt général

Deux nouvelles taxes et un fonds sont ainsi créés : une taxe d'aviation civile, à l'article 35 bis du PLF pour 1999 ; la taxe d'aéroport, à l'article 85 du PLF pour 1999 ; enfin, un fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien.

Ces dispositions sont liées au projet de loi qui nous préoccupe, permettez-moi d'y revenir quelques instants.

Tout d'abord, le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien - le FIATA - remplace l'actuel fonds de péréquation des transports aériens, le FPTA.

Ensuite, la taxe d'aviation civile au profit de l'Etat englobe l'actuelle taxe de sécurité-sûreté, la TSS, élargie au financement des opérations de sécurité, aujourd'hui financées par le RSTCA et la taxe de péréquation du transport aérien. Payée à chaque trajet effectué par un passager au départ d'un aéroport français, cette taxe sera étendue, par un amendement du Gouvernement en nouvelle lecture du PLF, au fret, par la mise en oeuvre d'une taxe de 6 francs par tonne de marchandises et de courrier mensuellement transportée. M. le ministre y a fait allusion à l'instant. L'égalité de traitement entre les usagers de l'aéroport est à la base de cet amendement, chacun le comprend et l'admet dans cet hémicycle.

Des questions se posent tout de même, monsieur le ministre, sur lesquelles nous aimerions être éclairés : quel va être le produit de l'extension des deux taxes au fret et au courrier ? Le FIATA peut-il faire aussi la péréquation en faveur des entreprises aériennes de fret contraintes à des mesures de sûreté onéreuses par retour de la nouvelle recette perçue ? Enfin, la taxe d'aéroport, assise sur le passager, est due par les compagnies aériennes au profit des gestionnaires d'aéroports. Elle permettra de couvrir les coûts des missions des aéroports en matière de sécurité telles qu'elles sont redéfinies par le premier article du présent projet de loi.

En première lecture du PLF, le Gouvernement a choisi de répartir en cinq classes les aéroports et de différencier les tarifs de la taxe, la fourchette allant de 8 francs pour les gros aéroports à 99 francs pour les petits.

A la suite de l'intervention des gestionnaires d'aéroports et de nombreux députés, de la majorité en particulier, soucieux d'une gestion saine de leur plate-forme aéroportuaire, le Gouvernement a revu, par amendement, sa première approche. En deuxième partie de la loi de finances il nous proposera une réduction du nombre de classes par l'association des trois dernières en une seule, et de l'amplitude de la fourchette, qui ira désormais de 17 francs à 50 francs, pour la troisième classe.

J'approuve cette initiative du Gouvernement qui doit permettre au FIATA de jouer son rôle stabilisateur par la compensation de la différence entre le revenu de la taxe et le coût réel du gestionnaire.

Beaucoup a été dit et écrit sur cette taxe très sensible du fait qu'elle alimente la péréquation des aéroports d'aménagement du territoire. Je n'y reviendrai pas dans le temps qui m'est imparti.

Je souhaite tout de même, monsieur le ministre, que vous informiez la représentation nationale sur les éléments qui ont permis d'adopter ces fourchettes de tarif, ainsi que la classification des aéroports. Permettez-moi de prolonger mon interrogation en rappelant qu'actuellement, le montant des redevances aéroportuaires est discuté dans les comités consultatifs économiques où sont représentés les usagers et gestionnaires d'aéroport. Est-ce ce même principe qui sera appliqué pour la fixation à l'intérieur de chaque fourchette de la taxe d'aéroport avant l'arrêté ministériel ? La réponse à cette question est vivement attendue.

Le dispositif ainsi mis en oeuvre permettra de fonctionner en 1999 sur des bases nouvelles, pour partie, et à partir du 1er juillet 1999 pour la taxe d'aéroport, selon l'amendement sénatorial.

L'ensemble de ce dispositif complexe mettra, je l'espère, l'Etat à l'abri de tout nouveau recours. Par ailleurs, si cet enchevêtrement de taxes et de services concourt à une meilleure visibilité, j'émets l'espoir, monsieur le ministre, qu'il ne renforcera pas l'opacité et les difficultés de contrôle du BAAC.

Dernière interrogation : quelles dispositions le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour rendre le budget annexe de l'aviation civile un peu plus transparent ? Le projet de loi qui nous intéresse comporte deux articles qui servent, successivement, à préciser les missions confiées aux gestionnaires d'aéroports et à valider la perception de la RSTCA.


page précédente page 10371page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Ainsi, l'article 1er assure une assise juridique à la délégation de certaines missions régaliennes aux gestionnaires d'aéroports, en permettant aux services chargés de la sécurité incendie et sauvetage et de la lutte contre le péril aviaire d'être confiés aux gestionnaires d'aéroports qui peuvent soit les assurer directement, soit les confier à un organisme agréé par décret.

En ce qui concerne les missions particulières dévolues à Aéroports de Paris, il s'agit simplement de réécrire l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile pour y intégrer le SSIS, la prévention du péril aviaire, ainsi que l'organisation des visites de sûreté.

Quant au second article, il vise à clarifier la situation passée afin de permettre la continuité des prestations grâce à la validation législative des redevances actuellement perçues. En effet, si l'annulation des conditions d'établissement de la RSTCA constitue un fort manque à gagner pour l'Etat, M. le ministre le rappelait à l'instant, les gestionnaires d'aéroports sont aussi touchés, et par là même, à la bonne exécution des prestations de sécurité, n'est plus assurée.

Afin de permettre la continuité des prestations de sécurité aéroportuaire, cet article valide les taux de redevances aéroportuaires telles qu'ils étaient fixés dans l'ancien système.

Le Conseil d'Etat a fait savoir, dans son arrêté, qu'il souhaitait qu'un nouveau dispositif soit voté au plus tard le 31 décembre 1998. Pris par l'urgence, le Gouvernement a souhaité une adoption conforme de ce texte par les deux chambres. Le Sénat a débattu et voté ce texte le 10 novembre dernier modifié par l'adoption de trois amendements de précision.

La commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale a été saisie de plusieurs amendements, mais elle ne les a pas retenus. Etant donné l'urgence du vote de ce texte, la commission vous propose d'adopter ce projet de loi sans modification.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Ferry.

M. Alain Ferry.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi soumis à notre examen comporte deux articles.

Le premier traite de certains services de sécurité aéroportuaire assurés par les gestionnaires d'aérodromes.

Il convient d'instituer un régime juridique stable. En effet, les services chargés de la sécurité incendie, du sauvetage et de la lutte contre le péril aviaire ne disposent pas actuellement d'une base légale solide. Le projet de loi prévoit donc d'insérer, dans le code de l'aviation civile, un nouvel article confiant explicitement ces missions aux aérodromes. Le groupe UDF approuve cette réforme.

Le second article prête davantage à contreverse. Il propose une validation législative des redevances perçues par l'Etat et par les gestionnaires d'aérodromes pour les services de sécurité et de sûreté aéroportuaires car l'arrêt récent du Conseil d'Etat remet en cause les sommes déjà encaissées. Or les validations législatives ne sont jamais souhaitables.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je le sais bien !

M. Alain Ferry.

Elles permettent au Gouvernement d'anticiper une condamnation de la puissance publique par les tribunaux. Le Conseil d'Etat relève d'ailleurs dans son rapport annuel pour 1991 le risque d'insécurité juridique qu'entraîne ce procédé.

Il est vrai qu'un refus opposé par l'Assemblée au projet de loi conduirait l'Etat et les gestionnaires d'aérodromes à rembourser les sommes perçues alors même que dans le cas de ces derniers le service correspondant aurait déjà été rendu aux usagers. Aussi le groupe UDF, tout en émettant une réserve de principe - que le Gouvernement ait recours le moins possible à cette facilité - approuve cette validation.

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le ministre, vous nous proposez, à travers ce texte et le projet de loi de finances pour 1999 auquel faisait allusion notre rapporteur, une refonte du financement de l'aviation civile.

Nous estimons que le Gouvernement aurait pu mieux informer le Parlement.

Ainsi, ce projet de loi pose un certain nombre de problèmes de nature constitutionnelle, M. le rapporteur et M. Ferry les ont soulignés : un intérêt général insuffisamment patent et une validation pouvant contrevenir à une norme constitutionnelle, notamment l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatif au consentement de l'impôt. S'il advenait que soixante parlementaires défèrent ce texte devant le Conseil constitutionnel, je ne sais trop ce que celui-ci déciderait.

Ceci étant, nous comprenons bien le contexte dans lequel vous vous trouvez ainsi que les compagnies aériennes et les exploitants d'aéroports.

S'agissant de la création de la taxe d'aéroport, le groupe Démocratie libérale la juge pour le moins inopportune. Nous estimons en effet, même si vous annoncez une compensation par la redevance, qu'en définitive la taxe d'aéroport pèsera sur la gestion des compagnies aériennes. Ce n'est pas la première fois que je m'exprime clairement sur ce sujet : si j'estime que l'Etat ne doit pas posséder des compagnies aériennes, je considère qu'il doit assurer des missions régaliennes. Or l'Etat se défausse de ses missions régaliennes, justement dans le domaine où il devrait les assumer complètement par le biais du budget général.

Enfin, se pose un problème d'aménagement du territoire. Dans le projet initial, vous aviez défini, monsieur le ministre, cinq classes d'aérodromes pour fixer la nouvelle taxe d'aéroport. Au Sénat, vous avez redescendu la barre à trois et vous avez diminué les taux de la taxe. Un problème demeure pour les petits aéroports. Je comprends que le Sénat, sur proposition de sa commission des finances, ait voté un amendement de suppression. Pour ma part, je proposerai, dans un amendement, un taux unique.

Alors que nous serions enclins à voter ce texte, nous nous abstiendrons, car il se situe dans le cadre plus géné-r al d'une politique du transport aérien que nous n'approuvons pas, vous le savez, monsieur le ministre.

Je voudrais évoquer la situation de la compagnie Air France, en regrettant d'ailleurs au passage que la majorité plurielle ait refusé hier, à la commission des finances, la proposition que nous faisions de création d'une commission d'enquête sur cette situation.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ça ne concerne pas le Gouvernement.


page précédente page 10372page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. Dominique Bussereau.

Certes, mais nous vous reprochons, cordialement, d'avoir mal géré le conflit du printemps dernier. Je note d'ailleurs avec tristesse que, à la suite de ce conflit, les résultats nets d'Air France ont baissé de moitié par rapport à ce qui était prévu pour le premier semestre.

Je conteste également votre refus idéologique de privatisation d'Air France. Cette position n'est heureusement pas partagée par l'ensemble de la majorité, puisque le président Fabius a émis d'autres idées, et certains collègues socialistes commencent même à comprendre qu'une privatisation d'Air France serait souhaitable, voire nécessaire.

La compagnie annonce aujourd'hui, par la voix de son président, qu'elle doit renoncer à certains de ses investissements, et que le programme d'achat d'avions prévu ne sera pas réalisé, alors qu'il était indispensable pour son développement. Si Air France était privatisée, vous auriez l'argent qui vous manque, en tant qu'actionnaire principal, pour financer son développement.

En outre, je le répète parce que cela me paraît important, le statu quo, malgré la petite ouverture du capital annoncée ce matin par un décret au Journal officiel, empêche Air France de se lancer dans une politique d'alliances.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais non !

M. Dominique Bussereau.

D'ailleurs, Air France reconnaît, après avoir affirmé que sa politique de multialliances était une bonne chose, que le fait de ne pas être partie prenante au sein d'une grande alliance lui pose de réelles difficultés.

Autre point de désaccord de notre groupe avec votre politique en matière de transport aérien : Orly. Vous présentez un projet de déclin d'Orly, et ne revenez pas sur la position, d'ailleurs mauvaise, de M. Bosson qui avait consisté à bloquer de manière trop absolue le nombre de créneaux. Le conseil d'administration a été annulé au tout dernier moment à la demande du Gouvernement ce qui ne s'était jamais vu. Pour la première fois également dans l'histoire de l'entreprise, un membre du conseil d'administration d'Air France, d'ailleurs de vos amis, maire communiste d'une commune limitrophe d'Orly...

M. Robert Pandraud.

Ex-communiste !

M. Dominique Bussereau.

Peut-être, je ne connais pas tous les détails de l'évolution de cette formation politique.

(Sourires.)

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Dieu reconnaîtra les siens.

M. Dominique Bussereau.

Un membre du conseil d'administration, disais-je, fait mettre le Gouvernement en minorité sur un projet. Tout cela parce que votre projet initial - mais j'espère que vous allez y renoncer visait à faire d'Orly un sous-aéroport, et touchait, d'une certaine manière, la concurrence - AOM, Corsair et Air Liberté seraient très pénalisés.

En conclusion, étant en désaccord avec votre politique en matière de transport aérien - j'aurais pu évoquer beaucoup d'autres dossiers, mais ceux d'Air France et d'Orly sont déjà lourds - comprenant néanmoins votre souci de tenir compte de certaines difficultés juridiques, nous ne voterons pas contre ce texte, ce qui aurait été notre inclination naturelle, et nous nous abstiendrons.

M. Jacques Fleury.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Monsieur le ministre, le groupe socialiste votera conforme le projet de loi relatif à l'organisation de certains services au transport aérien.

Pour deux raisons : d'une part, vous l'avez souligné, il nous faut sortir d'une situation de blocage, et répondre à une urgence ; d'autre part, le Sénat, une fois n'est pas coutume, a proposé des amendements de bon sens. D'ailleurs il me paraîtrait particulièrement irresponsable ques oixante parlementaires défèrent ce texte devant le Conseil constitutionnel, car ils mettraient en difficulté bon nombre de gestionnaires d'aéroports.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.

Exactement !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Le principe de cette loi, monsieur le ministre, est la validation du transfert de l'exercice des missions de sécurité et de sûreté aux gestionnaires d'aéroports. Il s'agit là de fonctions régaliennes, et vous permettrez à la jacobine que je suis d'exprimer à ce propos certains regrets. Mais c'est dans l'air du temps.

M. Robert Pandraud.

Pas obligatoirement ! Vous avez raison.

Mme Martine Lignières-Cassou.

L'édifice relatif à l'organisation de ces services repose certes sur ce texte, mais aussi, comme l'ont rappelé un certain nombre de mes collègues, à commencer par notre rapporteur Jean-Jacques Filleul, sur trois amendements du projet de loi de finances pour 1999, amendements qui ont été déposés par le Gouvernement, adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale et repoussés par le Sénat. Je ne ferai pas de commentaire sur le vote du Sénat.

Le premier amendement permet la création d'une taxe d'aviation civile au profit de l'Etat se substituant à la taxe sécurité-sûreté et à la taxe de péréquation.

Le deuxième permet la création d'une taxe d'aéroport au profit des gestionnaires d'aéroports.

Le troisième transforme, dans le cadre d'un compte d'affectation spéciale, l'actuel fonds de péréquation des transports aériens en fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien.

Vous conviendrez, monsieur le ministre, que le dispositif est pour le moins complexe et astucieux. Le noeud du problème, c'est bien la structure de la taxe aéroportuaire.

P remière interrogation : pourquoi pas une taxe unique ? Nous notons que, sur cette question, les positions du Gouvernement évoluent. Les discussions en cours montrent votre volonté d'écoute à la fois des parlementaires et de l'ensemble des acteurs concernés. Cependant, monsieur le ministre, nous aimerions que vous apportiez des éclaircissements.

Vous vous êtes engagé à ce que sa création soit d'un coût nul pour l'ensemble des partenaires.

Coût nul pour les compagnies aériennes : mais que se passera-t-il lorsque le montant de la taxe aéroportuaire sera supérieur aux redevances aujourd'hui perçues par les gestionnaires d'aéroport ?

M. Alain Ferry.

Très bonne question !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Coût nul également pour les gestionnaires d'aéroport. Ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est la qualification de la taxe d'aéroport. Si cette taxe aéroportuaire est considérée comme un produit hors champ de TVA, cela aura des conséquences non négligeables pour les budgets des gestionnaires.

Cela soulèvera le problème du prorata de TVA et aura des répercussions sur la taxe sur les salaires.

M. Alain Ferry.

Très juste !


page précédente page 10373page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Mme Martine Lignières-Cassou.

Coût nul également pour les collectivités locales : or si le montant de la taxe aéroportuaire est inférieure à celui des redevances actuellement perçues, les gestionnaires d'aéroports devront, pour équilibrer leur budget de fonctionnement, faire appel aux collectivités territoriales. Il y aura alors des transferts de charges.

Il me semble que l'année 1999 doit être considérée comme expérimentale. Il nous faudra avancer avec prudence pour ne pas bouleverser les équilibres existants.

Votre objectif, et nous le partageons, est de conforter l'existence des petits aéroports, qui sont un outil indispensable de l'aménagement du territoire. Je suis l'élue d'un territoire où l'aéroport est de taille moyenne et est situé dans une région géographiquement isolée ; or, je peux vous assurer que, sans lui, la moitié des entreprises qui se trouvent à l'heure actuelle sur le sol béarnais n'y seraient pas.

Pour conforter l'existence de ces petits aéroports, vous proposez donc de créer un fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, dont les ressources proviendront de la taxe d'aviation civile : 10 % de la quotité pour l'année 1999.

Toutefois, quand nous décomposons le budget du FIATA, ligne par ligne, nous nous apercevons que, in fine, la ligne « soutien aux petits aéroports » s'élève pour 1999 à 15 millions de francs, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas un montant très élevé, même si cette somme ne concerne que le deuxième semestre de ladite année.

Comptez-vous, monsieur le ministre, et sous quelle forme, augmenter ce fonds dans les prochaines années si le besoin s'en fait sentir ? Pensez-vous changer la quotité au sein de la taxe d'aviation civile ? Selon quels critères l'intervention pour les petits aéroports se déclenchera-telle ? Quelle sera la composition du comité de gestion qui gérera le FIATA ? Permettra-t-elle un fonctionnement transparent ? Enfin, des dépenses d'investissement de l'Etat apparaissent dans le budget du FIATA. Pour l'année 1999, elles sont estimées à 50 millions de francs. Or, on trouve également dans le budget annexe de l'aviation civile une participation de l'Etat correspondant à ses missions régaliennes. Ne serait-il pas souhaitable, dans un souci de lisibilité de l'action publique, d'identifier dans un seul fonds l'ensemble des crédits correspondant à ces missions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Marsaudon.

M. Jean Marsaudon.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif à l'organisation de certains services au transport aérien.

Ce texte, au-delà de son strict contenu, soulève des interrogations sur le rôle de l'Etat en matière de transport aérien. La sphère étatique a manifestement un rôle de régulation, de prestataire de services publics, rôle qui répond à sa vocation régalienne, mais a de moins en moins un rôle d'intervenant. A mon sens, ce texte n'a de réelle portée que s'il s'accompagne d'un véritable travail de réflexion sur la place de l'Etat, sur ses missions, au regard des considérations de bon sens qui président à une juste appréhension des réalités économiques de notre temps.

Mais soulignons tout d'abord les avancées, incontestables, de ce projet de loi.

I l permet d'abord de clarifier des missions qui incombent aux gestionnaires d'aéroports, quels qu'ils soient : la lutte contre les incendies d'aéronefs, les opérations de sauvetage, la prévention du péril aviaire, l'organisation des visites de sûreté, c'est-à-dire le contrôle des personnes et des bagages afin de prévenir les actes de terrorisme.

Je tiens à souligner ici l'importance que revêt à nos yeux cette dernière mission qui n'est pour l'heure qu'insuffisamment remplie : seulement 25 % des bagages sont aujourd'hui contrôlés sur les plates-formes d'ADP. Un tel résultat n'est pas satisfaisant lorsque l'on sait les conséquences que peuvent avoir des actes de malveillance ou de terrorisme dans un aéroport ou dans un avion.

Ce texte permet également la validation législative exercice toujours délicat mais néanmoins indispensable de décisions administratives et fiscales censurées par le Conseil d'Etat.

La date d'effet de la validation des redevances aéroportuaires est d'ailleurs justement repoussée du 1er avril au 1er juillet 1999 pour qu'il soit tenu compte des délais de mise en place du nouveau dispositif. Une telle mesure était nécessaire.

I ndispensable, cette validation législative permettra d'assurer la continuité des prestations de sécurité aéroportuaire en évitant de faire supporter aux finances publiques un remboursement dont les estimations varient de 1,5 à 3 milliards de francs. C'est la moins mauvaise des solutions, même si elle constitue une solution a priori contestable sur le plan constitutionnel.

Ce texte permet enfin d'engager la réforme du mode de financement des services rendus au transport aérien, laquelle repose sur la création d'une taxe de l'aviation civile qui viendra se substituer aux taxes existantes, sur la transformation du fonds de péréquation des transports aériens en fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien et sur la création d'une taxe d'aéroport au profit des exploitants d'aérodromes et qui devrait se substituer à la fraction des redevances aéroportuaires justifiée par le financement de services d'intérêt général.

Deux questions, qui ne sont pas nouvelles et auxquelles vous répondrez probablement, monsieur le ministre, doivent être néanmoins soulevées.

Les tarifs de la nouvelle taxe d'aéroport ne seront-ils pas trop élevés ? Certains qualifient même cette taxe d'attentatoire à l'aménagement du territoire, domaine qui, bien que ne faisant pas partie de vos champs de compétences ministériels, vous concerne néanmoins lorsqu'il s'agit de répartir le trafic entre les différents aéroports parisiens.

Ne risque-t-on pas, ce faisant, de pénaliser certaines plates-formes aéroportuaires en les rendant peu compétitives, les confinant aux seconds rôles, pendant que certains grands aéroports, souvent situés en agglomération ou à proximité immédiate, sont en permanence proches de la saturation ? Certes, vous avez établi un sysème de péréquation par le biais du FIATA. Mais cela sera-t-il suffisant pour compenser la distorsion de concurrence produite par cette taxe ? Quid enfin de son acquittement par le seul transport aérien public de passagers ? Pourtant, les entreprises de fret bénéficient, au même titre que les compagnies de transport de passagers, des dépenses afférentes aux objectifs susvisés. De surcroît, nous savons que le fret aérien connaîtra dans les années à venir une croissance importante. Ce projet n'y gagnerait-il pas à englober cette activité, d'autant que certains aéroports la privilégient désormais ?


page précédente page 10374page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Ce texte est pour certains un mal nécessaire. Il n'en constitue pas moins un progrès qui en appelle d'autres.

Justifié, relativement approprié, bien qu'appelant quelques ajustements, le groupe du RPR soutiendra ce texte et le votera en l'état. Il le fera d'autant plus aisément qu'il répond à une attente commune et à une nécessaire adaptation. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Gilbert Biessy.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'organisation de certains services de transport aérien vise, d'une part, à confier aux gestionnaires d'aérodromes l'exécution des missions de sécurité incendie, de sauvetage, de lutte contre le péril aviaire, l'organisation des visites de sûreté, et, d'autre part, à valider par la voie législative les redevances jusqu'à présent perçues par l'Etat et par les exploitants d'aérodromes pour les services de sécurité et de sûreté aéroportuaires.

La nécessité s'est en effet imposée de traduire en droit une situation qui existe en fait et de consolider ainsi la pérennité et l'exécution de ces services de sécurité et de sûreté.

En outre, s'agissant de validation juridique des redevances perçues, on imagine l'imbroglio juridique et les difficultés financières dans lesquels se débattraient les gestionnaires d'aérodromes et l'Etat lui-même, si l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai dernier devait provoquer une cascade de procès au travers desquels les compagnies aériennes tenteraient d'obtenir le remboursement des redevances payées pour financer l'exécution des services de sécurité et de sûreté aéroportuaires.

Une telle situation se justifierait en droit, mais ses conséquences ne seraient pas pour autant acceptables. Du reste, même s'ils n'ont pas été financés correctement, ces services ont bel et bien été rendus, et les compagnies aériennes, comme les usagers, en ont bénéficié. C'est pourquoi nous approuvons les dispositions de l'article 2.

Il reste donc à prendre les mesures nécessaires pour respecter à l'avenir le principe, réaffirmé par le Conseil d'Etat, selon lequel les missions d'intérêt général « qui incombent, par nature, à l'Etat » ne peuvent pas être financées par des redevances, mais doivent l'être par l'impôt. Il en va notamment ainsi des services de sécurité incendie et de sauvetage.

En conséquence, le projet de loi de finances a prévu deux dispositions financières nouvelles : la création d'une taxe d'aéroport assise sur le nombre des passagers au profit des gestionnaires d'aérodromes et destinée à financer les dépenses de lutte contre les incendies et de sûreté ; la création d'une taxe de l'aviation civile au profit de l'Etat.

Le taux de la taxe d'aéroport, comprise dans une fourchette de huit à quatre-vingt-dix-neuf francs par passager au départ, devra être inversement proportionnelle au niveau du trafic, ce qui désavantagera les petits aéroports.

N'est-il pas préférable de modifier cette disposition et de prévoir un taux identique pour toutes les plates-formes aéroportuaires ?

M. Dominique Bussereau.

Très juste !

M. Gilbert Biessy.

Le groupe communiste et apparentés est favorable aux réformes engagées. Il a voté, en première lecture, en faveur de celles figurant dans le projet de loi de finances pour 1999. Il votera également pour le présent projet de loi.

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Monsieur le ministre, je vous indique que, à titre personnel, je voterai contre le projet de loi.

Je sais très bien que mon discours ne changera pas un vote dans cet hémicycle. Je ne me fais aucune illusion quant à la portée de ma position. D'autant que j'ai entendu mon collègue Marsaudon signaler que le groupe auquel nous appartenons tous les deux votera ce texte.

Cela dit, je le félicite d'avoir défendu avec brio un dossier que je persiste, quant à moi, à trouver très mauvais.

Quel est, monsieur le ministre, l'économie réelle de vos propositions en la matière ? Certes, le sujet est complexe.

Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Reconnaissez que vous nous obligez à procéder à une synthèse de plusieurs textes que vous présentez simultanément. Je sais bien que l'administration adore ce type de situation, mais je pense que vous auriez pu grandement simplifier cette opération.

L'utilisation du budget annexe et le recours à des amendements à la loi de finances afin d'instituer une taxe d'aviation civile et une taxe d'aéroport, passe encore. Du reste, cette technique des amendements, vous l'utilisez largement, ce qui vous permet d'éviter le passage devant le Conseil d'Etat. Je pense d'ailleurs que les fonctionnaires de la DGAC n'avaient nulle envie de se présenter devant cette haute juridiction où leur passé juridique les aurait rendus quelque peu « sulfureux ».

Mais, maintenant, vous nous présentez un projet relatif à l'organisation de certains services au transport aérien dont l'économie et la portée des mesures me paraissent violer allègrement, j'allais presque dire à la hussarde, les principes généraux du droit et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous exagérez !

M. Robert Pandraud.

Ne m'adressez pas de reproches, monsieur le ministre, d'autant que j'aurais plutôt tendance à vous féliciter sur ce point-là ! Pour respecter le temps qui m'est imparti, je présenterai trois observations schématiques.

D'abord, s'agissant de la validation législative, j'y ai toujours été opposé. Les observations que j'ai présentées depuis plus de dix ans à cette même tribune pourraient même me permettre d'intervenir en play back.

(Sourires.)

Mais là, nous avons battu les records : trois demandes de validation en vingt-quatre heures ! Hier, c'était pour les écoles vétérinaires : nous nous sommes aperçus que nous étions incapables de faire face à l'arrivée de 139 nouveaux élèves et qu'il fallait échelonner cette arrivée sur trois ans. De même, il nous était demandé de valider la réforme des structures du Quai d'Orsay, qui avait été annulée. Moi qui pensais naïvement que les jurisconsultes du Quai d'Orsay étaient, en raison de leur qualité, des exemples pour le monde entier ! Aujourd'hui, c'est vous, monsieur le ministre, qui nous proposez une nouvelle validation. Cela fait tout de même beaucoup ! Je ne suis ni naïf ni angélique et je sais bien que tous les gouvernements procèdent ainsi. Durant les premiers mois de leur mandat, ils commencent par regretter d'avoir à procéder à la nécessaire validation d'actes juridiques passés par leurs prédécesseurs. Puis, si Dieu ou la Constitution ou le suffrage universel leur prête vie, ils en arrivent à nous faire valider leurs propres erreurs ! Mieux encore, vous en êtes arrivés à un nouveau stade, celui des


page précédente page 10375page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

validations préventives ! Avouez que ça n'est pas mal ! Par peur d'une décision judiciaire contraire, on fait valider préventivement une disposition ! Il est vrai que vous allez me rétorquer que la loi est supérieure à toutes les jurisprudences et que ni le Conseil d'Etat ni la Cour de cassation ne sont infaillibles, j'en suis bien d'accord. Toutefois, je ne pense pas qu'il soit logique de procéder ainsi, même si c'est pour l'avenir.

Déjà la régularisation, en dehors de celle prévue par la jurisprudence du Conseil d'Etat pour des motifs d'intérêt général, me paraît être une monstruosité juridique. Mais vous, vous faites encore plus fort : vous nous demandez de valider un acte administratif inconstitutionnel ! Vous devriez vous réjouir que la modification de la C onstitution voulue par l'ancien Président de la République et qui aurait permis de saisir le Conseil d'Etat par voie d'exception n'ait pas été votée, nous avions d'ailleurs contribué à ce rejet. Vous faites le pari - je crois d'ailleurs que, comme vous l'avez dit au Sénat, vous allez le gagner, et le débat actuel doit vous conforter dans cette idée - qu'aucun recours sera intenté devant le Conseil constitutionnel contre votre texte. Méfiez-vous tout de même, car je vous signale qu'il est toujours possible aux présidents de nos assemblées et au Président de la République de former un recours. Je pense que vous avez des garanties de ce côté-là, mais on n'est jamais à l'abri de toute aventure ou de toute « malaventure » ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je vous laisse la responsabilité de vos propos !

M. Robert Pandraud.

N'avez-vous pas pensé - l'imagination juridique n'ayant pas de limite - qu'un assujetti à ces taxes diverses puisse trouver une procédure lui permettant d'accéder à la Cour européenne de justice, au nom de je ne sais quelle distorsion de concurrence ? Et là, vous le savez bien monsieur le ministre, on ne maîtrise plus rien : les jurisprudences évolutives de cette cour font craindre tous le dangers. D'ailleurs, des avocats européens ont fait leur fonds de commerce de ces dépôts devant la Cour européenne de justice. Mais ce n'est pas notre faute, ni la vôtre d'ailleurs - j'en conviens -, si nous sommes arrivés à cette situation.

Troisième observation : votre projet est sous-tendu par une philosophie, selon laquelle l'Etat peut sous-traiter le financement de certaines activités régaliennes avec les usagers. Là non plus, je ne sais où vous allez vous arrêter.

Allez-vous demander aux sociétés d'autoroutes de payer les forces de police et de gendarmerie qui contrôlent la circulation routière ? Allez-vous demander aux habitants de tel ou tel de nos quartiers de contribuer aux dépenses des îlotiers ? Oui à des redevances pour rémunérer des services rendus, mais non à des coûts liés à des missions d'intérêt général ! Telle est ma position. Je croyais que c'était aussi celle de tout gouvernement de la République.

Monsieur le ministre, ne voyez-vous pas là comme une annonce de la privatisation des actions de sécurité ? Je me permettrai de vous donner un conseil : pensez toujours aux conséquences, mêmes lointaines, que peuvent avoir certains textes ! Votre projet est un monstre juridique, je le répète, et il institue un précédent dangereux. Je voterai donc contre, persuadé qu'un autre jour vous regretterez de l'avoir fait voter et qu'un jour, pas si lointain, nombre de nos collègues regretteront de ne pas m'avoir suivi.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous dire combien j'ai apprécié la qualité de votre rapport ainsi que la mesure et la sagesse des questions posées.

En ce qui concerne le BAAC, j'ai demandé au directeur de l'aviation civile d'améliorer, pour le projet de loi de finances pour 2000, le rapport déposé au Parlement.

Le montant des taxes d'aéroport fera l'objet d'un chapitre supplémentaire dans ce rapport, de manière que la représentation nationale soit pleinement informée. Plusieurs d'entre vous ont en effet souhaité connaître plus précisément le produit et la répartition de ces taxes.

Je tiens à remercier les députés qui ont estimé, tout en émettant certaines réserves, que le texte était nécessaire si l'on voulait éviter tout blocage de la situation. A ce sujet, je vous dirai quelques mots à la fin de mon intervention, monsieur Pandraud.

J'apporterai d'ores et déjà des éléments de réponse à certaines questions.

Monsieur Bussereau, j'ai bien compris votre proposition : vous êtes pour la privatisation d'Air France et, dans la même logique, vous ne souhaitez pas le développement des deux grands aéroports de la région parisienne, celui de Roissy et celui d'Orly...

M. Dominique Bussereau.

C'est l'inverse ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous considérez qu'Air France ne devrait pas être à même, toujours dans la même logique, de se développer.

M. Dominique Bussereau.

Vous avez mal entendu !

M. Jean Marsaudon.

Ce n'est pas ce qu'a dit M. Bussereau ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je sais que ce n'est pas exactement ce qu'a dit

M. Bussereau, mais je vais jusqu'au bout de sa logique.

M. Dominique Bussereau.

Vous ne m'avez pas écouté, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur Bussereau, je vous connais et je sais que vous êtes systématiquement, par dogmatisme, pour la privatisation. Vous ne changez pas ! Comme vous l'avez rappelé, le décret pour l'ouverture du capital d'Air France a été pris. Mais vous l'écartez d'une pichenette, en affirmant qu'il ne représente rien car il ne concerne que 20 % du capital. Je vous informe qu'à l'issue du conflit un accord a été passé entre la direction et les pilotes et qu'un échange entre salaires et actions est possible. D'autres avant nous avaient tenté d'y parvenir, mais ils n'avaient pas réussi.

J'ajoute que l'accord prévoit même une procédure qui permet d'éviter que les conflits n'éclatent et que la grève ne soit le point de départ du dialogue, alors qu'elle doit être, comme je le pense, l'arme ultime.

M. Robert Pandraud.

C'est l'association capital-travail ! (Sourires.)

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

On peut dire ce qu'on veut, mais cela illustre le dialogue social qui s'est engagé, qu'il s'agisse des investissements, de la politique de l'emploi ou de la politique d'alliance.

Air France est la compagnie aérienne qui a le plus d'alliances : vingt-neuf.


page précédente page 10376page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. Dominique Bussereau.

C'est trop ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Et elle va encore les développer. N'avons-nous pas réussi à obtenir ce que vous n'avez pas pu obtenir : un accord avec les Etats-Unis ? Il ne s'agit pas d'un accord à ciel ouvert, allant dans le sens de l'ultralibéralisme que vous souhaitez, mais d'un accord mutuell ement avantageux : chaque fois que les Etats-Unis gagnent une fréquence, nous en gagnons une aux EtatsUnis. Cela nous assure d'avoir 15 % de trafic supplémentaire dès 1999.

En outre, nous avons aménagé à Roissy des pistes supplémentaires qui viendront encore renforcer nos capacités.

La compagnie va de plus acheter des avions, investir, s'équiper.

M. Dominique Bussereau.

Moins que prévu ! Ce pourrait être mieux ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

On dirait que cette situation nouvelle vous gêne ! Je vous rappelle qu'il y avait eu 9 000 suppressions d'emplois depuis 1993 et que l'on déplorait plutôt des déficits et des déséquilibres financiers alors que des efforts importants avaient été consentis et par l'Etat et par le personnel depuis plusieurs années ! Nous sommes maintenant dans une situation plutôt favorable et il me semble important de le souligner.

Vous considérez comme inopportune la création d'une taxe d'aéroport. Vous redoutez même qu'elle ne pèse sur la gestion des compagnies.

Après le rapporteur, je rappellerai que cette taxe d'aéroport est neutre puisqu'elle se substitue à des redevances et qu'elle est indispensable pour éviter le blocage des services d'incendie et de secours des aéroports.

Madame Lignières-Cassou, vous souhaitez que le dispositif prévu pour 1999 soit en quelque sorte expérimental. Je peux vous répondre que, à l'issue d'une année de fonctionnement, nous procéderons, notamment avec les élus, à l'évaluation de ce qui devra éventuellement être amélioré dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000.

Monsieur Marsaudon, je vous remercie de considérer que, malgré les remarques que l'on peut formuler, le texte qui vous est soumis est indispensable et qu'il faut le voter. Les sénateurs ont d'ailleurs, dans toutes leurs composantes, adopté la même attitude. Je dis cela pour M. Pandraud qui, dans l'exagération de son propos, ne s'est pas rendu compte qu'il disait surtout du mal de ceux qui avaient approuvé ce texte, y compris ceux de sa propre sensibilité.

Monsieur Pandraud, soyez aussi attentif à vos amis !

M. Jean Marsaudon.

M. Pandraud est libre !

M. Robert Pandraud.

Oui, je suis libre et indépendant ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il est libre. Soit ! Mais comme les particules élémentaires de la matière. (Sourires.)

M. Robert Pandraud. On a quelquefois raison d'être isolé ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Bien sûr ! Monsieur Marsaudon, vous avez affirmé que 25 % seulement des bagages étaient contrôlés aux aéroports de Paris.

M. Jean Marsaudon. Mais c'est vrai ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Chacun conviendra que le contrôle des explosifs est beaucoup plus complexe que celui des armes. Dès que les premiers appareils de détection sont apparus, ilso nt été vérifiés et leur installation a rapidement commencé elle a même été engagée à marche forcée.

Dans quatre ans, nous aurons couvert progressivement tous les besoins. Aujourd'hui, nous sommes les seconds en Europe, et parmi les meilleurs du monde.

M. Jean Marsaudon. A cet égard, on ne vous adresse aucun reproche ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Madame Lignières-Casson, vous vous êtes également interrogée sur la neutralité financière du dispositif.

Pour les compagnies aériennes, le Gouvernement va fixer le plafond de la taxe d'aéroport à cinquante francs.

Les redevances seront alors toujours supérieures à la taxe.

P our les gestionnaires d'aéroports, à l'issue de l'année 1999, des modifications pourraient être opérées si nécessaire en fonction de la part réelle de leur masse salariale qui serait assujettie à la taxe sur les salaires du fait de ce nouveau financement.

Pour les collectivités locales, enfin, la réduction du nombre de classes à trois et la baisse du plafond de la taxe à cinquante francs rendent le dispositif encore plus favorable aux petits aéroports et aux collectivités locales qui les soutiennent.

C oncernant les dépenses de sécurité inscrites au FIATA, il s'agit d'acquérir les véhicules de lutte contre l'incendie, qui étaient jusque-là financés sur le budget annexe par la redevance.

Quant à l'inscription au FIATA des autres dépenses de sûreté, je retiens la proposition selon laquelle la question devrait être réglée à la faveur de la préparation du projet de loi de finances pour 2000. Cela sera de nature à améliorer la lisibilité du dispositif.

M. Biessy m'a interrogé sur le nombre de classes des aéroports. Il s'est demandé si une classe unique ne serait pas préférable.

Nous avons examiné le sujet de près, et réduit la proposition initiale en ramenant à trois le nombre de classes.

Ainsi, pour les plus petits aéroports inclus dans la troisième classe, la taxe sera comprise dans une fourchette allant de 17 à 50 francs, soit une diminution substantielle à la fois du plancher et du plafond. Les aéroports accueillant moins de 50 000 passagers devraient percevoir en moyenne 80 francs par passager de subventions au titre de la péréquation, ce qui permettrait de réduire les charges supportées directement par les passagers de ces aéroports ou par les collectivités locales qui les soutiennent.

Monsieur Pandraud, je vous l'ai dit, il est impossible de garantir qu'aucun recours, de quelque type qu'il soit, ne pourra aboutir. Le Conseil d'Etat vient d'annuler un dispositif qui existe depuis longtemps. Cette annulation peut placer les aéroports dans une situation de réelle difficulté - plusieurs milliards sont en jeu - si l'on ne prend pas les mesures prévues dans le texte qui vous est soumis.

Cela vous explique pourquoi l'unanimité s'est faite au Sénat. J'espère qu'elle se fera également dans cette assemblée peut-être sous réserve d'une abstention ici ou là.

Il ne s'agit pas de faire un tour de passe-passe, mais de créer les conditions qui permettent de sortir d'une difficulté née d'une décision, qu'il faut respecter, du Conseil d'Etat.


page précédente page 10377page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. Robert Pandraud.

Il faut en effet la respecter ! Tout le problème est là ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les députés, je souhaite que le projet de loi soit adopté par le Parlement.

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

Je vais maintenant appeler, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi qui font l'objet d'amendements.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er Le livre II du code de l'aviation civile (première partie : Législative) est ainsi modifié :

« I. Il est ajouté, au chapitre III du titre Ier , un article L. 213-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 213-3 Les aérodromes assurent, suivant des normes techniques définies par l'autorité administrative, le sauvetage et la lutte contre les incendies d'aéronefs, ainsi que la prévention du péril aviaire. Ils participent à l'organisation des visites de sûreté dans les conditions prévues au b de l'article L. 282-8.

« Sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police mentionnés à l'article L. 213-2, l'exploitant d'aérodrome assure l'exécution des services en cause. Il peut faire assurer celle-ci, en vertu d'une convention, par le service départemental d'incendie et de secours, par l'autorité militaire ou par un organisme agréé dans les conditions fixées par décret. »

« II. Le premier alinéa de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile est ainsi rédigé :

« Il est chargé d'aménager, d'exploiter et de développer l'ensemble des installations de transport civil aérien ayant leur centre dans la région Ile-de-France, ainsi que toutes intallations annexes qui ont pour objet de faciliter l'arrivée et le départ des aéronefs, d'assurer un service de sauvetage et de lutte contre l'incendie des aéronefs et de prévention du péril aviaire, de guider la navigation, de participer à l'organisation des visites de sûreté dans les conditions prévues par le b de l'article L. 282-8, d'assurer l'embarquement, le débarquement et l'acheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transportés par air. »

Je suis saisi de trois amendements nos 4, 2 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 4, présenté par M. Deprez, est ainsi rédigé :

« A la fin de la dernière phrase du dernier alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "un organisme agréé dans les conditions fixées par décret", les mots : "des entreprises liées par un contrat de prestation de services". »

L'amendement no 2, présenté par M. Proriol et M. Bussereau, est ainsi rédigé :

« A la fin de la dernière phrase du dernier alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "un organisme agréé dans les conditions fixées par décret", les mots : "des entreprises liées par contrat de louage de services". »

L'amendement no 1, présenté par MM. Delnatte, Michel Bouvard et Demange, est ainsi rédigé :

« A la fin de la dernière phrase du dernier alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "un organisme agréé dans les conditions fixées par décret", les mots : "une entreprise liée par un contrat de louage de services". »

Monsieur Bussereau, acceptez-vous de soutenir l'amendement no 4 de M. Deprez en même temps que le vôtre, ces deux amendements procédant du même esprit.

M. Dominique Bussereau.

C'est entendu, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau, pour soutenir les amendements nos 4 et 2.

M. Dominique Bussereau.

Ces amendements procèdent, en effet, du même esprit.

Je me réjouis que le conflit qui durait à l'aéroport de Strasbourg se soit heureusement terminé cet après-midi.

Les sociétés privées, ça finit toujours par marcher, monsieur Gayssot, car les gens y ont le sens de leurs responsabilités ! (Sourires.)

Pourquoi avons-nous déposé de tels amendements ? Parce que le nouvel article du code d'aviation civile que vous proposez fonde en droit l'existence de services chargés de la sécurité-incendie-sauvetage et de la lutte contre le péril aviaire sur les aérodromes. Il dresse également la liste des autorités qui en assurent l'exécution : l'exploitant d'aérodrome lui-même, le service départemental d'incendie et de secours, l'autorité militaire - on a mesuré son utilité l'autre jour en Corse - ou un organisme agréé.

Or à ce jour, deux aéroports à vocation internationale, celui de Strasbourg et celui de Bordeaux, que je connais mieux, sous-traitent leur service chargé de la sécuritéincendie-sauvetage à des sociétés de services sans que celles-ci aient fait l'objet d'un agrément dans la mesure où c'est votre administration, monsieur le ministre, qui agrée les agents eux-mêmes.

Une solution de cette nature ne peut donc être écartée.

En effet, les sociétés de services sont utiles : les contrôles de sûreté dans les aéroports, par exemple, ne pourraient être assurés par les seuls moyens de la DICCILEC.

Le projet de loi ne peut en conséquence exclure le louage de personnes.

Inversement, le maintien de la restriction et de l'incertitude des modalités d'application, renvoyées à un décret ultérieur, placerait les aérodromes concernés dans l'illégalité dès que votre loi serait promulguée, ce qui pourrait provoquer des difficultés matérielles et sociales.

Ainsi que l'a rappelé justement M. Pandraud, votre texte est déjà placé sous l'éventualité d'une sanction du C onseil constitutionnel. Je ne serai pas l'un des

« soixante », monsieur le ministre, car j'ai le sens de l'intérêt général, de l'intérêt public, alors même que nos conceptions divergent. Mais je pense qu'il n'est pas utile d'ajouter un risque supplémentaire.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour défendre l'amendement no

1.

M. Patrick Delnatte.

Monsieur le ministre, vous avez toujours exprimé le souci d'éviter l'incertitude juridique.

La précision que tend à introduire l'amendement no 1 permettrait d'éviter des situations de blocage, en particulier dans les deux grands aéroports qui ont été cités.

Adopter cet amendement serait donc la sagesse.


page précédente page 10378page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

On a évoqué l'urgence. Quant à moi, je soutiens que l'urgence ne doit pas nous empêcher de légiférer d'une façon qui soit suffisamment sûre. Il importe de trouver des modalités permettant d'assurer la continuité du service dans ces aéroports.

M. Jean Marsaudon.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.

Le projet de loi, tel qu'il a été adopté par le Sénat le 10 novembre dernier, prévoit en son article 1er que l'exploitant d'un aérodrome peut faire assurer l'exécution du service de sécuritéincendie-sauvetage « en vertu d'une convention [...] par u n organisme agréé dans les conditions fixées par décret ». Il reconnaît donc la possibilité de sous-traiter l'exécution de ce service par une société privée.

Les trois amendements déposés visent à qualifier la convention prévue de louage de services ou de prestation de services et ont pour effet de supprimer l'agrément des sociétés privées exécutant le service public. La commission les a repoussés pour deux raisons.

D'une part, le contrat passé entre le gestionnaire de l'aéroport et la société privée ne peut concerner que du louage de services. Le préciser dans la loi paraît donc superfétatoire.

D'autre part, il est absolument nécessaire de prévoir une procédure d'agrément pour s'assurer que la société privée à laquelle l'exécution du service public a été confiée remplit les conditions indispensables en matière de lutte contre l'incendie et de sauvetage des victimes é ventuelles. Refuser cette procédure présenterait des risques pour un service de sécurité essentiel au fonctionnement des aérodromes et des aéroports.

Je demande à l'Assemblée de repousser à son tour ces amendements. Je précise cependant que, pour ce qui concerne les aéroports de Strasbourg et de Bordeaux, les deux sociétés concernées devront bénéficier d'un agrément provisoire avant la parution du décret ministériel, de manière qu'ils puissent fonctionner. Les inquiétudes des auteurs des amendements seront ainsi vite apaisées.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ma position est identique à celle de M. le rapporteur : défavorable.

Dans le souci d'assurer la continuité du service pour les aéroports de Strasbourg et de Bordeaux, seuls aérodromes où le service sécurité-incendie-sauvetage est assuré en totalité ou en partie par une société de services, je confirme qu'un décret de mise en conformité avec la nouvelle réglementation sera pris à titre transitoire, dès la promulgation de la loi.

Voilà qui répond à la crainte qui a été exprimée.

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud, pour répondre au Gouvernement.

M. Robert Pandraud.

Je comprends votre idée, monsieur le ministre. Il est vrai que vous connaîtrez une période intermédiaire qui, sur le plan juridique, sera quelque peu incertaine.

Mais pourquoi ne pas introduire la précision qui nous est proposée ? Le droit commun est fixé par les décrets, et en l'occurrence rien ne pourra être valablement fait avant la parution du décret.

Il me semble superfétatoire d'écrire « dans les conditions fixé par décret ».

En acceptant de tels amendements, vous contenteriez tout le monde et vous recueilleriez l'unanimité de cette assemblée. De plus, ce serait juridiquement plus correct.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président.

L'article 2 ne fait l'objet d'aucun amendement.

J'en donne lecture :

« Art. 2. - I. - Sont validées, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, et pour une période qui prendra fin au plus tard le 1er juillet 1999, les décisions des exploitants d'aérodromes antérieures à la présente loi et fixant les taux des redevances aéroportuaires en application des dispositions des articles R. 224-1, R. 224-2 et R. 224-3 du code de l'aviation civile, en tant que leur légalité serait contestée au motif que la base de calcul comprend des dépenses en matière de personnel, de fonctionnement, d'équipement, d'aménagement et d'entretien relatives aux missions de sécurité-incendie-sauvetage des aéronefs, de lutte contre le péril aviaire, de protection de l'environnement, de contrôles transfrontières ainsi qu'aux visites de sûreté prévues au b de l'article L. 282-8 du code de l'aviation civile.

« II. - Sont validés, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les titres de perception émis au titre de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne prévue à l'article R. 134-4 du code de l'aviation civile, en tant que leur régularité serait contestée par le motif que les arrêtés du ministre chargé des transports et du ministre chargé du budget du 21 février 1996, du 16 avril 1996, du 16 décembre 1996 modifié le 14 janvier 1997 et du 16 décembre 1997, sur le fondement desquels ils ont été pris, intègrent dans leur base de calcul des dépenses qui ne peuvent être financées par redevances. »

Après l'article 2

M. le président.

M. Proriol et M. Bussereau ont présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« La taxe d'aéroport instituée par l'article 85 du projet de loi de finances pour 1999, qui prévoit la création au chapitre VII du titre II du livre Ier du code général des impôts d'un article 302 bis -O K, est affectée d'un taux identique sur tous les aéroports. »

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Je serai bref, puisque la question de la taxe d'aéroport a déjà été évoquée par l'ensemble des orateurs, le ministre et le rapporteur.

Monsieur le ministre, je ne suis pas convaincu par la réduction de cinq à trois du nombre de classes de la taxe d'aéroport, même si c'est mieux. De plus, les taux ont été


page précédente page 10379page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

modifiés. Je continue, pour ma part, à de défendre l'idée d'une taxe unique. C'est la raison pour laquelle je propose cet article additionnel qui aurait, certes, pu s'intégrer en deuxième lecture dans le projet de loi de finances.

Nous sommes échaudés par la politique globale du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.

Les élus ruraux de la France des provinces ont en effet le sentiment que le Gouvernement ne s'intéresse qu'aux grandes villes. On nous annonce déjà une réforme de la carte scolaire, la suppression de nos gendarmeries, de nos commissariats, des bureaux de poste, de nouvelles dispositions pour les écoles et voilà que l'on nous propose un système visant à favoriser les grandes plates-formes aéroportuaires par rapport aux petites où le trafic sera plus cher qu'ailleurs. Il en résultera malheureusement un mouvement de concentration et de « déménagement » du territoire. La politique d'aménagement du territoire du Gouvernement est uniquement au service des très grandes villes et des banlieues au détriment du reste de la France.

C'est pourquoi je présente cet amendement, tout en ne me faisant guère d'illusion sur le sort qui lui sera réservé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement, mais je crois qu'elle l'aurait repoussé,...

M. Dominique Bussereau.

Je le crois aussi ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.

... car il n'a pas sa place dans ce texte de loi. Je souhaite donc que vous le retiriez, monsieur Bussereau, sinon j'en demanderai le rejet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je vous ferai d'abord remarquer, monsieur Bussereau, que c'est justement parce que j'ai le souci de répondre à la demande des compagnies régionales, dont les appareils doivent pouvoir se poser à Orly, que j'ai proposé la modification que vous avez évoquée. Le Gouvernement se préoccupe donc des aéroports de province, mais il est défavorable à votre amendement.

M. le président.

Monsieur Bussereau, répondrez-vous à l'appel de la commission ?

M. Dominique Bussereau.

Non, monsieur le président, je maintiens mon amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président.

A la demande du Gouvernement, je vais maintenant suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président.

La séance est reprise.

3

DIVERSES MESURES RELATIVES A LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses mesures relatives à la sécurité routière (nos 825, 1153).

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je me présente aujourd'hui devant vous avec un projet de loi que le Sénat a adopté à l'unanimité, après l'avoir enrichi.

J'avais dit à l'époque, avant que la discussion ne commence au Sénat, que je n'étais fermé à aucune proposition constructive et j'ai tenu parole. Je dois vous dire que je suis aujourd'hui dans le même état d'esprit. J'aurais bien évidement souhaité que l'Assemblée nationale soit saisie plus tôt de ce projet de loi adopté par le Sénat le 7 avril dernier. Croyez bien, mesdames, messieurs les députés, que le Gouvernement est fermement décidé à avancer rapidement dans la programmation des prochaines étapes parlementaires de ce texte.

Depuis le 7 avril, plus de 5 000 personnes ont été tuées sur les routes de France et plus de 90 000 ont été blessées, dont une grande proportion grièvement. Le bilan de l'insécurité routière s'alourdit un peu plus c haque jour : 8 282 tués d'octobre 1997 à septembre 1998. Personne ne peut rester insensible à ces chiffres. Vous le savez, c'est beaucoup plus que dans d'autres pays européens. Le risque d'être tué sur nos routes est en effet deux fois plus élevé qu'au RoyaumeUni ou dans les pays scandinaves. Chaque jour, plus de vingt-deux personnes trouvent la mort sur nos routes.

Près de 460 sont blessées, dont une certaine gravement atteintes, voire handicapées pour le restant de leurs jours.

Mesure-t-on toute la souffrance qu'il y a derrière la sécheresse des chiffres ? Tout à l'heure, j'ai rencontré les représentants d'une association, la Ligue contre la violence routière. Lors de la discussion que j'ai eue avec eux - il y avait beaucoup de dames - une personne a souligné que la question se posait aussi en termes de droits de l'homme pour ceux qui roulent sur la route.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Très juste ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Il est vrai que depuis 1972, grâce à toutes les mesures qui ont été prises pour renforcer la sécurité routière, le nombre de morts sur les routes est passé de 16 000 environ à 8 000 par an, alors que le trafic a doublé dans le même temps. Mais depuis quelques années les chiffres se stabilisent autour de 8 000 tués par an, comme si une fatalité empêchait de descendre sous ce seuil, et auraient même tendance à remonter à nouveau.


page précédente page 10380page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Face à cette situation, le risque qu'une certaine résignation ne s'installe est réél. On ne peut l'accepter.

L'insécurité routière n'est pas une fatalité et je pense que bon nombre des accidents de la route peuvent être évités. Avec ce projet de loi qui s'inscrit dans les décisions du dernier comité interministériel de la sécurité routière, le Gouvernement souhaite provoquer le sursaut nécessaire.

Vous rappellerai-je que ce sont les jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans qui sont les principales victimes ? Ils représentent 10 % de la population française mais plus de 20 % des morts sur la route. L'insécurité routière est la première cause de mortalité des jeunes.

Dès son entrée en fonction, le Gouvernement a pris la mesure de ce véritablé fléau national, et le conseil des ministres du 25 juin 1997 a décidé, à ma demande, de réunir un comité interministériel de la sécurité routière

Ce comité a défini un objectif : diviser par deux le nombre de morts au terme des cinq années à venir. C'est un objectif très ambitieux. Il ne sera atteint que si, tous ensemble, nous conjuguons nos efforts. L'Etat, seul, est impuissant : il faut la mobilisation des communes, des départements, des entreprises et de chaque citoyen pour relever ce défi.

Les associations des familles des victimes, aux premiers rangs d'un combat juste et digne, sont aujourd'hui relayées par l'opinion publique dans son ensemble, qui n'admet plus la fatalité des accidents.

Chacun connaît d'ailleurs, dans sa famille ou son entourage, les souffrances terribles qu'ils génèrent. A nous de montrer que chacun, en faisant un peu pour la sécurité routière, peut beaucoup contre l'insécurité routière constatée aujourd'hui. La mobilisation de l'opinion peut être d'autant plus forte que la plupart des accidents se produisent tout près du domicile des victimes, sur des trajets familiers souvent empruntés.

Chaque catégorie d'usagers exprime des préoccupations propres en matière de sécurité routière.

Les chauffeurs routiers demandent un respect plus rigoureux des conditions de travail et de circulation, qui sont essentielles pour leur sécurité et celle des autres usagers.

L es automobilistes prennent progressivement conscience que la pratique de la conduite automobile n'est pas innée, qu'elle exige non seulement un apprentissage sérieux, mais aussi une formation permanente. Certaines entreprises et administrations commencent d'aill eurs à mettre en place des plans de prévention spécifiques aux risques routiers, car plus de la moitié des tués par accident du travail sont des victimes d'accidents de la route lors des trajets domicile-travail ou lors de missions dans le cadre des activités professionnelles.

Les utilisateurs de deux-roues, motorisés ou non, soucieux de la qualité de la vie dans nos villes et de la sécurité des déplacements, sont devenus des partenaires des pouvoirs publics, notamment dans l'établissement des plans de déplacements urbains. Ils exigent de plus en plus une « conduite apaisée » et la « cohabitation » harmonieuse des différentes catégories d'usagers.

Enfin, il ne faut pas oublier les piétons, que nous sommes tous à un moment ou à un autre, usagers vulnérables qui aspirent à une approche renouvelée des politiques de circulation en ville, prenant en compte un meilleur équilibre entre les différents modes de déplacement.

L'Etat, régulateur de la vie sociale, se doit de répondre à ces attentes, et il ne peut le faire qu'en développant une politique novatrice, dynamique et audacieuse.

Il faut également, je l'ai dit, solliciter l'ensemble des acteurs sociaux : les services de l'Etat, bien sûr, mais aussi les associations, les entreprises, les collectivités territoriales, les sociétés d'assurance, les constructeurs d'automobiles, afin qu'ils s'engagent, chacun dans son secteur, pour faire progresser la sécurité de tous.

La conduite est certes un acte individuel, mais c'est aussi un acte social. Le respect de l'autre et la liberté d'aller et venir en sécurité impliquent des règles simples, claires. Elles doivent être expliquées, partagées et appliquées.

C'est pourquoi la démarche du Gouvernement est d'abord et avant tout une démarche de prévention et d'action sur les comportements. La quasi-totalité des mesures décidées au dernier comité interministériel de la sécurité routière sont d'ailleurs destinées à développer la prévention, tout comme la plupart de celles contenues dans le texte que je vous présente. Ce texte comporte également des sanctions, qui se doivent d'être dissuasives, car il faut dissuader les automobilistes des comportements à risques pour eux et pour les autres usagers de la route.

Le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation regroupe six mesures nécessaires pour lutter efficacement contre l'insécurité routière. Avant de les détailler, je souhaite rappeler que ces six mesures d'ordre législatif s'inscrivent dans un dispositif plus global de vingt-cinq mesures décidées par le comité interministériel de la sécurité routière du 26 novembre 1997 et qui se mettent progressivement en place.

La première priorité du Gouvernement est de sensibiliser et de former tout au long de la vie. Pour cela, il faut s'adresser d'abord aux plus jeunes dès le début de l'apprentissage de la vie.

M. Alain Ferry.

Tout à fait ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Des actions de formation sont actuellement préparées en étroite concertation avec mes collègues Claude Allègre, Ségolène Royal et Michèle Demessine.

Nous avons la volonté que la sécurité routière soit systématiquement prise en compte dans l'éducation des enfants et nous veillons à ce que des outils appropriés soient mis à la disposition des enseignants. L'école primaire et le collège doivent être des lieux naturels de formation à un bon usage de la route. Des enseignants s'acquittent déjà remarquablement de cette tâche, il convient de généraliser leurs pratiques.

Le Gouvernement travaille aussi à mieux former les nouveaux conducteurs. Des rendez-vous d'évaluation et de formation commencent à se mettre en place pour les conducteurs novices volontaires.

Pour tous les conducteurs expérimentés volontaires, un rendez-vous de perfectionnement, qui s'inscrit dans le cadre d'une formation continue, dix ans après l'obtention du permis de conduire, sera proposé dans plusieurs départements dès le début de l'année prochaine.

En parallèle à ces actions, des mesures spécifiques aux deux-roues sont mises en oeuvre.

Les cyclomoteurs seront progressivement immatriculés, ce qui permettra de lutter plus efficacement contre les manipulations des moteurs, autrement dit le débridage, qui peut être une cause d'excès de vitesse.


page précédente page 10381page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

La sécurité des cyclistes fait l'objet d'une réflexion des acteurs concernés au sein d'un comité national, qui a donné lieu à une première série de mesures figurant dans un décret récent, signé le 14 septembre. Citons, en particulier, l'instauration d'un sas pour les vélos avant les feux de signalisation et l'augmentation de la distance minimum autorisée entre un véhicule et un cycliste sur route de rase campagne, qui est passée de un mètre à un 1,50 mètre.

Un concours a été lancé pour mettre au point de nouvelles glissières de sécurité moins dangereuses pour les motards en cas de chute. Un programme d'équipement sera lancé dès l'an prochain, d'abord pour les sections les plus dangereuses sur les routes nationales. Je sais que les collectivités locales partagent les mêmes préoccupations et ont la même volonté de progresser.

En ce qui concerne maintenant les infrastructures, il a été décidé qu'un audit de sécurité devait être mis en place sur les futurs projets routiers. J'ai pris les dispositions nécessaires pour que l'Etat engage rapidement cette démarche sur le réseau national. Dès la seconde moitié de 1999, le contrôle de sécurité sur les projets routiers de l'Etat sera systématisé à chaque visite avant mise en service.

Mesdames et messieurs les députés, je compte également beaucoup sur les actions locales de sécurité routière, qui sont très importantes pour atteindre les objectifs que le Gouvernement s'est fixés. Je sais le dynamisme et la détermination de tous ceux qui oeuvrent sur le terrain en ce domaine.

J'ai décidé de relancer la dynamique de partenariat et de travailler étroitement avec les départements qui se sont portés volontaires pour associer davantage l'ensemble des acteurs à la politique de sécurité routière, à partir d'anal yses précises des caractéristiques de l'accidentologie locale, chacun s'engageant plus précisément dans son propre champ de compétence.

Je suis convaincu que les exemples qui naîtront de cette démarche vont représenter, très vite, une source de motivation pour tous et dans tous les départements.

Ces mesures de nature réglementaire, décidées par le c omité interministériel de la sécurité routière de novembre 1997 se mettent progressivement en place. Je tiens à préciser d'ailleurs que j'ai demandé qu'un nouveau comité interministériel se réunisse dès le printemps 1999 pour faire le point sur l'avancement de ces mesures et en activer, en tant que de besoin, la mise en oeuvre.

Ce grand effort en faveur de la sécurité routière, cet appel à la responsabilité de chacun suppose également des mesures législatives fortes. C'est l'objet du présent projet de loi.

Je vous les présenterai succinctement avant d'y revenir en détail dans la discussion des articles.

L'article 1er propose d'instaurer l'obligation de suivre le stage de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route pour les conducteurs novices - c'est-à-dire titulaires du permis de conduire depuis moins de deux ans - ayant commis des infractions graves.

La probabilité d'être tué dans un accident de la route est en effet trois fois plus élevée pour eux que pour la moyenne des conducteurs.

Plusieurs pays ont instauré un suivi administratif des conducteurs novices sous la forme d'un « permis probatoire ». La mesure que nous proposons se distingue de cette formule par la dominante pédagogique et éducative de son contenu. Elle a été fortement préconisée lors de la table ronde sur la formation des usagers de la route et la formation des conducteurs, dont le président, M. Verré, m'a remis le rapport dès le mois de juin 1997. Elle concerne l'ensemble des conducteurs novices. J'utilise volontairement ce terme, car tous les conducteurs novices ne sont pas obligatoirement des jeunes.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je rappelle que, chaque année, près d'un mill ion de permis sont délivrés et que 15 000 à 20 000 conducteurs novices commettent une infraction sanctionnée par un retrait d'au moins quatre points sur le permis de conduire. Ce sont des infractions graves : blessures involontaires, non-respect de la priorité, d'un feu rouge ou d'un stop, dépassement de 40 km/h et plus de la vitesse autorisée, marche arrière sur une autoroute, circulation en sens interdit, délits routiers. La mesure proposée permet donc d'agir vite, afin d'éviter autant que faire se peut que de mauvaises habitudes de conduite ne soient prises.

La deuxième partie du projet de loi vise à assainir le fonctionnement des établissements d'enseignement de la conduite et à améliorer la qualité de leurs prestations.

Elle reprend l'essentiel du dispositif préparé par mon prédécesseur, M. Pons, dispositif très attendu par la profession comme par les associations de consommateurs. Chacun ici est en effet convaincu de l'intérêt pour tous d'une formation à la conduite de qualité.

Le secteur des auto-écoles se caractérise par la multip lication des créations d'établissements à l'existence souvent éphémère, dans un marché globalement en récession. Il en résulte parfois une concurrence très vive, marquée par une guerre tarifaire et l'apparition d'offres anormalement basses, au détriment de la qualité de la formation du futur conducteur.

On sait aussi que certaines affaires de corruption ont entamé la crédibilité des établissements et leur capital de confiance pourtant indispensables à toute activité de formation et d'enseignement.

Dans ce contexte, à la demande insistante des représentants de la profession aussi bien que des associations de consommateurs, des mesures fortes de moralisation et d'assainissement s'avèrent indispensables. Il est de surcroît nécessaire de mettre en place des incitations de nature à améliorer la qualité des prestations offertes.

Le texte qui vous est proposé inscrit dans la loi plusieurs règles existantes.

Il est ainsi précisé que les enseignants de la conduite doivent être titulaires du brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière ou d'un diplôme dont l'équivalence est reconnue.

Il sera confirmé dans la loi que l'enseignement doit être conforme au programme national de formation et qu'il ne peut être dispensé que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par le préfet, après avis de la commission départementale de la sécurité routière.

Trois éléments nouveaux, particulièrement importants, auront également valeur législative : l'élaboration d'un contrat écrit entre le candidat et l'établissement portant sur les conditions et modalités de l'enseignement ; la mise en place d'un contrôle d'application du programme de formation ; le renforcement sensible des sanctions en cas de non-respect des dispositions légales.


page précédente page 10382page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Je vous rappelle que les dispositions concernant les auto-écoles ont fait, plusieurs années durant, l'objet d'une concertation avec la profession. La table ronde, que j'ai déjà citée, a demandé la mise en oeuvre rapide de ses conclusions.

Le Gouvernement n'a pas souhaité aborder dans ce texte la question des associations qui oeuvrent pour la sécurité routière et dispensent des enseignements y participant. Le projet de loi concerne les auto-écoles, dont l'activité est éducative par nature et commerciale dans son organisation. Il a toutefois accepté l'amendement, adopté au Sénat, visant à reconnaître aux associations d'insertion la possibilité d'enseigner la conduite, sous réserve que cet enseignement soit dispensé par des moniteurs ayant obtenu le brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière.

La troisième partie du projet de loi vise à mieux garantir l'efficacité des sanctions en cas d'infraction constatée, en instaurant une responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules.

En effet, je l'ai déjà dit, le respect de la réglementation est indispensable pour lutter contre l'insécurité routière.

Or le système de contrôle et de sanction souffre de certains dysfonctionnements, aujourd'hui bien identifiés, qui en altèrent encore la crédibilité. Il faut citer au premier rang la faible efficacité des contrôles automatiques sans interception. Il est facile de relever l'infraction. Il est difficile, parfois, d'identifier le conducteur.

La portée des actions de contrôle est ainsi affaiblie de manière notable et l'égalité des citoyens devant la loi n'est pas respectée. Avec le principe du « propriétaire payeur », je souhaite assurer l'égalité de tous devant la loi.

Aujourd'hui, une majorité paye, ce qui est aussi une façon de reconnaître son erreur, ce qui incite à y réfléchir à deux fois avant de la renouveler et ce qui contribue donc à modifier les comportements. Une minorité cependant essaie d'échapper à la règle. Cela laisse entendre que mettre en danger la vie d'autrui ne serait pas grave, que l'on peut fuir ses responsabilités et le faire en toute impunité. Cette situation, nous voulons la changer.

La mise en oeuvre de dispositions impliquant la responsabilité du propriétaire du véhicule est en vigueur dans plusieurs pays européens - Autriche, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Pays-Bas - sous des formes diverses, parfois beaucoup plus sévères que celle retenue dans le projet de loi. Il vous est en effet proposé d'étendre les dispositions qui existent déjà depuis 1972 pour le stationnement, à d'autres infractions en nombre strictement limité : excès de vitesse, franchissement de feux rouges et d'arrêts « stop ».

La mise en responsabilité du propriétaire se fera sans arbitraire et sans atteinte aux droits de la défense. Si le conducteur n'est pas identifié, le propriétaire ne sera pas condamné pénalement, rien ne sera inscrit à son casier judiciaire et il ne perdra pas de points. Il pourra, mais c'est son affaire, se faire rembourser l'amende par celui auquel il aura prêté sa voiture. Cela l'encouragera à lui dire, avant de la lui prêter une deuxième fois : « Cette fois, ne dépasse pas les bornes ! »

M. René Dosière, rapporteur.

Tout à fait ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Certains pays, l'Espagne, l'Italie, le RoyaumeUni, ont instauré une obligation de dénoncer le conducteur. Rien de tel dans le présent projet. Les critiques, qui en font un texte invitant à la délation, n'ont donc pas de fondement et, d'ailleurs, je sais qu'un amendement de votre commission des lois lève, s'il en était besoin, toute ambiguïté sur cette question. Bien entendu, je suis prêt à accueillir favorablement tout amendement améliorant le texte.

La quatrième partie du projet de loi instaure un délit en cas de récidive dans l'année pour dépassement de 50 km/h ou plus des vitesses maximales autorisées.

En effet, la vitesse excessive ou inappropriée est en cause dans près d'un accident mortel sur deux.

Les vitesses moyennes pratiquées sur les différents réseaux routiers sont très élevées, trop élevées et souve nt supérieures aux limites autorisées. Il est donc essentiel de mettre fin à cette dérive des comportements en ville comme en rase campagne.

A la suite des travaux réalisés sous l'impulsion de M. Namias, l'un de mes prédécesseurs, M. Bosson, avait envisagé de créer un délit de grand excès de vitesse. Nous pensons, quant à nous, après avoir beaucoup consulté, qu'il est préférable d'amener les conducteurs à réfléchir à leurs actes. Les grands excès de vitesse sont d'ores et déjà passibles d'une contravention qui a été alourdie par le décret du 26 mars 1998.

Le présent projet de loi prévoit que la récidive de grand excès de vitesse, dans l'année, deviendra un délit.

Ce dispositif a un caractère avant tout pédagogique. Il s'inscrit dans la logique des propositions de M. Namias et répond sans démagogie à une attente forte des associations des victimes de la route. Il devrait s'avérer efficace pour inciter à la baisse de l'ensemble des vitesses pratiquées et au respect des maxima autorisés.

Le respect des vitesses maximales autorisées nécessite aussi un effort sans précédent de la part des différents maîtres d'ouvrage de la voirie pour améliorer la pertinence de la signalisation. En ce qui concerne la voirie nationale, j'ai demandé à mes services de fournir un effort particulier pour que la signalisation correspondant à la police de la route soit plus lisible et compréhensible pour tous.

M. Alain Ferry.

Il y a du travail ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Il s'agit pour le Gouvernement non pas de p iéger les automobilistes - telle n'est pas notre démarche -, mais de favoriser une conduite apaisée tenant réellement compte des autres et de l'environnement.

La cinquième partie du projet de loi instaure un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans les accidents mortels.

La conduite automobile du conducteur est une activité complexe qui exige une vigilance de tous les instants, incompatible avec l'usage des stupéfiants, mais aussi avec l'usage de certains médicaments. La relation entre la drogue ou les médicaments et la sécurité routière a fait l'objet en 1995 d'un rapport, établi sous la présidence du professeur Lagier.

Concernant l'usage des médicaments, la prévention, l'éducation et la formation sont primordiales. Je tiens à rappeler ici la mesure décidée lors du dernier CISR : un pictogramme spécifique sera imprimé sur toutes les boîtes de médicaments contenant des substances susceptibles d'altérer la conduite automobile. Des actions de communication et de sensibilisation du public, d'information et de formation des médecins et pharmaciens seront engagées.


page précédente page 10383page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Concernant l'usager des stupéfiants, j'ai fait un choix pragmatique : en l'absence de données statistiques permettant d'apprécier réellement l'ensemble du phénomène, le texte autorisera un dépistage systématique lors de tous les accidents mortels.

Ainsi, dans les deux ou trois ans qui viennent seront recueillies des indications épidémiologiques précises, perm ettant d'établir scientifiquement l'influence de la consommation de drogue sur le comportement au volant, ce qui est un préalable à toute législation spécifique.

A ce stade, il n'y a pas lieu de prévoir dans le code de la route une sanction spécifique en cas de dépistage positif. S'agissant d'homicide, une instruction est obligatoirement ouverte, et le juge pourra tenir compte du résultat des analyses dans l'établissement des responsabilités et le choix de la sanction. Il dispose pour cela de tout l'arsenal juridique nécessaire.

La sixième partie du projet de loi autorise la suspension judiciaire du permis de conduire en cas de condamnation pour absence ou modification du dispositif de limitation de vitesse par construction. Cette disposition n e s'applique aujourd'hui qu'en cas d'alcoolémie, d'entrave ou de gêne à la circulation, de fausse immatriculation, de conduite sans permis. Cette disposition nouvelle complète la sanction de manipulation de l'appareil et elle crée un délit en cas d'absence d'appareil.

La loi prévoit également l'extension au transport routier de personnes des sanctions administratives applicables au transport routier de marchandises, instaurée par la loi du 1er février 1995.

Ce projet de loi, avec ses six volets différents, constitue la partie législative de la politique ambitieuse et globale du Gouvernement de lutte contre l'insécurité routière.

Le Sénat, après avoir apporté d'utiles améliorations au texte du Gouvernement, l'a adopté à l'unanimité.

La commission des lois de l'Assemblée nationale et son rapporteur M. Dosière ont fait un travail très utile qui doit nous permettre d'avancer encore. Le Gouvernement sera attentif et ouvert aux différentes propositions émanant de tous les bancs. Je ne doute pas que vos travaux favoriseront l'amélioration et l'adoption dans la sérénité d'un texte qui permettra des progrès importants afin de faire reculer le fléau de l'insécurité routière contre lequel nous devons, tous ensemble, nous mobiliser.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le ministre, par l'adoption, avec quelques modifications, du texte voté à l'unanimité par la Haute Assemblée, la commission des lois vous apporte tout son soutien dans la lutte contre l'insécurité routière, certes peut-être de manière moins consensuelle qu'au Sénat, mais cela viendra peut-être ce soir.

(Sourires.)

En effet et comme vous l'avez indiqué, ce projet reprend des dispositions qui figuraient dans des textes antérieurs présentés par l'opposition actuelle. Je pense notamment au délit de grande vitesse que M. Bosson avait voulu faire voter et aux mesures concernant les auto-écoles proposées par M. Pons.

Comme vous l'avez dit, la réalité est là : 8 000 tués par an, 125 000 accidents, de nombreux paralysés à vie, un coût de 110 milliards de francs et un taux d'accidents parmi les plus élevés d'Europe. Il n'y a pas de quoi être fier. Voilà le résultat de l'insécurité routière dans notre pays ! Mais, effectivement, ce n'est pas une fatalité.

Les Français doivent savoir qu'aujourd'hui, lorsqu'ils utilisent leur voiture pour un déplacement même limité, ils ne sont pas en sécurité. Or il est de notre devoir de les protéger et d'assurer leur sécurité. D'ailleurs, depuis 1973, tous les gouvernements s'y sont employés, à tel point que nous avons pu réduire de moitié le nombre des tués alors que, dans le même temps, la circulation a doublé. Je me le rappelle fort bien - j'étais loin à l'époque d'être parle mentaire - c'est le Premier ministre Pierre Messmer qui, le premier, a décidé la limitation des vitesses, ce qui, en trois ans, a permis une diminution de 3 000 morts par an sur les routes. Aujourd'hui encore, nous pouvons saluer cette initiative et le courage qu'il a fallu pour la prendre.

En matière de sécurité routière, il faut agir dans trois directions : le comportement du conducteur, l'état des véhicules et celui des infrastructures. Le texte que vous présentez comprend un certain nombre de dispositions sur l'état des véhicules, en particulier des véhicules de transport routier puisque les sanctions sont renforcées en cas d'absence de chronotachygraphe et de limitateur de vitesse, qui sont d'ailleurs obligatoires depuis 1992.

Cela permettra d'améliorer non seulement la sécurité, mais aussi les conditions de travail des chauffeurs.

Les mesures concernant le comportement des conducteurs sont plus nombreuses et de deux types : préventif, notamment par la formation, et répressif.

Les premières sont particulièrement importantes dans ce texte. Elles sont détaillées dans la section 2 relative à l'enseignement de la conduite et de la sécurité routière. Il s'agit d'assainir le secteur des auto-écoles où sévit une concurrence sauvage, et pénalisante, d'ailleurs, pour les futurs conducteurs. Moins il y a de candidats, plus il y a d'auto-écoles. Et la qualité de la formation se dégrade. Il est donc prévu d'améliorer la qualité des prestations de quatre manières : en créant, d'abord, une autorisation administrative pour ouvrir et gérer une auto-école, avec des contraintes plus fortes en matière d'aptitude professionnelle et de capacités de gestion, et en rendant obligatoire l'absence de condamnation par une juridiction pénale ou un tribunal de commerce ; en exerçant un meilleur contrôle sur cette formation ; en améliorant la qualification des moniteurs d'auto-école ; et enfin, en obligeant à la conclusion d'un contrat écrit entre le conducteur et l'auto-école, qui permettra de clarifier les relations entre les établissements et les clients.

La commission des lois a souhaité compléter ce dispositif, tout d'abord en votant un amendement qui garantit la bonne exécution du contrat. Nous pensons à un dispositif de type garantie financière, dont les modalités sont naturellement à élaborer. Ensuite, elle a voulu préciser que ce dispositif, dont vous avez rappelé qu'il était négocié avec la profession, s'appliquera progressivement, selon des modalités à définir, à l'ensemble des auto-écoles existantes.

Une autre disposition expérimentale met en place un dépistage de la drogue. Vous en avez souligné tout l'intérêt, monsieur le ministre ; je n'insisterai donc pas sur ce point.

S'agissant de la disposition qui oblige les jeunes conducteurs auteurs d'infractions graves - c'est-à-dire entraînant une perte de quatre points du permis de conduire - à suivre une formation de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route, il m'a semblé, et la commission m'a suivi sur ce point, qu'il


page précédente page 10384page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

était préférable de prévoir que cette formation se substituerait à l'amende, afin de ne pas pénaliser financièrement des jeunes aux ressources modestes. Mais, à mon sens, il conviendrait également d'envisager des dispositifs permettant d'assurer une formation permanente pour l'ensemble des conducteurs.

J'en viens au dispositif de répression, qui attire davantage les regards et, faut-il le préciser, les critiques. Il comporte deux mesure. La première porte sur l'extension de la notion de propriétaire payeur aux infractions concernant les limitations de vitesse et au non-respect des signalisations sur l'arrêt des véhicules - feux rouges ou stops. Je le rappelle, aujourd'hui, un tiers des infractions constatées ne sont pas suivies d'effet, faute de pouvoir identifier le conducteur, qu'il s'agisse de poids lourds, de motards ou de véhicules à verres fumés. Il y a là, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, un problème d'égalité des citoyens. Il faut d'ailleurs préciser que la responsabilité du propriétaire est uniquement pécuniaire.

Ainsi, il ne perdra pas de point et ne fera pas l'objet d'une condamnation pénale.

Pour marquer notre volonté d'éviter tout risque de délation et tout procès d'intention, la commission, à mon initiative, a modifié la rédaction du texte proposé pour l'article 21-1 du code de la route, qui prévoyait que le propriétaire est pénalisé « à moins qu'il ne fournisse desr enseignements permettant d'identifier l'auteur de l'infraction ». Nous avons remplacé cette formulation, qui pouvait être interprétée comme une incitation à la délation, par la rédaction suivante : « à moins que l'auteur véritable de l'infraction puisse être identifié ».

Le deuxième dispositif répressif repose sur la création d'un délit de grande vitesse en cas de récidive, dans le délai d'un an, de dépassement de 50 km/h ou plus de la vitesse autorisée. La peine maximale encourue sera de trois mois de prison et de 25 000 francs d'amende, sans oublier la perte de six points du permis.

Cette disposition a fait hurler certains automobilistes, y compris d'ailleurs quelques parlementaires dont il faut souhaiter qu'ils ne soient pas trop nombreux. Faut-il rappeler que la vitesse excessive est responsable d'une bonne moitié des accidents, et donc du nombre de tués, et qu'à chaque fois que la vitesse augmente, on constate une progression de ce nombre, comme on l'a vu récemment aux

Etats-Unis ? Inversement, il diminue quand la vitesse est réduite. Certes, les Français ont un rapport ambigu avec la vitesse, mais ils ont également besoin de sécurité.

Nombreux sont d'ailleurs ceux qui trouvent le présent dispositif encore trop faible. Je pense en particulier aux associations de victimes, dont nous avons reçu les représentants au cours de l'élaboration de ce texte. De même, quelques amendements parlementaires, que la commission n'a pas jugé utile pour l'instant de retenir, visaient à durcir le texte.

Enfin, ce projet ne comportait rien sur les infrastructures, c'est pourquoi j'ai proposé à la commission des lois, qui m'a suivi, un amendement précisant que la sécurité des infrastructures routières fait l'objet d'un contrôle dont les conditions sont définies par décret.

C'est un principe que nous posons. Il faut commencer à s'intéresser à la sécurité des infrastructures. Monsieur le ministre, il s'agit de vous donner les moyens de discuter avec les élus, les maîtres d'ouvrage, et les techniciens pour élaborer justement ces normes de sécurité sur les infrastructures. A cet égard, nous souhaitons que les crédits affectés à la résorption des points noirs soient en augmentation régulière.

Par ailleurs, il serait bon que les crédits consacrés aux campagnes de communication en faveur de la sécurité routière progressent également. Actuellement, ils sont inférieurs à 40 millions de francs. Or c'est moins que ne dépense, en relations publiques, le conseil régional d'une région de taille moyenne. Pourtant, monsieur le ministre, et vous ne l'ignorez pas, la crédibilité de votre action est largement liée à la réussite des campagnes de communication.

Vous voulez réduire le nombre de tués de moitié en cinq ans. C'est un objectif ambitieux. Bien sûr, ce texte, qui s'inscrit dans une politique ancienne, ne résoudra pas tout. Mais je souhaite qu'il soit voté par une très large majorité de notre assemblée, et pourquoi pas, pour une fois, comme au Sénat, à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Vous avez rappelé, monsieur le ministre, dans l'introduction de votre exposé, ce chiffre terrible : 8 000 personnes sont tuées chaque année sur les routes, soit l'équivalent du nombre d'habitants d'une ville moyenne. Il faut encore y ajouter les blessés, tous ceux qui souffrent et leurs familles.

Vous avez aussi rappelé, et je vous en sais gré, que des membres des gouvernements précédents, Bernard Bosson, Bernard Pons, Anne-Marie Idrac, avaient préparé des textes dont certains ont été présentés à l'Assemblée.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est vrai !

M. Dominique Bussereau.

Souvent les mesures proposées concernaient les comportements.

Néanmoins, monsieur le ministre, au risque de décevoir mon excellent collègue le rapporteur René Dosière qui a souhaité l'unanimité, je vais me permettre de vous adresser quelques reproches sur la méthode.

Le premier reprend celui que Pierre Mazeaud, à l'époque où il était président de la commission des lois, adressait fréquemment aux ministres : la plupart des mesures que vous proposez relèvent du domaine réglementaire.

Il est vrai que les ministres, qu'ils appartiennent à une majorité ou à une autre, aiment bien avoir une loi qui porte leur nom. En l'occurrence, il est évident que, si vous l'aviez souhaité, vous auriez pu prendre un grand nombre des dispositions contenues dans ce texte dès le mois de juin 1997, par décret ou arrêté. D'ailleurs, à l'époque où M. Pons avait la responsabilité des transports, un comité interministériel et une commission avaient préparé la quasi-totalité des mesures que vous présentez aujourd'hui.

Par ailleurs, vous avez été très lent, monsieur le ministre, puisque ce texte a été adopté par le Sénat au mois d'avril.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

A l'unanimité !

M. Dominique Bussereau.

Or nous sommes en décembre. N'aurait-on pas pu trouver un créneau parlementaire pour en discuter avant, alors que l'Assemblée a perdu des heures dans des discussions parfois stériles sur un projet qui a été adopté hier ? (Exclamations sur les bancs socialiste et communiste.)


page précédente page 10385page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. Daniel Marcovitch.

La faute à qui ?

M. René Dosière, rapporteur.

La faute aux amis de M. Bussereau !

M. Dominique Bussereau.

Puisque vous estimez que ces mesures doivent être prises d'urgence, pourquoi n'avez-vous pas fait en sorte qu'elles soient votées plus tôt ? Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, qu'il n'est pas convenable d'avoir attendu d'avril à décembre avant de nous soumettre ce texte sur un sujet aussi grave que la sécurité routière.

M. René Dosière, rapporteur.

Vous dérapez !

M. Dominique Bussereau.

Cela l'est d'autant moins que les navettes vont durer. En effet, le nombre des projets de loi présentés au Sénat et l'encombrement extraordinaire de l'ordre du jour de notre assemblée qui va nous imposer de siéger jusqu'à quelques jours avant Noël, ne permettront malheureusement pas l'adoption de ce texte avant de très nombreux mois.

Enfin monsieur le ministre, il ne suffit pas de voter une loi. Encore faut-il y affecter les moyens budgétaires suffisants.

M. René Dosière, rapporteur.

Il faut d'abord la voter !

M. Dominique Bussereau.

Or, dans le budget pour 1999, les moyens mis au service de la sécurité routière sont en diminution et restent insuffisants.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ils sont en augmentation !

M. Dominique Bussereau.

Je vous adresse donc ces reproches avec fermeté et tristesse, car je ne mets pas en doute votre bonne foi. En effet, il est évident que vos propos sont empreints de franchise. Vous ne manifestez pas une tristesse de circonstance ; vous pensez ce que vous dites et nous le pensons tous.

Néanmoins, monsieur le ministre, tout cela donne le sentiment que le Gouvernement n'y croit pas. La meilleure preuve en est donnée par le constat suivant.

Nous avons connu un été meurtrier sur nos routes ; la lecture des journaux régionaux, chaque lundi, est de plus en plus éprouvante. Or, c'est la première fois, depuis des années et des années que n'a pas été menée une campagne audiovisuelle avant les grands départs de l'été.

Tous les gouvernements précédents l'ont fait.

S'il est bien de présenter une loi, il eut été mieux de passer des spots à la télévision et de diffuser des messages relatifs à la sécurité routière au moment des départs en grandes vacances.

Liées au contexte d'une insécurité croissante dans notre pays, ces constatations provoquent une certaine démotivation des forces de l'ordre, en raison de leur aspect exemplaire. Je conviens que tout ne relève pas de votre responsabilité, mais je vais vous donner deux exemples, l'un plutôt drôle, si l'on peut dire, et l'autre tragique.

Le premier concerne un préfet nommé dans un département que je connais bien, il y a quelques années. Selon sa première déclaration à la presse locale on allait voir ce que l'on allait voir en matière de sécurité routière. En particulier, les contrôles radars allaient être multipliés.

Or, me rendant quelques jours plus tard, comme tous les parlementaires le font, conformément à la tradition républicaine, à une cérémonie où le préfet devait déposer une gerbe devant le monument aux morts du chef-lieu, j'ai été doublé sur l'autoroute par un véhicule immatriculé dans un autre département et roulant à une vitesse incroyable. Il s'agissait de celui du nouveau préfet. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Marcovitch.

C'est de la délation !

M. Dominique Bussereau.

Je n'ai cité ni le département, ni le préfet, ni l'époque. Il a néanmoins été un excellent préfet.

L'autre exemple, plus triste, est lié à la plus grave catastrophe de l'histoire routière française qui s'est produite dans ma circonscription, à Mirambeau, le 10 novembre 1993. J'ai passé sur place la nuit la plus tragique de mon existence de député et même d'homme. Cela était absolument terrible. Or, cinq ans après, où en sommes-nous ? Le président de l'association des victimes qui a vu sa fille et sa femme mourir carbonisées sous ses yeux a été mis en examen pour défaut de maîtrise de son véhicule.

Le juge initialement désigné vient d'être dessaisi parce que des militaires sont en cause, ce qui pose des problèmes d'arbitrage entre la justice militaire et la justice civile. Il va donc falloir repartir pratiquement de zéro et cela sera d'autant plus long qu'aucun nouveau juge n'a encore été désigné. Reconnaissez que cela est extraordinairement choquant. Je tenais à le souligner aujourd'hui à cette tribune.

Revenant à votre texte, monsieur le ministre, je veuxs ouligner qu'il comporte de bonnes dispositions et d'autres qui le sont moins. C'est le devoir de tout parlementaire, qu'il appartienne à l'opposition ou à la majorité, de le relever.

Parmi celles qui nous paraissent judicieuses figurent la formation des jeunes conducteurs et les mesures relatives aux auto-écoles. Vous avez d'ailleurs vous-même souligné sportivement qu'elles avaient été préparées par Bernard Pons avec un accord unanime de la profession.

M. René Dosière, rapporteur.

Vous allez donc voter le texte !

M. Dominique Bussereau.

Le citoyen que je suis regrette que l'éducation routière dispensée aujourd'hui dans nos auto-écoles ne prenne pas suffisamment en compte les nouveaux modes de conduite.

Il en va ainsi de la conduite sur autoroute, car peu de jeunes ou de conducteurs novices ont eu l'occasion de s'y adonner parce qu'il n'y en a pas partout dans notre pays.

Or il s'agit d'une conduite particulière.

Vous savez aussi que les DDE de notre pays ont désormais une grande passion pour les ronds-points dont ils décorent chacune de nos villes en moult exemplaires. Les nouvelles habitudes de conduite qu'ils exigent ne sont pas toujours prises en compte non plus dans l'enseignement de la conduite.

J'en viens aux points qui ne nous conviennent pas et que je dois vous indiquer à cette tribune.

Il s'agit d'abord des éléments qui ne figurent pas dans votre projet, alors que vous auriez pu les prendre en compte parce qu'ils avaient fait l'objet de réflexions de la part du gouvernement précédent.

J'aurais ainsi aimé trouver dans votre texte la mesure instituant le taux d'alcoolémie zéro pour les conducteurs débutants. Elle existe déjà dans d'autres pays, y compris pour les conducteurs qui ne sont pas débutants.

Il en va de même pour la drogue au volant. Vous avez rappelé, ainsi que notre rapporteur, ce qui sera fait en cas d'accident mortel. Nous aurions souhaité que la présence de drogue dans le corps soit punie comme celle d'alcool.

Les parlementaires de l'opposition ont même déposé des amendements en ce sens, mais ils ont été « retoqués » par la majorité de la commission des lois.

M. René Dosière, rapporteur.

Il faut d'abord faire l'expérience.


page précédente page 10386page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. Dominique Bussereau.

Il est vrai que M. Kouchner parle de dépénaliser la consommation de cannabis. Peutêtre ne sommes-nous donc pas dans l'air du temps, mais il reste que cela est assez grave.

M. René Dosière, rapporteur.

Vous dérapez !

M. Dominique Bussereau.

Non, je ne dérape pas, monsieur le rapporteur, M. Kouchner l'a malheureusement dit.

En ce qui concerne ensuite le grand excès de vitesse, monsieur le ministre, nous comprenons bien la gravité et les conséquences possibles d'une telle infraction, mais la sanction envisagée nous paraît excessive, d'autant que l'on n'applique malheureusement pas ce qui existe.

Vous savez très bien, par exemple, que l'équipement en cinémomètres, en radars, de la police nationale et de la gendarmerie est réduit et que leur usage est en baisse.

Ainsi, maire d'une petite ville de cinq mille habitants, je suis confronté, comme tous les collègues maires, dans cet hémicycle, au problème du respect de la vitesse en agglomération. Or si, de temps en temps, la police nationale dispose d'un radar, il n'est jamais installé en ville. Interrogé par mes soins, le commissaire de ma ville m'a répondu qu'il ne l'avait à disposition qu'une fois par mois et que la dernière fois qu'il l'avait eu, il n'avait pu disposer des cinq hommes nécessaires pour s'en servir. Il m'a même fait comprendre que, dans ma commune, aucun contrôle de vitesse n'avait été exercé depuis des mois.

Avant de créer l'infraction de grand excès de vitesse et de mettre en oeuvre des mesures supplémentaires, il faudrait d'abord appliquer celles qui existent déjà ! Cette nouvelle disposition nous paraît donc excessive.

J'en viens à la responsabilité du propriétaire.

Grâce à notre rapporteur, la mesure que vous avez proposée en la mtière a été heureusement atténuée. Je ne mets pas en cause son utilité car je connais les problèmes posés par les motards, par les plaques très réfléchissantes, par les voitures bien sombres. Cela étant, monsieur le ministre, il y a tout de même une question touchant aux libertés, car cette mesure porte atteinte aux libertés individuelles. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que, si elle était soumise au Conseil constitutionnel, elle serait admise. Nous ne pouvons donc la voter parce qu'elle est liberticide, même si elle procède d'un bon sentiment.

M. Alain Cacheux.

Elle protège la vie des conducteurs !

M. Dominique Bussereau.

Je terminerai en formulant quelques suggestions. En effet, si le rôle de l'opposition est de critiquer - c'est la démocratie -, il est aussi de proposer.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous fassiez engager une réflexion sur le cycle de la vigilance et du sommeil. L'alcool et la vitesse ne sont pas les seules causes d'accidents. Nombre d'entre eux sont dus au manque de sommeil au petit matin, ou à la somnolence dans la journée. Il conviendrait donc de mettre en place un groupe d'études poussées, public, sur la vigilance, le sommeil et l'éveil.

Beaucoup de pays travaillent sur ce sujet, les Américains en particulier. L'université de Bordeaux a également traité la matière, mais le Gouvernement s'honorerait en poussant les études dans ce domaine et en proposant, si possible, des mesures, puisque nous sommes dans le domaine de la santé.

Je voudrais également que vous preniez une position d ifférente de celle de notre excellent rapporteur, M. Dosière, sur des amendements proposés par l'opposition et relatifs à la conduite par des personnes très âgées.

Nous avons notamment proposé l'obligation de passer des examens médicaux.

M. Alain Ferry.

Absolument !

M. Dominique Bussereau.

Ils ont, en effet, tous été refusés ce matin en commission à la demande de M. Dosière qui a fait son travail de rapporteur de la majorité.

M. Alain Cacheux.

Les mesures proposées étaient trop répressives !

M. Dominique Bussereau.

Alors que les propositions venant de l'opposition étaient toutes considérées comme relevant du domaine réglementaire, cela n'était jamais le cas de celles présentées par la majorité.

M. René Dosière, rapporteur.

N'exagérez pas !

M. Dominique Bussereau.

Nous avons tous été rapporteur et nous connaissons la ficelle. Or, comme par hasard, tous les amendements relatifs aux personnes âgées fatiguées ont été considérés comme relevant du domaine réglementaire.

Très honnêtement, si l'on devait appliquer strictement cette jurisprudence, il faudrait, conformément à ce qu'avait excellemment démontré Pierre Mazeaud à l'époque, déclarer que l'ensemble du texte relève du domaine réglementaire. Il ne faut pas décider que telle disposition est réglementaire ou législative selon que cela vous arrange ou non. Il serait plus clair d'admettre que nous examinons un texte réglementaire. Que vous vouliez légiférer dans ce domaine par souci d'annonce pourquoi pas ? D'autres ministres l'ont fait avant vous. Mais, dans ces conditions, ne jouez pas à estimer que telle mesure relève du règlement ou de la loi selon l'intérêt que vous y voyez.

Dans un autre domaine, je présenterai un amendement, inspiré d'une proposition de loi déposée au Sénat par mon collègue Jean-Pierre Raffarin, qui propose des mesures spécifiques en faveur des véhicules électriques. Je sais que vous y êtes attaché en tant que ministre en charge des transports : ces véhicules ne sont pas dangereux, parce qu'ils ne vont pas vite ; ils impliquent une c onduite particulièrement prudente du fait de leur silence. Ils peuvent donc permettre un bon apprentissage de la conduite pour les jeunes.

Nous vous proposerons un amendement symbolique afin de développer leur utilisation en autorisant les jeunes à passer le permis de conduire pour les véhicules électriques dès l'âge de dix-sept ans, c'est-à-dire un an avant les autres.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Cela n'a rien à voir avec la sécurité routière.

M. Dominique Bussereau.

Si, parce que le véhicule électrique induit les comportements les plus sécurisants.

Tous les utilisateurs vous le diront. En effet l'usage de ce véhicule implique une conduite particulière, qui n'est pas agressive et qui est particulièrement bonne sur le plan de la sécurité.

Il est un autre sujet que j'ai évoqué avec Mme la présidente de la commission des lois et avec notre collègue Jacky Darne, qui a rapporté, en première lecture, le projet de loi gouvernemental sur les polices municipales, dont je souhaite qu'il puisse revenir un jour devant notre assemblée. Je sais que M. Chevènement n'a malheureusement pas été disponible, mais ce texte important est attendu par tous les maires.


page précédente page 10387page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. René Dosière, rapporteur.

Cela viendra.

M. Dominique Bussereau.

J'ai demandé à M. Darne de proposer au Gouvernement un amendement permettant aux polices municipales de procéder à des contrôles de vitesse.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Ce serait bien.

M. Dominique Bussereau.

En effet, l'une de nos grandes difficultés, je le répète, réside dans la faiblesse des contrôles de vitesse en agglomération. Or le projet de loi gouvernemental donne des pouvoirs accrus aux polices municipales ; il leur permet notamment de réprimer certaines infractions au code de la route. Comme la fixation de la vitesse maximale dans une agglomération relève des pouvoirs de police des maires, il serait bon que ceux qui ont développé, au fil des années, des forces de police municipale, puissent leur permettre d'acheter des cinémomètres et de procéder à des contrôles.

Cela allégerait d'autant les tâches de la police nationale ou de la gendarmerie, en zone rurale, et permettrait de mieux contrôler la vitesse en agglomération. Pour une commune, l'achat d'un cinémomètre n'est pas une grosse dépense et il peut même être effectué dans le cadre de l'intercommunalité.

Enfin, monsieur le ministre, M. Dosière a parlé des points noirs. Ils sont tous connus du ministre de l'équipement, que vous êtes également, et nous ne pouvons que déplorer la lenteur - certes liée aux problèmes budgétaires de l'Etat quels que soient les gouvernements avec laquelle ils sont résorbés sur nos routes et dans nos campagnes.

Monsieur le ministre, notre position n'est pas embarrassée. Si nous avions eu le sentiment que vous vouliez aller vite, si vous ne nous aviez pas imposé, depuis le vote au Sénat, une aussi longue attente, si vous aviez utilisé les pouvoirs réglementaires dont dispose le Gouvernement, si nous avions la certitude que toutes les mesures existantes sont bien appliquées et que d'autres soient nécessaires, nous aurions voté ce texte sans aucun état d'âme.

M. François Rochebloine.

C'est vrai !

M. Dominique Bussereau.

Comme chacun, dans cette assemblée, nous sommes, en effet, particulièrement attentifs aux souffrances des victimes de l'insécurité routière.

Malheureusement ces conditions ne sont pas remplies et nous savons que les budgets ne permettront pas de tenir les promesses de ce texte.

M. François Rochebloine.

Exactement !

M. Dominique Bussereau.

C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale et Indépendants, auquel j'appartiens, ne le votera pas. Nous le regrettons, car nous aurions aimé apporter notre contribution à une amélioration de la sécurité routière. Mais les propositions que vous nous présentez aujourd'hui ne vont pas assez loin, ou y vont mal, ou n'utilisent pas les moyens qui existent déjà.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début des années 70, les gouvernements successifs ont fait de la lutte contre l'insécurité routière une priorité nationale. La limitation des vitesses autorisées, l'obligation du port, à l'avant comme à l'arrière, de la ceinture de sécurité, le renforcement de la lutte contre l'alcool au volant, l'amélioration des infrastructures ou encore l'instauration d'un contrôle technique des véhicules illustrent cette forte et ambitieuse volonté politique, dont il convient de relever qu'elle transcende souvent les clivages partisans.

Adopté en 1989 et transcrit dans les faits en juillet 1992, le permis à points, projet novateur dont je fus le rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges...

M. René Dosière, rapporteur.

Un excellent rapporteur !

M. Jean-Pierre Baeumler.

... a contribué à responsabiliser, pour la première fois avec une telle force, le conducteur.

Pédagogie et dissuasion constituent les deux principaux moteurs de ce dispositif qui invite les automobilistes à modifier leur comportement au volant. En effet, la sanction financière des infractions s'assortit de la désagréable perspective de la perte de points qui peut entraîner jusqu'à l'annulation du permis de conduire.

Parallèlement à la mise en oeuvre de ces politiques, l'organisation de nombreuses campagnes d'information et de sensibilisation a conforté les résultats incontestables de ces différentes mesures. Ainsi, en vingt-cinq ans, le nombre de morts sur les routes a été divisé par deux, malgré l'intensification de la circulation dont on estime qu'elle a doublé. En 1972, 16 500 personnes trouvaient la mort sur notre réseau routier ; en 1997, 7 989 vies ont encore été fauchées.

En constante amélioration, le bilan de l'insécurité routière demeure néanmoins trop lourd. Aujourd'hui, jeudi 10 décembre 1998, la route tuera vingt-deux personnes et en blessera quatre cent soixante, autant de vies écourtées, de familles brisées. Sans vouloir jouer sur vos émotions, je crois qu'il faut, à l'humble place qui est la nôtre, prendre en considération, avec un regard de parents ou de grandsparents, les conséquences humaines de ces drames malheureusement quotidiens.

En effet, les jeunes conducteurs, en particulier ceux âgés de dix-huit à vingt-quatre ans, paient le plus lourd tribut à l'insécurité routière. Ils représentent 21 % des tués, 23 % des blessés graves, alors même qu'ils ne constituent que 10 % de la population française. Ainsi, en 1997, 2 061 jeunes ont été tués. Les accidents sont la première cause de décès de cette catégorie de citoyens.

Cela étant, ne nous réfugions pas derrière l'austérité des statistiques ! Perdre un enfant de moins de vingt-cinq ans dans un accident de la route est l'atroce et douloureux événement que vont vivre six familles françaises aujourd'hui.

Malheureusement, en 1998, les indicateurs globaux de l'insécurité routière se sont dégradés. Ainsi, à la fin de cette année, la barre des huit milles décès sera très nettement franchie. Pourtant, l'hécatombe routière est, pour partie, évitable. Le postulat de sa fatalité, facteur d'endormissement de notre attention, est battu en brèche par les résultats encourageants obtenus par de nombreux pays européens, tout particulièrement par le Royaume-Uni. Ce dernier pays a réussi à réduire à 3 599 le nombre de tués sur ses routes, par la mise en place de mesures volontaristes : grandes campagnes de communication, dépistage de stupéfiants, forte responsabilisation du propriétaire du véhicule, par exemple.


page précédente page 10388page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Il nous appartient donc de donner une nouvelle impulsion à la politique de sécurité routière, afin de réengager une dynamique de baisse du nombre des victimes de la route.

C'est la volonté qu'expriment le Gouvernement et son ministre des transports, qui se donnent les moyens des ambitions affichées. Le budget pour 1999 consacré à la sécurité routière, qui augmente de 4 %, confirme cette détermination et rompt avec les pratiques d'amputation successives coutumières entre 1993 et 1997.

M. René Dosière, rapporteur.

Eh oui !

M. Jean-Pierre Baeumler.

Par ailleurs, l'intérêt porté au développement des transports collectifs tant en milieu urbain qu'en milieu rural et au rail participe également à la lutte contre le fléau de l'insécurité routière conduite par l'autorité publique.

Le comité interministériel de sécurité routière, en sa réunion du 26 novembre 1997, a fixé un objectif audacieux, que les dispositions du projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis entendent concrétiser, à savoir la réduction par deux, en cinq ans, de la mortalité sur les routes. Pour y parvenir, le ministre de l'équipement, des transports et du logement a conçu et s'est engagé à mettre en oeuvre une politique globale, volontaire et cohérente de sécurité routière. Les orientations, relevant de la décision législative, définies par le comité interministériel sont reprises dans le projet de loi aujourd'hui discuté, ce dont nous nous félicitons. En revanche, nous invitons le Gouvernement à s'assurer que les recommandations relevant du domaine réglementaire, tout aussi primordiales, soient mises en oeuvre dans les meilleurs délais.

Sans développer dans le détail les propositions judicieuses arrêtées lors du comité interministériel, je tiens tout de même à insister sur le fait que la formalisation des suggestions, pertinentes, concernant l'éducation routière de la maternelle aux lycées permettra de sensibiliser dès leur plus jeune âge et de manière continue les futurs conducteurs, dont il est également prévu que la formation soit renforcée tout au long de leur carrière d'automobiliste. En effet, la conduite constitue un acte social, qui implique une attitude citoyenne que les futurs conducteurs doivent apprendre et les plus anciens réapprendre...

Ainsi, la promotion de nouveaux comportements, ambition que poursuit le Gouvernement, passe par l'apprentissage, dès l'enfance, de l'usage de la route. Cet enseignement, qu'il importe de rendre obligatoire, doit être actualisé en fonction des besoins de chaque âge. Il doit faire partie intégrante de l'éducation citoyenne de nos jeunes et être placé sous la responsabilité effective de chacun des chefs d'établissement scolaire.

Nous resterons attentifs, monsieur le ministre, à la tenue annuelle d'une réunion du comité interministériel et vous avez annoncé vous-même votre volonté de le réunir au printemps prochain. Nous nous en félicitons.

Ce comité sera l'occasion de vérifier la pertinence des mesures annoncées et de rectifier, le cas échéant, leurs modalités, afin de garder en ligne de mire l'objectif fixé.

Adopté par le Sénat le 7 avril 1998, le dispositif législatif qui nous est aujourd'hui proposé revêt indéniablement un caractère dissuasif, puisque la définition de la nature des sanctions incombe au Parlement, le développement de l'enseignement de la sécurité routière ou le lancement de campagnes d'information ne nécessitant pas l'approbation de la représentation nationale.

Je n'épiloguerai pas sur les dispositions relatives à la moralisation du secteur des auto-écoles. Elles vont dans le bon sens. En outre, elles sont le fruit de la concertation avec la profession. Notre groupe a néanmoins déposé plusieurs amendements permettant d'améliorer le dispositif.

Je ne m'appesantirai pas non plus sur l'instauration d'un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel, que nous approuvons. En effet, il ne faudrait pas que les efforts réalisés, couronnés de résultats en matière de lutte contre l'alcool au volant soient annihilés par la conduite sous l'emprise de substances illicites, qui prend une ampleur inquiétante. Certes, les liens de causalité entre l'absorption de drogues mais aussi de médicaments et la modification du comportement des conducteurs ne sont pas clairement établis. Mais, grâce aux dépistages que ce projet de loi autorise, l'Etat disposera des données sur la base desquelles le Gouvernement, par l'identification des produits réduisant les capacités physiques ou mentales du conducteur, se devra d'élaborer un système adapté de répression de la conduite sous influence de stupéfiants.

En revanche, j'entends développer plus longuement les trois dispositions structurantes et essentielles de ce texte : la formation des jeunes conducteurs ; l'extension de la responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules ; l'instauration d'un délit de récidive d'excès de grande vitesse. Ces trois dimensions répondent aux caractéristiques majeures du fléau de l'insécurité routière : un, ses victimes sont majoritairement nos jeunes concitoyens, deux, les auteurs des accidents de la route s'affranchissent dans une trop grande proportion des peines que légalement ils encourent, trois, la vitesse est à l'origine de plus de la moitié des accidents mortels.

L'article 1er stipule l'obligation du suivi d'une formation spécifique de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route pour les conducteurs novices, c'est-à-dire titulaires du permis de conduire depuis moins de deux ans. En effet, 15 % des automobilistes impliqués dans un accident de la circulation possèdent leur permis depuis moins de deux ans, alors qu'ils représentent 5 % des conducteurs. Le risque d'être tué sur la route est multiplié par trois pour les automobilistes pendant les trois premières années qui suivent l'obtention du permis.

La commission des lois a rétabli la rédaction initiale du texte du Gouvernement, les sénateurs ayant prévu cette contrainte pour les jeunes dont une ou plusieurs infractions se sont soldées par la perte de quatre points. Par cette formulation, seuls les conducteurs réputés dangereux sont ciblés.

Cette mesure contribue certes à fragiliser le permis de conduire des jeunes conducteurs et à leur faire prendre conscience, par une formation pédagogique, des incidences pour autrui d'une conduite irrespectueuse, mais elle leur permet également de se reconstituer un capital points et ce, conformément à la philosophie gouvernem entale de répression pédagogique qui prévaut en matière de sécurité routière.

Cet article traduit les volontés du comité interministériel portant sur la formation. En effet, ce dernier invite à expérimenter l'organisation d'un rendez-vous d'évaluation une année après l'obtention de l'examen puis, ensuite, tous les dix ans. Nous souhaiterions être informés des résultats des expériences éventuellement conduites et de la date de prise de décision du Gouvernement en ce domaine.


page précédente page 10389page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

Dans ce même ordre d'idées, il nous faut réfléchir à la généralisation de l'apprentissage progressif de la conduite automobile sur une période de deux ans, soit par le suivi du programme de conduite accompagnée, qui donne d'excellents résultats, mais dont l'impact est limité, soit par l'obtention d'un permis probatoire validé après deux ans de pratique non délictueuse, avec le respect d'un taux d'alcoolémie de zéro, comme le proposait un de nos collègues.

L'article 4 cristallise, inutilement, me semble-t-il, les critiques d'un certain nombre de nos collègues. Il prévoit l'extension de la responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules, d'ores et déjà effective en cas d'infraction aux règles de stationnement, aux excès de vitesse, aux franchissements de feux rouges et au non-respect de stops.

Sans entrer plus avant dans les détails juridiques qui éludent le fond de la question, je préciserai que la responsabilité engagée est pécuniaire et non pénale, ce qui signifie que l'infration ne fait l'objet d'aucune inscription au casier judiciaire des personnes reconnues financièrement responsables, qu'elle n'est pas prise en compte pour l'application des règles sur la récidive et n'engendre aucun retrait de points. Cette disposition rétablit, par contre, une égalité, aujourd'hui bafouée, des citoyens devant la loi. En effet, un tiers des infractions constatées ne sont pas sanctionnées. Cette impunité tend à décrédibiliser l'action publique en matière de sécurité routière, et singulièrement les contrôles de vitesse. Comment pouvonsnous accepter d'exonérer de leurs responsabilités des conducteurs non reconnus, dont le véhicule a été identifié ? Ce serait la seule infraction mettant en jeu la vie d'autrui, dont l'auteur ne puisse être recherché ! Nous nous félicitons de l'adoption par la commission des lois d'un amendement visant à lever toute équivoque sur l'identification du conducteur d'un véhicule, lorsque cette personne n'en est pas le propriétaire. Plus que le risque de délation, de fait écarté, ce qu'il importe de retenir de cet article, c'est bien la volonté du Gouvernement de responsabiliser les propriétaires de véhicules, qui veilleront dorénavant à ne pas prêter leur voiture à des chauffards avérés.

Première cause d'accidents, la vitesse tue. Cette dramatique vérité justifie l'article 5, qui institue un délit en cas de récidive de dépassement de la vitesse autorisée égal ou supérieur à 50 km/h. Toutes les mesures prises ces dernières années visant à réduire les vitesses ont eu des effets bénéfiques sur la sécurité routière. La limitation à 90 km/h a permis de diminuer de plus de 15 % les décès survenus sur le réseau routier. Il est certain que le respect strict des limitations actuellement en vigueur permettrait de réduire le nombre de tués. En 1996, il aurait permis de sauver 3 300 vies. Malheureusement, tous nos concitoyens ne considèrent pas la vitesse comme un risque, et ils se sentent par ailleurs protégés dans des voitures toujours plus sophistiquées et performantes. Cette idée largement répandue, est un leurre qui impose l'adoption d'une mesure de dissuasion spécifique. Ce dispositif concerne exclusivement un petit effectif de conducteurs, qui pratiquent sciemment les grandes vitesses.

Il est également pédagogique, puisque n'est qualifiée de délit que la récidive. D'aucuns affirment que certains excès sont moins dangereux que d'autres et notamment, que la grande vitesse sur autoroute est acceptable. Cet argument n'est pas recevable. A titre d'information, les autoroutes enregistrent une dégradation importante de leurs statistiques d'accidents, avec une augmentation de près de 4 % du nombre de tués l'année dernière.

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, permettra, nous en sommes certains, de réduire sensiblement l'insécurité routière dans notre pays. L'impact des mesures proposées sera indéniablement renforcé par la mise en oeuvre des décisions arrêtées par le comité interministériel.

Je conclurai mon propos en abordant succinctement quatre points, qui me paraissent susceptibles de permettre d'atteindre l'objectif ambitieux de diminution de l'ampleur de l'hécatombe humaine sur nos routes.

Premièrement, la mise en oeuvre d'une politique de contrôle technique des voiries s'impose. En effet, dans le domaine routier, n'existent ni contrôle ni définition de cahiers des charges. Ainsi, chaque responsable peut aménager à sa guise le réseau routier, ce qui n'est pas sans poser de problèmes. En tant qu'élus locaux, vous en avez t ous fait l'expérience. L'amendement adopté par la commission des lois, à l'initiative de notre excellent rapporteur René Dosière...

M. René Dosière, rapporteur.

Merci ! M. Jean-Pierre Baeumler. ... permettra d'accélérer la mise en place de ces nécessaires contrôles et donc de pallier cette déficience lourde de conséquences. Par ailleurs, l'institution d'un audit de sécurité pour les nouveaux projets routiers, suggéré par le comité interministériel, va également dans le bon sens et vous l'avez confirmé, monsieur le ministre.

Deuxièmement, il nous faut impérativement accélérer l'harmonisation européenne des politiques de sécurité routière.

M. Alain Ferry. Absolument ! M. Jean-Pierre Baeumler. Des progrès ont été réalisés, mais ils demeurent insuffisants. L'uniformisation des vitesses autorisées, du taux d'alcoolémie, de la signalisation et des normes des véhicules consoliderait la légitimité et l'efficacité des actions nationales.

M. Alain Ferry. Très bien ! M. Jean-Pierre Baeumler. Troisièmement, les investissements routiers constituent un volet indispensable à toute politique cohérente de sécurité routière. Les crédits routiers doivent être abondés de manière à pouvoir financer la suppression des « points noirs » du réseau routier.

M. Alain Ferry. Très bien ! M. Jean-Pierre Baeumler. Quatrièmement, je voudrais insister sur la nécessité de modifier en profondeur les comportements des conducteurs. L'aspect pédagogique incontestable de votre politique, et spécialement de votre projet de loi, relève d'une juste appréhension des facteurs de l'insécurité routière. Par ailleurs, les campagnes d'information et de sensibilisation ont un impact sur la population que seuls égalent les contrôles des forces de l'ordre. Pourtant, les crédits consacrés à cette communication sont insuffisants. Ils sont trois fois plus faibles que ceux mis en oeuvre en 1973. Quelques dizaines de millions de francs sont octroyés là où il en faudrait plusieurs centaines.

A cet égard, la participation des compagnies d'assurance au financement de ces campagnes, comme en Australie, permettrait d'en accroître l'ampleur et donc les incidences sur la population.

M. Dominique Bussereau. Très bien !

M. le président.

Pensez à conclure, monsieur Baeumler.


page précédente page 10390

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1998

M. Jean-Pierre Baeumler. De même, les produits non redistribués des amendes de police pourraient utilement être utilisés à cet effet, ce qui permettrait aussi d'équiper plus largement nos forces de police ou de gendarmerie des radars et des cinémomètres dont elles ont besoin.

L'explication des mesures décidées constitue le maître mot de toute politique de sécurité routière. C'est ainsi que, depuis vingt-cinq ans, quelques idées simples se sont imposées, comme l'utilité de la ceinture de sécurité, l'acceptation du principe de limitation des vitesses ou encore les dangers de l'alcool au volant. Aujourd'hui, il nous faut continuer à expliquer, sans relâche, afin que quelques vérités entrent dans nos moeurs. Il serait en effet regrettable qu'un texte utile dans son principe, efficace dans ses modalités, soit mal reçu parce que mal compris par ceux à qui il s'adresse. Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore que je n'ai pas pu, à mon grand regret, développer pendant le temps qui m'était imparti, mais que nous aurons l'occasion d'aborder au cours de la discussion des articles, le groupe socialiste votera avec conviction et confiance le projet de loi qui nous est présenté, et dont la mise en oeuvre se traduira, j'en suis persuadé, par une réduction sensible du nombre de tués sur nos routes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 825, portant diverses mesures relatives à la sécurité routière : M. René Dosière, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1153).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT