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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD

1. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 10838).

2. Nouvelle-Calédonie. - Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi organique et d'un projet de loi (p. 10838).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE COMMUNE (p. 10844)

MM. Jacques Brunhes, Gérard Grignon, Mme Huguette Bello,

MM. Gilbert Gantier, François Colcombet, Dominique Perben, Ernest Moutoussamy, Mme Christiane Taubira-Delannon,

MM. Pierre Frogier, Emile Vernaudon, Bernard Grasset, Michel Buillard, Victor Brial.

Clôture de la discussion générale commune.

M. le secrétaire d'Etat.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Suspension et reprise de la séance (p. 10864)

Projet de loi organique

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10864)

Article 1er (p. 10864)

Amendement no 3 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 10864)

Amendement no 4 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3. - Adoption (p. 10865)

Article 4 (p. 10865)

Amendement no 5 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 6 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5. - Adoption (p. 10865)

Article 6 (p. 10865)

Amendement no 7 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 6 modifié.

Article 7. - Adoption (p. 10866)

Article 8. - Adoption (p. 10866)

Article 9 (p. 10866)

Amendement no 8 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 9 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 9 modifié.

Article 10 (p. 10866)

Amendement no 10 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

- Adoption.

Amendement no 11 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

Amendement no 145 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption des amendements nos 11 et 145.

Adoption de l'article 10 modifié.

Article 11 (p. 10867)

Amendement no 12 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

- Adoption.

Adoption de l'article 11 modifié.

Article 12 (p. 10867)

Amendement no 13 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

- Adoption.

Amendement no 14 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

Amendement no 146 rectifié du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption des amendements nos 14 et 146 rectifié.

Amendement no 15 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

- Adoption.

Amendement no 16 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

- Adoption.

Adoption de l'article 12 modifié.

Article 13 (p. 10868)

Amendement no 17 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

- Adoption.

Adoption de l'article 13 modifié.

Articles 14, 15 et 16. - Adoption (p. 10868)

Article 17 (p. 10868)

Amendement no 18 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

- Adoption.

Adoption de l'article 17 modifié.

Après l'article 17 (p. 10869)

Amendement no 19 de la commission : MM. le rapporteur, François Colcombet, le secrétaire d'Etat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

Amendements nos 125, 20 et 21 de la commission : MM. François Colcombet, le secrétaire d'Etat. - Adoption des amendements nos 19, 125, 20 et 21.

Article 18 (p. 10869)

Amendement no 126 de M. Frogier : MM. Pierre Frogier, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Amendement no 162 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 18.

Article 19 (p. 10871)

Amendement no 22 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 23 de la commission, avec le sousamendement no 148 du Gouvernement : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet du sous-amendement no 148 ; adoption de l'amendement no

23. Amendement no 24 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 25 de la commission, avec le sousamendement no 147 du Gouvernement : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement no 147 et de l'amendement no 25 modifié : Amendement no 26 de la commission : MM. Pierre Frogier, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 27 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 19 modifié.

Article 20. - Adoption (p. 10873)

Article 21 (p. 10873)

Amendement no 163 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 28 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 127 de M. Frogier : MM. Pierre Frogier, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 164 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 194 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Pierre Frogier. - Adoption.

Amendement no 166 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 21 modifié.

Après l'article 21 (p. 10875)

Amendement no 165 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 22 (p. 10875)

Amendement no 29 de la commission : MM. Pierre Frogier, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 22 modifié.

Article 23 (p. 10876)

M. Jacques Brunhes.

Amendement no 195 de la commission, avec les sousamendements nos 152 corrigé et 153 du Gouvernement : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Réserve.

Réserve de l'article 23.

Articles 24 et 25. - Adoption (p. 10877)

Article 26 (p. 10877)

Amendement no 31 de la commission, avec le sousamendement no 149 du Gouvernement : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet du sous-amendement no 149 ; adoption de l'amendement no

31. Amendement no 32 de la commission : MM. Pierre Frogier, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 26 modifié.

Article 27 (p. 10878)

Amendement no 168 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 169 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 27.

Article 28. - Adoption (p. 10879)

Article 29 (p. 10879)

Amendement no 33 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 29 modifié.

Article 30 (p. 10879)

Amendement no 34 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 30 modifié.

Articles 31 à 34. - Adoption (p. 10879)

Article 35 (p. 10879)

Amendement no 35 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 36 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement no 36 rectifié.

Adoption de l'article 35 modifié.

Articles 36 et 37. - Adoption (p. 10880)

Article 38 (p. 10880)

Amendement no 170 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jacques Brunhes. - Rejet.

Amendement no 37 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 38 modifié.

Article 39. - Adoption (p. 10881)

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Modification de l'ordre du jour prioritaire (p. 10881).

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 10882).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président.

J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1999.

2

NOUVELLE-CALÉDONIE Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi organique (nos 1229, 1275) et du projet de loi (nos 1228, 1275) relatifs à la Nouvelle-Calédonie.

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, au moment où l'Assemblée nationale se saisit de l'avenir de la NouvelleCalédonie, je veux commencer par évoquer le souvenir d'un moment intense, un après-midi d'août de cette année à Ouvéa.

J'avais salué la mémoire des gendarmes au monument aux morts de la brigade de Fayaoué ; je m'étais recueilli au monument dit « des 19 » et j'étais le premier membre du Gouvernement à me rendre à Gossanah. Après l'accueil coutumier et l'échange de cadeaux, le petit chef et le pasteur ont pris le micro pour rappeler le traumatisme que la tribu avait connu il y a dix ans, et m'ont salué en tant que représentant de la République. Après avoir affirmé qu'ils étaient toujours fermement indépendantistes, ils ont, devant moi, appelé la population à voter « oui » au référendum. Nous avons pu en voir le résultat à Ouvéa le 8 novembre.

Voici un résumé éclairant le processus politique en oeuvre en Nouvelle-Calédonie.

Au terme de cette année 1998, qui marque la fin de la période couverte par les accords de Matignon, je vous invite aussi à vous souvenir des graves incertitudes dans lesquelles nous étions il y a un an : pas de perspectives, pas de négociations, en raison du préalable minier posé par le FLNKS. En Nouvelle-Calédonie prévalait un climat d'attente qui n'incitait ni à investir au présent ni à imaginer l'avenir.

Avec patience, méthode et détermination, les fils du dialogue ont été renoués. Le 1er février, l'accord de Bercy permettait de lever le préalable minier. Le 24 février, le Premier ministre ouvrait la négociation. Le 5 mai, à Nouméa, il signait avec les présidents du RPCR et du FLNKS l'accord de Nouméa. Le 6 juillet, plus de 96 % des parlementaires réunis en Congrès à Versailles approuvaient la révision de la Constitution qui rend possible sa mise en oeuvre.

En application de l'article 76 nouveau de la Constitution, la consultation des populations de la NouvelleCalédonie s'est déroulée le 8 novembre. Les électeurs calédoniens ont approuvé l'accord de Nouméa avec près de 72 % des suffrages exprimés et une participation sans précédent : 74 %. Le 12 novembre, le Congrès du territoire a donné son avis favorable au projet de loi organique qui lui était soumis, élaboré en concertation avec les partenaires calédoniens en août et septembre. Il s'agissait alors d'un texte unique regroupant l'ensemble des dispositions relatives à la Nouvelles-Calédonie, mais l'examen par le Conseil d'Etat a conduit au dépôt de deux textes : d'une part, un projet de loi organique de 221 articles, d'autre part, un projet de loi ordinaire de 23 articles ; pour respecter scrupuleusement le nouvel article 77 de la Constitution.

Le conseil des ministres du 25 novembre a adopté ces deux projets de loi. Ces textes sont, aujourd'hui, soumis à votre examen. A l'issue des débats parlementaires, les élections aux nouvelles institutions des provinces et du Congrès devraient se tenir en Nouvelle-Calédonie en juin ou juillet prochains.

Chacun peut mesurer la complexité et l'ambition du processus politique et législatif accompli, ainsi que le sentiment d'urgence qui a conduit à avancer aussi vite que possible. Je sais que certains députés ont regretté de ne pas disposer de plus de temps pour étudier un texte aussi complexe et aussi ambitieux et je comprends leurs sentiments.

Je saisis cette occasion pour remercier tout particulièrement la présidente, le rapporteur et tous les membres de la commission des lois. Ils ont su, au fil des mois, recevoir, écouter, se déplacer, réfléchir et conserver avec la Nouvelle-Calédonie un dialogue fructueux.

Je tiens également à rendre hommage à ceux qui, en Nouvelle-Calédonie, ont eu le courage et la vision politiques nécessaires pour faire vivre ce processus : les députés Jacques Lafleur et Pierre Frogier, ainsi que la délégation du FLNKS qui est présente à Paris.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

Je vous rappelle que la dynamique engagée depuis le 5 mai 1998 et résultant de concessions réciproques des partenaires calédoniens, trouve sa place dans un cadre original, celui qui a été défini par l'article 77 de la Constitution. Cet article précise que la loi organique assure l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par l'accord de Nouméa.

Cette loi organique doit donc déterminer : premièrement les compétences de l'Etat qui seront transférées aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, l'échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci ; deuxièmement les régles d'organisation et de fonctionnement des nouvelles institutions et les catégories d'actes de l'assemblée délibérante qui pourront être soumises au contrôle préalable du Conseil constitutionnel ; troisièmement les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à l'emploi et au statut civil coutumier ; enfin les conditions et délais dans lesquels les populations intéressées seront amenées à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté.

Les autres dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de l'accord et qui n'ont pas le caractère de loi organique, au sein de ce nouvel article 77, sont fixées par une loi qui vient donc compléter la loi organique.

La répartition entre ces deux textes est l'expression de l'équilibre entre, d'une part, le respect de la hiérarchie des normes de notre droit public et, d'autre part, le souhait émis par les partenaires calédoniens d'inclure dans la loi organique le maximum de dispositions, afin de disposer d'un texte de référence stable, également facile à lire et à appliquer.

Par ailleurs, le parti a été pris de reprendre largement la loi référendaire de 1988, en particulier pour le fonctionnement des institutions que sont le Congrès et les assemblées de province. Des aménagements ont toutefois été apportés pour assurer l'application de l'accord de N ouméa ou permettre un meilleur fonctionnement.

Enfin, puisque la Nouvelle-Calédonie ne relève plus de l'article 74 de la Constitution, plusieurs procédures spécifiques aux territoires d'outre-mer, notamment la procédure de consultation législative, doivent être rappelées.

L'ensemble de ces éléments explique l'ampleur des textes qui vous sont soumis. Ce sont des textes fondateurs pour la Nouvelle-Calédonie.

Le nouveau statut doit remédier à une instabilité institutionnelle et politique dont la Nouvelle-Calédonie a trop souffert. Il a vocation à couvrir toute la période prévue par l'accord de Nouméa jusqu'à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté. L'irréversibilité des transferts de compétences préserve de tout retour en arrière.

Madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les députés, je veux maintenant vous préciser quels sont les éléments novateurs de ces textes.

D'abord, la pleine reconnaissance de l'identité kanake conduit, pour la première fois dans le droit français, à préciser le statut civil coutumier ainsi que ses rapports avec le statut civil de droit commun.

La reconnaissance du statut civil coutumier est conçue dans une perspective nouvelle par rapport à l'article 75 de la Constitution selon lequel les personnes de statut personnel sont celles qui n'y ont pas renoncé. Le projet se place dans une perspective positive : il prévoit les conditions dans lesquelles les Kanak qui n'en bénéficieraient pas peuvent obtenir le statut civil coutumier. Le retour au statut civil coutumier sera donc désormais possible sous le contrôle du juge.

Les terres coutumières sont définies et leur statut précisé.

La représentation de la coutume est étendue avec la création d'un sénat coutumier et des conseils coutumiers.

Leurs compétences ont un caractère consultatif mais obligatoire dans plusieurs domaines qui touchent à l'identité kanake : signes distinctifs, statut civil coutumier, régime des terres coutumières et des palabres coutumiers, modalités d'élection au sénat coutumier et aux conseil coutumiers. En cas de désaccord sur les projets ou propositions de loi du pays qui sont soumis au sénat coutumier, c'est le Congrès de la Nouvelle-Calédonie qui statuera définitivement.

Par sa représentation au Conseil économique et social, aux conseils d'administration d'établissements publics et au conseil consultatif des mines, le sénat coutumier participera à l'activité institutionnelle, économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie.

Un autre élément novateur réside dans la définition des nouvelles compétences de la Nouvelle-Calédonie. Elle se traduit par d'importants transferts de l'Etat, à l'exception des pouvoirs régaliens que sont la justice, l'ordre public, la défense, la monnaie, le crédit et le change.

La compétence locale de droit commun reste dévolue aux provinces en application du principe posé par la loi référendaire de 1988. En conséquence, l'Etat et la Nouvelle-Calédonie disposeront des compétences d'attribution énumérées par la loi organique.

Les compétences que l'Etat transfère sont définies en application de l'accord de Nouméa. Des transferts de compétences interviendront dès le 1er janvier 2000 : intégralité du droit du travail, compétence minière, statut civil coutumier, commerce extérieur, communications extérieures en matière de desserte maritime et aérienne et des postes et télécommunications, exploitation de la zone économique exclusive, etc.

D'autres le seront au cours de la période allant de 2004 à 2014 : enseignement du second degré, droit civil et droit commercial, sécurité civile, régime comptable et financier des collectivités publiques, etc.

Les établissements publics d'Etat, comme l'ADRAF, l'agence de développement rural et d'aménagement foncier, l'ADCK, l'agence de développement de la culture kanak qui gère le centre Jean-Marie-Tjibaou, l'office des postes et télécommunications, l'IFPA, l'institut de formation des personnels administratifs, seront également transférés à la demande du Congrès.

Certaines compétences feront l'objet d'un dialogue entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie ou seront exercées en association : relations internationales et régionales, réglementation relative à l'entrée et au séjour des étrangers, audiovisuel, desserte aérienne internationale, enseignement supérieur et recherche scientifique.

En matière minière, le transfert de la compétence à la Nouvelle-Calédonie est assorti d'une intervention de l'Etat pour avis, les décisions définitives appartenant aux institutions calédoniennes.

Ce dispositif peut paraître complexe, mais il est le résultat de l'accord des partenaires calédoniens sur un équilibre entre le respect des compétences des institutions provinciales et de Nouvelle-Calédonie, les contraintes économiques et la nécessité de s'inscrire dans une perspective d'aménagement durable.

Le projet de loi organique introduit aussi une compétence au bénéfice du Congrès en matière d'accès à l'emploi compte tenu de la situation du marché du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

travail. Ces règles doivent préciser la durée et les modalités de chaque mesure. Le contrôle du Conseil constitutionnel permettra de vérifier qu'elles ne portent pas atteinte aux avantages individuels et collectifs. Le dispositif mis en place doit s'accompagner d'une réforme du traité de l'Union européenne dont le processus est déjà engagé.

Il y aura, dans cette évolution des transferts de compétences, la progressivité voulue par les partenaires calédoniens puisque c'est le Congrès de la Nouvelle-Calédonie qui définira le calendrier.

Les transferts de compétences seront irréversibles et l'Etat compensera les charges correspondant à l'exercice des compétences nouvelles. La compensation financière sera assurée par la création d'une dotation globale de compensation. Elle s'accompagnera de transferts immobiliers et de mouvements de fonctionnaires. Les mécanismes retenus s'inspirent donc très largement de ceux qui ont été pratiqués en métropole lors de la décentralisation.

Progressivité, irréversibilité et compensation des charges transférées sont donc les axes du dispositif prévus par l'accord de Nouméa et repris dans le projet de loi organique.

La troisième nouveauté est constituée par la mise en place de nouvelles institutions aux pouvoirs étendus.

Je ne reviendrai pas sur le Sénat et les conseils coutumiers, dont j'ai parlé. En revanche, je dois préciser les autres institutions de la Nouvelles-Calédonie.

Le dispositif retenu s'inspire largement des principes d'un régime d'assemblée qui répond à la volonté des partenaires calédoniens. Il reprend également nombre de règles qui sont actuellement appliquées en métropole.

Chacun des éléments est déjà bien connu mais l'ensemble ainsi constitué est singulier.

D'abord, le congrès demeure, comme cela est le cas depuis 1988, la réunion des membres des trois assemblées de province. Il est néanmoins prévu de procéder à l'élection de membres supplémentaires dans chaque assemblée de province qui, eux, ne seront pas membres du congrès.

Il s'agit de permettre une meilleure répartition des tâches au sein des assemblées de province et du congrès. Nous connaissons bien ce dispositif puisqu'il s'inspire du dispositif PLM qui concerne les trois plus grandes villes de notre pays.

L'exercice du droit de vote aux élections des membres du congrès et des assemblées de province suppose une condition de résidence de dix ans. C'est cet exercice particulier du droit de vote qui crée la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. La novation est importante ; la seule autre référence qui y est faite a trait à l'accès à l'emploi

Le projet de loi organique introduit une nouvelle forme juridique : « les lois du pays ». Elles seront votées par le congrès à la majorité absolue et auront valeur législative. Leur champ sera limité à des domaines essentiels de l'activité normative du congrès, notamment dans les domaines de la fiscalité, du droit civil, de l'accès à l'emploi ou de la réglementation concernant le nickel, le statut civil coutumier, les signes identitaires. Les projets et propositions de lois du pays seront soumis avant leur adoption à l'avis du tribunal administratif de NouvelleCalédonie.

Ces lois du pays seront susceptibles, préalablement à leur promulgation, d'être soumises à une seconde lecture puis au contrôle du Conseil constitutionnel selon une procédure de saisine réservée à des autorités déterminé es : le haut-commissaire, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, le président du congrès ou d'une assemblée de province ou le tiers, soit dix-huit membres, du congrès.

L'exécutif, assuré depuis 1988 par le haut-commissaire, est transféré à un gouvernement de cinq à onze membres.

Il est élu par le congrès au scrutin de liste à la représentation proportionnelle. Il est responsable devant lui. Il prépare et exécute les délibérations du congrès. Il gère collé gialement et solidairement les affaires relevant de sa compétence et charge chacun de ses membres d'animer et de contrôler un secteur de l'administration de la Nouvelle-Calédonie.

Le haut-commissaire, représentant de l'Etat, assiste de plein droit aux séances du gouvernement et peut intervenir au cours de ses délibérations, mais il n'a pas voix délibérative. Il peut toutefois demander une deuxième délibération d'un arrêté du gouvernement. Cette présence et ce rôle du représentant de l'Etat sont expressément prévus par l'accord de Nouméa.

Les attributions du gouvernement sont précisées. Ils prend, sur habilitation du congrès ou de sa commission permanente, les arrêtés réglementaires pour la mise en oeuvre des actes du congrès ou de sa commission permanente.

Le président du gouvernement devient l'exécutif. Il dirige l'administration de la Nouvelle-Calédonie. Il est ordonnateur des recettes et des dépenses et peut déléguer, sur autorisation du congrès, certaines attributions à un ou plusieurs des membres du gouvernement.

La responsabilité du gouvernement peut être mise en cause par le congrès par le vote d'une motion de censure qui, si elle est adoptée, met fin à ses fonctions.

Les trois provinces de Nouvelle-Calédonie se trouvent confortées dans leur statut de collectivité disposant de la compétence de droit commun. Créées par la loi référendaire de 1988, elles ont prouvé qu'elles étaient en mesure d'assumer leurs compétences, de participer au rééquilibrage voulu par les accords de Matignon et de répondre aux besoins exprimés par les populations. L'expérience acquise au cours des ces dix années a révélé qu'il était nécessaire de réécrire, en le simplifiant, le dispositif financier qui leur assure une dotation obligatoire en provenance du budget de la Nouvelle-Calédonie. Est mise en place par ailleurs une procédure de censure du président de l'assemblée de province, au moment du débat budgétaire, par le vote à une majorité qualifiée d'un projet alternatif à celui présenté par l'exécutif, à l'image de ce qui s'appliquera prochainement dans les conseils régionaux.

Le dispositif électoral pour les élections aux assemblées de province, et donc au congrès, reprend la loi référendaire de 1988 complétée par trois points de l'accord de Nouméa.

Le premier porte sur l'augmentation du nombre des membres des assemblées de province ; je l'ai déjà évoqué.

Le deuxième concerne la définition d'un corps électoral spécial, qui a fait l'objet de longues discussions entre les partenaires calédoniens. Pourront notamment participer à l'élection des assemblées de province et donc du congrès les personnes inscrites au tableau annexe qui ont au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie.

La troisième disposition prévue par l'accord de Nouméa est destinée à faciliter le fonctionnement des assemblées locales, en évitant les conséquences d'une dispersion des suffrages. Le seuil à atteindre pour participer à la


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répartition des sièges à la proportionnelle est fixé à 5 % des électeurs inscrits. Cette disposition devrait assurer une certaine stabilité des institutions.

Les prochaines élections aux assemblées de province et au congrès auront lieu avant le 1er août 1999, j'espère d'ici au mois de juin, après l'adoption par le Parlement de cette loi organique et de la loi ordinaire.

Le conseil économique et social, par ailleurs, est maintenu dans une composition élargie. Sa fonction consultative est affirmée.

Les communes demeurent des collectivités territoriales d e la République relevant de l'Etat au moins jusqu'en 2009. Par la suite, il reviendra au congrès de décider. Elles bénéficieront d'un aménagement du dispositif financier qui leur donne une partie de leurs ressources en provenance du budget de la NouvelleCalédonie. Outre le fonds intercommunal de péréquation pour le fonctionnement des communes et le fonds interc ommunal de péréquation pour l'équipement des communes, la loi organique prévoit la création d'un fonds intercommunal pour le développement de l'intérieur et des îles.

Les modalités d'application seront désormais déterminées par délibérations du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

La date de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté sera quant à elle déterminée au cours du mandat du congrès qui commencera en 2014, par délibération du congrès ou, à défaut, par l'Etat.

Cette consultation portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie de nouvelles compétences régaliennes. Les modalités de son organisation sont fixées avec précision dans le projet de loi.

L'accord de Nouméa évoque trois consultations successives pour franchir cette ultime étape. Le projet de loi organique précise qu'avant la troisième consultation, qui devient éventuelle, le comité des signataires responsable du suivi de l'accord de Nouméa se réunira. Ce choix résulte de la discussion que nous avons eue cet été avec les partenaires calédoniens. Par ailleurs, l'accord de Nouméa précise que le définition du corps électoral pour cette consultation repose sur une durée de résidence de vingt ans.

L'Etat s'est engagé à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans sa démarche d'émancipation et de développement économique.

Le titre VIII du projet de loi organique définit le rééquilibrage et le développement économique et social. Il prévoit notamment la conclusion de contrats pluriannuels de développement entre l'Etat, d'une part, la NouvelleCalédonie et les provinces, d'autre part, et le contrôle des outils de développement. Un accord particulier pour le développement culturel est prévu. Il traitera notamment du patrimoine culturel kanak et du centre culturel JeanMarie-Tjibaou. Enfin, les langues kanakes sont reconnues comme langues d'enseignement et de culture.

Je voudrais pour terminer évoquer rapidement le projet de loi ordinaire qui fixe les dispositions législatives d'application de l'accord de Nouméa, qui ne relèvent pas de la loi organique, mais la complètent.

Il s'agit notamment de déterminer les missions et les attributions du haut-commissaire, qui sont celles traditionnellement dévolues au délégué du Gouvernement de la République, de fixer le cadre de l'action de l'Etat pour le rééquilibrage et le développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie, de préciser le régime applicable aux comptes et aux comptables, et les règles concernant les communes. Il est également prévu d'adapter le fonctionnement du tribunal administratif de la NouvelleCalédonie aux charges spécifiques qui lui seront dévolues en matière d'avis à émettre sur les projets et propositions de loi du pays.

Enfin, les règles en matière électorale sont précisées et aménagées.

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, ces deux textes soumis au Parlement et qui constituent un statut propre à la Nouvelle-Calédonie. Ils vont établir des rapports nouveaux entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie avec le souci d'assurer la stabilité pour une période de vingt années. Les dispositifs originaux mis en place, s'ils ont justifié une révision constitutionnelle, correspondent à une situation particulière, celle d'une Nouvelle-Calédonie qui souhaite partager un destin commun entre toutes ses communautés et assurer son émancipation.

Le Gouvernement accompagnera cette démarche avec le souci de favoriser le rééquilibrage et le développement de la Nouvelle-Calédonie au bénéfice de ses habitants.

Comme s'y est engagé le Premier ministre Lionel Jospin lors de la réunion du Parlement en Congrès à Versailles, le Gouvernement a veillé, par les projets de loi qui vous sont soumis, en exécution de la réforme constitutionnelle, à appliquer l'accord de Nouméa, totalement et loyalement, dans sa lettre et dans son esprit.

Il y a dix ans, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur avaient su, avec l'autorité de Michel Rocard et l'aide de l'Etat, changer l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. JeanMarie Tjibaou est mort pour ses idées après avoir fait le geste de la réconciliation : son souvenir demeure. Jacques Lafleur siège toujours parmi vous. Il est resté fidèle à ses convictions, qui ont tracé le chemin de la paix entre les communautés. Les dix années qui viennent de s'écouler ont montré la pertinence de leur vision et de leur accord.

Après le référendum du 8 novembre, vous êtes maintenant appelés à débattre et à voter sur cette loi organique.

L'avenir imaginé il y a dix ans aura un avenir, celui que les Calédoniens construiront ensemble avec le concours de la France. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour les deux projets, de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec les accords de Nouméa, Lionel Jospin, chef du Gouvernement français, manifestait la volonté de la France de conduire la Nouvelle-Calédonie dans la voie tracée par les accords de Matignon dix ans plus tôt : décoloniser dans la paix. Aventure extraordinaire, unique même dans l'histoire coloniale de notre pays, dont on comprend mieux la difficulté en cette année du quatrième centenaire de l'édit de Nantes - ce rapprochement est, et pour cause, le fait de Michel Rocard : je vous renvoie à son excellente préface que j'ai eu tout le loisir de lire - nouvelle coïncidence - à l'hôpital de Nouméa, au moment même de la signature des accords.

Le mérite en revient aussi aux acteurs locaux : Jacques Lafleur, notre collègue du RPCR, présent aux deux cérémonies que je viens d'évoquer, contrairement, hélas, à Jean-Marie Tjibaou, et les responsables du FLNKS, en particulier leur président, Roch Wamytan. Tous ont


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oeuvré en ce sens et ont su convaincre leurs amis de s'engager dans un processus dont on comprend mieux aujourd'hui qu'il ne comporte pas d'alternative.

Les projets de loi organique et ordinaire que le Gouvernement nous présente constituent, après la révision constitutionnelle et le vote approbateur de la population calédonienne, les modalités pratiques de mise en oeuvre des accords de Nouméa. Du fait de la publication nécessairement tardive de mon rapport dont la longueur est à la mesure de celle du texte de loi, et pour ne pas allonger inutilement mon propos, je me bornerai à exposer les principales modifications adoptées par la commission des lois au texte du Gouvernement dans ses principaux aspects : l'identité kanake, les transferts de compétences, le nouveau fonctionnement institutionnel de la NouvelleCalédonie et le rôle du haut-commissaire. Les autres modifications seront évoquées à l'occasion de la discussion des articles.

Conformément aux accords de Nouméa, le projet de loi accorde une attention toute particulière à la coutume constitutive de l'identité kanake. La reconnaissance pleine et entière de la coutume en tant qu'élément structurant la société calédonienne, est une innovation du processus initié à Nouméa. Elle n'est toutefois pas sans poser de difficultés à la fois juridiques et sociales. La prise en compte de la coutume, dans les relations juridiques entre personnes n'est pas chose aisée pour les juridictions : par définition, la coutume ne permet pas de se référer à des règles écrites codifiées. La difficulté réside aussi dans le fait qu'il n'existe pas une coutume, mais des coutumes différentes selon les aires, les tribus, les clans. La mission du juge n'est donc pas simple. Pour l'aider dans sa tâche, il est heureusement assisté d'assesseurs coutumiers. Au nombre de cinq par aire, ils complètent les formations juridictionnelles civiles de première instance et d'appel.

Ce mécanisme fonctionne bien.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, à l'initiative de notre collègue Colcombet, la commission vous suggérera de l'étendre aux juridictions de droit commun. A cet effet, il est proposé d'ajouter un titre nouveau : « Organisation de la justice en Nouvelle-Calédonie », dont François Colcombet évoquera plus en détail le contenu à l'occasion de son intervention.

J'en reviens au statut. L'accord de Nouméa a ouvert la possibilité pour les Kanak, qui ont renoncé au statut civil d'opter pour lui à nouveau ; l'objectif principal de cette disposition est de permettre à des Kanak qui vivent en tribu et qui ont perdu leur statut coutumier de mieuxs'intégrer dans la communauté où ils évoluent en renouant avec le droit coutumier.

Cette possibilité va à l'encontre de l'opinion selon laquelle il s'agirait d'une forme de régression contraire à l'idée de progrès et d'émancipation de l'individu. Il est clair qu'en ce domaine deux logiques s'affrontent. Certains estiment que la coutume, ciment de l'identité kanake est un pôle de stabilité dans une société en proie à des phénomènes déstructurants comme l'exode rural, le chômage, la drogue ou l'alcoolisme ; d'autres considèrent que la coutume est le signe d'un archaïsme communautaire qui interdit aux Kanak de progresser, notamment en matière économique et aux femmes mélanésiennes d'accéder à un statut qui les traite à l'égal des hommes. A cet égard, le discours des mouvements politiques kanakes n'est pas dénué d'ambiguïté. Ils en appellent à l'identité parce qu'elle est au coeur du combat mené contre les colonisateurs. Mais, parce qu'ils fondent aussi leur action sur une pensée progressiste et démocratique, ils ne peuvent accepter la coutume dans ses aspects les plus conservateurs. C'est de cette tension qu'est née l'idée présente dans le projet de loi organique de créer des institutions coutumières qui, à terme, pourront être issues d'élections.

L'importance des transferts de compétences se comprend à la lecture des articles 21 et 22, 25 et 26 qui énumèrent les domaines de compétences qui désormais seront exercées par la Nouvelle-Calédonie, en particulier le droit du travail, y compris l'inspection du travail, le droit syndical, le travail des étrangers, la formation professionnelle, la réglementation et l'autorisation des investissements étrangers, pour ne citer que les domaines concernant directement l'emploi et le développement économique.

Au terme de ce transfert, l'Etat n'exercera plus que les compétences régaliennes : justice, ordre public, défense, monnaie, crédit, affaires étrangères, qui ne seraient transférées qu'avec l'accession à la pleine souveraineté décidée par la population calédonienne.

La commission des lois a considéré que le contrôle budgétaire devait appartenir à ce bloc de compétences régaliennes. Elle a en conséquence modifié le projet de loi qui en rendait possible le transfert à partir de 2009. En effet, l'intervention financière de l'Etat, c'est-à-dire du contribuable national, est en Nouvelle-Calédonie significative : 4,5 milliards de francs français en 1997, salaires d es militaires exclus, en progression, de 46 % depuis 1991, sensiblement supérieures à celle du budget national, qui ne s'est accrue durant cette période que de 27 %. Cela représente, si vous me permettez de citer mon département, une dépense par habitant deux fois supérieure à celle que l'Etat consacre dans l'Aisne. Mais je ne m'en plains pas.

Il est donc légitime que le contrôle de l'usage des fonds publics continue à s'exercer dans le cadre des lois de la République.

Dans le même souci, la commission vous propose plusieurs compléments. Pour commencer, elle suggère de rendre applicable en Nouvelle-Calédonie les dispositions de la loi sur les sociétés d'économie mixte, étant précisé que les sociétés existantes devront, au 1er janvier 2000, se mettre en conformité avec ces dispositions.

Ensuite, renforcer les règles de transparence en matière de délégation de services publics, par application des dispositions de publicité prévues dans le code des collectivités territoriales.

Enfin, développer l'action de la chambre territoriale des comptes, en lui confiant le soin de publier au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie, chaque année, un rapport qui fera état de ses observations ainsi qu'un autre rapport sur l'exécution du budget du territoire.

Ces diverses dispositions ne correspondent à aucun sentiment de suspicion particulier. Au demeurant, seuls pourraient s'en émouvoir ou s'en offusquer ceux qui espèrent, à l'occasion de ce statut particulier, échapper aux règles de bonne gestion de l'argent public. Il convient d'éviter en Nouvelle-Calédonie, les dérives, hélas ! trop fréquentes, que l'on constate sur le territoire voisin de la Polynésie et que notre collègue Vernaudon a récemment rappelées dans cet hémicycle.

L'originalité de ces transferts réside dans l'apparition des lois du pays qui auront, en quelque sorte, une valeur législative puisque ces lois du pays ne seront soumises, le cas échéant, qu'au Conseil constitutionnel et qu'elles ne seront susceptibles d'aucun autre recours.


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Les lois du pays concernent les domaines de compétences les plus sensibles, depuis les règles relatives à l'assiette et au recouvrement des impôts jusqu'aux principes fondamentaux concernant la propriété, les droits réels, en passant par le statut coutumier.

Dans ce domaine, la commission a modifié le projet sur plusieurs points.

La demande de deuxième délibération pour ces textes a été ouverte à onze membres du congrès, contre dix-huit dans le projet de loi initial.

Afin d'améliorer les conditions d'examen de ces lois par le Conseil constitutionnel, la commission a précisé les règles de procédure qui seront applicables aux lois du pays : désignation d'un rapporteur, publication d'un rapport écrit, publication du compte rendu intégral des débats. Ce dispositif assure également auprès des citoyens une meilleure transparence.

Enfin, pour éviter de nombreux motifs d'inconstitutionnalité, la commission a prévu qu'il appartiendrait au Conseil d'Etat et non au tribunal administratif de donner un avis préalable sur les lois du pays. Compte tenu de la compétence et de l'expérience reconnues aux membres du Conseil d'Etat et de l'autorité accrue qui en résulterait, nous pensons que cette solution est préférable.

V otre rapporteur constate que la proportion de membres du congrès susceptibles de déférer au Conseil constitutionnel les lois du pays, un tiers, est très sensiblement supérieure à ce qui est exigé pour la saisine des parlementaires mais la présence de ce seuil dans les accords de Nouméa rend difficile de le modifier. En tout état de cause, il appartiendra au haut-commissaire, représentant de l'Etat, d'être le garant des minorités qui s'estimeraient pénalisées.

La progressivité des transferts concerne également les lois du pays. Elle s'étendra sur l'ensemble de la période, les derniers transferts, le contrôle administratif des collect ivités, l'enseignement supérieur, la communication audiovisuelle, n'étant possibles qu'à partir de 2009, et nécessitant une loi organique ultérieure.

Leur caractère irréversible est compréhensible puisqu'il d'agit d'une démarche évolutive vers l'émancipation qui exclut, par définition, tout retour en arrière. Si la Nouvelle-Calédonie, au terme de ce processus, n'accédait pas à la souveraineté, elle disposerait néanmoins d'une autonomie particulièrement forte.

Conséquence de ces transferts de compétence, l'Etat va cesser de diriger le territoire pour conserver un contrôle a posteriori et ses compétences régaliennes. Dans ses fonctions d'exécutif territorial, le haut-commissaire est remplacé par un gouvernement constitué à la proportionnelle des groupes représentés au congrès.

Cette formule, pour le moins originale, correspond au choix des signataires des accords de Nouméa : volonté de construire ensemble un destin commun. C'est d'ailleurs l'apport principal des accords de Matignon, aujourd'hui affirmé par les accords de Nouméa et organisé par le présent texte : « les communautés qui vivent en NouvelleCalédonie ont acquis une légitimité à y vivre et à continuer de contribuer à son développement. Elles sont indispensables à son équilibre social et au fonctionnement de son économie et de ses institutions sociales. »

C'est dire que la formule retenue, un gouvernement à la proportionnelle, dépendra pour l'essentiel du comportement des hommes et des femmes - hélas ! trop peu présentes aux postes de responsabilité - à faire vivre et à développer cette direction collégiale. Et puisqu'on ne change pas les mentalités par la loi, votre commission s'est efforcée de consolider ce dispositif institutionnel par plusieurs précisions.

Concernant le congrès, constitué de cinquante-quatre membres, élus dans le cadre des élections provinciales, votre commission a souhaité distinguer l'élection du président, au scrutin uninominal, et celle des membres du bureau, au scrutin proportionnel. Ainsi, à l'instar de l'Assemblée nationale, le principe de la représentation proportionnelle pénétrera le congrès, qui va passer d'un rôle de conseil régional à une fonction d'assemblée législative. Votre rapporteur espère que le règlement intérieur s'inscrira dans cette perspective pour les diverses procéd ures internes, composition et fonctionnement des commissions, par exemple.

Concernant le gouvernement, la commission des lois a précisé, pour éviter d'éventuelles manipulations, qu'un membre du congrès ne pouvait soutenir qu'une liste de candidats et que la révocation d'un membre du gouvernement était soumise à l'accord du groupe dont il était issu.

Enfin, dans le souci de ne pas rigidifier le texte, la commission a supprimé l'obligation pour les groupes politiques d'avoir des élus dans deux provinces pour présenter des candidats aux fonctions gouvernementales.

Par ailleurs, la commission a limité à un an renouvelable la durée du mandat du président du sénat coutumier.

Pour les provinces, la commission a modifié le dispositif envisagé pour mettre un terme aux fonctions de leur président, en diminuant les seuils requis pour déposer et voter la motion qui, en tout état de cause, devra néanmoins recueillir la majorité absolue.

La commission n'a pratiquement pas modifié les dispositions du texte concernant les communes, dont il faut rappeler qu'elles renforcent leurs prérogatives et, ce qui est plus sensible, leurs moyens financiers.

Le rôle du haut-commissaire va donc, en conséquence, se modifier sensiblement. Indiscutablement, ses pouvoirs sont diminués, ce qui est inévitable lorsqu'on s'engage dans un processus d'émancipation ; il en fut de même en métropole dans le cadre des lois de 1982. On a, d'ailleurs, compris depuis que ce processus n'aboutissait pas à un affaiblissement de l'Etat, mais à une redéfinition de ses fonctions. Il en sera de même en Nouvelle-Calédonie.

La commission a voulu manifester sa volonté de maintenir une présence active de l'Etat à travers le hautcommissaire, en particulier comme garant de l'état de droit. Il importe que le haut-commissaire sache faire respecter l'état de droit et les principes républicains dans les cas où ils seraient ignorés.

Il en a le pouvoir, par le contrôle de légalité et la saisine du Conseil constitutionnel. La commission a, d'ailleurs, souhaité renforcer cette fonction en lui confiant le soin d'élaborer, en collaboration avec le gouvernement, un schéma d'aménagement et de développement. Mais il lui en faut les moyens. Et à cet effet, je souligne, monsieur le secrétaire d'Etat, la nécessité de doter le personnel du haut-commissariat d'un statut, qui lui fait défaut. Le Gouvernement, a déposé, ce matin, un amendement allant en ce sens, que la commission a bien voulu accepter.

A l'occasion des mes divers séjours en NouvelleCalédonie, dont le premier remonte à 1989, j'ai pu apprécier la qualité des représentants de l'Etat, le travail c onsidérable qu'ils accomplissent. Leurs successeurs devront être choisis avec un soin particulier compte tenu du rôle nouveau qui leur sera dévolu.


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Enfin, dans un souci d'éviter des dérives que l'on a connues, hier, en métropole et, aujourd'hui, dans certains territoires d'outre-mer, la commission vous propose de préciser et de renforcer les incompatibilités qui s'appliqueront aux élus, ainsi que le plafonnement de leur indemnisation.

Telles sont, mes chers collègues, les principales modifications que la commission a adoptées qui sont soumises à l'Assemblée nationale.

Malgré la brièveté des délais, un travail significatif a pu être réalisé en commission. Je me dois de souligner l'apport de notre collègue Pierre Frogier qui a enrichi le texte de plusieurs amendements, que nous avons acceptés, et qui témoignent - mais pouvait-il en être autrement ? de sa connaissance des réalités néo-calédoniennes.

Il est dommage que le point de vue du FLNKS n'ait pu s'exprimer de la même manière, faute d'élus de cette tendance. La mise en application des accords de Nouméa qui s'étendra sur une longue période serait facilitée si la représentation parlementaire de Nouvelle-Calédonie était davantage pluraliste.

Quoi qu'il en soit on comprendra pourquoi votre rapporteur s'est efforcé de suppléer à cette absence en défendant les propositions suggérées par la délégation du FLNKS, voire par d'autres forces politiques, au cours des diverses séances de travail que j'ai tenues. J'espère ce faisant n'avoir pas failli à l'honnêteté et à la rigueur que vous êtes en droit d'attendre du rapporteur.

Au demeurant, le processus législatif ne s'arrêtera pas avec le vote de l'Assemblée puisque le texte va aller au Sénat, début février, et que nous aurons ensuite l'occasion de tenir une commission mixte paritaire pour aboutir, sans doute, à un texte commun aux alentours du 15 mars, période ou chaque assemblée pourra voter sur ce texte.

Il est temps de conclure. Nombreux sont ceux qui doutent de la réussite de ce gouvernement proportionnel en estimant, d'ailleurs, que chaque partenaire est rempli d'arrière-pensées, voire de mauvaises pensées. En songeant à ces remarques, je ne peux qu'inciter tous ceux qui doutent de la réussite de cette construction novatrice, différente bien sûr des catégories habituelles, à lire ou à relire l'analyse que Charles Péguy faisait au début du siècle de la philosophie bergsonienne, si séduisante par sa réflexion sur l'évolution créatrice : « Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée, c'est d'avoir une pensée toute faite. »

Alors, bonne ou mauvaise, je souhaite vivement que ceux qui appliqueront cet accord n'aient pas une pensée toute faite.

(Applaudissements.)

Discussion générale commune

M. le président.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 8 novembre dernier, près de 72 % des Néo-Calédoniens ont ratifié par référendum l'accord de Nouméa sur l'avenir institutionnel de leur territoire. Ce résultat est d'abord significatif par l'ampleur de la participation qui s'est elevée à 74 % des électeurs inscrits. Il l'est ensuite en tant que révélateur du chemin parcouru en dix ans par les diverses communautés de ce pays.

En 1988, en effet, elles sortaient d'une situation voisine de la guerre civile, grâce à la signature des accords de Matignon, qualifiés de « pari sur l'intelligence » par JeanMarie Tjibaou.

Ces accords symbolisaient une nouvelle démarche consensuelle fondée sur le dialogue et la réconciliation entre peuples qu'un siècle et demi d'histoire coloniale avait pourtant déchirés, séparés. Je rends une nouvelle fois hommage aux dirigeants kanaks qui ont eu l'intelligence, la générosité, la grandeur de dépasser les séquelles du passé et de tendre la main aux autres communautés calédoniennes. Je rends aussi hommage à tous ceux qui, dans l'autre camp, si j'ose dire, ont reconnu et fait reconnaître que la paix civile et toute solution politique en Nouvelle-Calédonie passaient par la prise en compte de l'identité et des revendications kanakes. Je rends hommage, enfin, au Gouvernement français qui a favorisé l'entente et la recherche des solutions de compromis, a pris des engagements pour la réforme des institutions, le rééquilibrage entre les communautés et entre les différentes régions du territoire et pour l'insertion de la Nouvelle-Calédonie dans son environnement régional.

Les dix années écoulées attestent de la volonté réelle partagée des Néo-Calédoniens d'organiser sur des bases nouvelles la vie en commun sur le territoire, même si les divergences d'optique et les difficultés de la mise en oeuvre des réformes, par ailleurs insuffisantes, n'ont pas manqué.

Quelle meilleure illustration de ce nouvel état d'esprit que la signature des accords de Nouméa qui prolongent ceux de Matignon et instaurent un processus inédit d'émancipation pacifique du territoire, et qui viennent d'accueillir l'adhésion forte de la population néo-calédonienne ? Pour autant, monsieur le secrétaire d'Etat, la période nouvelle qui s'ouvre ne sera pas exempte de difficultés, précisément parce que l'enjeu est d'une importance vitale pour le territoire. Il s'agit, rappelons-le, de permettre aux peuples néo-calédoniens de maîtriser leur destin au terme d'une période transitoire de quinze ans au moins et de vingt ans au plus, pendant laquelle les compétences des assemblées et de l'exécutif de la Nouvelle-Calédonie seront accrues progressivement et de façon irréversible, l'Etat français ne conservant plus, à la fin du processus, que les pouvoirs régaliens.

Le rôle de l'Etat sera d'autant plus essentiel, pendant cette période transitoire, qu'il aura à respecter et à faire respecter le délicat et fragile équilibre des accords de Nouméa, fait de concessions de part et d'autre, qu'il aura à favoriser et à accompagner les solutions inédites aux problèmes inédits qui surgiront inévitablement ; d'où l'importance primordiale de ce projet de loi organique et du projet de loi ordinaire qui doivent traduire dans la loi les principes, les orientations et les objectifs des accords de Nouméa.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de regretter comme d'autres, le peu de temps dont dispose l'Assemblée nationale pour étudier un texte aussi essentiel - et en débattre - d'autant plus que plusieurs de ses articles, y compris ceux relatifs au « noyau dur » ont fait l'objet d'interprétations. Bien d'autres nécessitent d'être mieux précisés, voire améliorés.

En effet, je le rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat, le FLNKS estimant que la lettre et l'esprit des accords n'étaient pas fidèlement reflétés dans ces projets, s'est abstenu lors du vote sur ces textes au congrès du Territoire.


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Je sais que, depuis, les efforts ont été multipliés pour apaiser les inquiétudes et dissiper les malentendus. Je m'en félicite, naturellement, très vivement.

Parmi les problèmes, citons celui de la limitation du corps électoral pour les élections au congrès du Territoire et pous les assemblées de province. Vous avez rappelé en commission, monsieur le secrétaire d'Etat, l'opposition du FLNKS à une interprétation large du corps électoral

« glissant », en vertu duquel une possibilité serait offerte aux personnes installées depuis plus de dix ans, et pas seulement à celles figurant sur le tableau annexe 19881998, de voter aux élections provinciales. Le FLNKS considère en effet que les personnes de passage sur le territoire ne doivent pouvoir voter qu'aux scrutins nationaux et municipaux.

Je voudrais ici faire deux remarques.

Je veux, d'abord, répondre à l'objection que, en 1988, le Conseil d'Etat avait rejeté une disposition limitant le corps électoral, alors même que les accords de Matignon avaient prévu une telle restriction. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est précisément parce que plusieurs dispositions des accords de Nouméa dérogeaient au droit français et que le nouveau statut qu'ils conféraient au territoire n'était pas reconnu par notre constitution, que nous avons eu recours à une révision constitutionnelle votée, souvenons-nous en, à plus de 95 % des suffrages exprimés. Dès lors, opposer l'argument d'une entorse juridique à la revendication kanak retenue à Nouméa n'a pas de sens. Cela enfreint même les règles du jeu.

Ensuite, qualifier la détermination du corps électoral comme un élément « parfois un peu artificiel » de l'équilibre mathématique des communautés cher au FLNKS, c'est oublier l'utilisation faite par le passé, dans la Nouvelle-Calédonie même, et aujourd'hui dans maintes parties du monde, d'une stratégie délibérée de peuplement allogène afin de rendre minoritaires les populations autochtones. C'est aussi occulter l'impact des moindres flux migratoires dans le contexte d'un pays dont la faiblesse numérique est notoire.

C'est dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette question est cruciale pour le maintien d'un climat de confiance et d'harmonie sur le territoire, si essentiel pour la réussite du processus engagé.

Un autre problème concerne le dispositif de sortie de la période transitoire prévu dans les accords de Nouméa.

Deux consultations, au lieu de trois, sont expressément indiquées dans les textes. Nous ne comprenons pas non plus le pourquoi de ce choix, alors qu'il était clairement admis, lors du débat parlementaire de juin dernier, et ensuite lors de celui du Congrès de Versailles, que les accords de Nouméa ne sauraient souffrir la moindre entorse, dans aucun sens, sous peine de détruire leur équilibre fragile, et donc leur légitimité.

Notre position a été et reste la suivante : nous voulons les accords, rien que les accords, mais tous les accords.

Cela nous semble être une position de sagesse, une position de responsabilité, gage de la réussite de l'expérience néo-calédonienne inédite et que nous soutenons entièrement.

C'est aussi le respect de la parole donnée qui est, comme vous le savez, au centre même de la culture kanake, de l'identité kanake, dont la reconnaissance continue d'être une des innovations majeures des accords de Nouméa.

Si un accord a été trouvé sur ce point-là aussi, celui des référendums, croyez que je n'y verrai aucune objection. Je m'en félicite au contraire. J'ai voulu néanmoins, sans souci polémique, simplement par souci de vérité, rappeler ces faits qui étaient des points d'achoppement de ces derniers jours.

Le projet organique soulève d'autres problèmes liés, cette fois, à une certaine imprécision des textes de Nouméa : la notion de citoyenneté y est liée aux restrictions apportées au corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province et pour la consultation finale. Or la composition de ce corps change selon les deux types de scrutins.

La loi organique, dans son article 3, rattache la définition de la citoyenneté à l'article 177, qui fixe les conditions de participation aux élections aux institutions du pays, ignorant ainsi l'article 206, qui, lui, détermine le corps électoral pour le référendum de sortie.

Si le choix du texte favorise une interprétation large de la citoyenneté, il crée en même temps deux catégories de citoyens : ceux qui pourront voter pour la consultation finale et ceux qui en seront empêchés. Ce problème a d'ailleurs des incidences sur la question du protectionnisme dans le domaine de l'emploi local, dont le principe est acquis par les accords de Nouméa.

Là encore, si les deux parties se sont mises d'accord pour une formule commune, nous ne pouvons que nous en féliciter et nous l'accepterons bien volontiers.

D'autres questions clés, telles que le contrôle de la constitutionnalité des lois du pays, celui de l'usage des fonds publics, le fonctionnement de la collégialité du Gouvernement, le respect des libertés publiques appellent également des précisions. Nous en parlerons au moment de la discussion des articles.

Pour terminer, je voudrais insister sur un autre aspect de la responsabilité de l'Etat français dans le processus désormais en oeuvre en Nouvelle-Calédonie. Il doit veiller à ce que l'objectif fixé il y a dix ans à Matignon pour le rééquilibrage entre les communautés et entre les différentes régions du territoire soit enfin atteint. Cela implique de combler le retard pris dans la formation du peuple kanak, la réforme du champ foncier et le rééquilibrage économique entre le grand Nouméa et le reste du territoire. Je tiens à rappeler sur ce point que les compétences et obligations non financières qui seraient transférées aux collectivités locales dans le cadre de la présente loi et qui sont mises à la charge de l'Etat par le protocole du 4 février 1998, modifié par l'avenant du 4 juin 1998 organisant la procédure d'échange de massifs miniers tendant à promouvoir le développement du territoire de la N ouvelle-Calédonie dans le sens d'un rééquilibrage économique entre le nord et le sud, seront reprises et mises en oeuvre par lesdites collectivités locales.

De la bonne mise en oeuvre du dispositif concernant le développement économique et social du territoire dépendra la volonté, voire la capacité, des populations concernées de s'emparer de la solution consensuelle des accords de Nouméa, de l'idée d'un destin partagé, et ainsi d'engager une dynamique qui leur permettra, lors du référendum d'autodétermination, d'opter librement pour la maîtrise de leur destin.

En d'autres termes, cela conditionnera incontestablement la réussite de cette formidable expérience de décolonisation pacifique, une première dans l'histoire de notre pays, qui lui fait honneur et à laquelle le groupe communiste est particulièrement sensible.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Grignon.


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M. Gérard Grignon.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui est un débat de confirmation. Après le vote de la loi constitutionnelle, nous sommes appelés à mettre en oeuvre, par le vote d'une loi organique et d'une loi ordinaire, les dispositions qui organiseront le statut de la Nouvelle-Calédonie pour les deux décennies à venir.

Il y a dix ans, le 26 juin 1988, les téléspectateurs calédoniens, éberlués, assistaient en direct à une poignée de m ain historique : Jean-Marie Tjibaou, président du FLNKS, et le député Jacques Lafleur, du RPCR, venaient de signer les accords de Matignon qui mettaient fin aux événements sanglants qui avaient assombri la Nouvelle-Calédonie de 1984 à 1988. La raison triomphe de la passion. Le dialogue l'emporte sur un combat fratricide conduisant le pays dans l'impasse.

Dix ans après, l'accord de Nouméa était signé le 5 mai 1998 par le Premier ministre, les représentants du FLNKS conduit par Roch Wamytan et les représentants du RPCR conduits par Jacques Lafleur.

L'avenir institutionnel de l'archipel pour les quinze à vingt ans à venir se mettait en place.

L'accord de Nouméa témoigne de l'esprit de dialogue entre les parties. Il scelle le partenariat entre l'Etat, le RPCR et le FLNKS. Il témoigne aussi des concessions réciproques raisonnables consenties par chacune des parties, que chaque Français, de métropole ou d'outre-mer, se doit de saluer : le compromis et le consensus valent toujours mieux en République que le désaccord.

Le FLNKS, favorable à une indépendance-association dès 1999, acceptait quinze à vingt années d'autonomie progressive au sein de la République, avec, en fin de période, un mécanisme d'autodétermination.

Le RPCR, de son côté, acceptait de reconnaître les ombres de la période coloniale et le traumatisme durable qu'elle a fait naître pour la population d'origine.

C omment résumer cet accord ? Il aménageait la citoyenneté kanake, l'autonomie des institutions locales, la conduite de la politique économique et le corps électoral qui sera appelé, dans un délai de quinze à vingt ans, à se prononcer sur l'indépendance du territoire.

La mise en oeuvre de cet accord nécessitait une révision constitutionnelle. En effet, un certain nombre de points essentiels de ce texte politique étaient contraires au droit commun constitutionnel.

Enumérons-les brièvement : Création d'une entité juridique de nature nouvelle ; Caractère irréversible du transfert de compétences consenti à la Nouvelle-Calédonie, conduisant à déroger au principe d'indivisibilité de la République, puisque le législateur ne pourra plus intervenir dans les domaines de compétences reconnus au territoire et que certaines délibérations du congrès auront le caractère de lois du pays, échappant ainsi à tout autre contrôle que celui du Conseil constitutionnel, avant leur publication ; Reconnaissance d'une citoyenneté de la NouvelleCalédonie, qui fonde des restrictions apportées au corps électoral ; Autorisation de prendre des mesures pour préserver l'emploi local, permettant aux citoyens de la NouvelleCalédonie de bénéficier d'une forme de priorité à l'embauche ; Possibilité pour les personnes ayant perdu le statut civil de droit particulier, appelé statut coutumier, de le récupérer, par dérogation aux dispositions de l'article 75 de la Constitution ; Organisation d'une consultation sur l'approbation de l'accord de Nouméa, qui se substituera au scrutin d'autod étermination prévu par l'article 2 de la loi du 9 novembre 1988, et n'entre dans aucun des cadres prévus par la Constitution pour la tenue d'un référendum.

E n dépit d'un certain nombre de dispositions contraires aux traditions républicaines et à l'esprit de nos intitutions, le Parlement réuni en Congrès a adopté le 6 juillet dernier le projet de loi constitutionnelle permettant l'inscription dans la Constitution des dispositions transitoires permettant l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

Ainsi que l'avait exprimé mon collègue Henry JeanBaptiste à Versailles, le groupe UDF s'est rangé aux arguments des signataires de l'accord de Nouméa en prenant acte du consensus politique pour approuver la révision constitutionnelle. C'est un choix politique que nous avons accompli. Pourtant, les réticences ont été longues à vaincre tant les appréhensions et les craintes étaient fortes des deux côtés.

L'approbation de l'accord par les Calédoniens n'a pas été qu'une simple formalité.

Les anti-indépendantistes ont d'abord dénoncé un accord élaboré dans le secret des appareils politiques et

« signé à la hâte dans le dos des Calédoniens ». Une campagne de désinformation menée par de petites formations politiques est lancée.

Les plus pauvres des habitants de Nouméa, de leur côté, ne sont pas intéressés par le référendum et son enjeu, qui ne leur apporteront pas de travail.

Les Kanak, lassés par les incessantes divisions et la bataille déjà lancée pour les élections provinciales de 1999, sont, quant à eux, prêts à s'abstenir.

Les principaux acteurs politiques font campagne pour le oui, mais pour des raisons différentes. Jacques Lafleur appelle à voter oui en expliquant que l'accord permettra à l a Nouvelle-Calédonie de demeurer au sein de la République dans le cadre de relations refondées et rénovées. Roch Wamytan appelle aussi à voter oui, parce que cet accord ouvrira la voie à une indépendance irréversible qui commence à se construire dès aujourd'hui.

L'objectif était d'obtenir un résultat largement supérieur aux 57 % de oui de 1988. L'approbation par près de 72 % des votants a ainsi provoqué un heureux effet de surprise, renforcé par une forte participation, 74 %. C'est un signe de grande maturité politique.

Le 8 novembre dernier, les Calédoniens inscrits sur les listes électorales à la date du 6 novembre 1988 lors du référendum de ratification des accords de Matignon et ceux de leurs enfants qui ont atteint entre-temps l'âge de dix-huit ans ont ainsi accepté l'avenir constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie défini par l'accord de Nouméa.

Une période transitoire est donc ouverte, durant laquelle le pays va bénéficier d'un congrès du territoire, qui disposera d'un pouvoir législatif propre à une citoyenneté calédonienne.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui est la traduction des nouveaux articles 76 et 77, réunis dans le titre XIII de la Constitution. Il détaille les transferts de compétences de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie dans les domaines fiscal, social, commercial, de l'éducation, des transports, du droit et de la sécurité civile, au cours des quinze à vingt prochaines années, ne laissant plus à la fin de cette période au pouvoir central que des compétences régaliennes : justice, ordre public, défense, monnaie et affaires étrangères.


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Certains transferts interviendront à compter du 1er janvier 2000 : le statut civil coutumier, le régime des terres coutumières, le régime du travail des étrangers, le commerce extérieur, les autres compétences étant transférées entre 2004 et 2014.

Le transfert à la Nouvelle-Calédonie des établissements publics d'Etat aura lieu sur proposition du congrès. Les transferts de compétences sont assortis des transferts des moyens immobiliers, budgétaires, humains correspondants.

Rappelons que cette évolution progressive du transfert des compétences est irréversible. Quels que soient les résultats du futur référendum d'autodétermination, ces compétences resteront acquises, il n'y aura pas de retour en arrière.

Comment se présentent les nouvelles institutions de l'archipel ? Les institutions de la Nouvelle-Calédonie relèvent des principes d'un régime d'assemblée.

Le Congrès est la réunion des membres des trois assemblées de province. Il vote les lois du pays, qui ont valeur législative. Celles-ci doivent être adoptées à la majorité absolue des membres du congrès, après avis du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie.

Ces lois du pays ne recouvrent qu'une partie des compétences réglementaires de la Nouvelle-Calédonie.

Une seconde délibération ou un contrôle du Conseil constitutionnel n'est possible que sur demande du hautcommissaire du Gouvernement, du président du congrès, d'une assemblée de province ou d'un tiers des membres du congrès.

Le pouvoir exécutif est exercé collégialement par un gouvernement de cinq à onze membres, dirigé par un président élu au scrutin de liste à la proportionnelle par le congrès. Sa responsabilité pourra être mise en cause par le vote d'une motion de censure par le congrès.

Le président du gouvernement dirige l'administration d e la Nouvelle-Calédonie. Il est l'ordonnateur des dépenses et peut déléguer, sur autorisation du congrès, certaines de ses attributions à un ou plusieurs des membres du gouvernement.

Doit-on alors considérer, au vu de ces dispositions, que l'ordre constitutionnel français est atteint ? La permanence de l'Etat n'est pas mise en cause. C'est un point important pour tous ceux qui, comme les membres de l'UDF, demeurent attachés à l'indivisibilité de la République. L'Etat continuera d'être représenté par un haut-commissaire nommé en conseil des ministres.

Celui-ci assistera aux séances du gouvernement sans avoir de voix délibérative, mais pourra demander une deuxième délibération d'un arrêté du gouvernement. Il aura des responsabilités dans les domaines budgétaire et politique et dans celui de la sécurité.

Les provinces, qui ont acquis une vraie légitimité politique, sont confortées dans leur statut de collectivités disposant d'une compétence de droit commun, qui leur a été reconnue à la suite des accords de Matignon. Le projet de loi leur assure une dotation obligatoire en provenance du budget du territoire et met en place une procédure de censure du président de l'assemblée de province au moment du débat budgétaire.

Le Conseil économique et social est maintenu, dans une composition élargie.

Les communes demeurent des collectivités territoriales relevant de l'Etat, au moins jusqu'en 2009, mais elles peuvent bénéficier, sur décision du congrès, de transferts financiers en provenance du budget du territoire.

La représentation de la coutume est confiée à un sénat coutumier de seize membres, qui est obligatoirement consulté sur tout sujet intéressant l'identité kanak : signes distinctifs, statut civil coutumier, régime des terres coutumières, modalités d'élection à ces institutions nouvelles.

Il est représenté au Conseil économique et social, aux conseils d'administration des divers établissements, et participe avec le congrès, auquel revient la décision finale en cas de désaccord, à l'élaboration de certaines réglementations.

En outre, le projet de loi crée une citoyenneté calédon ienne, qui appartiendra aux Français résidant sur l'archipel depuis dix ans. Elle se transformerait en nationalité si, après 2014, la Nouvelle-Calédonie optait pour l'indépendance.

Cette notion de citoyenneté fonde les restrictions apportées au corps électoral qui s'appliqueront pour les prochaines élections territoriales et pour les référendums d'autodétermination. Le droit de vote est en effet subordonné à une condition de résidence prolongée en Nouvelle-Calédonie. La consultation finale ne sera ouverte qu'aux résidents depuis 1988 et à leurs descendants résidents, ainsi qu'à ceux qui pourront justifier de vingt ans de résidence en 2013. Le vote aux élections provinciales sera subordonné à une condition de résidence de dix ans à la date de l'élection.

La citoyenneté calédonienne ouvre aussi le droit à des garanties particulières pour accéder à un emploi peu qualifié et à la fonction publique territoriale.

L'identité kanake est pleinement reconnue par l'instauration d'un statut civil coutumier. Les articles 6 à 16 instituent une égale dignité entre le statut civil coutumier et le statut civil de droit commun, et organisent les modalités de dialogue et de passage de l'un à l'autre.

Alors, quel avenir pour la Nouvelle-Calédonie ? La question, à terme, de l'indépendance est évidemment posée, reconnaissons-le. Ne pas l'admettre reviendrait à nier l'évidence. Il faut donc voter en connaissance de cause. Une consultation sera organisée sur ce sujet entre 2014 et 2018. La date de la consultation sera fixée au cours du mandat du congrès qui commencera en 2014, par délibération du congrès ou, à défaut, par l'Etat.

En cas de réponse négative, une seconde consultation sur la même question pourra être organisée à la demande écrite du tiers des membres du congrès adressée au hautcommissaire et déposée à partir du sixième mois suivant le scrutin. La consultation aura alors lieu dans les dixhuit mois suivant la saisine du haut-commissaire.

La loi organique et une loi ordinaire sont nécessaires pour déterminer les mesures induites par la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa. Il s'agit donc aujourd'hui d'aménager un régime transitoire avant l'autodétermination. C'est tout l'objet du débat d'aujourd'hui.

Si l'ensemble des groupes du Sénat et de l'Assemblée ont voté la révision constitutionnelle en juillet dernier, avec parfois quelques réserves, et si le référendum a été largement approuvé, les dernières négociations ont révélé des points de discordance entre les différentes parties signataires. Les différends portaient sur la composition du corps électoral calédonien et le nombre de consultations d'autodétermination.

Nous sommes donc conscients que tout n'est pas réglé.

Le groupe UDF est prêt cependant à voter les textes pris en application du titre XIII de la Constitution. Il s'agit en effet d'être cohérents dans notre démarche. En outre,


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ce n'est pas un élu d'outre-mer qui pourra nier la nécessité de prendre en compte les spécificités d'un territoire et le souhait des populations locales.

Pour autant, je tiens en mon nom propre et au nom de mes collègues UDF à rappeler la vigueur de notre attachement à la République française et à son indivisibilité. Cette pétition de principe n'empêche pas l'évolution des départements d'outre-mer, au contraire. Nous demandons un débat public sur l'actualisation de nos statuts, tenant compte de la diversité des territoires concernés, et un bilan sur les relations réciproques qui nous unissent à la métropole.

A ce propos, monsieur le ministre, permettez-moi d'ouvrir une brève parenthèse sur Saint-Pierre-et-Miquelon, puisqu'il est aussi question d'une d'évolution de son statut.

Sur le fond, je considère que le statut de Saint-Pierreet-Miquelon est un bon statut. Il retient en effet les avancées de la départementalisation tout en conservant les avantages du territoire dans la maîtrise de la fiscalité directe et indirecte. Par ailleurs, le développement économique de l'outre-mer, qui est la vraie question, la véritable préoccupation de tous les élus, nécessite une stabilité des institutions sur le long terme.

Ainsi, toute évolution de ces institutions ou tout changement doit obligatoirement faire l'objet d'une réflexion approfondie, suivie d'une consultation des populations concernées. Un statut ne se modifie pas au gré des changements des responsables politiques ou de leur humeur.

Nous le constatons aujourd'hui à propos de la NouvelleCalédonie.

La loi institutionnelle est d'abord faite pour les populations, pour créer l'harmonie dans les rapports humains entre les collectivités humaines. Ce doit être le meilleur outil favorisant le développement économique.

Partout, il faut donc se donner le temps de la réflexion et donner la parole à la population. C'est vrai pour SaintPierre-et-Miquelon, où l'année à venir doit être celle de l'analyse et de la réflexion, suivie dans la foulée de la meilleure consultation populaire qui soit, celle de l'élection du conseil général, véritable occasion d'un large débat public sur les institutions de la collectivité territoriale.

L'outre-mer a plus que jamais besoin d'une attention toute particulière. L'outre-mer a besoin d'une véritable politique de développement économique, incitant à créer des emplois. On a trop souvent décrié l'outre-mer. L'opinion publique oublie que c'est le rayonnement culturel et technologique de la France dans le monde. A ce titre, c'est une chance pour la France.

L'outre-mer n'est pas une question annexe et, si la question des statuts est importante, aussi fondamentale est la mise en place de mesures destinées à favoriser l'investissement, l'implantation d'entreprises, le développement des potentialités locales et régionales, la création d'emplois. A ce titre, la loi d'orientation doit se donner pour objectif de prolonger ou d'améliorer deux dispositifs sur lesquels flottent la suspicion et l'interrogation : la loi Pons et la loi Perben.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Grignon.

M. Gérard Grignon.

Je termine, monsieur le président.

Aucune ambition de développement de l'outre-mer n'est concevable si ce type de mesure n'est pas maintenu, conforté et amélioré. La stabilité des institutions doit donc être accompagnée de mesures économiques fortes relatives à l'investissement et à la création d'entreprises.

Nous le voyons, le débat sur l'outre-mer est complexe et exige le temps de la réflexion. La question qu'il soulève ne peut se régler en quelques heures, à la veille des fêtes de Noël. C'est un sujet grave qui concerne la France et son avenir et mérite donc mieux que ce débat parlementaire en petit comité.

En tout cas, pour ce qui concerne le sujet spécifique de ce jour, c'est dans l'espoir d'un consensus durable entre les Néo-Calédoniens que nous voterons la loi organique et la loi ordinaire qui nous sont proposées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en juillet dernier, afin d'inscrire l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans la loi fondamentale, le Congrès réuni à Versailles a voté, à la quasi-unanimité, la révision de la Constitution. Quelques mois plus tard, le référendum organisé en NouvelleCalédonie a mis en évidence l'approbation très forte que donnent les Calédoniens à l'accord de Nouméa. On peut imaginer que l'accueil que lui fit l'ensemble de l'outremer ne fut pas moins chaleureux. Une adhésion si massive mérite d'être soulignée : elle est exceptionnelle et dépasse les clivages habituels.

L'accord de Nouméa inaugure une nouvelle phase dans les relations entre la France et l'outre-mer ; il constitue aussi un tournant dans l'évolution de cet outre-mer français. Cette étape capitale a été saluée en France métropo litaine, mais aussi et surtout, sur les rives de l'océan Pacifique, de l'océan Atlantique et de l'océan Indien. C'est pourquoi, alors qu'on s'approche du moment où l'accord de Nouméa va être mis en oeuvre, il est urgent de tirer les multiples enseignements d'un événement historique dont la Nouvelle-Calédonie est le théâtre, mais qui concerne l'ensemble de l'outre-mer.

Premier enseignement, base de tout l'édifice : l'outremer, en dépit de la vision globalisante et simpliste qu'a privilégiée le registre institutionnel, n'est pas une entité homogène. Derrière ce terme générique, se cachent les images un peu mythiques et nostalgiques d'une époque à jamais révolue, si elle a jamais existé. Il est grand temps de considérer l'outre-mer tel qu'il est : un regroupement d'histoires, de réalités et de désirs différents. Ces sociét és sont distinctes les unes des autres. Aux dix régions d'outre-mer correspondent dix réalités différentes.

L'affirmation de cette diversité oblige à considérer, en elle-même et pour elle-même, chacune des entités qui composent l'outre-mer.

Pour remarquable qu'elle soit, la solution trouvée en Nouvelle-Calédonie ne saurait constituer un modèle pour les autres régions, et peut-être même pas pour certaines d'entre elles. Telle n'a d'ailleurs jamais été l'ambition des Calédoniens. Leur projet n'était pas de créer un archétype, mais d'élaborer une solution capable de répondre à une situation historique donnée.

D euxième enseignement : l'évolution calédonienne montre que, si complexe que soit une situation, si douloureux et tragiques les épisodes par lesquels on y est passé, il est possible, quand on en a la volonté politique, de parvenir à une solution acceptée par tous les adversaires d'hier. L'histoire coloniale de la Nouvelle-Calédonie est certes plus courte que celle d'autres régions, mais on


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ne saurait oublier qu'elle a été marquée par une rare brutalité qui aurait pu faire disparaître le peuple kanak tout entier.

Troisième enseignement : l'accord de Nouméa - et les accords de Matignon qui l'avaient précédé - témoigne d'une conception de la politique et des rapports entre les peuples, ou entre les communautés, plus attentive aux réalités fondamentales de leurs histoires respectives qu'aux accidents, fussent-ils tragiques, qu'ont provoqués ces relations, les violences, les incompréhensions et les appétits de toutes sortes. Il s'agit d'une vision fondamentale de la politique, qui fait constamment référence aux bases historiques et culturelles des sociétés. Une telle vision s'oppose à toute espèce d'intégrisme. Elle se définit en effet par l'ouverture. Mais, s'attachant à la réalité vécue, elle s'oppose aussi à toute tentation de formalisme.

Sans doute l'accord de Nouméa n'a-t-il été possible que parce que les différents protagonistes, au premier rang desquels Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, ont su éviter l'impasse où conduit la logique d'affrontement.

Sans doute ont-ils su, les uns et les autres, non seulement surmonter les obstacles d'une situation plus que difficile, mais encore dominer leurs propres inclinations. Mais les qualités humaines éminentes dont ils ont fait preuve auraient été insuffisantes si elles n'avaient pas été mises au service d'une vision politique articulée à la fois sur le passé et sur l'avenir. C'est par là, et par là seulement, que l'accord de Nouméa prend une signification universelle : il n'est pas la panacée contre tous les conflits, mais l'esprit qui l'inspire inspirera nécessairement ceux qui, ailleurs, chercheront d'autres solutions à d'autres problèmes.

L'accord de Nouméa a une immense portée politique.

On n'y a pas cherché la paix sur les sentiers de la volonté de puissance, de la certitude agressive ou des intérêts particuliers. Chacun a, d'emblée, désiré la victoire de tous. Il est devenu évident que chacune des régions d'outre-mer, à son rythme, dans son contexte, selon ce qu'elle privilégie ou néglige, connaît aussi ses évolutions et ses crises.

Revendications de compétences plus larges, de responsabilités accrues, protestations contre les inégalités, désirs d'af firmation et de reconnaissance culturelles, ces aspirations peuvent être plus ou moins spectaculaires, plus ou moins discrètes. L'erreur majeure serait de les négliger ou de les nier, erreur maintenant d'autant plus dommageable que la preuve a été définitivement faite, en Nouvelle-Calédonie, que les difficultés les plus sévères ou les plus refoulées peuvent être exprimées et dépassées.

Comment, à ce stade de la réflexion, ne pas évoquer l'accord quasi-unanime dont vous venez d'être le témoin, monsieur le secrétaire d'Etat, des forces politiques d'aujourd'hui à la Réunion, de leurs dirigeants comme de leurs élus, pour que soit réalisée, au plus tôt, une profonde réforme administrative comportant la création d'un deuxième département dans de nouvelles communes et de nouveaux cantons dans l'île.

Lorsque, au-delà de leurs positions traditionnelles et légitimes, des forces politiques concurrentes ou en opposition, s'accordent sur une revendication commune, c'est que l'intérêt général, présent ou à venir, est pris en compte par tous. C'est un moment privilégié de l'histoire politique de mon île que le Gouvernement doit saisir.

Personne n'a jamais gagné contre la géographie, l'histoire et la démocratie.

Cette réforme administrative générale doit s'accompagner de la reconnaissance de compétences plus larges aux assemblées élues et du respect d'une culture issue de l'assimilation de celles de nos ancêtres venus de tous les continents, et, notamment du respect de la langue créole, forgée au cours des générations, qui est le moyen d'expression dans la vie quotidienne et le vecteur d'une création culturelle en plein essor.

L'accord de Nouméa affirme la pleine reconnaissance de l'identité kanake, bafouée depuis la colonisation. Cette reconnaissance va conduire à préciser le statut civil coutumier, à inscrire dans les institutions des structures coutumières, notamment un sénat coutumier, à valoriser le patrimoine culturel kanak, à clarifier la notion et le statut des terres coutumières. Ainsi, pour la première fois, non seulement les Kanak vont avoir accès à toutes les responsabilités, mais encore ils les exerceront au sein de structures respectueuses de leur culture.

Il ne s'agira pourtant, en aucune façon, d'un retour au passé. Le renouveau de leur culture traditionnelle se fera évidemment dans un contexte fortement marqué par la modernité. Pour se développer, leur société ne pourra ni se dissoudre dans cette modernité, ni se replier sur son âge d'or imaginaire. Elle ne trouvera son authenticité ni en se noyant dans la mondialisation ni en s'abîmant dans la vénération de ses souvenirs. Comme le disait Jacques Berque : « Non pas l'antique comme rabâchage, mais l'innové comme retrouvailles. » Cette société devra prouver,

et avant tout se prouver, que la réappropriation d'une histoire et d'une culture n'est pas contradictoire avec les exigences du présent.

Son enjeu est désormais de faire se rencontrer, sans qu'elle-même se trahisse ou se fige, l'esprit de son histoire et la modernité. Elle doit progresser tout en restant ellemême : voilà peut-être une affirmation plus aisée à formuler qu'à mettre en pratique. Comment, par exemple, concilier l'antique relation à la terre, quand chaque individu, chaque clan se définissait par un lien particulier avec une vallée, une colline ou la mer, et les schématisations brutales de la spéculation foncière ? C e choc nécessaire et forcément douloureux des cultures exigera que ceux qui auront la charge de l'inscrire dans la réalité aient des qualités comparables à celles des négociateurs de l'accord. Mais si nous sommes, nous aussi, si attentifs à ce moment de l'histoire calédonienne, c'est que nous sentons que la problématique qui s'y installe en dépasse de beaucoup les limites.

Dans chaque région de l'outre-mer, de telles retrouvailles avec le passé et de telles épousailles avec le présent forment la trame de la réalité quotidienne. L'écho calédonien doit parvenir à chacune d'elles.

Mais, à y regarder de près, ne dépassons-nous pas ainsi les limites de l'outre-mer ? Est-ce seulement le Pacifique, l'océan Indien, la Caraïbe qui ont à faire rencontrer leur passé avec la modernité ? L'humanité tout entière n'estelle pas comme anesthésiée par des changements qu'elle v it comme des agressions ? L'univers technologique, quand il s'affronte à la sensibilité des hommes et des femmes précipités dans le tourbillon de la compétition, suscite-t-il moins de désordres, de troubles, d'angoisses ? Réussir le pari de faire se rencontrer, en NouvelleCalédonie, les formes traditionnelles et celles de la modernité, voilà un enjeu qui ne peut être indifférent à personne. La démonstration conjointe de force et de désarroi, à laquelle se livre le pays qui se veut le champion de cette modernité, les Etats-Unis d'Amérique, nous montre un peu plus chaque jour que l'ordre technocratique n'est pas l'horizon indépassable du siècle à venir. C'est à l'ensemble des peuples que le pari calédonien, s'il est gagné, peut ouvrir de grandes perspectives en


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leur proposant à la fois une rencontre avec les autres et un rendez-vous avec eux-mêmes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les accords de Matignon ayant déterminé un statut provisoire de la Nouvelle-Calédonie pour dix ans, 1998 devait être l'année de l'élaboration d'un nouvel avenir institutionnel pour ce territoire, à partir d'un référendum d'autodétermination.

Dès 1991 pourtant, notre collègue Jacques Lafleur a proposé la recherche d'une solution consensuelle, permettant d'éviter ce que les Calédoniens envisageaient comme un « référendum-couperet », qui aurait laissé la NouvelleCalédonie divisée entre vainqueurs et vaincus. C'est pourq uoi, après de longues et laborieuses négociations, l'accord de Nouméa a été signé le 5 mai 1998 par le Premier ministre et les délégations du FLNKS et du RPCR.

Cet accord définit l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie pour une période allant de quinze à vingt ans, pendant laquelle l'Etat transférera de façon irréversible un certain nombre de ses compétences, reconnaissant l'existence d'une identité calédonienne propre au sein de la République. A l'issue de cette période, une nouvelle consultation devrait déterminer l'avenir définitif du Caillou.

Les deux projets de loi que nous examinons aujourd'hui doivent assurer la mise en oeuvre de cet accord, lequel, à l'époque, nous a été présenté comme celui de la paix et la garantie d'un avenir commun pour tous les h abitants de la Nouvelle-Calédonie. A la fin de l'année 1998, il nous semble pourtant que plus personne n'en est aussi certain.

M. René Dosière, rapporteur.

Oh si !

M. Gilbert Gantier.

Il y a six mois, le Congrès était convoqué pour réviser la Constitution et permettre d'y intégrer la mise en place de ce cadre juridique transitoire, spécialement adapté à la Nouvelle-Calédonie. A cette époque, le groupe Démocratie libérale, que je représente ici ce soir, avait majoritairement voté en faveur de cette révision constitutionnelle...

M. René Dosière, rapporteur.

Et il avait eu raison !

M. Gilbert Gantier.

... tout en exprimant un certain nombre d'inquiétudes et de très fortes réserves sur certaines dispositions de l'accord de Nouméa, que je me dois de rappeler aujourd'hui à cette tribune.

Cet accord, dont il s'agissait d'ancrer les principes dans notre texte fondamental, comportait, en effet, de nombreuses dispositions alors contraires à notre Constitution, mais surtout à certains principes juridiques qui constituent le fondement même de notre République comme de toute démocratie.

La révision constitutionnelle était rendue nécessaire dans la mesure où l'accord de Nouméa prévoit la naissance d'une collectivité territoriale d'un type entièrement nouveau, dérogeant au cadre statutaire des territoires d'outre-mer prévu par l'article 74 de notre Constitution.

Le caractère irréversible des transferts de compétences, au profit d'une autorité délibérante ayant un pouvoir normatif autonome, heurtait, pour sa part, l'article 1er de la Constitution qui affirme le caractère indivisible de notre République. De même, l'accord apportait des restrictions au corps électoral de façon contraire à l'article 3 qui proclame l'égalité du suffrage. Et que dire de la priorité à l'embauche réservée aux citoyens de la Nouvelle-Calédonie, qui institutionnalise la préférence nationale, contraire au principe d'égalité, principe à valeur constitutionnelle et principe fondamental dans la tradition juridique française !

M. René Dosière, rapporteur.

C'est seulement une préférence calédonnienne !

M. Gilbert Gantier.

Enfin, la possibilité de retour au statut coutumier dérogeait aux dispositions de l'article 75 de notre Constitution.

Pour une réforme constitutionnelle présentée comme modeste, cela faisait, permettez-moi de le dire, beaucoup de motifs de contrariété. Par ailleurs, je ne peux passer sous silence le ton de repentance, comme dit notre Sainte Mère l'Eglise, du préambule de cet accord, dont l'esprit a choqué bon nombre d'entre nous.

M. René Dosière, rapporteur.

Vous l'avez lu de manière sélective !

M. Gilbert Gantier.

Cela étant, le pouvoir constituant s'est prononcé et a ajouté les articles 76 et 77 à la Constitution, permettant ainsi la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa. Malgrés les hésitations, la majorité des membres de mon groupe a soutenu cette révision. Ce qu'elle soutenait en réalité, c'était l'assurance d'un développement harmonieux et pacifié de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République française.

Force est de constater que cet espoir semble bien compromis. Le consensus qui semblait régner sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie s'est en effet très vite effrité. D'ailleurs, il n'était qu'illusoire. Nous savons bien que chacun a vu dans l'accord de Nouméa ce qu'il voulait bien y voir : pour les indépendantistes, l'indépendance au bout de vingt ans, pour les anti-indépendantistes, la garantie du maintien au sein de la République.

Un journal du soir, daté de demain, publie un article en dernière page relatif à ces tergiversations.

L'ambiguïté n'a pas diminué, au contraire. Lors de la campagne du référendum chargé de se prononcer sur cet accord, chacun a fait campagne sur sa vision du « oui », et les opposants à l'accord ont fait entendre, davantage que cela n'était prévu, leurs voix.

Certes, le résultat a été très largement positif : 72 % des Calédoniens ont approuvé cet accord et le taux de participation a atteint 74 %. Pourtant, à y regarder de plus près, les résultats du scrutin laissent deviner les failles de ce consensus apparent : dans la province du nord, plutôt indépendantiste, le « oui » l'a emporté avec plus de 86 % des voix et le taux de participation y a été de 73 %.

Dans la province des îles Loyauté, 95 % des votants ont dit « oui », mais plus de 51 % des électeurs n'ont pas voté. Dans la province du sud, que l'on dit antiindépendantiste, la participation a été forte, environ 80 %, mais le « oui » y a atteint son plus faible score, 63 %, le

« non » obtenant même 42 % à Nouméa.

M. René Dosière, rapporteur.

Raisonnez en valeur absolue, monsieur Gantier !

M. Gilbert Gantier.

Ce sont les chiffres officiels du référendum, monsieur le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Raisonnez non en pourcentage, mais en valeur absolue !

M. le président.

Monsieur le rapporteur, laissez

M. Gantier s'exprimer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

M. Gilbert Gantier.

C'est dans ce contexte, plus qu'incertain, que nous sommes amenés à débattre d'un projet de loi organique et d'un projet de loi ordinaire, prévus par l'article 77 nouveau de la Constitution, qui visent à mettre en oeuvre l'accord de Nouméa.

Je voudrais exprimer dès à présent les plus vives protestations de l'ensemble de notre groupe à propos du calendrier qui a été retenu pour l'examen de ces deux textes importants. L'Assemblée a en effet disposé de délais très brefs pour examiner ces projets de loi extraordinairement volumineux et complexes, vous en conviendrez, monsieur le ministre. Le rapporteur lui-même a indiqué qu'il en avait pâti dans son travail.

De plus, nous nous interrogeons sur la nécessité qu'il y avait à inscrire ce texte à l'ordre du jour de la fin de ce mois de décembre, à quelques heures du réveillon de Noël, obligeant nos compatriotes d'outre-mer à se déplacer pour venir siéger dans un hémicycle malheureusement largement déserté.

Mme la présidente de la commission nous a indiqué que le calendrier retenu s'expliquait par la volonté des parties de mettre en place les nouvelles institutions le plus vite possible. Cet argument nous paraît tout de même quelque peu spécieux, dans la mesure où il ne s'agit aujourd'hui que de la première lecture de ces deux textes, dans une procédure parlementaire qui peut en compter jusqu'à sept.

L'argument nous paraît d'autant plus surprenant que, apparemment, les parties prenantes sont loin d'avoir trouvé un accord sur toutes les dispositions de ce projet ! Et là encore, je fais allusion à l'article d'un journal du soir. Quelle n'a pas été la surprise des membres de l'opposition, en effet, de voir, en commission des lois, le rapporteur lui-même appeler à voter contre certains articles du projet de loi, au motif qu'ils faisaient encore l'objet de négociations entre le Gouvernement et le FLNKS ! Nous protestons donc vivement contre cette méthode de travail contraire aux usages de notre assemblée. Cet incident démontre bien, en tout état de cause, l'incertitude dans laquelle nous nous trouvons quant aux conditions d'application de cet accord.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Non, il n'y a aucune incertitude !

M. Gilbert Gantier.

Nous sommes d'autant moins convaincus que l'existence de profonds désaccords entre les parties intéressées risque de compromettre fortement le fonctionnement normal des institutions qui seraient élaborées en application de ces textes.

Dans ce contexte, les réserves que mon groupe avait exprimées à Versailles ne peuvent être que renforcées.

En premier lieu, nous n'approuvons pas les dispositions relatives à la limitation du corps électoral, exigeant d'être domicilié sur le territoire depuis au moins dix ans pour voter aux élections des membres du congrès et des assemblées de province, et depuis vingt ans pour voter lors du scrutin d'autodétermination ! Cette disposition, sans précédent à ma connaissance pour une élection démocratique, environ 15 000 électeurs du corps électoral.

M. Pierre Frogier.

Mais non !

M. René Dosière, rapporteur.

Mais vous avez voté cette disposition, monsieur Gantier !

M. Gilbert Gantier.

Pas moi, monsieur le rapporteur ! Ce procédé est totalement contraire aux principes du droit électoral français et à ceux du droit électoral des pays démocratiques en général, comme il est d'ailleurs contraire aux principes généraux du droit.

Nous sommes d'autant plus inquiets de ces extravagantes anomalies que nous en comprenons la logique : limiter dans vingt ans la proportion de la population jugée plutôt anti-indépendantiste. Notre inquiétude est renforcée, dans la mesure où, en commission, notre rapporteur a fait état de nouvelles négociations sur ce point.

Comment peut-on nous demander de nous prononcer favorablement dans de telles conditions ? En second lieu, nous contestons la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie d'édicter des règles visant à protéger l'emploi local. Nos principes libéraux nous empêchent d'adopter cette mesure malthusienne et dirigiste, qui introduirait en droit français le principe de préférence nationale, rejeté par ailleurs ! Que ne dirait-on pas s'il nous était proposé la même mesure discriminatoire en France métropolitaine ? Enfin, nous émettons certains doutes sur l'équilibre de l'architecture institutionnelle qui nous est présentée dans les deux projets de loi. En effet, les règles de fonctionnement du gouvernement sous-tendent deux logiques, l'une majoritaire et l'autre proportionnelle, qui obligent les parties prenantes à un accord permanent de gouvernement.

Or cet accord paraît des plus fragiles aujourd'hui, et l'on peut craindre que l'on aboutisse à une paralysie des institutions, particulièrement fâcheuse au regard de l'importance des compétences qui doivent être transférées.

Nous nous interrogeons également sur la disposition qui permet à la majorité du gouvernement de décider de la démission de celui-ci.

En outre, nous émettons de sérieuses réserves sur la possibilité accordée au gouvernement, collégial et solidaire par ailleurs, de mettre fin aux fonctions de l'un de ses membres : quelles seront la nature et la portée d'une telle délibération ? Qui sera visé et pourquoi ? Quelle arrièrepensée dissimule cette étrange disposition qui n'est appliquée dans aucun autre régime démocratique ? Au-delà des projets de loi qui nous sont soumis, nous nous interrogeons fondamentalement sur la viabilité du dispositif institutionnel de la Nouvelle-Calédonie et nous considérons que nous ne pouvons pas, en l'état, donner un blanc-seing pour une évolution qui nous paraît aussi incertaine et sur laquelle les parties prenantes elles-mêmes ne semblent pas fondamentalement d'accord.

L'esprit de l'accord de Nouméa, qui avait poussé nombre de mes collègues de Démocratie libérale à approuver la révision constitutionnelle, ne nous semble plus respecté aujourd'hui. Il reste à trancher de trop nombreuses questions pour définir l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Dans ces conditions, le groupe Démocratie libérale, dont le souhait le plus fort est que la Nouvelle-Calédonie se développe en paix, au sein de la République française, ne votera ni le projet de loi organique ni le projet de loi ordinaire.

M. Ernest Moutoussamy.

Quel dommage !

M. le président.

La parole est à M. François Colcombet.

M. François Colcombet.

Le groupe socialiste votera les deux textes. Pour ma part, j'aborderai les aspects relatifs au droit privé et au droit pénal.

Les relations que la France entretient avec la NouvelleCalédonie sont relativement récentes, mais intenses.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

Lorsque, au milieu du

XIXe siècle, les maristes, puis les militaires ont, de fait, puis de droit, pris possession de ce territoire, qui avait été effleuré moins d'un siècle plus tô t par Cook et quelques autres, c'était une terre pratiquement inconnue pour l'Occident.

Ces premiers contacts, faits d'attitudes mutuelles de séduction et de répulsion, de gestes d'accueil et de rejet, de comportements de compréhension et de conquête, constituent un moment étonnant de l'histoire de l'humanité.

La population kanake en était à ce qui correspond p our l'Occident à l'âge de la pierre polie. Notre

XIXe siècle, sûr de lui et conquérant, diffusait avec superbe ses certitudes, ses découvertes et ses modèles de société.

Mais ni l'un ni l'autre n'étaient exempts de tares. On fit grand cas, lors de la découverte de la NouvelleCalédonie, d'actes d'anthropophagie. On oublie simplement qu'à la même époque, en 1845 environ, les enfants français travaillaient dans les mines à partir de six ou sept ans et que les fillettes faisaient des journée de dix heures dans les filatures.

Les Occidentaux avaient, tout au moins par comparaison, l'impression d'être des peuples en mouvement, des inventeurs d'idées et de techniques progressistes. Cette réalité leur fit prendre les populations kanakes pour un peuple sans histoire, sans progrès, immobile dans un sommeil éternel.

Or cela était faux. Comme tous les peuples, les Kanak s'était adaptés, avaient évolué. Des traces de cultures anciennes et de très vieux villages abandonnés montrent que les centres d'intérêt et les techniques avaient évolué, s'étaient transformés.

Les vingt-six langues du territoire elles-mêmes sont le résultat d'une infinie diversification à partir d'un langage originel commun. Cette diversification est d'autant plus étonnante que la culture kanake est restée profondément cohérente et qu'elles est restée identique sur tout le territoire.

Mais la diversification des langues, comme les variations de détail des pratiques culturelles, avait apparemment fonctionné comme le moyen pour chaque communauté d'affirmer son identité, à l'instar de ce qui se passait en Occident où chaque coin de province avait ses armoiries, son patois, ses saints protecteurs et ses habitudes culinaires. Les relations entre communautés kanakes étaient d'ailleurs nombreuses et obéissaient à un protocole très élaboré.

Nous avons tous ici en mémoire l'extraordinaire cérém onie d'inauguration du centre Jean-Marie-Tjibaou, voulu par le Président François Mitterrand, lequel avait bien compris que, outre la paix ramenée dans le territoire, la France se devait de réparer son incompréhension d'une culture qu'elle avait contribué à geler et à briser dans son élan en lui redonnant les moyens de se faire connaître et d'entrer dans la modernité. Mme Tjibaou a eu à cette occasion ces mots, que je cite de mémoire :

« Nous ne sommes pas une curiosité archéologique, nous sommes un peuple vivant. Nous sommes un peuple et une culture. Nous voulons affirmer notre identité, non pas pour nous seuls, entre nous, mais à la face du monde. » A cela, Jacques Lafleur avait répondu

: « Il est vrai que vous êtes une culture ancienne et riche, riche au point d'avoir vingt-six langues. Le français vous offre un l angage commun pour vous faire connaître et reconnaître. »

Derrière ce discours sur le langage, on doit entendre bien plus : la France peut et doit donner aux Kanak les moyens économiques, techniques et culturels d'accéder, en liaison avec les autres communautés, à l'universalité.

Dans ce contexte, les problèmes posés par le droit ne sont pas négligeables.

Une partie des accords de Nouméa est consacrée à la coutume et à la possibilité de la renforcer, et même d'y revenir, pour ceux qui l'auraient quittée.

Cela peut être entendu de diverses façons. S'agit-il d'un retour régressif à une société agricole où la vie communautaire se vit bien au chaud, entre soi, dans la tribu et qui, échange de contraintes, de rites à respecter, parfois lourds et tatillons, garantit une chaleureuse solidarité, la protection des plus faibles, la prise en charge commune des travaux et des tâches les plus lourds.

Dans un monde individualiste où l'autonomie de chacun est revendiquée et protégée, où la vie privée de chacun a les moyens d'être tenue à l'écart des contraintes du groupe, cette attitude peut apparaître étouffante, voire stérilisante. Qui ne connaît pas des cas dans lesquels la coutume a brisé des initiatives individuelles et parfois des progrès qui auraient été bénéfiques pour tous ? Mais celui qui émet ce genre de critique ne peut le faire que s'il a bien mesuré que ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie n'est pas très différent de ce qui s'est passé dans la France du

XIXe siècle et du début du siècle, cette vieille France rurale dans laquelle il existait de nombreuses communautés paysannes - mais c'était aussi le cas en ville - avec des modes d'exploitation collective et où chaque famille était une structure étroitement organisée, protectrice et étouffante. Il n'y a pas si longtemps que, dans notre pays, les enfants peuvent se marier de leurs sans l'autorisation des parents et que les régimes matrimoniaux font échapper les biens au contrôle de la famille des époux. Quant aux rapports entre époux, il a fallu attendre 1946 pour que l'égalité soit enfin proclamée dans la Constitution et attendre beaucoup plus tard pour que la réalité suive cahin-caha. Sur ce chapitre, nous sommes d'ailleurs encore loin du compte.

Comprenons donc ce souhait de retour à la coutume, mais, en même temps, aidons la société de la grande terre et des îles à retrouver son dynamisme créatif et ses facultés d'évolution. Permettons aussi qu'elle le fasse en liaison avec les autres communautés, certaines plus proches du mode de vie occidental, parfois même en avance.

La responsabilité du Parlement est d'ailleurs engagée puisque la justice reste, après les accords de Nouméa, une prérogative régalienne et que c'est à nous qu'il revient de dire quelle justice doit être rendue sur le territoire.

M. René Dosière, rapporteur.

Très juste !

M. François Colcombet.

A cet égard, faisons preuve de modestie, Ainsi, sûrs de notre droit, de notre système judiciaire, nous oublions parfois d'en mesurer les limites, les duretés et parfois la profonde inadaptation aux réalités a ctuelles. Pour illustrer mon propos, je citerai un exemple : devant la prolifération des actes à la limite de la délinquance auxquels la justice classique ne peut pas répondre, devant la lourdeur de la réponse pénale pour toutes sortes de délits - une autre spécialité française , un fort mouvement s'est fait jour en faveur d'autres modes de règlement des conflits, telles la transaction et la médiation. Ces pratiques sont à l'honneur chez nous et elles donnent satisfaction.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

Or celles-ci ne sont pas très différentes des manières de procéder de la justice coutumière qui, en accordant une grande importance à la discussion et à la recherche du consensus, aboutit souvent à des solutions où la réparation a autant de valeur que la sanction, solutions qui sont acceptées parce que acceptables par tous.

L'inconvénient du système coutumier est qu'il se met volontiers hors du temps et qu'il est très lent : il est difficile de parvenir à une solution dans un délai raisonnable.

On a bien vu les inconvénients du système coutumier lorsque, après 1982, ont été mises en place des juridictions coutumières, en particulier pour les affaires de famille. Près de dix ans après, elles n'avaient pas réussi à trancher, sauf quelques rares exceptions, les affaires qui leur étaient soumises.

Cette expérience a servi pour autre réforme, celle qui a été votée après les accords Matignon et qui a créé des assesseurs non professionnels. Cette réforme toute simple a consisté à recruter des personnes de la société civile, prises dans toutes les communautés, et à les faire siéger en échevins pour les affaires pénales.

Le résultat se révèle jusqu'à présent très positif : là où les justiciables refusaient de comparaître, ils acceptent de le faire ; là où les décisions étaient incomprises, elles sont acceptées et exécutées.

Le même juge professionnel préside désormais une autre formation avec les coutumiers de la loi de 1982. Et voilà que, là aussi, les dossiers sont jugés dans un délai raisonnable et qu'une jurisprudence prend corps contribuant à l'élaboration en même temps qu'à l'évolution d'un droit coutumier moderne.

De fait, le droit appliqué reste de droit kanak, mais la procédure est française : principe du débat contradictoire ; obligation de motiver les décisions. Autant de règles simples dont le respect fait évoluer le droit.

Ces bons résultats doivent nous inspirer pour l'avenir.

Car, ne nous y trompons pas, en Nouvelle-Calédonie comme chez nous, le statut personnel des femmes, la notion d'intérêt de l'enfant, les relations de travail, les modalités d'exercice du droit de propriété n'ont pas fini de fournir des occasions de conflits et, dans le meilleur des cas, de procès qu'il faudra trancher aussi correctement que possible dans un esprit d'égalité entre les citoyens, de justice et d'apaisement des conflits.

Au moment où nous venons de voter unanimement dans cette assemblée l'égalité entre hommes et femmes, ne nous cachons pas que cette proposition est potentiellement explosive pour la coutume, laquelle devra s'adapter.

Mais ne dénonçons pas trop la paille dans l'oeil des autres. Car nous avons, nous aussi, à faire évoluer notre droit.

Le plus honnête est de considérer que, tous ensemble, Kanak, Caldoches, métropolitains nous devons aller vers plus d'égalité et plus de justice.

M. René Dosière, rapporteur.

Très bien !

M. François Colcombet.

Ce sont ces réflexions qui ont inspiré les quelques ajouts que la commission des lois a apportés à la loi organique à propos de la justice. Nous les examinerons en détail tout à l'heure. Pour l'instant, notons simplement le souhait d'étendre le système des assesseurs non professionnels à d'autres contentieux que celui qui leur est actuellement soumis. A cet égard, la Nouvelle-Calédonie est, d'une certaine façon, déjà en avance puisque son tribunal de commerce est écheviné et que, à ma connaissance, il marche plutôt bien ; au point qu'on a envie d'en étendre la « recette » en métropole.

M. René Dosière, rapporteur.

Très juste !

M. François Colcombet.

Une autre réforme est proposée : l'introduction d'assesseurs non professionnels à la cour d'appel. Le système existe déjà en matière coutumière. En cette matière, la cour d'appel siège à cinq j uges : trois conseillers, deux assesseurs coutumiers.

D'après les renseignements que j'ai obtenus, les délibérés sont vivants, très constructifs, et les décisions sont intéressantes et bien comprises.

Le dernier point sur lequel j'interviendrai est celui du statut des juges professionnels. En ce moment, en Nouvelle-Calédonie, tous les juges sauf un sont originaires de la métropole. Il ne peut guère en être autrement. Mais, parfois, leur attitude est ressentie comme étrangère à la réalité calédonienne. On pourrait citer de nombreux exemples d'affaires vraiment maltraitées. Il est vrai qu'on pourrait aussi citer des cas inverses. En tout cas, je sais qu'une mesure limitant le temps de séjour des magistrats en Nouvelle-Calédonie serait bien ressentie. C'est l'objet d'un amendement qui a été adopté par la commission des lois.

Quoi qu'il en soit, j'aimerais, en conclusion, dire combien je pense qu'une bonne justice, crédible, compétente et reconnue par le corps social peut aider à franchir les difficultés toujours prévisibles.

La Nouvelle-Calédonie mérite toute notre attention.

S'agissant de ce territoire, la France a, dans un passé pas si lointain, commis vis-à-vis d'elle bien bien des maladresses, bien des injustices. Mais elle a su aussi se ressaisir et, d'une certaine façon, sortir par le haut d'une situation apparemment inextricable. L'opinion publique internationale, attentive à ces événements, ne s'y est pas trompée.

C'est l'image de la France qui s'en est trouvée grandie.

Restons tous ensemble dignes de ce beau « pari sur l'intelligence », comme l'a si bien dit Jean-Marie Tjibaou.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Perben.

M. Dominique Perben.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner un projet de loi organique et un projet de loi simple relatifs à la Nouvelle-Calédonie. Ces deux textes constituent un ensemble législatif considérable qui organise non seulement les futures institutions de ce territoire, mais aussi la répartition des compétences entre l'Etat, le territoire, les provinces et les communes. Cet ensemble fixe également les relations entre ces différents niveaux d'administration et garantit leurs rapports financiers. Il prévoit enfin l'évolution de ces règles sur les vingt prochaines années et fixe la perspective politique à l'issue de cette période transitoire.

Outre l'importance et l'ampleur de ces deux textes, je voudrais souligner le caractère très particulier de l'environnement dans lequel le Parlement intervient.

Les textes qui nous sont soumis ont en effet été précédés de négociations préalables entre partenaires locaux.

Ce furent les très longues et parfois difficiles discussions qui ont abouti aux accords de Nouméa. Difficiles, car rien ne serait plus trompeur que de croire à une sorte de facilité ou d'angélisme dans le dossier calédonien.

La volonté d'aboutir et le souci de préserver la paix, partagés par les responsables locaux, ne doivent pas nous faire oublier les divergences d'appréciation et de conception sur l'avenir du territoire qui persistent en NouvelleCalédonie comme en France métropolitaine.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

Notre discussion d'aujourd'hui a également été précédée par la réforme constitutionnelle et le référendum de novembre. La très forte participation et l'approbation de l'accord par le collège électoral prévu en 1988 ont montré qu'il y avait une majorité, dans les différents électorats des principales forces politiques, pour entériner le travail accompli.

Tout cela, nous devons bien sûr le prendre en compte.

Le Parlement est libre dans l'élaboration de la loi mais, dans le cas qui nous réunit aujourd'hui, nous ne pouvons pas ne pas prendre en considération la volonté exprimée par les Calédoniens et par leurs responsables politiques.

Je veux enfin rappeler que les textes qui nous sont proposés le sont, bien sûr, conformément à la Constitution, au nom du Premier ministre, mais que, à l'occasion de leur examen en conseil des ministres, ils ont reçu l'approbation explicite du Président de la République.

Ces différents éléments donnent, vous en conviendrez, mes chers collègues, une dimension toute particulière à l'environnement de notre discussion parlementaire.

Ces éléments politiques entourant notre travail de législateurs ne rendent que plus regrettables les conditions précipitées dans lesquelles nous avons dû travailler. Je sais, monsieur le ministre, que le calendrier de mise en place des institutions exige une certaine célérité, mais vous conviendrez que nous ne sommes pas très éloignés de la précipitation. La complexité et l'ampleur de ces textes auraient mérité mieux que ces quelques jours dans lesquels vous nous avez en quelque sorte enfermés.

Avant d'évoquer les principaux éléments du texte, je crois nécessaire de resituer notre débat dans l'histoire de ces dernières années : 1988-1998 sont les dix années d'application des accords de Matignon. Sur le plan institutionnel, ces années ont été celles de la provincialisation, c'est-à-dire d'un partage des responsabilités politiques entre RPCR et FLNKS.

S'agissant de la répartition des compétences, ces années ont marqué un très fort renforcement des prérogatives de l'Etat. En effet, il faut bien être conscient de l'exceptionnelle recentralisation du pouvoir qui a résulté des accords de Matignon conformément au souci de conforter le rôle d'arbitre de l'Etat dans une société déchirée.

Troisième caractéristique de ces dix années : l'effort continu pour un rééquilibrage économique du territoire.

Mon expérience ministérielle comme mon récent déplacement sur le territoire me permettent de dire que, dans ce domaine, les objectifs fixés n'ont pas été atteints. Le contraste de développement reste impressionnant entre le Nord et le Sud ; cette réalité continuera de peser sur l'avenir.

L'histoire de ces dernières années, c'est aussi, bien sûr, le sentiment, apparu progressivement, que l'échéance de 1998 prévue par les accords de Matignon devait être transformée. Un référendum d'autodétermination était prévu. Il a été transformé en un référendum sur une solution consensuelle, négociée, prévoyant une nouvelle période transitoire de vingt ans, et l'expérience d'une très large autonomie du territoire.

Je voudrais à ce point de mon propos rendre un hommage tout particulier à notre collègue Jacques Lafleur, qui a, le premier, exprimé cette hypothèse dans le souci de préserver la paix beaucoup mieux que ne l'aurait permis un référendum-couperet qui aurait laissé une partie de la population sur un sentiment de défaite et sans doute en proie au ressentiment.

M. René Dosière, rapporteur.

Très juste !

M. Dominique Perben.

Cette suggestion, finalement retenue, a selon moi trois significations principales.

Premièrement, elle ne fait pas jouer la règle de la majorité alors même que ceux qui l'ont proposée pouvaient à l'évidence supposer qu'ils obtiendraient cette majorité.

En deuxième lieu, elle mérite un profond respect des positions des uns et des autres. Il y a dans cette approbation par les signataires des accords de Nouméa un sens très profond de la légitimité des positions réciproques, qui est sans doute un bel exemple d'esprit républicain, digne d'éloge.

Troisièmement, cette suggestion traduit l'importance accordée à l'expérimentation de la gestion par les différentes parties prenantes de la société calédonienne. La très large autonomie sur laquelle nous allons nous prononcer constituera une expérience encore jamais tentée dans le cadre de la République française.

Il était, me semble-t-il, nécessaire de faire ces rappels historiques pour resituer notre discussion parlementaire.

Le travail accompli au cours de ces dix dernières années a été celui de toute une génération de Calédoniens de différentes communautés et de différentes orientations politiques. C'est aussi le travail de différents gouvernements et majorités parlementaires qui ont eu en commun la même recherche de la paix, même si les objectifs à moyen et long termes pouvaient différer.

S'agissant des deux projets de loi qui nous sont soumis, l'examen des articles nous permettra de voir certains points précis, mais je voudrais, dans le cadre de la discussion générale, évoquer quelques grandes lignes du texte.

J'insisterai d'abord sur l'importance de l'autonomie accordée au territoire. L'article 21 est impressionnant. Il porte sur l'ensemble de ce qui fait la vie économique et sociale. Si on le complète par l'article 19, III, qui concerne les compétences transférées après 2004 ou 2009, on constate qu'il fonde une véritable autonomie du territoire. En fin de période transitoire, l'Etat ne restera compétent que pour la justice, la défense, l'ordre public et la monnaie.

J'ajoute que la Nouvelle-Calédonie se voit reconnaître une certaine capacité internationale dans la zone Pacifique, dans son domaine de compétence. Je sais que cette innovation dans la tradition juridique française a pu surprendre. Pour ma part, je la crois tout à fait heureuse, compte tenu des contraintes, ou plutôt des réalités géographiques.

Autre innovation, les « lois du pays », c'est-à-dire les délibérations du congrès du territoire dans des domaines qui, sur le plan national, relèvent de la loi. Cette innovation permettra de dépasser certaines contradictions que l'on aurait pu rencontrer si des délibérations de droit commun du congrès dans le domaine législatif s'étaient heurtées à des lois nationales. Le contrôle de ces lois du pays par le seul Conseil constitutionnel est une bonne réponse à ce type de risque.

Je parlerai maintenant du gouvernement qui se voit confier l'exécutif de la Nouvelle-Calédonie. Ses modalités de mise en place et son mode de fonctionnement illustrent les conditions particulières de gestation de ce projet de loi. Nous sommes en effet devant un organe de décision, d'impulsion et d'administration, ce qui suppose la cohérence dans l'action et la responsabilité politique ; pour autant, ce gouvernement est désigné à la proportionnelle,...

M. René Dosière, rapporteur.

C'est original !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

M. Dominique Perben.

... ce qui signifie qu'il sera composé de représentants des principales forces politiques de la Nouvelle-Calédonie.

Reconnaissons qu'un gouvernement ainsi désigné et traitant de toutes les matières transférées par l'Etat exigera de ses membres un très grand sens des responsabilités, et sans doute un grand art de la négociation.

C ette organisation du gouvernement, dont je comprends fort bien la motivation, pourra être le meilleur comme le pire des systèmes, et il me paraît de mon devoir de le dire aujourd'hui. En tout cas, elle demandera beaucoup à ceux qui composeront le gouvernement, et j'espère que nous n'aurons pas à regretter cette synthèse originale entre logique proportionnelle et logique majoritaire.

Un autre élément important est celui qui a trait aux dispositifs financiers, en particulier aux engagements de l'Etat. En effet, assurer des perspectives de développement positives, c'est dégager un horizon satisfaisant pour permettre aux décideurs de faire le pari de l'avenir. A la suite des travaux de la commission des lois, le Gouvernement précisera par amendements les règles financières à venir.

Nous serons très attentifs à cet aspect du texte.

Je voudrais également évoquer l'équilibre entre la Nouvelle-Calédonie en tant que territoire et les provinces.

Le texte proposé donne aux provinces la compétence de droit commun, dans la droite ligne de ces dix dernières années. Soyons conscients que cette organisation peut se trouver en contradiction avec les nécessités d'une croissance mieux équilibrée entre le nord et le sud du territoire. La logique se révélera peut-être en décalage avec la logique économique, et cette question devra être finement observée au cours du temps.

Deux points méritent enfin d'être évoqués et ils ont déjà été abordés par d'autres orateurs ; ils ont en effet un grand retentissement politique. Le premier concerne, le corps électoral. Celui-ci a été, c'est vrai, l'objet de négociations. Cela peut se comprendre vu l'étroitesse de la population calédonienne, dont l'équilibre peut être facilement modifié par des mouvements de populations venues de métropole ; mais il est vrai qu'une telle réglementation est contraire à nos traditions. Des discussions se sont déroulées jusqu'à aujourd'hui. La position du Rassemblement pour la République consistera à s'en tenir à la volonté des signataires de l'accord de Nouméa, sanctionné par le projet de loi du Gouvernement.

Deuxième point important : l'article 23 sur l'accès à l'emploi. Permettez à l'ancien ministre des DOM-TOM de témoigner de l'inquiétude des Calédoniens, comme de celle des populations d'autres territoires, car ils sont situés sur un territoire relativement exigu, sont peu nombreux, face à d'éventuels mouvements de populations d'origine européenne cherchant un emploi et venant éventuellement hypothéquer les efforts de formation consentis à l'égard de la population locale.

La récente réforme constitutionnelle rend possible cet article 23. Je crois que la modération, dans sa mise en oeuvre par les responsables calédoniens, devra être la contrepartie de la compréhension que veut bien manifester le législateur national.

Pour l'ensemble de ces textes, la responsabilité des élus du territoire sera grande pour faire réussir les règles de droit que nous examinons aujourd'hui. Tous ensemble, je l'espère, nous ferons un pari audacieux. Celui-ci est pour moi fondé sur la confiance que nous pouvons faire, au vu de l'expérience des dernières années, aux différents responsables politiques du territoire. Il est fondé aussi sur l'idée que je me fais de notre république, construite sur l'égale dignité des citoyens, et sur notre conception de la nation, vécue comme le bien commun des citoyens. C'est ce choix de la nation française, qui, je l'espère, sera de nouveau fait par les Calédoniens dans vingt ans. Aujourd'hui, en tout état de cause, nous leur en donnons la liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe UDFA et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après l'adoption par le Parlement, réuni en congrès le 6 juillet 1998, du projet de réforme constitutionnelle, après l'approbation par la population néo-calédonienne de l'accord de Nouméa le 8 novembre dernier, et bientôt le vote par notre assemblée des deux projets de loi que nous examinons, l'année 1998, année du cent-cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage et du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, peut être inscrite en lettres d'or dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie. Pour une fois, la France tient sa parole à l'égard de ce pays.

De la table ronde de Nainville-les-Roches en juillet 1983 au boycott des élections de novembre 1984, au référendum de septembre 1987, à une épouvantable cascade de morts et d'assassinats, puis aux accords de Matignon et de Nouméa, le chemin parcouru pendant ces quinze ans, avec la volonté d'éviter toute solution susceptible d'opposer entre elles les deux principales communautés du territoire, débouche sur un admirable consensus.

Aussi la loi organique, qui résulte de concessions récip roques des partenaires politiques, doit-elle refléter, comme l'a précisé le FLNKS, l'esprit et la lettre de l'accord de Nouméa. Elle ne doit comporter aucun élément qui rompe son équilibre. Ces deux projets de loi constituent un contrat original de renaissance démocratique et citoyenne entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie.

Expression d'une grande maturité et d'un sens remarquable de l'équilibre, il donne une autre dimension à la République, qui prouve ainsi sa capacité à accompagner et à favoriser l'émancipation politique et économique du peuple calédonien. Permettez-moi de penser, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette capacité ne disparaîtra pas à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation relatif aux départements d'outre-mer.

Il est évident que le consensus national né de l'accord de Nouméa est nécessaire à la réussite de la mise en oeuvre des dispositions de ces deux textes. La logique qui a présidé à l'élaboration des projets, après avoir rompu avec un mode de pensée et d'action qui humiliait trop souvent l'homme kanak, a ouvert le chantier de la responsabilité et imposé une autre approche des problèmes politiques, fondée sur la considération de tous et sur une volonté de répondre aux attentes de dignité, d'identité et de souveraineté.

En espérant que certaines précisions voulues par les partenaires seront prises en compte par notre assemblée, je me félicite de la traduction sur le plan législatif de l'essentiel de l'accord de Nouméa. Le dispositif amendé donne à la Nouvelle-Calédonie les moyens de construire son avenir et d'avancer vers la pleine souveraineté, si le peuple en décide ainsi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

Mais il est certain que la réussite de cette transition est intimement liée, d'une part, au consensus local, qui repose lui-même sur le partage du pouvoir, sur des institutions et des moyens adaptés et efficaces, et, d'autre part, sur la promptitude de l'Etat à mettre en oeuvre les moyens financiers et techniques nécessaires au développement.

Pour terminer, je rappelle le texte du préambule à la loi voulu par le FLNKS : « La République garantit la décolonisation et l'émancipation de la Nouvelle-Calédonie, elle favorise son évolution de manière à la conduire, dans un cadre harmonieux et équilibré, au développement économique, social et culturel, dans le respect de ses intérêts propres, de ses spécificités géographiques et de son identité.

« Elle garantit également l'irréversibilité du processus de rétrocession des compétences et la faculté d'autoorganisation conférée à la Nouvelle-Calédonie.

« L'Etat, pendant toute la durée de mise en oeuvre du processus global de décolonisation et d'émancipation, apportera son entier concours sous forme d'assurance technique, de formation des hommes et de financement correspondant aux compétences transférées.

« Ces engagements de l'Etat seront inscrits dans des programmes pluriannuels. »

Ainsi, la Nouvelle-Calédonie n'avancera plus dans la nuit, elle cessera de se cogner et de se blesser. Chacun ici a compris que, en cet instant, je pense à l'échange dramatique entre François Mitterrand et Jean-Marie Tjibaou lors de la préparation de l'élection présidentielle de 1988.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la troisième fois cette année, nous voilà engagés dans un processus de discussion et de décision visant à contribuer à tracer les contours de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Mais que s'est-il passé depuis notre débat du 11 juin dernier, depuis le congrès du 6 juillet, où députés et sénateurs n'ont ménagé ni leur présence ni leur soutien ? Bien sûr, la vie a continué, ici comme en NouvelleCalédonie. Les résultats de la consultation électorale du 8 novembre sont de nature à conforter le processus engagé : 72 % de oui et 75 % de participation, voilà qui donne un confort à l'action ! Mais nous ne devons pas pour autant rester sourds aux inquiétudes, aux arguments de peur, et parfois d'ignorance, qui se sont exprimés durant la campagne électorale. Il est constant en démocratie que les personnes qui ont peu participé à des négociations, parce qu'elles étaient peu organisées, peu mobili-s ées ou simplement peu désireuses d'apporter leur participation, souhaitent souvent tout refaire. Les débats qui ont lieu dans l'hémicycle sur les traités d'Amsterdam et de Maastricht nous prouvent qu'il ne s'agit pas d'une manie culturelle spécifique à la Nouvelle-Calédonie.

Dans le texte d'un accord, il y a toujours une ou plusieurs virgules susceptibles de servir de point d'appui à des contestations. Bien que nous prétendions à la perfection, nous reconnaissons humblement que cette perfection n'est pas humainement à notre portée.

Nous devons donc, disais-je, porter une attention particulière à certains des arguments qui sont avancés, notamment à ceux qui ont un caractère itératif. L'un de ceux-là consiste à soutenir que l'accord n'est pas sincère puisqu'il permet à des partis tels que le RPCR et le FLNKS, qui affichent des objectifs contradictoires, d'y trouver chacun son compte. Mais avancer un tel argument, c'est méconnaître les vertus des ambitions clairement définies, c'est sous-estimer la loyauté d'un projet, d'un accord sans faux-fuyants, c'est dire son désarroi face à une situation inédite où les arrière-pensées sont ouvertement assumées, c'est affirmer toute la difficulté que nous avons à admettre que les contradictions font partie de la vie, que les antagonismes nourrissent en permanence le débat social et que la paix est une conquête constamment renouvelée.

Nous devons également entendre certaines revendications catégorielles, voire communautaristes, pas pour leur contester leur légitimité, mais pour rappeler les principes et les valeurs qui guident l'action entreprise, pour affirmer haut et clair que la volonté de corriger les injustices, reproductrices d'inégalités, nées de la période coloniale, repose sur plusieurs piliers : la reconnaissance de l'antériorité mélanésienne sur le territoire, la reconnaissance de l'identité kanake, la reconnaissance de l'apport de ceux qui, depuis l'occupation de 1853, ont apporté au territoire leur propre contribution - scientifique, technique, administrative, économique et culturelle -, la reconnaissance d'une réalité sociologique composite, le refus du manichéisme, la volonté de graver dans les institutions ce souci de justice, la volonté de prendre le temps nécessaire, de favoriser la participation légitime la plus large à la construction de ce destin solidaire.

Reconnaître l'identité kanake suppose que des actes juridiques et administratifs soient pris, qui permettent son expression et son épanouissement. Et même si la création d'un sénat coutumier heurte ceux qui savent que, parfois, derrière la coutume, se dissimulent des préceptes inégalitaires défavorisant souvent les femmes et les jeunes, nous devons redire le rôle de la coutume dans la cohésion sociale, exprimer notre confiance en ceux qui ont démontré jusqu'à ce jour leur attachement aux libertés fondamentales et aux droits universels et, bien sûr, notre amicale vigilance quant à la conformité des décisions par rapport aux libertés fondamentales et aux droits universels.

Reconnaître tout cela, c'est reconnaître la créance de confiance établie par ceux qui ont donné naissance à l'accord et aux dispositions institutionnelles et législatives qui s'ensuivent.

Nous devons également poser le problème de savoir comment la société calédonienne s'emparera de son avenir.

Reconnaître que, si certaines communes indépendantistes ont voté oui à plus de 95 % - c'est le cas des îles tandis que d'autres communes du sud n'ont voté oui

« qu'à » 63 % - c'est déjà beau, mais nous avons pris l'habitude d'être voraces pour ce qui concerne les résultats en Nouvelle-Calédonie (Sourires) -, c'est parce que s'inscrivait dans le territoire, jusque dans l'occupation de l'espace, les inégalités fondées justement sur l'identité.

Or corriger les injustices, c'est accompagner la réconciliation et préserver notamment les acquis inscrits dans les accords de référence, c'est aussi doper la reconstruction économique par la modernisation de certains appareils productifs, dont ceux qui traitent le nickel, c'est veiller à une répartition équitable des richesses et des moyens de création de richesses.

Nous ne devons pas oublier que, dès la prochaine consultation, participeront aux élections des jeunes qui n'auront connu que les accords de Matignon et de


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Nouméa. Ils n'auront connu qu'un territoire apaisé - je ne dis pas pacifié. Ils seront sans rancoeur, instruits, nous l'espérons, de leur histoire, mais également cultivés et éclairés sur ce qui est à la portée des hommes lorsqu'ils sont déterminés à féconder la diversité culturelle.

L'accord de Nouméa énonce clairement que le partage des compétences entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie signifiera une souveraineté partagée. Cet accord succède aux accords de Matignon, dix ans après que la paix politique et sociale, la reconnaissance et le respect mutuels, les programmes de formation, les mesures de justice, les transferts de moyens ont produit leurs premiers effets et inscrit dans les consciences les prémices d'une possible convivialité.

Les populations seront encore consultées. La démarche n'est donc pas de connivence, elle n'est pas de tractation, ni de confiscation de pouvoir : elle est transparente, elle est publique, elle est collective. Elle est donc démocratique.

M. René Dosière, rapporteur, et M. François Colcombet.

Très juste ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

C'est vrai !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Le projet est clairvoyant, il est lucide, il est lyrique même, il est technique mais pas technocratique : il est vivant. Ceux qui, de tout bord, y ont contribué doivent être salués avec respect et allégresse, car il ménage un décor somptueux pour surgir sur la scène du monde.

En ce qui nous concerne, nous y avons aussi pris notre part. C'est la raison pour laquelle nous couvons avec ardeur, avec ferveur, cet accord, cette souveraineté partagée, que nous vivons comme un antidote à la fascination du repli ethnique, comme un défi aux tentations faciles de l'économie intemporelle, comme un coup d'arrêt aux revendications abusives, comme une confirmation intelligente et sereine de l'interdépendance, comme une combinaison astucieuse de la protection qui répare et de l'ouverture qui élargit l'avenir.

« Souveraineté partagée » : nous répétons ces deux mots à satiété. Nous les suçons comme un sucre d'orge à deux parfums : le droit et la générosité, la justice et la fraternité, la responsabilité et la solidarité.

C ette expérience nous emplit de désirs et nous l'accompagnerons, l'esprit en éveil, en goûtant toutes les surprises, toutes les merveilles que contiennent déjà ses promesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. René Dosière, rapporteur.

La technocratie cède le pas au lyrisme !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il y a dix ans étaient signés les accords de Matignon. Si ces accords n'avaient pas été conclus nous ne serions pas ici aujourd'hui pour débattre de ce projet de loi organique, qui ouvre à la Nouvelle-Calédonie une perspective de vingt ans de paix et de stabilité.

Les accords de Matignon apparaissent maintenant comme un bien commun, et nombreux sont ceux qui, ici ou en Nouvelle-Calédonie en revendiquent la paternité.

On ne peut que s'en réjouir, même si l'on se souvient des difficultés que les principaux signataires ont alors rencontrées à Nouméa comme à Paris pour en faire admettre le bien-fondé.

Il faut se souvenir aussi que ces accords sont nés du d rame d'Ouvéa. La Nouvelle-Calédonie était au paroxysme de la violence, et la violence appelait chaque jour une violence encore plus forte.

La signature des accords de Matignon a mis un terme à ce cycle qui nous menait à la guerre civile. Et depuis dix ans, on a pu constater que la paix, elle, appelle la paix.

C'est cela qui a amené Jacques Lafleur à proposer en 1991 la recherche d'une solution consensuelle qui puisse rassembler, au lieu de diviser à nouveau, et préserver cette paix si fragile et qui n'est jamais définitivement acquise. Cette solution a été trouvée avec l'accord de Nouméa signé le 5 mai dernier. Mais pour passer de l'antagonisme au consensus, il a fallu beaucoup de patience et de bonne volonté.

En votant à la quasi-unanimité la révision constitutionnelle nécessaire à la mise en oeuvre de l'accord, et à laquelle le Président de la République avait bien voulu donner son aval, le Parlement a montré que la NouvelleCalédonie n'est plus aujourd'hui sujet de division sur le plan national.

En cette occasion, la preuve a été faite que, lorsque l'essentiel est en jeu, c'est-à-dire la paix civile et l'appartenance à la République, le droit peut s'adapter à la volonté politique.

M. François Colcombet.

Très juste !

M. Pierre Frogier.

Les Calédoniens ont su être dignes de cette confiance en approuvant à leur tour, massivement, l'accord de Nouméa lors du réferendum du 8 novembre dernier par 72 % de oui, avec un taux de participation record de 74 %. Dans les trois provinces, dans les trente-trois communes, le oui l'a emporté nettement.

Malgré la campagne des partisans du non - combat d'arrière-garde pour les uns, calculs électoraux pour les autres -, la population du sud, celle de Nouméa en particulier, a montré que, dix ans après la signature des accords de Matignon, elle comprenait mieux la nécessité d'un partage des pouvoirs, du savoir et des richesses. Elle a compris que c'était la clé d'une réconciliation définitive, et donc de la paix, de la stabilité et du développement.

L'ensemble des pays de la région a salué ce résultat, et l'accord de Nouméa est un motif légitime de fierté pour la France, dont l'image dans le Pacifique est aujourd'hui excellente. D'ailleurs, un journal anglophone vient de désigner « hommes de l'année » 1998 les deux signataires locaux de l'accord.

Cette approbation sans équivoque était aussi la condition pour que l'émancipation de la Nouvelle-Calédonie dans la République, qui est pour nous le sens de l'accord de Nouméa, puisse s'engager dans les meilleures conditions. Je regrette les analyses développées tout à l'heure par notre collègue Gantier, qui semble avoir puisé ses références auprès des plus extrémistes de nos adversaires locaux.

M. François Colcombet.

Très juste !

M. Pierre Frogier.

Je ne me livrerai pas devant vous à un commentaire exhaustif de ce projet de loi organique, qui ne comporte pas moins de 221 articles, auxquels s'ajoutent les 23 articles du projet de loi simple. Je voudrais simplement revenir sur les points qui me paraissent les plus importants.


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L'article 3 du projet de loi organique institue une citoyenneté dont bénéficient les électeurs admis à participer aux élections au congrès et aux assemblées de province.

Pour éviter tout malentendu sur le sens à donner à cette novation importante, il faut se rapporter au préambule de l'accord de Nouméa, dont le Premier ministre a rappelé à Versailles qu'il donnait son sens à l'ensemble.

Ce texte indique qu'« au cours de cette période des signes seront donnés de la reconnaissance progressive d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci devant traduire la communauté de destin choisie ». L'idée est bien que la citoyenneté calédonienne n'est pas quelque chose qui se décrète du jour au lendemain. C'est une construction progressive qui n'aura de sens que si le désir de vivre ensemble se confirme et se renforce au fil des années.

Cette citoyenneté ne doit pas exclure, mais rassembler.

Ainsi, tous les citoyens français qui auront décidé de s'établir durablement en Nouvelle-Calédonie en bénéficieront au bout de dix ans. Cette citoyenneté calédonienne ne se conçoit qu'au sein de la citoyenneté et de la nationalité françaises, qu'elle ne remplace pas.

L'Etat consent d'importants transferts de compétence, échelonnés dans le temps. Ils permettront aux élus et aux responsables locaux d'exercer eux-mêmes les responsabilités dans les matières qui touchent à la vie quotidienne et au développement économique. Le temps est maintenant révolu où nos dossiers étaient traités sans souci des réalités locales et de la volonté des habitants. En revanche, rien de ce qui ne peut relever que d'un Etat - et d'un

Etat seul - n'est transféré. La possibilité donnée par l'article 23 de prendre des mesures en faveur de l'emploi local, limitées dans le temps et dans leur champ d'application, ne doit pas être conçue comme un moyen de se refermer sur soi. Il s'agit de donner aux jeunes Calédoniens et Calédoniennes - à compétences et qualifications égalales - une meilleure chance de trouver un emploi.

M ais sans apports extérieurs, sans ces échanges humains indispensables, jamais la Nouvelle-Calédonie ne se développera et l'émancipation souhaitée par tous ne sera qu'un mot vide de sens.

Dans la répartition des compétences, les provinces demeurent les collectivités de base, et cela est nécessaire à l'équilibre politique.

Toutefois, les nouvelles compétences transférées de l'Etat le sont, pour l'essentiel, vers le territoire. Cela me paraît légitime. En effet, nous aurons absolument besoin, au cours des prochaines décennies, de ce niveau de cohérence pour faire face aux défis qui nous attendent. Ce sera en particulier le cas dans le domaine minier et métallurgique, où d'importantes restructurations seront nécessaires - la loi donne à juste titre le dernier mot au gouvernement du territoire avec l'appui de l'Etat.

Pour en finir avec la question du transfert des compétences, je dirai que la Nouvelle-Calédonie ne pourra y faire face que si l'Etat, comme il s'y est engagé, compense financièrement de manière intégrale ces transferts, pour permettre au territoire de consacrer par priorité tout accroissement de ses ressources propres à la création de richesses nouvelles et donc d'emplois. C'est l'objet de l'article 54.

La Nouvelle-Calédonie est l'une des trois dernières collectivités territoriales de la République à ne pas avoir d'exécutif élu. L'élection par le Congrès d'un gouvernement local est donc un aboutissement logique.

Certains d'entre vous se sont émus de la difficulté qu'il pourrait y avoir à faire fonctionner cet exécutif élu au scrutin proportionnel et de la contradiction apparente entre une logique majoritaire, résultant de certaines dispositions, et ce mode de scrutin.

Dans la ligne de la démarche qui a présidé à la recherche d'une solution consensuelle, ce qui signifiait que le parti majoritaire renonçait à faire jouer sa majorité, Jacques Lafleur, dès l'origine des négociations, a personnellement souhaité que le nouvel exécutif associe des représentants du Rassemblement et des mouvements i ndépendantistes, qu'il exerce ses responsabilités de manière collégiale et que le représentant de l'Etat y ait sa place, ce qui n'est effectivement pas le cas dans d'autres territoires d'outre-mer.

Toutefois, il est exact que certaines dispositions d'inspiration majoritaire ont été retenues, pour prendre en compte les nécessités de la gestion quotidienne et de la cohésion de l'équipe exécutive.

Le bon fonctionnement de cet exécutif nécessitera, il est vrai, le maintien d'un esprit permanent de consensus.

Cela ne sera pas facile, mais ce constat peut s'appliquer à l'ensemble du dispositif institutionnel issu de l'accord de Nouméa. C'est la conséquence de l'équilibre des concessions réciproques sans lequel il n'y aurait pas eu d'accord.

Je voudrais enfin évoquer la consultation sur l'accession éventuelle à la souveraineté ou le maintien dans la République, qui aura lieu en principe à l'issue d'une période de vingt ans.

Contrairement à ce que nous avons pu lire dans la presse nationale au lendemain de la signature de l'accord de Nouméa, il n'y a dans ce texte aucune marche forcée ou inéluctable vers l'indépendance. L'article 77 de la Constitution prévoit bien que ce sont les populations intéressées qui se prononceront sur cette question. Le titre IX du projet de loi organique organise très précisément cette consultation qui sera libre et démocratique.

Mais je suis, pour ma part, convaincu que mes compatriotes feront alors le choix de la France, y compris ceux des indépendantistes, qui auront alors admis que le bienêtre de nos populations est synonyme d'appartenance à une grande nation.

Ce qui a été accompli avec l'accord de Nouméa, la révision constitutionnelle et, maintenant, ce projet de loi organique, a suscité l'intérêt, voire parfois une certaine convoitise dans l'ensemble de l'outre-mer français.

Le Gouvernement a décidé de lancer avec le Parlement une large réflexion sur les évolutions souhaitables pour l'outre-mer. Il ne m'appartient pas de donner ici quelques conseils, mais sachez simplement que ces solutions, celles qui ont été retenues pour la Nouvelle-Calédonie, ne sont pas purement et simplement transposables ailleurs, parce qu'elles résultent d'une histoire, d'une mosaïque raciale et culturelle, d'une situation géographique, qui ont donné naissance à une identité particulière et unique dans l'ensemble de la République.

Le préambule de l'accord retrace remarquablement, en quelques phrases souvent très fortes, ce qu'a été cette histoire.

Sans faire acte de repentance ni de contrition, parce qu'il n'y a aucune raison de le faire, la République a su prendre en compte, et c'est son honneur, le sentiment douloureux que les Kanak ont gardé de la colonisation, mais elle a également rendu un légitime hommage à l'oeuvre des populations venues de l'extérieur, et en


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particulier de la métropole. C'est ce qui a permis la conclusion de ce contrat d'amitié, de ce pacte de réconciliation qu'est l'accord de Nouméa.

La pleine reconnaissance de l'identité kanak s'accompagne de la pleine reconnaissance de la légitimité des autres communautés à vivre sur ce territoire. C'est une étape essentielle vers la construction d'un destin partagé et l'affirmation progressive d'une identité commune, qui s'enrichira de l'identité de chacun.

Au moment de conclure, je souhaite, mes chers collègues, vous rappeler à vous, mais aussi à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, qui, je l'espère, suivent nos débats, que l'accord de Nouméa et les textes qui le mettent en oeuvre sont l'aboutissement du combat politique mené par Jacques Lafleur depuis plus de vingt ans.

Il y a consacré chaque jour toute son énergie. Il l'a fait pour ses enfants, pour nos enfants, pour les Mélanésiens qui n'ont jamais cessé de croire en la France, pour l'ensemble des Calédoniennes et des Calédoniens.

Pour ma part, je ne saurais trouver les mots pour lui d ire ma reconnaissance de m'avoir associé à tous moments à cette oeuvre empreinte de générosité pour ceux qui aspiraient à voir reconnaître leur identité et d'espérance pour ceux qui avaient besoin d'être assurés de leur avenir sur cette terre calédonienne.

Mais c'est aussi un extraordinaire témoignage de confiance à tous ceux de ma génération, qui, chacun aux fonctions qu'il exerce ou exercera dans les prochaines années, devront conduire la Calédonie vers plus de justice, de solidarité, de fraternité.

C'est enfin un pacte qui scellera à jamais le destin commun de la France et de la Nouvelle-Calédonie, dans l'intérêt de toutes les populations qui y vivent.

Chaque mot et chaque phrase de ces deux projets de loi ont été longuement discutés et négociés au cours d'un processus initié et approuvé par le Président de la République et le Premier ministre. Par ma voix, les parlementaires de Nouvelle-Calédonie tiennent à leur renouveler le témoignage de leur profonde reconnaissance.

Enfin, la République française souhaitait-elle que la paix perdure en Nouvelle-Calédonie ? Je suis sûr que la réponse est « oui ». Pour ce qui nous concerne, nous avons tenté d'y participer à notre façon, en préparant, en négociant et en contribuant à élaborer les textes soumis à notre approbation.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Emile Vernaudon.

M. Emile Vernaudon.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'aborder la question statutaire de la Nouvelle-Calédonie, je me dois d'évoquer le drame que connaît la Polynésie depuis q uelques jours. Des pluies diluviennes ont frappé l'archipel de la Société et les dégâts sont importants, surtout à Tahiti. Dans toutes les communes de l'île, des quartiers entiers sont inondés, les routes et les ponts coupés, les maisons emportées par les rivières en crue. Des familles entières sont sinistrées et des pertes humaines sont à déplorer.

Je souhaite, monsieur le ministre, qu'en ces moments difficiles l'Etat puisse rapidement apporter les secours d'urgence humains, matériels et financiers aux familles sinistrées. Cette situation exceptionnelle implique que l'état de catastrophe naturelle soit déclaré pour l'archipel de la Société.

Bien que mes pensées soient prises par le drame que connaît actuellement la Polynésie française, j'en viens à la Nouvelle-Calédonie, puisque tel est l'ordre du jour.

A l'occasion de l'étude de ce projet de loi organique sur le statut de la Nouvelle-Calédonie, permettez-moi avant tout d'adresser mes chaleureuses félicitations aux auteurs et signataires des accords de Nouméa. A l'Etat, d'abord, qui a su reconnaître le fait colonial en NouvelleCalédonie et légaliser l'aspiration profonde du peuple calédonien. Mais aussi aux deux principaux courants politiques, adversaires de toujours, le RPCR de mes collègues Jacques Lafleur et Pierre Frogier, et le FLNKS, présidé par Roch Wamytan, qui ont su mettre de côté leurs rancoeurs et leurs oppositions pour construire ensemble un avenir commun pour leurs enfants. Le référendum local du 8 novembre a ainsi permis d'approuver à une très forte majorité les accords de Nouméa.

Le processus statutaire calédonien est exemplaire à plus d'un titre.

Toutes les forces politiques de la Nouvelle-Calédonie, tant de la majorité que de l'opposition, ont été associées aux discussions avec l'Etat et sont même convenues de partager le pouvoir exécutif. Car il s'agit avant tout, avec la participation active de l'Etat, de construire ensemble un pays et de développer toutes les ressources du territoire.

Dans quinze ou vingt ans, les Calédoniens décideront eux-mêmes de leur avenir, c'est-à-dire soit de rester au sein de la République, soit d'accéder à la souveraineté.

Je souhaite qu'un tel processus puisse s'appliquer à la Polynésie française, tout en tenant compte des spécificités propres à chaque territoire. Il est temps que des « accords de Tahiti » puissent définir un processus comparable à celui de la Nouvelle-Calédonie. De tels accords définiraient, après concertation de l'Etat avec toutes les forces politiques polynésiennes et avec les représentants socioéconomiques de notre société, des conventions de partenariat économique, financier, social et culturel.

Les modifications statutaires que demande le sénateur président de l'actuel gouvernement - à savoir les lois de pays, la citoyenneté polynésienne et la possibilité de signer des accords internationaux - ne peuvent que faire partie d'un processus d'accession de la Polynésie à l'indépendance. D'ailleurs, c'est ce que pensent la majorité des Polynésiens, car ses déclarations sur l'amélioration de la « super-autonomie » de 1996 n'ont convaincu que peu de monde. Ne concentre-t-il pas déjà tous les principaux pouvoirs dans ses mains ? N'est-ce pas là un danger pour la démocratie surtout lorsqu'il n'existe pas de contrepouvoir ? Les propositions de l'actuel président du gouvernement ne visent en réalité qu'à renforcer son pouvoir personnel et à servir d'arguments électoraux dans la perspective de prochaines élections territoriales.

Alors qu'une pause statutaire s'impose, nous assistons au contraire à une surenchère institutionnelle. Est-ce bien là la politique du Gouvernement ? Certains affirment que cette proposition de modification du statut polynésien serait le fruit d'un marchandage et d'un accord entre le Président de la République et le Premier ministre. Et cela sans consulter les forces politiques et les institutions polynésiennes.

M. le président.

Monsieur Vernaudon, il faut conclure.

M. Emile Vernaudon.

Je n'ose le croire, monsieur le secrétaire d'Etat. Il se dit pourtant que, pour donner son accord à la loi constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie, le Président de la République, ami personnel de Gaston Flosse, aurait exigé du Premier ministre la promesse que la Polynésie bénéficierait elle aussi de certaines des a vancées statutaires de la Nouvelle-Calédonie. La


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Nouvelle-Calédonie étant prioritaire et la Polynésie ne méritant pas un accroc à la cohabitation, l'Hôtel Matignon et la Rue Oudinot auraient donné leur accord.

M. le président.

Vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Emile Vernaudon.

C'est d'ailleurs fort de cet accord secret que le président du gouvernement, de retour à Tahiti,...

M. le président.

Quand je vous parle, monsieur Vernaudon, vous pourriez me répondre !

M. Emile Vernaudon.

... avait claironné, mais sans doute à tort et trop tôt, que sa réforme statutaire serait adoptée dès janvier 1999.

M. le président.

Je vais vous retirer la parole !

M. Emile Vernaudon.

Et si, pour les raisons que j'ai évoquées, la réforme statutaire devait avoir lieu...

M. le président.

Monsieur Vernaudon, je vous retire la parole. La suite de vos propos ne figurera pas au compte rendu.

La parole est à M. Bernard Grasset.

M. Bernard Grasset.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « Si, pour une fois, la France pouvait accompagner un petit pays vers son émancipation et son indépendance... », disait Jean-

Marie Tjibaou. Le moment venu, les populations du territoire se prononceront sur leur destin ultime. Mais, tous ensemble, nous pouvons dire, avec une certaine fierté, sur tous les bancs de cette assemblée : la France accompagne un petit pays sur le chemin de son émancipation.

Le cadre est tracé et les moyens sont avancés.

Certains ont pu mettre en avant le caractère non constitutionnel de telles dispositions. Mais quel article de la Constitution autorisa jadis la France à prendre possession, avec la brutalité que l'on sait, de ce territoire ? Quel a rticle autorisa la déportation pêle-mêle de « droit commun » qui n'avaient pas fait grand-chose, de communards et de Kabyles ? Quel article autorisa les répressions de 1878 et de 1917 ? Fallait-il privilégier les usages de notre Assemblée ou bien fallait-il accompagner les Calédoniens dans leur démarche consensuelle ? Il y aura toujours des hommes qui n'ont rien oublié, rien appris et qui font partie de ces esprits arides qui toujours nient.

Tant pis pour eux s'ils préfèrent, pour un temps, la lettre étroite de la loi à l'esprit du Préambule de la Constitution ! Leur dirai-je qu'en Nouvelle-Calédonie la loi a bien souvent opprimé le faible ? Depuis 1988, le territoire est en paix. Des accords de Matignon aux accords de Nouméa, le temps a été bien employé et le chemin a paru court.

Les accords de Matignon ont été loyalement appliqués par les trois partenaires : l'Etat, le FLNKS et le RPCR.

Un immense effort a été accompli pour combler les différences et réduire un déséquilibre qui existe toujours entre Nouméa et sa proche région et le reste du territoire.

Appliquée à Nouméa par son maire, M. Jean Lèques, et les représentants de l'Etat et de la province, une politique de la ville, intelligente, généreuse et courageuse a permis d'éviter la création de bidonvilles et de pallier les frustrations d'une jeunesse désorientée. La province du nord et la province des îles ont comblé une grande partie des retards accumulés depuis des décennies ; les institutions y sont solides.

L'année 1998 aurait dû connaître un référendum d'autodétermination. Mais plutôt qu'une consultation qui divise en deux - une grosse moitié contre une petite moitié -, ce fut à nouveau le génie des deux partenaires calédoniens, conduits par Jacques Lafleur et Roch Wamytan, héritiers et acteurs de ce système consensuel propre aux îles du Pacifique et dont il serait parfois souhaitable que nous nous inspirions ici, qui permit de poursuivre le chemin en préférant la consultation qui rapproche.

L'accord de Nouméa est fondateur : il fonde et il dépasse tout à la fois la modification de la Constitution votée par le Congrès en juillet dernier et le projet de loi que nous allons étudier. Parce qu'il prend en compte le passé, avec ses ombres et ses lumières, parce qu'il porte enfin témoignage de l'identité kanake et de son rapport à la terre, il est la pierre angulaire ou, plutôt, le poteau central de la grande case à construire ensemble.

Il fallait sa reconnaissance juridique. Il fallait sa reconnaissance populaire. Il a été approuvé, dans les trois provinces, à une très forte majorité.

Il faut aujourd'hui sa transcription juridique par le projet de loi que nous examinons.

En dépit des divergences qui ont normalement subsisté et qui ont été harmonieusement réglées, ce ne fut pas une mince affaire que cette traduction juridique qui devait, et qui doit encore, rester fidèle, dans l'esprit et à la lettre, à l'accord fondateur. Le résultat est là, devant nos yeux, avec des propositions d'amendements qui l'éclairent, qui le polissent, qui le précisent.

L'accord de Nouméa a été signé, en toute connaissance de cause, par six représentants du RPCR, quatre du FLNKS et le secrétaire d'Etat à l'outre-mer. S'en affranchir au prétexte d'intérêts supérieurs, d'une lecture inattentive ou d'accords confidentiels postérieurs serait trahir la confiance et des signataires, et des électeurs.

Peut-être pouvons-nous regretter que ces travées soient clairsemées. Ce n'est pas, je le sais, désintérêt de la part des absents mais preuve de leur approbation tranquille.

C'est aussi la preuve de la confiance qu'ils nous accordent et de notre plus grande responsabilité.

Selon les voeux de Jean-Marie Tjibaou, nous allons, une nouvelle fois, parier sur l'intelligence. Et ce pari n'est jamais perdu.

S'il me fallait, personnellement, apporter un éclairage particulier à cette oeuvre, j'en appellerais à notre modestie d'abord, à la responsabilité de l'Etat ensuite.

Modestie d'abord : celle de ne pas vouloir penser à la place des hommes et des femmes du territoire, celle de leur expliquer de quoi ils sont faits, celle de ne pas vouloir réécrire à leur place le mythe, l'histoire et la coutume.

M. René Dosière, rapporteur.

Très bien !

M. Bernard Grasset.

C'est cela aussi, respecter, dans leur universalité, nos propres valeurs.

Récemment arrivé en Nouvelle-Calédonie, le pasteur Franz Leenhardt écrivait à son fils : « Ils te diront peutêtre des choses étranges, mais écoute d'abord, et tâche de comprendre en traduisant ce qu'ils disent dans ta mentalité : tu verras peut-être alors que ce n'est pas si étranger, mais seulement dans une autre langue que celle qui correspond à notre mentalité. »

Responsabilité de l'Etat aussi. Responsabilité renforcée par les amendements qui vous sont proposés. Non pas pour que l'Etat soit plus fort, mais pour qu'il assume la plénitude de ses responsabilités.

Mais nous savons bien que les textes, aussi parfaits soient-ils, ne sont bons que par les hommes et les femmes qui les mettent en oeuvre. A quelque niveau de fonctions


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qu'ils soient, les représentants de l'Etat ne devront pas être attirés en Nouvelle-Calédonie par les délices de la planche à voile ou les bonheurs de la prime d'éloignement. Ce sera, pour eux, un autre métier que celui qu'ils exerçaient en métropole, un métier qui requiert, outre les qualités d'intelligence et d'honnêteté partout nécessaires, un autre regard et d'autres dispositions d'esprit.

M. René Dosière, rapporteur.

Très bien !

M. Bernard Grasset.

Le choix de ces fonctionnaires, et d'abord du premier d'entre eux, est une des conditions du succès des prochaines années.

Une majorité consciente de ses droits, mais aussi de ses devoirs, qui ne confisque pas, même légalement, tous les pouvoirs en quelques mains, qui n'humilie pas, qui ne tente pas de diviser la minorité, qui, elle-même, participe au consensus, pratique une politique contractuelle et ne se réfugie pas dans une opposition systématique, telles sont les exigences requises.

A nous aussi, conscients des efforts des partenaires, de prendre une nouvelle fois le pari de l'intelligence et de faire oeuvre commune. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la veille des fêtes de Noël, nous sommes réunis aujourd'hui pour refermer les plaies du passé, pour écarter de nos discussions toute polémique stérile et pour faire oeuvre commune de paix et de stabilité politique.

Les textes que nous examinons et les avancées qui en découlent serviront sans aucun doute de référence à l'ensemble de l'outre-mer, en particulier à l'importante communauté polynésienne établie en Nouvelle-Calédonie et qui a choisi de faire partie intégrante de la même communauté de destin que les Calédoniens.

Nous avons suivi avec un intérêt particulier les discussions qui ont précédé l'élaboration de ces documents de base. Bien entendu, nous participerons activement à la discussion de ces projets de loi. Aujourd'hui, nous jouons les prolongations du débat sur l'outre-mer. On a fait quelques allusions à la Polynésie ; je me vois donc plus ou moins contraint d'en reparler et d'expliquer ce qu'est véritablement notre territoire d'outre-mer.

Bien entendu, le contexte polynésien est différent de la situation calédonienne. Instituée en 1984, l'autonomie de la Polynésie française s'est développée dans le cadre de modifications statutaires jusqu'à la loi organique de 1996.

Aujourd'hui, tout en demeurant parfaitement intégrée dans la nation française, la Polynésie souhaite conduire son développement économique et social dans un cadre rénové.

L'évolution de notre autonomie est loin d'être achevée et l'application du statut de 1996 a mis en évidence les limites de cette démarche dans l'état actuel de la Constitution.

Je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas de transposer en Polynésie, dans son intégralité, le dispositif prévu en Nouvelle-Calédonie. Cependant, afin de lever les obstacles liés à la Constitution, nous demandons à bénéficier de certaines des avancées prévues pour la NouvelleCalédonie.

Je citerai quelques-unes de ces avancées.

D'abord, la possibilité pour l'assemblée de la Polynésie d'adopter des lois de pays. Cette faculté renforcera la sécurité juridique du système normatif polynésien, mais elle n'est en aucun cas, je tiens à le souligner, synonyme d'immunité juridictionnelle. Comme pour la NouvelleCalédonie, ces lois de pays pourront être déférées au Conseil constitutionnel.

La deuxième avancée souhaitée par notre territoire est la création d'une citoyenneté polynésienne, dans le cadre de la nationalité française.

La dimension symbolique d'une telle citoyenneté est évidente. Elle servira de référence à la reconnaissance de notre identité polynésienne, fondée sur notre culture, sur notre patrimoine et sur notre langue, le reo maohi, pratiquée et enseignée de l'école à l'université.

Nous, Polynésiens, sommes un peuple à part entière, fiers d'être Français mais nous restons soucieux de préserver notre mode de vie, notre manière de penser, notre liberté d'action dans la sphère économique et géographique du grand Pacifique.

La prise en compte de nos spécificités pourrait nous permettre de protéger l'accès à l'emploi, notamment pour nos jeunes qui arrivent chaque année plus nombreux sur le marché du travail. Comme l'a souligné Mme Bello lors de notre débat sur l'outre-mer, c'est « une question très délicate et très grave... qui se pose à l'ensemble de l'outremer ».

Cette évolution pourrait, par exemple, inciter l'Etat à favoriser le recrutement de fonctionnaires locaux, notamment pour les personnels de catégorie C, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, surtout dans certains services de police.

Comme le dit Gaston Flosse, président du gouvernement : « Cette citoyenneté est ouverte et fraternelle. Elle n'aura jamais pour dessein d'exclure. Elle est une citoyenneté dans la nationalité française, car la Polynésie est polynésienne, mais française aussi et entend le rester. »

Nous souhaitons également que certains transferts de compétences soient établis à titre définitif pour mettre fin à certaines situations juridiques inextricables et pour stabiliser notre ordre juridique. Aussi, demandons-nous, comme cela est prévu pour la Nouvelle-Calédonie, la compétence pleine et entière en matière de droit du travail.

Une autre avancée désirée par notre territoire est l'élargissement de nos compétences en matière de relations internationales afin que nous puissions nous intégrer davantage dans notre environnement géographique et participer aux instances régionales, notamment au Forum du Pacifique Sud.

Telle est, mes chers collègues, la position de la Polynésie française, qui, forte de son antériorité en matière d'autonomie, n'en déplaise au rapporteur, assume avec dignité les responsabilités pleines et entières qui lui sont dévolues par son statut d'autonomie.

Nous souhaitons donc pouvoir disposer des avancées constitutionnelles accordées à la Nouvelle-Calédonie.

Avant de terminer, je veux m'expliquer sur le sens que nous donnons à la citoyenneté.

La Polynésie ne veut pas se séparer de la France, bien au contraire. A l'occasion de toutes les consultations électorales, les Polynésiens ont réaffirmé à une forte majorité leur volonté de rester Français. Dernièrement encore, notre sénateur a été élu brillamment avec un score sans appel de 80 % des suffrages.

M. le président.

Il vous faut conclure, monsieur Buillard !


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M. Michel Buillard.

Certains nous reprochent de ne pas suivre le même processus de négociation que la NouvelleCalédonie, où l'ensemble des forces politiques locales ont n égocié l'évolution institutionnelle avec l'Etat. Pour autant notre attitude n'est pas antidémocratique. Comment la frange minoritaire que défend M. Vernaudon, pour laquelle la séparation d'avec la France est un préalable absolu à toute discussion, pourrait-elle participer à des négociations dont la finalité, conformément au voeu de la majorité des Polynésiens, est justement d'éviter cette séparation ? Ce processus d'évolution institutionnelle pourrait servir de modèle international pour assurer la paix, la dignité et l'avenir institutionnel de peuples culturellement différents mais qui souhaitent partager un destin commun.

Je ne terminerai pas, excusez-moi, monsieur le président,...

M. le président.

Si, vous allez terminer ! (Sourires.)

M. Michel Buillard.

... mon intervention sans évoquer la situation dramatique que vit actuellement la Polynésie.

Ayant su prendre nos propres responsabilités en matière de secours, nous attendons de l'Etat, comme vous l'avez fait à maintes reprises, monsieur le ministre, un geste fort en faveur de nos sinistrés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Victor Brial.

M. Victor Brial.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Wallis-et-Futuna a tissé avec la Nouvelle-Calédonie des liens particulièrement étroits. L'histoire de ces derniers siècles les a façonnés pour des raisons culturelles évidentes. Ces affinités se sont traduites administrativement, par un rattachement de l'archipel à un ensemble plus vaste appelé « NouvelleCalédonie et dépendances » et par un alignement effectif en 1926, de l'heure de Wallis sur celle de Nouméa.

Autre exemple parmi tant d'autres : le calendrier scolaire du territoire est aujourd'hui encore calqué sur celui de la Nouvelle-Calédonie.

L'histoire récente a renforcé ces liens, et les a approfondis, notamment dans le domaine économique. Sans refaire l'histoire des vagues successives de migration de Wallisiens et de Futuniens vers la Nouvelle-Calédonie, il est essentiel d'avoir présent à l'esprit l'essor économique considérable qu'a connu la Nouvelle-Calédonie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et la pénurie de main d'oeuvre dont il s'est accompagné.

La politique de grands travaux et le développement de l'exploitation minière et de l'industrie métallurgique ont provoqué, au début des années 50, un appel massif aux travailleurs extérieurs. Des centaines de Wallisiens et de Futuniens vont alors s'embarquer pour Nouméa où ils participeront à ce que l'on appellera plus tard le boom du nickel.

Actuellement, la communauté wallisienne et futun ienne de Nouvelle-Calédonie compte quelque 18 000 personnes et représente le troisième groupe ethnique, ce qui signifie qu'elle est numériquement plus importante que la population résidant sur le territoire ! Vous comprendrez donc aisément, mes chers collègues, l'attention que mes compatriotes, installés souvent depuis plusieurs générations en Nouvelle-Calédonie, accordent à son évolution institutionnelle, les espoirs qu'elle suscite, la promesse de paix qu'elle recèle, mais également les interrogations qu'elle génère.

Je souhaite donc rappeler, au moment où l'on dessine les contours de la Nouvelle-Calédonie de demain, la nécessité d'assurer à chaque citoyen de ce territoire des droits intangibles en matière d'égalité économique et sociale, mais également de donner à Wallis-et-Futuna les moyens d'un développement réel et harmonieux.

Je n'ai pas jugé opportun de déposer d'amendements parce que, j'en suis convaincu, ils n'auraient réussi qu'à défigurer un texte particulièrement sensible et complexe.

Avec plus de deux cents articles, dont certains sont de réelles novations juridiques, voire de véritables exercices d'équilibriste, je crois qu'il serait dangereux de vouloir apporter des modifications, si infimes soient-elles.

Les négociations parfois serrées qui ont entouré son élaboration ont conforté ma position et renforcé, si besoin était, l'entière confiance que j'accorde à mes collègues et amis Jacques Lafleur et Pierre Frogier.

M'adressant au Gouvernement, je tiens à remercier M. Jean-Jack Queyranne de la réponse qu'il m'a faite dans un courrier en date du 27 octobre dernier, concernant l'accord particulier qui doit être signé en vertu de l'article 3.2.1. des accords de Nouméa. Ces derniers restant muets sur les conditions de sa signature, je ne peux que me réjouir, M. le ministre, que vous m'ayez confirmé par écrit, l'engagement de l'Etat sur ce dossier. Ce courrier précise en effet qu'il sera signataire à part entière de cet accord aux côtés du territoire de Wallis-et-Futuna et de la Nouvelle-Calédonie.

Il paraît évident que, dans un territoire aussi peu décentralisé que Wallis-et-Futuna, il était indispensable que l'Etat prenne ses responsabilités. J'attends en conséquence qu'un calendrier de discussion avec les différentes parties soit arrêté : le plus tôt sera le mieux.

L'Eldorado qu'a constitué la Nouvelle-Calédonie pour beaucoup de mes compatriotes n'a malheureusement duré qu'un temps. Le ralentissement de la croissance, qui a touché en priorité la main-d'oeuvre peu qualifiée, les a frappés de plein fouet. Difficultés d'emploi et problèmes de logement se sont alors enchaînés dans un cercle vicieux de l'exclusion.

La modification de la conjoncture économique n'a pas infléchi la tendance et l'exode s'est poursuivi. Aujourd'hui, certains déplorent que la Nouvelle-Calédonie soit restée le lieu d'expatriation privilégié des Wallisiens et des Futuniens. Je réponds simplement qu'étant donné les avantages sociaux dispensés par la Nouvelle-Calédonie en termes de minimum vieillesse et d'allocation pour handicapés, pour ne citer que ceux-là, il n'est guère étonnant que le nombre des candidats au départ se soit accru au fil du temps.

M. Lionel Jospin vient d'annoncer une revalorisation de 3 % des minima sociaux en métropole. Cela fait, pour ma part, plus d'un an et demi que je demande, sans relâche, une révision à la hausse de l'allocation accordée aux personnes âgées et handicapées de mon territoire.

Je suis de ceux qui croient que le départ massif des Wallisiens et des Futuniens en Nouvelle-Calédonie et, dans une moindre mesure, en Polynésie française et en métropole, continuera tant que l'Etat n'aura pas créé localement les conditions d'un développement durable.

Pour ce faire, il convient de s'attaquer de front à la question de l'emploi, en élargissant le marché de l'emploi local et en inventant de nouveaux débouchés dans le secteur public et, surtout, dans le privé.

M. le président.

Il faut terminer, monsieur Brial !


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M. Victor Brial.

Sans autre aide à l'emploi que le dispositif ancien des chantiers de développement, le territoire ne parvient pas à retenir les jeunes, notamment ceux sortis diplômés du système scolaire. En conséquence, il manque cruellement de personnel qualifié, susceptible d'impulser une dynamique de croissance. Je demande donc une nouvelle fois au Gouvernement d'étudier les possibilités de créer une antenne de l'Agence nationale pour l'emploi et de financer un dispositif d'aide à l'insertion professionnelle des jeunes diplômés.

Les accords de Nouméa ont consacré l'autonomie des services administratifs de la Nouvelle-Calédonie et du territoire de Wallis-et-Futuna. Cette autonomie n'aura de sens que si elle s'accompagne de mesures fortes en faveur du développement de notre collectivité.

Cette remarque vaut dans le domaine des transports, mais également dans les secteurs de la pêche et de l'agriculture où les potentialités économiques sont importantes.

S'agissant de la desserte aérienne et maritime, la politique de désenclavement du territoire doit impérativement être renforcée, afin qu'il puisse mieux tirer avantage de la position centrale qu'il occupe dans le Pacifique Sud et accroître son rayonnement régional. Les tarifs qui sont aujourd'hui pratiqués à destination de Nouméa ou de Papeete ne permettent pas le développement d'un tourisme qui devra, en tout état de cause, être adapté aux spécificités locales.

M. le président.

Monsieur Brial, allez à votre conclusion directement !

M. Victor Brial.

Monsieur le président, ma circonscription se trouve à 22 000 kilomètres...

M. le président.

Je sais, je la connais.

M. Victor Brial.

Je me résume donc. De toutes les collectivités d'outre-mer, Wallis-et-Futuna est sans doute celle qui pâtit le plus de retards en matière économique et sociale. Je ne crois pourtant pas que ce territoire ait démérité, de quelque manière que ce soit.

A un moment charnière de son histoire, avec la signature de l'accord particulier sur la Nouvelle-Calédonie, la négociation du prochain contrat de plan et la prochaine convention de l'enseignement primaire, j'attends donc de l'Etat qu'il assume ses missions et aide ce territoire, très attaché à la communauté nationale, à s'engager résolument sur la voie du développement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale commune est close.

La parole est à M. secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le président, je tiens à remercier tous les orateurs qui se sont exprimés dans ce débat, que nous allons poursuivre en examinant les deux projets de loi, article par article.

Je tiens au préalable à réaffirmer ma conviction que, en Nouvelle-Calédonie comme partout, la paix dépend de la capacité des hommes et des femmes à imaginer des compromis et à les faire vivre. Je suis donc heureux que les différents orateurs aient appuyé le processus en cours en Nouvelle-Calédonie. Seul M. Gantier s'est interrogé sur le contexte actuel et a exprimé ses doutes, au nom du groupe Démocratie libérale. Il a d'ailleurs fait part de la décision de son groupe de ne pas voter les deux projets de loi. J'espère qu'au terme de ces discussions il reviendra sur cette position, confirmant le vote général qui avait été émis lors du Congrès de Versailles.

Il appartient tant au Gouvernement qu'au législateur de créer les conditions de la paix sur la base d'un accord loyal, celui de Nouméa, qui a été longuement négocié.

Bien que les deux partenaires calédoniens n'aient pas la même vision de l'avenir, cet accord a permis de rapprocher les points de vue. Les choix se feront progressivement et les Calédoniens continueront ainsi à construire leur pays.

Telle est, après la révision constitutionnelle, la finalité des textes en discussion qui vont définir un statut. En cela, il s'agira d'un acte fondateur.

Les Calédoniens s'engageront dans cette voie avec le concours de la France, ce qui donnera à notre pays, à notre culture, l'occasion de rayonner encore davantage dans le Pacifique.

Je tiens enfin à exprimer aux députés de Polynésie, M. Vernaudon et M. Buillard, toute la solidarité du Gouvernement et de la représentation nationale avec leur territoire et leurs populations qui sont à nouveau si durement touchés par des catastrophes naturelles.

Déjà, au cours de la saison dernière, des cyclones et des éboulements de terrains ont malheureusement provoqué de nombreux décès. A ce jour, deux morts ont été recensés : une fillette de six ans et un jeune garçon de sixsept ans, une personne est portée disparue et les intempéries continuent. Nous avons d'ailleurs mis en oeuvre des mesures d'urgence pour essayer de sauver des vies humaines et d'éviter des dégâts trop importants.

Le processus d'indemnisation est d'ores et déjà enclenché. Il repose évidemment sur la reconnaissance de la de catastrophe naturelle et nécessite que les dégâts soient recensés et évalués.

Je répète donc que la solidarité de la nation qui s'est exprimée à l'occasion des derniers sinistres, malheureusement sans jamais pouvoir compenser les pertes humaines, jouera encore en faveur de la Polynésie. Je l'indique aux deux parlementaires de ce territoire qui nous ont rappelé que, très loin de nous, à 22 000 kilomètres ses habitants vivent d'immenses difficultés à cause des intempéries.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Monsieur le président, mes chers collègues, au moment où nous allons commencer l'examen des articles, je tiens à souligner dans quel esprit a travaillé la commission des lois de notre assemblée.

Depuis le vote quasi unanime de la révision constitutionnelle et jusqu'à ces projets de loi organique et de loi dite ordinaire, les plus hautes autorités de l'Etat, mais aussi les parlementaires et, surtout, les Calédoniens, par leur approbation massive du référendum du 8 novembre, ont exprimé la même volonté : traduire rigoureusement, fidèlement, dans les nouvelles institutions de NouvelleCalédonie, l'esprit et la lettre de l'accord de Nouméa.

Cet accord fut l'aboutissement d'une volonté consensuelle de construire ensemble, au prix, pour chacun dess ignataires, de concessions indéniables. Elles sont compensées, pour chacun, par la confiance dans un réel


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avenir commun. Cette perspective nous a permis de trouver les solutions juridiques très novatrices, et très particulières, qu'imposait la mise en oeuvre des objectifs de l'accord de Nouméa.

Il nous a fallu souvent sortir de nos catégories de pensée, même les plus respectables, pour bien coller à celle des négociateurs. Nous l'avons fait de bon coeur en mesurant le chemin parcouru depuis 1988. Je veux en remercier les commissaires aux lois, de l'opposition comme de la majorité, qui ont travaillé dans le même esprit et dans le même sens.

C'est sans doute pour cela que les médias ont parfois quelque difficulté à bien traduire l'état réel de nos débats , tant il est vrai qu'ils sont plus friands de divergences que de consensus. Or, sans le consensus de mai dernier, l'avenir de la Nouvelle-Calédonie eût été bien sombre.

M. François Colcombet.

Tout à fait !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Je tiens à remercier le Gouvernement de l'aide qu'il a apportée aux parlementaires dans ce travail contraint par un calendrier particulièrement serré - que j'ose espérer tout à fait exceptionnel - et d'avoir su écouter les suggestions judicieuses de notre rapporteur, René Dosière, et de plusieurs commissaires aux lois.

De l'équilibre final de ces textes résulteront la clarté et l'efficacité du fonctionnement des nouvelles institutions, donc la qualité des rapports à venir entre les communautés vivant sur le territoire. Cela requiert, pour la suite, la confiance réciproque et, comme l'a si justement souligné notre rapporteur, cela interdira durablement la « pensée toute faite ».

C'est pourquoi je souhaite que l'examen des articles traduise bien le même consensus que celui qui a guidé jusqu'ici tous les acteurs du processus. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

A la demande du Gouvernement, je vais suspendre la séance quelques minutes avant d'aborder l'examen des articles.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président.

La séance est reprise.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

M. le président.

J'appelle maintenant dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi organique relatif à la NouvelleCalédonie dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - La Nouvelle-Calédonie comprend :

« La Grande-Terre, l'île des Pins, l'archipel des Bélep, Huon et Surprise, les îles Chesterfield et les récifs Bellone, les îles Loyauté (Maré, Lifou, Tiga et Ouvéa), l'î le Walpole, les îles Beautemps-Beaupré et de l'Astrolabe, les îles Matthew et Fearn ou Hunter, ainsi que les îlots proches du littoral.

« Les trois provinces de la Nouvelle-Calédonie sont délimitées comme suit :

« 1o La province Nord comprend les territoires des communes de Bélep, Poum, Ouégoa, Pouébo, Hiengh ène, Touho, Poindimié, Ponerihouen, Houa'lou, Canala, Koumac, Kaala Gomen, Kouaoua, Voh, Koné et Pouembout ;

« 2o La province Sud comprend les territoires des communes de l'île des Pins, Mont-Dore, Nouméa, Dumbéa, Pa'ta, Bouloupari, La Foa, Moindou, Sarraméa, Farino, Bourail, Thio et Yaté ;

« 3o La province des îles Loyauté comprend les territoires des communes de Maré, Lifou et Ouvéa.

« Le territoire de la commune de Poya est réparti entre les provinces Nord et Sud par décret en Conseil d'Etat.

« Les limites des provinces peuvent être modifiées sur proposition du congrès et après avis des assemblées de province et des conseils municipaux intéressés et du sénat coutumier par décret en Conseil d'Etat.

« Les aires coutumières de la Nouvelle-Calédonie sont : Hoot Ma Whaap, Paici Camuki, Ajié Aro, Xaracuu, Djubea-Kaponé, Nengone, Drehu, Iaii. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 1er , après le mot : "Tiga", insérer les mots : ", Beautemps-Beaupré".

« II. - En conséquence, dans le même alinéa, supprimer les mots : "Beautemps-Beaupré et". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement a pour objet de faire entrer l'île de Beautemps-Beaupré dans la province des îles Loyauté, puisque cette île est située sur le territoire de la commune d'Ouvéa, elle-même partie de cette province.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Avis favorable. C'est une précision utile sur le plan géographique.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

3. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Les institutions de la Nouvelle-Calédonie comprennent le congrès, le gouvernement, le sénat coutumier, le conseil économique et social, les assemblées de province, les conseils municipaux et les conseils coutumiers.

« Le haut-commissaire de la République est dépositaire des pouvoirs de la République. Il représente le Gouvernement.

« La Nouvelle-Calédonie est représentée au Parlement et au Conseil économique et social de la République dans les conditions fixées par les lois organiques. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« I. - Après le premier alinéa de l'article 2, insérer l'alinéa suivant :

« Les communes de Nouvelle-Calédonie sont des collectivités territoriales de la République. »


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« II. - En conséquence, dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots : ", les conseils municipaux". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Amendement rédactionnel : les conseils municipaux ne sont pas des institutions spécifiques à la Nouvelle-Calédonie, mais des institutions de la République.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Cet amendement a pour objet de distinguer les institutions de la Nouvelle-Calédonie et les communes, collectivités territoriales de la République. La proposition de M. Dosière peut être acceptée ; je dois toutefois lui signaler que les conseils municipaux ne sont pas directement soumis au projet de loi organique, puisqu'ils ne relèvent pas du domaine de compétences de l'article 77 de la Constitution.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est bien pour cela que l'amendement propose de les mentionner dans un alinéa particulier.

M. François Colcombet.

Très bien !

M. le président.

Le Gouvernement est donc d'accord ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

D'accord sur cette base.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement no

4. (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. - Il est institué une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie dont bénéficient les personnes de nationalité française qui remplissent les conditions fixées à l'article 177 de la présente loi. »

L'amendement no 160 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - La Nouvelle-Calédonie détermine librement les signes distinctifs permettant de m arquer sa personnalité aux côtés de ceux de la République.

« Elle peut décider de modifier son nom.

« Ces décisions sont prises dans les conditions fixées au chapitre II du titre III et à la majorité des trois cinquièmes des membres du congrès. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 4, substituer au mot : "distinctifs", le mot : "identitaires". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement tend à reprendre les termes qui figurent dans l'accord de Nouméa.

Je précise à ce propos au Gouvernement que la rédaction de l'article 4 prévoit que ces changements sont approuvé à la majorité des trois cinquièmes. Or, d'après les articles de l'accord de Nouméa, c'est seulement le changement de nom qui doit être adopté par les trois cinquièmes des membres du congrès.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Je félicite le rapporteur pour sa lecture très pointilleuse de l'accord de Nouméa...

M. Jacques Brunhes.

C'est un excellent rapporteur !

M. Jacques Floch.

Il connaît le texte de l'accord par coeur !

M. François Colcombet.

C'est en effet ce qu'on appelle un bon rapporteur ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

... et je confirme que le terme « identitaires » que son amendement substitue au mot « distinctifs » est bien celui utilisé dans l'accord. Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 4, substituer au mot : "ceux", les mots "l'emblème national et des signes". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

S'il faut parler de signes identitaires pour la Nouvelle-Calédonie, on ne saurait parler de signes identitaires pour la République française.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Je confirme la lecture du rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - En Nouvelle-Calédonie, le droit de propriété garanti par la Constitution s'exerce en matière foncière sous la forme de la propriété privée, de la propriété publique et des terres coutumières dont le statut est défini à l'article 17 de la présente loi. »

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président.

Je donne lecture de l'article 6 :

TITRE Ier STATUT CIVIL COUTUMIER ET PROPRIÉTÉ COUTUMIÈRE

« Art. 6. - Les personnes dont le statut personnel, au sens de l'article 75 de la Constitution, est le statut civil coutumier kanak décrit par la présente loi sont régies en matière civile par leurs coutumes. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Dans l'article 6, substituer au mot : "civile", les mots : "de droit civil".

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est un amendement de précision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement no

7. (L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. - La personne qui a le statut civil coutumier est inscrite sur un registre d'état civil coutumier tenu dans chaque commune par les officiers d'état civil. »

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8

M. le président.

« Art. 8. - Dans les rapports juridiques entre parties dont l'une est de statut civil de droit commun et l'autre de statut civil coutumier, le droit commun s'applique.

« Dans les rapports juridiques entre parties qui ne sont pas de statut civil de droit commun mais relèvent de statuts personnels différents, le droit commun s'applique sauf si les parties en disposent autrement par une clause expresse contraire. »

L'amendement no 161 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président.

« Art. 9. - L'enfant légitime, naturel ou adopté plénièrement dont les deux parents ont le statut civil coutumier, a le statut civil coutumier. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Dans l'article 9, supprimer le mot : "plénièrement". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Dans l'article 9, substituer aux mots : "les deux parents" les mots : "le père et la mère". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

La notion de parents est, en droit, plus large que la notion de père et de mère que l'on entend viser dans cet article. Pour éviter toute ambiguïté, il convient donc de préciser que l'on ne vise pas ici les descendants, les collatéraux ou les ascendants autres que le père et la mère.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Cette précision me paraît utile. Avis favorable du Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 9, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

M. le président.

« Art. 10. - Le statut civil coutumier peut être demandé au bénéfice d'un mineur par toute personne de statut civil coutumier exerçant l'autorité parentale.

« La requête est rejetée si le juge constate que les intérêts du mineur, ou de l'un de ses ascendants, descendantso u collatéraux sont insuffisamment préservés. Si le mineur a plus de treize ans, il doit être entendu par le juge. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« A la fin du premier alinéa de l'article 10, après le mot : "exerçant", insérer les mots : "dans les faits". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement vise à ne pas s'éloigner des réalités coutumières quotidiennes en permettant au parent qui exerce véritablement l'autorité parentale de demander pour le mineur l'octroi du statut civil coutumier. C'est notamment le cas des oncles maternels qui tiennent une place particulière dans la société kanake.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement est favorable à cette position. La société et la coutume kanakes sont régies par des règles tout à fait particulières. En particulier, les oncles jouent un grand rôle dans l'éducation des enfants.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté, un amendement, no 11, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 10 :

« Le mineur capable de discernement est entendu par le juge. »

La parole est à M. le rapporteur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

M. René Dosière, rapporteur.

L'article 10 du projet de loi organique prévoit que, si le mineur a plus de treize ans, il doit être entendu par le juge dans le cadre d'une requête demandant l'octroi du statut civil coutumier. La référence à l'âge de treize ans n'est pas conforme à lar édaction actuelle du code civil qui, dans son article 388-1, prévoit que, dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge. L'expression proposée est d'ailleurs la transcription de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Très juste !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Cet amendement reprend l'esprit de l'article 388-1 du code civil. Le Gouvernement y est favorable, mais il paraît opportun de rétablir la faculté pour le juge d'apprécier l'audition du mineur, conformément du reste à l'article 388-1. C'est l'objet de l'amendement no 145 du Gouvernement, que je me propose de vous présenter immédiatement.

M. le président.

Cet amendement est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 10 par la phrase suivante :

« L'audition du mineur peut être écartée par une décision spécialement motivée. »

Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Nous proposons de suivre non seulement l'esprit, mais également la lettre du code civil p uisque cet amendement précise que l'audition du mineur peut être écartée par une décision spécialement motivée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a accepté cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 145.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 10, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Article 11

M. le président.

« Art. 11. - Les personnes majeures entre l'âge de dix-huit et de vingt et un ans dont au moins l'un des deux parents a le statut civil coutumier, qui ont joui pendant au moins cinq ans de la possession d'état de personne de statut civil coutumier, peuvent demander le statut civil coutumier. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« Dans l'article 11, substituer aux mots : "au moins l'un des deux parents", les mots : "le père ou la mère". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement est identique à l'amendement no 9, examiné et adopté précédemment.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement y est favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement no

12. (L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Article 12

M. le président.

« Art. 12. - Toute personne ayant eu le statut civil coutumier et qui, pour quelque cause que ce soit, a le statut civil de droit commun, peut renoncer à ce statut au profit du statut civil coutumier.

« Dans le délai de cinq ans qui suit la promulgation de la présente loi, toute personne qui justifie que l'un de ses ascendants a eu le statut civil coutumier peut renoncer au statut civil de droit commun au profit du statut civil coutumier.

« Toute personne de statut civil coutumier peut renoncer à ce statut au profit du statut civil de droit commun.

« La demande en renonciation doit émaner d'une personne capable, agissant en pleine connaissance de cause et se trouvant dans une situation juridique qui ne fasse pas obstacle à son accession au statut demandé. Si la demande est faite au nom d'un mineur par une personne ayant l'autorité parentale, ce mineur doit être entendu, s'il a plus de treize ans, par le juge.

« La renonciation est, si les conditions sont remplies, constatée par le juge qui en ordonne l'inscription sur les registres d'état civil.

« Si le requérant a déjà exercé la faculté de renonciation au statut civil de droit commun, le juge prononce le changement s'il constate que l'ordre public, la stabilité juridique, et l'intérêt des enfants, des parents et des tiers sont suffisamment préservés. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 12, substituer au mot : "ayant", les mots : "exerçant dans les faits". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est un amendement de précision identique à l'amendement no

10.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement y est favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 12, substituer aux mots : "doit être entendu, s'il a plus de treize ans,", les mots : "s'il est capable de discernement, est entendu". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

L'amendement no 14 est identique à l'amendement no

11.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 146 rectifié, ainsi rédigé :

« Compléter le quatrième alinéa de l'article 12 par la phrase suivante :

« L'audition du mineur peut être écartée par une décision spécialement motivée. »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Même observation que précédemment, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 146 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 15, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 12, substituer au mot : "juridique", les mots : "des situations juridiques". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Il s'agit de reprendre ici la terminologie utilisée habituellement par la Cour de cassation.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement est favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 16, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 12, substituer au mot : "parents", les mots : "ascendants, des descendants, des collatéraux". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est un amendement de coordination avec la rédaction de l'article 10.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 12, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

Article 13

M. le président.

« Art. 13. - La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier.

« Lorsque la juridiction de droit commun statue sur des affaires relevant du présent chapitre, elle est complétée par des assesseurs coutumiers dans les conditions prévues par la loi. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 13, substituer au mot : "chapitre", le mot : "titre". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est un amendement rédactionnel.

M. le président.

Je vois que la commission a lu le texte d'une façon pointilleuse !

M. René Dosière, rapporteur.

C'est son rôle, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président.

Ce n'était pas un reproche, mais un compliment ! Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Favorable, devant une étude aussi précise d'un texte pourtant déjà soumis au Conseil d'Etat ! La commission des lois prouve qu'elle va vraiment jusqu'au bout des choses !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement no

17. (L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 14, 15 et 16

M. le président.

« Art. 14. Toute personne a le droit d'agir pour faire déclarer qu'elle a ou qu'elle n'a point le statut civil coutumier. »

Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

« Art. 15. Toute requête ayant pour objet de demander l'accession ou le retour au statut civil coutumier est motivée et précise le registre d'état civil sur lequel l'inscription de l'accession ou du retour au statut civil coutumier sera portée.

« Le juge est tenu de consulter l'autorité coutumière compétente. » (Adopté.)

« Art. 16. Les jugements et arrêts rendus sur les litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier ont effet même à l'égard de ceux qui n'y ont été ni parties, ni représentés.

« Tout intéressé est recevable à les attaquer par la tierce opposition à la condition de mettre en cause le procureur de la République. » (Adopté.) Article 17

M. le président.

« Art. 17. Sont régis par la coutume les terres coutumières et les biens appartenant aux personnes relevant du statut civil coutumier, qui y sonts itués. Les terres coutumières sont constituées des réserves, des terres attribuées aux groupements de droit particulier local et des terres qui ont été ou sont attribuées par les collectivités territoriales ou les établissements


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

publics fonciers, pour répondre aux demandes exprimées au titre du lien à la terre. Elles incluent les immeubles domaniaux cédés aux propriétaires coutumiers.

« Les terres coutumières sont inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 18, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 17, substituer aux mots : "relevant du", les mots : "ayant le". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 17, modifié par l'amendement no

18. (L'article 17, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 17

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, et M. Colcombet ont présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« Après l'article 17, insérer l'intitulé suivant :

« Titre Ier bis : "De la justice en NouvelleCalédonie". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière rapporteur.

Je laisse M. Colcombet présenter l'amendement no

19.

M. le président.

La parole est à M. François Colcombet.

M. François Colcombet.

Il s'agit ici d'introduire quelques dispositions destinées à améliorer le fonctionnement de la justice sur le territoire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car l'article 77 de la Constitution ne renvoie pas à la loi organique le soin de déterminer les règles d'organisation de la justice en Nouvelle-Calédonie ni de nommer des magistrats.

En effet, ces dispositions devraient être insérées dans une loi organique relative au statut de la magistrature et dans la partie Législative du code de l'organisation judiciaire. J'estime qu'il n'y a aucune raison de légiférer là sur l'organisation de la justice, sauf en ce qui concerne le droit coutumier.

M. le président.

Monsieur Colcombet, pourriez-vous présenter également les amendements nos 125, 20 et 21 ?

M. François Colcombet.

Volontiers, monsieur le président.

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, et M. Colcombet ont, en effet, présenté également les amendements nos 125, 20 et 21.

L'amendement no 125 est ainsi rédigé :

« Après l'article 17, insérer l'article suivant :

« Art. 17 bis. Lorsque la juridiction de droit commun statue sur des affaires ne relevant pas du statut civil coutumier, elle est complétée par des assesseurs désignés dans les conditions prévues aux articles L. 933-I et suivants du code de l'organisation judiciaire. »

L'amendement no 20 est ainsi rédigé :

« Après l'article 17, insérer l'article suivant :

« Art. 17 ter. Lorsqu'elle statue sur les autres affaires, la juridiction d'appel comporte dans son sein un assesseur désigné dans les conditions des articles L. 933-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire. »

L'amendement no 21 est ainsi rédigé :

« Après l'article 17, insérer l'article suivant :

« Art. 17 quater. Les magistrats sont nommés en Nouvelle-Calédonie pour une durée de cinq ans. »

La parole est à M. François Colcombet.

M. François Colcombet.

Les deux premiers amendements, nos 125 et 20, concernent les assesseurs non professionnels. Ils peuvent, me semble-t-il, être insérés dans la loi organique. Cette réforme avait, d'ailleurs, été déjà votée par une loi organique.

Quant au dernier, no 21, comme il touche au statut de la magistrature, je crains qu'il ne tombe sous le coup de la remarque de M. le secrétaire d'Etat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Je confirme que le Gouvernement est défavorable aux amendements touchant aux modalités de l'organisation judiciaire. Nous pensons que la généralisation de la présence d'assesseurs autres que des assesseurs coutumiers dans les juridictions de droit commun devrait figurer dans le code de l'organisation judiciaire, lequel ne comporte pas une partie relevant de la loi organique.

En revanche, pour les contentieux coutumiers, il peut y avoir effectivement adjonction d'assesseurs puisque c'est l'esprit même du titre qui contient ces dispositions.

M. le président.

Même avis du Gouvernement sur les amendements nos 20 et 21 ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Même explication.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 125.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement est adopté.)

Article 18

M. le président.

Je donne lecture de l'article 18.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

TITRE II

LES COMPÉTENCES C HAPITRE Ier La répartition des compétences entre l'Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes

« Art. 18. - Chaque province est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat ou à l a Nouvelle-Calédonie par la présente loi, ou aux communes par la législation applicable en NouvelleCalédonie.

« Dans les îles qui ne sont pas comprises dans le territoire d'une province, la Nouvelle-Calédonie exerce la totalité des compétences qui ne sont pas attribuées à l'Etat. »

M. Frogier a présenté un amendement, no 126, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 18 :

« Les provinces sont compétentes dans les matières suivantes :

« aides aux entreprises en vue de favoriser le développement économique et le rééquilibrage, aides à l'emploi,

« décisions individuelles en matière d'investissements directs étrangers, dans les domaines relevant de la compétence provinciale et dans le cadre de la réglementation prévue à l'article 21-6o ,

« autorisations personnelles minières, décisions individuelles et décisions en matière de police des mines, mentionnées à l'article 39,

« protection de l'environnement et notamment instauration de parcs et réservés sur le domaine des collectivités territoriales,

« agriculture, élevage, forêt et aquaculture, sous réserve des compétences de la Nouvelle-Calédonie en matière d'organisation des marchés agricoles,

« chasse et pêche,

« tourisme,

« réglementation des professions commerciales,

« urbanisme et urbanisme commercial, sous réserve des compétences de la Nouvelle-Calédonie et des communes énumérées aux articles 21-21o et 46,

« politique du logement et de l'habitat,

« protection et mise en valeur des sites et monuments,

« débits de boissons,

« enseignement primaire public sous réserve des compétences de l'Etat, de la Nouvelle-Calédonie et des communes,

« aides à l'enseignement privé sous contrat avec l'Etat, sous réserve des dispositions de l'article 19-III et sans préjudice des interventions des communes,

« adaptation des programmes de l'enseignement primaire en fonction des réalités linguistiques et culturelles,

« médecine scolaire de l'enseignement primaire, y compris les mesures de prophylaxie,

« bourses et aides scolaires,

« modalités d'attributions des aides sociales, y compris les aides sociales à l'enfance, dans le cadre de la réglementation fixée par la Nouvelle-Calédonie,

« actions sanitaires et établissements de soins provinciaux,

« culture,

« jeunesse, sports et loisirs, sous réserve des compétences de la Nouvelle-Calédonie mentionnées à l'article 21 (29o ),

« transports publics terrestres, aériens et maritimes d'intérêt provincial,

« actions de formation professionnelle, sous réserve des compétences de la Nouvelle-Calédonie mentionnées à l'article 21 (2o ).

« Elles sont également compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas attribuées à l'Etat ou à la Nouvelle-Calédonie par la présente loi ou aux communes par la législation applicable. »

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier.

Tout en réaffirmant la compétence de droit commun des provinces, cet amendement vise à énumérer de la manière la plus complète possible les matières qui relèvent de leur compétence, en vue de limiter le risque de contentieux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement pour des raisons de forme. Le texte de loi donne une compétence générale aux provinces. Si l'on adoptait l'énumération de M. Frogier, on courrait le risque d'oublier un aspect et donc d'enlever de la compétence aux provinces. Il est donc préférable de leur laisser la compétence générale, ce qui, d'ailleurs, n'exclut pas celles qu'a énumérées notre collègue.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement partage ce point de vue. En effet, je rappelle que la loi référendaire de 1988 avait confié une compétence de droit commun aux provinces et que, par nature, la compétence du territoire est une compétence d'exception, de même que celle de l'Etat.

En énumérant une liste de compétences, nous pourrions ouvrir la porte à des contentieux multiples car nous risquons d'omettre certaines matières.

L'énumération de M. Frogier sera utile, au titre des travaux parlementaires, parce qu'elle illustre bien le rôle que jouent les provinces en Nouvelle-Calédonie et qu'elle pourra, de ce fait, éclairer le travail ultérieur et éventuellement faciliter la résolution des contentieux.

Je crains qu'une énumération très longue des compétences des provinces n'aille à l'encontre de ce que souhaite M. Frogier, d'autant qu'on risque fort d'en oublier et que de nouvelles apparaîtront dans vingt ans avec l'évolution technique.

M. le président.

Monsieur Frogier, retirez-vous votre amendement ?

M. Pierre Frogier.

Oui, je me rallie à la position du ministre.

M. le président.

L'amendement no 126 est retiré.

M. Luca a présenté un amendement, no 162, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 18 :

« La Nouvelle-Calédonie est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etate t aux provinces par la présente loi ou aux communes par la législation applicable en NouvelleCalédonie. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Il s'agit tout simplement de préciser les domaines de compétences de la Nouvelle-Calédonie, de renforcer ses attributions pour prévenir un risque de développement séparé des provinces, et de garantir ainsi l'unité de cette citoyenneté calédonienne que l'on affirme par ailleurs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement, car il est, en fait, contraire à la logique du projet, lequel vise à donner une compétence générale aux provinces, et à la Nouvelle-Calédonie des compétences qui sont énumérées.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Même opinion. Comme je l'ai dit précédemment en répondant à M. Frogier, la compétence de droit commun est bien celle des provinces. Cela étant, dans le texte de la loi organique, et nous le verrons en examinant successivement les différents articles, le pouvoir de la Nouvelle-Calédonie est renforcé dans un certain nombre de domaines où les compétences sont transférées.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 162.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Article 19

M. le président.

Je donne lecture de l'article 19 :

« Section 1

« Compétences de l'Etat et de la Nouvelle-Calédonie

« Art. 19. - I. - L'Etat est compétent dans les matières suivantes :

« 1o Nationalité ; garanties des libertés publiques ; droits civiques ; régime électoral ;

« 2o Justice, organisation judiciaire, organisation de la profession d'avocat, frais de justice pénale et administrat ive ; procédure pénale et procédure administrative contentieuse ; commissions d'office et service public pénitentiaire ;

« 3o Défense ;

« 4o Matériels de guerre, armes et munitions, poudres et substances explosives ;

« 5o Monnaie, crédit, changes, relations financières avec l'étranger et Trésor ;

« 6o Desserte aérienne entre la Nouvelle-Calédonie et les autres points du territoire de la République ; liaisons et communications gouvernementales, de défense et de sécurité en matière de postes et télécommunications ; réglementation des fréquences radioélectriques ; statut des navires ; immatriculation des aéronefs. »

« 7o Réglementation relative aux matières mentionnées a u 1o de l'article 19 du décret no 54-1110 du 13 novembre 1954, modifié, portant réforme du régime des substances minérales dans les territoires d'outre-mer, ainsi qu'aux installations qui en font usage ;

« 8o Fonction publique de l'Etat ;

« 9o Marchés publics et délégations de service public de l'Etat et de ses établissements publics ;

« 10o Règles relatives à l'administration des provinces, des communes et de leurs établissements publics et contrôle de légalité et contrôle budgétaire des provinces, des communes et de leurs établissements publics, sous réserve des dispositions de l'article 25 ;

« 11o Exercice, hors des eaux territoriales, des compétences résultant des conventions internationales, sous réserve des dispositions du 10o de l'article 21 relatives aux ressources de la zone économique exclusive.

« II. L'Etat est également compétent dans les matières suivantes, sous réserve le cas échéant de l'application des dispositions mentionnées aux articles 27 à 37 :

« 1o Relations extérieures ;

« 2o Conditions d'entrée et de séjour des étrangers ;

« 3o Maintien de l'ordre ;

« 4o Sûreté en matière aérienne ;

« 5o Droit pénal ;

« 6o Communication audiovisuelle ;

« 7o Enseignement supérieur et recherche ;

« 8o Collation et délivrance des titres et diplômes dans l'enseignement et dans les domaines sportif, socio-éducatif et culturel.

« III. L'Etat exerce également jusqu'à leur transfert à la Nouvelle-Calédonie, dans les conditions prévues à l'article 25, les compétences suivantes :

« 1o Police et sécurité en matière de circulation aérienne intérieure et de circulation maritime dans les eaux territoriales ;

« 2o Enseignement du second degré public et privé, sauf la réalisation et l'entretien des collèges du premier cycle du second degré ; santé scolaire ;

« 3o Enseignement primaire privé ;

« 4o Régime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics ;

« 5o Droit civil et droit commercial ;

« 6o Sécurité civile. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 22, ainsi rédigé :

« Compléter le quatrième alinéa (3o ) du I de l'article 19 par les mots : "au sens de l'ordonnance no 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Amendement de précision rédactionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 23, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa (10o ) du I de l'article 19 :

« 10o Règles relatives à l'administration des provinces, des communes et de leurs établissements publics, contrôle de légalité des provinces, des communes et de leurs établissements publics etr égime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics, sous réserve de l'article 26. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 148, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 23, après les mots "contrôle de légalité", insérer les mots : "et contrôle budgétaire". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

23.

M. René Dosière, rapporteur.

La commission est hostile au sous-amendement no 148 que le Gouvernement a déposé sur son amendement no 23, lequel précise que le contrôle budgétaire est une compétence qui ne pourra pas être transmise à la Nouvelle-Calédonie aussi longtemps qu'elle n'aura pas accédé à la pleine souveraineté. En clair, nous pensons que le contrôle budgétaire doit rester une compétence régalienne de l'Etat. Or, par son sousamendement, le Gouvernement propose de revenir à son texte et de faire figurer le contrôle budgétaire parmi les compétences qui pourraient être transmises, à partir de 2009, à la Nouvelle-Calédonie.

M. le président.

La parole est à M. le ministre pour présenter le sous-amendement no 148 - sur lequel M. le rapporteur a anticipé - et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

23. M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement souhaite évidemment maintenir son texte. La commission des lois tend à exclure le seul contrôle budgétaire des compétences transférées par la loi organique, qui est une des possibilités qui figurent à l'article 26 du présent projet de loi organique.

Le Gouvernement souhaite maintenir cette possibilité de transfert, sachant que le congrès en décidera.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 148.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 24, ainsi rédigé :

« Après l'avant-dernier alinéa (10o ) du I de l'article 19, insérer l'alinéa suivant :

« 10 bis . - Contrôle budgétaire des provinces, des communes et de leurs établissements publics. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Il s'agit, en quelque sorte, d'un amendement de conséquence, puisqu'il convient de rétablir le contrôle budgétaire dans un des alinéas qui ne fera pas l'objet d'un transfert de compétences ultérieur.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

C'est, en effet, un amendement de coordination, conséquence de l'adoption du précédent auquel le Gouvernement n'était pas favorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 25, ainsi rédigé :

« Compléter le sixième alinéa (5o ) du II de l'article 19 par les mots : "sous réserve des dispositions prévues aux articles 80, 81 et 82 de la présente loi". »

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 147, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'amendement no 25, après la référence : "82", insérer les mots : "et 149, alinéa 2". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

25.

M. René Dosière, rapporteur.

L'amendement no 25 précise les modalités du partage de compétences en matière pénale entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Je suis favorable à l'adoption de l'amendement de la commission, sous réserve de l'adoption du sous-amendement no 147. En effet, l'amendement présenté par M. Dosière a pour objet de préciser que si l'Etat est compétent pour le droit pénal, cette compétence ne fait pas préjudice au pouvoir conféré par les articles 80 à 82 au congrès pour édicter des infractions et des sanctions pénales. Il convient de compléter par l'alinéa 2 de l'article 149 qui dispose que dans les matières de sa compétence, l'assemblée de province peut prendre des mesures prévues par les articles 80 à 82. Tel est l'objet du sous-amendement que je vous propose.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission est favorable au sous-amendement.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 147.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 25, modifié par le sous-amendement no 147.

(L'amendement, sous-amendé, est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, et M. Frogier ont présenté un amendement, no 26, ainsi rédigé :

« Après le mot : "diplômes", rédiger ainsi la fin du dernier alinéa (8o ) du II de l'article 19 : "sous réserve des dispositions de l'article 21 (2o )". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Il revient plutôt à M. Frogier de le défendre, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier.

Cet amendement correspond à l'esprit de ce qui avait été convenu entre les partenaires de l'accord de Nouméa. En effet, le souhait exprimé était que la règle soit de laisser à l'Etat la compétence en matière de collation et de délivrance des diplômes, l'exception étant de la donner à la Nouvelle-Calédonie. Il s'agit par cet amendement de confirmer cette compétence de l'Etat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Dans le dispositif proposé par le Gouvernement, l'Etat conserve la responsabilité de délivrer les diplômes, sauf dans le cas de la formation professionnelle où ce rôle est dévolu à la Nouvelle-Calédonie, compétence déjà territoriale aux termes de la loi de 1988.

L'amendement aurait pour effet de réduire cette compétence aux diplômes de formation professionnelle dans les domaines sportif, socio-éducatif et culturel qui ne repré-s entent qu'une part du champ de la formation


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

professionnelle. Pour le reste, il faudrait négocier avec les échelons centraux, donc parisiens, les conditions de délivrance des diplômes.

Voilà pourquoi le Gouvernement, sur ce point, s'en remet à la sagesse de l'Assemblée nationale.

Vous voyez que le Gouvernement n'est pas centralisateur dans ce domaine puisqu'il ne demande pas que des compétences lui reviennent ! (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

26. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 27, ainsi rédigé :

« Supprimer le cinquième alinéa (4o ) du III de l'article 19. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Il s'agit d'ôter, de l'endroit du texte où elles sont placées pour le moment, les dispositions concernant le régime comptable des collectivités. En effet, nous proposerons ultérieurement de les placer ailleurs pour que leur transfert puisse être éventuellement effectué en même temps que celui de l'administration des collectivités publiques, car cela nous paraît constituer un bloc de compétences, à transférer éventuellement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

27. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article no 19, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Article 20

M. le président.

« Art. 20. - Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Nouvelle Calédonie :

« 1o Les lois et règlements qui, par nature, s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la République ;

« 2o Les lois et règlements qui comportent une mention expresse d'application à la Nouvelle-Calédonie. »

Je mets aux voix l'article 20.

(L'article 20 est adopté.)

Article 21

M. le président.

« Art. 21. - La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes :

« 1o Impôts, droits et taxes perçus au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie ; création et affectation d'impôts et taxes au profit de fonds destinés à des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes chargés d'une mission de service public ; création d'impôts, droits et taxes provinciaux ou communaux ; réglementation relative aux modalités de recouvrement, au contrôle et aux sanctions ;

« 2o Droit du travail, y compris l'inspection du travail, et droit syndical ; formation professionnelle, sans préjudice des actions des provinces dans ce domaine, et attribution de diplômes à ce titre ;

« 3o Travail des étrangers ;

« 4o Protection sociale, hygiène publique et santé, contrôle sanitaire aux frontières ;

« 5o Statut civil coutumier ; terres coutumières et palabres coutumiers ; limites des aires coutumières, modalités de désignation du sénat coutumier et des conseils coutumiers ;

« 6o Commerce extérieur, à l'exception des prohibitions à l'importation et à l'exportation relatives à des substances relevant de la compétence de l'Etat ; régime douanier ; réglementation des investissements directs étrangers ;

« 7o Postes et télécommunications ;

« 8o Navigation et desserte maritime ; immatriculation des navires ;

« 9o Desserte aérienne, sous réserve des compétences attribuées à l'Etat par le 6o du I de l'article 19 et, jusqu'au transfert à la Nouvelle-Calédonie, par le 1o du III de l'article 19 ;

« 10o Exploration, exploitation, gestion et conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques, de la zone économique exclusive ;

« 11o Réglementation relative aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt ;

« 12o Circulation routière et transports routiers ;

« 13o Réseau routier de la Nouvelle-Calédonie ;

« 14o Fonction publique de la Nouvelle-Calédonie et des communes ;

« 15o Réglementation des professions libérales et des officiers publics ou ministériels ;

« 16o Droit des assurances ;

« 17o Réglementation des marchés publics et des délégations de service public autres que ceux de l'Etat et de ses établissements publics ;

« 18o Procédure civile, aide juridictionnelle et administration des services chargés de la protection judiciaire de l'enfance ;

« 19o Réglementation des poids et mesures ; concurrence et répression des fraudes ;

« 20o Réglementation des prix agricoles et organisation des marchés agricoles ;

« 21o Principes directeurs du droit de l'urbanisme ; cadastre ;

« 22o Réglementation zoosanitaire et phytosanitaire, abattoirs ;

« 23o Organisation des services et des établissements publics de la Nouvelle-Calédonie ;

« 24o Etablissements hospitaliers ;

« 25o Statistiques intéressant la Nouvelle-Calédonie ;

« 26o Production et transport d'énergie électrique, équipements portuaires et aéroportuaires du domaine de la Nouvelle-Calédonie ;

« 27o Météorologie ;

« 28o Enseignement primaire : programmes, sous réserve de la compétence des provinces pour leur adaptation en fonction des réalités culturelles et linguistiques ; formation des maîtres ; contrôle pédagogique ;

« 29o Réglementation des activités sportives et socioéducatives ; infrastructures et manifestations sportives et culturelles intéressant la Nouvelle-Calédonie ;

« 30o Commerce des tabacs ;

« 31o Droit domanial de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

« 32o Droit de la coopération et de la mutualité. »

M. Luca a présenté un amendement, no 163, ainsi rédigé :

« Au début du premier alinéa de l'article 21, insérer les mots : "A l'exception des matières régaliennes telles que, par exemple, l'organisation ou le fonctionnement de la justice". »

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Cet ajout est indispensable car plusieurs des matières énumérées à l'article 21 revêtent un caractère régalien. C'est le cas, par exemple, de la procédure civile qui comporte nécessairement des dispositions relatives à l'organisation ou au fonctionnement de la justice que le Conseil d'Etat - récemment encore pour le territoire de Polynésie française - a considéré comme applicables de plein droit sur tout le territoire de la République puisque touchant étroitement à la souveraineté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a émis un avis défavorable. Les compétences régaliennes de l'Etat sont énumérées à un autre endroit. Par ailleurs, la rédaction de cet amendement pourrait être source de conflits car des expressions comme « par exemple » sont loin d'avoir la rigueur nécessaire à la loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Même opinion ; il n'y a pas lieu de distinguer les matières régaliennes qui sont traitées par ailleurs et d'évoquer l'organisation et le fonctionnement de la justice comme un exemple.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 163.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, et M. Frogier ont présenté un amendement, no 28, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa (1o ) de l'article 21, substituer aux mots : "des établissements publics ou des organismes" les mots : "d'établissements publics ou d'organismes." » La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a accepté cet amendement rédactionnel que lui proposait M. Frogier.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

28. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Frogier a présenté un amendement, no 127, ainsi rédigé :

« A la fin du troisième alinéa (2o ) de l'article 21, substituer aux mots : "à ce titre", les mots : "en m atière de formation professionnelle dans les domaines sportif, socio-éducatif et culturel". »

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier.

Il s'agit d'un amendement de conséquence. Nous avons laissé à l'Etat les compétences en matière de collation et de délivrance des diplômes. Je souhaite que la Nouvelle-Calédonie soit compétente en matière de diplômes pour la formation professionnelle dans les domaines sportif, socio-éducatif et culturel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commissions ?

M. René Dosière, rapporteur.

Défavorable. Il vaut mieux que la Nouvelle-Calédonie soit totalement compétente dans le domaine de la formation professionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Nous avons déjà évoqué ce point.

M. le président.

C'était l'amendement no

26. M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Je pense qu'il n'y a pas lieu de faire revenir au niveau central la délivrance des titres en matière de formation professionnelle, mais c'est un sujet ouvert dont nous pourrons discuter à nouveau.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Luca a présenté un amendement, no 164, ainsi rédigé :

« Après le 10o de l'article 21, insérer l'alinéa suivant :

« 10o bis La zone maritime et le domaine public maritime. »

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

L'article 21 ne définit pas les compétences des provinces. Ce sont les articles 44 et 45 qui attribuent aux provinces le domaine public maritime, ainsi que le droit d'exploration et d'exploitation des eaux intérieures. L'amendement tend à préserver l'unité du territoire et à éviter toutes sortes de conflits entre les différentes provinces.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Défavorable. L'article 44 du projet de loi organique a attribué les compétences en matière de domaine public maritime aux provinces pour renforcer leur rôle dans le développement de la NouvelleCalédonie. Il est vrai que cela peut poser un certain nombre de problèmes, mais on peut penser que les provinces sont assez mûres pour éviter tout conflit entre elles et faire preuve de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Même avis. J'ajoute que la notion de zone maritime n'est pas une notion juridique. Il n'y a donc pas lieu de la retenir dans un texte.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 164.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 194, ainsi rédigé :

« Dans le 15o de l'article 21, après le mot : "libérales", insérer les mots : "et commerciales". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement a pouro bjet de confier la réglementation des professions commerciales à la Nouvelle-Calédonie, à l'instar de la solution retenue pour les professions libérales.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Favorable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

M. le président.

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier.

Je crains que cet amendement ne soit contraire aux dispositions générales concernant les compétences des provinces, qui ont une compétence générale en matière de développement économique. J'attire votre attention sur ce point, monsieur le rapporteur, comme je l'ai fait ce matin en commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 194.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Luca a présenté un amendement, 166, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le 28o de l'article 21 :

« 28o Enseignement primaire : l'adaptation des programmes relève exclusivement de la compétence d e la Nouvelle-Calédonie, la langue française demeure la langue officielle, l'enseignement des langues vernaculaires reste facultatif. »

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

L'article 21 accorde à la NouvelleCalédonie la compétence en matière d'enseignement primaire, sous réserve de la compétence des provinces pour leur adaptation en fonction des réalités culturelles et linguistiques, mais on peut craindre que la langue française ne soit pas suffisamment maintenue comme langue officielle et qu'il y ait des dérives en la matière. Par définition, la langue française est celle de l'unité pour tout le territoire. C'est ensuite la langue de la République. Il a pparaît donc souhaitable de relativiser les réalités provinciales.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement qui est contraire à l'article 205 du projet de loi organique, lequel reconnaît les langues kanakes comme des langues d'enseignement et de culture.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Même avis. J'ajoute que cet amendement est contraire à l'accord de Nouméa qui permet l'expression et la reconnaissance des langues kanakes. La Nouvelle-Calédonie restant dans la République, monsieur Luca, il est bien évident que l'article 2 de la Constitution, qui déclare le français langue officielle, s'applique.

Le présent projet de loi organique n'entend pas y déroger.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 21, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 21, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 21

M. le président.

M. Luca a présenté un amendement, no 165, ainsi rédigé :

« Après l'article 21, insérer l'article suivant :

« Les directeur territorial des services fiscaux, directeur du travail, des mines et les fonctionnaires de l'Etat doivent être neutres de toute appartenance politique. »

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Il serait préférable qu'un certain nombre de postes restent du ressort de l'Etat, compte tenu de l'impartialité qui est la sienne, afin d'éviter toute dérive éventuelle.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement qui est d'ailleurs contraire au texte. Si des compétences sont transférées, on transfère naturellement les moyens nécessaires pour les exercer, et en particulier le personnel, qui dépendra du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Par ailleurs, ce serait faire injure à ce futur gouvernement de penser qu'il n'aurait pas le souci de l'intérêt général.

Enfin, cet amendement est inutile : les fonctionnaires territoriaux sont soumis à l'obligation de discrétion professionnelle, consacrée par l'article 20 de la délibération du congrès du 24 juillet 1990, et les fonctionnaires de l'Etat sont assujettis à l'obligation de neutralité par le statut général de la fonction publique.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Comme l'a souligné le rapporteur, les principes généraux de la fonction publique s'appliquent aussi en Nouvelle-Calédonie. Cela répond à votre souci, monsieur Luca.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 22

M. le président.

« Art. 22. - Les établissements publics suivants sont transférés à la Nouvelle-Calédonie par des décrets en Conseil d'Etat pris sur proposition du congrès, qui précisent la date et les modalités du transfert :

« 1o Office des postes et télécommunications ;

« 2o Institut de formation des personnels administratifs ;

« 3o Agence de développement rural et d'aménagement foncier. »

« 4o Agence de développement de la culture kanake ;

« 5o Centre de documentation pédagogique.

« Le transfert emporte cession à la Nouvelle-Calédonie à titre gratuit des contrats, droits et obligations de l'Etat.

Il ne donne lieu au versement d'aucun honoraire, salaire, émoluement ou taxe. »

M. Dosière, rapporteur, et M. Frogier ont présenté un amendement, no 29, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 22 par l'alinéa suivant :

« Le transfert donne lieu, le cas échéant, à compensation des charges selon les modalités prévues à l'article 54. »

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier.

Il y a une pétition de principe dans l'accord de Nouméa lorsqu'il y a transfert de compétences, l'Etat prend en charge leur financement.

Il s'agit par cet amendement de prévoir que le transfert à la Nouvelle-Calédonie des établissements publics énumérés à l'article 14 donne lieu dans les mêmes conditions à compensation des charges correspondantes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a adopté l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Cet amendement prévoit que le transfert des cinq établissements publics d'Etat mentionnés dans l'article 24 donne lieu à compensation des charges, selon les modalités retenues à l'article 54.

Telle était bien, monsieur Frogier, l'intention du Gouvernement, qui avait prévu que les modalités seraient fixées par décret en Conseil d'Etat. Je ne vois que des avantages à ce que la loi organique précise qu'elles sont les mêmes que pour les transferts de compétences.

M. Jacques Floch.

Cela va mieux en le disant.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

29. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 22, modifié par l'amendement no

29. (L'article 22, ainsi modifié, est adopté.)

Article 23

M. le président.

« Art. 23. - Au regard de la situation du marché du travail, la Nouvelle-Calédonie prend, au seul bénéfice des personnes qui justifient d'une certaine durée d'installation et notamment des citoyens de la Nouvelle-Calédonie, des mesures visant à favoriser leur accès à l'emploi salarié, sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte aux avantages individuels et collectifs dont b énéficient les autres salariés, à la date de leur publication.

« De telles mesures sont également appliquées, dans les mêmes conditions, à la fonction publique de la NouvelleCalédonie et à la fonction publique communale.

« Dans le but de soutenir ou de promouvoir l'emploi local, la Nouvelle-Calédonie peut également prendre des mesures visant à restreindre l'accès aux professions libérales des personnes qui ne justifient pas d'une certaine durée d'installation.

« Les mesures prévues au présent article résultent de lois du pays. Ces lois précisent l'objet, la durée et les modalités de chacune de ces mesures ; elles fixent notamment la durée de domicile en Nouvelle-Calédonie exigée des personnes auxquelles ces mesures s'appliquent. »

La parole est à M. Jacques Brunhes, inscrit sur l'article.

M. Jacques Brunhes.

Cet article important, qui a été réécrit par la commission, a pour but, ce qui est tout à fait légitime, de soutenir ou de promouvoir l'emploi local au bénéfice des citoyens de Nouvelle-Calédonie.

Vous êtes très méticuleux et très précautionneux dans l'examen du texte, monsieur le rapporteur, mais il y a des choses qui me préoccupent.

Vous proposez ainsi que la Nouvelle-Calédonie puisse prendre des mesures au bénéfice des personnes qui justifient d'une certaine durée d'installation. Qu'est-ce qu'une certaine durée d'installation ? Vous connaissez la blague de Fernand Raynaud, sur « un certain temps » ! Il faudrait être plus précis.

Il en est de même dans le deuxième paragraphe de la rédaction que vous proposez : « la Nouvelle-Calédonie peut prendre des mesures visant à restreindre l'exercice d'une profession libérale à des personnes qui ne justifient pas d'une certaine durée d'installation ».

Sur le fond, je suis d'accord, mais, sur le plan juridique, l'interprétation risque d'être délicate et peut conduire à tous les contentieux.

L e troisième paragraphe, introduit l'idée que les mesures prévues sont prises dans le respect des engagements internationaux de la République. J'ai besoin d'explications. Cette formulation est inutile et elle peut même être dangereuse. J'aimerais que vous me donniez les raisons pour lesquelles vous avez ajouté ce membre de phrase.

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 195, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 23 :

« Dans le but de soutenir ou de promouvoir l'emploi local, la Nouvelle-Calédonie prend, au bénéfice des citoyens de la Nouvelle-Calédonie et des personnes qui justifient d'une certaine durée d'installation, des mesures visant à favoriser l'exercice d'un emploi salarié, sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte aux avantages individuels et collectifs dont bénéficient à la date de leur publication les autres salariés.

« De telles mesures sont appliquées dans les mêmes conditions à la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie et à la fonction publique communale. La Nouvelle-Calédonie peut également prendre des mesures visant à restreindre l'exercice d'une profession libérale à des personnes qui ne justifient pas d'une certaine durée d'installation.

« Les mesures prévues résultent de lois du pays.

Elles sont prises dans le respect des engagements internationaux de la République. Elles précisent l'objet, la durée et les modalités de cet accès à l'emploi. Elles fixent la durée de domicile en Nouvelle-Calédonie exigée des personnes auxquelles elles s'appliquent. Elles prennent en compte la répartition géographique des professions libérales. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, nos 152 corrigé et 153, présentés par le Gouvernement.

Le sous-amendement no 152 corrigé est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du deuxième alinéa de l'amendement no 195, après le mot : "restreindre", insérer les mots : "l'accession à". »

Le sous-amendement no 153 est ainsi libellé :

« Après les mots : "du pays", rédiger ainsi la fin du dernier alinéa de l'amendement no 195 :

« Elles précisent l'objet, la durée et les modalités de cet accès à l'emploi. Elles fixent la durée de domicile en Nouvelle-Calédonie exigée des personnes auxquelles elles s'appliquent. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 195.

M. René Dosière, rapporteur.

L'article 23 est important puisqu'il concerne l'emploi local. D'après le texte même, monsieur Brunhes, c'est une loi du pays qui fixera les modalités pratiques et concrètes. Les accords de Nouméa précisaient simplement que la loi organique devait fixer les orientations.

S'agissant de la durée d'installation, on peut effectivement s'interroger, mais, en l'occurrence, je n'ai fait que reprendre la formule qui était dans le projet de loi du Gouvernement. Je n'ai pas innové sur ce point. Il m'a simplement paru important de faire figurer les citoyens de la Nouvelle-Calédonie en premier. Ce sont ceux qui


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répondent aux définitions de l'article 177 de projet de loi organique, et leur qualité est donc parfaitement définie.

Pour le reste, il ne m'a pas semblé utile de préciser dans un texte d'ordre général une durée d'installation que la loi de pays devra déterminer, et qui pourra d'ailleurs être différente selon les professions.

La rédaction qui vous est proposée s'efforce d'être positive. Au fond, il y a deux manières de protéger l'emploi local : interdire aux gens de venir, ou promouvoir l'emploi de ceux qui sont installés. C'est une vision un peu classique de choses. J'ai tendance à préférer la vision optimiste, même si, finalement, cela revient un peu au même.

L'amendement ajoute que les mesures prennent en compte la répartition géographique des professions libérales. On pourrait penser que la Nouvelle-Calédonie a un excédent de professions libérales. C'est vrai dans la province Sud, mais pas dans la province Nord ou dans la province des îles. On risquait, au nom d'un excédent global, d'empêcher l'installation d'un médecin dans la province Nord. Tel n'était pas, je pense, l'objectif des signataires des accords.

Quant au respect des engagements internationaux de la République, j'ai largement développé ce point dans mon rapport. La révision constitutionnelle a permis d'adopter cet article au regard de la loi française, mais cela ne supprime pas les engagements internationaux de la France aus ein de l'Union européenne ou auprès d'autres organismes.

Pour l'instant, les dispositions de l'Union européenne sur la libre circulation des personnes ne sont pas applicables et n'auront donc pas de conséquences pratiques.

Elles pourraient l'être un jour, mais l'Etat français a les moyens, par des systèmes d'ailleurs différents selon qu'il s'agit de professions salariées ou de professions libérales, de demander des dérogations ou de signer des conventions permettant de mettre en oeuvre des restrictions.

Le problème ne se pose donc pas actuellement, mais il m'a semblé préférable de souligner qu'au moment où la Nouvelle-Calédonie votera sa loi du pays concernant le développement de l'emploi local, il faudra prendre en compte les engagements internationaux de la France, y compris pour demander les dérogations nécessaires permettant à la Nouvelle-Calédonie d'appliquer la politique qu'elle aura choisie.

M. le président.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir les sous-amendements nos 152 corrigé et 153 et d onner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 195.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

La commission a fait un effort de rédaction intéressant en ce qui concerne le premier paragraphe. Je retiens sa rédaction.

Le deuxième paragraphe vise à restreindre l'exercice d'une profession libérale à des personnes qui ne justifient pas d'une certaine durée d'installation. Le Gouvernement souhaite que soit ajouté le mot « accession ». C'est l'objet du sous-amendement no 152 corrigé.

Enfin, au troisième paragraphe, le Gouvernement n'est pas favorable au rappel que les mesures sont prises dans l e respect des engagements internationaux de la République. Cela s'applique en effet à toutes les dispositions du projet de loi organique, et il n'y a donc pas lieu de le mentionner spécialement ici.

Par ailleurs, le Gouvernement n'est pas favorable à ce que des critères de répartition figurent à la fin du dernier p aragraphe de l'article 23, ainsi que le propose M. Dosière. Les décisions concernant la répartition des professions libérales sur le territoire seraient très délicates à prendre. De plus, cela n'entre pas dans les fonctions du congrès qui s'immiscerait là dans un domaine relevant de la libre activité.

Cela dit, comme il s'agit d'un article important et quelque peu compliqué, je suggère que le vote soit réservé jusqu'à la fin de la discussion et qu'une nouvelle rédaction vous soit proposée.

M. Jacques Floch.

C'est très raisonnable.

M. le président.

La réserve est de droit et, en l'occurence, elle paraît raisonnable.

A la demande du Gouvernement, le vote sur l'article 23 est donc réservé.

Articles 24 et 25

M. le président.

« Art. 24. La Nouvelle-Calédonie ou les provinces, selon le cas, exercent à compter du 1er janvier 2000 les compétences qu'elles tiennent de la présente loi et dont elles ne disposaient pas en vertu de la loi no 88 1028 du 9 novembre 1988 modifiée portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998. »

Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

« Art. 25. Les compétences attribuées à l'Etat par les dispositions du III de l'article 19 sont transférées à la Nouvelle-Calédonie au cours de la période correspondant aux mandats du congrès commençant en 2004 et 2009.

« Les compétences transférées et l'échéancier des transferts font l'objet d'une délibération du congrès adoptée à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant le début de chaque mandat. Des décrets en Conseil d'Etat précisent les modalités de ces transferts. » (Adopté.) Article 26

M. le président.

« Art. 26. Le congrès peut, à partir du début de son mandat commençant en 2009, demander que lui soient transférées, par une loi organique ultérieure, les compétences suivantes :

« règles relatives à l'administration des provinces, des communes et de leurs établissements publics, contrôle de légalité et contrôle budgétaire des provinces, des communes et de leurs établissements publics ;

« enseignement supérieur et recherche ;

« communication audiovisuelle. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 31, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'article 26 :

« règles relatives à l'administration des provinces, des communes et de leur établissements publics, contrôle de légalité des provinces, des communes et de leurs établissements publics, régime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics. »

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 149, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 31, après les mots "contrôle de légalité", insérer les mots : "et contrôle budgétaire". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

31.

M. René Dosière, rapporteur.

L'amendement tend, d'une part, à exclure le contrôle budgétaire des compétences ultérieurement transférées et, d'autre part, à y inclure les règles relatives au régime comptable et financier des collectivités et établissements publics.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement s'agissant notamment du contrôle budgétaire.

M. le président.

C'est pourquoi votre sous-amendement propose le rétablissement.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 149.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

31. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur et M. Frogier ont présenté un amendement, no 32, ainsi rédigé :

« A la fin de l'avant-dernier alinéa de l'article 26, supprimer les mots : "et recherche". »

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier.

Ni l'accord de Nouméa ni les discussions postérieures entre partenaires de l'accord n'ont prévu la possibilité de transférer cette compétence, qui ne peut être exercée convenablement que par l'Etat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

La recherche n'est pas à proprement parler une compétence régalienne. Cela étant, de nombreux organismes de recherche sont installés en NouvelleCalédonie, qui contribuent non seulement au rayonnement du territoire mais aussi à celui de la recherche française. C'est pourquoi le Gouvernement se rallie à la position de M. Frogier.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 26, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 26, ainsi modifié, est adopté.)

Article 27

M. le président.

Je donne lecture de l'article 27.

Section 2 Relations extérieures de la Nouvelle-Calédonie et association de la Nouvelle-Calédonie à des compétences de l'Etat

« Art. 27. - Dans les domaines de compétence de l'Etat, les autorités de la République peuvent délivrer pouvoir au président du gouvernement pour négocier et signer des accords avec un ou plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux du Pacifique et avec les organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies.

« Dans le cas où il n'est pas fait application des dispositions de l'alinéa ci-dessus, le président du gouvernement ou son représentant peut être associé ou participer au sein de la délégation française aux négociations et à la signature d'accords de même nature.

« Les accords prévus au premier alinéa du présent article sont soumis, s'il y a lieu, à ratification ou à approbation dans les conditions prévues aux articles 52 et 53 de la Constitution. »

M. Luca a présenté un amendement, no 168, ainsi rédigé :

« Au début du premier alinéa de l'article 27, après les mots : "dans les domaines de compétences de l'Etat", insérer les mots : "n'ayant pas de caractère régalien". »

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Défendu !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Contre !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Contre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 168.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Luca a présenté un amendement, no 169, ains rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 27 par la phrase suivante :

« Ils sont obligatoirement soumis au Conseil constitutionnel, en application de l'article 54 de la Constitution. »

La parole est M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Je reviens un instant sur l'article 23, sur lequel j'avais déposé un amendement concernant la durée d'intallation. J'ai bien entendu ce qu'a dit le rapporteur : l'article faisant référence aux « citoyens de la Nouvelle-Calédonie », ce qui suppose déjà une durée, les mots « une certaine durée d'installation » font double emploi.

J'en reviens à l'article 27. Si, par délégation, les autorités de la République française autorisent le président du gouvernement néo-calédonien à signer des accords, il paraît normal que le contrôle de constitutionnalité soit a utomatique, en application de l'article 54 de la Constitution.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a émis un a vis défavorable, car l'amendement est contraire à l'article 54 de la Constitution.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 169.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 27.

(L'article 27 est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

Article 28

M. le président.

« Art. 28. - Dans les domaines de compétence de la Nouvelle-Calédonie, le congrès peut autoriser par délibération le président du gouvernement à négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, des accords avec un ou plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux du Pacifique et avec les organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies.

« Les autorités de la République sont informées de l'autorisation de négocier et, à leur demande, représentées à la négociation au sein de la délégation de la NouvelleCalédonie. A l'issue de la négociation, et sous réserve du respect des engagements internationaux de la République, elles délivrent pouvoir au président du gouvernement pour signer ces accords.

« Les accords prévus au présent article sont soumis à la délibération du congrès. En cas d'accord du congrès, ils sont, s'il y a lieu, soumis à ratification ou à approbation dans les conditions prévues aux articles 52 et 53 de la Constitution. »

Je mets aux voix l'article 28.

(L'article 28 est adopté.)

Article 29

M. le président.

« Art. 29. - Le président du gouvernement et, le cas échéant, les présidents des assemblées de province ou leur représentant, participent aux négociations relatives aux relations entre la Communauté européenne et la Nouvelle-Calédonie. »

M. René Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 33, ainsi rédigé :

« Dans l'article 29, après le mot : "représentant,", insérer les mots : "sont associés ou". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Précision rédactionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

33. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 29, modifié par l'amendement no

33. (L'article 29, ainsi modifié, est adopté.)

Article 30

M. le président.

« Art. 30. - La Nouvelle-Calédonie peut, avec l'accord des autorités de la République, être membre ou membre associé d'organisations internationales. Elle y est représentée par le président du gouvernement ou son représentant. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 34, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'article 30, substituer aux mots : "membre ou membre associé d'organ isations internationales", les mots : "membre, membre associé d'organisations internationales ou observateur auprès de celles-ci". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement a pour objet de conférer à la Nouvelle-Calédonie le statut d'observateur auprès d'organisations internationales.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Je confirme l'intérêt de cet amendement qui constitue une application de l'accord de Noum éa. Ainsi, la Nouvelle-Calédonie pourra avoir un observateur dans les organisations internationales du Pacif ique comme dans les grandes organisations internationales.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

34. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 30, modifié par l'amendement no

34. (L'article 30, ainsi, modifié, est adopté.)

Articles 31, 32, 33 et 34

M. le président.

« Art. 31. La Nouvelle-Calédonie peut disposer d'une représentation auprès des Etats ou territoires du Pacifique, des organisations internationales dont elle est membre ou membre associé et auprès de la Communauté européenne. Les autorités de la République sont informées des Etats, territoires et organisations internationales auprès desquels la Nouvelle-Calédonie est représentée. »

Je mets aux voix l'article 31.

(L'article 31 est adopté.)

« Art. 32. Le président du gouvernement dans les matières ressortissant à la compétence de la NouvelleCalédonie, ou le président de l'assemblée de province dans les matières ressortissant à la compétence de la province, négocie et signe, dans le respect des engagements internationaux de la République, des conventions de coopération décentralisée avec des collectivités locales françaises ou étrangères, leurs groupements ou établissements publics.

« La négociation et la signature de ces conventions est autorisée, selon le cas, par le congrès ou par l'assemblée de province. Ces conventions sont soumises après leur conclusion à l'approbation, selon le cas, du congrès ou de l'assemblée de province.

« Elles entrent en vigueur dès leur transmission au haut-commissaire dans les conditions fixées au I de l'article 195. » (Adopté.)

« Art. 33. Le gouvernement est consulté par le hautcommissaire sur la réglementation relative à l'entrée et au séjour des étrangers et sur la délivrance des visas pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. Son avis est réputé donné s'il n'est pas intervenu dans un délai de trente jours.

« Le gouvernement est informé des décisions prises. » (Adopté.)

« Art. 34. Le président du gouvernement est informé par le haut-commissaire des mesures prises en matière de maintien de l'ordre. » (Adopté.) Article 35

M. le président.

« Art. 35. Le congrès fixe par délibération, dans le respect de la législation applicable en Nouvelle-Calédonie en matière de jeux de hasard, et en


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particulier des règles relatives au contrôle par l'Etat de l'installation et du fonctionnement des casinos, cercles, jeux de hasard et loteries, les autres règles applicables à ces jeux, et notamment les circonstances dans lesquelles ils peuvent être offerts au public. Les décisions individuelles sont prises par le gouvernement. »

M. René Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 35, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'article 35, substituer aux mots : "dans le respect de la législation applicable" les mots : "dans le cadre de la législation et de la réglementation applicables". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est un amendement de précision rédactionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement y est favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

35. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. René Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 36, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase de l'article 35 :

« Les décisions d'ouverture des casinos et cercles et d'autorisation des jeux de hasard et loteries sont prises par le Gouvernement. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

L'amendement précise que les décisions d'ouverture de casinos et cercles et d'autorisation des jeux de hasard et de loterie continuent d'incomber au Gouvernement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

L'amendement s'inspire du modèle retenu pour la Polynésie française : c'est le Gouvernement qui prend ce type de décisions.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Je me dois de préciser que, dans le projet de loi organique, le mot « gouvernement » s'écrit avec une minuscule lorsqu'il s'agit du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie - j'espère que le futur gouvernement n'en sera pas vexé - et avec une m ajuscule lorsqu'il s'agit du gouvernement de la République. Dans le cas de l'amendement no 36, il incombe au gouvernement de la République de prendre les décisions d'ouverture...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Non, au gouvernement du territoire !

M. le président.

Dans l'amendement que j'ai sous les yeux, le mot figure bien avec une majuscule. Il convient donc de le rectifier pour mettre une minuscule.

Je mets aux voix l'amendement no 36 ainsi rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 35, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 35, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 36 et 37

M. le président.

« Art. 36. Le gouvernement est consulté en matière de communication audiovisuelle :

« - par le haut-commissaire, sur toute décision relevant du gouvernement de la République et propre à la Nouvelle-Calédonie ;

« - par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur toute décision réglementaire ou individuelle relevant de sa compétence ou concernant la société nationale de programme chargée de la conception et de la programmation d'émissions de télévision et de radiodiffusion sonore destinées à être diffusées outre-mer, lorsque ces décisions intéressent la Nouvelle-Calédonie.

« L'avis est réputé donné s'il n'est pas intervenu dans un délai de trente jours, qui peut être réduit en cas d'urgence, à la demande du haut-commissaire ou du Conseil supérieur de l'audiovisuel selon le cas, sans pouvoir être inférieur à quarante-huit heures.

« Une convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et le gouvernement associe la NouvelleC alédonie à la politique de communication audiovisuelle. »

Je mets aux voix l'article 36.

(L'article 36 est adopté.)

« Art. 37. I. Le gouvernement est associé à l'élaboration des contrats d'établissement entre l'Etat et les établissements universitaires intervenant en NouvelleCalédonie, et consulté sur les projets de contrat entre l'Etat et les organismes de recherche établis en NouvelleCalédonie. Il peut conclure des conventions avec ces établissements ou organismes.

« II. Il est créé un conseil consultatif de la recherche placé auprès du congrès de Nouvelle-Calédonie.

« Une délibération du congrès fixe les conditions d'organisation et de fonctionnement de ce conseil, dont le haut-commissaire est membre et dans lequel le gouvernement et les provinces sont représentés.

« Le conseil est informé chaque année, par les établissements universitaires et les organismes de recherche mentionnés au I, de l'orientation de leur action en NouvelleCalédonie et du bilan de leurs travaux.

« III. Le gouvernement et les provinces sont consultés par le haut-commissaire, jusqu'au transfert des compétences mentionnées au 2o du III de l'article 19, sur la création ou la suppression en Nouvelle-Calédonie de filières de formation de l'enseignement secondaire. » (Adopté.) Article 38

M. le président.

Je donne lecture de l'article 38.

Section 3 Compétence minière

« Art. 38. La Nouvelle-Calédonie arrête, par une délibération du congrès prise après avis du comité


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consultatif des mines et du conseil des mines, un schéma de mise en valeur des richesses minières, qui comporte notamment :

« 1o L'inventaire minier ;

« 2o Les perspectives de mise en exploitation des gisements ;

« 3o Les principes directeurs en matière de protection de l'environnement pour l'exploitation des gisements ;

« 4o Le recensement des zones soumises à une police spéciale ;

« 5o Les orientations en matière de développement i ndustriel nécessaires à l'exploitation rationnelle des richesses minières dans une perspective de développement durable ;

« 6o Les principes régissant la politique d'exportation des produits miniers.

« Toute décision individuelle prise dans le cadre de la réglementation minière doit être compatible avec les principes et les orientations du schéma de mise en valeur des richesses minières. »

M. Lionnel Luca a présenté un amendement, no 170, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 38 : "Les décisions individuelles en matière minière sont prises sur proposition du Gouvernement, par le congrès, après avis du conseil des mines, et le hautcommissaire dispose d'un droit de veto". »

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Dans l'accord de Nouméa, la réglementation minière fait partie des compétences partagées avec l'Etat. Or, l'article 38 ne prévoit pas la présence de l'Etat. Il est donc proposé d'inscrire dans le projet de loi le rôle de codécisionnaire de l'Etat.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Il a été repoussé par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Cet amendement étant contraire à l'accord de Nouméa, il doit être rejeté.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Je vous prie, monsieur le président, d'excuser mon esprit d'escalier, mais je veux revenir sur le débat qui vient d'avoir lieu à l'article précédent.

S'il faut prévoir un index à la fin du texte de loi pour savoir ce qu'il faut comprendre par « Gouvernement » et

« gouvernement », le lecteur risque de se tromper.

M. Jacques Floch.

Vous avez raison !

M. Brunhes.

Pour éviter cela, je propose qu'il soit précisé « le gouvernement du territoire ».

M. le président.

Monsieur Brunhes, vous êtes toujours la voix du bon sens !

M. Jacques Brunhes.

Je vous remercie, monsieur le président.

M. le président.

Je ne sais ce qu'en pense le Gouvernement... Il y réfléchira, je suppose.

M. le secrétaire d'Etat, ministre de l'intérieur par intérim.

Bien sûr !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 170.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 37, ainsi rédigé :

« Au début du premier alinéa de l'article 38, insérer les mots : "D'ici 2004,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement a pour objet de fixer un calendrier pour l'établissement du schéma de mise en valeur des richesses minières.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Prescrire un délai aussi long que celui que propose le rapporteur, à savoir cinq ans, ne correspond pas au but recherché. C'est pourquoi le Gouvernement propose de rejeter l'amendement.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Je fais remarquer au Gouvernement qu'actuellement il n'y a pas de délai du tout.

Le Gouvernement souhaitera peut-être raccourcir le délai que nous avions fixé à 2004. (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Un délai sans sanction n'a pas d'intérêt.

M. Jacques Floch.

Il n'y a pas de sanction, mais ce sera la loi ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

On peut seulement souhaiter que le schéma de mise en valeur soit établi le plus rapidement possible, d'ici à 2004.

M. Jacques Brunhes.

D'ici à une certaine durée ! (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

37. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 38, modifié par l'amendement no

37. (L'article 38, ainsi modifié, est adopté.)

Article 39

M. le président.

« Art. 39. - La réglementation relative aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt prévue au 11o de l'article 21 est fixée par le congrès.

« Les décisions d'application de cette réglementation sont prises par délibération de l'assemblée de province. La police des mines est exercée par le président de l'assemblée de province. »

Je mets aux voix l'article 39.

(L'article 39 est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le président.

Il résulte d'une lettre de M. le ministre des relations avec le Parlement, en date du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1998

21 décembre, que l'ordre du jour prioritaire du mardi 22 décembre est ainsi modifié : A neuf heures : nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 1998.

A quinze heures, après les questions au Gouvernement : Lecture définitive du projet sur l'élection des conseillers régionaux ; L ecture définitive du projet sur les animaux dangereux ; Suite des projets de loi organique et ordinaire sur la Nouvelle-Calédonie.

A vingt et une heures : S uite des projets organique et ordinaire sur la Nouvelle-Calédonie ; Sous réserve de sa transmission, lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 1998 ; S uite des projets organique et ordinaire sur la Nouvelle-Calédonie.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence : du projet de loi organique, no 1229, relatif à la Nouvelle-Calédonie ; du projet de loi, no 1228, relatif à la Nouvelle-Calédonie.

M. René Dosière, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1275). (Discussion générale commune.)

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT