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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Energie. - Déclaration du Gouvernement et débat sur cette déclaration (p. 207).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

MM. Guy Hascoët, François Goulard, François Hollande, Franck Borotra, Claude Billard, Claude Birraux.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production.

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

MM. George Sarre, François d'Aubert, Christian Bataille, Robert Galley, Roger Meï.

Suspension et reprise de la séance (p. 237)

MM. Claude Gaillard, Robert Honde, Claude Gatignol, André Billardon, François Asensi, Michel Meylan, Michel Destot, Ernest Moutoussamy, François Dosé, Mme Michèle Rivasi.

M. le secrétaire d'Etat.

Clôture du débat.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 252).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 ÉNERGIE Déclaration du Gouvernement et débat sur cette déclaration

M. le président.

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur l'énergie et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement ne considère le débat d'aujourd'hui ni comme un exercice imposé ni comme un exercice de style. Il considère comme légitime, nécessaire et décisif que nous débattions des orientations de notre politique énergétique devant le Parlement.

Ce débat est légitime, car il est normal dans une démocratie que le Parlement soit associé à la définition des objectifs, des orientations et des moyens de notre politique énergétique. Tel est le cas lorsque le Parlement examine les projets de loi de finances et, en particulier, le budget de mon ministère. Tel sera le cas le mois prochain, lorsque vous examinerez le projet de loi sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité et, dès que le calendrier le permettra, le projet de loi sur l'après-mines adopté hier en conseil des ministres.

Ce débat est nécessaire, car il est utile d'appréhender la cohérence d'ensemble de cette politique afin d'en retenir les principes et les objectifs en relation avec la politique économique et sociale de la nation, qui doivent ensuite être adaptés aux différentes composantes de notre politique énergétique.

Ce débat est enfin décisif, car le secteur de l'énergie connaît partout dans le monde des évolutions profondes qui influent nécessairement sur ce que nous pouvons et sur ce que nous devons faire. Les réalités énergétiques sont, le plus souvent, des réalités internationales. Celles-ci ont trait à des questions aussi cruciales que celles de la présence de la technologie française dans le monde, de nos capacités d'approvisionnement à long terme, de notre liberté stratégique, enfin et par dessus tout, de notre indépendance nationale économique et, par conséquent, de notre influence politique dans le monde. Par ailleurs, la politique énergétique française deviendra progressivement partie intégrante de celle de l'Union européenne, lorsque celle-ci aura défini une politique commune dans ce domaine.

Je souhaite donc que ce débat soit fructueux et permettre de dégager une vision claire de ce que la France veut mettre en oeuvre dans le secteur de l'énergie : une énergie de qualité, au moindre coût pour l'économie, respectueuse de l'environnement, accessible à tous, même aux plus démunis.

Notre politique énergétique, dans ce cadre mondial, peut être définie de manière cursive par quelques adjectifs : sérieuse, équilibrée, diversifiée, maîtrisée, responsable.

Elle se doit d'être sérieuse et non soumise aux caprices des polémiques. C'est ainsi qu'elle se reconnaît dans le

« ni tout ni tout », ni tout nucléaire ni toutes énergies fossiles ou nouvelles. Elle n'oppose pas un lobby à un autre, mais se défie de tout ce qui pourrait compromettre l'ouverture des choix énergétiques de la France.

M. Yves Cochet.

Il y a quand même trop de nucléaire.

Il faut un équilibre.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Elle doit être équilibrée quant aux énergies utilisées, quant à leur maîtrise quantitative, quant aux conséquences qu'elle engendre sur les territoires et les groupes sociaux.

Elle doit être diversifiée et faire une place nouvelle aux énergies nouvelles.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Elle doit être maîtrisée pour qu'entrent à nouveau dans nos priorités, après une éclipse de plusieurs années, hélas, les préoccupations d'économie d'énergie.

Elle doit être enfin responsable et se placer résolument dans une optique de long terme sur le plan économique de la rentabilité, sur le plan environnemental de l'innocuité pour les générations futures.

M. Guy Hascoët.

Enfin !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

En résumé, elle doit marquer une rupture avec le passé, en étant plus démocratique et régulièrement soumise à votre contrôle, au contrôle du Parlement.

Notre politique énergétique s'inscrit pleinement dans une promotion volontariste du service public et plus généralement dans la politique économique et sociale du Gouvernement dont elle est une composante importante.

Ses orientations et ses objectifs sont cohérents et traduisent la démarche du Gouvernement, précisée à deux reprises lors de conseils interministériels par le Premier ministre, en février et décembre 1998.

J'illustrerai ce propos par quelques considérations qui me paraissent au coeur de l'action politique.

Tout d'abord, le souci constant du Gouvernement est de concilier et non d'opposer performance économique, progrès social et missions de service public ; et cette orientation trouve pleinement son illustration dans nos choix en matière énergétique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

Ainsi, vous aurez prochainement à débattre des conditions d'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité, et demain de celles qui régiront le marché du gaz.

Le Gouvernement souhaite à cette occasion donner corps aux missions de service public que nous entendons voir s'accomplir tout en confortant la compétitivité et l'attractivité de la base industrielle française. La concurrence entraînera des baisses de prix, en particulier au profit de ceux pour qui la fourniture d'électricité ou de gaz constitue un élément important de leur propre compétitivité.

La baisse du prix de ces fournitures renforcera la capacité d'attraction du territoire français aux yeux de tous ceux qui souhaitent y investir ; elle participera donc à la politique dynamique de l'emploi. Une fourniture énergétique compétitive constitue un atout décisif, au même titre que de bonnes infrastructures ou de bons services de télécommunications. C'est aujourd'hui le cas grâce à EDF et GDF. Cette situation favorable doit se prolonger non seulement pour les futurs « consommateurs éligibles »...

M. Yves Cochet.

Comme les collectivités.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... qui pourront choisir leur fournisseur, mais également pour tous les autres clients. L'évolution du marché permettra aux industriels de bénéficier d'offres multi-énergies pour l'ensemble de leurs sites en Europe. Elle permettra à EDF, entreprise à 100 % publique et qui le demeurera totalement - le Gouvernement s'y engage - de s'affirmer comme un opérateur global sur ce nouveau marché où elle dispose des meilleurs atouts pour gagner dans la compétition.

Dans le même temps, nous souhaitons que cette évolution ne se traduise pas par une concurrence inorganisée où les solidarités sociales et territoriales se déliteraient de façon inexorable. Nous savons bien que, dans le secteur énergétique, en particulier dans le domaine charbonnier, le développement économique a trop longtemps conduit à faire couler le sang et les larmes. Heureusement, le progrès social, dans le secteur de l'énergie, grâce à la loi de 1946, a permis comme dans d'autres secteurs le développement d'une industrie de premier plan, au meilleur niveau mondial. Le Gouvernement ne pense pas que la poursuite de ce développement puisse passer par la négation des acquis sociaux, bien au contraire.

C'est pourquoi nous estimons souhaitable et équitable que les futurs concurrents d'EDF sur le marché de l'électricité soient soumis aux mêmes règles sociales que l'opérateur en charge des missions de service public.

M. Didier Migaud.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le statut des industries électriques et gazières sera maintenu dans les mêmes conditions qu'il l'a été depuis la loi de 1946.

M. Jean-Pierre Kucheida.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous pensons que s'offrira progressivement à l'initiative des partenaires sociaux une véritable logique française de négociation de branche, qui devrait déboucher sur une dynamique européenne au profit des salariés de ce secteur.

Performances économiques et progrès social ne doivent pas être opposés mais s'épauler mutuellement. L'accord en cours de finalisation sur la réduction du temps de travail à EDF et GDF en constitue une illustration exemplaire, grâce à l'attitude dynamique des partenaires sociaux. Le résultat de cette concertation avec l'ensemble des organisations syndicales témoigne de la nette amélioration du climat social dans ces entreprises.

Vous savez aussi que le Gouvernement juge indispensable que les pouvoirs publics soient à même d'assurer la prise en compte des préoccupations de long terme, en particulier le respect de l'environnement. Dans le secteur de l'énergie, plus encore que dans d'autres, il ne nous paraît pas comme aller de soi que le marché conduise inst antanément et nécessairement vers le meilleur des mondes possibles. C'est pourquoi nous jugeons nécessaire que l'Etat se préoccupe tout particulièrement de notres écurité d'approvisionnement énergétique, des conséquences de nos actes sur l'environnement et plus généralement de la préparation de l'avenir.

N otre sécurité d'approvisionnement énergétique d'abord, parce que plus de la moitié de notre consommation d'énergie doit être importée, le plus souvent à partir de pays où un opérateur dispose d'un monopole d'exportation. Combien d'entre vous croient que l'on pourra durablement importer du pétrole à un prix inférieur - en termes réels - à ce qu'il était en 1973 ? Assurer notre sécurité d'approvisionnement est pour le Gouvernement un impératif politique essentiel.

M. Jacques Godfrain.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le projet de loi sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité prévoit une programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité et la possibilité pour le Gouvernement de corriger les éventuelles dérives qui pourraient dans certaines circonstances réduire cette sécurité d'approvisionnement.

Nous devons nous soucier également des conséquences d e nos actes sur l'environnement, parce que cette démarche permet de préserver nos écosystèmes et de prév enir les conséquences éventuellement dommageables pour la santé humaine. Dominique Voynet,...

M. Yves Cochet.

Excellente ministre !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... au nom du Gouvernement, s'est solennellement engagé et vis-à-vis de la communauté internationale et de l'Union européenne à stabiliser nos émissions de gaz à effet de serre. Ces engagements responsables sont importants en termes éthiques pour les générations futures comme en termes environnementaux. Ils seraient aussi porteurs de conséquences financières considérables, s'ils n'étaient pas tenus. En effet, si nous ne pouvions stabiliser nos émissions de gaz à effet de serre, nous devrions financer des droits d'émettre ces mêmes gaz. Nous ne savons pas encore quel sera le prix du droit d'émettre une tonne de CO 2 , mais la prudence doit nous conduire à éviter un véritable « choc CO 2 » grave, très grave pour l'économie française, alors que nous sommes aujourd'hui le pays industriel le moins polluant de la planète en la matière.

M. Robert Galley et M. Jacques Godfrain.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous devons nous préoccuper non seulement du long terme, mais aussi du très long terme. Je ne parle plus ici des problèmes de réchauffement de la planète consécutifs à l'accumulation de gaz à effet de serre, parce que cette réalité nous inquiète dès aujourd'hui. J'évoque les dispositions que nous devons prendre pour nous assurer que les déchets radioactifs soient correctement retraités, entreposés ou stockés et pris en charge, que la période des radioéléments soit de quelques mois ou de quelques milliers d'années.

M. Michel Meylan.

C'est la vérité !


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M. Yves Cochet.

Non, non, cela ne va plus !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La programmation pluriannuelle des investissements de capacité de production d'électricité contenue dans la loi que je vous présenterai sur l'électricité traduit la volonté des pouvoirs publics de pouvoir influer sur ce que l'on appelle le

« mix » des moyens de production nécessaires. Cet outil est important pour la protection de l'environnement, car la production d'électricité est à l'origine de plus de 30 % des émissions de CO 2 de l'Union européenne - le reste provenant essentiellement, il est vrai, du secteur des transports. Ce chiffre est beaucoup plus faible en France - moins de 10 % - en raison de la composition volontairement originale de notre parc de production d'électricité. Grâce à l'hydraulique, don de la géographie et de la nature, et au nucléaire, choix politique et technologique, près de 90 % de notre production d'électricité n'émet pas de CO 2 : cette situation est unique parmi les pays industriels.

M. Serge Poignant.

Eh oui !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Depuis le premier choc pétrolier, grâce aux économies d'énergies réalisées - pour environ un tiers - et grâce au développement de la production électro-nucléaire - pour environ les deux tiers - nous avons non seulement considérablement limité notre dépendance énergétique, mais également réduit d'environ 30 %, nos émissions de CO 2 , sans parler des autres émissions polluantes. C'est précisément parce que nous avons déjà restreint nos émissions de CO 2 que nous avons pu convaincre nos partenaires que la stabilisation de nos émissions constituait pour nous, Français, uno bjectif équivalent aux leurs, eux qui se trouvent contraints de les réduire.

Se préoccuper du long terme signifie aussi nous préoccuper de notre avenir industriel et donc de la recherche - développement et de la possibilité de maintenir nos atouts technologiques de premier ordre, que se soit dans le secteur nucléaire avec le Commissariat à l'énergie atomique, dans le secteur parapétrolier avec l'Institut français du pétrole et le fonds de soutien des hydrocarbures et, très vite, je l'espère, dans les énergies nouvelles renouvelables et technologies de maîtrise de l'effet de serre, autour de l'ADEME.

Prendre en compte les considérations que je viens d'évoquer nous conduit à promouvoir une politique énergétique équilibrée et respectueuse de l'environnement.

M. Yves Cochet.

Il faut déplacer le curseur !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Cela passe d'abord par un développement à la fois résolu et rationnel des productions et des comportements énergétiques respectueux de l'environnement.

Un développement résolu, parce que c'est la constance dans l'effort qui manque le plus dans ce domaine. Et c'est bien sûr ce qui est le plus nécessaire. Chacun le comprend lorsque l'on parle de comportements individuels ou de production dans un secteur très consommateur de capital, où les implications de long terme des actions menées sont par définition importantes. Il en va de même des conséquences sur l'environnement. Cette constance est d'autant plus nécessaire à l'obtention de résultats que le prix de l'énergie est bas. Or c'est également ce qui a manqué à nos prédécesseurs alors qu'ils étaient aux affaires et qu'ils ont fait passer de 300 millions de francs à 75 millions de francs, soit une division par quatre, les moyens d'intervention budgétaires consacrés à la maîtrise de l'énergie et aux énergies renouvelables.

M. Yves Cochet.

Ce n'est pas beaucoup par rapport au nucléaire !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous avons décidé, vous le savez, d'y consacrer une ressource pérenne de plus de 500 millions de francs par an dès 1999.

Mme Michèle Rivasi.

Ce n'est rien par rapport au budget !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Cela représente une contribution importante à ce que le Commissariat général du Plan a fort justement appelé « les chemins d'une croissance sobre ». Elle doit permettre, à terme, d'infléchir les comportements de consommation, particulièrement dans le secteur des transports.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Un développement rationnel, en d'autres termes conduit avec raison : il ne s'agit pas de faire n'importe quoi ni de faire naître ou p rospérer des illusions. Les énergies renouvelables, hydraulique compris, représentent déjà, avec 12 %, une part non négligeable de la consommation d'énergie en France. Tous les efforts doivent être faits pour que leur contribution augmente.

M. Guy Hascoët.

Bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Mais force est d'admettre que, en dépit des efforts d'une grande intensité en faveur des économies d'énergie ou des énergies nouvelles renouvelables, comme ceux que je mets en oeuvre au niveau de mon département ministériel, le nucléaire ne pourra pas être remplacé à due concurrence par ces autres solutions dans les trois ou quatre décennies à venir.

Notre politique énergétique doit aussi développer avec vigueur, du fait même des économies d'infrastructures de transport d'énergie qu'elles permettent, les autres énergies décentralisées efficaces sur le plan énergétique. Le schéma de services collectifs de l'énergie prévus par le projet de loi sur l'aménagement du territoire, présenté au nom du Gouvernement par Dominique Voynet, cherchera à identifier et à organiser ce potentiel.

Nous nous donnons les moyens de le faire, non seulement en augmentant très fortement les crédits budgétaires affectés à l'ADEME, mais aussi grâce aux mécanismes prévus dans la loi sur l'électricité qui permettra de garantir un débouché à l'électricité produite à partir d'én ergies nouvelles renouvelables. Il s'agit ainsi de développer les énergies renouvelables, dont certaines sont compétitives ou en voie de l'être, comme l'énergie éolienne qui est aujourd'hui le mode de production d'électricité qui se développe le plus rapidement. Mais cela concerne aussi le biogaz, le solaire thermique, la biomasse et le bois. A ce sujet, le récent rapport de Jean-Louis Bianco propose des pistes prometteuses que nous étudions.

Nous devons aussi accentuer une politique dynamique de développement des transports propres par les mesures fiscales et réglementaires appropriées. Je pense aux flottes urbaines pour le véhicule électrique, aux bus pour le gaz naturel pour véhicules et aux véhicules routiers pour le gaz propane liquéfié.

Plutôt que de fixer un niveau minimal, il serait plus fécond que ce choix énergétique tienne compte des préférences de nos concitoyens. Il existe déjà des compagnies de distribution d'électricité proposant à leurs clients, moyennant un surcoût tenant compte de la différence des coûts de production entre les énergies, un tarif « vert »


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leur garantissant, sous un contrôle objectif extérieur à l'entreprise, que leur demande électrique sera satisfaite exclusivement à partir d'énergies renouvelables.

M. Yves Cochet et M. Guy Hascoët.

Non !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Cette année, en Europe, certaines compagnies de distribution électriques feront sans doute de même. Je souhaite qu'EDF soit parmi les premiers en Europe à expérimenter un tel tarif

« vert ».

Le Gouvernement souhaite enfin que la fiscalité des différentes énergies tienne compte de leur impact environnemental, ce qui est très loin d'être le cas aujourd'hui.

Des progrès ont été accomplis avec la loi de finances pour 1999 présentée par Dominique Strauss-Kahn et Christian Sautter.

Mme Michèle Rivasi.

Ce n'est pas assez !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Cette voie sera poursuivie lors des prochaines années et nous ne ménagerons pas nos efforts pour parvenir à un accord communautaire, que la France souhaite voir aboutir rapidement, permettant d'harmoniser nos dispositifs fiscaux, condition indispensable au rééquilibrage de notre fiscalité énergétique dans un sens plus conforme à l'équité de la concurrence et à la dimension environnementale, dans un contexte global où nous devons baisser nos prélèvements obligatoires.

Une politique énergétique équilibrée consiste à ouvrir les choix de politique énergétique en diversifiant les différentes sources d'énergie primaire.

L'heure n'est plus au tout pétrole qui nous a conduits, nous comme les autres, aux deux chocs pétroliers dont nous avons tous ici gardé la mémoire. Je rappelle qu'au début des années 80, la facture énergétique de la France représentait un prélèvement extérieur de 6 % de notre produit intérieur brut. Aujourd'hui, ce chiffre a été abaissé à seulement 1 % ! Quel succès ! L'effet du prix du pétrole est évidemment important mais ce résultat a été également acquis grâce aux économies d'énergie réalisées.

Cela n'enlève rien aux performances croissantes de nos industries pétrolières et para-pétrolière qui, chaque jour, connaissent de remarquables succès internationaux et portent la technologie française aux tout premiers rangs mondiaux.

L'heure n'est pas non plus et ne peut pas être au tout gaz. Je le dis sans contester que la progression, raisonnable et attendue, du gaz dans notre bilan énergétique soit un phénomène positif, notamment en vue de sa substitution à des combustibles fossiles plus polluants. Il n'est cependant pas souhaitable que la part du gaz dans notre bilan énergétique devienne prépondérante.

Quatre raisons s'y opposent. La première, c'est que nous dépendons pour près des trois quarts de pays extérieurs à l'Europe communautaire pour nos besoins en gaz. La deuxième, c'est que le gaz ne dispose pas d'un avantage économique par rapport au nucléaire pour la production d'électricité en base. La troisième, c'est que, si le gaz émet moins de CO 2 que les autres énergies fossiles, il contribue évidemment davantage à l'effet de serre que les énergies qui n'en émettent pas du tout. Enfin, la dernière, c'est la persistance de la volatilité des prix du gaz qui lui ôte de ce fait une partie de son intérêt en tant qu'instrument de diversification des risques.

La place du charbon dans notre bilan énergétique va aussi continuer d'évoluer. L'exploitation du charbon connaîtra son terme, comme prévu, dans notre pays, tout simplement parce qu'il ne serait pas raisonnable de poursuivre l'exploitation dans les conditions de coût d'ext raction auxquelles Charbonnages de France est confronté. Le coût pour la collectivité de l'exploitation charbonnière présente et passée, y compris les charges de retraites, est d'environ 10 milliards de francs par an - 1,52 milliard d'euros - pour 5,7 millions de tonnes en 1998. Les conditions de fermeture devront exprimer la reconnaissance de la nation à ces travailleurs de la mine, et tous les efforts doivent être mobilisés pour réindustrialiser ces régions de bassins miniers de manière à apporter un travail digne aux enfants de mineurs.

M. Roland Metzinger.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je pense à Gardanne, à Alès ou à la Lorraine. C'est une des raisons pour lesquelles l'effort financier en faveur de ces bassins, à travers le FIBM et le GIRZOM, doit rester soutenu. Le Gouvernement s'y engage aujourd'hui à nouveau. Enfin, le charbon génère plus d'émissions de CO 2 que la combustion de toute autre énergie fossile.

Cela ne signifie pas que la technologie charbonnière appartient au passé. Au contraire, nous développons avec succès des techniques dites de charbon « propre », en particulier celle du lit fluidisé circulant, le LFC, notamment à Gardanne, où nous comptons encore développer cette voie technologique.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

L'heure n'est plus non plus au tout nucléaire dans la production d'électricité. La part du nucléaire dans notre production est, vous le savez, proche de 80 %. Cette part excède la plage de compétitivité du nucléaire telle que nous pouvons l'estimer aujourd'hui. Le nucléaire représente à ce jour la meilleure solution technico-économique pour faire face aux besoins en « base »,...

M. Claude Gatignol.

Ça fait plaisir à entendre !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... c'est-à-dire pour produire la quantité d'électricité consommée en continu, et c'est ce caractère continu qui permet d'amortir les investissements financièrement les plus lourds que constituent les centrales électro-nucléaires. En revanche, le nucléaire, c'est une évidence, ne constitue pas une bonne solution économique pour faire face aux pics de la demande.

Lorsqu'il s'agira pour EDF de renouveler son parc de production vers 2010-2020...

M. Yves Cochet.

On ne le fera pas !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... le nucléaire ne représentera vraisemblablement qu'une part plus réduite qu'aujourd'hui, même si elle reste majoritaire, des capacités de production d'électricité.

Ni tout nucléaire, ni tout pétrole, ni tout gaz : notre bilan et notre politique énergétiques doivent être équilibrés dans leurs composantes et dans leurs orientations.

Nous devons être conscients des avantages et des inconvénients de chaque filière énergétique sur les plans économiques et environnementaux. Nous savons par exemple que le nucléaire n'émet pas de CO 2 mais génère d'autres déchets.

M. Yves Cochet.

Oh oui, et pour longtemps !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous savons aussi que les coûts de production de cette filière sont plus stables que ceux des autres filières. Nous savons enfin que chaque filière doit faire l'objet d'une appréciation globale


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et exhaustive sur ce que les économistes appellent les

« déséconomies externes » qu'elle engendre : s'il faut inclure, en effet, le coût estimé du démantèlement des centrales nucléaires obsolètes...

M. Yves Cochet et M. Guy Hascoët.

Combien ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et le coût du retraitement concernant le stockage des déchets,...

M. Yves Cochet.

Combien ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... il faut aussi évaluer le coût des dommages à l'environnement résultant de l'émission du gaz à effet de serre pour les énergies fossiles ainsi que les coûts externes des énergies nouvelles.

M. Yves Cochet.

Il n'y en a pas beaucoup !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

C'est pourquoi, même si le nucléaire doit demeurer le pilier de notre politique énergétique,...

M. Yves Cochet.

Non !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... nous entendons ouvrir autant que possible les choix relatifs aux énergies primaires utilisées et valoriser nos atouts nationaux.

Troisième et dernière partie de mon propos, nous devons conduire la politique énergétique de notre pays autrement, en tenant compte des aspirations de nos compatriotes à plus de transparence et de démocratie et assumer nos responsabilités vis-à-vis de nos concitoyens et vis-à-vis des générations futures, comme l'a souhaité le Premier ministre à cette tribune, dans sa déclaration de politique générale, le 19 juin 1997.

Il faut de la transparence, parce que nos concitoyens sont en droit de bénéficier d'une information fiable et objective concernant les conséquences des choix de politique énergétique comme de politique sociale ou de politique économique. Ils doivent pouvoir être informés de façon fiable et objective des risques qui s'attachent à ces choix. Et lorsqu'il s'agit de choix publics, ceux-ci doivent s'effectuer selon les procédures en vigueur dans notre démocratie.

Le Gouvernement, vous le savez, a pris d'importantes décisions qui traduisent concrètement cette volonté de transparence. Je m'en réjouis d'autant plus que je suis certain qu'une information plus fiable et plus objective concernant la politique énergétique ne peut que renforcer le soutien dont toutes ces options disposent dans l'opinion. Combien sont ceux qui connaissent le vrai bilan sanitaire et humain des différents modes de production énergétique ?

Mme Michèle Rivasi.

Personne !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

C'est pourquoi la transparence, une information plus fiable, plus objective, sont aux yeux du Gouvernement des conditions nécessaires à l'efficacité de notre politique énergétique. Ce débat, vos interventions vont y contribuer.

Y contribuera également l'étude sur les données économiques d'ensemble de la filière nucléaire, y compris le retraitement, au regard des autres sources d'énergie et compte tenu des différentes hypothèses contenues dans le rapport du plan Energie 2010 ainsi que de la conjoncture internationale, que le Gouvernement va commander.

Cette étude, confiée à M. Charpin, commissaire au Plan, à M. Dessus, directeur de recherche au CNRS, et à M. Pellat, haut-commissaire du commissariat à l'énergie atomique, devra pouvoir évaluer les coûts réels de l'aval du cycle.

Il appartient aussi à tous ceux qui participent ou animent le débat public de faire preuve d'objectivité et de responsabilité. Il serait inacceptable que persistent des comportements et des attitudes consistant à refuser cette transparence, mais il est également inacceptable de jouer sur les inquiétudes de nos concitoyens, particulièrement ceux qui sont les moins informés. Mesdames et messieurs les députés, nous pourrions peut-être aujourd'hui convenir d'une chose : renvoyer dos à dos le lobby nucléaire et le lobby de la désinformation. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) En dernier ressort, en cas d'accident grave, nous savons bien que nos concitoyens se tourneraient vers l'Etat. Il est donc légitime que son action ne soit pas entachée d'une suspicion permanente selon laquelle il serait incapable d'être indépendant des exploitants.

Mme Michèle Rivasi.

Il l'est !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le contrôle de la sûreté nucléaire doit non seulement être exercé avec la plus grande rigueur et les décisions prises être irréprochables, mais la sûreté nucléaire doit apparaître comme insoupçonnable aux yeux de nos concitoyens. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé qu'un projet de loi créant une autorité de sûreté indépendante serait déposé au Parlement au printemps prochain et que le rôle du conseil supérieur de la sûreté des installations nucléaires et des commissions locales d'information serait renforcé.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, La transparence et la responsabilité doivent aller de pair. Dans le domaine des déchets, le Gouvernement redoublera d'efforts pour que les retours de déchets dans leur pays d'origine soient assurés avec la célérité nécessaire en définissant avec l es pays concernés des programmes pluriannuels de transport.

M. François d'Aubert.

Et les Allemands ?

M. Robert Galley.

Mais il y a neuf mois qu'on attend !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ainsi, en ce qui concerne l'Allemagne, dans le prolongement du sommet de Postdam, le ministre allemand de l'environnement, M. Trittin, a pris l'engagement, au nom de son gouvernement, que, dès cette année, des retours auraient lieu.

Croyez bien que le gouvernement français fera ici, comme sur des sujets connexes, preuve de continuité et de détermination pour que les engagements de notre partenaire allemand soient totalement tenus.

Assumer nos responsabilités est également une exigence vis-à-vis des générations futures.

Nous souhaitons traiter la lutte contre l'effet de serre comme la gestion des déchets nucléaires.

L'accumulation dans l'atmosphère de plusieurs gaz à effet de serre, le principal étant de loin le CO 2 , est une réalité météorologique d'aujourd'hui. N'oublions pas que l'année 1998 a été la plus chaude en moyenne à la surface de la planète depuis que des relevés météorologiques existent. Sept années de la dernière décennie figurent parmi les dix années les plus chaudes jamais enregistrées.

Chacun peut déjà appréhender la plus grande instabilité des paramètres climatologiques et en tirer des conséquences quant aux choix fondamentaux.

Nous devons faire preuve de la même responsabilité s'agissant de la gestion des déchets radioactifs et raisonner en fonction de leur durée de vie qui se chiffre de quelques jours à quelques centaines de milliers d'années. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité privilégier le prin-


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cipe de la réversibilité. Les techniques progressent vite et il serait absurde et inéquitable que nos enfants, nos petits-enfants et les générations suivantes ne puissent, s'ils le souhaitent, inverser un choix que nous effectuons pour nous, mais également pour eux.

Prendre une décision réversible ne signifie pas ne pas prendre de décision.

Il est de notre responsabilité, vis-à-vis du Parlement qui a voté la loi Bataille à l'unanimité et vis-à-vis des générations futures, d'appliquer la loi. Les décisions que le Gouvernement a prises permettent de traduire de manière concrète ses principales dispositions : remontée en puissance de Phénix, décision de construire deux laboratoires de recherche souterrains,...

Mme Michèle Rivasi.

Deux de trop !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... l'un dans des terrains granitiques, qu'il convient d'identifier dès 1999, l'autre dans des terrains argileux, à Bure dans la Meuse.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé d'augmenter les crédits consacrés à l'axe trois de la loi Bataille de 1991 et d'étudier la possibilité d'un entreposage, en sub-surface dans le département du Gard.

Nous n'avons pas, collectivement, démérité. Nous avons bien servi la France. La politique énergétique menée depuis vingt-cinq ans est globalement un succès, mais le Gouvernement se prononce en faveur de changements radicaux de méthode et d'attitude.

Nous assumons nos responsabilités et en particulier celles qui consistent à maintenir nos options ouvertes afin d'utiliser au mieux les atouts incontestables dont nous disposons dans le secteur énergétique et à adapter nos règles de façon que les missions de service public auxquelles nos compatriotes sont attachés soient assurées dans les meilleures conditions possible.

Nous estimons pouvoir montrer à tous nos compatriotes qu'il est possible, dans ce secteur comme dans d'autres, de concilier réussite économique, compétitivité, choix technologique français et progrès social.

M. Jean-Yves Le Déaut.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La méthode que le gouvernement de Lionel Jospin compte mettre en oeuvre est claire : une politique énergétique globale menée dans une véritable transparence vis-à-vis de l'opinion et un véritable contrôle démocratique : ce sera au Parlement, et donc à vous aussi, mesdames, messieurs les députés...

Mme Nicole Bricq.

A nous d'abord !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... d'avoir, comme le Gouvernement le souhaite, le dernier mot. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

C'est bien ! C'est nouveau !

M. le président.

Mes chers collègues, compte tenu du grand nombre des inscrits, le débat va probablement nous conduire vers treize heures trente, voire quatorze heures.

Chacun doit en prendre conscience.

C'est pourquoi, je demande aux orateurs inscrits de respecter strictement leur temps de parole. Je le rappellerai si c'est nécessaire.

La parole est à M. Guy Hascoët, premier orateur inscrit.

M. Guy Hascoët.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, le hasard fait bien les choses : premier orateur inscrit, je serai aussi le premier à expliquer comment et pourquoi une grande politique énergétique d'avenir pourrait, j'en suis convaincu, se passer du nucléaire.

Mme Nicole Bricq.

Ce sera très dur !

M. Guy Hascoët.

Les grandes occasions suscitant les belles initiatives, j'aurai l'occasion d'offrir à chacun de vous un petit ouvrage présentant ce scénario. Je vous en réserve un exemplaire, monsieur le secrétaire d'Etat. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Dédicacé !

M. Guy Hascoët.

Je n'y manquerai pas, monsieur Brard.

M. Arnaud Montebourg.

Et si la discussion commençait ?

M. Guy Hascoët.

Un débat s'est déjà déroulé ici, il y a dix-huit ans, qui n'a pas entièrement répondu aux attentes des écologistes. Il fut court et l'orientation qu'il prit n'était pas conforme aux engagements qui avaient présidé à son organisation. Notre débat d'aujourd'hui sera également bref - une matinée -, alors que le sujet est important. Mais il aura lieu dans un contexte différent.

A l'époque, en effet, il n'y avait pas de députés Verts et nos idées étaient minoritaires dans l'opinion, quoique fortement défendues. Aujourd'hui, des enquêtes d'opinion montrent régulièrement que nous faisons jeu égal avec les promoteurs du nucléaire, voire que nous sommes suivis par une majorité de l'opinion. A l'époque, dans cette enceinte, aucun député, ou presque, ne pensait ainsi, alors qu'aujourd'hui, sur 577 députés, nous serions entre cinquante et soixante-dix, tous bancs confondus, à avoir dévié de la pensée unique, et nous ne nous en excusons pas.

M. Jean-Claude Lenoir.

Votons d'abord !

M. Jean-Pierre Brard.

On réfléchit d'abord, on vote après !

M. Jean-Claude Lenoir.

Nous avons déjà réfléchi !

M. Guy Hascoët.

Monsieur le président, j'imagine que vous décompterez ces interruptions de mon temps de parole - d'autant que ceux qui sont pour le nucléaire ont quatre heures de temps de parole, et les autres dix minutes.

M. le président.

Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Au fil des ans, nous avons approfondi ce qui était une réaction citoyenne, grâce à une argumentation écologique, mais aussi économique.

Les déchets qui subsisteront pendant des milliers d'années sont un cadeau empoisonné, et ce risque industriel, nul jusqu'en 1986, infinitésimal mais bien réel depuis, ne peut être assumé, je le réaffirme ici. Ce serait un travail salutaire que de calculer les coûts de la filière. A combien se montent les coûts échoués de la filière aval ? Que coûteront les déchets ? Pendant combien de temps ? Que coûtera le démantèlement ? Combien de personnels faudra-t-il pour surveiller les sites ? Que représentera la masse salariale en coûts passifs pour les années futures et les budgets à venir ? Si on la conduit de manière objective, cette recherche risque d'être fructueuse.

Dans le dossier, les règles d'économie et de coût restent inconnues. J'espère que nous pourrons les préciser.

Certains de nos collègues sur ces bancs ont participé à une histoire qui fut celle d'une affirmation française : si l'atome a été le dieu païen de la guerre froide, il a sans doute symbolisé la réaffirmation de la fierté nationale, et cicatrisé les blessures de 1940, à travers le refus de la CED, la sortie de l'OTAN, le choix de la bombe et ce qui s'en est suivi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

Aujourd'hui, alors que le mur de Berlin est tombé et que le souvenir des blessures du passé s'estompe, peutêtre pouvons-nous raisonner différemment.

Je vous invite, mes chers collègues, à faire preuve d'ouverture intellectuelle, à imaginer que, peut-être, nous avons raison - mais peut-être - aussi avons-nous tort. Si, d'aventure, les conditions économiques, écologiques ou simplement démocratiques changeaient, vos affirmations d'aujourd'hui risqueraient de se révéler, demain, dépourvues d'avenir. Je crois que la lecture du petit ouvrage que je vous offre et mon intervention à la tribune pourraient alors vous être utiles pour envisager une manière de conduire une politique plus juste d'un point de vue économique et social, et plus pertinente sur un plan écologique.

Votre scénario est fragile, car vous avez mis presque tous les oeufs dans le même panier. Si l'on accepte la norme internationale qui est un premier élément d'honnêteté intellectuelle - car, à côté de la norme frança ise, une norme reconnue internationalement établit une équivalence entre 1 000 kilowattheures produits et 0,086 TEP par tonne -, si l'on considère ce chiffre-là, et non pas un chiffre utile à des fins de propagande, comme souvent chez nous, notre électricité ne pèse que 20 % dans le bilan de l'énergie finale, et l'électronucléaire ne représente plus 80 %, mais 15 % de l'énergie finale consommée dans notre pays ; 85 % ne dépendent donc en rien du nucléaire. Il est important de le souligner, car beaucoup de nos concitoyens sont, à cet égard, dans une confusion soigneusement entretenue.

Quand on analyse le document du commissariat au Plan sur les scénarios du futur, on s'aperçoit, grosso modo, que, si la dérive actuelle se poursuit, on passera à 25 dans l'échelle mondiale de consommation en 2050 - au lieu de 9 aujourd'hui - alors que, si l'on a une volonté de sobriété, d'efficacité énergétique, on contiendra le phén omène d'augmentation à 14. Or, à 14, on sait à peu près à quoi ressemblera le scénario ; à 25, on sait, ce sera l'impasse.

Une première règle s'impose à nous : nous devons avoir une volonté farouche de développer l'efficacité énergétique. De ce point de vue, après les réactions immédiates aux chocs pétroliers, l'effort a été quasi abandonné depuis vingt ans ; on s'est laissé aller, dans les transports comme dans l'habitat, au point de négliger parfois d'introduire dans les normes certaines technologies pourtant disponibles qui auraient permis de diminuer la facture de nos concitoyens.

L'efficacité est donc le premier élément d'une politique énergétique ; son principe doit être réaffirmé dans la définition de la mission de service public et inscrit dans le cahier des charges des grands établissements qui en ont la responsabilité.

Le chauffage électrique, dont le développement est dû à une erreur de prévision dans la production des kilowatts, n'est pas une formule intéressante. Elle participe à l'endettement des plus modestes d'entre nous dans les HLM - il suffit, pour le savoir, de demander aux maires c ombien les CCAS dépensent pour rembourser les impayés d'EDF - et ne représente pas une bonne solution, car elle n'est pas efficace. Mieux vaut faire directement du chauffage que de produire une énergie dont le rendement est de 33 %, qu'il faut transporter et dont on perd une partie en cours de route pour, au bout du compte, la transformer en chauffage. Le rendement serait meilleur.

Le chauffage électrique représente aujourd'hui 38 % de l'ensemble de notre électricité. Celle-ci pourrait être répartie ou redéfinie pour des usages plus nobles. Nous avons élaboré un scénario sur quinze à vingt-cinq ans et décrit, paramètre par paramètre, comment nous pouvons imaginer être plus justes socialement, simplement en baissant la facture des particuliers, des entreprises, de la nation, et plus justes économiquement, car nous continuons de considérer que les coûts échoués, dans l'étude desquels nous allons nous plonger avec délectation dans les mois qui viennent, révéleront quelques réalités désagréables pour la filière électronucléaire.

Enfin, eu égard au discours sur l'emploi que l'on entend depuis huit jours, notre pays ne peut pas et ne doit pas rester à l'écart des nouvelles filières industrielles.

Il faut donc s'engager très clairement dans cette voie, développer toutes les filières de maîtrise de l'énergie, toutes les filières industrielles nouvelles. La France pourrait payer très cher son entêtement ou son « tout-tout », si elle n'avait pas la volonté claire de diversifier les filières et de donner leurs chances à toutes les technologies aujourd'hui disponibles. Cela signifie que nous pouvons imaginer des substitutions progressives et prévoir, en 2015, ou en 2020 selon certains, le remplacement du parc, la cogénération, le cycle combiné au gaz, la montée en puissance de certaines filières d'énergies renouvelables ; l'efficacité énergétique. Nous avons le choix : nous avons surtout le devoir de nous engager clairement dans cette direction.

C ertes, cette volonté semble aujourd'hui - quel miracle ! - partagée sur tous les bancs. Pourtant, 90 % des crédits de la recherche vont encore au seul nucléaire.

M. Yves Cochet.

Eh oui !

M. Guy Hascoët.

Sur 20 milliards de francs, bon an, mal an, 18 sont toujours consacrés à une seule filière qui, en quarante ans, a dépensé quelque 500 ou 600 milliards de francs en recherche, pour aboutir, parfois, à des impasses, pendant que d'autres, miséreux, attendaient quelques dizaines, quelques centaines de millions de francs. Et l'on s'étonne du retard industriel !

M. Yves Cochet.

Eh oui !

M. Guy Hascoët.

Comment voulez-vous progresser, quand tout l'argent est mis d'un côté, et que les autres attendent les quelques crédits qui leur permettraient d'avancer ?

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Guy Hascoët.

Si nous nous accordons sur cette orientation politique, il va falloir changer les normes de l'habitat, celles de la consommation, organiser une grande politique de schémas collectifs pour le transport des marchandises, inscrire dans les contrats de plan et dans les contrats d'agglomérations la volonté de répartir les crédits du transport entre la route, le rail et autres, fixer cet objectif d'efficacité énergétique aux collectivités locales - et je ne parlerai pas ici de la directive « électricité ». Les collectivités locales et territoriales ont un rôle majeur à jouer aux côtés de l'Etat pour inaugurer cette nouvelle ère de la politique énergétique.

Nombreuses sont, depuis quarante ans, les technologies qui se sont succédé. D'autres arriveront sans doute, d'autres arrivent déjà. Certains ont rêvé, et peut-être quelques-uns de ceux-ci sont-ils présents dans notre hémicycle, d'une énergie éternelle et universelle : l'énergie nucléaire. Universelle, elle ne le sera jamais. Pour qu'elle


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

soit éternelle, il faudrait considérer que l'histoire de l'inventivité ou des sociétés humaines se serait arrêtée il y a trente ans et qu'elle n'aurait pas eu de suite.

M. André Lajoinie, président de la commission de la produc tion et des échanges.

Rien n'est éternel !

M. Guy Hascoët.

Je suis content de vous l'entendre dire, monsieur Lajoinie !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Vous enfoncez une porte ouverte !

M. Guy Hascoët.

Il faut donc accepter l'idée que tous ces paramètres sont évolutifs, que des techniques qu'on ne connaît pas aujourd'hui apparaîtront demain. Il ne nous paraît pas forcément adapté à la culture industrielle de l'époque de vouloir continuer à piloter un « supertanker » industriel dont les choix au moindre paramètre de variable sont inchangeables dans les quarante ans.

Mais nous pourrions en débattre longuement.

M. le président.

Monsieur Hascoët, il faut aussi accepter l'idée de conclure !

M. Guy Hascoët.

J'y pense, monsieur le président.

Comme dans certains groupes, la diversité des expressions et des sensibilités n'aura pas forcément l'occasion de s'exprimer, nous serons sans doute les seuls à pouvoir parler en ce sens : un scénario qui évite le risque que j'ai décrit en commençant, qui donne toutes leurs chances à toutes les filières industrielles, qui fait le pari ambitieux d'un choix énergétique différent nous semble non seulement possible, mais, nous l'avons montré, moins coûteux sur le plan économique.

M. Yves Cochet.

Voilà !

M. Guy Hascoët.

C'est dans cette voie qu'il faut aujourd'hui s'engager. Sans doute, d'autres nous diront-ils qu'ils sont d'accord avec les trois quarts de mon intervention, mais réfuteront l'idée que nous pouvons nous passer de l'électronucléaire.

Je terminerai en abordant le thème de l'emploi. On a entendu beaucoup de choses ces jours-ci. Gardons-nous de parler faux, gardons-nous de « faire peur », pour reprendre les mots qui ont été prononcés. L'emploi i ndustriel existe dans n'importe quelle construction, quelle qu'elle soit. Il y a des emplois de maintenance dans n'importe quel suivi de n'importe quelle unité de production. Il y a des emplois dans les filières industrielles nouvelles. Il y a des emplois, plus qu'ailleurs, dans le domaine de la maîtrise de l'énergie. Nous le savons tous ; essayons donc d'avoir un débat objectif plutôt que d'exploiter les réactions des uns et des autres. Nous, nous sommes prêts à débattre, ici et avec les syndicats, car nous sommes persuadés que le scénario que nous préconisons est solidaire des autres peuples et qu'il est aussi solidaire vis-à-vis des plus modestes. La facture la plus intéressante en effet, c'est la facture la moins chère. Nous sommes du côté de tous ceux qui pensent que nous devons avoir un grand service public...

M. le président.

Il faut conclure, monsieur Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Je termine, monsieur le président.

Nous défendrons ce grand service public s'il a, pour première mission, de servir l'intérêt général tel qu'il doit ê tre conçu au

XXIe siècle : c'est l'efficacité énergétique, qui ne peut plus être un moyen de pousser à la consommation, mais qui doit devenir l'instrument d'une maîtrise de la demande ; c'est l'adaptation des stratégies aux différents territoires au sein de la République et le pouvoir donné aux collectivités locales ; c'est l'aide concrète à l'émergence des énergies renouvelables ; c'est la diversification de la recherche.

Grâce à tous ces éléments, nous pouvons relever le défi qui nous est lancé pour les cinquante ans qui viennent.

Et ce que je vous demande, mes chers collègues, vous qui parlerez après moi, c'est, surtout, de ne pas fermer, mais d'ouvrir les portes de l'avenir.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Yves Cochet.

Bravo !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les débats concernant le secteur énergétique, qui, après tout, est un secteur économique comme les autres, prennent toujours un tour curieusement polémique. Or, aujourd'hui, cette polémique est avant tout interne au Gouvernement et à la majorité censée le soutenir.

M. Jean-Yves Le Déaut, président de l'Office parlementaire.

Vous êtes quand même assez nombreux !

M. Gérard Fuchs.

Pour une fois !

M. François Goulard.

Elle se polarise sur l'énergie nucléaire, avec des opinions totalement divergentes nous en avons eu un exemple à l'instant -, extrêmement tranchées, et, vous me permettrez de le dire, assez simplistes.

J'entendais, il y a quelques jours, le Premier ministre expliquer que, en fin de compte, un groupe était contre le nucléaire - les Verts - et que tous les autres étaient pour. C'est par trop réduire le débat que de distinguer entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. La matière est, à mon sens, infiniment plus complexe.

M. Michel Inchauspé.

C'est vrai !

M. François Goulard.

D'une façon générale, il faut bien constater que les discussions autour de l'énergie sont rarement empreintes de beaucoup de rationalité. Elles font la part belle à l'imprécation, à l'idéologie, quand ce n'est pas à l'agitation des peurs millénaristes. Or il ne s'agit, en définitive, que de savoir si l'intervention de l'Etat, traditionnellement importante dans ce secteur économique, est légitime, d'abord, efficace, ensuite.

Légitime, l'intervention de l'Etat le fut sans aucun doute lors du lancement de la filière nucléaire française, lorsqu'il fallait organiser la coordination des recherches militaires et civiles et faire bénéficier les applications civiles des efforts consentis dans le domaine militaire.

Légitime, l'intervention de l'Etat l'est à coup sûr lorsqu'il faut intégrer les préoccupations de protection de l'environnement dans le domaine de l'énergie.

Légitime, l'intervention de l'Etat l'est incontestablement lorsqu'il s'agit de protéger la santé publique et d'encadrer les risques que peuvent faire courir à la population des industries par nature très dangereuses.

Je suis profondément convaincu que le poids du secteur public dans le domaine de l'énergie, et que les monopoles dont la puissance publique s'est attribuée l'exploitation sont à l'origine à la fois d'un certain manque de transparence dommageable - et, vous le voyez, monsieur Hascoët, vous n'êtes pas forcément toujours tout seul sur ce terrain ...

M. Guy Hascoët.

J'en prends note.

M. François Goulard.

... et d'un défaut de rationalité économique qui demande à être corrigé.

Mme Nicole Bricq.

Les grands groupes privés sont transparents, peut-être ? C'est de l'idéologie, ça !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

M. François Goulard.

Le manque de transparence est autant scientifique et technique qu'économique.

M. Alain Cacheux.

Bonne remarque !

M. François Goulard.

Or, la transparence du point de vue scientifique et technique est une exigence de l'opinion et elle est, à l'évidence, parfaitement légitime.

Entendons-nous bien. Je suis, pour ma part, convaincu que l'industrie nucléaire, qu'il s'agisse de la production du combustible, de l'exploitation des centrales, du retraitement du combustible usagé, a atteint dans notre pays un degré de sécurité et de fiabilité très élevé. Compa rée à beaucoup d'autres, cette industrie est infiniment moins dangereuse pour la vie humaine, en termes de probabilités et de risques. Aussi, la revendication écologiste d'arrêt total du nucléaire est-elle infondée, irrationnelle et relève sans doute d'abord d'une démarche politique.

Cela étant, il faut reconnaître un mérite à la démarche écologiste : elle a réclamé l'ouverture d'un débat et exigé davantage de transparence. Or l'organisation même de ce secteur, qui repose sur quelques grands établissements ou entreprises publiques très proches, par la force des choses, de l'autorité de tutelle, et qui voit les mêmes hommes passer de l'administration censée contrôler aux entreprises soumises à ce contrôle, n'est pas - c'est le moins que l'on puisse dire - génératrice de diversité d'opinions.

Prenons un exemple dans un tout autre domaine mais la comparaison et les similitudes peuvent amener à réfléchir, et songeons à la dérive de quelques grandes banques publiques. A l'origine de la conduite proprement aberrante de certains de leurs dirigeants, il y a, à n'en pas douter, l'excessive proximité de la direction du Trésor et des établissements qu'elle devait contrôler.

M. Pierre Ducout.

Hors sujet !

M. François Goulard.

Il y a, à n'en pas douter, la regrettable habitude de réserver les emplois de direction de ces banques publiques à d'anciens fonctionnaires du ministère chargé de leur tutelle.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Cela n'a rien à voir !

M. François Goulard.

Songeons simplement que, dans le secteur énergétique, nous trouvons de troublantes similitudes : une même proximité des hommes, une même absence de diversité, le même poids d'un nombre restreint de fonctionnaires appartenant au même corps.

M. Michel Inchauspé.

Très bien !

M. Alain Cacheux.

Les dynasties !

M. François Goulard.

Sans naturellement mettre en cause la probité des hommes, je crois regrettable, dans notre pays, que l'expertise soit aussi concentrée.

Sur le plan économique, l'absence de transparence est analogue. Je prendrai un seul exemple, celui du prix de l'électricité produite à partir des différentes sources d'énergie. Comment considérer comme totalement fiables et crédibles des données qui viennent d'une source u nique, en l'occurrence EDF, organisme dont on conviendra qu'il est intéressé à l'affaire ? La concentration entre les mains de quelques organismes publics et la prépondérance, pour ne pas dire le monopole absolu, du secteur public sont un obstacle sérieux à la transparence tant scientifique que technique.

Cette opacité des données s'accompagne, à mon sens, d'un certain manque de rationalité économique. Les choix opérés sont le fait de technostructures, ils ne sont pas dictées par les lois de l'économie. Les réussites techniques, aussi brillantes soient-elles, ne sont pas le gage d'une réussite économique équivalente. Nous en avons quelques exemples dans l'histoire de l'industrie française, et en particulier dans le secteur public.

La filière électronucléaire française est une réussite technique incontestable. Néanmoins, chacun connaît la singularité de notre pays lorsque l'on considère la part du nucléaire dans la production d'électricité. Cette singularité doit nous amener à nous interroger sur les raisons qui nous ont conduits à nous distinguer autant des autres...

M. Michel Inchauspé.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Il est rare, en effet, d'avoir raison contre tous et, en elle-même, cette singularité est une fragilité : les événements récents le montrent. L'annonce par l'Allemagne de l'interruption, de son fait, du contrat avec la COGEMA, pour choquante qu'elle soit, était un événement prévisible.

M. Guy Hascoët.

Absolument !

M. François Goulard.

En étant isolés des autres par nos choix, nous courons le risque de voir notre industrie du combustible manquer de débouchés et de voir ce qui a été jusqu'à présent une remarquable réussite se transformer en échec économique.

M. Alain Cacheux.

Que proposez-vous ?

M. François Goulard.

Or ces choix univoques excessifs sont le fait d'un système public trop concentré, sûr de son bon droit et de ses décisions mais trop peu confronté à la concurrence, laquelle est génératrice de diversité, et trop peu ouvert à l'opinion des autres. C'est ainsi que nous voyons aujourd'hui des solutions techniques rejetées par EDF développées avec succès à l'étranger, comme la cogénération.

C'est la raison pour laquelle il était urgent d'introduire dans le secteur de l'énergie une liberté, une diversité, en un mot une concurrence qui lui font défaut aujourd'hui.

L'occasion pourrait nous en être fournie par la traduction dans notre droit interne de la directive européenne sur l'électricité. Nous disposons du texte préparé par le Gouvernement, qui sera soumis à l'examen de notre assemblée le mois prochain. Je n'anticiperai pas sur un débat qui aura lieu dans quelques semaines mais, manifestement, le Gouvernement n'a pas fait le choix de la concurrence. Il n'a pas choisi d'introduire la diversité et la liberté là ou règne aujourd'hui une excessive concentration. C'est pourtant dans ce sens que devrait s'orienter la politique énergétique française, sans renier en rien les succès du passé, mais sans négliger les exigences nouvelles de l'avenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Je vous remercie, monsieur Goulard, d'avoir respecté strictement votre temps de parole.

La parole est à M. François Hollande.

M. François Hollande.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, reconnaissons-le tout net, la politique de l'énergie a longtemps souffert d'un déficit démocratique dans notre pays : rareté des débats, opacité des données, prééminence des experts, goût du secret, provoquant lui-même la pire des désinformations. Des progrès récents ont été accomplis et je m'en félicite. En même temps, il reste beaucoup à faire tant ceux-ci sont insuffisants. Il est important, décisif même,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

que le Parlement s'empare d'un sujet éminemment politique puisque l'énergie concerne l'indépendance nationale, l'état de notre économie, la protection de notre environnement, la vie quotidiennne de nos concitoyens, qu'il met en oeuvre des sommes considérables, des fonds publics, et implique les générations futures.

Voilà pourquoi le débat d'aujourd'hui fait partie des progrès que l'on peut saluer dans la confrontation démocratique. Il doit en appeler d'autres. Certes, nous aurons l'occasion d'examiner à la mi-février le projet de loi sur le service public de l'électricité ainsi que le projet de loi sur la transparence et le contrôle dans le domaine nucléaire.

Mais, pour confirmer le changement de nos méthodes, que nous appelons tous de nos voeux, je souhaite que le Parlement accentue encore son rôle de contrôle et de proposition en matière de politique énergétique.

Qu'attendre de la discussion d'aujourd'hui ? Qu'elle fixe clairement les enjeux et définisse notre politique pour les années qui viennent. Permettez-moi, au nom du groupe socialiste, d'exprimer les priorités que nous avons retenues. Elles sont au nombre de trois : maîtrise, diversification, transparence.

Maîtrise de l'offre d'énergie, d'abord. Le marché de l'énergie n'est pas et ne sera jamais un marché comme les autres. Les décisions en matière énergétique engagent le moyen terme et le long terme. A lui seul, le marché est incapable d'intégrer des facteurs aussi importants que les contraintes environnementales, la sécurité d'approvisionnement, la sûreté des installations, les choix d'investissement de long terme ou encore l'égal accès de tous à l'énergie. Ce qui revient à dire que la régulation et l'intervention publiques sont des nécessités, et que cela passe par le respect d'un certain nombre de principes.

D'abord, la fixation par la puissance publique des grandes orientations en matière d'énergie.

Deuxièmement, la présence d'opérateurs publics, et en premier lieu d'EDF. Nous rappelons que nous sommes extrêmement attachés à son statut public, au fait que cette entreprise soit contrôlée à 100 % par l'Etat.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous sommes conscients également qu'il faut une fiscalité écologique capable d'envoyer des signaux en ce qui concerne les énergies qui doivent être encouragées et celles qui doivent être découragées.

Enfin, il faut maintenir une péréquation tarifaire si l'on veut l'égalité en tous points du territoire.

L'énergie est donc un domaine où le libéralisme n'a pas sa place.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. François Goulard.

Vous verrez, avec l'Europe !

M. François Hollande.

Mais il faut aussi maîtriser la demande, ce qui suppose d'accorder la priorité aux économies d'énergie, pour le chauffage domestique mais aussi pour les transports en commun. Nous savons bien que les émissions de carbone dans les transports sont en forte progression. Cela suppose de multiplier les engagements financiers pour favoriser le rééquilibrage rail-route et les transports collectifs par rapport aux transports individuels dans les zones urbaines. Nous devons là encore redéployer nos outils budgétaires et je me félicite que, dans le budget de 1999, à la différence de ce qui se produisait il y a encore quelques années, 500 millions de francs aient été consacrés à la maîtrise de l'énergie et aux énergies renouvelables.

Notre deuxième principe est la diversification des sources d'énergie. La France, depuis le premier choc p étrolier, a été amenée à développer fortement le nucléaire, qui représente aujourd'hui 80 % de notre production d'électricité.

M. Yves Cochet.

C'est beaucoup trop !

M. François Hollande.

Ce choix a eu des avantages indéniables et, reconnaissons-le, les gouvernements de l'époque ont manifesté un certain courage car il n'était pas facile, en 1973-1974, de prendre cette option. Nous devons reconnaître que ce choix a été un facteur d'indépendance énergétique et de diminution de nos coûts, mais que les conditions du marché ont changé et qu'il faut donc évaluer avec une grande sérénité les options de politique énergétique qui peuvent être retenues aujourd'hui.

La conclusion qui se dégage, c'est qu'il faut conserver une grande diversité et laisser toutes les options ouvertes.

Evitons, en cette matière comme dans toute autre, une approche manichéenne qui sommerait de choisir entre le tout-nucléaire et le tout-gazier. Il faut refuser les idéologies primaires car elles sont alimentées le plus souvent par des lobbies fortement impliqués dans les choix énergétiques.

Pour nous, socialistes, il n'est pas souhaitable de s'en remettre au tout-nucléaire, mais il n'est pas non plus possible de se passer avant longtemps du tout-nucléaire.

C'est pourquoi le maintien de la filière nucléaire doit s'accompagner d'une politique de diversification fondée la comparaison des coûts entre les sources d'énergie, sur des critères relatifs à l'indépendance nationale et des critères liés à l'environnement.

Chaque énergie, en trouvant son meilleur usage, doit également trouver son meilleur rendement. On connaît les avantages du gaz en matière de compétitivité. On en connaît aussi les limites en ce qui concerne l'effet de serre et l'on sait qu'il y a un danger quant aux sources d'approvisionnement, mais il faut donner à cette énergie la place qui doit lui revenir.

Il faut en revanche faire un effort tout particulier en ce qui concerne les énergies renouvelables. Il faut préparer l'avenir et poursuivre activement les recherches et les politiques volontaristes de développement, en utilisant toutes les occasions.

Si je veux résumer notre politique énergétique concernant la diversification, je dirai oui au maintien de l'option nucléaire, qui restera la source principale, mais pas la source exclusive, de production d'électricité dans les dix ou quinze ans qui viennent. Ensuite, il faut utiliser, beaucoup mieux qu'on ne le fait actuellement, toutes les sources de la compétitivité énergétique. Enfin, il faut développer les énergies renouvelables.

Après l'exigence de maîtrise, après le souci de diversification, le troisième principe de notre politique est la transparence. Cela signifie vérité. Vérité sur les conditions de production, sur les déchets, sur les coûts comparatifs entre les différentes sources d'énergie. Seuls la transparence, le contrôle et l'expertise pluraliste peuvent fonder des choix véritablement démocratiques, ce qui supp ose de donner à chacun son rôle. Oui, il faut démocratiser les institutions qui ont partie liée au nucléaire, mais il faut surtout que le Parlement soit confirmé dans sa mission de contrôle et de fixation des orientations énergétiques. Il faut aussi une autorité indépendante pluraliste, dotée de vrais pouvoirs de décision et de sanction. Puisque les grandes orientations énergétiques


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

relèvent de la décision politique, nous sommes en droit, en devoir même, d'exiger des opérateurs un maximum de transparence.

Je dirai un mot sur la question, plusieurs fois débattue, de l'aval du cycle nucléaire, et notamment sur le problème des déchets. Cela relève de notre responsabilité, et tout doit être mis en oeuvre pour que les solutions soient les plus conformes aux principes que nous avons définis.

L'application de la loi Bataille reste notre philosophie.

Cela suppose le redémarrage de Phénix, la constitution de deux laboratoires de recherche et la volonté de privilégier, ce qui est décisif, la réversibilité, avec des moyens de stockage en sub-surface. La France a, en matière de retraitement, une spécialisation industrielle forte. Elle n'a aucune raison de l'abandonner, sous réserve, naturellement, des conditions de compétitivité de cette filière sur le plan économique, et, bien évidemment, de sa sûreté sur le plan de l'environnement.

En conclusion, je ferai deux remarques. Une stratégie européenne coordonnée doit être mise en place aussi bien pour ce qui concerne la fiscalité que la gestion des ressources rares et la lutte contre l'effet de serre. Mais il n'est pas question d'imposer nos choix aux autres, pas plus que les autres ne peuvent nous imposer les leurs.

A cet égard, je respecte profondément le choix souverain opéré par nos amis allemands relatif à l'abandon du retraitement des déchets nucléaires. Ils ont pris ces engagements devant leurs électeurs et les respectent ; à eux de trouver la meilleure façon de faire. Mais il faut que les contrats passés soient respectés ; c'est un principe de droit international et de droit européen.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. Robert Galley.

Très bien !

M. François Hollande.

S'ils ne sont pas respectés, des indemnisations et des compensations devront être fournies.

Au total, nous avons dans ce domaine une exigence à court terme à assurer à notre pays la fourniture d'énergie la moins onéreuse possible, la plus sûre. Mais aussi une exigence à long terme : donner l'assurance que les générations futures, au moment où elles auront à hériter de nos choix, seront certaines que nous les avions pesés par respect pour elles, soucieux de savoir ce que nous étions en droit de leur confier.

Je le répète, la responsabilité de la politique énergétique est une responsabilité fondamentale qui relève en premier lieu de la représentation nationale. A elle de s'en persuader et au Gouvernement de la respecter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Franck Borotra.

M. Franck Borotra.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai écouté attentivement votre intervention. Votre exaltation est sympathique mais j'ai le sentiment que votre discours n'est pas exempt d'ambiguïtés et d'arrière-pensées politiques.

Une première remarque : je crois que ce débat arrive un peu tard. Le rapport du commissariat au Plan date de septembre 1998 et, dès le début de 1998, le rapport du sénateur Valade avait posé le problème énergétique.

Ce débat a par ailleurs une forme ambiguë car il n'y a pas de texte ou de document préalable du Gouvernement. Il vient à la veille d'un débat difficile qui sera celui de la transcription de la directive européenne sur l'électricité et il est limité par le temps. Ainsi, la formation que je représente n'aura que trente minutes pour développer ses options dans le domaine de la politique énergétique.

Nous avons donc décidé que deux orateurs seulement de notre groupe s'exprimeraient.

J'essaierai de définir les principes de notre attitude visà-vis de la politique énergétique, et Robert Galley, dont tout le monde connaît la compétence et le talent, exposera les raisons de notre choix en ce qui concerne l'option nucléaire.

Je ferai trois remarques liminaires.

La politique énergétique - M. Hollande l'a rappelé est une politique à long terme. C'est probablement le seul domaine, avec l'industrie de défense, où une politique industrielle bâtie autour d'un projet en partie maîtrisable par la puissance publique puisse encore être légitimée.

Une telle politique doit, dans ses fondements, pouvoir résister à l'alternance. Elle fait partie des sujets qui appellent le consensus.

La politique énergétique et nucléaire de la France a connu un tel consensus pendant vingt-quatre ans. Vous l'avez rompu en prenant à propos de Superphénix une décision fondée sur des critères exclusivement politiques, sans débat, sans justification scientifique, technique ni économique réelle, en faisant simplement une concession politicienne à l'une des composantes de votre majorité.

M. François Goulard.

Absolument !

M. Franck Borotra.

Mon propos peut receler des convergences, et je le souhaite du reste, mais la confiance n'est pas au rendez-vous. C'est vous-même qui avez introduit la suspicion qui pèse sur vos choix puisque l'on sait maintenant que des préoccupations de nature partisane peuvent l'emporter sur un intérêt d'Etat.

Deuxième remarque : contrairement à une idée répandue, notre pays ne peut plus s'extraire de l'évolution générale du contexte énergétique au plan européen comme au plan international ; il n'y a pas, sur ce point, d'exception française. Notre pays est soumis aux mêmes évolutions, aux mêmes contraintes, et celles-ci sont parfois même supérieures, du fait de notre manque de ressources, à celles de nos concurrents. Notre pays ne peut s'abstraire, dans ses choix énergétiques, des conditions de la concurrence, de la libéralisation des marchés, du mouvement de privatisation des opérateurs, de l'apparition d'un marché et d'un prix de l'électricité, de l'abaissement du coût des transports, de l'interconnexion des réseaux et de l'évolution des technologies.

Notre choix énergétique ne peut donc pas s'abstraire des contraintes internationales et du contexte européen. Il n'y a pas, je le répète, d'exception française. Il peut simplement, il doit y avoir une réponse nationale et européenne à ces contraintes. Notre choix énergétique doit par conséquent répondre à des priorités et à des options claires.

Je ne reviendrai pas sur les données du marché énergétique mondial. Il faut prendre comme références le rapport du commissariat au Plan ou les études d'EDF, du CEA et des sociétés pétrolières, qui éclairent très pré cisément l'évolution du marché dans les vingt-cinq prochaines années.

J'attirerai l'attention sur quatre aspects qui s'imposent plus particulièrement à notre pays eu égard à ses choix passés. D'abord, l'émergence de la notion de réversibilité des choix énergétiques. Ensuite, la priorité dominante qui doit être donnée aux problèmes de sûreté. En troisième lieu, l'apparition généralisée d'un marché, qui oblige à


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une mutation profonde des entreprises publiques monopolistiques et marque la fin du client captif. Enfin - M. le secrétaire d'Etat et tous les orateurs l'ont souligné -, l'émergence des opinions publiques : on ne peut plus décider dans le domaine énergétique comme il y a vingt ans, ou même comme il y a un an.

Dans ce contexte, y a-t-il une place pour une politique énergétique nationale ? Oui, mais cette politique ne peut plus s'inscrire dans le même cadre qu'autrefois.

D'abord, il faut en reformuler les fondements. Bien sûr, l'indépendance énergétique, la sécurité d'approvisionnement et les missions de service public restent à l'ordre du jour. Mais, dorénavant, il faut intégrer prioritairement dans votre conception l'adaptation au marché et à la concurrence, en plaçant le consommateur au coeur des décisions ; intégrer aussi les engagements en termes d'environnement, la valorisation de nos filières industrielles, et donc l'emploi, ainsi que l'adaptation de nos choix à la dimension territoriale et, en particulier, la montée de la production décentralisée.

L'Etat doit modifier ses structures, son organisation, lever ses tutelles et s'en tenir à un rôle de chef d'orchestre. Il doit cesser d'intervenir de manière permanente sur des choix qu'il ne maîtrise plus pour se concentrer sur ses responsabilités essentielles, à savoir le choix d'une stratégie, la définition et le respect des missions de service public, le soutien et le développement de l'effort de recherche et la responsabilité de la sûreté.

Je vous ai écouté tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que M. Hollande, mais, lorsque vous parlez d'autorité indépendante dans le domaine de la sûreté, vous jetez le discrédit sur l'objectivité de l'administration.

M. Guy Hascoët.

Elle s'est discréditée toute seule !

M. Franck Borotra.

On peut peut-être envisager la transformation de l'IPSN en établissement public, mais pourquoi voulez-vous faire appel en permanence à des autorités indépendantes ?

Mme Nicole Bricq.

Il faut vivre avec son temps !

M. Franck Borotra.

L'administration est là pour assumer avec objectivité les engagements gouvernementaux, comme du reste le contrôle du Parlement. On peut sans doute envisager la transformation de l'IPSN en EPIC, pourvu que l'Etat n'abdique pas sa responsabilité propre et pourvu que la recherche en sûreté reste au sein du CEA, pour des raisons d'efficacité, de coût et parce que les réacteurs expérimentaux sont implantés sur des sites du CEA. Séparer l'IPSN de la recherche est dangereux, mais séparer la recherche de sûreté du CEA est impossible. Enfin, il faut bien sûr faire respecter les conditions de la concurrence entre les différentes sources d'énergie.

Pour tout cela, l'administration doit se transformer, alléger ses procédures, lever ses tutelles, en particulier sur les opérateurs publics qui ne doivent plus être soumis qu'à la règle de contrats d'objectifs. Le rôle du Parlement, doit être renforcé, vous l'avez dit tout à l'heure. Il faut une loi d'orientation - et non une loi de programmation pluriannuelle - un contrôle du Parlement sur les décisions essentielles, y compris au plan européen, suivi qui pourrait être assuré - je me tourne vers le président de la commission de la production - par une sous-commission permanente de cette commission.

Il faut aussi mettre en place un observatoire permanent de l'énergie qui assure l'information - M. Hascoët l'a dit et je suis d'accord avec lui - et les débats contradictoires, la veille technologique, le suivi des marchés, les coûts de référence des différentes énergies et des différentes formes de production d'électricité.

Il faut choisir une stratégie à long terme, fondée sur des options claires. J'évoquerai cinq principes, très simples et très clairs.

Premièrement, il faut un choix stratégique fondé sur un scénario de maîtrise de la demande et des risques et non plus sur le seul élargissement sans fin de l'offre.

M. Michel Destot.

Absolument !

M. Franck Borotra.

Deuxième principe, il faut une stratégie fondée sur le nucléaire au coeur du dispositif mais - vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, et j'en conviens - ouvert à une véritable diversification pour les options complémentaires. Le mix sera sans doute assez profondément différent de la situation actuelle, mais il restera organisé autour de la place essentielle réservée au nucléaire.

Troisièmement, pour que cette diversification complémentaire soit possible, il faut développer une politique de maîtrise scientifique, technologique, industrielle de toutes les formes susceptibles d'être compétitives de production d'énergie. La politique énergétique est, dans ce domaine, inséparable d'une politique industrielle.

Quatrièmement, une politique susceptible d'ouvrir un choix de diversification est inséparable de la mise en oeuvre de conditions équitables de concurrence entre les différentes énergies, ce qui pose le problème récurrent de la fiscalité, de l'évolution des entreprises publiques et d'une véritable ouverture des marchés.

Cinquième point : une stratégie fondée sur la maîtrise de la demande appelle une politique de la maîtrise de l'énergie, beaucoup plus longue à mettre en oeuvre que la politique de l'offre. Nous n'avons dans ce domaine jamais consacré ni des moyens comparables ni la continuité dans l'effort dont a bénéficié l'offre. Une politique forte, à long terme, impliquant les pouvoirs publics doit être mise en place pour prévenir l'évolution des coûts dans le domaine des transports, l'urbanisme, l'immobilier, l'aménagement du territoire,...

Mme Michèle Rivasi.

Il fallait le faire !

M. Franck Borotra.

... autant de choix peu flexibles, à très longue durée de réaction, mais qui sont incontournables pour une véritable politique d'économie d'énergie.

Pour que de telles options soient possibles, un certain nombre de choix politiques courageux doivent être faits.

Concernant le nucléaire, Robert Galley va exprimer notre point de vue avec toute sa compétence. Je veux simplement faire deux remarques.

D'abord, le maintien de l'option ouverte du nucléaire dans le monde, seul apte à en assurer la compétitivité, exige une forte implication internationale de la France.

Mme Michèle Rivasi.

On ne peut pas exporter partout !

M. Franck Borotra.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que les signaux que le Gouvernement a envoyés ces derniers temps sont dans ce domaine contradictoires.

Ensuite, la décision allemande, après la décision française sur Superphénix, confirme le manque de maturité des dirigeants politiques en face de choix majeurs. Vous avez sacrifié Superphénix...

Mme Michèle Rivasi.

On a bien fait !

M. Franck Borotra.

... sans en connaître les conditions et coûts de démantèlement, ou les conséquences scientifiques - les dossiers qui vous ont été transmis par votre prédécesseur ne contenaient rien sur les conditions de


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démantèlement, et pour cause, puisqu'il ne voulait pas démanteler Superphénix ! -, uniquement pour mieux arrimer les verts à votre majorité.

Mme Michèle Rivasi.

Ce n'est pas vrai !

M. Franck Borotra.

De la même manière, et pour la même raison politicienne, le Gouvernement allemand a pris une décision sans savoir comment compenser le tiers de la production d'électricité d'origine nucléaire, sans savoir le coût de cette décision par rupture de contrat avec la France et la Grande-Bretagne, sans même savoir les conditions du retour des 3 500 tonnes de déchets retraités à La Hague et des 1 000 tonnes en attente de retraitement. Je vous rappelle simplement qu'à ce jour, deux convois seulement ont été réalisés, avec d'énormes précautions, pour déjouer les provocations des amis de Mme Voynet et éviter des scènes d'émeutes en Allemagne, et qu'un convoi est en attente d'une décision pour repartir. Tout cela est politicien et irresponsable.

Il faut ensuite encourager le développement et la maîtrise technologique et industrielle des nouvelles filières.

J'en citerai très rapidement deux.

S'agissant du charbon propre, vous avez raison : il faut organiser nos entreprises pour leur permettre d'être présentes sur les marchés internationaux dans toutes les technologies propres à se développer. La bataille du charbon propre se jouera en Asie, c'est vrai. Les entreprises françaises ont remporté de grands succès face aux mastodontes américains - je pense à GEC Alsthom et à EDF avec la technologie du lit fluidisé circulant.

Il faut maintenant rapprocher les ensembliers-ingénieristes publics - CDF ingénierie et le centre national d'études thermiques - pour constituer une technique charbonnière et soutenir dans cette bataille les entreprises françaises qui sont technologiquement très performantes.

Il faut aussi promouvoir le développement de la cogénération.

M. Guy Hascoët.

Quand même !

M. Franck Borotra.

Comme ministre de l'industrie, j'avais finalisé, le 28 mars 1997, un cadre favorable à la cogénération pour une durée de deux ans. La DIGEC, à la fin de l'année 1998, a indiqué que les projets de cogénération éligibles seraient ceux respectant l'obligation d'achat de la loi de 1946, soit 8 mégawatts et les réseaux de chaleur. Le directeur de la DIGEC a même dit : « La politique énergétique ne veut rien en matière de cogénération... Je ne peux pas adhérer à une politique de subvention. » Je suis en désaccord avec la forme et le fond

d'une telle déclaration. C'est un élément de rupture dans une dynamique nécessaire de développement de la cogénération, qui doit rester un objectif important de production complémentaire d'électricité, comme du reste cela se fait dans tous les pays européens. Il est nécessaire de proposer en particulier aux PMI françaises un dispositif favorable au développement de leur propre projet de cogéné-r ation, alors que ces entreprises ne pourront pas, contrairement à leurs concurrents étrangers, profiter de la libéralisation puisqu'elles ne sont pas éligibles.

Votre politique sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, doit être revue.

Il faut, par ailleurs accélérer l'évolution des entreprises publiques d'énergie. Elles doivent devenir des entreprises à part entière, des entreprises comme les autres. Il faut leur donner les moyens de faire face à la concurrence, de nouer des partenariats industriels, de se développer au plan international en élargissant leur offre au multiénergie et au multiservice. EDF doit rester une entreprise publique détenue à 100 % par l'Etat.

M. Jean-Pierre Brard.

Bolchevique ! (Sourires.)

M. Franck Borotra.

Mais il est nécessaire de faire évoluer son statut vers un statut de droit commun et de filialiser ses activités de diversification.

Gaz de France doit devenir une société anonyme majoritairement détenue par l'Etat, avec ouverture de son capital à des partenaires producteurs ou industriels, pour conforter sa position d'opérateur international au-delà du transport et de la distribution de gaz, dans la production gazière. C'est du reste ce qui est engagé, avec juste raison, monsieur le secrétaire d'Etat, avec le rachat à Total de sa participation dans le champ de Murdoch de production gazière.

F ramatome, au-delà de sa diversification dans la c onnectique, doit trouver un partenariat industriel majeur : un rapprochement avec un industriel de même métier permet sans doute d'atteindre la masse critique, mais n'élargit pas le plan de charge. Il faut chercher un partenariat avec un industriel qui permette une offre globale d'énergie. Cette entreprise peut engager sa privatisation sur un vrai projet industriel, privatisation qui, après tout, a été son statut pour l'essentiel de son existence.

Si, personnellement, je reste favorable à une ouverture du capital de COGEMA, je ne suis pas favorable à sa privatisation. Peut être cette grande entreprise peut-elle devenir le gestionnaire des intérêts miniers français, ce qui éviterait pour l'avenir des sinistres du type Yanacocha avec le BRGM ? Ces restructurations constituent un enjeu technologique pour l'industrie française.

J'évoquerai très rapidement les freins internes au développement de la politique énergétique.

D'abord, la résistance au changement et le mythe de l'exception française. Un exemple : la transcription de la directive Electricité, qui se heurte au conservatisme et qui, du coup, pousse le Gouvernement à vider de l'essentiel de son contenu le pourtant modeste créneau d'ouverture à la concurrence. Si le texte n'est pas amendé, en l'état actuel des choses, le groupe auquel j'appartiens ne pourra pas le voter.

M. François Goulard.

Très bien !

M. Franck Borotra.

Ensuite, le niveau exorbitant et l'incohérence de la fiscalité qui pèse en France sur l'énergie - je reconnais bien volontiers, monsieur le secrétaire d'Etat, que cela n'est pas d'aujourd'hui. L'essence est en France taxée à 400 % de son prix hors taxe. Les fiscalités en Europe sont disparates, et la nôtre est fortement discriminatoire entre les différentes sources d'énergie, sans justification rationnelle.

Tout cela est brouillé davantage encore par des projets dangereux : au plan européen, avec le projet de taxe sur l'énergie, y compris gaz et électricité peu taxés en France, et le projet de fiscalité écologique - taxe générale sur les activités polluantes -, qui viendrait encore fragiliser le secteur industriel. La refonte globale, sur une longue période, du système de taxation est indispensable. Il faut, en particulier, faire disparaître les fiscalités discriminatoires entre produits pétroliers de même usage et entre les différentes formes d'énergie concurrentes, sauf exception bien identifiée.

Je termine par les incohérences gouvernementales : Arrêt de Superphénix qui devrait expérimenter la destruction de radio-éléments à vie longue dans les déchets nucléaires, alors que Phénix est en révision ;


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Retards sur des décisions nécessaires : retard sur le dossier du contrôle nucléaire depuis dix-huit mois décision concrète d'un seul site de laboratoire souterrain ; attente pour l'extention de la moxisation à vingt-huit tranches des centrales nucléaires ; Le Gouvernement a laissé se détériorer le climat autour de La Hague et donc de la filière de retraitement, alors que, je vous le répète solennellement, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est la prochaine cible des antinucléaires ; Langage irréaliste sur les énergies renouvelables, sur la sobriété énergétique, alors qu'il n'y a pas de politique réelle de réduction des consommations ; Appel à la démocratisation du débat et décision de fermeture de Superphénix dans les conditions que l'on sait.

Telle est l'analyse que je souhaitais présenter au nom d u groupe du Rassemblement pour la République.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, nous sommes aujourd'hui appelés à débattre de la politique énergétique de notre pays, c'est-à-dire des enjeux de ce secteur et des choix à opérer sur une question essentielle pour le mode de vie présent et futur de nos concitoyens. Je me félicite que le Gouvernement ait accepté que cette question soit aujourd'hui abordée devant la représentation nationale, à la suite de nombreuses demandes, en particulier celles réitérées du groupe communiste et apparentées.

Je m'interroge toutefois sur la portée de notre séance de ce matin puisque, après la déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique qu'il entend mener, les groupes exposent leur point de vue mais ne seront pas invités à se prononcer. La méthode relève donc plus de l'information que d'un véritable débat, débat qui, selon nous, aurait dû intervenir plus tôt, car nous sommes maintenant à à peine un mois de la discussion d'un projet de loi qui aura des incidences importantes sur nos choix énergétiques : je veux parler de la transcription de la directive européenne sur l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité.

M. Robert Hue.

Très grave !

M. Claude Billard.

Une politique énergétique de progrès doit être en priorité fondée sur la réponse aux besoins de la nation et de la population. Elle doit donc contribuer à satisfaire les objectifs essentiels qui orientent l'action politique générale et qui déterminent le contenu de la croissance. En cela, la politique énergétique doit anticiper sur la croissance. Elle doit se fixer des objectifs prioritaires tels que le développement de la consommation et de l'emploi, concourir à la réduction des inégalités sociales et au développement de nos industries, assurer l'indépendance nationale et un rééquilibrage de nos échanges extérieurs. Cela implique, vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, une politique diversifiée prenant en compte la complémentarité des sources d'énergie, mais il faut aussi avoir présent à l'esprit qu'audelà d'un siècle, dans l'état actuel des connaissances, seuls le charbon et le nucléaire seront à même de jouer un rôle essentiel. Cela nécessite donc de trouver un équilibre rationnel, c'est-à-dire satisfaisant aux plans économique, social et environnemental, entre les diverses sources d'énergie, d'économiser les combustibles fossiles, autant de conditions indispensables si nous voulons préserver l'avenir des générations futures.

Dans ce cadre, le développement de nouvelles technologies comme celle du charbon propre permettrait d'accroître la part du charbon. Hormis l'hydraulique, qui a presque atteint ses limites, la promotion des énergies renouvelables, comme le solaire, l'éolien, la géothermie, la biomasse ou encore les piles à combustible, nécessite un effort soutenu.

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. Claude Billard.

Toutefois, ces énergies restent aussi limitées par nature et ne se substitueront jamais à la production de masse dont nous avons besoin pour assurer la vie quotidienne et aller vers l'égalité de consommation énergétique domestique entre tous les citoyens.

Enfin, l'affirmation d'une politique de maîtrise de l'énergie, qui nécessite de poursuivre la recherche, de développer et d'encourager les prises de décision en la matière, est une priorité qui doit être réaffirmée, et cela a été fait à cette tribune. Les efforts du Gouvernement en ce sens, avec l'importante dotation de 500 millions de francs pour l'ADEME...

M. Yves Cochet.

Elle est trop faible !

M. Claude Billard.

... inscrite au budget du ministère de l'industrie, sont à souligner.

Dans un contexte de mondialisation, de globalisation et d'ouverture des marchés, il est nécessaire, comme vous l'avez fait, monsieur le secrétaire d'Etat, de réaffirmer l'utilité d'une politique énergétique nationale et d'une forte implication de l'Etat dans les choix énergétiques.

Depuis de nombreuses années, notre politique énergétique s'articule autour de deux axes : la primauté de l'énergie nucléaire pour la production électrique, la diversification de nos sources d'énergie et de nos approvisionnements. Il ne saurait être question, selon nous, de remettre en cause ces orientations comme certains, y compris dans la majorité, le préconisent.

D'autres objectifs sont aussi à atteindre : garantir la sécurité des approvisionnements et lutter contre l'effet de serre. En faisant reposer d'abord notre politique énergétique sur le choix de l'électricité d'origine nucléaire, qui représente 80 % de la fourniture électrique totale, notre pays a ramené son taux d'indépendance énergétique de 23 % en 1973 à 52 % aujourd'hui, tandis que, dans le même temps, la part du pétrole dans le bilan énergétique passait de 70 % à 40 % et la facture énergétique de 6 % en 1980 à 1,2 % du PIB actuellement. Cette prépondérance du nucléaire explique sans doute aussi pourquoi la France n'est, en valeur absolue, qu'au dixième rang des pays émetteurs de CO 2

Toutefois, depuis les premiers chocs pétroliers, le contexte national et international a radicalement changé.

Cela justifie l'intérêt d'une réactualisation des données du débat sur la politique énergétique du pays, dans un contexte caractérisé par l'existence des directives européennes sur le gaz et l'électricité, les préoccupations mondiales en matière d'environnement exprimées notamment à Kyoto et à Buenos-Aires, et enfin l'appropriation par nos concitoyens du débat sur la sûreté nucléaire, qui exprime des exigences légitimes en matière de transparence, de contrôle et de respect de l'environnement.

Dans ce contexte, le principe même du maintien d'une politique nationale de l'énergie est une impérieuse nécessité pour contrer les effets néfastes d'une libéralisation c roissante des économies qui nous entourent. Cela implique que la politique du Gouvernement soit plus clairement identifiable. Elle semble, en effet, connaître ces


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derniers temps quelques soubresauts et incertitudes, en particulier pour ce qui concerne les orientations de notre politique nucléaire.

Certes, nous nous félicitons que le comité interministériel du 9 décembre dernier, présidé par le Premier ministre, ait réaffirmé « le choix de l'énergie nucléaire comme composante majoritaire de l'approvisionnement électrique national », en se référant notamment aux travaux du comité interministériel sur l'effet de serre du 27 novembre 1998 et aux différentes hypothèses présentées par le commissariat général du Plan énergie 20102020.

Mais, dans le même temps, cette orientation est assortie d'une affirmation tout à fait discutable sur la part du nucléaire, qui serait appelée à diminuer.

M. Yves Cochet.

Bien sûr !

M. Claude Billard.

Pour quelle raison ? Il est indispensable que la représentation nationale débatte de cette hypothèse et que le Gouvernement précise ses intentions.

N'est-ce pas accepter trop facilement les réponses et les solutions actuellement apportées par un marché libre de l'énergie, dominé par les multinationales du pétrole et les grands groupes charbonniers ? Bien évidemment, une politique de bas prix de ces ressources non renouvelables émettrices de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques classiques est rentable à court terme pour les gros consommateurs d'énergie et les producteurs.

Mais la libéralisation imposée dans ce sens par les directives européennes sur l'électricité et le gaz est-elle compatible avec nos engagements internationaux tendant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Des experts ont pu calculer que l'effet de la substitution de la part électronucléaire par le gaz, le pétrole et le charbon pour 25 % de la production électrique nationale se traduirait par l'émission de 45 millions de tonnes de CO 2 , soit 10 % du total des émissions françaises. Les appétits des grands groupes, qui sont bien sûr très intéressés par la production d'électricité pour leurs clients industriels à partir de combustibles fossiles, vont-ils conduire notre pays à ne pas pouvoir respecter ses engagements sur la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre ? Enfin, ne risquerait-on pas, si l'on acceptait l'hypothèse d'une diminution de la part du nucléaire, de voir s'installer un système à deux vitesses : d'une part, une énergie relativement chère et rationnée pour le plus grand nombre, au nom d'une croissance sobre en énergie et d'une taxation élevée pour se plier aux contraintes budgétaires du pacte de stabilité et à celles de la lutte contre l'effet de serre ; d'autre part, une énergie libre et à bas prix pour les industriels, produite par eux et au détriment du service public pour la partie électrique, au nom du libre jeu du marché de la concurrence mondiale, ce qui rendrait impossible toute taxation nationale et européenne des combustibles industriels.

Ces questions m'incitent à penser qu'il est impératif et urgent de prendre sans attendre un certain nombre de décisions.

Il me semble préoccupant, pour ne pas dire plus, que la direction d'EDF n'envisage aucune construction de centrale nucléaire, aucune nouvelle installation hydraul ique, aucune construction de centrale thermique avant 2010. Pourtant, si l'on compare les évolutions du produit intérieur brut et de la consommation d'électricité en France depuis vingt ans, on constate que la consommation d'électricité suit une augmentation au moins égale à celle de l'activité économique.

M. Yves Cochet.

Non !

M. Claude Billard.

Malgré un léger ralentissement prévisible de la croissance, on peut néanmoins estimer que les besoins d'énergie auront doublé dans vingt ans. A la suite du vieillissement de ses centrales, EDF ne couvrirait plus, à cette échéance, que 50 % des besoins nationaux.

Entre la décision de construire une centrale et le lancement de sa production, il faut compter au moins dix ans de délais administratifs et techniques. Pour que notre parc puisse être renouvelé à l'horizon 2010, c'est donc aujourd'hui que doivent être discutées et prises les décisions sur la programmation des centrales et la place du nucléaire dans la consommation énergétique.

Cela implique notamment, puisque le projet francoallemand de nouvelle génération de centrale EPR est prêt, que nous incitions nos partenaires allemands à poursuivre rapidement cette coopération.

M. Robert Galley.

Très bien !

M. Claude Billard.

Ne renouvelons pas la grave erreur stratégique industrielle et sociale commise avec l'abandon de Superphénix, qui handicape lourdement l'avenir de la filière électronucléaire française en coupant notamment l'un des maillons de la chaîne entre l'amont et l'aval du cycle du combustible.

En outre, notre pays doit être particulièrement ferme vis-à-vis des récentes décisions du gouvernement allemand sur le retraitement des déchets. Mettre en difficulté l'industrie du retraitement menace à terme la production d'énergie nucléaire dans notre pays.

M. Yves Cochet et M. Guy Hascoët.

Cela n'a rien à voir.

M. Claude Billard.

Le gouvernement allemand ne peut pas faire valoir la clause de force majeure pour justifier son refus d'une compensation financière. Les engagements internationaux pris entre la France et l'Allemagne en 1990 doivent prévaloir sur les contrats entre la COGEMA et les électriciens allemands. Nous ne pourrions accepter que les acquis et les atouts du nucléaire civil - ce résultat de dizaines d'années d'efforts scientifiques, technologiques, industriels, qui fait aujourd'hui d'EDF l'une des entreprises les plus expérimentées et les plus performantes en la matière - soient sacrifiés par une décision portant atteinte à l'intérêt national et contraire à une construction européenne fondée sur la coopération et le respect mutuel.

Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, quelquesunes des propositions que nous souhaitons que le Gouvernement prenne en compte dans la définition de la politique nationale de l'énergie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Birraux.

M. Claude Birraux.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de tout temps l'énergie a été associée à la vie ; l'homme primitif veillait sur le feu comme sur son bien le plus précieux.

Peu de gens se souviennent aujourd'hui de la crise énergétique des années 70, quand l'essence était rationnée et que certains pays comme la Suisse ou la Hollande interdisaient la circulation des véhicules le week-end. La France a bâti une politique énergétique qui tirait les leçons de ces événements.

Premier élément à prendre en compte : dans un pays comme le nôtre où les ressources énergétiques propres sont faibles, l'énergie n'est pas un bien de consommation


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comme les autres. Elle doit intégrer le long terme pour l'approvisionnement afin d'éviter les ruptures dans la fourniture ; des prix compétitifs pour le consommateur et une facture énergétique réduite pour le pays. Elle doit assurer l'indépendance énergétique en tirant les leçons du passé.

C'est sur cette base qu'a été construite notre politique énergétique et j'observe que, lors de l'alternance de 1981, cet héritage a été globalement conservé.

Dans quelle situation sommes-nous aujourd'hui ? Ce débat intervient alors que les décisions en ce domaine ont été prises le 9 décembre et que la loi sur la directive électricité viendra dans trois semaines devant la commission de la production. Gérard Longuet, en son temps, avait débattu de cette question avant que ne s'engage une discussion sur la directive européenne.

Pourquoi, dans cette logique, ne pas avoir organisé le débat demandé par l'opposition, comme par certains membres du groupe socialiste et du groupe communiste, avant de décider de l'avenir de Superphénix ? J'ai pu constater, à cette occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous aviez suivi la conception quelque peu stalinienne du débat démocratique qui est celle de vos alliés Verts.

M. Yves Cochet.

Oh ! C'est très excessif !

M. Claude Birraux.

Comme les Talibans, ils avaient lancé une fatwa qui devait être exécutée et non discutée.

C urieuse conception d'une démocratie à géométrie variable ! Je rappelle que l'on pouvait trouver un consensus sur un arrêt programmé à court terme sans ce gâchis technique, social et humain. J'avais dit que votre commissaire à la reconversion du site ne serait au mieux que l'ordonnateur des pompes funèbres. Quel bilan pouvez-vous dresser de son action ? Qu'avez-vous apporté pour mettre un peu de beaume sur la désespérance des populations ? Qu'avez-vous répondu à ma proposition de l'époque sur une étude de faisabilité de l'implantation de la tête de série EPR à Creys-Malville ? Le second élément à prendre en compte pour la définition de la politique énergétique est le protocole de Kyoto.

Le paramètre à respecter pour un développement durable est celui des engagements pris à Kyoto pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre : gaz carbonique, méthane, oxydes d'azote et CFC.

Quelques données de base pour savoir de quoi on parle : Les rejets en équivalent CO 2 par kilowatt heure électrique sont de 450 à 650 grammes pour le gaz, 900 à 1 200 pour le charbon, 700 à 800 pour le pétrole et 25 pour le nucléaire.

Les rejets de CO 2 par habitant et par an sont de 5,2 tonnes aux Etats-Unis, 3,2 en Allemagne, 2,1 au Japon et 1,8 en France.

Il est bon aussi de se souvenir qu'une centrale au charbon de 1 000 mégawatts rejette annuellement 5 millions de tonnes de CO 2 , 40 000 tonnes d'oxyde de soufre, 20 000 d'oxyde d'azote, ainsi que de la radioactivité.

Les pays européens se sont engagés à réduire de 8 % leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.

La France, compte tenu de sa situation favorable, aura simplement à stabiliser ses émissions, alors que l'Allemagne et le Danemark devront les réduire de 21 % ! Ce bilan, positif, chiffré, non contestable, est à lui seul une réponse aux discours de pays comme le Danemark, qui sont de beaux parleurs mais de piètres pratiquants.

Le nucléaire a un avenir dans notre pays, où il est exploité dans de grandes conditions de sûreté et de fiabilité, grâce au savoir-faire, à la conscience professionnelle et à la culture de sûreté de ses travaileurs.

Le futur, c'est d'abord de savoir quelle sera la durée de vie des centrales. Il ne saurait y avoir de règle générale, c'est un examen au cas par cas qui s'impose.

S'agissant du problème du renouvellement du parc, j'ai pu étudier, à l'occasion d'un récent rapport pour l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le réacteur franco-allemand EPR. Sa mise au point a induit une coopération franco-allemande exemplaire entre les autorités de sûreté, les centres de recherche et les appuis techniques, entre les électriciens allemands et EDF, entre Framatome et Siemens. Ce réacteur représente le système le plus avancé au monde, parce qu'il intègre dès sa conception le retour d'expérience croisé de tous les acteurs.

Faut-il lancer la construction d'un EPR ? Vous êtes resté muet sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat.

L'EPR en est aujourd'hui au stade de l'avant-projet détaillé et de l'optimisation.

Le Gouvernement a déclaré qu'il fallait laisser toutes les options ouvertes. Mais, malgré ce que prévoit le Plan, le nucléaire restera le noyau dur de notre production électrique.

Les besoins ne sont pas immédiats. Cependant, les organisations syndicales font justement observer que, dans ce domaine, on ne peut raisonner en flux tendu. L'expérience des conditions de passage de cet hiver nous le prouve. La compétence technique des équipes ne peutêtre maintenue que dans la dynamique de la réalisation.

L'industriel Framatome compte sur une série de sept ou huit réacteurs, ce qui signifie remplacer un réacteur sur sept. Compte tenu des délais de réalisation, la décision d'engagement d'une tête de série doit être prise dès 1999.

Rapporteur de la mission d'information sur la privatisation de Framatome, j'avais mis des conditions très fortes à cette privatisation et souligné qu'il était capital de préserver la coopération avec Siemens. L'affaire ne s'est pas faite, car le projet industriel de GEC-Alsthom n'était pas assez au point et je crois que GEC attendait des propositions dans le domaine militaire qui ne sont pas venues.

Depuis, le silence de votre gouvernement est abyssal.

Framatome voit sans plaisir une tentative de rapprochement BNFL - Siemens, se fait éconduire pour l'achat de Westinghouse... et le Gouvernement, l'Etat actionnaire majoritaire se tait. Quelle stratégie pour cette entreprise ? La connectique, avec la reprise de l'américain Berg ? Mais à quel prix ? Et quel avenir pour la branche nucléaire ? Je suis sûr que Framatome ne peut rester seule, et que l'objectif doit être de constituer un pôle européen qui renforcerait l'EPR comme modèle européen de réacteur.

Pourquoi pas avec Siemens ? Mais il faut d'abord que vous vous déterminiez sur l'EPR et que vous donniez un signe positif.

Sur les déchets, quelques données chiffrées pour fixer les idées. La France produit 2 900 kilos de déchets industriels par an et par habitant, dont 70 kilos de déchets toxiques, parmi lesquels 1 kilo de déchets radioactifs, comprenant 3,3 grammes de déchets de haute activité.

Nous nous sommes dotés d'une loi, la loi Bataille, votée à l'unanimité, qu'il convient de respecter. Le Gouvernement fait semblant, mais il ne pourra la respecter.


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En effet, pour qu'il y ait choix en 2006, il faut pouvoir choisir entre différents milieux géologiques. Si le laboratoire souterrain de Bure, dans l'argile, pourra alors donner ses résultats, je doute que le site granitique, qui n'est pas encore choisi, puisse même l'être avant cette date, compte tenu des procédures. D'ailleurs, quelles procédures ? Là aussi, vous restez muet. En fait, prisonnier d'intérêts politiciens divergents, le Gouvernement, comme souvent, donne l'illusion d'un choix, alors qu'il fait du surplace, et qu'il le sait parfaitement.

A côté du stockage, il faut également développer la recherche sur l'incinération et la transmutation des déchets, leur durée de vie n'étant guère imaginable dans l'échelle du temps. La recherche et développement définie, dans le cadre de la coopération européenne et selon les propositions que j'avais faites à l'intention de l'office parlementaire, pour les réacteurs hybrides pilotés par un accélérateur va dans le bon sens. Le Sénat américain a lui aussi voté pour la première fois une subvention au département de l'énergie pour mener des recherches tant sur les hybrides que sur les réacteurs haute température qui permettent de brûler le plutonium.

C'est très important, car il faut savoir ce que l'on va faire des matières radioactives issues du démantèlement des armes. Les incinérer en produisant de l'énergie est intéressant et plus sûr que de les laisser plus ou moins bien gardées dans des « décharges » dont la localisation est incertaine. La coopération internationale s'impose dans ce domaine.

S'agissant de la sûreté à l'Est, les réacteurs de l'exURSS continuent et continueront de fonctionner, on ne sait trop dans quelles conditions, dans le délabrement général de l'économie. L'assistance à ces pays demeure un impératif, le développement de la culture de sûreté une obligation. Il conviendrait que les procédures européennes, critiquées par la Cour des comptes européenne, comme celles de la BERD, soient spécifiques et, par là, plus efficaces et rapides.

Ce qui est symptomatique, c'est que des pays comme la Suède et l'Allemagne, en s'engageant à abandonner le nucléaire, semblent se donner bonne conscience, car ils ont la capacité de fonctionner correctement et sûrement avec le nucléaire mais sont à la merci d'un pépin à leurs frontières ! De la même manière, des pays en développement comme l'Indonésie, les Philippines ou la Thaïlande veulent se doter de l'énergie nucléaire. Cela doit rester l'apanage de pays scientifiquement et techniquement développés.

Tchernobyl a prouvé qu'il n'y avait pas de frontière pour les nuages radioactifs.

Pour ce qui est des contrats de retraitement avec la COGEMA, le Gouvernement doit faire preuve de détermination, car c'est l'emploi en France qui est en jeu. S'il existe des clauses d'indemnités pour rupture abusive, il doit être très ferme et préserver les intérêts français. Par ailleurs, nous devons retourner à leur expéditeur, dans un paquet cadeau s'il le faut, les déchets qui ont été retraités.

La transparence est le gage de la confiance du public.

Permettez-moi de croire que j'y ai quelque peu contribué au travers des rapports de l'office parlementaire et par des auditions ouvertes à la presse, dont le procès-verbal est intégralement publié.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est vrai !

M. Claude Birraux.

Mais la transparence, ce n'est pas seulement un mot, c'est une manière d'être, une pratique.

Pour un gouvernement, il y a trop de facilité et même de la malhonnêteté intellectuelle à dénoncer le manque de transparence de ses propres services ou des entreprises publiques qu'il contrôle et dont il nomme les dirigeants.

A moins que cela ne soit révélateur des carences gouvernementales.

Ainsi, M. le Premier ministre rendra-t-il public l'avis du comité d'experts sur le redémarrage de Phénix, décidé après l'arrêt de Superphénix ? Si le Premier ministre le veut, il le peut et c'est un exercice de transparence. Je vous rappelle que M. Balladur avait rendu cet avis public avant de décider le redémarrage de Superphénix en 1994.

M. Jean-Pierre Brard.

Qui est M. Balladur ?

M. Claude Birraux.

Qu'en est-il de l'indépendance des organismes de contrôle ? « Un expert indépendant - a-t-on dit - est un expert qui partage votre avis lorsque vous êtes contre quelque chose. »

Deuxième remarque : les critiques visent souvent des fonctionnaires d'Etat et cette suspicion généralisée n'est pas acceptable. L'indépendance est le fait de ne pas être lié à l'industriel ou au laboratoire de recherche.

M. Franck Borotra.

Exactement !

M. Claude Birraux.

Nous devrions bientôt avoir une loi mais, d'ores et déjà, je considère qu'il était inutile de demander un tel travail à Jean-Yves Le Déaut pour, finalement, mettre en pièces son rapport.

Ce qui allait bien : la sûreté, l'autorité, la compétence, le sens du service de l'Etat de la direction de la sûreté des installations nucléaires, qui n'étaient discutés par personne. Vous voulez la paralyser avec votre direction collégiale dans un organisme administratif. Vous prenez tous les mauvais travers de la NRC américaine.

Ce qui était faible : l'absence d'autorité du ministère de la santé et, au ministère, de la direction générale de la santé, pour qui le professeur Pellerin a été trop longtemps un paravent et un bouc émissaire commode. C'est cette absence d'autorité qui est à l'origine de tous les problèmes concernant le suivi radiologique des travailleurs des entreprises sous-traitantes, ou des polémiques sur les rejets.

J'avais proposé, en 1991, une refonte totale de la radioprotection et Jean-Yves Le Déaut avait fait la même proposition.

Mme Simone Veil avait permis que naisse le bureau de radioprotection. Depuis, il me semble que la DGS s'est acharnée à le faire mourir. Pourtant, l'idée d'avoir du côté de la santé et du travail une organisation calquée sur celle de la DSIN me paraissait juste et devait faire émerger une véritable autorité de radioprotection.

Après deux rapports parlementaires et sept rapports administratifs, rien n'a changé au ministère de la santé. Y a-t-il l'ombre d'une volonté politique ? Où est l'autorité de l'Etat ?

M. Franck Borotra.

Très bien !

M. Claude Birraux.

Satisfaire aux engagements de Kyoto, c'est aussi s'appuyer sur une recherche dynamique et une diversification des ressources.

Cette recherche dynamique est conduite au CEA, qui a besoin d'être conforté dans ses missions, surtout après les déclarations de M. Allègre qui voudrait en faire le laboratoire d'EDF.

Satisfaire aux engagements de Kyoto, c'est encore avoir recours aux économies d'énergie et à son utilisation rationnelle, ainsi qu'aux énergies renouvelables. Les énergies renouvelables ne seront pas une réponse globale au


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

nucléaire. Elles doivent être utilisées à bon escient, c'està-dire - comme le fait une association énergie-environnement en Haute-Savoie, dont je suis membre du conseil d'administration - de manière pragmatique, chaque fois qu'elles sont valorisables.

J'entends dire que des financements massifs pourraient leur donner un coup d'accélérateur extraordinaire. Pourquoi d'autres pays très orientés dans ce sens n'ont-ils pas fait cette démonstration ?

M. Jean-Yves Cochet.

Le Danemark l'a fait !

M. Claude Birraux.

Pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, en relation avec les transports, il y a des progrès considérables à accomplir : par la recherche pour réduire, par exemple, les particules des diesels ; par la fiscalité pour assurer le développement du gaz de pétrole liquéfié ; par la fiscalité et par une réglementation moins pénalisante pour le gaz naturel véhicule - l'Italie a connu des succès incontestables, inspirons-nous de ses recettes - et par les véhicules électriques et les véhicules hybrides, diesel à régime stabilisé et électrique, ou le GNV hybride pour les flottes captives.

Je soumets cette proposition : qu'une loi fixe un quota de véhicules non polluants lors du renouvellement des flottes publiques. Cela créerait le mouvement et un marché.

Quant aux économies d'énergies, elles sont possibles jusqu'au moment où les courbes coût/économies réalisées se croisent.

Il est encore un domaine qui a eu du mal à se développer, celui la cogénération avec des réseaux de chaleur.

Mais nous en reparlerons dans le texte portant sur la directive électricité.

Satisfaire aux engagements de Kyoto, c'est être ouvert à de nouvelles technologies et à leur développement à un stade pré-industriel - je pense aux piles à combustibles.

C'est aussi valoriser des technologies plus locales, comme la technologie de la géothermie sur roches chaudes.

L'énergie est nécessaire à l'homme comme l'air ou l'eau. Nul ne doit oublier qu'elle sert à assurer son confort et son développement économique. Ce n'est pas une affaire d'idéologie qui devrait dicter sa loi à l'économie. Veillons à ne pas brader nos atouts, mais à être ouverts pour conforter ces atouts, savoir en faire émerger d'autres en fonction des circonstances et jouer sur une palette d'outils multiples pour assurer au mieux notre développement dans une vision dynamique.

N'oublions pas non plus que nous ne sommes pas seules, que nos facilités ne doivent pas être gagnées au détriment des pays pauvres et que ce qui est vrai chez nous ne l'est pas obligatoirement ailleurs.

L'energie c'est un moyen, ce n'est pas une fin en soi.

Elle est à replacer dans le contexte de développement d'une société.

L'ouverture à la concurrence partielle de l'électricité induira des changements, mais ce n'est qu'une partie de la problématique énergétique.

Plus que jamais l'approche pragmatique doit s'imposer, en fixant des caps réalistes et des choix qui ne soient pas le fruit de marchandages électoralistes. Le gouvernement qui semble donner comme on le fait pour les enfants qui ne veulent pas manger, une cuillère pour Paul, une cuillère pour Daniel, une cuillère pour Dominique, une cuillère pour Robert (Sourires) devrait se souvenir de cette maxime : « Il n'y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, ce débat sur la politique énergétique de la France doit être l'occasion de préciser les choix énergétiques de notre pays que certaines décisions contestées ont rendu moins lisibles. Il est aussi le moment de réaffirmer que la puissance publique doit garder la maîtrise de ces décisions. La nécessaire intervention publique doit se faire dans la transparence et le respect de la démocratie.

C'est pourquoi notre débat est, je l'espère, le premier pas vers un rôle plus important du Parlement sur le sujet.

Evidemment, notre commission est décidée à participer à ce contrôle du Parlement. Ce souci va de pair avec la nécessité d'une meilleure prise en compte des aspirations de la société dans son ensemble. Toute opacité doit laisser la place au dialogue et à la transparence.

La dépendance de l'homme envers l'énergie en fait un bien spécifique. L'énergie est et restera une condition essentielle du développement. Cet aspect stratégique explique que les notions de sécurité d'approvisionnement, d'indépendance énergétique et d'accès égal pour tous à l'électricité gardent toutes leur validité à l'aube du

XXIe siècle.

La question du droit à l'énergie se pose aujourd'hui de façon planétaire. L'inégalité de l'accès à l'énergie d ans le monde et en France même est frappante. Le développement, la croissance démographique et industrielle des pays du tiers monde devraient réduire ces disparités.

Mais, pour cela, il faut un changement radical dans les relations internationales. Le codéveloppement indispensable à l'humanité doit être plus qu'un thème de discours, il doit se traduire par des actes.

M. François Asensi.

Très bien !

M. André Lajoinie, président de la commission.

La nécessaire augmentation des besoins énergétiques mondiaux va se confronter au caractère limité des ressources fossiles disponibles et à la perspective d'un changement climatique induit par la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Cette contradiction dessine une problématique de portée universelle que retrace la notion de développement durable. Elle implique une approche politique nouvelle fondée sur l'intérêt général et ouvrant la voie à l'avènement d'une forme de mission de service public mondial.

Dans cet esprit, à la conférence de Kyoto, l'accord s'est fait sur une réduction globale de 5 % des rejets de gaz à effet de serre à l'horizon 2010 par rapport au niveau de 1990. L'Union européenne s'est engagée à réduire ses émissions de 8 %. C'est un objectif ambitieux qui va dans le bon sens. Mais aujourd'hui la prise de conscience doit se traduire par des actes. Tel n'est pas le cas.

C'est en prenant en compte la dimension mondiale et de long terme de la question ainsi que les besoins spécifiques de notre pays, qu'il faut définir la politique énergétique de la France. La recherche d'une relative indépend ance énergétique nationale, d'une sécurité d'approvisionnement, d'une stabilité de ses coûts, la préservation des ressources naturelles et le souci de la protection de l'environnement sont quelques-uns des critères qui doivent guider une politique française de l'énergie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

L'énergie idéale n'existe pas.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Bien sûr !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Il faut le dire sous peine de créer des illusions et des risques. Il convient donc de maintenir un équilibre entre les diverses sources et d'inciter aux économies d'énergie. La structure actuelle de la consommation d'énergie primaire laisse apparaître que les énergies fossiles représentent 60 % du total de l'énergie consommée, la part du nucléaire et de l'hydraulique est de 38 %, contre 2 % seulement pour les énergies renouvelables.

Ces résultats permettent à la France d'être, parmi les pays industrialisés, un de ceux qui contribuent le moins aux émissions de gaz à effet de serre. Ils n'exonèrent pas pour autant notre pays d'efforts supplémentaires. Ceux-ci sont d'ailleurs indispensables pour stabiliser nos émissions à leur niveau de 1990, comme nous nous y sommes engagés, et, éventuellement même, pour tenter de les réduire.

Dans l'état actuel des connaissances, les énergies fossiles sont incontournables. Il faut veiller cependant à ce que leur utilisation se fasse avec des technologies économes et propres réduisant le plus possible les émissions. Mais, même avec des technologies nouvelles, brûler ces énergies reste une contribution au rejet de gaz carbonique. Il serait donc dangereux de vouloir substituer ces ressources à celles, non émettrices, utilisées pour la production d'électricité.

Par ailleurs, la production d'électricité mobilise en France moins de la moitié du total de l'énergie primaire consommée. Elle est, de plus, très faiblement contributive au rejet de gaz à effet de serre grâce à l'utilisation massive du nucléaire et, dans une moindre mesure, de l'hydraulique.

Les efforts sont donc à concentrer sur les secteurs consommateurs d'énergies et fortement émetteurs de CO 2 . Les activités industrielles, de transport et celles dites de tertiaires-résidentiel doivent être mises à contribution pour économiser l'énergie et réduire les émissions. Dans le secteur des transports, par exemple, des investissements conséquents sont nécessaires en faveur du rail, du fluvial, du maritime et des transports en commun.

Je pense, pour ma part, que l'enjeu principal sur les plans de l'environnement et de la sécurité pour un pays comme la France, principalement concerné dans l'Union européenne par le transit des poids lourds, consiste à faire en sorte que le transport de fret quitte la route pour le ferroviaire. C'est un objectif essentiel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Guy Hascoët.

Très bien !

Mme Michèle Rivasi.

Tout à fait !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Une attention particulière doit être portée au développement des énergies renouvelables. A cet égard, une mutualisation des efforts de recherche dans ces domaines est nécessaire.

Il y a trop à faire, en effet, pour s'en tenir à des actions individuelles.

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Le solaire t hermique et photovoltaïque, l'éolien, la géothermie qu'on oublie trop souvent, la biomasse, les piles à combustible, doivent trouver une place plus importante qu'aujourd'hui dans la consommation française. Elles sont susceptibles de satisfaire des besoins spécifiques, même si, dans l'état actuel de nos connaissances, elles ne peuvent pas répondre à des demandes massives, tout au moins pour le moment.

Face aux enjeux environnementaux mondiaux, l'énergie nucléaire est donc indispensable. C'est une chance puisqu'elle ne contribue pas à l'effet de serre. Il faut la conserver et l'améliorer. Notre pays doit commencer à renouveler son parc nucléaire à partir des années 2010.

Compte tenu de la durée de construction d'une centrale, c'est maintenant qu'il faut prendre des décisions. Le projet franco-allemand EPR est prêt. La construction, au début du prochain siècle, d'un prototype de ces nouvelles centrales, plus sûres, permettrait d'engager le mouvement.

M. Yves Cochet.

Les Allemands ne veulent pas !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Ce n'est pas un argument !

M. Franck Borotra.

Eh oui, il faut quand même le faire, monsieur Cochet !

Mme Michèle Rivasi.

On ne pourra pas le payer !

M. André Lajoinie, président de la commission.

La firme Siemens est d'accord, son P-DG vient de le réaffirmer.

M. Jean-Yves Le Déaut.

Absolument !

M. Yves Cochet.

Le Gouvernement allemand ne veut pas EPR sur son territoire !

M. Christian Paul.

Nous le construirons sur le nôtre !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Je rappelle qu'il s'agit d'une coopération entre industriels. Ce n'est pas le gouvernement allemand qui est concerné.

Vous devriez être mieux informés !

M. Jean-Yves Le Déaut.

Très bien !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Par ailleurs, il semble nécessaire de rechercher dans la coopération avec les pays en voie de développement, les moyens de leur permettre d'accéder à la maîtrise de l'énergie nucléaire. Il n'y a rien - et je tiens à le souligner - qui puisse justifier que le nucléaire doive rester l'apanage des pays développés.

M. Georges Sarre.

Très bien !

M. André Lajoinie, président de la commission.

C'est une conception colonialiste que je ne peux accepter.

M me Michèle Rivasi.

Mais on risque l'accident majeur !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Votre position est un peu raciste, madame Rivasi ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Michèle Rivasi.

Pas du tout !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Comment pouvez-vous dire que seuls les pays développés sont capables de maîtriser l'énergie nucléaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Georges Sarre.

Très bien !

Mme Michèle Rivasi.

Il faut de l'argent pour le nucléaire ! C'est trop dangereux !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

M. le président.

Je vous en prie, madame, n'interrompez pas M. Lajoinie.

Poursuivez, monsieur le président Lajoinie.

M. André Lajoinie, président de la commission.

Le nucléaire doit garder une place considérable dans un approvisionnement énergétique diversifié. Toutefois, il ne faut pas nier ses inconvénients et ses limites - j'ai dit qu'il n'y avait pas d'énergie idéale. Le nucléaire nécessite un très haut niveau de sécurité et génère des déchets dont, pour certains, la durée de vie dépasse l'horizon des prévisions humaines. Occulter ces données revient à c onforter les positions des adversaires de l'énergie nucléaire.

La question des déchets est cruciale. Elle cristallise beaucoup de craintes et d'inquiétudes en partie justifiées.

Le Parlement statuera en 2006 sur les solutions appropriées. Il faut, d'ici là, que l'ensemble des pistes d'études proposées par la loi dite Bataille soient poursuivies.

L'exigence d'une réversibilité du stockage, préservant la possibilité d'un retraitement des déchets, en fonction des progrès des sciences, doit être entendue. Je me félicite à ce propos des décisions récentes du Gouvernement d'inscrire son action dans une logique de réversibilité et d'engager la création de deux laboratoires souterrains indispensables à la poursuite des études.

M. Yves Cochet.

Deux de trop !

M. André Lajoinie, président de la commission.

S'agissant des déchets, après d'autres orateurs, je tiens à affirmer qu'il serait inadmissible que la décision du gouvernement allemand - qui est tout à fait légitime, souveraine - d'interdire leur retraitement en France entraîne des licenciements massifs à la COGEMA sans aucune indemnisation, et que même le rapatriement des stocks de La Hague soit remis à plus tard sous prétexte de l'opposition de tel ou tel Land. Nous sommes en train de nous faire berner dans cette affaire. Monsieur le secrétaire d'Etat, je sais que vous avez déjà été ferme mais il faudra l'être plus encore.

Par ailleurs, la particularité du nucléaire impose la présence d'un personnel hautement qualifié. Le recours à la sous-traitance, à l'intérim ainsi que, d'une façon générale, l a recherche d'une rentabilité financière rapide est inconciliable avec ces exigences. Ainsi, le caractère public des établissements d'exploitation de la filière nucléaire est une condition nécessaire pour assurer la sécurité de la filière.

La même remarque vaut en matière de transparence.

Mais, malheureusement, l'expérience montre que, dans ce cas, cette condition n'est pas suffisante. Il s'est développé, en effet, dans ce secteur, malgré les capacités éminentes des personnels, une culture du secret par crainte des réactions de la population face à des problèmes qui ne sont pas simples.

Cette culture a nourri le sentiment que l'on cache la vérité. Malgré les améliorations, le déficit de confiance demeure et il est la plus importante menace pour le maintien de cette option énergétique. Il est indispensable, dans ces conditions, de donner à l'ensemble de la population des garanties sur la qualité des contrôles et sur la crédibilité de l'information.

Des dispositions vont être prises. Tout ce qui sera fait en ce sens aura notre appui.

Pour finir, je souhaite évoquer rapidement les modifications du cadre institutionnel imposées par la volonté de l'Union européenne de déréglementer les marchés de l'électricité et du gaz. Cette perspective s'inscrit dans le c adre des conceptions libérales considérant l'énergie comme un bien économique dont les marchés peuvent assurer l'affectation.

De telles conceptions ne m'apparaissent pas capables de respecter l'équilibre indispensable dans l'utilisation des énergies. Sous leurs effets, nous pouvons craindre une accentuation de la prédominance actuelle des gaz à effet d e serre dans la consommation primaire française.

L'exemple de la Grande-Bretagne l'accrédite.

Les conséquences d'un tel scénario, compte tenu des réserves limitées en hydrocarbures, seraient de générer une dépendance de notre pays vis-à-vis des principaux pays producteurs et une rente de situation pour les quelque groupes pétro-gaziers internationaux maîtres de ce marché. Cela n'apporte pas les garanties d'approvisionnement durable ni celles d'un service public de qualité égale pour tous, puisqu'il serait fragilisé par les pratiques « d'écrémage » des groupes privés.

Ces éléments confirment que le respect de l'intérêt général en France et dans le monde impose une forte maîtrise démocratique des politiques énergétiques, pour garantir un approvisionnement diversifié respectant l'environnement et les moyens nécessaires pour développer le service public de l'électricité et du gaz. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

On peut s'interroger sur les raisons de l'effervescence médiatique à propos des problèmes d'énergie puisque la situation des pays occidentaux a rarement été aussi favorable sur le plan de l'approvisionnement en énergie.

La situation énergétique dans les pays économiquement développés se caractérise en effet par une grande abondance de l'offre pour toutes les formes d'énergie, par des prix extrêmement bas et par une relative stabilité technologique, aucune innovation fondamentale ne se profilant dans un avenir prévisible.

L'euphorie actuelle ne doit cependant pas faire illusion, cette conjoncture ne durera pas éternellement. Une reprise économique soutenue, en particulier dans les pays émergents, pourrait accélérer les tensions qui, de toute façon, se produiront un jour ou l'autre et qui conduiront à une raréfaction de l'offre et à une augmentation des prix du pétrole. Le contexte géopolitique risque en effet de se modifier considérablement d'ici une ou deux décennies.

Il ne faut pas oublier non plus que la répartition tout à fait inégale des ressources énergétiques dans le monde peut à tout moment conduire à une crise mondiale, les pays riches ne pouvant pas continuer impunément à surconsommer une énergie qui fait défaut à la grande masse des peuples du tiers monde.

De toute manière, les ressources en énergie fossile ne sont pas inépuisables, cela est en particulier indéniable pour le pétrole. Si comme l'a estimé le dernier congrès mondial de l'énergie, la consommation d'énergie devait augmenter de 50 % dans les vingt prochaines années, des sommes colossales devront être engagées pour développer des gisements nouveaux, et les prix s'envoleront.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

De plus, toutes ces prévisions ne tiennent bien entendu pas compte des bouleversements géopolitiques qui pourraient affecter certaines sources, car il ne faut pas oublier que les principales ressources en pétrole et en gaz sont situées dans des régions politiquement instables.

M. Yves Cochet.

On fait même la guerre pour ça !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

Il nous faut donc rester vigilants et ne pas céder à l'euphorie ambiante qui règne chez certains de nos voisins pour lesquels le concept d'indépendance énergétique apparaît parfois comme une lubie spécifiquement française. L'indépendance énergétique doit être assurée, aujourd'hui plus encore qu'hier. L'Allemagne risque de s'en apercevoir bientôt.

Nous devons dès maintenant, et justement parce que nous sommes dans une période favorable, nous interroger sur ce que sera la politique de l'énergie au siècle prochain.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a contribué depuis sa création à préparer a réflexion du Parlement dans le domaine de l'énergie. Je dois citer mes collègues - Claude Bizaux, Christian Bataille, Robert Galley et Michèle Rivasi - qui se consacrent au sein de l'Office à la prospective dans le domaine énergétique. Moi-même, j'ai contribué en 1992 à ses travaux.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

L'Office ne s'est pas limité aux seuls problèmes de l'énergie nucléaire. Nous nous sommes aussi intéressés aux formes plus classiques de production d'énergie, que ce soit sous l'angle de la prévention de la pollution atmosphérique ou de l'accès aux ressources.

L'abondance actuelle de l'énergie et son faible coût relatif ne doivent pas nous faire négliger la recherche.

Deux axes importants se dégagent en ce qui concerne la recherche.

Premier axe, les économies d'énergie. C'est effectivement un gisement important, cela a été indiqué par François Hollande tout à l'heure. Il faut encourager la recherche en faveur de l'efficacité énergétique accrue.

C'est surtout vrai pour les particuliers pour lesquels l'information ne circule pas assez et qui ne respectent pas dans une proportion très élevée - près des deux tiers - l es règles d'isolation élementaires pour les constructions neuves. Je ne parle pas des bâtiments officiels qui sont loin de donner l'exemple.

Le deuxième axe de recherche à encourager concerne les énergies renouvelables. En la matière, un effort a été accompli cette année par le Gouvernement mais il reste beaucoup à faire.

Cela étant, il ne faut pas attendre des énergies renouvelables plus que ce qu'elles peuvent nous donner. A M. Hascoët, qui estime que la raréfaction des sources d'énergie dans les prochaines années pourrait être compensée grâce aux énergies renouvelables, je rappelle que la Suède, malgré le moratoire décidé depuis dix-neuf ans, n'a toujours pas réussi a vraiment développer leur utilisation. Leur taux n'est passé que de 1 à 2 % de la satisfaction de la demande énergétique suédoise.

Dans ce domaine, aucune innovation technologique suffisante ne se profile, ce qui ne signifie pas qu'il faille baisser la garde. Il faut, au contraire, poursuivre les recherches dans ce domaine. Comme M. Lajoinie, je suis favorable à leur développement notamment sur la pile à combustible, qui est une méthode d'avenir même si elle coûte encore très cher.

Le troisième axe est le solaire. L'amélioration du rendement des cellules photovoltaïques constitue certainement l'une des pistes les plus intéressantes pour obtenir une énergie renouvelable parce qu'il n'y a pas de problème pour l'environnement, ce qui n'est pas le cas pour la totalité des éoliennes ou pour toutes les énergies provenant des bio-carburants.

Pour exporter les technologies françaises, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut être présent dans tous les segments de la demande et pas uniquement sur le nucléaire où les contrats sont importants mais rares. Je pense notamment au charbon que nous devons préserver en tant que source d'approvisionnement complémentaire, notamment pour les heures de pointe. Il convient notamment de travailler sur les techniques propres de charbon à lit fluidisé. Vous l'avez d'ailleurs souligné dans votre intervention.

Il faut également développer les turbines à gaz, surtout quand elles sont associées à des systèmes de cogénération à condition que les règles de co-génération, surtout financières soient les mêmes pour tous. Or tel n'est malheureusement pas encore le cas aujourd'hui. Je suis d'ailleurs favorable à la construction d'une centrale à cycle combiné, tout près des gazoducs, par exemple en Lorraine, monsieur le secrétaire d'Etat. (Rires.) Cela permettrait de réaliser, dans ce domaine, une expérimentation intéressante.

L'effort de recherche devra également porter sur le nucléaire. En l'occurrence je suis en désaccord avec certains d'entre vous. En effet, comment peut-on, de manière idéologique, dire qu'il ne faut plus faire de recherches sur le nucléaire ?

M. Yves Cochet.

Nous n'avons jamais dit ça !

Mme Michèle Rivasi.

Ce n'est pas ce qui a été dit !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

J'ai bien entendu hier, M. Mamère.

En revanche, je partage l'avis selon lequel il convient de continuer à travailler sur le réacteur EPR et sur les réacteurs à sûreté dit intrinsèque. Fabriqués en collabor ation avec d'autres pays, ils sont, en effet, constitués de matériaux réfractaires servant de matrice au combustible.

De même, la voie des réacteurs à neutrons rapides doit continuer à faire l'objet d'études approfondies.

M. Robert Galley.

Merci !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office. Cette voie est seule de nature à permettre, conformément à la loi Bataile, une valorisation optimale des réserves d'uranium en éliminant ce qui est radioactif.

M. Yves Cochet.

La transmutation par surgénérateur est un rêve d'alchimiste !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

Ce n'est pas seulement un rêve. Certes, la recherche est fondée sur le rêve, monsieur Cochet, mais pour que le rêve devienne réalité, il faut développer la recherche.

M. Yves Cochet.

Votre rêve coûte cher !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office. Il ne faut pas être atteint du syndrome de Galilée ! La recherche doit continuer.

Dans l'état actuel de nos connaissances, il faut bien admettre, comme cela a été souligné lors du congrès mondial de l'énergie, que la seule alternative crédible aux


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énergies fossiles, en attendant de nouvelles découvertes qui rendraient les énergies renouvelables compétitives, est le nucléaire.

Sans m'étendre sur ce sujet, je vous encourage à lire un article paru en octobre 1998 dans la revue Nature sous la signature de M. Hoffert, dont la principale conclusion est que, pour stabiliser la concentration de CO 2 à un niveau deux fois supérieur à celui de l'âge préindustriel, il sera nécessaire de recourir massivement aux sources d'énergie sans carbone comme le solaire, l'éolien et aussi le nucléaire.

Cela étant, il est indispensable que la transparence et la démocratie règnent également dans ce domaine.

Mme Michèle Rivasi.

Il faut réajuster nos choix, ce qui n'est pas le cas !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

M. Borotra a mal compris ce que serait l'autorité indépendante.

Dans le rapport que j'ai remis au Premier ministre sur ce sujet, et qui a été transmis à M. le secrétaire d'Etat, je souligne en effet que l'Etat ne doit pas abandonner ce qui relève de son domaine régalien. Tel est le cas des grandes décisions relatives au nucléaire et de la gestion des crises. En revanche, dès que les règles ont été fixées, elles doivent être appliquées le plus vite possible en évitant toute pression, notamment des industriels, et tout recouvrement de décision par l'administration.

M. Franck Borotra.

L'administration est là pour ça ! Nous avons une conception de l'Etat intransigeante ! Vous, vous doutez d'eux !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

Non, l'administration accomplit bien son travail. Justement, il ne faut pas que des entraves l'en empêchent.

M. Franck Borotra.

Vous y faites entrer des professeurs Nimbus. C'est ainsi qu'on bloque un système !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

Non, on ne bloque pas le système.

M. Franck Borotra.

Faites confiance à l'administration et commandez-la.

M. le président.

Monsieur Borotra, laissez l'orateur poursuivre.

M. Franck Borotra.

Je voulais que M. Le Déaut ne soit pas uniquement contesté par les Verts ! C'est un coup de main que je donne à la majorité plurielle ! (Sourires.)

M. le président.

Monsieur Borotra, seul M. Le Déaut a la parole.

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

Il m'a fait perdre au moins une minute.

(Sourires.)

M. le président.

Ce sera décompté de votre temps de parole.

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

Merci ! Monsieur le secrétaire d'Etat, il est évident que cette autorité indépendante doit englober la sûreté et la radioprotection. En effet, comment admettre, comme on l'a vu l'année dernière pour de vrais ou de faux problèmes, qu'une telle autorité pourrait, à un moment donné, se borner à indiquer que cela ne la concerne pas car tel ou tel problème relèverait d'une autorité de sûreté industrielle ? Chacun doit essayer de garder son calme et il faut refuser cette guerre médiatique qui est en train de polluer le débar sur le nucléaire.

Mme Michèle Rivasi.

Mais non !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

Certes il est indispensable que la transparence soit assurée par les industriels, mais il faut également que les associations respectent certaines règles d'éthique. Ainsi on ne peut pas parler de scoop à propos de la contamination de l'étang de Saclay, alors que l'information a été donnée il y a cinq ans, dans un rapport de l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques réalisé par Claude Birraux.

Mme Michèle Rivasi.

Le problème n'a pas été résolu ! Il faut donc en reparler !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

Vous voyez que je m'adresse à tous les bancs de l'Assemblée.

(Sourires.)

On ne peut pas affirmer haut et fort, au risque de créer des difficultés à une grande entreprise française, qu'il y a de la radioactivité dans la laine de verre...

Mme Michèle Rivasi.

C'est le cas !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

... alors qu'elle en dégage moins que le verre des bouteilles !

Mme Michèle Rivasi.

Cela accroît les déchets radioactifs !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

En conséquence, les Français ne savent plus s'il y a de réels problèmes de radioactivité. Ils sont complètement perdus à cause de certaines déclarations. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste, et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il faut, mes chers collègues, raison garder, en sachant débattre et en faisant prévaloir la transparence.

Mme Michèle Rivasi.

Elle manque souvent !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office.

En fait, cette guerre des communiqués et de rétention d'information cache un conflit commercial entre le nucléaire et le gaz. Alors que les lobbies tentent d'intervenir des deux côtés, il convient d'organiser notre secteur de l'énergie afin d'éviter ces accrochages permanents. Personnellement, je suis favorable à une fusion entre EDF et GDF, pour créer une grande entreprise française de l'électricité et de l'énergie. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Dans le cas contraire, le risque serait grand que l'une de ces deux sociétés soit reprise et devienne un véritable cheval de Troie dans le système énergétique français. Or nous voulons qu'il relève du service public.

Aujourd'hui, l'essentiel est de définir quelles énergies nous voulons utiliser au cours du

XXIe siècle. Devonsnous refuser le nucléaire parce qu'il produit des déchets...

Mme Michèle Rivasi.

On en veut moins !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office. ... et prôner une politique écologique de l'autruche...

M. Yves Cochet.

Pendant vingt-cinq ans vous n'avez pas voulu en parler !

M. le président.

Monsieur Cochet, je vous en prie, laissez M. Le Déaut conclure !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office. ... qui aboutirait à épuiser en deux siècles et demi la totalité des réserves mondiales d'énergie fossile ?


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N'oublions d'ailleurs pas que leur utilisation présente des inconvénients, dont le fameux effet de serre et peut être d'autres que nous ne connaissons pas encore. El Nin o ou le cyclone Mitch ne sont-ils pas des conséquences du réchauffement de l'atmosphère ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Eh oui !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office. Nous devons donc continuer à travailler sur ces sujets, comme l'Office le fait depuis dix ans. Le débat doit se poursuivre, mais il convient que chacun garde son calme.

M. Yves Cochet.

Oui !

Mme Michèle Rivasi.

Calme et sérénité !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office. Il est indispensable de discuter de l'avenir du nucléaire d'une façon sereine, à partir de données objectives et sans se tromper de débat.

Ainsi que François Hollande l'a souligné, nous sommes pour le nucléaire mais pas pour le tout-nucléaire. Le nucléaire restera une source d'énergie pour le

XXIe siècle, dans la transparence et dans la démocratie.

Maîtrisons mieux l'énergie et organisons ensemble un grand service public de l'énergie, car c'est ce qu'attendent nos concitoyens.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe communiste.)

M. Michel Meylan.

Très bien !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le débat a lieu à la tribune et pas dans l'hémicycle.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, mes chers collègues, je dois vous dire, en toute honnêteté intellectuelle, que je n'ai pas l'impression que je vais m'exprimer au nom du groupe RCV tout entier. (Sourires.)

Je crois plutôt que, comme souvent, je parlerai seulement au nom des députés du Mouvement des citoyens. Je ne voudrais pas faire de peine excessive à mes collègues Yves Cochet, Guy Hascoët et d'autres ! Je m'exprimerai en conscience et en raison, car il me semble que, dans ce débat qui vient à un bon moment, il faut faire appel à la raison naturelle, combattre l'irrationnel et se déterminer en fonction de ce que les uns et les autres analysent, comprennent et veulent pour leur pays.

Si la politique énergétique engage des choix industriels et technologiques, elle demeure, avant tout, un enjeu de citoyenneté et d'avenir pour la France. On s'étonne d'avoir à le rappeler, mais la politique publique de l'énergie est au coeur des préoccupations d'une nation libre qui veut garder la maîtrise de son destin. Ce débat doit donc être l'occasion pour la France de réaffirmer son attachement à son indépendance énergétique.

En la matière, je distingue trois principes : l'indépendance nationale, l'intérêt général et la sécurité de l'en vironnement.

Notre pays a fait le choix, dans les années soixante-dix, de se doter d'une filière électro-nucléaire qui demeure une véritable et formidable aventure industrielle, un outil d'indépendance nationale inégalé. Les investissements consentis à l'époque nous permettent de disposer aujourd'hui d'une électricité bon marché.

Faut-il rappeler que près de 80 % de l'électricité produite est d'origine nucléaire et que, par conséquent, la France n'est plus tributaire d'un monde toujours plus instable ? En effet, sommes-nous vraiment à l'abri d'une remontée du prix du pétrole ? Evidemment non ! Comment croire que le gaz constituera toujours une solution de rechange crédible et sûre, alors que nos deux premiers fournisseurs, la Russie et l'Algérie, sont aux prises avec les difficultés que l'on sait ? La vérité est qu'il n'y a pas de politique énergétique européenne, à l'heure où notre partenaire allemand décide unilatéralement de renoncer à la filière nucléaire. La réalité de l'Europe énergétique, c'est, malheureusement, aujourd'hui, le divorce franco-allemand.

Ce que l'on veut imposer à la France sans concertation n'est pas admissible puisqu'il s'agit de la mise en péril de milliers d'emplois dans la filière et d'un manque à gagner de 30 milliards de francs pour ces industries, soit un tiers de ce qu'à coûté le désastre du Crédit Lyonnais. Jugerait-on que le prix payé par la France pour la marche forcée à l'euro n'a pas été suffisant ? Je rappelle que les contrats dénoncés récemment du fait de la décision du gouvernement allemand ont été signés dans le cadre d'un accord international entre la France et l'Allemagne, entériné par un décret du 9 août 1990 garantissant la pérennité du retraitement.

Or les déclarations récentes et abruptes du chancelier allemand, M. Gerhard Schro der, ont a priori fermé la porte à toute négociation sérieuse. Certes, comme vous l'avez annoncé, monsieur Pierret, le retour en Allemagne des déchets retraités est promis. C'est bien le moins ! Evidemment, le contentieux franco-allemand est lourd et complexe. Il ne fait que commencer. Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous assure de notre confiance totale envers le gouvernement de la République française, mais nous attendons qu'il fasse preuve de vigilance et de fermeté. Au travers du résultat final dans le règlement de ce contentieux et au-delà de nos intérêts financiers, ce sont l'image et le rôle de la France dans le monde et en Europe qui sont en jeu.

La France conserve, dans le domaine du nucléaire, des atouts uniques au monde : un réseau de centrales sûres, des personnels hautement qualifiés, un cadre législatif et une stratégie industrielle en matière de retraitement des déchets. Qu'il nous soit permis, à nous aussi, d'emprunter notre Sonderweg énergétique. (Sourires.)

La diversification des sources d'énergie demeure un objectif, mais les perspectives offertes par le sous-sol français en matière d'énergies fossiles comme le gaz et le charbon sont très limitées. Quant à la capacité de croissance de l'énergie d'origine hydraulique, elle est bornée.

Les énergies renouvelables constituent évidemment une piste à suivre. Cependant, je fais observer que, bien qu'elles soient à la mode depuis vingt-cinq ans, elles n'ont pas fait la preuve de leur pertinence.

M. Yves Cochet.

Evidemment, on n'a jamais fait de recherches sérieuses à leur sujet !

M. Georges Sarre.

Par exemple, on ne répond pas, avec des éoliennes, à la nécessité des consommations de longue durée, celles qui nécessitent une production de 6 000 heures par an et qui constituent, dans notre pays, 85 % de la consommation totale !

Mme Michèle Rivasi.

On n'a jamais dit le contraire !

M. Georges Sarre.

En ce qui concerne les capteurs solaires, il n'échappe sans doute pas aux inconditionnels, parmi lesquels je me range, que la France n'est ni la Sicile ni l'Andalousie. Le climat n'y est pas le même !

Mme Michèle Rivasi.

En Guadeloupe et à la Réunion, si !


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M. Georges Sarre.

Deuxième point : la politique énergétique ne s'entend que soumise à l'intérêt général. Or, en République, l'intérêt général n'est pas la simple addition des intérêts particuliers.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

Mme Michèle Rivasi.

C'est un lieu commun !

M. Georges Sarre.

Nous ne laisserons donc pas la politique énergétique de la France s'effacer devant une régulation par le marché présentée comme inéluctable. Il faudra nous en souvenir, mes chers collègues, quand nous débattrons du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. La réaffirmation des principes de péréquation nationale et de la mission de service public d'Electricité de France est une façon de résister au lieu commun qui fait de la concurrence un but en soi.

L'intérêt général nécessite, par définition, que l'on porte une attention particulière à la sécurité de l'environnement alors que le marché, soucieux de rentabilité à court terme, est myope quant à la question cruciale de la solidarité intergénérationnelle.

Le problème se pose en termes crus : l'effet de serre dû aux énergies fossiles traditionnelles que sont le gaz, le fioul et le charbon, n'attend pas. En revanche, nous avons du temps pour mettre au point le retraitement et le stockage des déchets radioactifs. Si nous voulons honorer nos engagements pris lors de la conférence de Kyoto, notre choix est fait.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Absolument !

M. Georges Sarre.

Dans ce domaine, nous avons réalisé, depuis vingt ans, des progrès constants et défini, en 1991, un cadre législatif adéquat pour la question du retraitement et du stockage des déchets de la fission de l'atome.

En ce qui concerne la sécurité et l'information, je rapp elle que, avec mes collègues du Mouvement des citoyens, nous avons déposé une proposition de loi, au mois d'avril 1998, visant à créer une délégation interministérielle aux activités et à la sécurité nucléaires.

La faute a été de ne pas pratiquer systématiquement la transparence.

Mme Michèle Rivasi.

Ah !

M. Georges Sarre.

Ma chère collègue, ce doit être désormais un vrai réflexe conditionné, un réflexe pavlovien.

Mme Michèle Rivasi.

Tout à fait !

M. Georges Sarre.

Ce sera d'ailleurs le meilleur moyen d'en finir avec les peurs.

Enfin, indépendance nationale ne signifie pas fermeture et repli sur soi, bien au contraire. Regardons au-delà des frontières de l'Union européenne : de grands pays en forte croissance économique et démographique comme l'Inde et la Chine se posent aujourd'hui la question de leurs futures orientations de politique énergétique.

Imaginons que ces deux géants du prochain siècle optent pour un développement entièrement lié au charbon : quelles en seraient les conséquences sur l'effet de serre ? Quelle serait notre responsabilité à l'égard des générations futures, si nous donnions l'exemple à ces pays de l'abandon de la filière nucléaire, tout cela en raison de notre soumission au conformisme européocentriste ? Que dire également de la contradiction qui consiste à se soucier en paroles du sort des pays en développement, tout en diabolisant l'énergie nucléaire ?

M. le président.

Il faut conclure, monsieur Sarre !

M. Georges Sarre.

Je vais terminer, monsieur le président.

A rebours de je ne sais quel malthusianisme hypocrite, c'est la vocation et la responsabilité de la France que de coopérer avec des pays comme la Russie ou l'Ukraine, a fin de garantir la sécurité de leurs installations nucléaires.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous le faisons !

M. Georges Sarre.

La politique énergétique de la France est au fondement de l'indépendance nationale ; elle est aussi un exemple pour toute nation soucieuse de son développement et de la limitation de l'effet de serre : elle ne peut et ne doit pas renoncer à son atout nucléaire.

C'est aussi pour les pays en voie de développement l'énergie qui leur permettra d'avoir une croissance soutenue...

Mme Michèle Rivasi.

Trop dangereux !

M. Georges Sarre.

... et donc de se développer et de vivre progressivement comme nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Je déplore tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, l'absence du ministre de l'environnement au banc du Gouvernement. Sa présence, que nous avions réclamée, aurait été pour le moins intéressante.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je représente le Gouvernement, monsieur d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Nous aurions également souhaité que ce débat s'achève par un vote. Cela aurait permis de responsabiliser la majorité plurielle compte tenu de la diversité des positions, voire des contradictions,...

M. François Hollande.

Avec M. Séguin ?

M. François d'Aubert.

... qui ont été exprimées ce matin.

M. Jean-Pierre Brard.

Cela aurait responsabilisé également une Alliance éclatée !

M. François d'Aubert.

J'aborderai trois sujets : d'abord les objectifs en matière d'énergie pour la France, deuxièmement, le maintien de l'option nucléaire et notamment les conditions qui le rendront possible, troisièmement, l'affaire franco-allemande.

On peut définir trois objectifs en matière d'énergie pour la France.

Le premier est de faire profiter les Français, les particuliers comme les entreprises, les grandes entreprises comme les petites, des possibilités et des perspectives de baisse des prix de l'énergie. L'énergie à meilleur marché est à portée de la main. Cela est rendu possible, d'une part, par l'émergence d'un véritable marché de l'énergie et des services qui y sont liés, avec une offre, une demande et des prix de marché et, d'autre part, par une baisse du coût des matières premières liée à la dérégl ementation et à la concurrence qui est inéluctable et nécessaire comme le prouve la prochaine transposition de la directive européenne. A cela près que vous nous proposez une transposition a minima, qui engendrera des discriminations puisque la baisse du prix de l'énergie va être


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réservée à quelques grandes entreprises et que les petites et moyennes entreprises et les particuliers ne pourront pas en profiter immédiatement.

Mme Michèle Rivasi.

Ni les collectivités !

M. François d'Aubert.

Le deuxième objectif est de poursuivre la sécurisation de notre approvisionnement en énergie.

Au lendemain du premier choc pétrolier, il a été décidé de donner à la France une plus grande indépendance énergétique grâce au développement du programme électronucléaire. Les prévisions en matière de consommation d'énergie sont délicates et se sont révélées partiellement erronées. Si on avait su, on aurait probablement construit quelques réacteurs de moins, mais ce n'est pas le moment de le regretter aujourd'hui.

Mme Michèle Rivasi et M. Yves Cochet.

Si !

M. François d'Aubert.

Et s'il y avait eu plus de transparence, on connaîtrait mieux, c'est sûr, les coûts d'investissement et leur répercussion sur le prix du kilowattheure électrique.

Le passage du taux d'indépendance énergétique français de 22,5 % en 1973 à 50 % aujourd'hui, de même que le fait 90 % de la production d'électricité soit d'origine nationale, ont eu certes un coût difficilement mesurable mais, en retour, la production nucléaire a nettement renforcé la compétitivité et l'avantage technologique de la France grâce au coût du kilowattheure qu'il permet d'obtenir et aux exportations, et en vingt ans, la France devenait l'un des rares pays industrialisés dont la production d'électricité ne produit pratiquement pas de gaz carbonique.

Vous venez, monsieur le secrétaire d'Etat, de dire à peu près la même chose que moi en matière de sécurisation. Mais où est la cohérence du Gouvernement et de la majorité plurielle quand le ministre de l'environnement annonce que la France stabilisera ses productions de gaz à effet de serre, ce qui suppose au moins le maintien du nucléaire, et qu'en même temps les amis de Mme Voynet, ici même, demandent l'abandon du nucléaire, l'énergie la moins productrice de CO 2 ? On veut nous faire croire que le nucléaire pollue et qu'il coûte cher. Rappelons simplement à ses détracteurs que, grâce au programme nucléaire, la France est l'un des pays où les normes écologiques sont le mieux et le plus respectées.

Mme Michèle Rivasi.

Pas pour la radioactivité !

M. François d'Aubert.

Les émissions de gaz à effet de serre en France font en effet partie des plus faibles des pays développés. Toutes les centrales thermiques sont de fait plus polluantes que les centrales nucléaires.

Mme Michèle Rivasi.

Et les déchets radioactifs ?

M. François d'Aubert.

Cependant la diversification, plus facile aujourd'hui qu'hier, des sources d'énergie et d'approvisionnements engendrera sans doute dans les années à venir une diminution modérée de la part d'électricité d'origine nucléaire dans votre bilan énergétique.

Nous aurions aimé que vous soyez plus précis, monsieur le secrétaire d'Etat, sur cette diminution que vous avez évoquée tout à l'heure, d'autant que vous appartenez à un g ouvernement qui se dit volontariste. On peut comprendre que des libéraux ne fixent pas de pourcentages. Cela est beaucoup moins compréhensible de la part d'un gouvernement volontariste ! Il faut s'attendre à une diminution de l'approvisionnement d'électricité par le nucléaire, surtout si le prix du gaz continue de baisser.

Il faut cependant rappeler que, si le gaz permet de produire un kilowattheure de plus en plus compétitif par rapport au nucléaire, son prix est évidemment plus sensible aux variations de prix de la matière première et du dollar et sa disponibilité sur une longue période moins garantie du fait de l'instabilité politique et des monopoles d'Etat dans la plupart des pays producteurs.

On se dirige donc vers une sorte de « mixte » énergétique et en même temps, il faut le souligner, vers une modification profonde de ce qu'il est convenu depuis longtemps et par commodité d'appeler une politique énergétique, ce qui a toujours impliqué un certain volontarisme et une omniprésence de l'Etat, alors même que la libéralisation inéluctable et nécessaire du marché de l'énergie, tant à l'échelle mondiale qu'européenne, les feront tous les deux reculer dans les années à venir.

Le troisième objectif, enfin, est de sécuriser à tout point de vue la production d'énergie en France, ce qui implique à la fois une amélioration continue de la sûreté des installations nucléaires en même temps que le choix d'énergies non polluantes et une forte prise en considération de l'environnement et, ce qui est un peu oublié, de la santé publique.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. François d'Aubert.

Pour résumer, il faut un système énergétique à la fois flexible, robuste et sûr, et que tout ceci se fasse dans la transparence scientifique autant qu'économique.

Second point : il faut maintenir l'option nucléaire ouverte. Mais ce point de vue, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut le crédibiliser par des mesures concrètes. Or j'ai bien l'impression que vos partenaires de la majorité plurielle vous empêchent de les prendre. Je vous en donnerai quelques exemples tout à l'heure.

Le nucléaire est une réussite exemplaire d'une filière complète, allant de la recherche fondamentale aux applications concrètes - et réussies - militaires et civiles, d'une filière technologique alliant une multitude de savoir-faire qu'il faut conserver, d'une filière économique performante avec le CEA, Framatome, COGEMA et EDF.

Le nucléaire représente un investissement historique de huit milliards de francs. C'est un atout pour la France, même si les conditions de son utilisation et de son optimisation ont fondamentalement changé depuis quelques années.

Pour maintenir l'option nucléaire ouverte, il y a sept questions auxquelles il faudra apporter des réponses d'ici à 2010 et, pour certaines, dès maintenant.

Il est d'abord urgent de promouvoir une nouvelle génération de réacteurs. Il faut préparer la relève du parc nucléaire actuel qui devra être progressivement, et sans doute pas dans sa totalité, remplacé à partir de 2010.

Curieusement, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vous ai pas entendu évoquer ce matin le projet EPR, qui allie sûreté renforcée et compétitivité accrue. Soulignons que ce projet de nouveau réacteur constitue - c'est l'ironie du moment - un volet particulièrement important de la coopération franco-allemande. Framatome et Siemens ont, en effet, créé une structure commune en avril 1989 chargée de développer ce projet et il ne faudrait pas que l'attitude actuelle du gouvernement allemand pénalise sa concrétisation. De fait, l'EPR est un réacteur grâce auquel la prévention des accidents est améliorée, le rendement de la chaudière augmenté.

Quand allez-vous donner le feu vert pour la construction d'une tête de série de l'EPR ? Le projet est prêt.


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M. Franck Borotra.

Il faut fixer une date !

M. François d'Aubert.

Deuxième question : en plus d'une nouvelle génération de réacteurs il doit être envisagée une seconde perspective, celle d'un nouveau procédé d'enrichissement d'uranium car, en 2010, EURODIF sera devenu obsolète. Là aussi, nous attendons une réponse.

Troisième nécessité : l'amélioration du recyclage du plutonium. Là aussi, gérer efficacement la fin du cycle du combustible nucléaire est essentiel d'un point de vue à la fois économique et écologique. Dès lors, pourquoi une partie de la majorité plurielle, les Verts, relayés par les Verts allemands, s'attaque-t-elle à ce point stratégique du c ycle du combustible nucléaire qui est l'usine de La Hague ?

M. Yves Cochet.

Ce ne sont pas les Verts, c'est le gouvernement allemand !

M. François d'Aubert.

Quatrième question cruciale : il faut appliquer la loi de 1991, la loi Bataille. Deux sites de stockage sont prévus. A ce jour, un seul a été désigné.

Où est le second ?

M. Yves Cochet.

A Laval ! (Sourires.)

M. François d'Aubert.

Quand va-t-il être désigné ? Cinquièmement, il faut gérer sans a priori le démantèlement éventuel des centrales de première génération. Il faut pour cela - je le dis pour les écologistes - avoir une connaissance exacte du coût de ce qu'on appelle le

« retour à l'herbe ». Cela suppose des décisions sur la durée de vie des centrales. Est-ce qu'on les prolonge audelà de vingt-cinq ans, éventuellement jusqu'à quarante a ns ? Cela suppose aussi une réflexion économique compte tenu du coût estimé des reconversions et des d émantèlements : 200 millions selon la Cour des comptes.

Sixième point : il faut de nouvelles normes de radioprotections.

Enfin, il faut mieux connaître et faire baisser le coût du kilowattheure nucléaire.

Ce sont là des questions que tout le monde se pose, mais certaines doivent recevoir une réponse urgente. Or vous n'en donnez pas. Vous affichez une volonté, certes sympathique, mais vous restez dans l'approximation parce qu'une formidable ambiguïté règne dans la majorité qui vous soutient et même à l'intérieur de votre gouvernement.

M. Franck Borotra.

Il est peut-être vite dit que la majorité soutient le Gouvernement.

M. François d'Aubert.

Je voudrais maintenant vous donner mon sentiment sur l'option allemande du zéro nucléaire. Le moins que l'on puisse dire est que votre gouvernement, et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, réagissez avec mollesse et résignation au mauvais coup porté par le gouvernement allemand à la coopération nucléaire franco-allemande et, en fait, à la coopération politique entre les deux Etats, mauvais coup relayé sans retenue par une des composantes de la gauche plurielle et, à l'intérieur même du Gouvernement, par le ministre de l'environnement.

M. Jean-Pierre Brard.

Il faut mobiliser !

M. François d'Aubert.

En cause, il n'y a pas seulement la dénonciation unilatérale, brutale, teintée d'arrogance d'un accord interétatique signé entre la France et l'Allemagne le 25 avril 1990, document ayant valeur de traité en droit international. Il n'y a pas seulement la dénonciation sauvage d'un contrat pouvant entraîner une perte sèche de 30 milliards de francs pour la Cogema et donc pour le contribuable français puisque la Cogema est une entreprise publique. Il n'y a pas seulement une inadmissible mise devant le fait accompli dont semblent se réjouir les Verts de votre majorité plurielle. Il y a aussi, de la part de l'Allemagne, et c'est encore plus grave, une atteinte à l'Etat de droit et au principe de sécurité juridique, une atteinte à ce contrat de confiance implicite qui est le fondement même de la coopération francoallemande et de la construction européenne.

Jamais, en tout cas, on n'a vu une alternance politique devenir le prétexte à la dénonciation d'un accord bilatéral entre deux Etats. Face à cette sorte de nouvelle version du diktat, votre gouvernement, pris de court, reste peu ou prou les bras ballants, sans détermination. On aimerait vous entendre dire, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'instar du gouvernement anglais, à l'instar de l'exploitant de l'usine britannique de retraitement, pourtant potentiellement trois fois moins concerné que la COGEMA, que les contrats doivent être totalement honorés, qu'il n'y a pas à transiger, que le stockage définitif des déchets d'origine allemande à La Hague est tout simplement impossible, et que le contrat qui prévoit un retour de tous les déchets après retraitement doit être respecté.

Face à cette provocation du gouvernement Schro der, le Gouvernement français est sur la défensive, minimisant par votre voix les conséquences pour la France et pour la filière nucléaire de cet acte, ramenant cette incontestable atteinte à l'Etat de droit à une sorte de banal conflit commercial et financier, laissant entendre qu'il suffirait de

« quelques compensations » pour solde de tout compte.

Et vous de présenter, dans la foulée, comme un exploit décisif le fait que les Allemands acceptent que nous continuions d'approvisionner leurs centrales en « mox » fabriqué en France ! Mais cela, est dérisoire, car cela signifie simplement que les Allemands acceptent - c'est une sorte de miracle... - de ne pas dénoncer un second contrat, de ne pas porter une atteinte supplémentaire à l'Etat de droit ! Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement et la majorité plurielle qui le soutient se sont laissés piéger de l'intérieur par la collusion flagrante qui existe entre les Verts français et leurs collègues allemands. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Curieuses attaques quand même que celles qui ont été simultanément portées. Les moyens étaient certes différents mais la cible était la même : l'usine de retraitement de La Hague, le maillon stratégique de la filière nucléaire française.

M. Yves Cochet.

C'est nous qui avons été attaqués à La Hague !

M. François d'Aubert.

Cette fois-ci, M. Cohn-Bendit a dû être très content, en tout cas, de se retrouver entre deux CRS, lui qui les combattait en 68.

M. le président.

Ne vous laissez pas interrompre, monsieur d'Aubert. Il va falloir conclure.

M. Guy Hascoët.

On a encore le droit de visiter des usines en France !

M. François d'Aubert.

Les attaques ciblées contre la Hague viennent à la fois du ministre allemand de l'environnement, un des plus radicaux parmi les Verts d'outre-Rhin, M. Trittin, et de la tête de liste des Verts pour les élections européennes, M. Cohn-Bendit, choisi, il est vrai un peu par hasard, par Mme Voynet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

Quand on entend le même M. Trittin affirmer dans une interview à Libération que le nucléaire en France l'inquiète aussi et qu'il souhaiterait encourager la France à l'abandonner...

Mme Michèle Rivasi.

Mme Lepage disait la même chose.

M. François d'Aubert.

... on se demande au nom de quelle légitimité, de quel droit d'ingérence, de quelle compétence le ministre de l'environnement de M. Schrder se permet de porter de tels jugements sur la sûreté des installations françaises. Et on peut se demander si une sorte d'« internationale écologique » n'est pas en train de dicter purement et simplement sa loi au gouvernement français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Déaut.

Là, vous en faites trop !

M. François d'Aubert.

Votre discours, certes allant et dynamique, en faveur du nucléaire, monsieur le secrétaire d'Etat, cache mal cette emprise des Verts sur la politique énergétique française. Elle est flagrante et décrédibilise l es déclarations du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard.

Sans parler de l'emprise du capital, monsieur d'Aubert. (Sourires.)

M. François d'Aubert.

Même votre majorité plurielle n'en sort pas indemne.

« La pression des Verts allemands sur la France est insupportable. Les Français n'ont pas voté pour la politique nucléaire du chancelier allemand Schrder. Les solutions proposées en Allemagne visant à supprimer le nucléaire ne sont pas sérieuses. » Ces propos, monsieur le

secrétaire d'Etat, ne sont pas de moi, ils sont de Robert Hue, votre allié communiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Franck Borotra et M. Michel Meylan.

Très bien !

M. François d'Aubert.

Ils illustrent pourtant bien le fait que les écologistes tentent de mettre des bâtons dans les roues de notre politique énergétique. J'en veux pour preuve qu'à l'heure actuelle, au-delà de l'affaire du retraitement des déchets, Mme Voynet fait traîner dans son ministère des décisions pourtant importantes portant notamment sur l'utilisation du mox, le fameux combustible recyclé.

Pourquoi, par exemple - c'est une question précise que je vous pose, monsieur le secrétaire d'Etat - le Gouvernem ent tarde-t-il à donner l'autorisation à EDF de

« moxer » comme prévu depuis longtemps certains de ses réacteurs, notamment deux réacteurs à Gravelines et deux au Blayet ?

M. Yves Cochet.

C'est trop cher !

M. François d'Aubert.

Pourquoi le Gouvernement n'at-il toujours pas signé le décret permettant à l'usine melox de la COGEMA de fabriquer le mox pour les Japonais, alors même que le gouvernement japonais a donné son accord pour que les centrales nucléaires japonaises soient « moxées » ?

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur d'Aubert !

M. François d'Aubert.

Je vais conclure, monsieur le président.

Enfin, on attend toujours la désignation du deuxième site du laboratoire de stockage.

M. Yves Cochet.

A Laval !

M. François d'Aubert.

Il a failli être à côté de Laval ! Ces atermoiements, ces hésitations montrent bien votre embarras et l'ambiguïté de votre politique. C'est le talon d'Achille de votre gouvernement.

En conclusion, monsieur le président, je dirai que ce débat était sans doute nécessaire. Nous en attendions des clarifications. Jusqu'à maintenant, elles ne sont vraiment pas venues du Gouvernement. Pourtant le sujet suscite de véritables interrogations.

En réalité, vos propos de tout à l'heure traduisent une impression fâcheuse de flottement et d'ambiguïté de la politique du Gouvernement...

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Oh, c'est incroyable d'entendre ça !

M. Roland Metzinger.

Il vaut mieux flotter que couler !

M. François d'Aubert.

... que la constitution même de la majorité plurielle ne risque pas de lever de sitôt.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ce débat vient à point nommé dans notre calendrier parlementaire. Il précéde, et c'est heureux, d'autres débats spécifiques aux problèmes de l'énergie. C'est un début ; nous pourrons améliorer la formule.

Contrairement à ce que l'on a prétendu, ce n'est pas le premier débat de ce type. J'en ai déjà connu au moins deux dans ma courte histoire de parlementaire : un premier en 1989, à l'initiative du gouvernement auquel appartenait M. Fauroux, un autre en 1994, à l'initiative de M. Barnier.

Je veux rejoindre certains avis pour que, à l'avenir, nous ayons, après discussion, la possibilité de nous prononcer sur une résolution-cadre. Nous ne pouvons guère aller plus loin, dans la mesure où c'est plutôt de lois spécifiques que nous manquons, que de grandes résolutions à tonalité globale.

Encore faut-il ajouter au rôle dévolu au Parlement dans l'exercice de la démocratie le travail réalisé par l'Office - M. Jean-Yves Le Déaut l'a souligné - qui se traduit par de nombreux rapports. C'est ainsi qu'il me fut donné à une époque de conclure, voilà près de dix ans, dans un rapport demandé à l'Office par le Premier ministre d'alors, Michel Rocard, par le triptyque responsabilité, transparence et démocratie. Aussi reviendrai-je brièvement, si vous le voulez bien, sur la transparence et sur la démocratie.

Aujourd'hui encore, bien que nous l'ayons dit depuis des années dans ce parlement, nous pouvons avancer vers davantage de transparence, tant il est vrai que se perpétue une culture du secret, entretenue depuis des décennies dans le domaine de la connaissance et de l'industrie. Si les élus et les populations n'y prenaient garde, on reviendrait vite, c'est mon sentiment, dans les anciennes ornières. C'est un héritage historique ; la transparence, pourtant si vantée, n'entre pas toujours dans les faits, alors qu'elle doit se traduire à divers niveaux.

Commençons par celui de l'enseignement : nos élèves, étudiants, qui dans quelques années seront des usagers comme les autres...

M. Franck Borotra.

Ils ne manquent pas d'énergie ! (Sourires.)

M. Christian Bataille.

... doivent étudier avec autrement plus de sérieux les moyens de fabriquer de l'énergie, de l'électricité. Ainsi pourrons-nous éviter pour l'avenir


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

que la parole ne soit réservée aux démagogues ou aux charlatans qui décrivent les choses de façon pour le moins sommaire.

M. Yves Cochet.

Qui ?

M. Jean-Pierre Brard.

Des noms ! (Sourires.)

M. Christian Bataille.

La transparence enfin doit respecter l'esprit de tolérance. Je suis frappé de constater que, alors que nous avions, par la loi de 1991, ouvert toutes les portes de la recherche, le travail obstiné conduit par certains depuis des années vise justement à refermer toutes ces portes et à empêcher que soient menées les recherches pourtant prévues par la loi votée par le Parlement.

Quelques mots enfin sur la démocratie. Le Parlement peut débattre ; c'est ce que nous faisons. Il peut ensuite débattre avec résolution et voter ; enfin, il peut décider des lois. C'est ce que avons fait une fois, à propos des déchets nucléaires. Mais il existe bien d'autres exigences sur lesquelles nous pouvons réfléchir : la sûreté et la sécurité des centrales, les aspects de la production énergétique autre que l'énergie nucléaire. Les rejets de gaz ou de soufre dans l'atmosphère et l'effet de serre aussi pourraient faire l'objet d'une loi. Certes, une loi sur l'air avait été proposée à l'initiative de Mme Lepage ; mais elle est m alheureusement incomplète, en tout cas dans le domaine de la production massive d'énergie.

Enfin, il n'y a pas que le Parlement : les autres instances territoriales, communes, départements, régions, doivent elles aussi être là et participer au débat. Ce fut le cas pour les déchets nucléaires et pour les laboratoires.

Mais elles ne doivent débattre que pour avis. La France est la France, je l'ai déjà dit, et ne saurait adopter des méthodes de démocratie à la suisse ; faute de quoi, nous ne pourrions plus construire une route, un pont, une voie de chemin de fer ou une centrale nucléaire sans devoir affronter l'obstacle de référendums locaux. Sur les grands sujets d'intérêt national, nous devons respecter la démocratie locale, la consulter, mais sans aller plus loin.

Je terminerai, puisque je vois que vous m'y invitez, monsieur le président, par une dernière remarque sur la nécessité du consensus démocratique pour le long terme, celui-là même que nous avons constaté depuis des décennies en matière de politique de l'énergie. Il met en jeu l'intérêt national et va bien au-delà de l'événement et du quotidien. Cette vision commune doit être privilégiée et les majorités qui ont alterné depuis vingt ans y ont réussi.

Pour ma part, je n'éprouve aucune gêne à saluer la validité des décisions initiales prises en leur temps par le gouvernement de Pierre Messmer, corrigées et ajustées ensuite par les gouvernements qui se sont succédé, de Pierre Mauroy à Jacques Chirac, d'Edouard Balladur à Lionel Jospin. C'est cette continuité qui fait notre force, tant il est vrai que notre politique de l'énergie serait bien faible si elle devait être amendée et réformée au gré des décisions du corps électoral.

M. le président.

Monsieur Bataille, veuillez conclure.

M. Christian Bataille.

Je termine, monsieur le président.

Le débat sur l'énergie ne doit pas devenir un match et un lieu de polémiques privilégiant l'événementiel et le sensationnel et transformant le problème de l'énergie en spectacle ; nous devons choisir d'y mettre plus de raison afin de voir plus loin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Chers collègues, je me permets de vous rappeler qu'à ce rythme, nous risquons d'aller audelà de quatorze heures. Je suis conscient que les orateurs, peut être pas tous, s'attachent à rester concis, mais je vous demande instamment de respecter vos temps de parole.

La parole est à M. Robert Galley.

M. Robert Galley.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la production d'électricité nucléaire de notre pays représente aujourd'hui l'équivalent de 88 millions de tonnes de pétrole, c'est-àdire le tonnage d'un émirat du Moyen-Orient.

A l'office parlementaire, nous avons calculé ce que cela a coûté et nous avons trouvé 485 milliards depuis 1973.

M. Yves Cochet.

Beaucoup plus que cela !

M. Robert Galley.

En contrepartie, monsieur Cochet, nous avons économisé 600 milliards de francs d'exportation. En d'autres termes, non seulement la France a allégé de 88 millions de tonnes le poids de ses importations, mais elle dégage chaque année 25 milliards d'exportations - 12,5 milliards de vente d'électricité et 12,5 milliards de vente de combustibles et de services divers. Cette économie considérable, nous devons en être tous conscient, a en fait créé des dizaines de milliers d'emplois. A une époque où tout le monde parle de l'emploi, la chose mérite d'être soulignée.

M. Yves Cochet.

C'est beaucoup moins !

M. Robert Galley.

En outre, rappelons que la durée de vie de nos réacteurs sera très supérieure à leur durée d'amortissement. Nous pouvons considérer que les réacteurs, même les premiers, du type Fessenheim, auront quarante ans de vie.

Mme Michèle Rivasi.

Pas tous ! Cela mérite d'être vérifié au cas par cas !

M. Robert Galley.

Ils produisent actuellement une électricité à 19 centimes. Lorsqu'ils seront amortis, ce prix de vente pourra être sensiblement abaissé au profit de nos industriels et de la consommation domestique. De surcroît, notre collectivité nationale, par le truchement d'EDF, disposera d'une capacité de financement formidable, de l'ordre de 200 à 300 milliards de francs, pour construire, sur la base de notre parc nucléaire actuel, le système énergétique des cinquante années à venir.

Quelles sont les conditions de la compétitivité ? Depuis six mois, nous avons travaillé très dur sur cette question, dans le cadre de l'office parlementaire, sous l'autorité de M. Le Déaut. Le rapport complet sur la comparaison des coûts de l'électricité devrait sortir dans la première semaine de février, mais, d'ores et déjà, je vous en donne quelques idées.

Le kilowattheure nucléaire était à 19 centimes ; depuis, il a encore baissé. Quelle est la hiérarchie réelle des coûts, compte tenu des nouveaux moyens de production ? Le prix du pétrole s'est effondré, le prix du gaz est également très bas et aucun choc d'approvisionnement n'est à prévoir. En d'autres termes, nous pouvons nous servir des bases actuelles pour établir notre comparaison. Un autre facteur très important tient au fait que, durant cette période, le charbon a fait des progrès considérables : la technique du lit fluidisé, des centrales à cycle combiné avec gaz de charbon a fait chuter dans des proportions formidables le prix de l'électricité.

Comment dresser maintenant une comparaison des prix ? C'est d'abord, me semble-t-il, une question de méthode.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

Rappelons d'entrée de jeu que toutes les méthodes d'évaluation des coûts, qu'elles soient françaises ou étrangères, prennent en compte pour le nucléaire le coût de la gestion des déchets et du démantèlement des installations.

Fort logiquement, les méthodes d'évaluation intègrent les charges correspondantes dans le prix de revient du kilowattheure, alors que, pour les autres énergies, et particulièrement dans le petit livre qui fait l'apologie de la lampe à pétrole...

M. François Guillaume.

Et de la marine à voile !

M. Franck Borotra.

Il devrait s'intituler : « Le nucléaire ou la lampe à pétrole ! »

M. Yves Cochet.

C'est une caricature !

M. Robert Galley.

La lampe à pétrole figure bien dans le titre, je sais lire ! Pour les autres énergies, disais-je, jamais les émissions de CO 2 ni le coût des gaz comme le SO 2 n'ont été prises en compte.

M. Yves Cochet.

Il faudrait prendre en compte le coût du retraitement des déchets nucléaires, et le reste !

Mme Michèle Rivasi.

Et le stockage !

M. Robert Galley.

Je dis très simplement qu'un fait doit être noté dans la détermination, essentielle, du prix de l'électricité : l'extrême disparité des structures de coût de production entre le nucléaire et le gaz.

Le combustible représente 20 % du prix du kilowattheure pour le nucléaire, infiniment plus pour le gaz.

Toute variation du prix du gaz se répercute de plein fouet sur le prix du kilowatt-heure, alors qu'une variation du prix de l'uranium est en fait totalement amortie.

On a parlé, et particulièrement M. le président de la commission, de l'effet de serre. La concentration du CO 2 dans l'atmosphère a été évaluée avec précision. Nous savons que cette concentration était de 200 ppm au moment du dernier maximum glaciaire. Elle se situait à 280 ppm à l'aube de la révolution industrielle ; elle est passée à 315 ppm en 1958 et 358 ppm en 1998. En d'autres termes, mes chers collègues, durant les deux cents dernières années, la concentration en CO 2 dans l'air a augmenté de 80 ppm, c'est-à-dire à un rythme cent fois plus rapide qu'au cours des vingt mille années précédentes. Si les émissions de CO 2 se maintiennent pour le monde à leur niveau 1994, la concentration s'élèvera à 500 ppm à la fin du

XXIe siècle ; on ne sait pas où l'on va. Ce que nous savons en revanche, et l'office parlementaire a tenu hier une réunion avec son conseil scientifique qui l'a approuvé à l'unanimité, c'est que le réchauffement atteint environ un degré centigrade depuis le début du siècle, ce qui est considérable. La rapide augmentation de la concentration en CO 2 dans l'atmosphère va inéluctablement induire des changements climatiques qu'il est impossible aujourd'hui de prévoir.

Il est également évident, cela a déjà été rélevé, q ue les pays en voie de developpement verront inévitablement l eur consommation de CO 2 s'accroître ; il est par conséquent de la responsabilité de tous les pays industriels de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour limiter ce drame qui menace notre planète.

Plusieurs députés du groupe communiste.

Très bien !

M. Robert Galley.

Encore faut-il également prendre en compte ce qu'on appelle l'externalité des coûts. La DG XII de la Commission européenne a entrepris sur ce point une étude très importante pour calculer tous les coûts externes de la production électrique au regard de ses effets sur la santé, les travailleurs, l'environnement.

Les chiffres sont éloquents : le coût externe est de 1,6 centime kilowattheure pour le nucléaire, de 8 centimes pour le charbon et de 1,5 centime pour le gaz. A cela s'ajoute le coût externe des émanations de CO 2 : 2,6 centimes pour le gaz, 6,6 centimes pour le charbon alors qu'il est inexistant pour le kilowattheure d'origine nucléaire.

Mme Michèle Rivasi.

Ce n'est pas possible !

M. Robert Galley.

La conclusion est claire : le nucléaire sera, qu'on le veuille ou non, l'énergie de base pour les cinquante années à venir. Les Japonais l'on compris, qui sont en train de lancer un grand programme de centrales nucléaires, sans oublier naturellement les réacteurs à neutrons rapides. Les Chinois, les Indiens aussi, comme tous les gens du monde industriel, conscients de l'avenir de notre planète.

La France doit reprendre l'initiative. Faute de temps, je me limiterai à deux points. Pour commencer, monsieur le secrétaire d'Etat, pardonnez-moi, mais l'arrêt de Superphénix a été une stupidité.

M. Yves Cochet.

C'est son démarrage qui a été une stupidité !

M. Robert Galley.

Une stupidité, je le répète, considérée à l'aune des réalités de l'énergie. L'épuisement des réserves de pétrole et du gaz interviendra inéluctablement dans quelques dizaines années. C'est un mur dressé devant les générations futures. Le charbon est quant à lui d ans un autre ordre de grandeur, de même que l'uranium.

Monsieur le secrétaire d'Etat, prêtez-moi attention.

Dans quelques jours, les installations de Superphénix commenceront à être démantelées...

Mme Michèle Rivasi.

Très bonne chose !

M. Robert Galley.

... opération extraordinairement coûteuse pour l'Etat et pour nous tous. Prenez rapidement la décision de mettre Superphénix sous cocon. Vous gagnerez beaucoup d'argent et au moins vous n'insulterez pas l'avenir.

M. Claude Gatignol.

Très bien ! Ce serait la sagesse.

M. Robert Galley.

Maintenant que Superphénix est arrêté, il faut savoir ce que nous voulons faire. Pour commencer, comme l'a dit excellemment M. Borotra, il faut que nous menions des expériences à grande échelle en matière de cycles combinés et de turbines à gaz de grande puissance. Ainsi, nous ne compromettrons pas notre structure de base et nous donnerons aux industries françaises la possibilité d'exporter leur savoir-faire.

Il faut également, monsieur le secrétaire d'Etat, que, malgré les menaces que nous avons entendues au sein même de votre Gouvernement,...

M. Yves Cochet.

Il n'y a pas de menace !

M. Robert Galley.

... vous preniez le plus vite possible la décision de lancer l'EPR. Pourquoi ? Parce qu'il faudra sept ans pour faire l'EPR, et trois ans de fonctionnement pour le tester. En 2010, quand se posera le problème du remplacement de Fessenheim, nous devrons disposer d'un prototye qui marche et d'une période d'exploitation suffisamment longue pour être à même de porter notre jugement final.

M. Franck Borotra.

M. le secrétaire d'Etat va nous donner une date dans sa réponse !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

M. Robert Galley.

Je terminerai par quelques mots sur les déchets. Ce fut, vous le savez, de ma responsabilité, puisque c'est moi qui ai lancé la construction de La Hague.

Mme Michèle Rivasi.

Alors là, cela n'a pas été une réussite !

M. Christian Jacob.

Mais si !

M. Robert Galley.

A en croire la presse et les autres sources d'informations, les dirigeants et ingénieurs de La Hague seraient responsables du fait que les déchets allemands ne sont pas partis. C'est totalement faux. Des piles de demandes de renvoi de ces déchets s'accumulent sur la table du Gouvernement et celui-ci ne doit pas se défausser de sa responsabilité.

Mme Michèle Rivasi.

Mais pourquoi n'avez-vous rien fait ?

M. Robert Galley.

Des élections législatives surviennent-elles en Allemagne ? On demande à la Cogema de rester tranquille. Ensuite vient la visite de M. Jospin au Japon : pas question de faire ceci ou cela...

M. Franck Borotra.

Et après, il y a les élections européennes !

M. Robert Galley.

Que le Gouvernement dise enfin clairement que cela relève de sa responsabilité, et tout ira pour le mieux.

Je conclus, monsieur le président, en vous remerciant de m'avoir accordé quelques minutes supplémentaires.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Cacheux.

Il y a des favorisés ?

M. Robert Galley.

En lançant la construction de l'usine de séparation isotopique de Pierrelatte, le général de Gaulle voulait nous donner l'uranium 235 pour assurer l'indépendance militaire de la France. Il nous a donné de surcroît l'indépendance énergétique. N'oublions pas sa leçon. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je ne vous ai accordé que quelques secondes, monsieur Galley ! (Sourires).

La parole est à M. Roger Meï.

M. Roger Meï.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous nous félicitons que ce débat, réclamé par le groupe communiste depuis plus d'un an, ait enfin lieu. Il est très intéressant. Aujourd'hui comme hier, dans le pays, les travailleurs du secteur énergétique y participent aussi. Je les salue.

Je vous rappelle tout d'abord qu'énergie et environnement sont les deux aspects d'un même problème. La France jouit d'un bilan flatteur, la conférence de Kyoto l'a reconnu, parce que notre pays a su, à long terme, sous tous les gouvernements, je le souligne, mettre en place une politique d'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire.

Une politique de l'énergie électrique doit être définie à long terme, s'appuyer essentiellement sur le nucléaire, laissant le gaz et le pétrole pour des utilisations plus nobles, dans le transport et la chimie, par exemple.

L'énergie nucléaire est propre, maîtrisée, et le problème des déchets est en passe d'être résolu. Des risques ? Il y en a bien sûr pour les travailleurs, pour les populations voisines des sites et au-delà. J'ai visité Superphénix, l'usine de La Hague, dont je salue les travailleurs. Si on avait pris autant de précautions dans les autres secteurs d'activité comme les mines, la chimie ou le bâtiment, combien d'ouvriers auraient échappé aux maladies professionnelles, aux accidents qui font chaque année des centaines de morts, qui mutilent des milliers de personnes ! Une campagne permanente est menée par les adversaires du nucléaire sur les risques de contamination, de cancer. Je remarque en passant que jamais personne n'évoque l'énergie nucléaire militaire, ni le risque de voir se multiplier le nombre des pays détenteurs de la bombe atomique.

En ce domaine du risque, il faut être responsable, plusieurs orateurs l'ont dit avant moi. Chaque année, en France, se produisent plusieurs Tchernobyl avec le décès de 60 000 personnes tuées par des cancers dus à la consommation abusive de tabac sans que cela émeuve grand monde. Combien de morts, de mutilations dues aux accidents de la route ? Combien de victimes de la pollution due aux gaz d'échappement des véhicules ? Et je pourrais continuer.

Il faut tout dire et faire des comparaisons. Le risque de contamination, d'accident nucléaire est réel. Il faut tout faire pour le diminuer. Le risque est encore plus élevé dans d'autres secteurs industriels. Et - pourquoi le taire ? -, s'il y a un rapport entre cancer et nucléaire, il est dans les hôpitaux où, grâce à la chimiothérapie, on soigne, on guérit des milliers de personnes. Il est dans les hôpitaux où le nucléaire - rayons X, IRM - est l'auxiliaire privilégié de la médecine. Jamais, jamais, on n'en dit mot, et pour cause.

On n'a pas le droit d'ignorer l'effet de serre - Robert Galley l'a évoqué -, d'hypothéquer l'avenir de la planète en laissant croître la température de l'atmosphère avec l'augmentation d'émission de CO 2 entraînant des effets climatiques catastrophiques, la fonte des glaces, la dilatation des océans, avec ce que cela signifierait dans telle ou telle partie du monde. D'ailleurs les signes précurseurs ne se font-ils pas sentir aujourd'hui ? Le problème le plus grave, le plus difficile, demeure celui de l'élimination des déchets radioactifs.

L'arrêt de Superphénix, instrument incomparable pour la recherche sur la transmutation, est une faute. Nous avions pris une avance considérable en matière de centrales nucléaires de nouvelle génération comme pour l'utilisation des déchets. Avec cette décision, prise sans concertation, toute la filière nucléaire française a été ébranlée. Nous l'avions dénoncée en son temps.

Plutôt que d'enfouir les déchets, mieux vaut les utiliser dans l'EPR, que l'on décidera de construire prochainement - nous l'espérons -, les utiliser à travers la surgéné ration pour ne mettre en confinement que ce qui ne peut être utilisé. Nous félicitons le Gouvernement d'avoir pris une décision à propos des laboratoires en surface et subsurface, en y ajoutant le principe de précaution, c'est-àd ire la possibilité permanente d'aller rechercher les déchets.

Je profite de l'occasion pour réaffirmer notre soutien à toute la filière nucléaire, de la recherche au traitement, piliers de notre politique énergétique électrique.

La politique française en matière énergétique doit développer l'utilisation des énergies renouvelables, les économies d'énergie, tout en connaissant les limites économiques et environnementales.

Patrick Malavieille et moi, en tant que députés de bassins miniers encore en activité, comme peut-être d'autres dans cet hémicycle, nous appelons le Gouvernement à


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remettre en cause la politique charbonnière française, arrêtée à des calculs d'entreprise. Le charbon est une énergie d'avenir, utilisable pendant plusieurs siècles.

Au moment où l'on parle d'aménagement du territoire, de développement durable, on ferme les mines qui sont souvent le seul pôle économique dont vivent les bassins miniers, laissant exsangues des régions entières. Au contraire, on accentue les difficultés en mettant à la retraite, sans solution de remplacement, des hommes jeunes, disponibles pour le marché du travail au noir, sans jeu de mots. La fermeture de nos mines coûtera 105 milliards de francs - un Crédit Lyonnais ! - aux contribuables. Cela coûterait moins cher de les maintenir en activité. Nous reprenons notre proposition de prolonger de cinq ans l'activité charbonnière, comme ont su le faire les travaillistes anglais.

En ce moment, dans nos bassins miniers du Sud, les mineurs sont en action. Nous soutenons leur lutte.

Dans quelques semaines viendra au Parlement le débat sur l'application des directives de Bruxelles sur l'électricité. Nous ne pouvons imaginer que l'Assemblée nationale puisse porter un coup fatal au magnifique outil que s'est forgé la nation à travers EDF-GDF, qu'elle puisse mettre à mal le patrimoine exceptionnel que nous envie le monde entier.

Allons-nous accepter que la loi du marché, du marché capitaliste, puisse dans un premier temps jouer sur la partie la plus rentable des consommations électriques pour aller dans les dix ans vers la déréglementation totale et probablement vers la privatisation d'EDF-GDF. M. le secrétaire d'Etat est d'ailleurs déjà favorable à la péné tration du capital privé dans GDF.

Les prix du pétrole et du gaz sont au plus bas. La surproduction de gaz, son prix, les facilités d'exploitation dans les centrales attisent les convoitises des producteurs privés. Il est d'ailleurs amusant et instructif de lire dans le journal de Vivendi tous les arguments antinucléaires, les arguments environnementaux qu'on a plus l'habitude d'entendre dans d'autres bouches, mais M. Cochet est parti... Notre pays serait imprudent de s'engager dans cette voie. Tout le monde connaît la fragilité des marchés de l'énergie, soumis aux crises politico-économiques, et la limite des réserves.

Je m'adresse à mes collègues de la majorité plurielle.

Alors que nous avons toujours défendu, depuis le Conseil national de la Résistance, notre service public EDF-GDF, nous, dont c'est la culture, allons-nous prendre la décision lourde, historique, d'ouvrir au capital le marché électrique et d'ouvrir à plus ou moins long terme des perspectives de privatisation ? En décembre 1996, nos collègues socialistes déposaient sous la signature de Christian Bataille et de Ségolène Royal un projet de résolution s'opposant à l'application des directives européennes, projet avec lequel nous étions d'accord. Serons-nous fidèles à cette résolution, à cet engagement ? On peut se battre à Bruxelles pour que soit reconnue la spécificité française. De récents arrêts de la Cour européenne de justice, le 23 octobre 1997 notamment, nous confortent dans cette position. C'est ce que le groupe communiste proposera.

A propos de déréglementation, permettez-nous de vous dire, après une mission en Angleterre, que les usagers anglais n'en ont pas beaucoup profité, contrairement aux investisseurs et aux fonds de pension américains.

En conclusion, la France doit conserver la maîtrise de son système électrique et gazier pour continuer sa politique à long terme. Elle doit continuer sa recherche pour mettre en place les centrales nucléaires de nouvelle génération tout en gérant convenablement le problème des déchets, elle doit développer sa recherche sur la thermofusion, associée, pourquoi pas, à d'autres pays européens. Elle doit revoir sa politique charbonnière. Elle doit développer les économies d'énergie, notamment dans les transports, les bâtiments, développer les énergies renouvelables, en fait laisser ouvertes toutes les voies.

Son objectif doit être de produire une énergie à bon marché, respectueuse de l'environnement, prenant en compte l'effet de serre, la maîtrise de tous les déchets, et laisser aux générations qui suivent une planète propre, disposant de l'énergie nécessaire au développement de nos civilisations sur la terre entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à douze heures quarante.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard.

Je voudrais remercier M. le secrétaire d'Etat d'avoir permis ce débat, que nous avions réclamé lors de l'examen de la loi de finances, et le féliciter de son intervention. Compte tenu de la diversité des positions dans la majorité, je mesure la difficulté qu'il a dû rencontrer et j'apprécie l'exercice intellectuel auquel il s'est livré.

Je commencerai par deux remarques liées à la récente décision allemande. Il a fallu cette rupture pour constater que le contrat en cause n'avait pas été parfaitement négocié en 1990 et qu'aucune clause financière compensatoire n'était prévue, ce qui ne manquera pas de poser un problème lors des négociations.

M. le Premier ministre nous explique régulièrement que la majorité des gouvernements européens étant aujourd'hui de gauche, cela va simplifier les relations, créer, par surprise, un climat de confiance différent et améliorer la situation. Or que constate-t-on ? Que les Allemands prennent une décision unilatérale à propos d'un traité qui nous engageait pour de longues années ! Mais peut-être leur avions-nous montré la voie avec Superphénix. En effet, je ne crois pas que, à l'époque, par nos brutales décisions unilatérales, nous ayons eu beaucoup de ménagements pour nos partenaires. Toujours est-il que, lorsqu'on y songe aujourd'hui, ce comportement augure mal de l'évolution européenne.

Cela dit, je rappellerai qu'une politique énergétique s'appuie sur trois principes fondateurs, que je classe dans l'ordre suivant : les économies d'énergie, l'efficacité énergétique et l'indépendance énergétique nationale.

Je commencerai par l'indépendance énergétique nationale. Au fond, monsieur le secrétaire d'Etat, l'essentiel vous manque, puisque, si j'ai bien compris les interventions et les exclamations des uns et des autres, des désaccords de fond divisent votre majorité.

En France, la politique nucléaire est au coeur du dispositif d'indépendance nationale. Or une partie de votre majorité n'en veut pas. C'est une première faiblesse essentielle. Ainsi, hier, un de nos collègues déclarait sur la chaîne parlementaire qu'il quitterait la majorité si vous lanciez l'EPR l' European Pressurized Reactor.


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J'en profite d'ailleurs pour constater que la logique des Verts est relativement redoutable, puisqu'ils s'opposent au retraitement, quand tout le monde, à part eux, souhaite réduire les déchets. Ils ne refusent d'ailleurs pas seulement le retraitement, mais le transport, ce qui implique un stockage sur place et donc, in fine, l'étouffement des centrales et l'arrêt de la filière nucléaire.

Pour reprendre les termes d'un représentant des Verts, et contrairement à ce qu'ils veulent nous faire croire, ce raisonnement pervers cache une position théologique.

Toutefois, il faut reconnaître, avec lucidité, que, sur le nucléaire, nous avions tous adopté des positions peut-être excessives. Fiers de notre savoir-faire, nous placions une confiance totale, presque aveugle, dans le nucléaire.

Aujourd'hui l'inquiétude, voire le début d'affolement, est totalement excessive par rapport à notre maîtrise de l'industrie nucléaire et des déchets.

C'est pourquoi on doit à présent accomplir des progrès dans la transparence, ou plutôt, le mot « transparence » laissant imaginer des rétentions d'information, concevoir une surveillance différente. Il ne s'agit pas de faire preuve de suspicion envers le Gouvernement ou l'administration, mais de montrer à l'ensemble de nos concitoyens qu'il y a séparation entre ceux qui décident, ceux qui contrôlent et ceux qui surveillent. Cette transparence m'apparaît d'autant plus nécessaire qu'une partie de votre majorité a tendance à inquiéter plutôt qu'à rassurer.

Autre faiblesse, la nécessité d'élargissement des approvisionnements en matière fossile - pétrole ou gaz - a été évoquée tout à l'heure, que cet élargissement concerne sa n ature ou son origine géographique. Pour ce qui concerne le pétrole, nos industriels s'organisent de façon responsable, dans le cadre d'accords internationaux. Pour le gaz, je salue l'effort consenti par GDF, tant pour sa diversification territoriale que pour son évolution. Je pense notamment aux prises de participation qui doivent lui permettre de développer son activité de production.

On le voit, les faiblesses ont été identifiées. Il nous appartient de donner à nos entreprises un peu plus de liberté pour qu'elles puissent mieux y remédier. Mais, encore une fois, on se heurte ici aux contradictions économiques du Gouvernement, incapable de choisir entre une dérégulation plus ouverte et une liberté plus grande par rapport à une approche monopolistique. C'est une faiblesse de plus, puisque votre incapacité à faire des choix pénalise notre tissu industriel et notre approvisionnement énergétique.

Un autre aspect de la question concerne les énergies renouvelables, le rendement énergétique et le comportement collectif.

Certes, les énergies renouvelables ne représenteront jamais l'essentiel. Pourtant, on n'a pas fait assez d'efforts pour les développer. Notre territoire bénéficie de l'héliotropisme, et on peut penser que, dans certaines régions - je pense aux DOM-TOM - l'approche photovoltaïque mériterait d'être développée davantage.

Il serait en effet plus utile et plus intelligent de développer et d'adapter les énergies renouvelables, tout en sachant qu'elles ne constituent pas une alternative à d'autres productions.

Sur le rendement énergétique, je ferai simplement deux remarques. La première porte sur la bonne utilisation des énergies, et notamment de l'électricité. Est-il totalement satisfaisant de faire appel à l'électricité pour le chauffage ?

M. Yves Cochet.

Bonne question !

M. Claude Gaillard.

Les pertes de rendement sont telles, sur l'ensemble de la chaîne, de la production à la diffusion de la chaleur, que cela ne paraît pas une utilisation intelligente. Il faut y réfléchir de façon réaliste, avec bon sens.

M. Yves Cochet.

C'est une aberration thermodynamique !

M. Claude Gaillard.

Mon expérience d'ingénieur qui me permet de le rappeler, merci, monsieur Cochet.

M. le président.

Poursuivez, monsieur Gaillard. Ne vous laissez pas interrompre !

M. Claude Gaillard.

Nous avons pris du retard dans le domaine de la cogénération, dont le rendement est pourtant bien supérieur à celui d'autres productions. Or il nous appartient de privilégier les meilleurs rendements.

De plus, la cogénération rapproche la production de l'utilisateur ce qui me paraît également une bonne chose, puisque les atteintes à l'environnement inhérentes au déplacement d'un certain nombre de kilowattheures sont ici limitées.

Certains orateurs, en particulier, je crois, Franck Borotra, ont dit que les PMI-PME, ne pouvant pas bénéficier des compétitions sur les prix, parce qu'elles ne sont pas clients éligibles, il faudrait qu'elles puissent au moins bénéficier de la cogénération. Il y a là une nouvelle faiblesse. Nous débattons ces jours-ci d'un texte sur l'amén agement du territoire, sur la liberté donnée aux communes. Les communes seront-elles clients éligibles ou non ?

M. Yves Cochet.

Oui !

M. Claude Gaillard.

On veut à la fois responsabiliser les uns ou les autres, et défendre un monopole. Tant que l'on n'adoptera pas une attitude claire, on aura du mal à développer ces sources d'énergie qui sont tout à fait rentables.

Enfin, en ce qui concerne ce que j'appelle « le comportement collectif », il faut remarquer que, la plupart du temps, nous sommes tous favorables au développement des transports en commun, dans la mesure où ce sont les autres qui s'en serviront et où nous pourrons, nousmêmes, continuer à prendre notre voiture.

Nous avons du retard dans le développement des transports en commun urbains.

M. Michel Meylan.

C'est vrai !

M. Claude Gaillard.

Et je regrette que la loi de finances n'ait pas prévu davantage de crédits à cet effet, car chacun sait que cela coûte cher.

Je suis, d'autre part, un ardent défenseur du rail. Mais, on le voit aujourd'hui, l'Etat n'engage pas suffisamment de moyens dans ce chantier, et cela s'explique par l'aménagement du territoire. Ne revenons pas sur le cas du TGV Est : on voit bien que demander à des collectivités de financer le fer, ce n'est pas inciter à ce type de développement, à ce transfert modal.

Le problème est le même pour le financement de RFF.

On dit qu'il y a moins d'argent pour les autoroutes et qu'il faut se reporter sur le chemin de fer, mais, en même temps, les financements sont insuffisants pour développer les déplacements ferrés, pour installer des lignes plus performantes, voire, dans le cadre d'une déconcentration et d'une décentralisation plus grandes, pour développer le TER. Si le transfert modal est à l'ordre du jour, il faut avoir une politique de l'offre adaptée et qu'elle se traduise dans la loi de finances. Certes, ce que nous avons fait


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quand nous étions au gouvernement est insuffisant, mais ce n'est pas une raison, aujourd'hui, pour ne pas accomplir les efforts qui s'imposent.

Je n'ai pas, aujourd'hui, d'accusation politique majeure à formuler, puisque je ne sais pas exactement où le Gouvernement veut aller. Toutefois, je lui reproche précisément de ne pas savoir où il va.

M. Franck Borotra.

Il appelle ça « des choix ouverts » !

M. Claude Gaillard.

Une politique énergétique doit intégrer le temps, être lisible et claire.

En même temps, arrêtons de nous faire des noeuds dans le cerveau. Nous avons pris des options fondamentales, voici vingt-cinq ans. Ça marche, c'est peu polluant, nos industries sont compétitives et notre compétence en ce domaine est reconnue dans le monde entier.

Il ne serait ni économique ni réaliste de revenir sur ces orientations.

Ce qui me rassure, c'est de voir ce qui s'est passé en Suède. Franck Borotra en a parlé et me l'a rappelé en privé. Il y a dix-huit ans, les Suédois ont dit qu'ils arrêtaient le nucléaire.

M. Franck Borotra.

Les douze centrales sont toujours là !

M. Claude Gaillard.

Ils ont une douzaine de centrales qui, en effet, vous me l'aviez dit, sont toujours là, aujourd'hui, ce qui relativise toutes les déclarations.

Essayons, aujourd'hui, de regarder les choses en face.

Une de mes plus grandes craintes, c'est que la politique énergétique soit une sorte de variable d'adaptation de la majorité parlementaire. J'ai peur qu'on joue avec la politique énergétique pour s'assurer une majorité parlementaire.

Enfin, pour élargir un peu le débat, je rappellerai que la production de barils de pétrole est de 75,5 millions de barils par jour, et que la consommation n'est que de 74,3 millions. Il y a donc une surproduction. Le prix du pétrole me paraît aujourd'hui anormalement bas - Robert Galley s'est déjà exprimé sur ce sujet tout à l'heure.

Je ne crois pas qu'il soit de bonne politique internationale de payer si peu cher des matières premières qui, pour l'essentiel, viennent de pays en voie de développement.

M. Yves Cochet.

C'est exact !

M. Claude Gaillard.

C'est un manque de solidarité, un manque de prévisions internationales. Nous aurons, un jour, à en subir le contrecoup.

Je souhaite que la France prenne en compte cette dimension internationale et que, dans le cadre de nos hautes responsabilités internationales, nous anticipions sur des évolutions du prix des matières premières qui sont tout à fait nécessaires.

Nous verrons une première traduction de la volonté gouvernementale et de la politique énergétique dans le cadre de la transposition de la directive sur EDF. On pourra juger s'il y a une véritable politique énergétique, lisible, s'il y a un positionnement international de la France ou si, au fond, on se contente de gérer à la petite semaine pour éviter de décevoir tels ou tels membres de la majorité. Je souhaitais vous le dire, monsieur le secrétaire d'Etat, avec beaucoup de sincérité et de sens de la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Honde.

M. Robert Honde.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre débat d'aujourd'hui, empreint d'une sérénité certes appropriée, mais peu représentative de la passion enflammée ou rayonnante des spécialistes, me paraît opportun, sinon pour participer à l'élaboration de notre politique énergétique, du moins pour recadrer les enjeux des choix énergétiques et bien distinguer l'éventail du possible et du souhaitable.

Parmi ces choix, figure évidemment au premier rang la production d'électricité.

A lors que l'électronucléaire produit chaque année l'équivalent de 88 millions de tonnes de pétrole et que notre parc de centrales nucléaires arrive à une maturité annonciatrice d'une rentabilité formidablement accrue, je limiterai mon propos à cette question qui représente à mes yeux la première de nos priorités. Au demeurant, nous traversons une période où un certain nombre d'évolutions techniques et économiques se sont produites, dont certains pensent qu'elles modifient la donne et dont d'autres estiment qu'elles ne jouent qu'à la marge.

Comme de nombreux orateurs l'ont noté, le prix des combustibles fossiles s'est effondré. Les capacités de production sont grandes. L'ampleur des stocks de pétrole - près d'une année de consommation - laisse prévoir une baisse durable du prix de ce combustible.

Simultanément, nous constatons que le progrès technique a continué d'abaisser les coûts de production de l'électricité, mais qu'il ne s'est pas propagé avec la même vitesse dans les différentes filières. Les écarts de compétitivité pour de nouveaux moyens de production se sont réduits, plaçant apparemment le nucléaire à portée de fusil, si je puis dire, du gaz et même du charbon.

Dans cette nouvelle conjoncture, y a-t-il des invariants dans notre situation énergétique ? Quels sont-ils ? Faut-il accorder autant d'attention aux dernières évolutions des cours des combustibles fossiles ? Faut-il remettre en cause, sinon nos moyens de production, du moins notre façon d'aborder les questions énergétiques ? J'aborderai trois points.

En premier lieu, sans décrier les espoirs que font naître les évolutions technologiques, je voudrais souligner que le progrès technique fait apparaître en pleine lumière des sources d'énergie plutôt complémentaires que concurrentes des moyens actuels.

Mon deuxième point montrera que l'électronucléaire a apporté une contribution très importante à la croissance et à la compétitivité de l'économie française, et qu'aucune autre filière, quoi qu'on en dise, n'aurait pu obtenir de telles performances. Sans être outre mesure polémique, je voudrais simplement dire que, avant d'être un outil de changement politique, l'énergie est un outil de compétitivité économique.

Troisième point : dans les années qui viennent, nous devons pousser notre avantage, en toute indépendance et pour notre indépendance.

Nous devons certes améliorer le fonctionnement de toute la filière nucléaire, en particulier par une transparence accrue et une démocratie plus vivante. Mais nous devons, sans attendre, confirmer notre choix nucléaire.

M on premier point concerne donc les nouvelles sources d'énergies plus complémentaires que concurrentes.

Sur ce sujet passionnel qu'est l'énergie, poussés par les spécialistes qu'anime une passion dévorante et souvent prosélyte, sollicités par la presse et l'audiovisuel pour qui


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le nucléaire devient un nouveau « marronnier », il me semble que nous perdons toute mesure, sinon toute perspicacité.

Dans le débat qui porte sur les moyens de production de l'électricité, nombreuses sont actuellement les références à une évolution technologique qui permettrait, selon certains, un nouveau modèle de production et de consommation - en fait, une sorte de nouvelle donne.

Les partisans du cycle combiné au gaz notent que cette technologie, au demeurant très performante, peut s'appliquer dans des conditions économiques satisfaisantes à des centrales de tailles très différentes.

Le cogénération, qui est une autre version des technologies du gaz, atteint quant à elle des rendements très élevés pour des installations de taille réduite, permettant de fournir en électricité et en chaleur - voire en froid, avec la trigénération -, des collectivités de taille réduite , comme les hôpitaux, les grands ensembles immobiliers, et, bien entendu, les installations industrielles.

La pile à combustible, quant à elle, bénéficiera des progrès accomplis grâce aux moyens immenses que l'industrie automobile consacre à la recherche. Elle pourrait, si l'on en croit des constructeurs américains, rejoindre bientôt le rayon des machines à laver pour assurer l'approvisionnement en électricité et en chaleur d'un appartement.

M. Yves Cochet.

En effet !

M. Robert Honde.

Quant aux énergies nouvelles renouvelables, elles bénéficient de sérieux progrès de compétitivité, avec le soutien des pouvoirs publics, comme le programme Eole 2005 pour les aérogénérateurs.

Toutes ces évolutions technologiques ont pour effet de rapprocher potentiellement la production du consommateur. Est-ce à dire que nous pouvons entrevoir la fin de l'énergie centralisée telle que nous la connaissons ? Est-ce la fin des centrales de production de grande taille et des réseaux de transport et de distribution quadrillant l'Hexagone pour livrer, avec une régularité remarquable, à chaque foyer, où qu'il se trouve, une électricité de qualité identique, et à l'industrie, quels que soient ses besoins, l'une des électricités les moins chères du monde ? Sommes-nous véritablement à la veille de l'apparition de formes d'énergies décentralisées plus proches du consommateur, assurant son autonomie tout en ayant un coût du même ordre de grandeur et un impact sur l'environnement très inférieur ? A vrai dire, l'appropriation d'un moyen technique par l'utilisateur est une évolution normale et souhaitable qui s'est déjà produite dans l'histoire des technologies. L'évolution de l'informatique est souvent citée comme un précurseur de l'évolution à venir dans le domaine de l'énergie. En réalité, chacun sait que l'informatique répartie ne s'est pas développée au détriment des ordinateurs centraux et que l'informatique personnelle a multiplié les besoins de traitement de l'information en masse.

Mais les énergies réparties ne peuvent être envisagées, dans la plupart des cas, sans un raccordement par un réseau, pour évacuer la puissance résiduelle non consommée et accroître la rentabilité de la production.

Mais un raccordement à un ou plusieurs réseaux est souvent indispensable pour assurer l'approvisionnement en gaz, dans le cas de la cogénération ou des piles à combustible, et pour assurer une alimentation continue en cas de production nulle pour les éoliennes ou insuffisante pour le solaire thermique ou photovoltaïque.

Telle est, selon moi, la réalité de l'évolution technique.

Elle ne propose pas des moyens de production concurrents des moyens actuels. Elle offre des moyens de production complémentaires, qui viendront compléter le parc en fonctionnement et non pas s'y substituer.

En second lieu, l'énergie est un paramètre important de la compétitivité économique avant d'être un outil de transformation politique.

Si l'on veut rapprocher les décisions du citoyen et si l'on veut accroître son autonomie, objectifs auxquels personne ne peut s'opposer, le bon levier me semble être non pas la multiplication des centrales individuelles mais plus de transparence et de démocratie dans notre politique énergétique et dans le fonctionnement d'un appareil de production de l'électricité qui a fait la preuve de ses performances. Tant il est vrai que l'énergie est avant tout un élément fondamental de la compétitivité économique avant d'être un outil de transformation politique.

Il me semble nécessaire, à ce stade de mon intervention, de rappeler quelle a été et quelle est encore la contribution de l'électronucléaire à la croissance et à la compétitivité de l'économie française.

Je rappellerai quelques données très simples sur les ordres de grandeur pour fixer les idées. A la veille du premier choc pétrolier, à la mi-1973, le taux d'indépendance énergétique de la France est de 22 %. S'agit-il d'une situation exceptionnelle de notre économie ? Assurément pas. Depuis le début de son industrialisation, la France lutte contre l'insuffisance chronique de ses ressources en combustibles fossiles.

Les gisements du Nord Pas-de-Calais et de Lorraine n'ont jamais pu suffire à nos besoins, malgré les efforts de nos travailleurs et malgré les aides de la collectivité nationale, nécessaires pour atténuer les surcoûts de production.

Les importations de charbon représentaient déjà 40 % de notre consommation au début des années trente.

L'hydroélectricité a certes constitué une aventure industrielle majeure, mais les sites rentables ont été rapidement équipés et le potentiel a été saturé.

Le gaz de Lacq a fourni, quant à lui, au plus fort de sa production, l'équivalent de 6 millions de tonnes de pétrole, mais sa production a diminué régulièrement pour atteindre 2 millions de tonnes en 1997.

Dans cette situation de pénurie chronique en ressources énergétiques nationales, le programme électronucléaire lancé dès 1970, c'est-à-dire avant le premier choc pétrolier, permet de faire passer notre taux d'indépendance énergétique de 20,4 % en 1973 à 52,6 % en 1995.

Faut-il rappeler que notre voisin, l'Italie, a fait le choix des centrales au fioul et que sa dépendance est restée à son niveau historique de 71 % ? Faut-il rappeler que notre choix électronucléaire a fait passer le poids de la facture énergétique dans le PIB de 5,6 % en 1980 à 1,3 % en 1997 ? Nous entendons d'ailleurs souvent dire que c'est bien normal, étant donné les dépenses de recherche et développement faites pour le nucléaire.

Peut-on rappeler que certains pays ont consenti un effort d'investissement massif dans les énergies renouvelables, les Etats-Unis y ayant consacré 26 milliards de francs de 1978 à 1982, sans pour autant faire croître leur part au-dessus de 5 % en comptant l'hydroélectrique ? Pour quelles raisons ? Parce que ce sont les lois de la physique et non pas un supposé lobby nucléaire, au demeurant bien maladroit dans sa communication, qui


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font que les éoliennes ne peuvent fournir une électricité avec une puissance suffisante quels que soient leur nombre et leur taille.

M. Yves Cochet.

Il n'y a pas que cette raison !

M. Robert Honde.

Parce que ce sont les lois de la physique qui font qu'une centrale nucléaire ne peut être remplacée par des hectares de cellules photovoltaïques. Parce que, au total, chaque forme d'énergie a sa place et une forme d'utilisation optimale.

En réalité, notre pari sur le nucléaire est un pari gagnant, remporté par tous les chercheurs et les industriels de notre pays.

M. Yves Cochet.

On en reparlera !

M. le président.

Il faut conclure, monsieur Honde.

M. Robert Honde.

J'en arrive à mon dernier point : il faut améliorer le fonctionnement de notre filière, mais avant tout confirmer notre choix nucléaire pour pousser notre avantage.

Que le fonctionnement de notre système d'information sur le nucléaire nécessite des améliorations, qui ne le voit ? Qu'il faille davantage de transparence dans ce système, en particulier dans la radioprotection, qui le réclame davantage que le Parlement ? Permettez-moi de rappeler que notre assemblée travaille sur ces questions depuis 1990, par la voix des rapporteurs de notre office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je citerai notamment Christian Bataille, qui appelait dès 1990 à plus de responsabilité, de transparence et de démocratie dans la filière nucléaire.

Aussi attendons-nous avec impatience d'examiner le futur projet de loi sur les modalités de contrôle et de transparence en matière nucléaire.

Mais le nucléaire, c'est un avantage décisif de l'économie française d'hier et c'est un atout pour demain. Ne cédons pas à un eurocentrisme qui n'est pas de mise dans ce domaine, réaffirmons notre spécificité.

A peine la coalition SPD-Verts a-t-elle signé un accord de gouvernement prévoyant une sortie du nucléaire à un terme qui reste à négocier que nous parlons de menaces sur l'entente franco-allemande, que nous redoutons l'isolement de notre position, que nous ne voyons plus que la Suède piétine depuis 1980, pour des raisons économiques, dans son processus d'abandon du nucléaire.

Le nucléaire existe, qu'on le veuille ou non, mais comment se désoler d'avoir cet atout ? Il apporte une contribution décisive à l'économie française. Cette contribution, il continuera de l'apporter, si toutefois nous savons gérer cet avantage avec un esprit de responsabilité, non seulement sur le plan de la sûreté mais aussi sur le plan industriel.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez que ce parc de production électrique, nous avons mis quinze ans à le construire. Vous savez que, si rien n'est fait en temps et en heure, nous le perdrons en quinze années également, et que cela pourrait commencer dès 2007.

M. le président.

Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Robert Honde.

Pour nous préparer à cette échéance, une décision essentielle doit être prise, la commande d'un premier réacteur EPR. L'industrie française et l'appareil de recherche sont prêts à faire face à ce nouveau défi. Les réalités énergétiques ne sont pas idéologiques, elles sont incontournables. C'est pourquoi les députés radicaux de gauche s'associent à cette demande.

Monsieur le secrétaire d'Etat, quand comptez-vous annoncer que la France, par le truchement d'EDF, loin de renoncer à l'un de ses atouts majeurs, s'engage irrévocablement et concrètement, en 1999, avec qui voudra bien la suivre, dans la construction du réacteur nucléaire du futur ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol.

Quelques instants de parole seulement sur un sujet aussi important que la politique énergétique, ce n'est pas très convenable, mais nous devons faire avec.

La France, malgré l'absence criante de ressources primaires, a su devenir un grand pays industriel, donc consommateur d'énergie, et l'Etat doit assurer, aujourd'hui et demain, des quantités suffisantes d'énergie au moindre coût sous des formes utiles.

Il y a, d'abord et toujours, le pétrole et ses dérivés.

Grâce à nos deux grandes sociétés, Elf-Aquitaine et Total, nous sommes présents dans tous les secteurs pétroliers, l'exploration, le raffinage, la production et la distribution, nous avons un envergure internationale, et la récente acquisition de Pétrofina par Total donne à cette société une nouvelle dimension.

Ce secteur très concurrentiel fournit, il faut s'en souvenir, 41 % de l'énergie primaire ; on ne peut donc pas s'en passer facilement, sachant, en outre, que les transports utilisent 50 % de cette énergie.

En France, les prix des carburants auto sont certes les plus faibles d'Europe hors taxes, mais si vous rencontrez un jour M. le ministre de l'économie et des finances à Bercy, vous pourrez lui rappeler que la TIPP, qui s'élève à 83 %, nous place très mal, hélas ! Vous ne pouvez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, considérer l'industrie automobile, florissante, et les budgets familiaux comme des vaches à lait fiscales. Nous attendons une modération en ce domaine. D'ailleurs, la polution dont l'automobile est accusée n'est pas toujours réelle. La fameuse journée pendant laquelle une partie des transports ont été interdits a montré, après enquête, que cette pollution avait surtout pour cause les rejets d'une usine d'incinération des ordures ménagères de la région parisienne.

Nos espoirs vont donc vers les carburants issus de la recherche, plus économiques, plus propres, offerts à des motorisations encore plus performantes. Le Gouvernement compte-t-il prendre des initiatives et proposer des incitations dans ce domaine ? Bien sûr, le gaz est un produit intéressant car abondante t présentant de bonnes performances énergétiques, d'environnement et de coût. Il est importé de quatre pays, grâce à des contrats à long terme de vingt-cinq ans qui assurent une sécurité d'approvisionnement. Il représente 14 % de l'énergie primaire, mais 90 % du gaz sont importés. Où en sommes-nous sur ce marché et quelles sont nos véritables capacités de stockage sur le sol national ? L'intérêt du gaz est important car il est utilisé dans les systèmes à cycle intégré. Il représentera, dans les année s à venir, une source de production d'électricité très concurrentielle capable de répondre aux pics de consommation et au marché SPOT qui ne manquera pas d'apparaître.

Les nouvelles turbines sont suffisamment performantes pour nourrir tous les espoirs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

Je dirai un mot des énergies renouvelables, dans lesquelles on classe habituellement l'hydraulique et le bois. Nous en connaissons les limites et je ne crois pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez nous annoncer de nombreuses possibilités dans ce domaine.

C ertes, quelques sites sont favorables à l'énergie éolienne dont on espère prochainement quelques mégawatts. Mais quel sera le coût de production et le coût de la maintenance ? Tous ceux qui ont traversé les champs éoliens des Etats-Unis ont pu constater leur état et que les vaches étaient quelque peu inquiètes d'avancer au milieu des pales qui gisent ici et là. On se demande ce que deviendra un tel projet, même avec EOLE 2000.

Il y a aussi le solaire photovoltaïque et thermique mais, même si le chiffre d'affaires des sociétés françaises concernées progresse beaucoup, ce secteur reste très limité.

Monsieur le secrétaire d'Etat, comptez-vous injecter toujours plus d'argent public dans ces solutions ? Y a-t-il, en France, un programme pile à combustible ? J'en arrive à la filière nucléaire, sur laquelle je me suis exprimé très clairement hier après-midi. C'est un secteur où les décisions sont lourdes de conséquences car il produit 80 % de notre électricité. C'est d'ailleurs pour nous une chance extraordinaire. Grâce à des opérateurs extrêmement compétents - EDF, CEA, Framatome, Alsthom -, nous avons acquis une maîtrise exceptionnelle dans la configuration de nos réacteurs, qui bénéficient de l'effet générique des modèles 900 et 1 300 mégawatts, construits dans un esprit de série. C'est une bonne chose si l'on compare notre situation à celle d'autres pays. Cela donne à notre parc une homogénéité de construction et de gestion, mais aussi, en ce qui concerne la formation du personnel EDF, une unicité qui permet de mieux intervenir dans tous les CNPE. Les procédures sont ainsi mieux connues et reproductibles, ce qui est une bonne chose.

L'investissement a été très lourd, vraisemblablement près de 1 000 milliards, mais l'économie qui en résulte est à la hauteur : sans doute près de 100 millions de tonnes de pétrole par an. Le jeu en valait vraiment la chandelle, sinon la lampe à pétrole. (Sourires.)

Il convient de le souligner alors que la directive européenne de libéralisation du marché de l'électricité, attendue avec impatience par les consommateurs car elle accélère la baisse des tarifs, va être appliquée dans un mois.

L'énergie nucléaire a une autre caractéristique en France : le combustible n'est ni jeté ni stocké en l'état. Il subit un tri sélectif, effectué par la Cogema. Cette technologie permet d'économiser des matières premières,...

M. Yves Cochet.

Vous faites la publicité de la Cogema !

M. Claude Gatignol.

... engendre des milliers d'emplois, permet de conquérir des marchés considérables à l'exportation, en procurant à la France depuis plusieurs années - Robert Galley est là pour en témoigner - un taux d'indépendance énergétique inespéré, tout en étant respectueuse de l'environnement car elle ne produit pas de CO 2

Si, sous la pression d'une minorité partisane, les décisions politiques proposées à au moins deux gouvernements, en France et en Allemagne, se concrétisaient, la faiblesse qui en résulterait aurait de graves conséquences pour la croissance et l'emploi.

M. le président.

Monsieur Gatignol...

M. Claude Gatignol.

Dans cette activité hypercontrôlée, soumise à un certain nombre de textes législatifs, dont le plus connu, en France et à l'étranger est certainement la loi Bataille, il y a toujours lieu d'être attentif à la sûreté, à la transparence - la démocratie l'exige - mais aussi au bilan économique. Grâce à nos choix techniques, relayés par des choix politiques, nous avons le kilowattheure le moins cher d'Europe.

Monsieur le secrétaire d'Etat, êtes-vous certain que le Gouvernement vous suivra bien dans cette voie ? Allezvous montrer un peu plus de fermeté pour obtenir l'autorisation de « moxer » tous les réacteurs qui peuvent recevoir ce combustible ?

M. le président.

Monsieur Gatignol, si vous continuez, c'est moi qui vais être ferme !

M. Claude Gatignol.

Quelle décision envisagez-vous concernant le parc EDF ? L'avenir passe impérativement par une nouvelle génération de réacteurs. Le réacteur du futur européen, l'EPR, est fondé sur l'expérience acquise dans deux domaines, la sûreté et la compétitivité. Un gouvernement soucieux de l'avenir doit développer ses atouts immédiats et les valoriser au maximum en appliquant la recherche. La conjugaison des différentes sources d'énergie est nécessaire, de même qu'une politique ambitieuse d'économies d'énergie doit être relancée. Mais soyons clairs avec nos concitoyens : s'il est nécessaire d'utiliser l'énergie fossile, liquide, solide ou gazeuse, c'est l'électricité qui reste la réalité principale, en ce qui c oncerne tant l'usage domestique qu'industriel. En France, elle est produite en majeure partie par le secteur nucléaire,...

M. le président.

Monsieur Gatignol, je vous demande de conclure !

M. Claude Gatignol.

... où nous avons acquis un haut niveau de maîtrise, en dépit de la facilité d'installation des systèmes au gaz.

Monsieur le secrétaire d'Etat, avant que vous nous apportiez une confirmation, j'insiste sur le fait que, dans ce domaine, il y a une certaine urgence et je vous rappelle le mot de Talleyrand : « Quand il est urgent, il est déjà trop tard. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Mes chers collègues, vous ne pouvez pas doubler votre temps de parole. Il est treize heures quinze. Les intervenants ne disposent que de cinq minutes et je leur demande dorénavant de respecter scrupuleusement leur temps.

La parole est à M. André Billardon.

M. André Billardon.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, limiter mon propos au seul sujet du maintien de l'option nucléaire, pour essentiel qu'il soit, est frustrant et réducteur.

Réducteur, car j'aurais aimé évoquer d'autres sujets, comme la maîtrise de la demande d'électricité. Frustrant, parce que je suis convaincu qu'une stratégie moderne ete fficace suppose une diversification et, surtout, des options très volontaristes s'agissant du secteur des transports.

Reste que le maintien de l'option nucléaire est un sujet majeur parce que la question est posée pour au moins quatre raisons : techniques, avec le remplacement des centrales ; institutionnelles, parce que l'Europe, longtemps immobile, impose des règles communes ; économiques,


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car le prix très bas des hydrocarbures, et tout particulièrement du gaz, fait de ce dernier le concurrent sérieux et sans doute unique du nucléaire civil ; politiques, enfin, car les opinions publiques exigent des débats démocratiques sur les enjeux qui les concernent.

Puisqu'il y a débat, comment peut-on le conduire et le conclure ? Evitons d'abord les caricatures. On peut être un partisan convaincu du choix nucléaire sans être autom atiquement un archéo-productiviste, membre d'un lobby. Je ne tourne jamais en dérision ceux qui veulent plus d'énergies alternatives ; leur position est toujours respectable et souvent pertinente. Mais je rappelle que remplacer une centrale au charbon par une centrale au gaz, c'est améliorer la situation en ce qui concerne les émissions de CO 2 , alors que remplacer une centrale nucléaire par une centrale au gaz a l'effet inverse et diminue l'indépendance énergétique.

Définissons par conséquent quelques critères guidant les choix en matière de production d'électricité : l'indépendance, d'abord ; en ce qui concerne, ensuite, les choix à long terme, le gaz a sa place, mais toute dépendance à son égard porte en germe un risque quant à l'approvisionnement et à la remontée du prix ; troisièmement, la fourniture d'électricité à prix modéré, dans un environnement concurrentiel ; enfin, la prise en compte de l'enjeu de l'environnement.

L'électricité d'origine nucléaire répond évidemment à ces quatre critères. Incontournable, le nucléaire doit impérativement répondre à trois exigences qui font la synthèse entre démocratie et efficacité économique.

D'abord, le retraitement et l'aval du cycle, qui sont abordés par d'autres intervenants. Je me contenterai de rappeler la nécessité d'appliquer la loi Bataille et l'importance du combustible Mox, eu égard au problème que pose le plutonium.

En second lieu, l'exigence de démocratie. Les choix relatifs au programme électronucléaire ont souffert depuis l'origine d'un déficit de démocratie et d'une culture du secret. Il faut savoir aujourd'hui qu'un progrès doit être parfaitement maîtrisé, et il ne l'est vraiment que sous le contrôle de l'opinion publique, c'est-à-dire par la démocratie et dans la transparence.

Je me réjouis donc que le Gouvernement ait choisi de placer le principe d'indépendance au coeur des dispositifs de sûreté et d'expertise.

Troisième exigence : un maintien de notre capacité technologique et industrielle donnant toute sa place à la coopération internationale. L'avenir du nucléaire suppose des choix immédiats relatifs à la filière industrielle et au réacteur franco-allemand EPR.

Avec le CEA, Framatome, la Cogema et EDF, la France possède la première filière industrielle nucléaire du monde. Celle-ci a permis un taux d'indépendance énergétique de 52 %. Elle fournit 30 000 emplois directs et assure 28 milliards de francs d'exportations par an.

C'est aujourd'hui que les décisions d'avenir doivent être prises ; ne rien préparer et ne rien décider maintenant fermerait l'option nucléaire. Framatome doit donc maintenir sa compétence. Il faut assurer notre présence à l'exportation, notre participation à la mise en sécurité des centrales de l'Est européen ainsi que le renouvellement à partir de 2010 ou un peu plus tard des centrales existantes sans compter le démantèlement des installations nucléaires en fin de vie. Tout cela conduit à demander à l'actionnaire majoritaire de Framatome d'être attentif et vigilant quant à la situation de l'entreprise, et de lui permettre d'être conquérante sur les marchés extérieurs en diversifiant la partie non publique de son capital.

Je termine par l'EPR. Ce sujet appelle conviction et détermination. Le maintien de la capacité technologique suppose la fabrication du réacteur, tête de série, EPR, fruit de la coopération entre Framatome et Siemens. Ce réacteur de nouvelle génération a pour ambition plus d'efficacité énergétique et plus de sûreté. Je suggère do nc qu'au nom de la cohérence par rapport au maintien de l'option nucléaire soit décidée, cette année, la construction de la tête de série de l'EPR sur un site français. Et je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous accepteriez, lors de la discussion du projet de loi sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité, des amendements en ce sens, visant par exemple à prévoir le financement des dépenses de recherche et de développement.

En pariant sur l'avenir du nucléaire civil, je suis convaincu, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire le choix d'une société moderne et de son développement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais de cette tribune défendre l'utilisation de sources d'énergie renouvelables et non polluantes afin de diminuer les gaz à effet de serre.

Le 27 novembre dernier, le Premier ministre a rappelé, devant la mission interministérielle sur l'effet de serre, que « la France ne devait pas avoir dépassé en moyenne, sur la période 2008-2012, le niveau des émissions de carbone de 1990, dans le cadre des engagements européens ». Alors que les énergies renouvelables ne représentent que 1,8 % de la consommation nationale, comment le Gouvernement va-t-il tenir ces engagements ? Ces dernières années, il faut reconnaître que des actions en faveur des expériences d'énergie renouvelable ont été délaissées par les politiques gouvernementales successives.

C'est dans ce contexte que je voudrais attirer votre attention sur la question de la géothermie, en m'appuyant, d'une part, sur la réflexion de l'association AGEMO et, d'autre part, sur l'exemple de la commune de Tremblay-en-France, dont je suis le maire.

Après le second choc pétrolier et les efforts demandés pour réaliser des économies d'énergie, l'Etat a encouragé les collectivités locales à investir dans la géothermie, avec le concours financier de la Caisse des dépôts et consignations. Il s'est engagé notamment à ce qu'il n'y ait pas de concurrence avec les autres sources d'énergie, notamment avec les énergies fossiles. A l'époque, l'Etat avait promis aux maires des risques limités, des prêts avantageux, une technique maîtrisée et aux futurs abonnés des économies substantielles. Aucune de ces promesses ne fut véritablement tenue. Dès le démarrage, des difficultés techniques et financières sont apparues. L'absence de toute mutualisation des risques a rendu les villes individuellement responsables et les conduisait tout droit à l'impasse financière parce qu'elles avaient garanti des masses d'emprunt considérables.

En 1991, l'Etat décidait de prendre partiellement en compte les difficultés rencontrées par ces villes. Certains puits, à l'abandon depuis plusieurs années, étaient définitivement fermés ; les dettes des villes étaient renégociées.

Aussitôt, l'Etat reprenait les avantages qu'il venait d'accorder. Il passait de 5,5 % à 18,6 %, puis à 20,6 % le taux de la TVA sur les abonnements, pénalisant ainsi


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directement l'usager et annulant les efforts engagés.

Aujourd'hui, alors que le Gouvernement a baissé, dans le cadre de la loi de finances pour 1999, le taux de TVA de 20,6 % à 5,5 % pour les abonnements EDF-GDF des ménages, il est inadmissible de ne pas faire de même pour les redevances d'abonnements au chauffage urbain.

En Ile-de-France, les quarante sites de géothermie en activité produisent de la chaleur pour une combustion de 150 000 tonnes d'équivalent pétrole. Cette chaleur est distribuée à 130 000 logements, en majorité des logements sociaux dans lesquels des familles sont très fragilisées par la crise, notamment au Blanc-Mesnil, à Sevran, Meaux, Blagniac ou L'Hay -les-Roses.

La production géothermique nationale a permis d'éviter annuellement le rejet dans l'atmosphère de près de 700 000 tonnes de gaz carbonique, de 8 740 tonnes de dioxyde de soufre, de 1 110 tonnes pour les oxydes d'azote et de 200 tonnes de poussières par an.

Aujourd'hui, quinze ans après, la majorité des villes qui se sont engagées dans ces opérations sont confrontées à l'échéance du renouvellement des polices d'abonnement et des contrats d'affermage. Dans un univers fortement concurrentiel, les abonnés sont tentés de faire d'autres choix parmi des fournisseurs d'énergies non renouvelables, par exemple GDF. Il est clair que, si nous laissons les choses se faire, nous allons à court terme vers la fermeture des puits. La charge des emprunts pesant sur la géothermie reste encore très importante et le remboursement des annuités conduit, par exemple, à un coût d'énergie 30 % supérieur à celui du gaz alors que, sans la charge des emprunts, le coût de l'énergie géothermique est trois fois moins élevé que celui du gaz.

La faiblesse des propositions du Gouvernement est totalement absurde et incompréhensible. Cette situation est d'autant plus injuste que, dans les années 70, les pouvoirs publics ont donné - je me permets d'insister - de solides garanties aux villes. Devant l'absence de soutien des gouvernements, les collectivités locales se sont engagées dans des opérations de fermeture ou de maintien de l'activité. A Tremblay-en-France, nous avons choisi le développement durable et le maintien de l'activité géothermique. Monsieur le secrétaire d'Etat, ce choix doit également être celui du Gouvernement. Il est donc indispensable que celui-ci prenne des mesures. L'association AGEMO a fait des propositions dont vous pourriez largement vous inspirer.

Il faut que cesse la concurrence excessive, à armes inégales, avec Gaz de France. Chaque réseau subit une pression constante qui, dans les cas extrêmes, vise à son démantèlement. Si les tarifs Gaz de France de fourniture de gaz sont bas, sur le plan strictement énergétique, les réseaux géothermiques sont moins coûteux. Le gaz est largement avantagé par des investissements moindres, quand il n'est pas sous-facturé par une politique commerciale de prêts à taux zéro. Le ministère des finances doit agir auprès des organismes financiers, en particulier auprès de la Caisse des dépôts et consignations, qui n'attend que d es directives du Trésor pour que les annuités d'emprunts, qui sont, bien entendu, répercutées sur les factures, soient les plus basses possibles. Cela passe par une baisse des taux d'intérêts. Un geste en ce sens - 1 % de baisse - a été fait par le ministre des finances. Il faut maintenant son feu vert pour l'étalement des dettes sur la durée des contrats, qui pourrait être porté à vingt ou vingt-cinq ans, dans l'esprit des opérations mises en place dans le cadre de la politique de la ville.

Il faut également mettre rapidement en oeuvre une taxe européenne pénalisant les énergies fossiles, productrices de gaz à effet de serre.

Il faut enfin classer les réseaux de chaleur géothermique et tirer les conséquences de la loi sur l'air et sur l'utilisation rationnelle de l'énergie. Il me semble que les réseaux de chaleur, alimentés par la géothermie, doivent constituer la cible privilégiée de cette disposition. Si cela n'était pas possible, il faudrait que l'Etat et les régions supportent une partie des dettes des maîtres d'ouvrages, afin de retrouver une juste mutualisation des risques. Cela peut se faire dans le cadre de la négociation des contrats de plan Etat-régions.

La géothermie reste une expérience à encourager, monsieur le secrétaire d'Etat. Je compte sur le soutien du Gouvernement pour aider les collectivités locales qui ont pris le pari d'une réussite des énergies renouvelables.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Meylan.

M. Michel Meylan.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'arrêt et le démantèlement du surgénérateur Superphénix, l'ouverture du marché du gaz et de l'électricité, le programme de remplacement de notre parc de centrales nucléaires à l'horizon 2010-2015, la décision unilatérale du gouvernement allemand de cesser le traitement des déchets sur le site de La Hague démontrent la nécessité d'ouvrir un large débat national sur la politique énergétique de notre pays.

C'est un débat auquel le Parlement doit être pleinement associé, non pas de manière épisodique ou tous les dix ans, mais en organisant chaque année un débat à l'Assemblée sur cette question. Cela implique de la part du Gouvernement une plus grande transparence sur les choix de la politique énergétique de la France et de l'Europe, respectant trois critères essentiels : indépendance énergétique, souci de maîtrise de l'énergie et protection de l'environnement.

La maîtrise de l'énergie passe notamment par une politique audacieuse pour réduire les sources de gaspillage. A cet égard, je voudrais insister sur la nécessité que l'Etat engage résolument des moyens adaptés pour permettre la réhabilitation et l'isolation de l'immobilier social de notre pays, construit dans les années 60-75. Faute d'installations de chauffage et d'isolation adaptées, des personnes de ma circonscription passent l'hiver dans un logement à quinze degrés en consommant une grande quantité d'énergie.

Il en est de même dans le domaine des transports. Certains semblent envisager la création d'une taxe sur les véhicules individuels pour inciter à l'utilisation des transports collectifs. Quand parviendra-t-on dans ce pays à résoudre les problèmes autrement qu'en augmentant la fiscalité ? Il faudrait d'abord s'interroger sur l'utilisation qui est faite de la taxe sur les produits pétroliers et sur l'adaptation de l'offre de transports collectifs aux besoins des populations. Toujours en m'inspirant de situations locales vécues, je m'interroge sur la possibilité de développer le transport collectif lorsque, dans un bassin de vie de plus de 100 000 habitants, dans une vallée de 20 km, le service ferroviaire n'est pas adapté aux besoins des travailleurs et des scolaires et qu'il n'existe aucun service de bus.

S'agissant de l'indépendance énergétique, il ne faut pas négliger le développement des énergies renouvelables.

Notre pays dispose en effet de réels atouts, mais on ne peut raisonnablement penser qu'ils pourront demain ses ubstituer aux énergies traditionnelles. Aujourd'hui,


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l'énergie qui nous préservera de la raréfaction à plus ou moins long terme de l'énergie fossile, c'est indéniablement la filière électronucléaire.

L'arrêt du surgénérateur Superphénix est, à ce titre, une décision grave pour la France. Elle est critiquable et critiquée tant par les experts que par les élus - dont certains sont de votre majorité - et l'ensemble des personnels et des syndicats. Et c'est sans compter sur les conséquences socio-économiques désastreuses pour les salariés et leur famille, pour les collectivités locales du canton de Morestel, ainsi qu'en termes d'emplois induits.

De la même façon qu'il est nécessaire de renforcer le contrôle du Parlement, il serait souhaitable que les élus locaux et régionaux soient mieux associés aux grandes décisions en matière de politique énergétique et de maîtrise de l'énergie. Dans le cas de Superphénix, ils ne furent pas consultés. Aussi souhaitons-nous que les nouvelles dispositions sur l'aménagement du territoire et les schémas de services collectifs soient étudiées afin de favoriser cette participation des élus locaux.

La décision de fermeture de la centrale ne doit rien à une politique énergétique inscrite dans la durée et ne s'imposait ni pour des raisons de sûreté, ni pour des raisons financières, ni même pour des raisons de recherche.

Elle satisfait uniquement aux promesses électorales de l'aile verte de votre majorité plurielle. Abandonner Superphénix, c'est renoncer à préparer l'avenir et à préserver notre savoir-faire technologique dans le domaine de la recherche sur les réacteurs du futur. Or nous devons poursuivre le programme nucléaire engagé dans les années 70, même si nos voisins allemands annoncent la remise en cause de leur politique d'énergie nucléaire, plus d'ailleurs pour des raisons électorales que pour des considérations objectives.

Toutes les études le prouvent, notre taux de dépendance énergétique est passé de 23 % en 1973 à 52 % aujourd'hui. L'utilisation de l'énergie nucléaire nous permet de produire 80 % de notre électricité et d'économiser 100 millions de tonnes de pétrole par an, soit l'équivalent de la production du Koweit. De plus, la France est l'un des pays les moins polluants de la planète puisque l'énergie électronucléaire n'émet pas de gaz à effet de serre. Cela étant dit, il faut bien entendu s'attacher à contrôler la sécurité de nos centrales et à sécuriser le transport et le traitement des déchets radioactifs. L'aval du cycle mérite effectivement une attention toute particulière.

Mais de grâce, ne comparons pas la situation du nucléaire en France à celle des pays de l'Est ! Plutôt que de venir faire de la provocation à la Hague, les écologistes qui veulent nous imposer le diktat de l'arrêt du nucléaire pourraient se préoccuper plus activement de la situation désastreuse dans les pays de l'Est. J'en veux pour exemple les sous-marins nucléaires qui pourrissent dans la mer de Barents. A ce propos, la récente décision allemande peut faire sourire car, pour assurer leur approvisionnement énergétique, nos voisins devront produire leur électricité à partir de combustibles qui ont, eux aussi, des inconvénients et des conséquences sur le réchauffement de la planète et ils devront continuer à importer de l'énergie provenant des pays de l'Est à partir de centrales très peu sûres ou s'approvisionner chez nous. C'est si simple d'être anti-nucléaire chez soi et de compter sur la production nucléaire de ses voisins ! Par ailleurs, la nouvelle politique énergétique de nos voisins outre-Rhin ne risque-t-elle pas de remettre en cause la coopération franco-allemande pour la recherche sur les filières du réacteur du futur, le réacteur EPR. Quelle sera l'attitude de la France sur cette question ? Enfin, comment allez-vous gérer l'incohérence au sein de votre majorité plurielle entre les Verts, qui sont en adéquation avec la nouvelle politique énergétique allemande, et votre position sur la nécessaire pérennité du nucléaire en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Destot.

M. Michel Destot.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en juin dernier, lors du colloque sur les défis internationaux de la politique énergétique française, organisé à l'Assemblée nationale,.

..

M. Franck Borotra.

Excellent colloque !

M. Michel Destot.

Merci de le reconnaître ! Lors de ce colloque, M. le Premier ministre, Lionel Jospin, se prononçait pour un changement profond de mentalité en annonçant sa volonté de « multiplier les occasions de débat au Parlement » et de « mettre fin à une certaine culture du secret. » Le débat de ce jour est

un premier pas en ce sens. Il en faudra d'autres, bien d'autres, ne serait-ce que pour prendre en compte toute la mesure de l'évolution du contexte énergétique français en quelques décennies.

D'une approche essentiellement hexagonale - beaucoup ont situé leur propos dans le strict contexte national -, fondée sur l'indépendance nationale, il nous faut passer à une culture plus internationale pour affronter un marché désormais mondial où la France, en tout cas dans ce domaine, peut faire valoir des atouts technologiques et industriels de tout premier ordre. L'accident de Tchernobyl et le nuage radioactif qui a recouvert une partie de l'Europe rappellent bien sûr les limites des frontières administratives de nos pays. Les engagements internationaux que nous avons contractés au sommet de Kyoto s'imposent à tous, car la protection de notre environnement se vit à l'échelle planétaire. Nous savons trop les risques écologiques que ferait courir à tous le développement mal maîtrisé au plan énergétique de pays comme la Chine.

Il faut donc poursuivre dans la voie tracée par le Gouvernement mais en poussant plus encore les feux, en instaurant d'abord une démocratisation et une transparence accrue de la problématique énergétique. Nous sommes dans un domaine, certains l'ont rappelé ce matin, où les temps de réponse sont longs. Il faut donc anticiper, planifier, en définissant, pour le demi-siècle qui vient, nos choix de vie et d'aménagement du territoire, d'urbanisme, de transport, de logement. On a beaucoup parlé d'électricité, avec raison. Pourquoi ne parlons-nous pas plus de transports, de déplacements où la consommation énergétique, notamment en matière de pétrole, est tout à fait problématique pour l'avenir de nos générations ?

M. Guy Hascoët.

Tout à fait !

M. Michel Destot.

Il faut bien le reconnaître, notre politique budgétaire et fiscale est très largement hors course, si vous me permettez l'expression, sur cette question. Il faut donc agir pour que l'intervention publique se porte tout autant sur la demande que sur l'offre. Il faut le faire surtout de façon démocratique et la démocratie passe en particulier par le respect de la représentation nationale. C'est pourquoi je vous propose qu'on en


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vienne à la programmation d'une loi d'orientation pluriannuelle, qui fixerait sur cinq ans par exemple les grands engagements de la France en matière de recherche - l'aval du cycle du combustible nucléaire et les énergies renouvelables -, en matière d'investissements - le réacteur du futur EPR et la diversification énergétique -, ainsi que dans le domaine de la coopération internationale - sûreté nucléaire et politique d'après Kyoto.

Sur le fond, la France doit prendre toutes ses responsabilités. Cela veut dire d'abord que, le nucléaire ne pouvant pas répondre à toutes les demandes, il nous faut amplifier l'action en faveur de la maîtrise de l'énergie, de la diversification et des énergies renouvelables. En augmentant de 500 millions de francs cette année le budget de l'ADEME, le Gouvernement a fait un pas sensible dans cette direction. Il faut inscrire cet effort dans la durée et permettre à la France de quitter définitivement la dernière place européenne en matière de recherche et développement dans ce domaine.

Notre politique énergétique doit répondre aussi à l'émergence des sources de production de proximité en favorisant le développement de la cogénération et des offres multiservices. La loi de transposition de la directive européenne sur l'électricité doit nous permettre de trouver sur ce point un bon équilibre entre EDF et les régies et SEM locales de distribution.

Quant au nucléaire, il nous faut le maintenir à un haut niveau de performances. C'est l'intérêt économique, social et écologique de notre pays. C'est même l'intérêt du monde entier, la France étant devenue une véritable référence, au plan de la sûreté notamment. Le désengagement allemand renforce même nos responsabilités en la matière au plan international. Il faut savoir se montrer responsable pour deux ! Car peut-on raisonnablement laisser isolés les pays d'Europe de l'Est aujourd'hui, la Chine et l'Inde demain ? Aussi, compte tenu des échéances à venir, et notamment du renouvellement du parc français en 2010, je plaide concrètement pour que nous décidions, d'ici à la fin de l'année 1999, la réalisation de l'EPR.

M. Yves Cochet.

Non !

M. Michel Destot.

Faisons-le au second semestre, après les élections régionales, pour permettre aux autorités de sûreté de finir de contrôler l'expertise en matière de sûreté pour ce réacteur du futur de la filière PWR à sûreté quasi intrinsèque.

M. Yves Cochet.

Ce sont des mots !

M. Michel Destot.

Le partenaire allemand Siemens y est prêt, il vient de le confirmer. Nous avons quelques mois pour réfléchir à un site approprié. La France dispose de nombreux sites nucléaires. Certains sont même en reconversion pour cause d'arrêt de filière. Pourquoi donc ne pas étudier la faisabilité d'une telle implantation ? A plus court terme, il nous faut prendre des décisions pour conforter la filière Mox et exiger de nos partenaires allemands de traiter différemment la Cogema et la France, c'est-à-dire selon des règles plus respectueuses du droit et du sort des gens. Je m'associe ici pleinement aux revendications de mon collègue Bernard Cazeneuve, particulièrement préoccupé par les risques économiques et sociaux que ferait courir au site de La Hague le maintien de la décision brutale et unilatérale de l'Allemagne.

En conclusion, notre pays me semble capable de trouver en matière énergétique un équilibre pour son avenir, à condition que l'on sorte de l'affrontement traditionnel et manichéen entre nucléaire et antinucléaire, et que l'on accepte résolument d'ouvrir de nouvelles perspectives à notre industrie et à notre recherche au plan international.

Voilà l'occasion de réussir une belle synthèse entre d éveloppement économique, développement social et développement durable. C'est à mes yeux un des plus beaux chantiers de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je n'ai pas pour intention, en contribuant à ce débat, de me prononcer sur la reconduction des choix relatifs à l'énergie nucléaire, mais de poser la problématique de l'avenir d'EDF dans les départements d'outre-mer.

Depuis cinq ans, de nouveaux producteurs d'électricité sont apparus progressivement dans le département de la Guadeloupe, bénéficiant, d'une part, de la politique d'indépendance énergétique menée par la région, l'ADEME et EDF elle-même au titre du programme régional des énergies renouvelables et, d'autre part, de la décision prise par les pouvoirs publics de créer une centrale bagassecharbon pour accompagner la restructuration de la filière canne.

Si ces entreprises nouvelles, dans lesquelles EDF est systématiquement partie prenante et le plus souvent actionnaire dans de fortes proportions, développent des technologies de pointe qui font d'ores et déjà de la Guadeloupe une vitrine de ce secteur, on ne peut nier les conséquences de leur arrivée sur le marché. Et parmi les conséquences néfastes, on note la fermeture anticipée de certaines intallations d'EDF, avec un effet dévastateur sur l'emploi et des répercussions possibles sur la garantie de continuité d'alimentation ainsi que des inquiétudes relatives à la sûreté des zones riveraines, car le stockage de volumes importants de combustibles n'est pas sans danger, surtout dans des régions aussi sensibles aux catastrophes naturelles que les nôtres.

Dans ces conditions, sachant que la production d'électricité de l'entreprise publique couvre pleinement les b esoins énergétiques de l'archipel guadeloupéen et qu'EDF est en surcapacité de production, il me semble indispensable, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas encourager aveuglément la production privée d'électricité.

C'est pourquoi, comme en France métropolitaine, il est nécessaire, pour freiner l'arrivée de nouveaux producteurs privés, de lever l'obligation d'achat imposée à EDF.

D'ailleurs, si cette décision n'était pas prise, EDF pourrait être amenée à acheter un jour prochain plus d'énergie que ne l'exigent les besoins réels du pays.

L'apparition de nouveaux producteurs impose une réorganisation de la gestion du système électrique guadeloupéen avec comme objectifs la mise en synergie de l'ensemble des acteurs et une utilisation efficace et rationnelle des différentes sources d'énergie. Mais au-delà, s'il est légitime de faire appel à toutes les énergies disponibles en valorisant leur complémentarité, il est indispensable d'inclure toutes les entreprises privées productrices d'électricité dans le périmètre du service public et sous la direction d'EDF.

Par ailleurs, dans le cadre de la future loi d'organisation du service public de l'électricité, il est important de maintenir pour l'outre-mer un régime de prix qui demeure connecté au prix EDF métropolitain. Dans la mesure où seront imposées à l'opérateur du service public certaines contributions créant des surcoûts importants, la


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péréquation tarifaire entre les DOM et la métropole doit être appliquée au nom de la continuité territoriale. Il convient donc d'intégrer dans les charges du service public le déficit d'EDF dans notre département.

Enfin, puisque la Guadeloupe constitue, au sens de la directive européenne, un ensemble de petits réseaux isolés, susceptibles de bénéficier des dérogations prévues à l'article 24-3, la France doit demander l'application de ce régime dérogatoire à la Commission. Ainsi pourrait-on ne pas instaurer de concurrence au niveau du client final.

En définitive, même si la nouvelle réglementation met fin au monopole d'EDF, elle n'interdit pas le maintien d'un service public de l'électricité. Nous devons donc veiller à ce que la dérégulation n'entrave pas le développement de notre département et ne conduise pas à un recul de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Merci, monsieur Moutoussamy, d'avoir respecté le temps qui vous était imparti.

La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, ma contribution sera évidemment partielle, partiale et partisane.

Partielle ? Dans un temps trop limité, j'aborderai un seul aspect des problèmes énergétiques : l'aval du cycle nucléaire, et en particulier la gestion des déchets dits ultimes. Un élément ne préjuge pas obligatoirement de la globalité, mais nous savons tous que, parfois, la globalité est discréditée par un seul élément.

Partiale ? Représentant de la nation, mais aussi d'une circonscription, celle de Bure, village où s'engageront les travaux de l'un des deux laboratoires souterrains tendant à valider, ou pas, l'hypothèse d'un stockage des déchets en sous-sol, j'appréhende évidemment les nécessités aux d éclinaisons contradictoires : l'intérêt national et la contingence territoriale, la réponse immédiate et l'héritage laissé aux générations futures.

Partisane ? Socialiste, je note avec satisfaction, d'une part, que c'est l'un des nôtres qui proposa au Parlement la loi du 30 décembre 1991, mais seulement quinze ans après la décision de nucléariser la quasi-totalité de nos sources d'énergie ; d'autre part, que ce gouvernement, notre gouvernement, ouvre des perspectives nouvelles en mettant en place, de décrets en projets de loi, un système moins déséquilibré, moins opaque.

Mais acceptez, à titre de contribution, que je critique et refuse deux modalités actuellement esquissées ou envisagées.

Préalablement, je veux redire, une nouvelle fois, que les exigeantes obligations du principe de précaution que j'appelle de mes voeux dans le traitement des déchets radioactifs, ne sont pas par moi formulées afin de discréditer la filière nucléaire, mais pour répondre sans équivoque à des enjeux d'ordre éthique, d'ordre économique et, le cas échéant, pour l'absoudre demain de ses fragilités d'aujourd'hui.

Prétendre, comme je l'entends souvent, que formuler publiquement ses appréhensions, sa vigilance, voire sa méfiance sur certains aspects de la politique nucléaire nous classerait objectivement alliés des militants antinucléaires est une sottise. Si cette filière veut mériter dans les prochaines années sa pérennité, il lui faut, au-delà de l'indispensable pertinence économique et financière, apprendre la démocratie, la transparence, la modération...

et la maîtrise de ses déchets.

Dans cette perspective, nous avons l'ardente obligation de favoriser certaines mutations et de dénoncer certaines dérives, financières ou pas.

Le temps de l'accompagnement béat est révolu.

A cet égard, afin que nos concitoyens appréhendent avec lisibilité les enjeux posés - nécessités, défis et p aris et, le cas échéant, en acceptent les contraintes et parfois les risques, la politique énergétique de la France doit être soumise à la validation et au contrôle des élus de la nation.

Prenons garde ! Le déficit démocratique enfante les rumeurs, les indiscrétions, les approximations, les peurs et, in fine, les rejets.

Puisse ce premier débat présager d'une autre donne, d'une autre pratique politique dans ce domaine vital au développement de notre Etat, au bien-être de notre communauté.

Prolongeant cette approche politique, j'en appelle donc à vous en urgence. Toutes tendances confondues - dans le cadre de nos responsabilités gouvernementales ou législatives -, nous devons, par des propositions ou des projets de lois, des décrets ou des directives, premièrement, exclure la possibilité de mettre en oeuvre, dès 2006, la réalisation d'un centre de stockage de déchets radioactifs en couche profonde ; deuxièmement, refuser l'irréversibilité du stockage des déchets radioactifs comme possibilité ouverte aux temps présents.

En effet, en 1991, l'Assemblée nationale, à la quasiu nanimité, décidait d'engager des programmes de recherche tendant à la gestion des déchets, notamment B et C, et précisait que - quinze ans après - en 2006, le Parlement, saisi d'un premier rapport, pourrait, le cas échéant, statuer sur la création d'un centre de stockage à grande profondeur.

Or les travaux du premier laboratoire ne sont pas débutés à ce jour.

Or le choix du second site n'est pas déterminé à ce jour.

Il est donc juste et raisonnable de ne permettre au Parlement de statuer définitivement - a minima - que quinze ans après le début des travaux du second laboratoire.

Auparavant, si la saisine parlementaire reste souhaitable dès 2006, puis régulièrement, elle ne peut se conclure par u n vote. Incompréhensible dans l'opinion publique, jetant la suspicion sur le discours scientifique et l'obligation de recherches comparatives, cette hâtive décision discréditerait les responsables politiques que nous sommes.

Enfin, prenant acte du relevé des conclusions présent ées à l'issue de la réunion interministérielle du 9 décembre 1998, qui infléchissent tout le dispositif des recherches concernant les déchets radioactifs vers des solutions compatibles avec la réversibilité desdits déchets, je souhaite que - solennellement - nous mettions « hors la loi » l'hypothèse du stockage irréversible, synonyme d'enfouissement.

M. le président.

Et je souhaite, monsieur Dosé, que vous concluiez.

M. François Dosé.

Je vais conclure, monsieur le président.

Pour les temps présents, qui correspondent à la capacité technique de piéger en colis les déchets radioactifs, notre génération et quelques autres ne peuvent tolérer


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que cette éventualité soit ouverte et offerte. En effet, pour des raisons financières, certains pourraient alors être tentés d'esquiver des recherches en transformation ou transmutation ou autres, trop coûteuses ou jugées aléatoires, et se contenter de solutions plus faciles...

L'irréversibilité du stockage - si les roches s'avéraient un bouclier efficace pour des temps indéfinissables - ne serait tolérable et tolérée que si une génération était confrontée à l'impossibilité de maintenir « dans le colis » la radioactivité des déchets. Ce n'est pas encore, et c'est tant mieux, le cas aujourd'hui.

M. le président.

Monsieur Dosé, je vous demande maintenant de conclure.

M. François Dosé.

Je conclus.

Sans impertinence, mais sans relâche, je ne cesserai de vous dire cette nécessité d'ordre éthique, d'ordre économique.

Le débat est enfin engagé. Merci à ceux qui l'ont permis. Il faut maintenant le mener à son terme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Michèle Rivasi.

Mme Michèle Rivasi.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je donnerai à mon intervention l'intitulé suivant : « Au dogmatisme des certitudes doit faire place la pédagogie du changement. »

M. Yves Cochet.

Très bien !

Mme Michèle Rivasi.

Pourquoi ? Parce que nous nous trouvons dans une période charnière, une période de choix. Nous avons une responsabilité sur les choix d'aujourd'hui, qui vaudront pour demain.

En préalable, j'avoue être un peu déçue que ce débat sur la politique énergétique de la France ne dure qu'une demi-journée, parce qu'il intéresse à la fois tous nos concitoyens et tous les politiques. J'aurais aimé, plutôt que des monologues, que nous définissions des actions permettant, quitte à voter sur les nouvelles orientations, de mettre en oeuvre une politique volontariste beaucoup plus ferme par rapport à ces futurs choix.

Le dogmatisme des certitudes, c'est d'abord celui qui s'attache à l'idée que l'on se fait du progrès. On y voit toujours une technologie centralisée, coûteuse, quitte à ce qu'elle soit dangereuse, très peu modulable et très peu adaptée à l'évolution actuelle du marché. Les ingénieurs, les diplômés d'une grande école, défendent toujours ce schéma-là. C'est une espèce de positivisme qui inspire leur vision du progrès. Nous préconisons au contraire une pédagogie du changement, qui correspond d'ailleurs à la demande des citoyens, très largement orientée vers une technologie innovante, décentralisée et plus soucieuse de l'environnement.

Le dogmatisme des certitudes, c'est aussi la défense du productivisme. Il fallait à tout prix consommer du kilowatt-heure nucléaire, sans prendre en compte la maîtrise de l'énergie et l'efficacité énergétique. Cela a conduit à refuser la cogénération, c'est-à-dire la fabrication simultanée de l'électricité et de la chaleur. Lorsqu'on lui posait la question, EDF répondait qu'elle était là pour produire de l'électricité, pas de la chaleur.

Vous voyez dans quel circuit on fonctionne : on refuse la cogénération qui à un rendement de 80 à 90 %, contre 30 % seulement pour les centrales à charbon, à gaz ou nucléaires. C'est une politique de gaspillage.

On a aussi refusé de développer les turbines à gaz. Ce procédé aurait permis et permettra, j'espère, à la région de Nice, par exemple, d'obtenir de l'électricité sans devoir défigurer son patrimoine naturel et architectural par des lignes à haute tension. Mais, là encore, la pensée dogmatique a empêché, jusqu'à présent, la diversification.

On a été également très frileux pour les énergies renouvelables. Des pays tels que l'Allemagne, le Danemark ou la Norvège les ont développées depuis très longtemps. Les énergies renouvelables, me direz-vous, ne vont pas remplacer les réacteurs nucléaires. Pourquoi pas ? En tout cas, c'est un des objectifs de la Commission européenne, et nous avons pour notre part l'objectif de produire ainsi jusqu'à 12 % de notre électricité.

Les énergies renouvelables présentent en outre l'avantage de pouvoir être adaptées à la géographie des régions.

C ertaines choisiront la géothermie, d'autres l'éolien, d'autres encore le solaire.

Le développement de ces énergies est indispensable.

On m'objectera que 12 % en France, c'est peu. Mais il faut compter avec la demande étrangère. En Afrique, en Amérique, à Madagascar, ce n'est plus le nucléaire qui est demandé, ce sont les énergies renouvelables et je trouve dommageable que notre pays perde ce marché. Car qui répond aux appels d'offres ? Ce sont les Allemands, les Danois, mais pas les Français, parce que nous n'avons pas su, quand il l'aurait fallu, développer cette filière, comme le prévoit désormais le document du Parti socialiste, et je me félicite de ces nouvelles orientations. Il faut absolument mettre de l'argent dans un vrai pôle de recherche et d'innovation consacré à la maîtrise de l'énergie.

Nous avons deux défis majeurs à relever : appliquer le protocole de Kyoto et, qu'on le veuille ou non, réduire le nucléaire. Pourquoi ? D'abord, parce que, comme vous le savez, il y a toujours un certain risque que, dans l'un de nos cinquantesix réacteurs nucléaires, survienne un accident majeur.

M.

Yves Cochet.

Eh oui ! Mme Michèle Rivasi.

M. Tanguy le disait quand il était directeur de la sûreté nucléaire. Vous, en tant que secrétaire d'Etat, moi, en tant que députée, nous tous, si demain se produit un accident majeur, nous en serons responsables. Et plus on augmentera le nombre des réacteurs, plus le risque se confirmera.

Deuxièmement, M. Lajoinie a estimé que le nucléaire ne devait pas être l'apanage des pays développés. Cela veut-il dire qu'on va l'exporter dans les pays sousdéveloppés ? Vous imaginez la responsabilité que l'on prendrait ! Le nucléaire, vous le savez bien, ne peut être le plus sûr possible que s'il y a de l'argent pour le faire fonctionner. Regardez l'état des réacteurs en Russie : dès qu'il y a pénurie d'argent, il y a déficit de sûreté.

Enfin, la population, que ce soit en France ou en Allemagne, n'accepte pas les déchets radioactifs. Là encore, il n'y a pas d'autre solution que de réduire le nucléaire.

Alors, que peut-on faire concrètement pour préparer les choix de demain à l'horizon 2010 ou 2020 ?

M. le président.

Madame Rivasi, veuillez conclure.

Mme Michèle Rivasi.

Oui, monsieur le président.

Il y a d'abord un maître mot, c'est la maîtrise de l'énergie. Il faut absolument diminuer la demande d'électricité. Et pour cela, je voudrais que nous prenions des décisions concrètes.

Il faudrait que, dans tous les ministères - et c'est à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire passer le message -, dans toutes les collectivités, car les maires aussi doivent s'engager, tous les bâtiments publics soient des vitrines de la maîtrise de l'énergie.


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M. Yves Cochet.

Excellent !

Mme Michèle Rivasi.

Il faudrait que ce soient des bâtiments bioclimatiques, qu'on y interdise le chauffage électrique, que l'on renforce l'isolation au-delà des 30 % réglementaires, qu'on y utilise des lampes basse consommation. On éliminerait ainsi deux réacteurs nucléaires.

M. le président.

Il faut conclure.

Mme Michèle Rivasi.

Quant à la transparence, je ne voudrais pas que l'on en fasse un concept d'escamoteur, comme disait Daniel Pennac. Il est significatif que plus les gens de la Cogema parlent de transparence, moins ils sont transparents.

Enfin, si je suis pour une haute autorité, je ne suis pas pour une haute autorité indépendante. Je veux qu'elle dépende des politiques, des ministres. De même, il faut absolument garantir la publication de toutes les mesures et donner aux citoyens un pouvoir de saisine.

Car le nucléaire, et ce sera ma conclusion, est une chose trop importante pour être confisquée par l'administration et par des fonctionnaires. Ce sont les politiques qui sont responsables, et ils le seront devant les générations futures.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, à cette heure tardive, je m'efforcerai d'aller à l'essentiel dans la réponse que je me dois d'adresser au nom du Gouvernement à ceux qui sont intervenus ce matin.

D'abord, et cela honore le travail parlementaire, le débat a été riche et constructif. Il s'est déroulé dans un climat apaisé et non polémique. Il incite à l'optimisme quant à la possibilité pour le Gouvernement et le Parlement de travailler ensemble à la définition des grandes orientations nationales du type de celles de la politique énergétique.

J'ai constaté aussi des convergences fortes sur presque tous les bancs sur l'équilibre de notre politique énergétique, et des convergences unanimes avec le Gouvernement sur la ou les méthodes d'approche des questions énergétiques.

Il y a également un accord unanime sur le « ni tout ni tout » - ni tout nucléaire, ni tout énergie fossile, ni tout énergie renouvelable - que j'ai introduit au début de la discussion, ce matin. En effet, comme l'a dit M. Sarre, notre débat doit se situer sur un terrain rationnel et il englobe des enjeux de société qui dépassent la seule question technique de l'énergie pour rejoindre des enjeux de citoyenneté.

C'est vrai, M. Galley l'a souligné, la politique publique de l'énergie est une question d'indépendance nationale.

Et nous avons parlé ce matin de la place de la France dans le concert des nations développées et industrielles, nous avons parlé de l'indépendance de notre pays.

Contrairement à ce que M. d'Aubert croit pouvoir affirmer, je veux rappeler devant l'Assemblée nationale que lorsqu'une politique est définie par l'arbitrage du Premier ministre, et c'est le cas pour notre politique énergétique, elle engage le Gouvernement tout entier mais aussi chacun de ses membres. Il n'y a donc qu'une seule politique énergétique qui est soumise au contrôle du Parlement. C'est normal et nous avons constaté ce matin combien c'était fructueux - M. Bataille y a insisté avec force.

Après cette très brève introduction, j'articulerai ma réponse, de manière rapide, soyez-en assurés, autour de quelques thèmes.

D'abord, et vous l'avez tous affirmé, nous devons ternir compte du contexte européen et de nos engagements internationaux.

Dans la lutte contre l'effet de serre, enjeu majeur pour le

XXIe siècle - M. Lajoinie et M. Billard l'ont remarquablement indiqué -, la France est bien placée pour respecter les engagements de Kyoto. Nous sommes déjà le plus faible émetteur de carbone parmi les pays industriels.

Rappelons les chiffres, ils sont éloquents : 1,7 tonne de carbone par habitant et par an, contre 5,4 tonnes aux USA, 2,3 tonnes pour l'Union européenne en moyenne et 3 tonnes en Allemagne.

Les permis négociables qui doivent permettre de tenir compte des économies externes, c'est-à-dire ce que coûte à la société d'aujourd'hui et ce que coûtera aux générations de demain la pollution considérable due à l'émission de carbone par les énergies fossiles, doivent être au coeur de notre problématique lorsque l'on parle d'environnement.

En effet, si nous ne pouvions stabiliser nos émissions de gaz à effet de serre, nous devrions financer des droits d'émettre ces mêmes gaz. C'est la règle de Kyoto. Si nous excédions par exemple de 1% notre engagement, nous aurions à débourser 1 milliard de francs par an, soit 152 millions d'euros - pour acquérir des permis de polluer dans le cas où le prix du droit d'émettre 1 tonne de carbone serait fixé, comme l'OCDE l'envisage pour l'instant, à 200 dollars par tonne - 170 euros par tonne.

Il est donc urgent de bien réfléchir aux conséquences de déséquilibres éventuels par rapport aux engagements que ma collègue Dominique Voynet a pris solennellement à Kyoto, au nom de la France.

On a évoqué également le cas de la taxation et de la création d'une taxe générale sur les activités polluantes.

C'est un progrès. Cette taxation doit être rééquilibrée.

Elle doit surtout, je tiens à le redire, se substituer et non pas s'ajouter à la taxation existante dans le cadre de la baisse des prélèvements obligatoires.

Deuxième point : oui la France peut jouer un rôle majeur dans le débat européen sur l'énergie. La diversité de nos positions entre Européens est le reflet des atouts de chacun et c'est une force pour l'Europe dans son ensemble.

Je veux rappeler par exemple que, sur les huits pays membres du G8, sept ont recours au nucléaire. Ainsi, 31% de l'énergie électrique primaire est produite par le nucléaire en Allemagne, 45% en Suède, 29% en GrandeBretagne, 32% au Japon. Chaque membre de l'Union européenne possède, et c'est une force, son identité nationale énergétique : les Norvégiens et les Britanniques ont la leur ; les Néerlandais ont du gaz et du pétrole ; nous, nous avons de l'hydraulique et du nucléaire.

Au sein du marché européen, notre avantage comparatif économique réside dans la production d'électricité en base. A nous de valoriser cet atout qui contribue, compte tenu de l'hétérogénéité des situations énergétiques da ns l'Union, à une bonne diversification du bilan énergétique total européen.

M. Billard et Gatignol, notamment, ont évoqué les relations avec l'Allemagne. Je veux ici aussi être très précis. Qu'il s'agisse des contrats de l'après-2000 ou de ceux qui s'arrêtent en 2000, ils sont à nos yeux couverts par la d éclaration commune franco-allemande du sommet franco-allemand de juin 1989 et par l'échange de lettres


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des gouvernements du 25 avril 1990. Il est encore trop tôt pour tirer les conséquences d'un arrêt du retraitement au 1er janvier 2000 en Allemagne, cela d'autant plus que la loi ne sera adoptée dans ce pays qu'après une négociation prévue avec les électriciens allemands et qui durera probablement plusieurs mois.

Naturellement, ce débat a d'abord une dimension politique et sociale. Les investissements faits en France l'ont été sur la base d'engagements politiques et contractuels.

Leur remise en cause ne peut donc se faire unilatéralement par l'Allemagne. Cela d'autant plus que seules les entreprises françaises et britanniques ont été écartées de l a négociation préalable et que l'impact en termes d'emplois de toute décision, à cet égard, doit être pris en compte.

C'est pourquoi le Gouvernement souhaite que le groupe de travail, dont la mise en place a été décidée par la conférence de Postdam par les chefs d'Etat et de Gouvernement, se réunisse très vite.

Sachez, mesdames, messieurs les députés, que le Gouvernement français fait preuve d'une grande vigilance et d'une grande fermeté en ce domaine. M. Hollande et M. Sarre en ont rappelé la nécessité. Ce fut le cas, il y a moins d'une semaine, lors de mon entretien avec M. Trittin, ministre allemand de l'environnement. Cette fermeté, a également été réaffirmée ce matin par Lionel Jospin qui a évoqué des dédommagements appropriés et nécessaires, si l'Allemagne confirmait sa décision d'arrêter le retraitement de ses déchets nucléaires en France. La fermeté apparaît encore lorsque notre Premier ministre déclare :

« Un pays ami et voisin fait ses choix, mais, pour autant, il y a des accords internationaux et commerciaux. Si les a lternances devenaient maintenant un cas de force majeure pour remettre en cause les traités internationaux, on aurait des problèmes de stabilité sur le plan des relations internationales. Ce type de concept ne peut pas être sérieusement retenu. De même la question du retour des déchets dans les pays d'origine, sur lequel il y a des engagements extrêmement clairs, sera posée avec d'autant plus de force. »

L e point évoqué par beaucoup d'autres orateurs concerne la transposition des directives européennes sur l'énergie et la défense du service public que j'avais d'emblée ici, et avec clarté, je crois réaffirmé au nom du Gouvernement. M. Lajoinie a évoqué la loi électrique et il souhaite que nous défendions le service public de l'énergie en transposant a minima.

M. Hollande, contredit par M. Goulard, a souhaité que le secteur énergétique reste pour l'essentiel dépendant du secteur public et qu'EDF, comme j'en ai pris l'engagement solennel, reste une entreprise publique à 100 %, comme elle l'est aujourd'hui.

En effet, et comme MM. Lajoinie et Billard l'ont souligné, politique énergétique et service public sont indissociablers dans l'esprit des Français. C'est notre culture. Je dirais presque que c'est notre culture démocratique, notre culture de citoyen. Nous devons donc nous attacher ensemble à préciser quelles sont nos priorités en matière de missions de service public des énergies en réseau.

L'examen prochain par votre assemblée du projet de loi sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité en sera - j'en suis certain - l'occasion.

Mais je peux, dès maintenant, vous indiquer deux de nos priorités : le maintien d'une péréquation tarifaire et la satisfaction des besoins minimaux d'énergie pour tous.

J'ai parlé tout à l'heure d'un droit à l'énergie. Il s'agit de la construction d'un droit concret, quotidien à l'énergie, conquête sociale du début du

XXIe siècle. En quelques mots, et je rejoindrai une fois de plus M. Billard : il est question non pas d'un service public de l'énergie à deux vitesses, l'un pour les entreprises et l'autre pour les clients individuels, mais bien d'une unité de démarche. Les uns et les autres doivent bénéficier des baisses de prix. C'est ce qu'on appelle habituellement le progrès.

M. Jean-Pierre Kucheida.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Dans ce contexte, deuxième et dernier point de ma réponse globale, la france a des atouts déterminants à faire valoir dans l'avenir : les énergies nouvelles renouvelables - oui, monsieur Hascoët - et le charbon, messieurs les membres du groupe communiste qui êtes intervenus plusieurs fois sur cette question.

Tout d'abord, les énergies nouvelles renouvelables. En l'occurrence, l'essentiel réside souvent dans la politique des transports. Il faut, en effet, et M. Lajoinie a fait une intervention très remarquée sur cette question, repenser notre rapport aux transports. Je pense notamment à l'équilibre rail-route, élément décisif de notre contribution à une plus grande rationalité dans l'énergie.

M. Asensi a évoqué la géothermie. Je souhaite lui répondre avec précision. Vous connaissez tous l'importance que le Gouvernement attache au sujet difficile et complexe de cette forme d'énergie, mode de production d'énergie nouvelle renouvelable qui n'a pas connu - vous avez rappelé les exemples, monsieur le député -, dans le passé, les succès technologique et économique escomptés d'ailleurs par des gouvernements de gauche à l'époque.

C'est ainsi qu'il faut signaler l'expérience très intéressante des réseaux de chaleur géothermiques de Blanc-Mesnil, de Sevran et de Tremblay.

Les difficultés techniques ont été surmontées, ce qui n'était pas le cas au début des années 90.

M. François Asensi.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Quant aux questions économiques, deux mesures sont en cours de préparation. Tout d'abord, un décret cohérent avec la loi sur l'air visant à faciliter le classement des réseaux alimentés par les énergies nouvelles renouvelables doit être proc hainement signé. Par ailleurs, le Gouvernement a demandé à Bruxelles la possibilité d'accorder le taux réduit de TVA aux abonnements aux réseaux de chaleur, comme pour les énergies concurrentes.

Mme Michèle Rivasi et M. Yves Cochet.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Moutoussamy a évoqué, quant à lui, la situation des zones insulaires dans les départements et territoires d'outre-mer. Il a fait allusion à la production électrique dans les DOM-TOM : les centrales électriques bagasse-charbon sont une solution prometteuse que je souhaite encourager. L'utilisation de la bagasse est notamment une bonne solution locale de production d'énergie. En tout cas, je veux lui redire que le service public doit être le même dans les départements et territoires d'outre-mer et dans la métropole. Le principe de la péréquation tarifaire doit s'appliquer partout sur le territoire de la République.

Trois centrales électriques bagasse-charbon sont actuellement en fonctionnement : deux à la Réunion - le Gol et Bois Rouge - une à la Guadeloupe. Cette filière technologique de pointe pourrait utilement être développée dans d'autres régions sucrières du monde, par exemple au Vietnam ou à Cuba.

J'en viens au charbon, dont M. Meï a excellement parlé avec l'exemple, notamment, de Gardanne. Là aussi, nous devons la vérité à l'Assemblée nationale.


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Compte tenu des lourdes pertes générées par l'exploitation des mines françaises et de l'absence de toute perspective réaliste de redressement, le Pacte charbonnier repose sur le principe de la cessation de l'extraction charbonnière en France, au plus tard en 2005. En contrepartie, il offre à chaque mineur le choix entre une reconversion externe et la poursuite de son activité au sein du groupe Charbonnages de France jusqu'à l'obtention d'une « mesure d'âge » appropriée.

Dans ce contexte, les conditions de la réduction progressive d'activité de la mine de Gardanne constituent pour les prochaines années un enjeu social et économique majeur. M. Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons communiqué début octobre 1998 au préfet de la région PACA les orientations qu'il convenait de mettre en oeuvre afin de définir un plan d'ensemble de reconversion du bassin. Je les énumère rapidement.

Pour la mine, des études et des décisions vont être mises en oeuvre afin d'assurer, malgré un contexte géologique difficile et l'approfondissement des chantiers, la poursuite de l'exploitation dans les meilleures conditions de sécurité jusqu'à l'échéance de 2005. C'est une garantie.

En ce qui concerne l'approvisionnement en combustible de la centrale de Provence, il en va de l'existence de la centrale électrique de Gardanne et, a fortiori, de son développement futur.

Par ailleurs, nous avons décidé la mise à l'étude sur le site de la centrale de Provence d'une nouvelle installation de production, fondée sur la technique du « lit fluidisé circulant » : plusieurs d'entre vous ont souligné qu'il s'agissait d'un des points technologiques où la France excelle. M. Le Déaut, notamment, l'a évoqué. J'espère que cela pourra être réalisé rapidement. C'est un investissement de plus de 1 milliard de francs.

Enfin, pour Gardanne, au-delà des mesures qui visent à poursuivre autant que possible l'exploitation minière jusqu'au terme prévu, et à conforter l'activité électrique, un programme de développement industriel du bassin, de soutien à l'emploi et de formation professionnelle des jeunes a été défini. Il engagera des crédits publics très importants.

Comme j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de le dire à M. Meï, et comme M. Strauss-Kahn lui-même l'a rappelé, l'effort de l'Etat ne se tarira pas. Il jouera le jeu jusqu'au bout de la redynamisation industrielle du site. C'est sur cette base que s'est ouverte la concertation engagée depuis un an.

J'en viens au gaz et au pétrole.

Le recours au gaz est appelé à se développer, mais sans excès. En ce domaine, Gaz de France a une politique dynamique et de sécurisation de nos approvisionnements.

J'ai eu le grand plaisir d'assister, aux côtés de notre Premier ministre, Lionel Jospin, et du Premier ministre norvégien à l'inauguration de gazoduc NORFRA qui engage, de manière très explicite, notre politique en faveur de ce moyen de production d'énergie. Il est également significatif que le gouvernement britannique ait, de son côté, mis fin à ce que l'on avait appelé la ruée vers le gaz constatée ces dernières années, alors qu'il bénéficie sur le territoire du Royaume-Uni de ressources gazières substantielles, ce que nous ne connaissons malheureusement pas en France.

La cogénération évoquée par MM. Borota, Gaillard, Meylan, Destot et Mme Rivasi, c'est-à-dire la production combinée d'électricité et de chaleur valorisée, constitue un enjeu important. Sur le plan énergétique, il s'agit d'une filière qui permet d'atteindre de très bons rendements et contribue à la diversification de notre parc de production électrique. M. Destot a souligné que nous l'avions fait avec succès. Sur le plan industriel, la cogénération est un atout pour les consommateurs ayant de gros besoins en électricité ou en chaleur, dans la mesure où elle permet de réduire leur facture énergétique.

D e nouveaux principes avaient été définis par M. Borota en 1997 en ce qui concerne la rémunération de l'électricité produite par le cogénérateurs et achetée par EDF. De nombreux contrats, qui concernent des installations allant en pratique jusqu'à 90 mégawatts pour un total de 1 200 mégawatts - plus sans doute que ce qui avait été prévu à l'origine - ont été signés dans c e cadre ou le seront bientôt. Il faut objectivement reconnaître qu'ils ont permis le décollage de la cogénération en France.

Les conditions économiques d'achat de l'électricité produite par les nouvelles installations devront désormais prendre en compte les évolutions technico-économiques, notamment - plusieurs orateurs de l'opposition en ayant parlé également, je leur adresse aussi ma réponse - la baisse des coûts ainsi que la perspective d'une ouverture du marché électrique à la concurrence. A cet égard, je peux rassurer M. Lajoinie : je souhaite qu'elle soit très maîtrisée.

Le nucléaire est comme l'a rappelé d'un trait cursif, qui définit bien la situation, M. Hollande - la source principale, mais pas la source exclusive de l'énergie électrique.

O ui, mesdames, messieurs, il faut changer nos méthodes, et le Gouvernement le fait. Ainsi, lorsque nous avons décidé, il y a quelques jours, autour du Premier ministre qui a arbitré dans un sens favorable à cet égard, de doter de 100 millions supplémentaires l'office de protection contre les radiations ionisantes, nous avons changé la méthode d'approche de la question du nucléaire.

MM. Billard, Honde, Billardon, Destot et Birraux ont évoqué l'EPR, sujet devant lequel je ne veux pas me dérober. Je vais donc faire le point sur cette question industrielle.

Dans un contexte où chaque filière de production d'électricité est en progrès, maintenir l'option nucléaire ouverte nécessite que les pouvoirs publics accordent une attention particulière aux projets de réacteurs nucléaires futurs.

Nous continuons bien évidemment à porter notre attention aux projets existants, notamment aux recherches menées autour de l' european pressurized water reactor qui en sont au stade de l'avant-projet détaillé. Ce réacteur est conçu comme une évolution des réacteurs à eau sous pression et il poursuit deux objectifs qu'il convient de rappeler à l'Assemblée.

Il s'agit d'abord de rendre ces réacteurs encore plus sûrs, notamment en diminuant par dix les risques de fusion du coeur et en atténuant les conséquences à l'extérieur du site en cas d'accident grave.

Nous visons, ensuite, l'amélioration des performances.

L'EPR, tel qu'il est prévu aujourd'hui, devrait ainsi permettre un gain substantiel de compétitivité économique grâce à l'augmentation de disponibilité et à l'optimisation de l'utilisation du combustible nucléaire. L'EPR devrait consommer moins de combustible nucléaire.

Ce programme a, depuis 1989, fait l'objet d'une coopération européenne exemplaire. Il faut saluer les industries du secteur de l'électricité, en particulier EDF, qui


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 JANVIER 1999

ont apporté leur contribution ainsi que les entreprises comme Framatome en France et Siemens en Allemagne, qui vient de renouveler son intérêt pour ce réacteur.

Il convient aussi d'adresser nos félicitations aux autorités de sûreté en France et en Allemagne, car elles ont réussi à définir de manière très convergente des prescriptions qui ont permis de parvenir à l'avant-projet détaillé.

Le maintien de l'option nucléaire ouverte passe, entre autres, par celui des compétences d'étude et des moyens de fabrication les plus stratégiques. Il dépend aussi de la p ossibilité d'engager les études de définition et la construction d'une tête de série EPR. Personnellement, j'y suis favorable. Je peux indiquer à l'Assemblée nationale que cette question sera traitée dès 1999, comme l'a demandé, il y a quelques instants, M. Destot.

MM. Billard, Birraux et Billardon ayant évoqué la restructuration de l'industrie nucléaire, je tiens à rappeler, parce qu'il s'agit d'une société très importante, les réflexions en cours au sujet de Framatome, entreprise solide qui a les moyens d'assurer son développement comme en atteste l'opération de croissance externe qu'elle a réussie, l'automne dernier, dans le domaine de la connectique. Framatome a ainsi su opérer le redéploiement nécessaire au cours de la dernière décennie : de la construction de chaudières vers les activités de service et de fabrication du combustible du parc en exploitation.

En tout état de cause, cette entreprise restera, quelle que soit son évolution industrielle ou patrimoniale, à majorité publique.

M. Aubert et M. Gaillard m'ont interrogé sur notre position à l'égard de la fabrication du combustible Mox.

Je leur indique donc que toutes les décisions réglementaires concernant la Hague ou Marcoule, où se trouve l'usine Melox, seront prises dans les prochaines semaines.

M. Franck Borotra.

Bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Mesdames, messieurs, la puissance publique, sous le contrôle du Parlement, doit continuer à jouer un rôle majeur dans le secteur énergétique. Nous en sommes tous conscients et nous sommes tous d'accord pour souligner la responsabilité centrale de l'Etat dans l'organisation, à long terme, de notre politique énergétique. Ainsi que nous l'avons démontré ce matin, nous pouvons réaliser, dans ce domaine, un excellent travail pour servir la nation.

Nous devons également nous efforcer de mener notre politique énergétique autrement, c'est-à-dire dans la transparence et, comme l'ont souligné avec ferveur M. Dosé et Mme Rivasi, en conservant des possibilités de réversibilité quant à l'éventuel stockage des déchets nucléaires.

Il est aussi indispensable de tenir compte de la d emande des consommateurs, comme l'a souligné M. Hascoët. Il faut donc non pas fermer les choix, mais ouvrir les portes de l'avenir. Le gouvernement de Lionel Jospin est pleinement convaincu de la légitimité d'un examen périodique par le Parlement de l'ensemble de notre politique énergétique. Ainsi, le moment venu, les engagements de Kyoto devront lui être présentés. Monsieur Lajoinie, vous aurez satisfaction sur cette question aussi.

La France, dans un contexte international évolutif, a un rôle majeur à jouer, M. Galley l'a rappelé et je partage la philosophie de son intervention. M. Bataille l'a également souligné. Elle doit, en particulier, apporter sa contribution à la compétitivité et à l'indépendance énergétique de l'Europe.

Rassemblant tous les avis donnés de toutes les contributions au débat apportées ce matin, qu'ils soient venus de la majorité, dont ils ont exprimé le caractère pluriel, ou de l'opposition, je constate qu'ils ont tous été constructifs et j'espère qu'ils nous permettront de bâtir une politique nationale d'indépendance énergétique. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Le débat est clos.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à seize heures trente, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1071, d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ; M. Philippe Duron, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1288).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à quatorze heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT