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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Message de M. le Président de la République (p. 1855).

2. S ouhaits de bienvenue à une délégation étrangère (p. 1856).

3. Questions au Gouvernement (p. 1857).

LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ (p. 1857)

MM. Marc-Philippe Daubresse, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

TVA SUR LA COLLECTE ET LA VALORISATION DES DÉCHETS (p. 1857)

MM. Jean-Jacques Jégou, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (p. 1858)

MM. Michel Suchod, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

ENQUÊTE SUR L'ASSASSINAT DU PRÉFET ERIGNAC (p. 1859)

M. Jacques Myard, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

RETRAITES (p. 1859)

M. Jean-Claude Sandrier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

CLIMAT SOCIAL DE FRANCE TE LE

COM (p. 1860)

MM. Claude Billard, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

POLITIQUE EUROPÉENNE 2000 (p. 1861)

MM. Alain Barrau, Lionel Jospin, Premier ministre.

PROCÈS CALAN (p. 1861)

MM. Jean-Paul Bret, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

RETRAITES (p. 1862)

M. Francis Delattre, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

HEURES SUPPLÉMENTAIRES DES PROFESSEURS (p. 1863)

MM. Bernard Schreiner, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

AIDE MÉNAGÈRE A

DOMICILE (p. 1863)

Mmes Jacqueline Ledard, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

4. Service public de l'électricité. Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 1864).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

M. Christian Bataille, rapporteur de la commission de la production.

MM. Claude Birraux, Michel Crépeau, François Goulard, Alain Cacheux, Franck Borotra, Claude Billard.

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 1871)

5. Ratification du traité d'Amsterdam. Discussion d'un projet de loi (p. 1872).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Michel Vauzelle, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Guy-Michel Chauveau, rapporteur pour avis de la commission de la défense.

M. Jack Lang, président de la commission des affaires étrangères.

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

M. Maurice Ligot, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 1885)

E xception d'irrecevabilité de M. Alain Bocquet : MM. Robert Hue, le ministre délégué, Mme Béatrice Marre, MM. Richard Cazenave, Emile Blessig, Pierre Lequiller. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

6. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 1893).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

MESSAGE DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :

« Paris, le 2 mars 1999

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 18 de la Constitution, je vous prie de bien vouloir trouver, sous ce pli, un message que j'ai décidé d'adresser au Parlement.

« Je vous remercie de bien vouloir en donner lecture à l'Assemblée nationale dès l'ouverture de la séance de ce jour.

« Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

« Signé : JACQUES CHIRAC » Voici les termes du message de M. le Président de la République (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent) :

« Mesdames et messieurs,

« Au moment où le Parlement ouvre le débat sur la ratification du traité d'Amsterdam, je voudrais, comme la Constitution m'y autorise, vous dire l'idée que je me fais de l'Europe et de la place que la France doit y tenir.

« L'Europe est le fruit d'une nécessité, d'un idéal et d'une volonté. Elle a surgi des décombres de la guerre et de la barbarie. Ses fondations ont été établies sur un socle étroit, exposé dès la première heure à de nouvelles menaces totalitaires.

« En dépit de toutes les forces contraires, elle n'a cessé de grandir. Ce fut la réconciliation franco-allemande, pierre d'angle du projet européen, l'union des démocraties pour défendre la paix et la liberté, la proclamation de l'Europe des droits de l'homme. Ce fut l'élan de la reconstruction dans la solidarité, l'Europe du charbon et de l'acier, l'EURATOM.

« Sous l'impulsion du général de Gaulle, la France s'est engagée résolument dans le marché commun et la polit ique agricole commune, à nos yeux inséparables.

L'Europe a progressé, surmontant les crises de croissance, dépassant les blocages, assez sûre d'elle-même pour s'ouvrir peu à peu à ceux qui avaient tardé à la rejoindre. Elle n'a cessé de se renforcer dans ses institutions comme dans ses politiques.

« Il y eut la création du Conseil européen, l'élection d'un parlement au suffrage universel, l'Acte unique. Il y eut la libre circulation des personnes, le marché intérieur et les nombreuses politiques communes. Il y a maintenant l'euro qui nous permet, avec nos partenaires, de reconquérir une souveraineté monétaire de plus en plus difficile à exercer au niveau national. Il y aura demain le traité d'Amsterdam qui ouvre des voies nouvelles.

« Cette Europe, encore inachevée, les Français l'ont faite ensemble. Presque tous, nous pouvons en revendiquer notre part. Chaque Président, chaque gouvernement a laissé sa trace dans cette grande aventure collective qui exige autant de passion que de raison, autant d'audace que de prudence.

« A ce point de notre histoire, dans un monde qui peine à trouver ses équilibres, il est important de nous fixer des objectifs clairs, dans l'intérêt des peuples de l'Union et pour que l'Europe poursuive et achève sa quête d'elle-même.

« Dans l'immédiat, c'est la consolidation de l'acquis européen, tâche de tous les jours, souvent difficile, comme nous le voyons avec l'Agenda 2000. Le financement de l'Union et l'avenir des politiques agricoles et régionales sont en jeu. C'est pourquoi la France défend avec fermeté les principes et le contrat sur lesquels s'est bâtie l'Europe.

« C'est aussi, plus largement, libérer les énergies, assurer la croissance de l'activité sur notre continent. Notre ambition doit être de transformer le succès de l'euro en coordonnant nos politiques économiques, en diminuant les prélèvements obligatoires et en donnant la priorité à l'emploi.

« Réformer les institutions de l'Union pour les rendre plus efficaces et plus démocratiques est une autre nécessité.

« Il n'est déjà pas facile de travailler à quinze avec des institutions conçues pour six. La prochaine adhésion de nouveaux membres nous impose de modifier au préalable la composition de la Commission comme les règles de majorité et de pondération au Conseil.

« Les peuples ne se sentent pas assez concernés par la construction de l'Union. Il faut qu'ils y participent davantage par leurs députés européens qui vont être prochainement renouvelés et dont la présence et l'engagement à Strasbourg sont indispensables.

« Il faut aussi une plus grande implication des parlements nationaux et je vous invite à user largement des pouvoirs que la Constitution vous attribue en la matière.

« Plus de démocratie, c'est enfin clarifier les responsabilités. L'Europe s'épuiserait à vouloir traiter de tout par des réglementations excessives qui la rendent parfois impopulaire et l'éloignent de sa vocation. Le principe de subsidiarité, libérateur d'énergies, doit s'imposer.

« Cette tâche accomplie, il faudra solder définitivement les déchirures de l'histoire, donner à l'Union ses véritables frontières, lui permettre d'accueillir, dès qu'ils seront prêts, les peuples sans lesquels elle demeurerait inaccomplie. Pendant près d'un demi-siècle, ces peuples sont


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restés interdits d'Europe. L'espoir de nous rejoindre les a soutenus dans leur combat pour la liberté et la démocratie. Nous n'avons pas le droit de les décevoir.

« Parce que souvent jugée trop technocratique, l'Europe est apparue lointaine et abstraite. Agissons pour qu'elle s'enracine enfin dans le coeur des hommes.

« Il y a une civilisation européenne. Elle est faite de cultures nationales qui se parlent et se répondent depuis des temps anciens. Des grandes universités médiévales aux encyclopédistes du

XVIIIe siècle, cette civilisation a été portée par les idéaux de la liberté et de l'humanisme. Elle n'est pas une nostalgie. Elle est un projet vivant pour chaque Européen, celui d'une Europe de la culture et de l'esprit.

« Défendre et faire vivre nos langues. Echanger les savoirs, partager les expériences, renforcer nos pôles de recherche, mêler les hommes, professeurs et étudiants.

Harmoniser les parcours universitaires pour créer l'Europe de l'intelligence. Mieux se connaître, et pour cela faire circuler oeuvres et créateurs. C'est ainsi, en faisant vivre l'Europe, que nous la ferons aimer aux Européens, et d'abord aux jeunes parce qu'elle sera synonyme de liberté plus grande, d'épanouissement, d'émotion et d'amitié.

« De même qu'il y a une civilisation européenne, il y a un modèle social européen : une tradition de négociation collective, une protection contre les aléas de l'existence, un Etat garant de la cohésion sociale. C'est aussi, pour nous, un modèle de développement. Il est indissociable de la citoyenneté européenne. Depuis le mémorandum que j'ai présenté au nom de la France en mars 1996 et l'impulsion donnée par le Conseil européen de Luxembourg, l'Europe sociale progresse plus vite. L'Union se dote enfin d'une politique de l'emploi. Elle doit, en privilégiant la voie du dialogue contractuel, rechercher une plus grande harmonisation et une baisse coordonnée des charges pesant sur le travail.

« Les Français seront d'autant plus attachés à l'Europe qu'elle les protégera. Mais il faut pour cela que l'Union monte en puissance et en volonté, qu'elle assume ses responsabilités, qu'elle soit capable de s'imposer dans les discussions internationales et d'y relayer notre action.

« C'est par l'Europe que nous prendrons le meilleur de la mondialisation tout en maîtrisant les forces aveugles qu'elle peut générer. C'est par l'Europe que nous obtiendrons, ainsi que je le propose, la refonte de l'architecture financière internationale pour mieux prévenir les crises économiques.

« Qu'il s'agisse de l'aide au développement, pour que ceux qui ne manquent de rien aident ceux qui manquent de tout, qu'il s'agisse de la maîtrise des flux migratoires, de la protection de l'environnement, de la lutte contre la drogue et le terrorisme, nous serons plus forts si nous sommes ensemble.

« Je plaide depuis longtemps pour que les pays européens prennent mieux en charge leur défense. Pour que l'Union se dote de moyens militaires. Les esprits devront encore évoluer et je m'y emploie jour après jour. La priorité est de bâtir un partenariat de défense transatlantique mieux équilibré, dans l'esprit de la récente déclaration franco-britannique de Saint-Malo. L'Europe doit pouvoir jouer tout son rôle dans le règlement des crises qui la concernent, comme elle a commencé à le faire au Kosovo.

« Le moment est venu de jeter les bases d'une véritable politique étrangère et de sécurité commune. Il y faudra du temps et de la persévérance. Mais la France est bien dans son rôle en proposant à ses partenaires que l'Europe pousse à l'organisation d'un monde multipolaire fondé sur l'ordre juridique international patiemment bâti depuis cinquante ans. Ayons pour ambition de faire de l'Union européenne un ensemble politique porteur de paix, d'équilibre et de progrès dans le monde.

« Mesdames et messieurs, voilà l'Europe que je souhaite, une Europe qui doit être l'expression commune des peuples qui la composent, dans la fidélité à leur identité, à leur langue, à leur culture. Aucun n'accepterait de s'y dissoudre. Chacun, à travers elle, veut au contraire exister davantage.

« Le destin de la France n'a jamais été de se replier sur son hexagone. Il est au contraire de se projeter vers l'extérieur et de faire vivre et partager ses idéaux. Cette identité française, à laquelle nous sommes tous si profondément attachés, a, aujourd'hui et pour les temps qui viennent, besoin de l'espace européen pour s'exprimer, pour essaimer, pour évoluer. Loin d'être incompatible avec l'idée de nation, l'Europe est le lieu politique et spirituel où cette idée peut respirer et s'enrichir avec le plus de force.

« Certes, des difficultés nous attendent qui sont le poids des habitudes, les conflits d'intérêts, les réticences de certains à entrer pleinement dans le mouvement et à en accepter le rythme et l'ampleur. Nous savons aussi qu'une volonté politique sera nécessaire pour défaire les noeuds qui trop souvent nous empêchent d'avancer et de gagner ; pour tirer le meilleur parti des atouts que sont nos richesses humaines, nos entreprises, notre recherche, notre espace rural et maritime.

« Les élus du peuple que vous êtes, l'élu du peuple que je suis, nous devons, les uns et les autres, prendre toute notre part à cette grande oeuvre collective. Pour mieux servir les Français, je veux bâtir une Europe humaine et puissante. Etre ambitieux pour la France, c'est aussi être ambitieux pour l'Europe. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

L'Assemblée nationale donne acte à M. le Président de la République de son message, qui sera imprimé et distribué sous le no 1412 mais qui se trouve d'ores et déjà disponible au lieu habituel de mise à disposition des documents parlementaires.

2

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le président.

Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation p arlementaire éthiopienne conduite par M. Dawit Yohannes, président de la Chambre des représentants du peuple.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

3

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ

M. le président.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Monsieur le ministre de l'intérieur, jour après jour, l'insécurité progresse dans notre pays.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Michel Lefait.

Cela faisait longtemps !

M. Marc-Philippe Daubresse.

La délinquance s'aggrave dans les banlieues. Les trafics de drogue atteignent nos campagnes. Il y a quinze jours, c'était la course-poursuite de Saint-Chamond avec son tragique dénouement. La semaine dernière, c'était l'incendie de Manosque. Face à ce surcroît de délinquance, les Français restent sceptiques, un mois et demi après l'annonce des mesures qui ont été présentées par le Gouvernement.

L'UDF est le parti de l'Europe. Elle se réjouit de la déclaration qui vient d'être faite à la représentation nationale par le Président de la République.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) L'UDF est aussi le parti de la décentralisation et elle considère que la réponse au problème de l'insécurité se trouve d'abord dans des actions de proximité. Or, monsieur le ministre, les contrats locaux de sécurité sont en panne depuis un mois. Je veux en signer un dans ma commune ; je fais des propositions à l'Etat, mais je n'ai pas de répondant dans la corbeille de la négociation. Les adjoints de sécurité sont souvent peu formés et ne remplacent ni quantitativement ni qualitativement les policiers qui partent en retraite. Enfin, les réorganisations, les redéploiements des forces de la police préconisés par le rapport Bauer n'ont pas été opérés.

Ma question est donc simple. Monsieur le ministe, nous ne mettons pas en doute la pureté de vos intentions, mais obtenez-vous du Premier ministre les moyens de vos ambitions ? Avez-vous choisi la bonne méthode ? Comment concrètement les Français peuvent-ils mesurer le nouveau plan de lutte conte l'insécurité ? Surtout, à quelle échéance en verront-ils les effet positifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, je suis extrêmement surpris de vous entendre déclarer que les contrats locaux de sécurité sont en panne : 200 ont été signés à ce jour ;...

M. Yves Nicolin.

Il n'y a rien dedans !

M. le ministre de l'intérieur.

... plus de 400 sont en cours d'élaboration et seront signés dans le courant de l'année. Un travail de mise en commun est effectué dans le cadre d'ateliers d'animation déconcentrés - une dizaine au total - qui se tiendront d'ici au mois de juin. Plus de 8 000 adjoints de sécurité ont été recrutés et 8 300 le seront en 1999.

Le projet de loi sur les polices municipales est en phase d'examen terminal. Nous allons en aborder la troisième lecture et, à partir de là, nous disposerons d'un cadre clair, cohérent, permettant d'harmoniser les moyens mis en oeuvre par l'Etat, qui représentent l'essentiel, et ceux que les communes souhaiteront mettre en lice.

D'une manière générale, des orientations ont été prises au dernier conseil de sécurité intérieure visant à rendre plus présentes les forces de police et de gendarmerie sur toute l'étendue du territoire national. Des mesures de redéploiement sont d'ores et déjà prises. Elles s'étaleront, bien sûr, sur plusieurs années au fur et à mesure des départs à la retraite, car je n'ai pas besoin de vous expliquer que la police nationale est un corps de fonctionnaires et que la police de proximité est un concept trop nouveau pour que l'on puisse le mettre en oeuvre sans expérimentations préalables - trente-cinq sont prévues d'ici au mois de mai.

Par ailleurs, une réponse immédiate sera apportée à la commission d'actes de délinquance par la création sous l'égide du ministère de la justce de centres de placement immédiat strictement contrôlés.

Enfin, pour répondre au problème de la violence à l'école, il a été décidé de créer plus de cent classes-re lais.

Toutes ces mesures se mettent en oeuvre sur le terrain, et beaucoup d'autres encore.

M. Guy Teissier.

Avec quel argent ?

M. le ministre de l'intérieur.

Ces questions sont suffisamment graves et préoccupantes - je suis de ceux qui les prennent au sérieux - pour que l'on ne s'en serve pas à des fins de surenchère purement partisane ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je crois que nous pouvons faire confiance à la police nationale, à la gendarmerie nationale et à tous les acteurs de la sécurité, parmi lesquels les nombreux élus locaux que vous êtes, pour traiter ces problèmes avec le sérieux qu'ils méritent.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

TVA SUR LA COLLECTE ET LA VALORISATION DES DÉCHETS

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour une question brève.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le secrétaire d'Etat au budget, dans le cadre de la loi de finances de 1999, nous avons adopté, en décembre dernier, une mesure consistant à faire passer de 20,6 % à 5,5 % la TVA pour les communes pratiquant la collecte sélective et la valorisation des déchets ménagers. Néanmoins certaines indiscrétions nous donnent le sentiment que cette mesure pourrait être remise en cause compte tenu de la somme en jeu, à savoir non pas 400 millions de francs comme cela avait été annoncé lors de l'examen de la loi de finances, mais plutôt entre 1 milliard et 1,5 milliard.

Monsieur le secrétaire d'Etat au budget, l'ensemble des collectivités, les groupements de communes, les SIVOM, qui ont accueilli cette disposition avec bienveillance,


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s'interrogent, d'autant qu'ils sont en train de préparer leur budget. Pouvez-vous nous confirmer que, pour les collectivités ayant signé une convention avec une société agréée pour traiter et valoriser les déchets, l'ensemble de la facturation, tant de la collecte que du traitement, sera bien soumise à une TVA de 5,5 % ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget, pour une réponse brève.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, je vous remercie d'avoir rappelé l'importance du dispositif fiscal tendant à la protection de l'environnement qui a été adopté par la majorité de cette assemblée dans le cadre du budget de 1999. Je rappelle que ce dispositif j'ai entendu parler d'an I de la fiscalité écologique - a été préparé par un important trava il parlementaire. Mme Nicole Bricq a notamment remis un rapport sur ce sujet.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Bravo !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est dire que le Gouvernement souhaite travailler avec le Parlement sur ces questions.

Il a donc été décidé d'étendre le taux réduit de TVA sur le tri sélectif des déchets plus en aval et des instructions fiscales vont bientôt sortir à cet effet. Je peux vous d onner l'assurance, monsieur le député, que, si la commission des finances le souhaite, je suis tout à fait prêt à en discuter avec elle. Vous prêtez au Gouvernement des intentions de duplicité, cela n'est absolument pas sa méthode. Nous vous donnerons tous les éclaircissements nécessaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. le président.

La parole est à M. Michel Suchod.

M. Michel Suchod.

Monsieur le ministre de l'agriculture, je veux d'abord vous faire part de notre chaleureux soutien (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) dans la négociation sur la réforme de la PAC que vous menez au nom de la France, qui est unie derrière vous, derrière le Gouvernement et derrière le Président de la République. Des millions d'agriculteurs et de ruraux soutiennent votre action.

Dans un moment de philosophie (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe démocratie libérale et Indépendants), je voudrais rappeler qu'il y a quarante ans a été conclu, par le couple franco-allemand naissant, un accord que l'on pourrait résumer de la sorte : soutien de l'agriculture françaisepolitique agricole commune, contre soutien à l'industrie allemande, c'est-à-dire droits de douane abaissés. Cet accord a pleinement été respecté pendant quarante ans puisque la France a consenti des sacrifices très importants. Nous avons notamment accepté qu'il n'y ait plus de machines-outils françaises, plus de cycles français parce que nous étions respectueux des accords, et l'on vient nous dire aujourd'hui que l'agriculture serait la seule variable d'ajustement ! Ce n'est pas raisonnable ! Si des économies doivent être faites, elles doivent l'être également dans d'autres secteurs. Nos agriculteurs ont su construire la deuxième agriculture du monde. Ils ont droit au maintien des exploitations, familiales notamment et de celles qui pratiquent la polyculture. Nous devons protéger l'emploi dans ce secteur comme ailleurs.

Monsieur le ministre, où en est le Gouvernement dans cette difficile négociation ? Quels sont vos pronostics sur les chances de la France d'obtenir une juste prise en compte de ses intérêts nationaux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, ce qui s'est passé la semaine dernière à Bruxelles a, d'une certaine manière, donné satisfaction aux pouvoirs publics français. En effet, comme nous le souhaitions, il n'y a pas eu d'accord partiel et partial sur la PAC en attendant l'accord global que nous souhaitons tous. Par ailleurs, la France n'a pas été isolée dans cette affaire. Au contraire, il a été largement pris conscience au sein du conseil de l'agriculture que les propositions faites étaient à la fois excessives et déséquilibrées. Enfin, il y a eu une prise de conscience globale de l'ensemble des ministres de l'agriculture européens sur la nécessité d'une réorientation des aides au niveau agricole. C'est une idée qui fait son chemin, si j'ose dire.

Cela dit, il ne faut pas se satisfaire de ce qui s'est passé la semaine dernière. Après cet échec, notre devoir est en effet de reprendre le travail consciencieusement, méthodiquement et sereinement. Le Gouvernement français est donc tout à fait disponible pour le faire à tout moment afin d'aboutir à un compromis. Nous allons reprendre le travail dès jeudi prochain, à dix-huit heures, date de convocation du conseil de l'agriculture.

La France qui, après le sommet de Petersberg, se trouve confortée dans ses positions et confirmée dans sa mission abordera cette négociation autour de quelques idées simples.

Premièrement, nous devons maîtriser la dépense agricole et ne pas nous amuser à faire une réforme coûteuse sans nous soucier de son financement. Cette idée de maîtrise de la dépense agricole recueille maintenant un large accord au sein des gouvernements européens.

Deuxièmement, nous devons aboutir à un accord équilibré et en particulier éviter qu'une avancée pour certains pays ne se traduise par un recul pour d'autres. Je ne citerai qu'un exemple. A l'heure où l'ensemble de l'Europe parle de la nécessité de penser à une nouvelle agriculture plus respectueuse de l'environnement et de l'aménagement du territoire, soucieuse du milieu rural et de son animation, il est étonnant et, d'une certaine manière, inacceptable que toutes les propositions faites en matière d'élevage la semaine dernière aient eu pour seul objet d'encourager l'élevage intensif. C'est à bien des égards totalement inacceptable, d'autant que cela lèse considérablement les intérêts français. Il faut donc rééquilibrer tout cela.

Il faut aussi réorienter la PAC, faire en sorte que les aides directes soient progressivement réduites pour pouvoir réalimenter le deuxième pilier de la PAC, à savoir le développement rural, afin justement de mieux prendre en compte cette exigence d'aménagement du territoire et les petites exploitations familiales dont nous avons besoin en milieu rural.


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M. le président.

Monsieur le ministre, voulez-vous conclure, s'il vous plaît !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cette réorientation commence, elle aussi, à susciter un large accord.

Ces bases étant posées, monsieur le député, je ne fais pas de pronostics. Je vous le dis comme je le pense, le travail qui nous reste à faire sera encore long et difficile et il serait bien vaniteux de ma part de dire que jeudi, nous aboutirons. La France est déterminée à progresser vers un compromis, lequel suppose que toutes les positions se rapprochent les unes des autres, et non de la position d'un seul. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

ENQUÊTE SUR L'ASSASSINAT DU PRÉFET ÉRIGNAC

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Monsieur le Premier ministre, le 3 février dernier, ici même, répondant à une question de notre collègue René André, Mme la garde des sceaux a démenti qu'il y eût des écoutes illégales en Corse. Le 13 février, vous-même avez publié de l'Hôtel Matignon un communiqué réfutant à nouveau les « allégations » des médias et dénonçant une campagne.

Monsieur le Premier ministre, nous aimerions vous croire, mais la publication récente, par un quotidien d'une note confidentielle de la protection de la sécurité de la défense montre à l'évidence qu'il y a eu enquête parallèle dans l'affaire de l'assassinat du préfet Erignac.

Monsieur le Premier ministre, c'est votre crédibilité qui est en cause. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il y a eu en effet enquête illégale et parallèle dans cette affaire. Allez-vous prendre des sanctions à l'encontre de leurs auteurs ? Mais, surtout, allez-vous coordonner l'ensemble des services de l'Etat pour que toute la lumière soit faite le plus rapidement possible sur ce lâche assassinat et pour que l'ensemble des informations recueillies par les services de l'Etat soient concentrées en une seule main, celle de la justice ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le... (

« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Excusezmoi ! La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mes chers collègues, je vous en prie ! Soyez indulgents à mon égard ! Il peut m'arriver de ne pas déceler quel membre du Gouvernement va répondre.

Vous avez la parole, madame la ministre.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mesdames, messieurs les députés, étant donné la spontanéité des questions, il est normal que l'on puisse hésiter jusqu'à la fin sur le ou la ministre chargé(e) de répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Debré.

On aurait pu avoir Dondoux ! (Sourires.)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

S'agissant de l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac, qui est bien entendu placée sous le contrôle et la direction des magistrats chargés de la lutte anti-terroriste au parquet de Paris, je voudrais redire les choses suivantes, qui sont simples.

D'abord, en matière d'écoutes, le Gouvernement respecte scrupuleusement la loi de 1991. S'il y a des écoutes administratives, elles suivent la procédure d'autorisation prévue. S'il doit y avoir des écoutes judiciaires, elles s'effectuent sous le contrôle des magistrats qui en sont chargés.

Ensuite, dans cette enquête, dont nous savions depuis le départ qu'elle serait très difficile, il faut la meilleure coordination possible. Je peux dire devant l'Assemblée nationale qu'avec mes collègues Alain Richard et JeanPierre Chevènement, nous avons pris, bien entendu sous l'autorité du Premier ministre, toutes les mesures possibles pour assurer une bonne coordination sur le terrain des différentes forces chargées des investigations et assurer également la meilleure coordination sur le plan judiciaire.

M. Jean-Louis Debré.

Vous ne répondez pas à la question !

Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Il s'agit là, monsieur le député, d'un sujet assez grave pour éviter de se laisser aller à toute surenchère ou démagogie (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) car nous devons tous faire bloc pour retrouver les lâches assassins du préfet Erignac ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe communiste.)

M. le président.

En accord avec le président du groupe du Rassemblement pour la République nous reviendrons dans une deuxième phase aux questions de ce groupe.

Nous en venons au groupe communiste.

RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, les premières conclusions de la commission Charpin, chargée de faire un état des lieux sur la situation de notre système de retraite, aboutissent à envisager l'allongement de la durée des cotisations. Cette proposition, si elle était suivie d'effet, constituerait une régression sociale.

Quelle est la cohérence d'une société qui allongerait la durée du travail, alors même que sévit un chômage massif et qu'il est demandé à certains de nos concitoyens de partir en préretraite à cinquante-cinq, voire à cinquante-deux ans ? Cette proposition est établie uniquement en prenant en compte une évolution de notre société dont quasiment tous les indices seraient négatifs. Ce n'est plus de la prudence, c'est un choix économique et politique délibéré.

En effet, les gains de productivité, et donc les richesses supplémentaires dégagées ne seraient pas pris en compte dans ce rapport. Il n'y aurait rien pour lutter contre la spéculation et le dumping social qui stérilisent et coûtent des milliards de francs, provoquant ainsi le chômage. Il n'y aurait rien pour élargir l'assiette des cotisations aux revenus financiers des entreprises, élargissement qui permettrait d'alléger les prélèvements sur les salaires et rendrait possible une relance de la consommation, donc de l'emploi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

En conséquence, madame la ministre, quel est votres entiment sur cette proposition de la commission Charpin, qui nous semble ne pas aller dans le sens du progrès social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solid arité.

Monsieur le député, le Premier ministre a annoncé, lors de sa déclaration de politique générale, la méthode qui serait suivie pour que nous prenions en compte ensemble le problème des retraites. C'est une méthode fondée d'abord sur le diagnostic, puis sur le dialogue, enfin sur les décisions.

Nous en sommes aujourd'hui à la phase de diagnostic.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Bernard Accoyer.

Un peu de courage !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui, comme vous le savez, a été confiée au Commissariat général du plan et qui prend fin, puisque ce rapport sera rendu fin mars - début avril au Premier ministre.

Ce diagnostic était nécessaire car il était important de ne pas montrer du doigt telle ou telle catégorie mais bien de prendre en compte l'ensemble des éléments des régimes de retraite. Combien les salariés ont-ils cotisé ? Comment se sont répartis les avantages entre le niveau de salaire et le niveau des retraites ? Comment les retraites sont-elles intégrées dans le contrat social qui lie les salariés à leur entreprise ? Jusqu'à présent, le débat n'avait pas porté sur l'ensemble de ces éléments.

Le rapport Charpin va nous permettre, nous pouvons nous en réjouir, d'avoir une meilleure connaissance des évolutions du régime général et des régimes spéciaux. Il contiendra sans doute - la presse en fait état - certaines propositions à l'adresse du Gouvernement.

Le Gouvernement prendra ses décisions à partir des propositions mais aussi à partir de données qui sont aujourd'hui claires. Nous savons qu'à partir de 2005 s'ajoutera au choc démographique l'effet de l'accroissement de l'espérance de vie de nos concitoyens. Mais nous savons également que nous pouvons agir sur le régime des retraites en prenant en compte trois données spécifiques : la durée et le niveau des cotisations, le niveau des retraites mais aussi la façon dont l'ensemble de la collectivité nationale apportera son aide, notamment par le biais du fonds « retraite ».

Il est aujourd'hui bien trop tôt pour prendre une décision.

M. Bernard Accoyer.

Pourquoi ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous allons entamer la phase du dialogue après la remise du rapport. Ce n'est qu'ensuite que les décisions seront annoncées.

Le Premier ministre a exprimé son espoir qu'un grand consensus national permette de trouver les bonnes solutions. C'est ce qu'attendent les retraités comme les jeunes.

Car nous ne devons pas faire supporter à ces derniers des h ausses importantes de cotisation d'ici vingt ou trente ans.

M. Bernard Accoyer.

Pourquoi attendre ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous devons prendre des décisions rapidement.

CLIMAT SOCIAL DE FRANCE TÉLÉCOM

M. le président.

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, je voudrais appeler votre attention sur la dégradation du climat social qu'on observe actuellement à France Télécom.

Le malaise qui affecte l'entreprise se focalise autour de deux sujets de préoccupation...

M. Philippe Briand.

Les raisons en sont claires !

M. Claude Billard.

... en apparence sans rapport entre eux, mais qui sont révélateurs de l'esprit de la direction, à savoir : réduire à tout prix les coûts sur le dos des salariés et rester sourde à leurs légitimes revendications.

Deux projets suscitent un fort mécontentement et ont d'ailleurs donné lieu à de nombreuses manifestations.

Il s'agirait, d'une part, de céder au privé la restauration collective jusqu'ici gérée par des associations de type loi de 1901, représentatives du personnel. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Cela remettrait en cause une forme de gestion sociale à but non lucratif qui représente 13 millions - j'insiste sur ce nombre - de repas servis par an et fait craindre tout naturellement de nombreuses suppressions d'emplois. Il est à noter que La Poste est également concernée.

Il s'agirait, d'autre part, de modifier le régime indemnitaire de quelque 40 000 agents techniques qui est devenu, au fil des années, un élément constitutif de leur salaire. Une telle modification, si elle devait avoir lieu, aboutirait à une suppression progressive qui, suivant l'ancienneté de la fonction, équivaudrait à des pertes de p ouvoir d'achat s'échelonnant entre 100 000 à 300 000 francs sur une carrière ! Face à une situation qui se dégrade et qui augure mal des négociations sur les 35 heures et devant l'attitude de la direction de France Télécom, il apparaîtrait anormal, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ne fassiez pas connaître à M. Bon la volonté du Gouvernement que soit rétabli le dialogue social au sein de l'entreprise, afin de répondre aux intérêts des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, des interrogations se manifestent en effet parmi les personnels de France Télécom concernant l'évolution sociale de cette entreprise, notamment sur les deux dossiers que vous avez évoqués.

S'agissant de la restauration collective, les personnels ys ont légitimement attachés. Dans une logique de recherche de qualité et d'efficacité, une simple réflexion a été engagée par France Télécom - et par La Poste, comme vous l'avez dit - pour trouver un meilleur équilibre, sans augmenter le prix du repas pour l'agent.

Les restaurants qui font aujourd'hui l'objet d'une réflexion pourraient être des restaurants inter-entreprises.

Ce projet relève, comme il est normal, du dialogue interne à l'entreprise et doit faire l'objet d'une concertation préalable approfondie avec l'ensemble des organisations syndicales et avec les associations qui gèrent aujourd'hui les oeuvres sociales. Une éventuelle mise en oeuvre je souligne l'adjectif - ne pourrait s'effectuer qu'après une concertation préalable, au cas par cas, au regard de la situation précise de chacun des restaurants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

Les personnels techniques s'inquiètent aussi du maintien d'un forfait représentatif d'heures supplémentaires et de sujétions particulières qui concernent 44 000 personnes dans l'entreprise. Ces indemnités ont accompagné dans le passé un effort d'équipement téléphonique extrêmement lourd et rapide et concernent des agents dont la qualité de service, dans la maintenance par exemple, a très largement contribué à la réussite de France Télécom. Ce dossier fait l'objet d'une large discussion avec les organisations syndicales au sein d'un comité paritaire. Cette concertation doit se poursuivre, aux yeux du Gouvernement, pour trouver le meilleur équilibre entre les intérêts du personnel et ceux de l'entreprise.

Pour ce qui est de la réduction-aménagement du temps de travail, le Gouvernement souhaite que l'entreprise puisse trouver rapidement les conditions d'un accord dynamique avec les organisations syndicales représentatives, comme cela a été le cas à EDF, à GDF et à La Poste. Il attend de l'entreprise l'évolution la plus rapide possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

POLITIQUE EUROPÉENNE

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau.

M. Alain Barrau.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le Parlement vient d'écouter le message de M. le Président de la République. Monsieur le Premier ministre, vous qui représentez la France, aux côtés du Président de la République, au sommet de Petersberg, vous dont les ministres se battent quotidiennement à Bruxelles pour défendre les intérêts de notre pays, comme l'a fait la semaine dernière le ministre de l'agriculture, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est aujourd'hui des points en débat de l'Agenda 2000, concernant l'agriculture, la politique régionale et le financement de la Communauté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la réunion informelle des chefs d'Etat et de gouvernement, qui s'est réunie vendredi dernier à Petersberg, et dont je pense qu'il est normal que je rende compte à la représentation nationale, a été positive à plus d'un titre. Elle a d'abord démontré que la France n'est pas isolée dans l'Union européenne lorsqu'elle défend un cadre de financement qui reste fidèle aux principes et aux fondements sur la base desquels s'est forgée la construction européenne. Qui veut consolider la maison ne commence pas par remettre en cause les fondations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Le Président de la République, dans le message qu'il vous a adressé, a souligné lui-même ce fait en rappelant, en particulier, les principes et le contrat sur lesquels s'est bâtie l'Europe.

M. Christian Jacob.

Il n'a pas besoin de porte-parole pour ça !

M. le Premier ministre.

Le premier de ces acquis, c'est la politique agricole commune. Le Président de la République et moi-même, au sommet de Petersberg, avons réitéré notre opposition à la formule du cofinancement, d'une renationalisation de la PAC, qui porterait en germe le démantèlement de cette politique qui s'identifie au contrat initial de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je crois pouvoir assurer la représentation nationale que, sur ce point, la position de la France a été entendue. De même, la proposition d'une dégressivité des aides à l'agriculture, présentée par la France comme moyen de maîtrise de la dépense et instrument de mise en place d'un modèle agricole plus équilibré, a été largement entendue.

Je constate par ailleurs que de nombreuses voix se sont exprimées dans ce sommet informel en faveur d'une conception de l'agriculture qui reste efficace et exportatrice, mais qui soit en même temps, comme l'a dit tout à l'heure le ministre de l'agriculture, Jean Glavany, plus respectueuse de l'environnement, plus soucieuse de la qualité des produits, plus attentive à l'emploi et à l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est sur ces bases nouvelles, conformes au message très clair qui a été adressé par les chefs d'Etat et de gouvernement aux ministres de l'agriculture, que le conseil

« agriculture » doit reprendre ses travaux, sans doute jeudi.

D'une manière plus générale, l'idée défendue par la France d'une stabilisation de la dépense communautaire à quinze a été très largement partagée. C'est en effet le meilleur moyen de se préparer collectivement au coût que représentera l'élargissement ; la seule attitude cohérente face à la discipline budgétaire qui s'impose à nos budgets nationaux ; la meilleure façon de traiter la question des déséquilibres budgétaires autrement que par des mécanismes dérogatoires incompatibles avec l'esprit communautaire.

C'est selon la même conception qu'a été examinée la question des ressources propres, des recettes face aux dépenses et qu'a été recherché un mécanisme plus efficace et plus équitable pour tenir compte de la capacité contributive des Etats.

A quelques semaines du sommet de Berlin, il reste naturellement un travail très important à la présidence allemande : élaborer et nous aider à élaborer un compromis global dans lequel chaque délégation aura le sentiment de contribuer de façon équitable à l'effort commun.

Le Président de la République et le Gouvernement ont réaffirmé nettement à Petersberg la volonté de la France d'aider la présidence allemande à parvenir à ce résultat.

Notre pays, dans toutes ces discussions, a largement montré qu'il était disponible pour négocier. Il souhaite que ses partenaires européens adoptent la même attitude.

Ainsi pourra-t-on atteindre le compromis global et équilibré sur l'Agenda 2000 dont l'Union européenne a besoin en cette année 1999, décisive pour l'Europe.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe communiste.)

PROCÈS O CALAN

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bret.

M. Jean-Paul Bret.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, l'arrestation d'Abdullah O calan aura au moins servi à porter la question kurde sur le devant de la scène


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

internationale et à informer le monde entier des exactions commises à l'encontre du peuple kurde par les autorités turques. Depuis le début des années 90, les Kurdes de Turquie sont victimes d'une répression sans mesure, tout simplement parce qu'ils aspirent à vivre libres, à utiliser leur langue, à pouvoir faire état de leur culture alors que la loi turque le leur interdit. 4 000 villages rasés, 4 500 intellectuels et militants assassinés, 3 millions de personnes déplacées, tel est le bilan de la politique conduite par Ankara à l'encontre des Kurdes. Diyarbakir, Kars, Erzurum, ces villes à forte population kurde sont aujourd'hui des territoires exsangues, qui vivent en permanence sous le joug de l'armée.

Pour tous ceux qui, avant de s'intéresser à la question kurde, ont écouté les témoignages des rescapés du génocide arménien, ces noms de villes rappellent un funeste passé. C'est de là qu'en 1915 sont partis les convois de déportation. C'était il y a quatre-vingt-quatre ans et rien ne semble avoir changé dans la manière des autorités turques de considérer leurs minorités.

La situation au Kurdistan turc est grave. Le 26 février dernier, les avocats d'Abdullah O calan ont annoncé qu'ils suspendaient la défense de leur client, compte tenu des pressions exercées à leur encontre. Les observateurs internationaux ont été interdits de séjour. De toute évidence, le procès du chef du PKK sera truqué, comme sont manipulées les informations en provenance de l'Etat turc.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, je vous demande très solennellement ce que compte faire la France en liaison avec ses partenaires européens, pour enjoindre la Turquie à respecter les droits de l'homme, les conventions européennes et, plus largement, les libertés fondamentales.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, vous me demandez ce que la France compte faire à propos du procès qui va avoir lieu contre

M. calan.

Après une concertation étroite avec nos partenaires européens, nous pensons qu'il ne faut pas confondre l'arrestation de M. calan, son cas, son procès, le problème du PKK, celui de la question kurde en général, celui de la démocratie, celui des droits de l'homme en Turquie, qui est un problème encore plus vaste.

En ce qui concerne l'arrestation de M. calan, je voudrais rappeler que, dès son arrestation, j'ai été le premier ministre des affaires étrangères en Europe à appeler la Turquie à respecter strictement toutes les procédures démocratiques et à demander le total respect de l'Etat de droit.

Tout de suite après, avec les autres ministres des affaires étrangères européens, à Luxembourg, nous avons, le 22 février, examiné ce sujet et fait un communiqué très précis dans lequel nous avons pris note des assurances données par le Gouvernement turc sur le déroulement du procès. J'ai entendu ce que vous en pensiez. J'ajoute que nous serons extrêmement vigilants quant à ce qui a été annoncé par les autorités turques.

Nous avons rappelé, au nom des Quinze, notre opposition stricte à la peine de mort. Mais nous avons rappelé, en même temps, que l'Union européenne avait toujours condamné les formes de terrorisme employées par le PKK, et cela pour bien distinguer la question du PKK, celle de ce procès, celle des droits des Kurdes en général et ce à quoi ils aspirent.

Telle est la position claire et nette qui a été prise immédiatement par la France comme par ses partenaires européens tout à fait unis sur ce point. Nous restons vigilants et attentifs sur chaque phase du procès qui va maintenant se dérouler.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

En accord avec le président du groupe socialiste, nous reviendrons aux questions de ce groupe dans une deuxième phase.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

FINANCEMENT DES RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre.

Monsieur le Premier ministre, un gouvernement de gauche se pique généralement de vouloir réduire les inégalités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il y a un domaine dans lequel vous pourriez concrétiser ce dogme : celui des retraites, de leur avenir et de la position de l'ensemble des Français devant les différents régimes.

Depuis deux ans, vous nous avez indiqué que vous alliez procéder à des études, faire un diagnostic. Vous avez fait beaucoup de déclarations. Vous avez commandé un rapport qui nous apprend ce que, ici sur tous ces bancs, nous connaissons.

M. Richard Cazenave.

Depuis dix ans !

M. Francis Delattre.

En fait, vous n'avez point agi.

Le « grand argentier », qui veut être en phase avec la condamnation officielle des fonds de pension, nous parle d'épargne de retraite partenariale, concept à peu près semblable à celui des fonds de pension, sauf qu'il porte un autre nom.

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Francis Delattre.

Un énième rapport du commissaire au Plan vient donc de nous apprendre qu'on allait probablement porter la durée des cotisations à quarante deux ans et demi tout en maintenant le dogme de la retraite à soixante ans. Mais quid des régimes spéciaux et de l'égalité des Français devant leur retraite ? Dans le cadre de la refonte du régime des retraites, allez-vous faire en sorte qu'il n'y ait pas deux catégories de Français au regard de la durée des cotisations ? En tout état de cause, l'augmentation de la durée des cotisations ne règle que la moitié du problème. Le rapport indique que l'on va vers une érosion importante, de l'ordre de 30 à 40 %, du montant des pensions qui seront versées de 2010 à 2030. Cela pose à nouveau le problème de l'égalité des Français devant les régimes de retraite si rien n'est engagé pour les autres régimes spéciaux. Madame la ministre, qu'allez-vous faire ? Quelles orientations allez-vous prendre pour faire en sorte...

M. le président.

Monsieur Delattre, voulez-vous conclure, s'il vous plaît !

M. Francis Delattre.

... que le pouvoir d'achat de tous les Français retraités soit convenablement assuré à partir de 2005 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je ne reprendrai pas dans le détail ce que j'ai déjà dit à M. Sandrier. Le Gouvernement va donc engager un dialogue avec les partenaires patronaux et syndicaux à partir d'un diagnostic beaucoup plus complet que celui dont nous disposions jusqu'à présent car il fait apparaître ce que les salariés ont accepté en niveau de salaires et en cotisations pour avoir la retraite qu'ils ont aujourd'hui. Au lieu de montrer du doigt les régimes spéciaux, nous examinons le problème dans son ensemble.

Monsieur le député, nous sommes en charge de ce dossier et nous le mènerons selon la méthode que le Premier ministre a décidée : diagnostic, dialogue, décision.

M. Yves Nicolin.

Cette méthode a ses limites !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour avoir refusé un débat public, montré du doigt certaines catégories et voulu décider seuls dans des bureaux, vous et vos amis, avez provoqué un blocage sur le problème des retraites. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Et la France a été paralysée par des grèves.

Nous souhaitons, quant à nous, que les Français prennent connaissance du diagnostic. Nous discuterons ensuite avec les partenaires, patronaux et syndicaux, et peut-être même avec l'opposition, car ce sujet devrait nous réunir. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît, mes chers collègues !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est à partir de cela que nous prendrons les décisions de nature à résoudre le problème des retraites alors que vous, vous avez contribué à bloquer la situation.

Mme Raymonde Le Texier.

Très juste !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En tout cas, nous sommes prêts à en discuter, avec vous comme avec l'ensemble des Français. C'est ainsi que nous arriverons enfin à avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous revenons au groupe du Rassemblement pour la République.

HEURES SUPPLÉMENTAIRES DES PROFESSEURS

M. le président.

La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, depuis la rentrée de septembre, les enseignants critiquent la réforme du ministère de l'éducation nationale concernant les heures supplémentaires.

Le 28 janvier dernier, mon collègue, M. Jean-Bernard Raimond vous avait interrogé à ce sujet. Vous lui aviez alors répondu que vous n'aviez fait que rétablir « des règles de bonne gestion ». (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Quelle n'a donc pas été notre surprise de vous entendre indiquer, lors d'une émission politique dominicale, que cette mesure de simple gestion était en fait une mesure de solidarité.

Voici exactement ce que vous avez déclaré : « Je pensais qu'une perte de 120 francs par mois en moyenne pour financer des emplois serait considérée comme un geste de solidarité. Mais cela ne passe pas. Il va donc falloir réfléchir à la manière de faire. »

Alors, monsieur le ministre, ne croyez-vous pas que l'action publique, et particulièrement celle de votre ministère, gagnerait en clarté si l'on réfléchissait avant de faire ce genre de déclaration ? Le Gouvernement pourrait-il indiquer à la représentation nationale les termes exacts et les résultats précis de cette réflexion ? Ou compte-t-on encore une fois en réserver la primeur à un quelconque média ? Quelles seront les conséquences de cette réflexion sur les autres chantiers qu'on ne cesse de nous annoncer ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, vous le savez sûrement, la suppression d'heures supplémentaires pour créer des emplois figurait - et figure toujours - dans les programmes des associations représentatives. Etant, quant à nous, engagés dans le programme de créations d'emplois-jeunes d'aides éducateurs que nous étions désireux de mettre en oeuvre le plus rapidement possible, et nous trouvant, par ailleurs, confrontés à un problème administratif, dénoncé du reste par diverses instances administratives - des heures complémentaires payées sur quarante-deux semaines et effectuées sur trente-six -, nous avons pensé qu'il serait bon d'utiliser cet argent pour financer les emplois-jeunes. Et nous l'avons fait.

Notez au passage que vous avez eu la primeur de cette décision puisque l'annonce fut faite au moment du vote du budget de l'année dernière dans cette assemblée. Personne n'avait alors rien dit.

M. Bernard Accoyer.

Le problème est ailleurs !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Aujourd'hui, je dois cependant constater que cette mesure est mal comprise.

Elle passe mal.

M. Bernard Accoyer.

S'il n'y avait que cette mesure !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Et comme je travaille à partir des faits, j'en tiens compte. La manière dont nous allons réfléchir à ce problème et surtout agir, tout en respectant strictement les règles administratives qu'on ne saurait transgresser, vous sera indiquée le moment venu.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous revenons au groupe socialiste, pour la dernière question.

AIDE MÉNAGÈRE À DOMICILE

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Lazard.

Mme Jacqueline Lazard.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, le 4 février dernier, le conseil d'administration de la CNAV décidait de fixer, à compter


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

du 1er avril 1999, le taux horaire de sa participation à l'aide ménagère à 73,40 francs, contre 81 francs aujourd'hui.

Certes, cette baisse intervient après le rétablissement de l'exonération totale des charges sociales pour les associations d'aide à domicile. Toutefois, la décision a été prise contre l'avis des six fédérations regroupant les associations d'aide à domicile. On estime en effet à près de 80 francs le coût réel d'une heure d'aide ménagère. Nombre d'associations vont donc se trouver fragilisées sur le plan financier. Certaines d'entre elles nous assurent que la pérennité de leur action est remise en cause et ce en pleine contradiction avec les orientations en matière de maintien à domicile des personnes âgées. En même temps que ces dernières, les victimes en seront les employés d'associations qui ne pourront plus faire face aux coûts et aux charges de leur action.

Aussi, madame la ministre, je souhaite savoir si vous allez accepter d'agréer une décision aussi dangereuse ou si vous envisagez plutôt de demander à la CNAV de reconsidérer sa position. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Cardo.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, vous l'avez dit, la CNAV a décidé, dans son conseil du 4 février, de ramener sa contribution à l'heure d'aide ménagère à domicile de 81 francs à 73,40 francs. Une telle décision relève totalement du conseil d'administration de la CNAV puisqu'il s'agit d'une aide facultative apportée par son fonds d'action sociale. Toutefois, elle est soumise à l'accord du ministre des affaires sociales. Et je viens précisément de faire savoir au président de la CNAV que je ne pouvais accepter ce taux (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialite, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

M. Pierre Cardo.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui mettrait en cause le bon fonctionnement et même la pérennité de plusieurs associations d'aide à domicile.

Vous l'avez rappelé, le Gouvernement a souhaité aider ces structures qui améliorent la qualité de services apportés aux personnes dépendantes et âgées qui restent à domicile en les exonérant totalement de charges sociales et en apportant 30 millions de francs à celles qui connaissent des problèmes. Nous ne pouvons donc pas accepter que la décision de la CNAV mette certaines associations en difficulté. Aussi ai-je demandé à son président, M. Cazettes, de retravailler soit sur des taux différenciés, soit sur des taux qui prennent en compte des critères objectifs, tels que la situation réelle des associations ou la situation locale.

L'action de ces associations est essentielle et je compte b eaucoup sur la mission conduite aujourd'hui par Mme Guinchard-Kunstler. Elle doit nous amener à consolider encore l'aide ménagère à domicile et l'aide aux personnes âgées dépendantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

4 SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (nos 1253, 1371).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public en application de l'article 65-1 du règlement.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée s'apprête à procéder à un vote solennel sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité dont la discussion s'est terminée le 19 février au petit matin. Avant que l'on se quitte, j'ai eu l'occasion de répondre aux auteurs des principaux amendements acceptés par le Gouvernement et de les remercier personnellement pour leurs apports. Je souhaiterais aujourd'hui, au nom du Gouvernement, tirer les enseignements de l'examen du texte effectué les 16, 17 et 18 février derniers, et souligner les importantes évolutions obtenues grâce à l'ouverture et à la densité de nos débats.

Tout d'abord, et comme je vous l'ai déjà dit, je tiens à souligner la qualité des travaux qui ont été menés en trois jours. La richesse des débats et le poids des amendements prouvent, s'il en était besoin, l'importance politique de ce texte, qui touche à des questions de société essentielles.

Votre contribution a fait évoluer le projet initial du Gouvernement de façon très sensible et sur de nombreux points. J'observe toutefois que l'esprit du projet, qui procède d'une volonté d'équilibre entre le service public et l'introduction maîtrisée d'une concurrence pleinement loyale est conservé, et cela sans conteste.

Le projet a sensiblement évolué en ce qui concerne la prise en compte de la cohésion sociale, de la préparation du long terme et de l'équilibre territoriale de la politique énergétique.

Le service public de l'électricité intègre à présent un dispositif renforcé en vue d'assurer un véritable droit à l'énergie dans le domaine de l'électricité : instauration d'une tarification de « produit de première nécessité » pour certains usagers, renforcement du mécanisme d'aide pour la fourniture d'électricité aux plus démunis, dispositions spécifiques en matière de prévention des coupures de courant.

Les outils concrets qui permettront de mettre en oeuvre une politique énergétique nationale véritablement équilibrée ont été précisés.

L'obligation d'achat de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables ou de déchets, ou au moyen d'installations utilisant des techniques performantes en termes d'efficacité énergétique, a ainsi pu être précisée

Le maintien de cette obligation d'achat était utile pour les installations qui, en raison de leur taille, ne pourraient pas rechercher des clients éligibles dans des conditionsr aisonnables, mais qui sont intéressantes pour la collectivité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Les opérateurs concernés ne peuvent néanmoins pas souhaiter à la fois bénéficier de ce mécanisme et fournir des clients éligibles.

Le compromis trouvé en la matière me semble frappé au coin du bon sens.

Je mentionnerai également diverses dispositions qui, sans porter atteinte à l'égalité des acteurs dans la concurrence, à laquelle le Gouvernement est très attaché, vont dans le sens d'un allégement des contraintes en faveur des petits producteurs, et particulièrement de ceux qui produisent à partir d'énergies renouvelables : exonération de contribution au fonds du service public de la production d'électricité, substitution d'une simple déclaration à la procédure initialement prévue d'autorisation.

Le rôle des collectivités locales dans le secteur électrique, notamment en matière de production décentralisée, a pu être encore conforté. Ce rôle est important pour le Gouvernement ainsi que, je pense, pour tous groupes de l'Assemblée. En particulier, les distributeurs non nationalisés pourront intervenir vis-à-vis des clients éligibles, sous certaines conditions propres à assurer la loyauté de la concurrence.

Par ailleurs, les collectivités locales se voient garantir l'accès au réseau pour approvisionner, à partir de leurs installations de production, leurs établissements et les services publics dont elles ont la charge.

Le deuxième bloc de modifications du texte concerne des dispositions qui sont venues préciser les conditions d'une ouverture maîtrisée du marché de l'électricité à la concurrence. Je me félicite notamment du compromis qui a pu être trouvé pour permettre aux producteurs d'acheter de l'électricité pour compléter leur offre, dans des conditions qui font l'objet d'un encadrement précis. Je crois, en effet, que cette possibilité donnée aux opérateurs est importante pour le bon fonctionnement du marché, mais également pour EDF, qui pourra ainsi proposer par l'intermédiaire de ses filiales des offres globales à ses clients éligibles.

Dans le même ordre d'idées, d'autres dispositions sont venues conforter l'indépendance de la Commission der égulation de l'électricité : règles s'appliquant aux membres de la Commission, pouvoirs en matière de recueil des informations nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

Enfin, les travaux ont permis de mieux conforter certains acquis du secteur électrique français. La rédaction de l'objet légal d'EDF mise au point par votre assemblée apporte d'utiles précisions par rapport à la proposition initiale du Gouvernement, mais elle n'en altère pas l'orientation fondamentale. Il me semble que nous avons à présent pleinement concilié les deux objectifs visés : permettre à EDF d'affronter la concurrence « à armes égales » et dans l'équité, tout en conservant à EDF son statut d'établissement public.

Enfin, les infléchissements apportés aux dispositions sociales du projet de loi ont pour but de clarifier le texte dans l'intérêt des salariés et de la vie conventionnelle.

En conclusion, je veux rappeler que le secteur électrique français est aujourd'hui à une charnière de son histoire et qu'il est crucial pour son avenir que la réforme proposée puisse être réalisée dans de bonnes conditions.

Le projet de loi constitue - c'est d'ailleurs son objet essentiel - une voie sage et raisonnée de transposition en droit français de la directive européenne sur le marché intérieur de l'électricité. Le temps est compté si nous voulons que la France respecte ses engagements internationaux, et si nous voulons éviter que des contentieux liés à une absence de transposition ou à une transposition trop différée, ne conduisent, sur des décisions de tribunaux, à une application de la directive sans protection du service public.

Le texte auquel nous avons abouti est équilibré et mesuré. Il marque de réelles avancées sur des questions de fond, essentielles en termes d'enjeux de société. C'est pourquoi j'invite votre assemblée à bien vouloir adopter le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

(M. Arthur Paecht remplace M. Raymond Forni au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Christian Bataille, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons eu un débat riche, tant en commission qu'en séance.

C'est pourquoi j'ai choisi de restreindre mon propos à quelques données de fond.

Au-delà de la transcription en droit français de la directive européenne, c'est l'organisation de tout le secteur électrique français, vitale pour la nation, qui est remise à jour.

Premier thème : la notion de service public postulée mais non définie dans la loi de 1946 est, cette fois-ci, clairement explicitée et définie dans le titre Ier : garantie d'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, indépendance énergétique, sécurité des approvisionnements, gestion optimale des ressources, maîtrise de la demande d'énergie, tout cela en veillant, pour reprendre les termes de la loi, à la cohésion, à la solidarité des territoires, au respect de l'environnement et au progrès technologique.

Deuxième thème : la concurrence. Il faut d'abord constater que les activités d'EDF s'exerçaient déjà sous l'égide d'une certaine forme de concurrence, non seulement avec le gaz, mais aussi vis-à-vis d'une clientèle de plus en plus exigeante. Les personnels affectés aux services commerciaux avaient d'ailleurs pu le constater depuis de nombreuses années.

Troisième thème : l'affirmation des missions d'EDF, car ce projet lui permet de faire des offres globales, c'està-dire d'être convenablement armée, comme toute entreprise, dans le cadre concurrentiel, éligible, pour reprendre les termes techniques de la loi. Cette idée a été renforcée, réaffirmée et clarifiée par les amendements de la commission.

Pour compléter ce tableau, j'ajoute à ces thèmes l'homogénéité du statut des industries électriques et gazières, donc la faculté offerte aux organisations de salariés et aux organisations patronales de négocier par branche.

Dans ce contexte, quelles améliorations la commission a-t-elle introduites ? La première a été la création du droit à l'électricité pour tous dont nous reparlerons à l'avenir et qui concernera les situations de précarité.


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Ensuite, si l'ouverture sera, dans un premier temps, limitée à 26,5 % du marché avant de passer à 30 ou 32 % plus tard, les contrats auront une durée minimale de trois ans et l'activité de négoce sera réservée aux producteurs.

Par ailleurs, des avancées ont été votées concernant les missions des distributeurs non nationalisés, l'accès au réseau, les collectivités locales, l'obligation d'achat par EDF et, enfin, la notion de coûts échoués, qui a été restreinte à des conditions acceptables par tous.

Ce texte est ce qui pouvait être obtenu au plus juste par rapport à la directive européenne de 1996.

Deux points restent à souligner.

D'abord, ce processus, il faut s'en souvenir, est engagé depuis dix ans au niveau communautaire, avec le vote, en 1994, d'une proposition de résolution, puis, en 1995, d'une autre résolution. Beaucoup ici s'en souviennent.

Lors de chacun de ces rendez-vous, au travers de concessions ou d'amendements, en tout cas dans le dialogue, notre assemblée a toujours réussi à trouver un terrain de convergence.

Sur la politique à long terme de l'énergie, qui s'envisage au minimum à l'échelle d'un demi-siècle, nous avons toujours su trouver, dans l'intérêt général, une cohésion conforme à l'intérêt du pays.

Ensuite a été posée la question de savoir s'il s'agit d'une réforme voulue ou d'une réforme subie.

A cet égard, je pense que la discussion autour de la directive inaugure un procédé qui fera école et qui inspirera l'avenir. Certes, nous n'avions pas le choix de la date - le 19 février - si nous voulions éviter l'application directe, catastrophique pour l'entreprise publique. Néanmoins nous avons su jouer sur tous les registres, qu'il s'agisse du degré d'ouverture à la concurrence, ou de domaines plus inattendus comme la définition du négoce.

Nous constatons donc que la transposition n'est pas un acte neutre et que, même à partir d'une directive, il est possible d'élaborer un droit qui corresponde mieux à l'intérêt de la France, des consommateurs et des salariés.

Tous les groupes ont apporté leur contribution à ce texte, non seulement ceux de la majorité plurielle, mais aussi ceux de l'opposition, qui, sur bien des points, a eu une attitude constructive et dont certains amendements ont été adoptés.

En terminant, mes chers collègues, je tiens à souligner combien était complexe la matière de nos débats, mais aussi quelle étape décisive nous allons franchir pour une industrie qui a, au nom de la France, conquis la première place au monde.

Chacun, au moment de voter, prendra ses responsabilités. Il s'agit d'adapter notre législation au cadre européen défini par un accord réciproque entre tous les pays. Cette étape nous permettra de communiquer, en retour, à toute l'Europe, la culture française du service public. Nous avons besoin, tout à la fois et sans les opposer, de la dynamique européenne et d'un service public renforcé.

L'une et l'autre notion se complètent. L'électricité de demain se caractérisera dans une Europe forte par un service public réaffirmé. Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Claude Birraux, pour le groupe UDF.

M. Claude Birraux.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai terminé ainsi mon intervention dans la discussion générale : « Vous voyez l'ouverture du marché électrique comme une contrainte imposée et vous vous obstinez à édifier des lignes Maginot, illusoires, pour tenter de ne rien changer.

Vous avez une vue statique des choses. » Je concluais

:

« Parce que ce cadre ne prépare pas notre pays à la compétition, parce que vous rigidifiez là où il faudrait de la souplesse pour accompagner les évolutions, parce que vous n'avez pas confiance en notre capacité de gagner, votre texte, en l'état, n'est pas acceptable. »

L'examen des articles a montré, tout au long de la discussion, que ce que je pressentais était bien en deçà de la réalité.

Nous étions déjà en retard sur nos autres partenaires européens et nous sommes les derniers à traduire cette directive et les plus restrictifs quant à l'ouverture du marché, puisque 26 % seront ouverts en 1999, alors que la moyenne européenne sera supérieure à 60 %. Cela signifie que nos concurrents sont en avance sur nous et en ordre de marche, ce qui est loin d'être notre cas.

Vous essayez de convaincre votre majorité qu'avec ce texte vous tracez une voie française qui tranche avec le libéralisme européen ambiant et avec les conceptions de la droite parlementaire. La réalité est tout autre. Elle illustre, une fois de plus, l'archaïsme et les pesanteurs idéologiques qui collent au socialisme de M. Jospin.

A qui ferez-vous croire que l'Italie, dirigée par un ancien secrétaire général du Parti communiste, a adopté une loi qui va au-delà de la directive, sous la pression libérale ? A qui ferez-vous croire que les socialistes britanniques, allemands, danois, suédois, hollandais, pour ne citer que ceux-là, présents au gouvernement de leur pays, sont de dangereux libéraux ? V ous aviez l'occasion de faire une transposition moderne, claire, transparente. Or vous avez choisi, pour que le groupe communiste s'abstienne, une transposition rétrograde qui relève d'une conception archaïque du service public, en lui faisant supporter, au nom du droit à l'électricité pour tous, des charges qui relèvent de la solidarité nationale envers les plus démunis.

Comment croire que vous n'allez pas handicaper lourdement EDF, par ailleurs soumise à la concurrence ? Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, relève

« qu'on ne peut plus croire que les entreprises publiques sont à l'abri de contingences qui seraient propres aux entreprises privées ». Quel décalage avec vos exclamations béates aux propositions du groupe communiste qui chargent et alourdissent ce même service public.

M. François Goulard.

Très bien !

M. Claude Birraux.

Cette transposition rétrograde, arcboutée sur la notion d'entreprise intégrée, a refusé de donner de l'indépendance et de la transparence au service gestionnaire du réseau de transport.

Le rapport Dumont - parlementaire socialiste en mission - préconisait un établissement public indépendant.

Au nom de notre groupe, j'ai proposé la création d'une filiale d'EDF, ce qui aurait levé toute suspicion sur la transparence et l'indépendance, comme sur le démantèlement patrimonial d'EDF. Peine perdue, fidèle à la méthode du Gouvernement, vous avez choisi le statu quo.

Cette transposition rétrograde ne veut surtout pas donner de pouvoir et d'autorité à la commission de régulation de l'électricité, pour en faire, comme le dit encore M. Dumont « un véritable juge de paix ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

C ette transposition, en rendant les activités de commerce de l'électricité et de bourse très restrictives, risque de handicaper lourdement EDF à l'international, alors qu'à Amsterdam et à Francfort - dans deux pays à gouvernement socialiste - des bourses se mettent en place. Il s'agit aussi d'une transposition idéologique qui étend aux nouveaux producteurs le statut des industries électriques et gazières. Or ce raisonnement, purement hexagonal et étroit, pourra être contourné, vous le savez bien, dans un marché européen, par des producteurs qui s'installeront de l'autre côté de nos frontières, pour alimenter des clients éligibles.

Vous prétendez que tous les producteurs seront à la même enseigne, et qu'il n'y a pas de problème. Or je vous ai rappelé, dans la discussion de l'article 43, que des problèmes avaient été décelés non seulement par le groupe UDF, mais aussi par le conseil supérieur de l'électricité et du gaz, où les syndicats sont largement représentés, dans son avis de mai 1998.

Il y a d'abord problème quant à la compatibilité même de ce statut avec le droit du travail. En effet plusieurs dispositions ne sont pas réglementaires, mais proviennent de notes internes d'EDF. Par ailleurs, les décrets d'adaptation des lois Auroux n'ont pas été publiés.

Un autre problème, souligné par le rapport Dumont, est celui de l'avenir des retraites à l'horizon 2015, qu'il s'agisse de leur financement ou de leur coût actuel et futur pour l'entreprise.

Lors de la discussion du projet sur la libéralisation des télécom, une solution avait été négociée et appliquée, sans drame. Je vous ai interrogé. J'attends toujours votre réponse.

Au moment où le commissaire au plan envisage de porter la période de cotisation à quarante-deux ans pour une retraite à taux plein, le silence du Gouvernement est inquiétant sur ce point du régime particulier de retraite des industries électriques et gazières.

Le débat du 21 janvier dernier, sur la politique énergétique, avait montré un assez large consensus sur les bancs de cette assemblée. Les parlementaires avaient été beaucoup plus précis que le Gouvernement, et je vous avais déjà fait observer, alors, que la définition d'un certain nombre de principes généraux n'était pas suffisante, mais qu'il fallait espérer des choix qui donnent une réalité à ces affirmations. Il est vrai que choix et méthode Jospin semblent peu compatibles.

Vous aviez la possibilité, de conforter, à peu de frais, ce consensus énergétique dans le texte de traduction de la directive sur l'électricité. Vous étiez parti a minima, et vous avez cédé à tout ce qui restreint ce minimum, édifiant des lignes Maginot qui confortent le statu quo, freinent la concurrence, pénalisent l'entreprise, handicapent le service public.

Parce que nous avons confiance dans la capacité d'un service public rénové et moderne qui réponde aux attentes du pays ; parce que nous avons confiance dans la capacité d'EDF à affronter avec dynamisme et ambition le marché européen ; parce que l'Europe et l'ouverture du marché électrique sont une chance pour notre pays et pour EDF ; parce que votre texte n'instaure ni la clarté, ni la transparence, ni le cadre adapté à des ambitions européennes ; parce que ce texte est grevé de conceptions idéologiques d'un âge révolu, le groupe UDF ne le votera pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Crépeau, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Michel Crépeau.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si une explication de vote sert à quelque chose, c'est à expliquer. Je dois donc vous expliquer pourquoi les députés du groupe Radical, Citoyen et Vert ne voteront pas tous de la même façon. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.).

Ce n'est pas nouveau, mais c'est important : si tous les groupes en faisaient autant ; si la liberté de vote existait pleinement dans cette assemblée, le Parlement retrouverait probablement un rôle qu'il a depuis longtemps perdu. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Verts et sur divers bancs du groupe socialiste.)

Si certains s'abstiendront, les radicaux de gauche, eux, voteront pour, monsieur le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.) En fait, ils voteront pour grâce à vous, grâce aux explications que vous avez bien voulu nous fournir, grâce au rapporteur, M. Bataille, qui est venu s'expliquer devant nous, et grâce aux précisions très claires qui nous ont été données par M. Roussely, président d'EDF. Nous partions avec un préjugé très défavorable à l'égard de votre texte et nous étions pratiquement décidés à ne le point voter pour deux raisons : d'une part parce que nous, radicaux, sommes fondamentalement attachés à la notion de service public ; d'autre part, parce que nous sommes tout aussi fondamentalement hostiles à une pensée unique fondée sur le libéralisme à tout va.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. François Goulard.

Les radicaux ont changé !

M. Michel Crépeau.

Sur ces deux points, vous nous avez largement rassurés.

Avoir des convictions signifie aussi savoir écouter, sinon le débat parlementaire ne sert à rien.

Sur le service public, nous avons été rassurés, d'abord par le titre que vous avez donné à votre loi. Certes, l'étiquette est une chose et le contenu en est une autre, mais je suis toujours agacé d'entendre parler d'entreprise, y compris par les syndicalistes, lorsqu'il sagit d'un service public. Un service public est un service public, une entreprise est une entreprise. Vous avez donc choisi de vous placer sous l'angle du service public.

Ensuite vous avez affirmé que le statut de l'organisme EDF ne changerait pas, qu'il n'y aurait pas d'actions à vendre, pas de participation privée. EDF n'est donc pas à vendre, EDF ne sera pas vendu ! Cela a aussi été de nature à nous rassurer.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. François Goulard.

Pour l'instant !

M. François Vannson.

Comme pour France Télécom !

M. Michel Crépeau.

Le statut du personnel ne sera pas changé - ouf ! Cela explique peut-être le « oui, mais » du secrétaire du syndicat de l'énergie, que j'ai pu lire dans un journal.

Le Gouvernement reste le responsable de la politique énergétique de la France, sous le contrôle du Parlement.

Cela aussi, c'est tout à fait fondamental.

La production d'énergie reste réglementée et le transport, EDF en garde le monopole. Grâce à cela, nous ne v errons pas, à côté des pylônes, d'ailleurs souvent


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

horribles, d'EDF, les pylônes de M. Bouygues, de M. Messier et de M. Mestrallet. Il est très important que, entre la production, d'ailleurs réglementée, et la consommation, très partiellement libérée, vous teniez le tuyau.

C'est vous, c'est nous, le peuple français, qui conservons le robinet !. Par conséquent, je crois que l'essentiel de la notion de service public est sauvegardée.

La pensée unique, le libéralisme à tout-va, quelle horreur ! (Rires.)

Nous avons affirmé un principe nouveau et très important qui nous situe à l'opposé du libéralisme : le droit à l'électricité.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Michel Crépeau.

Ce qui compte dans une société, c'est l'eau, l'air et, dans une société moderne, l'énergie.

Affirmer le droit à l'électricité, le droit à l'énergie, con stitue un changement fondamental. C'est aller à l'encontre de la pensée libérale et de la pensée unique.

M. François Vannson.

L'étatisme à tout crin, quelle horreur !

M. Michel Crépeau.

Et puis, nous, les radicaux, nous sommes des pragmatiques. Nous savons bien que si nous ne votions pas cette loi, c'est la directive qui s'appliquerait. Nous savons bien que la France est le premier exportateur européen d'électricité et que si nous fermons le robinet, les autres en feront autant et nous perdrons l'un des atouts fondamentaux de notre commerce extérieur.

Si, avec tout cela, nous n'étions pas convaincus, nous ne serions pas de notre temps.

J'admire beaucoup le statut de 1946. J'ai donné le nom de Marcel Paul à une rue de La Rochelle.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste.) Mais en 1946, on ne parlait pas de la construction européenne, le nucléaire n'existait pas, EDF n'exportait pas. Nous sommes à l'aube du IIIe millénaire, dans un monde complètement différent.

Faire de la politique, c'est savoir être fidèle à ses principes certes, mais aussi s'adapter, avec bon sens, aux réalités. Or, la réalité de demain, c'est l'Europe. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. François Goulard.

Alors que nous allons entamer le débat sur la ratification du traité d'Amsterdam et que nous venons d'entendre le message européen du chef de l'Etat, c'est une singulière traduction d'une directive européenne que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, dans ce projet de loi sur l'électricité. C'est aussi un très intéressant aperçu de votre conception de l'Europe que vous nous offrez dont vous me permettrez de penser qu'elle est très orientée.

La concurrence est un des principes fondateurs de la Communauté européenne. Avec une extraordinaire prescience, les auteurs du traité instituant la Communauté avaient compris que le libre marché devait être le moteur de l'Europe de l'avenir. A une époque où même de bons esprits étaient encore empreints de théories socialisantes, ils avaient anticipé ce qui allait être une des grandes mutations de la fin de notre siècle.

Au lieu d'accepter ce principe européen de concurrence, au lieu d'accepter aussi de voir que, dans ce secteur économique de l'électricité, comme dans tous les autres, tout est en train de changer autour de nous, vous avez cherché, par tous les artifices possibles à maintenir un édifice monopolistique édifié en 1946.

Pis, pour vous attirer les bonnes grâces du groupe communiste, plus impliqué dans cette affaire que dans aucune autre, vous avez accepté des amendements qui réduisent encore la portée d'une loi qui est pourtant d'une extrême frilosité.

Si ce projet est adopté, mes chers collègues, la France se distinguera de tous les pays développés, sans exception aucune, par l'absence quasi complète de concurrence et surtout par le poids extraordinaire du monopole et l'étendue du dirigisme.

La production d'électricité sera ouverte au minimum imposé par la directive européenne dans les conditions telles que, en réalité, il sera très difficile à une offre nati onale d'émerger. Il y a fort à parier que seuls des producteurs implantés à l'étranger auront avantage à investir dans la production.

Ni le transport ni la distribution ne connaissent le moindre changement. Surtout, la concurrence est faussée d'avance parce que vous vous êtes refusé à lui donner un cadre d'exercice clair. Il aurait fallu, pour avoir une concurrence loyale, séparer juridiquement la fonction de transport de l'électricité de celles de production et de distribution, et vous l'avez refusé.

Dans un monde où l'électricité devient un secteur hautement concurrentiel, organisé autour de marchés sur lesquels la mobilité, la capacité d'adaptation, la souplesse sont déterminants, vous avez fait le choix d'un immobilisme extrêmement dommageable.

Cet immobilisme est dommageable d'abord pour EDF, grande entreprise dont les forces passées seront autant de handicaps dans l'avenir. Pour ne pas connaître, sur son territoire national, les conditions d'exercice de son métier qui seront celles des pays étrangers, EDF ne sera pas portée à engager les mutations nécessaires. La concurrence fortifie les entreprises, le monopole les condamne à la sclérose dans un monde où celle-ci est mortelle.

L'absence de concurrence sera évidemment dommageable aux consommateurs. Comment justifier, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'ensemble des entreprises françaises, l'ensemble des PME ne bénéficient pas de la baisse tarifaire qui, par construction, sera réservée à quelques grands groupes industriels ? Comment justifier que les consommateurs individuels ne bénéficient pas de solutions avantageuses que les progrès techniques font aujourd'hui apparaître et que le monopole rejette et interdit ? Vous faites payer, en réalité, à toutes les entreprises françaises, à tous les Français, le prix de la protection de situations acquises.

Au total, vous avez entendu geler l'existant et, ce faisant, vous faites perdre du temps à notre secteur énergétique. Mais le combat d'arrière-garde que vous menez est pur atermoiement. Vous méritez mieux je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que d'inscrire votre nom dans la lignée de Jules Méline.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

La force des choses aura raison de votre loi.

Une prochaine directive nous contraindra à engager les changements que vous refusez. Nous serons simplement en plus mauvaise posture pour le faire. Comme sur beaucoup d'autres plans, vous aurez fait perdre du temps à n otre pays, pour des raisons purement politiques.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

M. le président.

La parole est à M. Alain Cacheux, pour le groupe socialiste.

M. Alain Cacheux.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les députés socialistes s'apprêtent à voter, dans quelques instants, la transposition dans le droit français d'une directive européenne qu'ils ont combattue.

Si nous l'avons combattue, c'est parce qu'elle s'inscrivait par trop dans la logique libérale, très dominante dans tous les aspects de la construction européenne de cette époque. Si nous approuvons ce projet de loi, c'est parce que ce texte est une transposition a minima, une transposition de gauche.

Mais nous ne sommes pas pour autant devenus des libéraux. Ceux-ci ont eu tout loisir de s'exprimer durant le débat, notamment par le voix de M. Goulard qui a critiqué tout autant la directive elle-même...

M. François Goulard.

Ce n'est pas vrai !

M. Alain Cacheux.

... qui ne sacrifiait pas assez, à son goût, aux canons du libéralisme qu'à la transcription que nous en avons faite. Il est vrai que nous n'accordons pas, comme lui, de vertus mythiques à la concurrence, sensée faire baisser mécaniquement les prix. Le cas de l'électricité est d'ailleurs un bien mauvais exemple pour illustrer cette théorie.

Nous n'avons pas non plus une vision de la société où le marché réglerait tout, à charge pour l'Etat de s'occuper exclusivement de tous ceux que le marché laisse au bord du chemin - et ils sont de plus en plus nombreux - ceux que l'on nomme les pauvres, les démunis ou les exclus. Il est d'ailleurs paradoxal que ce type de discours soit encore tenu, au moment même où, lors d'un récent forum à Davos, les partisans les plus déterminés de l'ultra-libéralisme s'interrogent sur le bon fonctionnement d'un marché lorsqu'il est hégémonique et rappellent la nécessité qu'une puissance publique vienne en fixer les règles.

Plus surprenant est la position qu'a eue le groupe du Rassemblement pour la République et son principal orateur, M. Borotra.

Vous nous avez fait, monsieur Borotra - et vous le referez sans doute dans quelques instants - durant tout le débat, un procès. Nous ne respecterions pas l'esprit de la directive dans la transposition telle que nous la mettons en oeuvre. Mais pourquoi nous reprocher d'utiliser les armes contenues dans la directive alors que vous vous êtes battu pour qu'elles y soient ? Si vous l'avez fait, c'est bien parce que vous aviez conscience qu'elles étaient nécessaires pour appliquer intelligemment la directive électricité à la réalité française, et notamment par une large application du principe de subsidiarité.

Le groupe socialiste, pour sa part, et en accord avec les autres groupes de la majorité plurielle, a mis l'accent sur certains aspects qui lui paraissent déterminants.

S'agissant de la préservation et de l'enrichissement du service public de l'électricité, on en connaît les éléments essentiels, notamment la péréquation tarifaire destinée à assurer l'égalité des territoires et des personnes. Nous l'avons d'ailleurs améliorée - on vient de le rappeler - en particulier en définissant un droit à l'électricité pour les plus démunis. Nous pensons en effet que l'électricité n'est pas un bien comme les autres, un bien marchand banal, mais qu'il constitue désormais un bien de première nécessité.

Nous avons su aussi préserver les intérêts d'EDF, grande entreprise publique, ayant réussi, tant sur le plan économique que social et technologique. Nous avons m aintenu l'unicité d'EDF, en précisant que le gestionnaire du réseau de transport restera inclus dans EDF. En outre, dès lors qu'on ouvrait à la concurrence le marché de l'électricité, nous avons souhaité qu'EDF se batte à armes égales avec ses concurrents, notamment en élargissant le principe de spécialité en direction des clients éligibles et en permettant à EDF de faire à ceux-ci une offre globale.

Enfin, nous avons tenu à préserver les intérêts des salariés d'EDF en maintenant une disposition qui n'a rien de nouveau et qui était contenue dans la loi de nationalisation de 1946. Elle faisait obligation à tous les intervenants présents sur le marché de l'électricité d'adapter le statut des industries électriques et gazières.

Ce faisant, nous avons dit clairement que nous refusions une situation où le moteur de la concurrence serait la dégradation des conditions de travail et de rémunération du personnel.

Nous entendons ainsi rester fidèles au message que les citoyens de notre pays nous avaient transmis massivement lors des grandes grèves de décembre 1995, et qu'on peut résumer ainsi : si une certaine construction européenne devait se traduire par une régression sociale, nous y serions opposés.

En adoptant cette attitude, nous avons le sentiment de montrer concrètement que la construction européenne peut rimer avec progrès social, maintien et même consolidation des acquis sociaux, dès lors que l'on accepte, bien sûr, des évolutions.

C'est pour toutes ces raisons que les députés du groupe socialiste voteront pour un projet de loi qui apparaît désormais comme une modernisation du système électrique français.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Debré.

Le Parti socialiste disjoncte !

M. le président.

La parole est à M. Franck Borotra, pour le groupe RPR.

M. Franck Borotra.

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, est la transcription à votre façon d'une directive que j'ai eu l'honneur de négocier au nom du gouvernement français.

M. Jean Vila.

Ce n'est pas la meilleure chose que vous avez faite !

M. Franck Borotra.

Je voudrais simplement rappeler, à vous comme aux orateurs qui viennent de s'exprimer, que vous vous étiez, à l'époque, montré particulièrement critique à l'égard de cette directive, oubliant sans doute la calamiteuse gestion de ce dossier jusqu'en 1993 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui avait laissé la France isolée, sous le coup de plaintes en instance de jugement, alors qu'une majorité de pays européens étaient favorables à une très large dérégulation. Il a d'abord fallu rompre le front de ces pays favorables à la dérégulation totale, faire reconnaître, pour le première fois, le bienfondé du service public, négocier une libéralisation contrôlée du marché en contrepartie du maintien d'un rôle prédominant de l'opérateur public.

Le groupe du Rassemblement pour la République n'ayant aucun désaccord sur les principes de la directive, je vous avais dit, monsieur le secrétaire d'Etat, tant lors de votre audition devant la commission de la production et des échanges que lors de la discussion générale, que nous étions prêts à voter la transcription, pourvu que


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vous respectiez l'esprit de la directive, c'est-à-dire que la loi donne un véritable contenu à la libéralisation pourtant limitée à un secteur du marché.

Vous avez clairement et négativement répondu à cet appel lors de votre intervention.

Je rappelle vos déclarations. Il faut, avez-vous dit, avoir une lecture politique de ce texte. Vous avez ajouté : « Le Gouvernement acceptera tous les amendements lourds du Parti communiste. » Ce texte, avez-vous encore dit, doit

être considéré dans une perspective politique, qui est celle de la majorité plurielle. Je reconnais que vous avez tenu parole : article après article, amendement après amendement, vous vous êtes efforcé de vider de l'essentiel de son contenu cette libéralisation pourtant limitée.

J e vous fais, monsieur le secrétaire d'Etat, trois reproches essentiels.

D'abord, pour faire plaisir à la CGT, vous avez construit une usine à gaz qui, hélas, ne produira pas d'électricité (Sourires) en empilant, à tous les niveaux, des comités sans intérêt et sans effet : commission de l'organisation et de la modernisation des services publics, observatoire régional de l'électricité, comité régional de la dis tribution, observatoire de la diversification, qui viennent s'ajouter au comité technique, au conseil supérieur du gaz et de l'électricité, à la DIGEC, au comité de régulation de l'électricité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Comme si l'accumulation de ces organismes était un gage de transparence et de démocratie ! Deuxième reproche, vous avez limité les garanties nécessaires d'indépendance et de transparence du marché : En maintenant « le gestionnaire du réseau » à l'intérieur d'EDF, alors que vous savez pertinemment que vous serez obligé, vous ou vos successeurs, par la force des choses, de le sortir d'EDF dans les années qui viennent ; En ne faisant pas de l'autorité de régulation le point de passage obligé de l'information et des procédures de contrôle, de décision et de sanctions ; en prenant cette décision, qui consiste à faire de la commission de régulation de l'électricité un organe mineur, vous croyez préserver EDF ; mais vous vous trompez, car la meilleure garantie pour l'opérateur national, c'est une commission de régulation indépendante et responsable ; Ensuite, en choisissant la procédure d'autorisation comme règle pour les capacités nouvelles, alors que les raisons de cohérence et de transparence auraient dû vous amener à choisir la procédure de l'appel d'offres, l'autorisation étant réservée aux installations nécessaires à l'indépendance énergétique, aux installations de l'article 10 et aux producteurs ayant un client éligible.

Enfin, troisième reproche, vous avez multiplié les obstacles pour décourager l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché. J'en prends quelques exemples.

Vous avez étendu le statut des entreprises électrique et gazière aux nouveaux opérateurs alors que les coûts du statut sont de 40 % supérieur au coût des entreprises concurrentes et que, M. Birraux l'a dit tout à l'heure, vous n'êtes même pas en état de préciser l'avenir et les charges liées au système de retraite.

Les charges que le service public devra assumer sont imprécises. Vous avez souhaité que les charges de fermeture de Superphénix soient assumées par tous les opérateurs, y compris les opérateurs entrant, alors que c'est une décision exclusivement politique.

Ce ne sont ni des raisons scientifiques, ni des raisons économiques, ni des raisons industrielles, qui vous ont amené à fermer Superphénix. C'était simplement pour faire plaisir à l'une des composantes de votre majorité plurielle.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est vrai !

M. Franck Borotra.

Et quand la majorité de l'assemblée vous a dit « non », les opérateurs assument ces charges, vous avez répondu : « Je regrette cette décision. Ce sont donc les tarifs qui supporteront cette charge. » Vous avez

en outre refusé, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, une définition claire des coûts échoués, ouvrant la voie à tous les excès.

Vous avez limité la liberté contractuelle entre producteurs et consommateurs privés, en introduisant une clause de durée minimale qui n'est pas justifiée dans une économie comme la nôtre.

Vous voulez faire supporter par les opérateurs le droit à l'électricité, alors que c'est à l'Etat de le faire, au titre de la cohésion sociale.

Vous avez mis en place des freins injustifiables au développement des productions décentralisées d'énergie.

Contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, ce projet de loi n'est pas une transcription a minima de la directive. C'est un parcours d'obstacles pour limiter l'exercice de la concurrence et vider de l'essentiel de son contenu la libéralisation du marché.

En prenant cette option, vous cherchez sans doute à satisfaire - y arriverez-vous ? - le Parti communiste et la CGT, mais ce n'est pas une garantie de modernité.

(« Oh non ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pour cela, vous avez pris des risques, vis-à-vis des entreprises qui ont besoin de la concurrence pour abaisser leurs coûts car, contrairement à ce que l'on dit, les prix de vente de l'électricité en France ne sont pas, loin s'en faut, les plus bas d'Europe, vis-à-vis d'EDF, qui va prendre du retard dans sa nécessaire transformation, interne et externe, pour s'adapter au marché, dont le développement dans l'Union européenne sera limité à cause de la réciprocité qui sera opposée à votre transcription rabougrie, et vis-à-vis de l'Etat qui, en prenant du retard dans la transcription, s'expose à une responsabilité matérielle dans le cas où un client éligible ne pourrait mettre en vigueur un contrat signé, et à des contestations et à des contentieux sans fin sur les modalités de transcription de cette directive.

Il fallait ouvrir le marché, libérer EDF, instaurer la concurrence. Vous faites l'inverse.

M. le président.

Monsieur Borotra, pourriez-vous conclure, s'il vous plaît !

M. Franck Borotra.

Parce que vous êtes critiqué à gauche et à droite, vous croyez que vous avez trouvé le point d'équilibre, mais vous vous trompez : vous avez choisi le statu quo et l'immobilisme, qui sont l'antichambre de la glaciation. Pour toutes ces raisons, le RPR ne votera pas ce projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et


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sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, avant de donner la parole au dernier orateur inscrit pour les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Claude Billard, pour le groupe communiste.

M. Claude Billard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer en première lecture sur le projet de loi relatif à la transposition en droit français de la directive européenne ouvrant le marché de l'électricité à la concurrence.

Le groupe communiste a activement participé à la discussion, présenté et défendu de nombreux amendements avec la volonté de préserver et de développer le service public de l'électricité, de sauvegarder la capacité de la France à maîtriser ses choix énergétiques.

Qu'il s'agisse de l'instauration d'un véritable droit à l'électricité pour tous, de l'établissement d'une tranche sociale de consommation pour les familles les plus modestes, d'une tarification de l'électricité au coût de revient pour les usagers domestiques, des dispositions assurant la démocratisation du service public et de la politique énergétique, de diverses mesures visant à limiter l'entrée des intérêts privés dans l'industrie, de l'applicat ion de dispositions statutaires, toutes ces avancées portent l'empreinte des députés communistes, des nombreuses interventions des agents d'EDF et de leurs organisations syndicales.

A l'évidence, le projet de loi à son arrivée n'est pas celui de départ. Les missions de service public d'EDF sont non seulement réaffirmées, mais étendues. La cohésion sociale en sort renforcée.

Sommes-nous pour autant satisfaits et rassurés ? Assurément non.

L'ouverture du marché à la concurrence, la transformation de la Compagnie nationale du Rhône en producteur indépendant sont autant de mesures que nous considérons comme contraires aux intérêts des particuliers et de l'entreprise publique et auxquelles les députés communistes se sont opposés au cours du débat.

La directive européenne enclenche une dynamique d'ouverture à la concurrence du secteur électrique profondément contradictoire avec la notion de service public qui considère l'électricité comme un bien de première nécessité et non comme une marchandise banale.

Aujourd'hui comme hier, nous restons opposés à cette directive. Ses implications sont contraires aux intérêts des particuliers et à la maîtrise publique de la politique énergétique. Elle fut négociée et adoptée par un gouvernement de droite contre l'avis des forces politiques qui forment l'actuelle majorité de notre assemblée. L'obligation qui nous est faite de l'appliquer est l'exemple même d'une construction européenne antidémocratique, construction qui peut et doit être conçue différemment.

Pourquoi faudrait-il, en effet, que l'Europe reste prisonnière de conceptions libérales et uniquement marchandes ? Dans le domaine de l'énergie, comme sur de nombreux autres sujets, une réorientation profonde de la construction européenne s'impose. Cela passe nécessairement par une rediscussion de la directive et de ses modèles d'application. Le Gouvernement devrait être porteur de cette exigence.

La France est à ce jour le seul pays où la transposition de la directive électricité ne va pas s'effectuer selon des critères strictement libéraux. Cela peut faire école.

A bien des égards, les entreprises et les services publics français sont une originalité en Europe. Ils représentent une aide, un point d'appui pour tous les peuples. Sur ces bases, il est urgent de bâtir une politique énergétique européenne, de promouvoir au niveau de l'Union une vision dynamique, offensive des services publics, fondée sur l'égalité de traitement, la solidarité, contribuant ainsi à définir le modèle de civilisation auquel nous aspirons.

Enfin, nous estimons qu'au-delà de ses missions de service public, l'entreprise publique EDF a un rôle à jouer, en France bien sûr, mais aussi en Europe, pour contribuer à relever les immenses défis de notre époque en matière d'emploi, de formation, d'environnement, de coopération, d'aide au développement de pays d'autres continents.

Pour toutes ces raisons, les députés communistes et apparentés entendent demeurer attentifs, vigilants sur les suites du débat parlementaire et le maintien des premiers acquis. Notre vote d'abstention (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) se veut l'expression d'une volonté constructive, mais surtout combative et tout acquise à la défense et à la promotion du service public de l'électricité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

547 Nombre de suffrages exprimés .................

497 Majorité absolue .......................................

249 Pour l'adoption .........................

258 Contre .......................................

239 L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président.

La séance est reprise.


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5 RATIFICATION DU TRAITÉ D'AMSTERDAM Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (nos 1365 rectifié, 1402).

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le présent projet de loi que Pierre Moscovici et moi-même vous présentons cet après-midi a pour objet d'autoriser la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes.

Ce projet de loi vous est soumis après que le Parlement réuni en congrès le 18 janvier à Versailles a adopté la loi de révision constitutionnelle qui autorise à consentir les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles dans les domaines liés à la libre circulation des personnes. A ce jour, onze Etats membres de l'Union ont déposé leurs instruments de ratification. Le Portugal, la Belgique et la Grèce ont achevé leur procédure parlementaire. La France est la dernière à le faire.

L'origine du traité d'Amsterdam se trouve dans l'article N du traité de Maastricht qui prévoyait, dès 1996, une convocation de la conférence des représentants des gouvernements. L'élaboration des traités est en effet devenue si complexe de nos jours que le travail prévu n'est jamais complètement achevé et qu'il devient d'usage de renvoyer la suite à un traité ultérieur. Pour préparer cette conférence intergouvernementale, un groupe des représentants personnels, le groupe Westendorp, avait été installé le 2 juin 1995. La conférence intergouvernementale elle-même ne s'était ouverte que le 29 mars 1996 à l'occasion du Conseil européen de Turin. La négociation s'est achevée lors du Conseil européen d'Amsterdam dans la nuit du 17 au 18 juin. Enfin, j'ai signé le traité pour la France, le 2 octobre 1997, à Amsterdam, traité que Pierre Moscovici vous présentera tout à l'heure plus en détail.

Je voudrais, en ce qui me concerne, faire les quelques observations suivantes.

Ce traité ne constitue pas un bouleversement mais une étape qui s'inscrit dans une continuité et comporte plusieurs avancées utiles : ainsi, le chapitre sur l'emploi mis en vigueur de façon anticipée lors du sommet sur l'emploi de Luxembourg en novembre 1997 ; des instruments nouveaux pour l'action extérieure, tels le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, les stratégies communes, les coopérations renforcées ; ou encore une plus grande cohérence institutionnelle, avec la communautarisation d'une partie des accords de Schengen, le renforcement des pouvoirs du Parlement européen avec l'extension de la procédure de co-décision, mais aussi l'acceptation d'une plus grande diversité dans la situation des Etats membres qu'exprime la clause dérogatoire pour l'acquis Schengen et le troisième pilier ainsi que les coopérations renforcées, une fois encore ; je citerai aussi une affirmation plus marquée des réalités nationales, à travers le protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne, la clause de sauvegarde pour la politique étrangère et de sécurité commune ou encore le renforcement du principe de subsidiarité, libératrice d'énergies, selon le mot du Président de la République.

Beaucoup de progrès donc, mais aucune de ces dispositions ne remplace l'indispensable réforme institutionnelle d'ampleur, les pays membres n'ayant pu, lors de la conférence intergouvernementale, que constater leurs désacords sur ce point.

Néanmoins, Amsterdam est une étape utile pour l'Union à un moment crucial où elle doit faire face à la fois à la négociation financière à quinze, à la négociati on de l'élargissement à six nouveaux pays, au pilotage de l'euro, à l'élaboration de la politique étrangère et de sécurité commune, et cela alors même que la mondialisation malmène et défie cette Union, tout en lui fournissant aussi, il est vrai, des opportunités et ne lui conférant des responsabilités nouvelles.

Rarement notre Union aura eu à résoudre autant de problèmes et à relever autant de défis simultanément.

L'Agenda 2000 tout d'abord. Sur ce sujet très complexe dont vous connaissez les enjeux, financiers et politiques, il n'est pas anormal que des tensions apparaissent jusqu'à donner l'impression d'une crise ou, en tout cas, d'un blocage. J'avais envisagé cette hypothèse ici m ême, lors d'un débat sur l'Europe, dès le 2 décembre 1997. Comment s'en étonner dès lors que l'Allemagne et d'autres pays veulent réduire leur contribution nette, que les pays de la cohésion veulent recevoir t oujours autant, que la Grande-Bretagne refuse de remettre en question son chèque tout en voulant gagner toujours autant sur les fonds structurels, que la France et l'Italie refusent, à juste titre, d'être les variables d'ajustement du nouveau paquet ? Comment s'en étonner dès l ors que chacun est prêt à sacrifier les politiques communes qui ne l'intéressent pas mais entend conserver l es autres, que les exigences budgétaires nationales imposent une maîtrise des dépenses communautaires pour ne pas gonfler la contribution brute des Etats et qu'il faut, dans le même temps, déjà penser à financer l'élargissement futur ? Quadrature du cercle apparemment insoluble, mais qu'il faudra bien résoudre et que nous résoudrons.

Ne faisons pas pour autant des difficultés concernant l'Agenda 2000 un problème franco-allemand. Entre l'Allemagne et nous - et c'est vrai pour tous les pays d'ailleurs -, il n'y a d'harmonie automatiquement préétablie, tout simplement parce que nos intérêts sont souvent divergents. Au jeu de la négociation entre les Quinze, il est normal que chacun défende d'abord ses intérêts. Mais il y a une volonté de réduire ces divergences et de travailler ensemble.

Plusieurs points de convergence ont d'ailleurs déjà été constatés, notamment au sommet de Potsdam. Je citerai, entre autres, le nécessaire plafonnement des ressources propres au niveau de 1,27 %, la stabilisation de la dépense à quinze, la distinction entre les dépenses à quinze et les dépenses destinées à financer l'élargissement futur. Mais n'en doutez pas, au bout du compte, il y aura bien un accord entre la France et l'Allemagne, entre les Quinze également et ce, je l'espère, dès le mois de mars.

Il faudra pour cela, que chacun ait fait preuve d'esprit de compromis. C'est dans cet esprit même que nous avons fait des propositions, telles que la dégressivité des aides directes agricoles, et que nous attendons de nos parte-


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naires des ouvertures comparables. A la réunion informelle de Petersberg, le chancelier Schrder a manifesté la volonté de la présidence allemande de poursuivre la discussion sur des bases et avec une méthode qui tiennent compte des enseignements des premières semaines de la présidence allemande.

Je n'oublie pas que bien d'autres problèmes se posent encore dans le cadre de cette négociation qui concerne l'Espagne et le fonds de cohésion, le Portugal et les zones pour les fonds structurels, l'Italie avec la subsitution de la TVA par le PNB pour le calcul des ressources propres, le Royaume-Uni avec son chèque. Mais là aussi, dans le compromis qui devra finalement intervenir, nous arriverons à maîtriser tous ces problèmes.

L'autre grande tâche qui nous attend au cours des prochaines années est de réussir l'élargissement, actuellement négocié avec six pays en attendant les autres. Réussir, c'est convaincre les pays candidats de la nécessité de se préparer très sérieusement à cette échéance et d'utiliser le temps encore disponible pour cela. C'est mettre ce temps à profit pour préparer l'Union à ces rendez-vous, c'est-àdire la réformer, je vais y venir. Mais c'est aussi éviter de laisser sur le bord de la route certains pays candidats, pour ne pas aggraver leurs problèmes. Je me réjouis que le réalisme et le sens des responsabilités l'emportent maintenant en Europe sur ces sujets, car c'est ainsi que nous pourrons faire aboutir mieux et plus vite les négociations d'élargissement, sur des bases plus solides. La négociation doit être sérieuse jusqu'au bout et n'occulter aucun problème. Ce sera bien sûr à la Commission d'analyser et de donner son avis, mais au Conseil de garder la maîtrise politique du processus.

Cette perspective d'élargissement ne rend que plus nécessaire la réforme institutionnelle à laquelle votre assemblée est si justement attachée et nos idées sur ce sujet ont gagné du terrain. La déclaration franco-italobelge est devenue la référence. Nos partenaires sont de plus en plus nombreux à reconnaître la réalité du problème et la nécessité de réformer avant d'élargir, si l'on veut que l'Union puisse encore fonctionner demain.

Deux questions se posent à ce stade : l'une de contenu et l'autre de méthode.

Sur le contenu, faut-il s'en tenir à la taille de la Commission, à la pondération des voix au Conseil et à la majorité qualifiée - questions non tranchées dans la négociation d'Amsterdam - ou au contraire aller plus loin ? Ma réponse est que la solution à ces questions ne pourra à elle seule régler tous les problèmes posés par le fonctionnement d'une Europe à vingt-cinq, voire à trente, m ais c'est un préalable nécessaire, mais insuffisant.

Commençons par en convaincre nos partenaires, sans exclure d'aller plus loin.

Sur la méthode, quand nous lancerons, au Conseil européen de Cologne, en juin, ce processus de réforme, il faudra éviter les erreurs passées. Une conférence interg ouvernementale prématurée restituerait les clivages d'Amsterdam presque inchangés. Pour préparer les bases d'un accord, on peut imaginer de confier dans un premier temps à une personnalité ou à un groupe de personnalités un travail de décantation, Pierre Moscovici y reviendra tout à l'heure.

L'Union européenne a encore bien d'autres tâches urgentes à accomplir : faire de l'euro la monnaie de l'espace de croissance et du « continent de l'innovation » dont a parlé le Premier ministre ; adopter le pacte européen pour l'emploi ; poursuivre l'harmonisation fiscale et sociale ; réaliser l'espace de sécurité, de liberté et de justice, auquel sera d'ailleurs consacré le Conseil européen extraordinaire de Tampere, sous présidence finlandaise, à la fin de cette année.

Au-delà de ces tâches pressantes et sans attendre la conclusion des négociations en cours, il n'est pas prématuré de réfléchir à la suite et aux perspectives à plus long terme du processus européen, pour achever de bâtir cette Europe sûre, libre et créatrice, utile au monde, que nous avons à l'esprit.

Il nous faudra pour cela concilier l'élargissement de l'Union à un plus grand nombre d'Etats, donc sa diversification - et à certains égards, c'est un risque, son alourdissement - et la nécessité que nous ressentons, nous, Français, si intensément, de voir l'Europe s'affirmer encore davantage comme un acteur doté de tous les attributs de la puissance et de l'influence modernes, au service de nos intérêts et de nos convictions.

Cela nous impose de dire ce que, au bout du compte, nous voudrons mettre en commun dans cette « Europe humaine et puissante » qu'appelle de ces voeux le Président de la République, dans cette « union de nations » dont parle le Premier ministre, d'esquisser ce que devra être, dans une Europe élargie, le socle des politiques communes engageant tous les Etats membres, en matière économique, agricole, sociale, de sécurité et de justice, de politique étrangère et de sécurité commune, et ce qui relèvera de la libre coopération à géométrie variable entre

Etats. Car, c'est ma conviction, un recours accru à des géométries variables, sans carcan inutile, s'imposera. Faute de pouvoir être satisfait dans le cadre institutionnel de l'Union, ce besoin s'exprimerait en dehors. Mieux vaudrait, pour l'Union, inventer à temps les arrangements institutionnels nécessaires, en s'inspirant entre autres des précédents de Schengen ou de l'Union économique et monétaire et en donnant tout son sens au principe de subsidiarité.

Nous sentons bien qu'au stade où nous sommes parvenus, nous ne progresserons encore qu'avec l'adhésion active des peuples, c'est-à-dire en créant un véritable espace commun, et je ne pense pas d'abord à des mécanismes institutionnels ou juridiques, mais à un vrai lien entre les sociétés de nos pays à travers l'éducation, la presse, la culture, les échanges et la mobilité. Assurer la vitalité, le rayonnement de nos cultures, afin qu'elles puissent, par leur dialogue, nourrir cette identité européenne, et qu'elle-même puisse être une des composantes de la diversité culturelle mondiale, est une de nos plus hautes tâches.

Jour après jour, nous allons aussi à donner corps à la politique étrangère et de sécurité commune sans nous contenter de prises de position sur les grands principes.

Une volonté politique, pédagogique et méthodique sera constamment nécessaire pour rapprocher les mentalités, élargir le champ des références communes, montrer de plus en plus d'actions concrètes, mobiliser nos moyens aus ervice des mêmes objectifs, mener des stratégies communes telles que celle à laquelle nous travaillons sur la Russie. Soyons patients. Depuis l'apparition du sigle, il y a dix ans, la PESC a souvent été victime de l'impatience sympathique ou des désillusions prématurées de ses propres partisans. Soyons patients, mais soyons tenaces.

Quant à l'émergence d'une défense européenne que nous appelons depuis longtemps de nos voeux et voulons hâter par nos actes, n'oublions pas qu'elle se heurte à une difficulté particulière puisqu'une organisation de défense commune satisfaisante existe déjà aux yeux de la plupart


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des pays européens, je veux parler de l'OTAN. C'est comme si, toutes choses égales par ailleurs, en matière monétaire, il y avait eu, face au projet de monnaie commune européenne, une autre monnaie commune déjà installée, le dollar. C'est dire à quel point les démarches pour la mise en place d'une défense européenne à laquelle nous restons profondément attachés se heurtent à des difficultés particulières et appellent une stratégie spécifique.

D'où l'importance du processus franco-britannique amorcé à Saint-Malo pour doter l'Union d'une capacité autonome d'analyse, d'évaluation, de planification de décision, ainsi que de moyens propres, en harmonie avec l'Alliance atlantique et en bonne entente avec les EtatsUnis. D'ores et déjà, cette démarche a frappé les esprits.

A travers elle, notre but est de monter qu'une initiative de défense européenne peut trouver sa place dans l'Alliance atlantique, qu'un leadership européen est possible, notamment là où les intérêts des Européens sont en jeu, là où les Etats-Unis ne veulent pas intervenir et là où l'Alliance et l'Europe y gagneraient ensemble. C'est ce que nous dirons au sommet de Washington.

Sur tous ces points qui engagent l'avenir de l'Europe, un travail de réflexion approfondie est en cours avec nos partenaires de l'Union, en particulier avec mon homologue allemand.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l'Union européenne traverse aujourd'hui une période de négociations difficiles, mais qui étaient, je le répète, prévisibles. Il faut toutefois se garder de projeter sur l'ensemble la difficulté d'un moment ou d'un domaine.

C'est à l'Europe nouvelle que nous travaillons aujourd'hui : celle de l'euro solidement lancé, du cadre financier fixé pour les années 2000-2006, de la réforme institutionnelle décidée, de l'élargissement maîtrisé et réussi, d'une politique étrangère et de sécurité commune qui s'affermit et qui s'affirme. Voyons au-delà des échéances immédiates.

Depuis l'origine, la vocation de la France est d'être au coeur de ce mouvement. Jusqu'à ces jours derniers, les idées françaises continuent d'inspirer les grands projets européens : que ce soit l'euro, l'Europe de la connaissance lancée l'an dernier à l'occasion du 800e anniversaire de la Sorbonne, l'Europe de la croissance et de l'emploi avec le sommet extraordinaire de Luxembourg en novembre 1997, la défense européenne avec l'exercice lancé à SaintMalo.

Il ne tient qu'à nous que l'Europe continue à se nourrir de nos réflexions et de nos projets. C'est affaire de vision, de clarté, de réalisme, de confiance en nousmêmes, de respect et de dialogue avec nos partenaires.

C'est la meilleure façon pour la France de promouvoir ses intérêts et ses valeurs, de contribuer à l'émergence d'un monde multipolaire dont l'Europe, en tant que fédération d'Etats nations, sera l'un des pivots essentiels.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous abordons donc aujourd'hui le débat en vue de la ratification par la France du traité d'Amsterdam.

Je tiens d'abord à remercier le président de la commission des affaires étrangères, Jack Lang, ainsi que le rapporteur, Michel Vauzelle, pour l'excellent travail effectué en vue de préparer ce débat.

Hubert Védrine vient de replacer cette ratification dans son contexte historique. Amsterdam est une étape de la construction européenne, une étape annoncée par le traité de Maastricht, qui disposait, dans son article N, qu'une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres serait convoquée en 1996 pour examiner les dispositions du traité à modifier.

Le traité d'Amsterdam, c'est clair, n'a pas toute la force ni toute la portée qu'il aurait dû avoir si les objectifs fixés à l'origine de la CIG avait pu être atteints. Amsterdam n'est pas le traité fondateur de l'Europe politique et sociale que nous voulons construire. Ses lacunes sont importantes et ses limites sont évidentes. Hubert Védrine l'a indiqué et j'y reviendrai à mon tour.

Il faut néanmoins, je crois, bien prendre toute la mesure de l'étape d'Amsterdam, en apprécier les forces et les faiblesses, sans excès d'honneur, mais aussi sans excès d'indignité. Il faut prendre appui sur ce traité tel qu'il est pour mieux préparer l'avenir.

Malgré ses limites, il faut en être conscient, Amsterdam est un traité non seulement utile mais aussi important, parce qu'il marque l'amorce d'un tournant, parce que certaines tendances ont pu être corrigées - je pense naturellement au domaine de l'emploi. En outre, des compléments ont été apportés aux chapitres sur lesquels le traité de Maastricht ne donnait pas à l'Union des instruments suffisants pour réaliser les ambitions qu'elle s'étaient assignées.

D'abord, en quoi le traité d'Amsterdam permet-il la correction de tendances qui nous semblaient négatives pour l'Europe ? Il le permet, essentiellement, en contrebalançant la dimension fortement monétaire et financière du traité de 1992.

Permettez-moi de faire ici une remarque, pour écarter définitivement toute confusion : on ne peut pas, on ne doit pas faire grief au traité d'Amsterdam de ne pas traiter la question de l'Union économique et monétaire, puisque celle-ci ne figurait pas, ou plus, à l'ordre du jour de la conférence intergouvernementale. De même, il faut se garder de confondre le traité d'Amsterdam et le pacte de stabilité et de croissance, décidé à Dublin en décembre 1996, mais formellement adopté au Conseil européen d'Amsterdam. Il y a bien eu confirmation du pacte à Amsterdam, mais le traité est totalement distinct. Ce sont deux textes de nature bien différente.

S'agissant du pacte de stabilité, nous n'avons pu travailler à Amsterdam, en quelque sorte, que par « amendements séparés », en faisant adopter, à l'initiative de la France et sous l'impulsion du gouvernement de Lionel Jospin, un texte complémentaire, de même valeur, et qui le rééquilibrait : la résolution sur la croissance et l'emploi.

Ce qu'il faut retenir, je crois, de cette démarche, c'est la dynamique qu'elle a enclenchée et qui trouve aujourd'hui son plein épanouissement avec l'initiative, qui doit prendre corps, qui commence à prendre corps sous présidence allemande, d'un pacte européen pour l'emploi.

Cette notion nous paraît naturelle aujourd'hui. Je me permets de rappeler que la partie était loin d'être gagnée alors, et même qu'elle n'était pas, ou si peu, engagée en juin 1997.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

C'est grâce à cette dynamique et à ce contexte nouveau que nous avons pu mettre en oeuvre par anticipation les dispositions du traité d'Amsterdam relatives à l'emploi, tenir un sommet exclusivement consacré à ce sujet dès novembre 1997 à Luxembourg - c'était une première et consacrer, depuis lors, cette priorité européenne pour l'emploi. Les délais de ratification pour un texte de ce niveau sont toujours longs, mais sont parfois utiles, nous le voyons bien aujourd'hui. Nous ne pouvons donc que nous féliciter d'avoir pu, sans attendre, mettre à profit les nouveaux instruments créés par le taité.

Vous savez, en effet, que celui-ci comporte un chapitre nouveau, entièrement consacré à l'emploi, à la coordination et au suivi des politiques nationales dans ce domaine et au développement d'une stratégie commune européenne. L'union monétaire est ainsi clairement rééquilibrée : stabilité économique et lutte pour l'emploi étant mises politiquement sur le même pied.

Je rappellerai aussi que c'est dans le même esprit que nous avons pesé sur les conditions de mise en place de l'euro, au 1er janvier dernier. Et nous pouvons, je le crois, être satisfaits du résultat : l'euro s'est fait sur une base large, il n'est pas surévalué, il est conçu comme un instrument au service de la croissance et de l'emploi.

Enfin, a été mis en place un Conseil de l'euro, qui est l'interlocuteur de la Banque centrale européenne et le moteur de la coordination des politiques économiques en Europe, bref, qui constitue l'amorce d'un « gouvernement économique ». Car, pour nous, l'euro n'est pas une fin en soi, c'est un outil indispensable à la croissance et à l'emploi.

C'est toujours dans le même esprit qu'il convient de situer, pour les apprécier, les dispositions du traité dans le domaine social.

L'avancée majeure est évidemment, grâce au changement d'orientation décidé par le gouvernement britannique de Tony Blair, l'intégration du protocole social dans le traité, dont les dispositions sur le rapprochement des législations et sur le dialogue social s'appliqueront désormais à tous les Etats membres. En outre, le chapitre social est complété par de nouvelles dispositions permettant au Conseil d'adopter, à la majorité qualifiée, des mesures de lutte contre l'exclusion sociale, ainsi que des mesures visant à assurer l'application du principe d'égalité des chances et d'égalité de traitement.

La volonté d'aller vers une Europe plus respectueuse des droits fondamentaux des citoyens est partout présente dans ce traité. Elle se traduit aussi par un renforcement des dispositions relatives aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, de la clause de non-discrimination et du principe d'égalité entre hommes et femmes, ainsi que des droits sociaux fondamentaux.

L'Europe, après Amsterdam, l'Europe dans laquelle nous entrons, sera aussi une Europe plus attentive aux attentes en matière de santé et d'environnement, grâce à des dispositions plus contraignantes pour les Etats, donc plus protectrices pour les citoyens.

Enfin, le nouvel article relatif aux services publics participe de la même ambition. Il consacre la place des services publics au rang des valeurs communes de l'Union et reconnaît leur rôle particulier dans la cohésion sociale et territoriale de l'Europe et des Etats membres. C'était pour la France un objectif essentiel.

Voilà pour les corrections. Mais il y a, dans le traité d'Amsterdam, de nombreuses autres dispositions qu'il convient plutôt de lire comme des compléments au traité de Maastricht : c'est tout ce qui concerne la PESC, c'est le troisième pilier, ce sont aussi, malgré les lacunes i mportantes, quelques progrès dans le domaine institutionnel.

En instituant à Maastricht une politique étrangère et de sécurité commune, les Etats membres de l'Union ont levé, une fois pour toutes, les limitations qui freinaient la coopération politique créée par l'Acte unique. C'était un pas décisif mais - on l'a constaté bien vite avec le conflit de l'ex-Yougoslavie - encore très insuffisant.

Le traité d'Amsterdam s'efforce d'aller plus loin puisqu'il donne à la PESC une voix et un visage et nous savons aujourd'hui que Madame ou Monsieur PESC sera une personnalité politique comme la France le souhaite.

En outre, cette personnalité, qui sera désignée en juin prochain à Cologne, disposera pour agir de structures et d'instruments nouveaux, que nous souhaitons les plus performants possible. Je pense notamment à l'idée française de stratégie commune, qui permettrait, dans des zones géographiques prioritaires - la Russie, les Balkans, la Méditerranée -, d'avoir une vision globale et de mobiliser tous les instruments de la Communauté et des Etats membres.

Parallèlement, le traité ouvre des perspectives de progrès dans le domaine de la défense européenne. Il faudra aussi, j'en ai la conviction, les utiliser pleinement. A cet é gard, la déclaration franco-britannique adoptée l'automne dernier à Saint-Malo est encourageante, puisqu'elle insiste sur le développement de moyens opérationnels européens, naturellement articulés avec ceux de l'OTAN, mais pouvant être mis en oeuvre même si les

Etats-Unis ne souhaitent pas s'engager militairement. Le traité d'Amsterdam apporte également des compléments substantiels en matière de sécurité intérieure, par des progrès dans le domaine des affaires intérieures et de la justice.

Là encore, si le traité de Maastricht avait le mérite d'inscrire cette question tout à fait essentielle au rang des questions d'intérêt commun, il n'avait pas permis l'adoption de procédures et d'instruments efficaces. Dans ce domaine, dont l'importance majeure est aujourd'hui reconnue, la réalité nous a, en quelque sorte, rattrapés, mettant en lumière la nécessité, pour faire face à des phénomènes d'une ampleur nouvelle, de recourir à des procédures plus ambitieuses.

Ce sujet a déjà fait l'objet de nombreux débats devant l'Assemblée nationale, puisque ce sont les dispositions relatives à la politique en matière d'asile, de visas et d'immigration qui ont rendu nécessaire la révision de la Constitution, préalable à la ratification qui nous occupe aujourd'hui. Puisque cette discussion approfondie est très récente, je n'y reviendrai pas dans le détail maintenant mais nous pourrons le faire, si vous le souhaitez, au cours du débat.

J e rappellerai simplement qu'avec le traité d'Amsterdam, les Etats membres se sont donné pour objectif la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. Je rappelle aussi que, pour ce faire, le traité prévoit, d'une part, l'application de la méthode communautaire aux politiques en matière d'asile, de visas et d'immigration et, d'autre part, un renforcement très substantiel de la coopération policière et judiciaire pénale.

Enfin, ces dispositions seront complétées par celles de la convention de Schengen, dont chacun reconnaît aujourd'hui les acquis et qui seront intégrées au traité.

Je terminerai ce rapide tableau par les questions institutionnelles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

Nous avons évoqué, lors de nos précédents débats, les avancées limitées mais réelles du traité d'Amsterdam dans le sens d'une Europe plus démocratique, grâce au renforcement des pouvoirs législatifs du Parlement européen et à une meilleure association des parlements nationaux aux travaux de l'Union. Sur ce dernier point, d'ailleurs, la révision constitutionnelle a été l'occasion de traduire ce souci dans nos procédures nationales, par une révision substantielle de l'article 88-4 de notre Constitution.

L'autre apport de ce traité sur le plan institutionnel, c'est la reconnaissance des coopérations renforcées, à l'intérieur du schéma institutionnel de l'Union.

Les coopérations renforcées ou différenciées, c'est-à-dire la possibilité d'actions d'avant-garde à quelques-uns à l'intérieur de l'Union, sont, en effet, la seule réponse possible aux défis de l'Europe de demain, qui comptera vingt, vingt-cinq et, un jour sans doute, trente membres, voire davantage. Ces défis sont ceux du nombre et de l'hétérogénéité. Car, si l'appartenance à l'Europe constitue bien le ciment commun d'un édifice européen qui deviendra plus diversifié, le dégré d'adhésion au projet européen luimême ne sera sans doute pas équivalent tout de suite, d ans toutes ses composantes, pour tous les Etats membres.

Il faut donc, dans cette perspective, et si nous voulons ne rien perdre de ce qui fait la spécificité du projet européen, trouver les outils qui donneront de la souplesse, sans rien céder sur la cohérence d'ensemble, sans freiner la dynamique intégratrice, fondée sur la solidarité des politiques communes. L'Europe de demain ne doit pas être une Europe à la carte, une Europe self-service. Elle doit au contraire s'organiser autour d'un coeur, d'un groupe leader, c'est le sens des coopérations renforcées.

Mais un tel dispositif ne saurait fonctionner efficacement tant que nous n'aurons pas mené à bien l'autre volet de la réforme institutionnelle, celui qu'évoquait Hubert Védrine tout à l'heure et que l'on appelle désormais les « reliquats » d'Amsterdam. Il s'agit des trois points qui figurent dans la déclaration que nous avons, en même temps que le traité, signée avec nos partenaires belges et italiens : le format de la Commission, l'extension du vote à la majorité qualifiée et, dans ce cadre, la repondération des voix au sein du Conseil.

Ce sont là trois lacunes majeures du traité d'Amsterdam. Nous les avons soulignées d'emblée, et vous avez également exprimé, dès septembre 1997, votre préoccupation à cet égard.

Depuis lors, vous le savez, les autorités françaises ne sont pas restées inactives. Ce sujet a été évoqué sans relâche auprès des Etats membres de l'Union européenne et aussi auprès des pays candidats à l'élargissement de l'Union. Tous nos partenaires ont maintenant admis la nécessité de reprendre la réflexion sur ces trois points, nécessité que les pays candidats comprennent maintenant clairement, et la présidence allemande s'est engagée à présenter, en juin prochain, à Cologne, une proposition de calendrier et de méthode pour mener à bien cette réforme.

Il y a, en effet, Hubert Védrine vient de vous l'exposer, plusieurs manières possibles de préparer et de conduire cette réforme. On peut imaginer de désigner des représentants personnels des chefs d'Etat et de gouvernement, mais les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets et de conduire à la faillite comme ce fut le cas à Amsterdam sur ce point.

On peut aussi charger une personnalité ou plusieurs - une sorte de comité des sages - de faire un rapport au Conseil indiquant l'état des réflexions et des positions.

On peut envisager que ce rapport soit d'ampleur plus ou moins vaste, qu'il se borne aux trois questions posées ou qu'il élargisse la réflexion.

Nous avons nos préférences dans ce débat, et on les comprend. Nous en parlons avec la présidence allemande.

Mais le principal, pour nous, c'est ne pas perdre de temps. Nous pourrions conclure, si cette démarche est retenue, avant la fin de l'an 2000, c'est-à-dire sous la présidence française, dont ce pourrait être une des tâches essentielles, une des ambitions importantes.

Cet enjeu institutionnel est, je le sais, essentiel pour l'Assemblée nationale ; son président, Laurent Fabius, avait, très tôt, montré l'intérêt qu'il portait à cette q uestion. Le Gouvernement a donc tenu l'engagement qu'il avait pris devant vous et que j'ai déjà eu l'occasion de présenter ici à plusieurs reprises. Parce que le problème soulevé est d'une très grande importance, le projet de loi q ui vous est soumis est assorti d'un amendement gouvernemental - vous le savez que le règlement des assemblées n'autorise pas les parlementaires à déposer des amendements sur les projets de loi de ratification - qui tend à introduire un article additionnel réaffirmant l'exigence d'une réforme institutionnelle avant le prochain élargissement. La rédaction de ce texte, qui a fait l'objet de larges consultations, tient compte, dans les limites juridiques qui s'imposent à nous, des observations qui ont été formulées au sein de la commission des lois et de la commission des affaires étrangères.

Cet amendement s'énonce de la manière suivante : « La République française exprime sa détermination de voir réaliser, au-delà des stipulations du traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l'Union européenne, afin de rendre le fonctionnement de l'Union plus efficace et plus démocratique, avant la conclusion des premières négociations d'adhésion. »

Le sens de cet amendement est donc bien clair : il faut une réforme préalable à l'élargissement. Je souhaite que l'Assemblée nationale exprime son soutien à cette démarche.

Nous avons tenu compte, dans cette rédaction - sans pour autant pouvoir accepter d'amendements ou de sousamendements d'origine parlementaire à proprement parler puisque la Constitution et le règlement de l'Assemblée ne l'autorisent pas - des préoccupations exprimées par certains membres éminents de l'Assemblée dont certains appartiennent à la commission des affaires étrangères : le président Valéry Giscard d'Estaing, le président Jack Lang, M. Edouard Balladur, M. Hervé de Charette,

M. François Loncle et le rapporteur, M. Michel Vauzelle.

Ces préoccupations portaient sur trois points : le souci de montrer plus de détermination, de marquer que cette réforme doit aller vers une plus grande efficacité des institutions, enfin que notre attitude envers l'élargissement, même si nous souhaitons une réforme préalable, est totalement positive.

Je suis sûr que l'Assemblée tout entière saura se reconnaître dans le texte de cet article additionnel.

Dans ces conditions, et après avoir rappelé les mérites de ce traité, je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à donner votre accord, avec autant de force que lors de la révision constitutionnelle, à la ratification du traité d'Amsterdam.

(Applaudissements sur les bancs du groupe


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Michel Vauzelle, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre assemblée entrevoit aujourd'hui la fin d'un long processus de ratification du traité signé par les quinze Etats membres de l'Union européenne à Amsterdam le 2 octobre 1997. Il a déjà fait l'objet de si nombreux débats et analyses que l'on pourrait penser que tout a été dit sur ce traité, mais comme

« ce qui se conçoit bien s'énonce clairement », peut-être tous ces débats n'ont-ils eu pour raison d'être que le fait qu'il s'agit sans doute du plus mauvais texte que la Fance ait eu à ratifier depuis les débuts de la construction européenne ? En tout cas, la qualité du débat mené à l'occasion de la révision constitutionnelle préalable à sa ratification, même si cette révision ne portait que sur certains aspects du traité, et la présentation du texte qui vient de nous être faite par les ministres me dispensent d'un nouvel exposé de celui-ci.

En revanche, avant de voter l'autorisation de ratification, il me semble nécessaire de mettre une fois encore l'accent sur les avancées et les insuffisances politiques d'un traité trop couramment et rapidement ravalé au rang d'un texte technique, voir technocratique.

La conférence intergouvernementale était chargée de proposer un nouveau traité répondant aux objectifs suivants : rendre l'Union plus proche des citoyens, rénover les institutions dans le sens de plus de démocratie et d'efficacité et renforcer la capacité d'action extérieure de l'Union.

La tâche était donc ambitieuse, mais les résultats ne sont pas à la hauteur de ce que l'on annonçait parfois comme un nouvel acte fondateur. Il semble même que les négociateurs n'aient peut-être tout simplement pas rempli le mandat qui leur avait été donné.

Tout d'abord, le traité d'Amsterdam peut sembler constituer un simple complément au traité de Maastricht.

Ce dernier prévoyait en effet la convocation d'une conférence intergouvernementale en 1996 pour examiner les dispositions à réviser. De ce fait, on a pu parler, à propos de ce traité, d'une simple mise à jour des textes antérieurs. On a dit aussi qu'il n'était qu'un catalogue de grands principes. Entre dispositions formelles et affirmations de principe, le traité d'Amsterdam ne serait-il qu'une construction théorique ? Non. Il comporte des avancées concrètes, indiscutables.

La première d'entre elles est la construction progressive d'un espace de sécurité, de justice et de liberté.

Le traité d'Amsterdam renforce l'efficacité de l'Union dans les matières relevant du troisième pilier créé par le traité de Maastricht. Il crée un lien indispensable, là encore dans la perspective de l'élargissement, entre l'ouverture des frontières internes de l'Union et le contrôle strict et homogène à ses frontières extérieures. Enfin, par l'association de la Cour de justice des Communautés et du Parlement européen, il évite de transformer ce qui doit être un espace policé en espace policier.

La France a été l'un des plus ardents défenseurs de la réforme de la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures. De ce point de vue, le traité d'Amsterdam est une victoire des positions françaises.

La deuxième avancée majeure du traité est un meilleur équilibre de la construction européenne jusque-là essentiellement tournée vers la réalisation du marché intérieur.

Le traité d'Amsterdam ne remet pas en cause la vocation économique de la construction européenne, mais il l'insère de plus en plus dans un certain nombre d'autres objectifs, de contraintes, de nouvelles exigences. Par exemple, et ce, encore une fois, à la demande de la France, les services d'intérêt économique général, qui correspondent assez bien à ce que l'on appelle en France les

« services publics », se voient reconnaître une véritable spécificité. De même, les exigences en matière d'environnement, pour n'être pas nouvelles, prennent une place accrue dans le traité.

Enfin et surtout, le traité opère un rééquilibrage de la construction européenne par une prise en compte accrue de la dimension sociale.

L'Union se dote d'un fondement social commun, avec le ralliement du Royaume-Uni au protocole social annexé au traité de Maastricht. Les dispositions de ce protocole sont intégrées dans les traités eux-mêmes.

L'Union se dote également, et largement à l'initiative de la France, d'un titre consacré à l'emploi. L'action communautaire n'est que subsidiaire, mais apparaît l'idée d'une « stratégie coordonnée visant à promouvoir l'emploi ». Pour ce faire, elle disposera de plusieurs instruments que les Etats ont décidé de mettre en application de manière anticipée, sans attendre l'entrée en vigueur du traité.

A l'image de ce qu'il fait en matière de finances publiques et qui a provoqué tant d'indignation dans certains rangs, le Conseil pourra désormais, à la majorité qualifiée, formuler des recommandations sur les politiques de l'emploi menées par les Etats. Le progrès apparaît considérable lorsque l'on se souvient que certains Etats se refusaient à simplement évoquer la question de l'emploi dans les enceintes européennes. Le message de M. le Président de la République a montré tout à l'heure, par des accents qui étaient parfois quasiment socialistes, que la France avait su, pour sa part, se rassembler sur ce point.

Toutefois, la pleine utilisation de ces dispositions du traité dépend, comme celle des autres, de l'existence d'une volonté politique commune des Etats.

M. le ministre Pierre Moscovici a rappelé, à plusieurs reprises, que le traité d'Amsterdam péchait plus par ce qu'il ne contenait pas que par les dispositions qu'il comportait. De fait, ce traité offre de réelles posibilités d'action.

La comparaison avec l'Acte unique de 1986 s'impose.

Que n'a-t-on pas reproché à ce texte ? « La montage fédérale du projet Spinelli avait accouché d'une souris tout à fait diplomatique », si tant est que les souris puissent l'être (Sourires) ; l'Acte unique était un « texte d'intendance », une « coquille aux trois quarts vide », un « acte clandestin », « le compromis du possible ». Les similitudes avec Amsterdam sont intéressantes. Mais justement, l'Acte unique a permis des avancées considérables, notamment la réalisation du marché intérieur. Ces progrès n'ont étér endus possibles que par l'existence d'une véritable v olonté politique. La nouvelle donne politique en Europe, les derniers Conseils européens, la création de l'euro donnent à penser qu'une telle volonté est possible en matière de politique économique.

A contrario , les balbutiements en matière de PESC - la prononciation de ce sigle montre combien la chose est difficile - augurent mal de son avenir, même améliorée par le traité d'amsterdam.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

Le champ des relations extérieures a, certes, fait l'objet d'aménagements. Le principal d'entre eux consistera en la désignation, dans les mois qui viennent, d'un haut représentant pour la PESC, secrétaire général du Conseil, destiné à mieux incarner l'Union dans ses relations avec les tiers.

La France avait ardemment défendu cette idée. Le jugement que l'on peut porter sur le résultat obtenu est à l'image de celui qu'inspire l'ensemble de la réforme de la

PESC : un jugement réservé. En effet, la lisibilité de la PESC dépend largement du profil qui sera celui du haut représentant : à une personnalité politique de premier plan ou un haut fonctionnaire. Ne voyez pas là une atteinte quelconque au respect que je porte à la haute fonction publique, mais il reste que ce choix illustrera la volonté ou l'absence de volonté de l'Union de se doter d'une politique étrangère digne de ce nom.

A quoi bon en effet imaginer des constructions institutionnelles d'une complexité sans égale si les Quinze ne peuvent s'accorder sur des objectifs communs et s'il s'agit, au bout du compte, de participer à la mise en oeuvre de la politique américaine tout en tenant un discours aux accents européens ? En tout cas, force est de constater que cette volonté politique commune a fait défaut sur l'enjeu majeur de la

CIG : la réforme des institutions. C'est là, je le répète, un manquement au mandat donné aux négociateurs.

Le traité de Maastricht invitait les Etats membres à réexaminer les institutions de l'Union afin de leur conserver leur efficacité. Les institutions actuelles restent celles créées pour l'Europe des Six, adaptées de façon mécanique à chacun des élargissements intervenus. Pour plusieurs Etats, celui de 1995 ne devait être réalisé qu'après une réforme des institutions.

Il paraissait de bon sens de commencer par une réforme des institutions qui s'annonçait déjà délicate, avant d'introduire de nouveaux membres, ajoutant à la complexité et créant en quelque sorte des droits pour ceux-ci.

A la simplicité, on préféra la facilité : il fut décidé d'élargir contre la promesse des nouveaux adhérents de ne compliquer en rien la future réforme. Le résultat de cette nouvelle fuite en avant est le désastre institutionnel du traité d'Amsterdam.

Nous sommes dans une situation où l'Union est menacée et partiellement atteinte de paralysie. L'échec de la CIG sur les institutions en est un bon exemple. Que dire des perspectives offertes par une Europe élargie à vingtcinq ou à trente Etats ? Comment en espérer une action efficace ? Pour être tout à fait juste, on doit reconnaître qu'il serait cependant faux de dire que le traité d'Amsterdam ne recèle pas de dispositions institutionnelles. Celles-ci sont assez nombreuses et concernent la totalité des institutions, mais elles ne forment qu'un ensemble épars et sans cohérence.

L'équilibre institutionnel classique n'est pas modifié.

Mais surtout, rien n'est fait pour résoudre le triple problème institutionnel qui mine l'Union, la réforme de la Commission, la repondération des voix au Conseil, l'extension du champ de la majorité qualifiée.

L'échec de la réforme institutionnelle est un fait avéré, qui n'est contesté par personne. Il convient donc, semblet-il, de se demander si le traité d'Amsterdam n'a pas tout simplement programmé l'échec de la prochaine tentative.

En effet, dans le but de ne pas bloquer le processus d'élargissement, le traité d'Amsterdam prévoit dans un protocole un dispositif transitionnel qui permettrait d'admettre cinq nouveaux membres sans réforme préalable.

Outre qu'il entraîne l'Union dans son travers habituel, qui consiste à repousser les réformes institutionnelles en les rendant toujours plus pressantes et plus délicates à mettre en oeuvre, ce dispositif présente d'autres faiblesses : la présence d'un national et d'un seul par Etat membre au sein de la Commission altère de toute évidence l'indépendance de celle-ci et légitime par avance les revendications des futurs candidats adhérents.

Enfin, la clause de rendez-vous avant la vingt et unième adhésion risque d'être de pure forme. La méthode de la conférence intergouvernementale a montré ses limites, le calendrier est vague, le mandat inconsistant.

Devant de telles perspectives, même les dispositions relatives aux coopérations renforcées, qui sont a priori positives dans leur principe, doivent être considérées d'un autre oeil dans la mesure où l'on peut craindre qu'elles ne constituent qu'un palliatif pour des institutions devenues inefficaces et qu'elles ne fassent que refléter la déliquescence d'une union qui deviendrait une « Europe à la carte » faute de projet commun.

Une telle évolution de l'Europe, une telle stagnation pour ne pas parler de régression - de ses institutions ne sont pas admissibles.

La France doit donc s'employer à dépasser rapidement l'échec du traité d'Amsterdam.

Au sein de l'Union, un relatif consensus est établi sur le bien-fondé de cette volonté. le Conseil européen de Luxembourg de décembre 1997 a même souligné le caractère préalable à la conclusion des premières négociations d'adhésion de la réforme des institutions. On remarquera aussi qu'après des mois de pédagogie, les candidats à l'adhésion semblent de leur côté commencer à admettre qu'il est de leur intérêt d'entrer dans une Union en état de fonctionnement.

Une réflexion a donc été entamée entre les Quinze.

Elle n'a pas, pour l'heure, donné de résultats concrets.

Cependant, le Conseil européen de Vienne s'est mis d'accord, dans ses conclusions du 12 décembre 1998, sur un calendrier qui prévoit l'examen de premières mesures aux Conseils européens de Cologne et d'Helsinki.

D es discussions informelles entre partenaires de l'Union émerge un quasi-consensus sur la nécessité de s'en tenir aux trois questions abordées par la déclaration b elgo-italo-française, ainsi que sur l'opportunité de conclure, si possible, sous présidence française.

Telle est la volonté du Gouvernement, soutenue par celle du Parlement, dans une démarche qui a été soulignée par M. Moscovici il y a quelques instants et qui me paraît nouvelle et exemplaire : une bonne collaboration entre un parlement et un gouvernement pour cette grande cause nationale qu'est la construction européenne.

L'Assemblée avant notamment, par la voix de son président Laurent Fabius, exprimé très tôt le souhait de voir le Gouvernement s'engager fermement en faveur de la réforme institutionnelle préalable. Une telle démarche s'inscrit dans des limites précises. La première d'entre elles, c'est le respect de la parole de la France. La seconde, c'est naturellement les règles que nous imposent notre Constitution et le règlement de notre assemblée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

Le Gouvernement a bien voulu, avec la commission des affaires étrangères, trouver une méthode de travail qui nous permette de respecter nos textes tout en prenant en compte cette forte volonté de la commission et, je le crois aussi, de l'ensemble de notre assemblée.

Après l'étude du texte qui a été faite le 17 février par notre commission, un vote a été émis sur l'article 1er autorisant la ratification. Quant à l'article additionnel, un certain nombre d'observations ont été présentées, notamment par M. le Président Valéry Giscard d'Estaing, à qui je tiens à rendre hommage tout en regrettant qu'il ne puisse s'exprimer tout à l'heure à la tribune. Il s'agissait de rendre le texte le plus incisif possible et le Gouvernement a bien voulu trouver la formule adéquate.

Mes chers collègues, j'en terminerai par deux réflexions qui n'engagent que le parlementaire et non le rapporteur que je suis.

Le traité d'Amsterdam est une étape. L'Europe progresse, elle s'affirme non comme un simple marché commun, mais d'abord comme ce qu'elle devait être selon ses fondateurs et conformément à notre volonté à nous, représentants de la nation aujourd'hui, c'est-à-dire un espace de défense et d'illustration de la démocratie, de la liberté et des droits de l'homme.

Le mouvement qui entraîne l'Europe à l'élargissement est irrésistible. Il ira, n'en doutons pas, jusqu'au bout du continent européen et au-delà, y compris - faut-il le dire aujourd'hui ? - jusqu'à la Turquie (« Très bien ! » sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), qui est aussi d'Europe, lorsqu'elle aura enfin réglé dans le respect des droits de l'homme la question kurde, à laquelle nous pensons avec émotion en ce moment particulièrement.

Il ira même, d'une certaine manière, au-delà des frontières proprement dites de l'Europe et de l'Union européenne lorsque sera établie sur la base encore insatisfaisante du « processus de Barcelone » une véritable communauté dans l'espace euroméditerranéen. Ou nous saurons jeter les bases de cette communauté - je pense notamment à la Tunisie, au Maroc et à l'Algérie -, ou nous mettrons en péril l'avenir même de l'Union européenne, en tout cas la place de la France dans l'Europe.

Il faut, de ce point de vue, espérer que la toute proc haine conférence de Stuttgart effacera le souvenir fâcheux de la conférence de Malte et que l'Union européenne saura conforter les espérances qu'en dépit de leurs déceptions et de leurs légitimes impatiences les pays de la rive Sud et Est de la Méditerranée continuent à placer dans le « processus de Barcelone » et tout particulièrement dans Barcelone 3.

Mais l'Europe ne poursuivra sa marche en avant que si l'on en finit d'abord, maintenant et ici, en France, avec les ambiguïtés qui continuent de peser sur ce débat et dans ce combat, avec l'utilisation de termes juridiques qui troublent la conscience de notre peuple. On parle de

« fédéralisme », comme si nous connaissions exactement les intentions des uns et des autres quant au respect du principe de la souveraineté nationale ; comme si nous savions exactement ce qui, justement à part la souveraineté nationale, peut garantir notre liberté culturelle, d éfendre notre langue, défendre nos images, notre culture, notre conception de la beauté - de ce point de vue, les futurs billets de la Banque européenne sont plutôt inquiétants (Sourires) -, notre art de vivre, nos traditions - qu'il s'agisse, je vous prie de bien vouloir excuser le député des Bouches-du-Rhône que je suis, de la chasse ou de la corrida -, ou encore notre devoir de mémoire à l'égard de notre patrie, de notre histoire, de notre culture et, au-delà, de notre esthétique, de notre philosophie de la vie, c'est-à-dire de notre identité culturelle en matière d'éthique, de notre conception nationale et républicaine de la liberté, et notamment du droit de l'homme à la résistance aux formes les plus subtiles, contemporaines, les plus sophistiquées de l'oppression : je pense en particulier aux nouvelles méthodes d'information et de communication.

L'Union européenne rend la France plus forte dans le monde. Elle est faite pour défendre la liberté de la France et non pour la dissoudre. Si nous sommes bien d'accord là-dessus, alors n'opposons plus les fédéralistes aux souve-r ainistes ! Nous ne sommes ni aux Etats-Unis au

XIXe siècle ni au Canada aujourd'hui ! Trouvons donc les termes adéquats au formidable travail pédagogique dont nos concitoyens ont besoin et n'hésitons pas à réfléchir dès maintenant aux institutions nouvelles qui pourront renforcer la vie démocratique de l'Union tout en rendant plus lisible le maintien nécessaire des Etats-nations ! J'ai déjà parlé ici, par exemple, de l'idée d'un Sénat europée n, qui serait un congrès permanent des parlements nationaux, même si le cumul des mandats, hélas ! y serait obligatoire.

Pour conclure, je dirai qu'il est de l'intérêt de la France, mais également du processus de construction européenne dans son ensemble, d'autoriser la ratification du traité d'Amsterdam. La réforme institutionnelle est en marche même si, pour l'heure, elle ne fait l'objet que d'études, de projets, de débats mais pas encore de mesures concrètes. La volonté de la France d'y contribuer est manifeste et elle est encore renforcée par l'article additionnel que propose d'introduire le Gouvernement, ce dont je le remercie.

L'article additionnel fait ressortir que la France, comme la Belgique, l'Italie et ses autres partenaires, tient à manifester avec force son engagement pour une Union forte. Je vous invite donc, mes chers collègues, suivant l'avis de la commission des affaires étrangères, à adopter le projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Guy-Michel Chauveau, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission de la défense a souhaité se saisir pour avis du projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam. Celui-ci contient en effet un certain nombre de dispositions concernant la politique européenne de sécurité et de défense, y compris en matière militaire.

S'agissant de la PESC d'une façon générale, le traité d'Amsterdam comporte deux avancées principales par rapport au traité de Maastricht : d'abord, une meilleure systématisation de cette politique avec la création d'un nouvel instrument, les « stratégies communes », qui seront décidées par le Conseil européen et qui serviront de cadre aux « actions communes » et aux « positions communes », déjà instituées par le traité de Maastricht ; ensuite, une meilleure visibilité, puisque la PESC sera désormais confiée à une institution identifiable, le secrétaire généra l du Conseil, dont les tâches actuelles seront transférées à un secrétaire général adjoint.


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Dans le domaine de la défense, le traité d'Amsterdam apparaît au premier abord plus volontariste que celui de Maastricht. Ainsi, la définition à terme d'une politique de défense commune y est remplacée par la définition progressive d'une telle politique.

Cependant, il ne comporte aucune disposition positive d'intégration de la défense des pays membres de l'Union.

Comme le traité de Maastricht, il précise que la politique de l'Union n'affecte ni le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres - cette formule visant la dissuasion nucléaire - ni les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour les Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'OTAN. Enfin, le traité ne comporte aucune disposition concernant la défense des actuels pays neutres membres de l'Union européenne, c'est-à-dire l'Irlande, la Suède, la Finlande et l'Autriche.

Ainsi, le traité d'Amsterdam ne saurait avoir de conséquences sur les choix de méthodes ou d'alliances faites par les Etats membres pour l'organisation de leur défense.

Pas plus que le traité de Maastricht, il n'organise les principes d'une défense commune aux pays de l'Union européenne.

On passera très rapidement sur les dispositions relatives à l'Europe de l'armement, et c'est bien dommage. Si elle est mentionnée, la coopération en matière d'armement est laissée à la liberté d'appréciation des Etats membres.

L'institution la plus prometteuse dans ce domaine, l'OCCAR, l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement, de création certes récente, n'est même pas citée par le traité. C'est un sujet dont nous aurons certainement l'occasion de discuter dans un autre domaine.

En fait, en matière militaire, la véritable nouveauté apportée par le traité d'Amsterdam concerne l'attribution à l'Union d'une capacité d'action armée à l'appui des décisions - stratégies, positions et actions communes qu'elle peut être amenée à prendre en matière de politique étrangère et de sécurité internationale. En effet, sont insérées dans le champ du traité d'Amsterdam les missions humanitaires et d'évacuation, les missions de maintien de la paix, ainsi que les missions de forces de combat pour la gestion des crises, cela incluant les missions de rétablissement de la paix.

L'Union se trouve ainsi habilitée par ses membres à mener en son nom propre des actions allant jusqu'à l'envoi de forces militaires de combat, les missions de rétablissement de la paix étant exercées pour l'essentiel en application du chapitre VII de la Charte des Nations unies dans le cadre duquel la résolution du Conseil de sécurité attribue à la force envoyée sur le terrain le droit de recourir à la force armée.

Cependant, dans la mesure où les opérations d'évacuation de ressortissants sont par définition des opérations ponctuelles sous mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, on voit que les prérogatives nouvelles ainsi conférées à l'Union restent limitées, et ce d'autant plus que ces missions faisaient déjà l'objet d'une politique européenne, dans le cadre de l'Union de l'Europe occidentale. Ces missions sont en effet les « missions de Petersberg », définies par la déclaration du même nom du Conseil des ministres de l'UEO du 19 juin 1992.

Ces dispositions du traité d'Amsterdam peuvent ainsi s'analyser comme une opération de transfert vers l'Union européenne des missions militaires de sécurité autrefois consenties dans le cadre de l'UEO. Ce transfert s'accompagne de plusieurs éléments significatifs.

D'abord, la déclaration de Petersberg ne concernait que les seuls membres pleins de l'UEO, à l'exception des observateurs et associés. Les dispositions du traité d'Amsterdam concernent, elles, l'ensemble des membres de l'Union européenne, soit les dix Etats membres de l'UEO, mais aussi les cinq qui y sont observateurs. Elles consacrent donc le ralliement des quatre Etats neutres, membres de l'Union européenne, ainsi que du Danemark, à la conduite collective des missions de Petersberg.

C'est là un élément essentiel, ce ralliement créant pour la première fois dans ce domaine une possibilité d'unité d'action des Etats membres de l'Union.

Le deuxième élément significatif concerne l'institution d'une procédure de décision réaliste. Le traité dispose en effet que les décisions touchant à la défense sont prises par le Conseil à l'unanimité des suffrages exprimés.

Cependant, il prévoit aussi qu'un membre du Conseil peut s'abstenir lors d'un vote tout en assortissant son abstention d'une déclaration formelle. Dans ce cas, ce membre, qui accepte que la décision engage l'Union, n'est pas tenu d'appliquer la décision. C'est l'instauration du principe de « l'abstention constructive ».

Cette disposition est un élément de bon augure pour la mise en oeuvre des nouvelles dispositions en matière d'intervention. On sait en effet que c'est parce que l'abstention constructive n'existait pas au sein de l'UEO que l'opération Alba, au printemps 1997 en Albanie, dut être placée hors UEO, dans le cadre d'une structure spécifique, alors qu'elle réunissait l'approbation de la quasitotalité des Etats membres.

Pour conserver un caractère représentatif aux décisions d e l'Union européenne, le champ de l'abstention constructive a cependant été limité au tiers des voix pondérées du Conseil. Ce dispositif pose néanmoins la question des relations entre l'Union européenne et l'UEO. Le traité est en effet très clair : la partie de la PESC qui a trait à la défense doit passer par l'UEO. Or, l'abstention constructive n'existe pas à l'UEO. On voit cependant mal comment un Etat qui, lors de la décision d'une action par l'Union européenne, aurait accepté de s'en tenir à l'abstention constructive ne l'aurait fait que pour réserver ce veto à la mise en oeuvre de cette action dans le cadre de l'UEO.

Il faut dès lors insister sur l'effet de structure produit par cette règle de méthode. En pratique, son application signifie le transfert du lieu des décisions relatives aux missions de Petersberg de l'UEO vers l'Union européenne, les décisions prises par l'Union européenne n'étant plus susceptibles de remise en cause à l'UEO.

Malgré les limites du champ d'application ainsi défini, ce point peut être considéré comme une avancée sérieuse en matière d'identité européenne de sécurité et de défense - IESD. En effet, depuis le début des années 90, l'UEO a été marquée par un paradoxe : alors qu'elle s'est progressivement dotée des capacités techniques effectives de conduire des opérations, elle a été incapable de prendre la moindre décision d'intervention.

Si l'UEO devenait l'organe d'application des décisions politico-militaires de l'Union européenne, il y aurait là le début d'une réponse à la question de l'impuissance institutionnelle de l'Europe dans ce domaine, celle-ci se trouvant désormais dotée, avec le Conseil européen, d'un


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organisme de décision effectif. Or, tout indique que c'est bien la direction qui est prise, et nous en sommes satisfaits.

Dans sa déclaration du 22 juillet 1997, le Conseil des ministres de l'UEO indique ainsi que, pour mettre en oeuvre les décisions et les actions pour lesquelles l'Union européenne a recours à l'UEO, l'UEO agira conformément aux orientations définies par le Conseil européen.

Dans sa déclaration de Rome des 16 et 17 décembre 1998, il évoque le renforcement des relations de l'UEO - vous les connaissez, je n'y reviens pas.

Depuis, les mouvements dans le sens de l'intégration de l'UEO dans l'Union européenne se multiplient. La d éclaration franco-britannique de Saint-Malo du 4 décembre 1998 expose que, pour approuver des actions militaires, l'Union européenne doit être dotée de structures et de capacités d'évaluation et de planification appropriées en prenant en compte les moyens actuels de l'UEO. Le ministre allemand des affaires étrangères a déclaré quant à lui, le 6 février dernier à Munich, lors de la réunion de la Wehrkunde, que l'Union européenne devait développer la capacité de gérer elle-même les crises chaque fois qu'il existait un besoin d'action du point de vue européen. Il semble également que les divers rapprochements et intégrations administratifs logiquement induits par la mise en oeuvre ainsi conçue du traité d'Amsterdam pourraient être menés rapidement.

Au bout du compte, il faut noter le paradoxe des dispositions du traité d'Amsterdam. De portée positive modeste, elles donnent lieu au développement d'une remarquable dynamique d'initiatives, mais c'est par ce que vous en avez eu la volonté politique, monsieur le ministre, avec d'autres partenaires. C'est pourquoi il ne paraît pas déraisonnable de conclure qu'en débloquant l'impasse de la décision politico-militaire européenne actuelle, les timides dispositions du traité d'Amsterdam pourraient bien constituer la première pierre d'une c onstruction cohérente de l'identité européenne de sécurité et de défense. Les initiatives prises ces derniers mois, et plus particulièrement ces dernières semaines, en sont une expression tangible. Dans ce cadre, il faut souhaiter que la présidence allemande et, plus tard, la présidence française, permettront une réelle avancée pour l'IESD. Vous avez, monsieur le ministre, le soutien du Parlement. Bien sûr, la commission de la défense a donné un avis favorable à la ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Jack Lang, président de la commission des affaires étrangères.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, je serai bref, très bref, car a été dit et redit avec talent depuis des mois, et déjà à l'occasion de la révision constitutionnelle.

Paradoxe de la construction européenne : jamais un traité aussi pauvre, sans doute - nous l'évoquions ce matin avec le président Giscard d'Estaing - le plus médiocre, des traités européens, n'aura fait couler autant d'encre et stimulé si vigoureusement la verve et l'imagination des uns et des autres, commentateurs, journalistes, hommes politiques.

Depuis bientôt dix-huit mois, les écrits les plus brillants ont succédé aux paroles les plus éloquentes, les unes pour exalter, les autres pour dénoncer ce mini-traité d'Amsterdam. En cet après-midi même, nous avons été les témoins admiratifs de la virtuosité des ministres et du brio des rapporteurs qui, avec l'imagination du chercheur d'or, ont réussi l'exploit d'en extraire des pépites insoupçonnées.

Nul doute que, tout à l'heure, et pour des raisons diamétralement opposées, M. de Villiers, doué - je le dis avec une certaine envie - d'un incontestable talent d'auteur de science-fiction, notamment lorsqu'il parle de l'Europe, ne parvienne, à partir de ce même document, à inquiéter les chaumières en inventant un film-catastrophe, - Apocalypse Now de l'Europe -, accomplissant ce prodige de nous faire croire à l'importance de ce modeste traité qui a entièrement raté sa mission première : construire une Europe forte et efficace. Ce sera pour plus tard.

M. Philippe de Villiers.

Merci pour la bande-annonce ! (Sourires.)

M. Jack Lang, président de la commission des affaires étrangères.

Quelques jours après son adoption à Amsterdam, je m'étais permis d'écrire dans un journal du soir, comme on dit : « Je ne voterai pas le traité d'Amsterdam, sauf si... ».

Quelles circonstances ont changé qui m'autorisent aujourd'hui à vous inviter, ainsi que la commission des affaires étrangères à l'unanimité moins trois voix et une abstention, à ratifier ce texte ? On a dit et redit ces jours derniers, sous la forme d'un reproche à peine voilé, que la France était le dernier pays à se prononcer sur ce document. On oublie de préciser que si ce texte était venu devant notre assemblée à l'automne 1997, c'est-à-dire quelques semaines après sa signature, une majorité d'entre nous ne l'auraient pas voté. Et je crois pouvoir dire que la menace de non-ratification - elle n'était pas feinte - que de nombreux députés faisaient planer sur ce traité a servi de levier à une prise de conscience nationale et internationale. Nous avions dit tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas et n'osaient pas exprimer ou ne réussissaient pas à exprimer. Cette ratification d'aujourd'hui, qui eût été ressentie en 1997 comme un acte de renoncement, de résignation ou d'abandon, peut être maintenant vécue comme un acte de combat, de volonté et d'engagement pour le futur.

Les débats, les discussions, les controverses, les polémiques ont permis de faire émerger l'idée, aujourd'hui assez généralement admise en France et hors de France, que le renforcement de nos institutions européennes est un préalable - le mot doit être dit, appelons un chat un chat ! - à l'élargissement que nous appelons tous de nos voeux. Et plus que l'élargissement, ce que nous souhaitons, c'est la réunification de l'Europe dans un même ensemble politique, économique et culturel.

D epuis l'été 1997, des initiatives concrètes ont commencé à traduire cette volonté d'aller de l'avant : la mise en chantier de l'Europe de l'emploi sous l'impulsion du Gouvernement, ou encore la création du Conseil de l'euro. Et puis, notre rapporteur Michel Vauzelle l'expliquait, à l'instant, l'expression juridique de cette volonté nationale clairement affirmée se trouve dans l'article additionnel que la commission des affaires étrangères vous invite à voter.

C et amendement, qui émane du Gouvernement comme l'impose notre règlement, est en soi une double première. Il est d'abord sans précédent qu'un projet de loi de ratification, après son adoption en conseil des ministres, incorpore une telle disposition. Surtout, c'est la première fois que notre assemblée, si souvent envieuse de ses homologues des autres pays, associées et consultées plus fréquemment par l'exécutif qu'ici même - cela tient


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à nos traditions -, en raison de nos traditions, participe activement à l'élaboration d'un projet de loi touchant aux relations internationales.

La rédaction proposée est le fruit d'une collaboration féconde et positive entre la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et le Gouvernement. Au nom de beaucoup d'entre nous, je voudrais remercier chaleureusement les artisans de ce travail : le Premier ministre et les membres du Gouvernement ici présents, les députés de la commission des affaires étrangères, toujours si studieux et si imaginatifs, et en particulier en la circonstance notre rapporteur Michel Vauzelle, ainsi que François Loncle et plusieurs hauts responsables de l'opposition, au premier chef le Président Giscard d'Estaing, qui a participé très activement à l'élaboration de ce texte par ses propositions, le Premier ministre Edouard Balladur et plusieurs autres parlementaires éminents ici présents.

M. Philippe de Villiers.

Il y a de quoi faire au gouvernement !

M. Jack Lang, président de la commission des affaires étrangères.

Je le crois, du bon et beau travail qui contribue à sa manière, modeste, à grandir notre démocratie.

Puisse-t-il constituer un précédent pour le futur ! S'il est adopté, comme nous l'espérons, à une très large majorité, ce texte manifestera une volonté forte et large de la France de relancer la construction politique de l'Europe. Il sera un acte de foi et d'espérance pour tous ceux qui pensent que l'Europe est notre horizon spirituel.

Cette étape modeste, trop modeste, beaucoup trop modeste, est le premier étage d'une construction autrement plus vaste et ambitieuse à laquelle il faut nous atteler d'urgence. Il faut presser le pas si nous voulons conduire une politique industrielle, diplomatique, scientifique et culturelle digne de ce nom. Tout à l'heure, M. le ministre des affaires étrangères indiquait toute une série d'actions à conduire dans les domaines industriels, de l'environnement, social, scientifique, culturel. Le chancelier Schrder a confié à plusieurs d'entre nous qu'il était décidé à prendre une initiative en juin prochain pour assurer la relance de l'intégration politique. Puisse-t-il, en accord avec la France et les autres nations, proposer - mais cela vient de nous être confirmé par les ministres la désignation d'une personnalité indépendante ou d'un comité des sages qui aurait pour mission d'imaginer une architecture nouvelle qui rendrait notre union plus efficace et plus démocratique, pour reprendre les termes de l'amendement proposé.

Selon un calendrier que personnellement je souhaite rapide - à quoi bon traîner ? -, il appartiendra alors à la France, qui assurera la présidence de l'Union européenne au second semestre de l'an 2000, de clore la négociation et de donner naissance cette fois à un véritable traité de renforcement de nos institutions, nouveau pas en avant vers les Etats unis d'Europe dont rêvait déjà Victor Hugo.

Naturellement, cela a été dit à plusieurs reprises, il ne suffit pas de rajeunir, de moderniser la machinerie institutionnelle. Il faut aussi donner à cette Europe nouvelle une âme, un dessein, un destin. Là encore, il nous faudra faire preuve d'audace, d'imagination, d'énergie constructive. Prenons notre inspiration auprès des pères fondateurs qui n'avaient pas peur d'aller de l'avant, Robert Schuman et Jean Monnet, ou des bâtisseurs successifs de notre maison commune : Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Jacques Delors, Konrad Adenauer, Helmut Schmidt, Helmut Kohl et quelques autres qui ont été de bons ouvriers de l'Europe.

Retrouvons l'esprit pionnier de ces hommes qui n'ont pas eu peur des grandes aventures intellectuelles et humaines ! Comme je me permets de le dire souvent, si nous voulons redonner souffle et vie à notre continent, il faut y associer pleinement la jeunesse d'Europe par une révolution de l'éducation, de la culture et de la recherche.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au moment où nous nous réunissons pour autoriser la ratification du traité d'Amsterdam, le président de la commission de la défense qu je suis ne peut que se réjouir de constater que l'Europe de la défense a bel et bien progressé.

Avant même d'examiner avec vous si les avancées présentées par le rapporteur pour avis de notre commission, Guy-Michel Chauveau, sont importantes ou trop frileuses, permettez-moi d'apprécier que le traité d'Amsterdam - dont on a dit à cette tribune, il y a quelques instants, qu'il manquait d'ambition - ait approfondi un thème déjà bien présent dans le traité de Maastricht : la politique extérieure commune.

Comme l'a très bien souligné M. Chauveau, l'apparition dans les textes du traité d'Amsterdam de la notion de « stratégies communes », mais également le rattachement de la PESC à une institution identifiable, à savoir le secrétaire général du Conseil, ainsi que la création d'une procédure de décision plus réaliste - je veux parler du principe de l'abstention constructive - sont autant d'avancées concrètes dont il faut mesurer la portée.

Je tiens également à souligner la clarification, certes imparfaite, qu'opère le traité en ce qui concerne les liens entre l'UEO et l'UE : le transfert du lieu de décision de l'UEO vers l'Union européenne est une étape importante qu'il nous fallait franchir, sur ce long chemin qui nous mènera vers la constitution d'une identité européenne de sécurité et de défense.

Guy-Michel Chauveau a résumé en ces termes les apports du traité : « un petit pas, mais un vrai pas ». Il eût été en effet illusoire d'attendre du traité d'Amsterdam qu'il donnât à l'Europe de la défense un coup d'envoi décisif. Il y a encore chez les Européens, et c'est assez compréhensible, une certaine frilosité à renoncer au caractère spécifique de leurs politiques nationales de sécurité et de défense, dans la mesure où il s'agit bien là d'un élément de souveraineté fondamental.

Il ne faut donc pas s'étonner à l'excès de ce que les timides avancées du traité d'Amsterdam ne soient pas encore suivies d'une véritable ambition « intégrationniste », comme en témoigne le troisième alinéa de l'article J 7, qui ne comporte aucune disposition précise d'intégration de la défense des pays membres de l'Union.

Mais les choses évoluent et évolueront d'autant mieux que chaque Etat oeuvrera à surmonter des habitudes qui ont de moins en moins de raisons d'être. C'est le cas de la spécificité, malheureusement française, qui consiste à tenir le Parlement largement à l'écart des décisions concernant les opérations extérieures, alors qu'elles représentent la quasi-totalité des interventions militaires des pays européens, et notamment de la France. La référence rituelle à notre Constitution, qui est peut être inadaptée aux évolutions constatées depuis une dizaine d'années, ne


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doit pas nous empêcher de mener une réflexion sérieuse pour mettre notre pays au niveau des autres démocraties occidentales. La commission de la défense fera prochainement des propositions en ce sens.

Attendre d'un traité qu'il fasse apparaître une bonne fois pour toutes l'identité européenne de défense est certes irréaliste. Il est désormais clair que l'Europe de la défense ne se décrétera pas, mais naîtra de l'épreuve des faits. Dans ce domaine en effet, le débat institutionnel, pour important qu'il soit, n'est jamais l'essentiel. Ce qui importe avant tout, c'est la volonté politique des Européens de prendre en charge eux-mêmes leur propre sécurité.

Dès lors, je crois qu'aujourd'hui, il faut tout simplement nous réjouir de ce que le traité d'Amsterdam nous fournisse ce que j'appelerai un cadre de référence solide, que des initiatives concrètes, nées de démarches parallèles à celle de la construction institutionnelle européenne, viendront remplir.

Depuis juin 1997, date d'élaboration du traité d'Amsterdam, de nombreux processus ont d'ores et déjà été enclenchés, qui, précisément, tendent à rendre plus effective l'identité européenne de défense.

A cet égard, la déclaration tripartite conjointe - Allemagne, France, Grande-Bretagne - du 9 décembre 1997 sur les industries aérospatiales et électroniques de défense a été une avancée réelle.

Même si le résultat n'est pas encore concluant - c'est le moins qu'on puisse dire ! -, en raison principalement de l'attitude de British Aerospace, on peut considérer qu'il s'est agi là d'un bel exemple d'initiative pragmatique qui pourrait aider les Européens à considérer l'Europe de la défense non comme une savante construction théorique, mais comme une réalité.

Si une entreprise commune de défense voit le jour - ce que je considère toujours comme souhaitable -, les étatsmajors européens commanderont des matériels à cette société, dont les actionnaires et les dirigeants seront issus de différents pays européens. En rêvant un peu - pas trop, certes ! -, on pourrait même imaginer que certains matériels seraient mis en commun, dans le cadre de forces européennes indentifiées comme telles.

Il faut naturellement citer aussi - cela a été fait à plusieurs reprises à cette tribune - les avancées du sommet de Saint-Malo, en décembre dernier.

Les consultations bilatérales franco-britanniques ont permis de progresser sur de nombreux aspects liés à l'identité européenne de défense.

J'étais à Washington, il y a quinze jours, et les responsables américains que j'y ai rencontrés ont été très éton nés, surpris même, par la teneur de cet accord francobritannique. De façon paradoxale, j'ai trouvé cela encourageant pour la construction européenne.

J'en rappelle donc la déclaration finale : « Pour approuver des actions militaires, l'Union européenne doit être dotée de structures appropriées et doit aussi disposer d'une capacité d'évaluation des situations, de sources de renseignement et d'une capacité de planification stratégique sans duplication inutile. »

Je suis convaincu que c'est grâce à de telles avancées que se remplira concrètement le cadre de référence que constitue le traité d'Amsterdam.

Je voudrais encore dire un mot sur les relations ambiguës qui existent entre l'Europe de la défense et l'OTAN.

Il est indispensable, si nous voulons que progresse vraiment l'idée d'une défense européenne, au-delà même de ce que fait le traité d'Amsterdam, que nous profitions de la prochaine révision du concept stratégique de l'OTAN au mois d'avril prochain, pour prolonger les acquis de Berlin et prouver aux Américains que l'Europe de la défense n'a pas vocation à se faire contre eux.

En juillet 1996, à Berlin, il a effectivement été dit que l'existence d'une identité européenne de défense n'impliquait pas nécessairement qu'il faille choisir entre l'OTAN

« américaine » et l'UEO/UE « européenne » : la formule envisagée des GFIM, c'est-à-dire des groupements de forces inter-armées multinationales, pourrait par exemple donner l'occasion à l'Europe de la défense d'exister aussi bien dans l'OTAN qu'en dehors, avec ou sans les Américains.

Mais l'émergence d'une identité européenne de défense suppose que l'on sorte d'une pax americana où les conflits sont appréciés avant tout en fonction des intérêts américains. Le fonctionnement de l'Alliance atlantique doit affirmer une responsabilité accrue de l'Union européenne et permettre aux Européens d'apprécier les conflits et agir, si nécessaire, de manière autonome.

Tout autant qu'un traité européen, cette forme de présence de l'Union au sein de l'OTAN contribuera à faire émerger une réelle identité européenne de défense. Dans cette optique, trois mesures concrètes pourraient présenter un intérêt particulier. Je voudrais, messieurs les ministres, vous les suggérer.

Premièrement, il faudrait rendre l'Union européenne capable d'assurer un pilotage politique efficace de l'UEO, ce qui suppose à terme, sur la base d'arrangements concernant notamment les pays qui souhaitent préserver leur neutralité, une fusion des deux organisations. Dans l'immédiat, l'idée de confier à une même personnalité jouissant d'une influence politique importante les fonctions de secrétaire général de l'UEO et de Haut représentant de l'Union européenne mérite d'être prise en considération.

Deuxièmement, il faudrait donner au cadre spécifiquement européen la crédibilité militaire qui lui manque, en veillant, dans un premier temps, à l'application, près de trois ans après leur annonce, des décisions de Berlin et s'attacher à constituer une réelle capacité européenne d'action militaire collective, en particulier dans le domaine de la logistique et du renseignement spatial.

Troisièmement, il faudrait convaincre notre allié américain que ce qu'il appelle le burden sharing, le partage du fardeau, implique nécessairement le partage de la décision. Lui faire comprendre que, s'il n'entend pas faire face à tous les risques susceptibles de survenir en Europe, il est de son intérêt que l'Union européenne y apporte les réponses politiques et militaires qui lui semblent plus appropriées. Car c'est là, en définitive, la meilleure garantie de la solidité du lien transatlantique.

Une mission d'information travaille depuis deux mois sur cette problématique au sein de la commission de la défense et remettra un rapport dans quelques semaines, avant le sommet de Washington.

Le conflit au Kosovo vient justement rappeler que l'Europe de la défense commence à prouver sa crédibilité, sans que cela s'accompagne d'un rejet de nos alliés américains. La suite des événements ne devrait pas non plus tarder à mettre en évidence la nécessité qu'il y aura à réfléchir sérieusement à la mise en oeuvre d'une force européenne d'action rapide. Mais c'est un autre débat et nous aurons certainement l'occasion d'y revenir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

En conclusion, je me félicite que la ratification du traité d'Amsterdam qui nous réunit aujourd'hui ait été l'occasion d'évoquer ce grand projet d'une Europe de la défense, à laquelle je crois et dont je reste persuadé qu'il constitue un ferment indispensable à la constitution d'une identité européenne.

Après avoir accepté le marché commun, après avoir mis en place la libre circulation des biens et des personnes et une monnaie unique, malgré bien des hésitations et des lenteurs, je suis convaincu que les Européens finiront par prendre conscience qu'il doit en être de même en matière de défense.

Les dispositions relatives à ce sujet que comporte le traité d'Amsterdam, quand bien même elles ne constituent que de timides avancées, tendent à construire une Europe « par le haut », une Europe institutionnelle ; il nous reste, et l'expression n'est pas pour moi péjorative, à la construire « par le bas », c'est-à-dire en confrontant nos convictions à l'épreuve des faits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Ligot, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

M. Maurice Ligot, au nom de la délégation pour l'Union européenne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dès juillet 1997, c'est-à-dire quelques jours seulement après le Conseil européen d'Amsterdam, j'ai présenté à la délégation pour l'Union européenne un rapport sur le projet de traité qui allait être signé le 2 octobre suivant. La tonalité de ce rapport reflétait la déception généralement suscitée par les résultats de la conférence intergouvernementale.

Aujourd'hui, notre assemblée est appelée à autoriser la ratification de ce traité et il est plus que probable qu'une majorité se dégagera en sa faveur. Toutefois, les multiples discussions qui ont précédé notre débat, que ce soit lors de l'examen de la révision constitutionnelle ou, plus récemment, au sein de la commission des affaires étrangères, ont montré la persistance de réserves, de doutes et d'interrogations. Je crois que l'appréciation nuancée du traité par la délégation a très largement conservé sa pertinence.

Un nouveau traité européen constitue toujours un pas de plus dans la construction de l'Union ; ce peut être un grand pas ou des petits pas. Constatons que le traité d'Amsterdam n'avance qu'à petits pas et j'en apporterai quelques illustrations.

L'un des principaux objectifs assignés à la conférence intergouvernementale par le traité de Maastricht était de réformer la politique étrangère et de sécurité commune.

Or la PESC souffre de trois maux essentiels : absence de vision commune, absence d'une dimension de défense et faiblesse institutionnelle. Le traité d'Amsterdam a seulement réussi à porter remède au troisième, en renforçant la capacité de décision du Conseil européen, grâce à une série d'améliorations : clarification des instruments juridiques, avec notamment la création des « stratégies communes » mises en oeuvre dans les domaines où les

Etats membres ont des intérêts communs importants ; clarification des compétences entre le Conseil européen et le Conseil des ministres ; développement de structures d'assistance au Conseil - le haut représentant pour la PESC, l'unité de planification et d'alerte rapide, les représentants spéciaux ; amélioration de la cohérence entre tous les aspects de la politique extérieure de l'Union ; assouplissement des procédures de vote - en cas de stratégies communes, la majorité qualifiée comporte au moins 62 voix pondérées exprimant l'accord d'au moins 10 Etats membres au lieu de 8 - et abstention constructive ; capacité reconnue à l'Union de conclure des accords internationaux en matière de PESC.

En revanche, les quelques avancées accomplies en matière de défense ne peuvent dissimuler que, sur l'essentiel, à savoir les perspectives de défense commune et d'intégration de l'UEO dans l'Union européenne, les Etats favorables au maintien du statu quo ou à des évolutions très lentes l'ont emporté sur les Etats plus ambitieux pour l'Europe, au premier rang desquels figurait la France.

Un autre des objectifs de la Conférence était de donner une nouvelle impulsion à la coopération en matière de libre circulation des personnes, de sécurité et de justice. Les apports sont, en ce domaine, indéniables, même si - cela a souvent été souligné au moment de la révision constitutionnelle - les véritables décisions ont largement été reportées à plus tard, dans cinq ans, et dans des conditions qui ne seront pas pleinement satisfaisantes : le Conseil perdra son droit d'initiative, le Parlement européen gagnera un pouvoir de codécision et la Cour de justice un pouvoir d'interprétation, toutes choses que notre pays rejetait au cours de la négociation. Par ailleurs, si le passage à la majorité qualifiée pour la coopération judiciaire civile est un motif de satisfaction, je regrette que le traité ne comporte que des dispositions minimalistes quant à la coopération judiciaire pénale et à la lutte contre la criminalité et le trafic de drogue. Enfin, l'acquis de Schengen va être incorporé dans l'Union européenne.

Cette intégration, là aussi, est positive dans son principe, car elle conférera un caractère plus souple, plus concret, plus efficace aux travaux de l'Union. Mais ne risque-t-elle pas d'aboutir à un système juridique complexe ? Et les

Etats candidats sont-ils réellement en mesure d'intégrer rapidement cet acquis ? Il faut souhaiter que la France continue à jouer, dans ce cadre modifié, un rôle actif, en oeuvrant pour le renforcement de la coopération consulaire, judiciaire et policière, pour une lutte sans relâche contre les stupéfiants, pour le fonctionnement le plus efficace possible du système d'information Schengen.

En ce qui concerne les institutions qui étaient au centre de la négociation d'Amsterdam, c'est la deuxième fois que la réforme échoue, puisque le précédent élargissement n'avait déjà pas pu s'accompagner des changements institutionnels indispensables. Il sera encore plus difficile de s'accorder sur eux à l'occasion d'un nouvel élargissement, dont la dimension et les enjeux seront bien plus considérables. Il existe un accord assez large, au sein de la délégation pour l'Union européenne, pour soutenir la position de la France, exprimée conjointement avec la Belgique et l'Italie, dans la déclaration tripartite annexée au traité - déclaration importante - en faveur d'une réforme substantielle des institutions avant la conclusion des premières négociations d'adhésion.

Rappelons une fois de plus, pour effacer toute ambiguïté à l'égard des pays candidats à l'élargissement, qu' il ne s'agit pas là d'un simple prétexte pour retarder les procédures d'élargissement. C'est tellement vrai que, depuis la signature du traité, de nombreuses réunions parlementaires européennes ont été consacrées à la réforme des institutions, que ce soit au sein de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, la COSAC, ou dans des rencontres informelles entre les présidents de ces organismes parlementaires. Ces réunions montrent que nos idées progressent, qu'elles sont parta-


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gées par le Parlement européen - c'est là un fait nouveau - et par un nombre croissant de parlements nationaux, qu'elles sont aussi mieux comprises dans les pays candidats à l'adhésion.

Les dispositions du traité d'Amsterdam sur le rôle des parlements nationaux ont, bien sûr, retenu tout spécialement l'attention de la délégation. Je rappelle qu'un protocole annexé au traité prévoit les conditions d'information des parlements sur les activités de l'Union et reconnaît leur contribution collective à travers la COSAC, qui pourra désormais se saisir de toute question jugée opportune, notamment en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux et l'application du principe de subsidiarité.

Cette reconnaissance, même si elle est en net retrait par rapport à ce que proposait la France, constitue déjà un succès. Tout dépendra néanmoins de la façon dont cette faculté sera utilisée et si celle-ci sera suffisante pour infléchir certains excès centralisateurs et uniformisateurs.

Les travaux des dernières COSAC incitent à cet égard à la vigilance, un certain nombre de délégations semblant refuser de tirer les conséquences de ce protocole et vouloir le vider de sa substance.

L'existence du protocole est une des raisons qui nous ont conduits à réformer l'article 88-4 de la Constitution lors de la récente révision. Je regrette, m'exprimant sur cette réforme de l'article 88-4 à titre personnel, le manque d'audace du dispositif finalement retenu ; car il n'étend que faiblement le champ de contrôle du Parlement français, qui demeure à cet égard en situation d'infériorité par rapport à la plupart de ses homologues de l'Union. (« En effet ! », sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

D'une manière générale, le traité paraît consacrer certaines priorités qui étaient celles de la France. C'est ainsi qu'il faut se féliciter de la reconnaissance du traitement spécifique des départements et territoires d'outre-mer ainsi que de l'affirmation du rôle des services d'intérêt économique général. Toutefois, cette reconnaissance des services d'intérêt public ne doit pas entraver leur nécessaire adapation et nous avons vu, lors du vote de tout à l'heure, combien cela paraissait difficile. Comme l'exprimait le rapport de la délégation, la défense du service public ne saurait servir de prétexte à la défense d'intérêts corporatifs ; elle devrait au contraire garantir leur exigence de modernisation au profit de la clientèle et du contribuable.

Autre priorité affirmée par la France dans la négociation, l'application du principe de subsidiarité risque de demeurer lettre morte, dès lors que le protocole sur cette question se borne à confirmer l'interprétation antérieurement donnée par les institutions européennes. Il faudra donc être vigilant à cet égard. En revanche, c'est avec satisfaction qu'il convient d'accueillir l'obtention, par notre pays, d'un protocole sur la fixation des sièges des institutions, qui stipule en particulier - cela figure au traité - que le Parlement européen a son siège à Strasbourg et qu'il y tient douze sessions par an.

Au terme de cette brève analyse d'un texte si mal rédigé, quelle attitude adopter à l'égard du traité d'Amsterdam ? Il est vrai que ce traité ne répond pas aux attentes placées dans la conférence intergouvernementale, faute de solutions propres à garantir une plus grande efficacité des institutions. Il ne répond pas, non plus, aux attentes des citoyens en raison de l'aggravation du déficit démocratique qui résultera de la complexité accrue de l'architecture et des règles communautaires.

Si la négociation d'Amsterdam a pu révéler les vrais problèmes qui se posent à la construction européenne, certains Etats membres n'ont pas osé faire le pas décisif, se satisfaisant d'une certaine impuissance de l'Europe par peur de mettre en oeuvre des solutions novatrices. Au total, à la différence du traité de Maastricht, qui a donné un nouvel élan à l'Europe en créant l'Union économique et monétaire, le traité d'Amsterdam ne porte pas en germe la promesse d'un nouveau dynamisme européen.

Mais, loin d'être découragés par ce qui n'a pas été fait, ou inquiets de ce qui l'a été, nous devons trouver, dans ces hésitations mêmes, motif à aller de l'avant, et c'est ce que nous ferons en conclusion de ce débat en votant le traité. Il est indispensable que les dossiers laissés sans solution par la conférence intergouvernementale puissent être rouverts sans tarder, pour que la réforme institutionnelle, nécessaire et attendue, apporte la preuve de la capacité des Quinze à élaborer les compromis nécessaires.

C'est précisément l'intention qu'exprime l'amendement du Gouvernement.

Ce n'est en effet qu'avec des institutions plus fortes et plus lisibles pour les citoyens, par conséquent plus démocratiques, que l'Union européenne sera en mesure de mieux réaliser son élargissement et, au-delà, de faire face aux défis que lui posent les difficultés de notre propre continent et du monde d'aujourd'hui.

La France doit jouer, à ce propos, un rôle novateur, et le vote positif que notre assemblée va émettre ne pourra que le renforcer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le groupe des députés communistes et apparentés a déposé une exception d'irrecevabilité au projet de loi portant sur la ratification du traité d'Amsterdam. Avant de développer les raisons institutionnelles qui justifient, selon nous, cette démarche, je souhaite aborder à grands traits les raisons de fond et de principe qui motivent notre position.

L'Europe est dans l'attente. Dans l'attente de changement. Dans l'attente de justice, de solidarité, de citoyenneté. Curieusement, au moment où notre assemblée doit se prononcer sur la ratification du traité d'Amsterdam, il me vient le sentiment que, chez beaucoup de ceux qui s'apprêtent à y apporter leur adhésion, le doute l'emporte sur l'espérance.

Peut-être est-ce un paradoxe de la période que, dans ce débat sur l'avenir de l'Europe et de la Fance en Europe, les communistes, qui se prononcent contre cette ratification, abordent l'avenir avec la conviction que la confiance peut être du côté de ceux qui agissent pour un changement profond de la construction actuelle.

L'absence d'enthousiasme - pour ne pas dire plus - de la part des défenseurs du traité me conforte dans l'idée que l'Europoe a besoin d'un sérieux coup de jeune, d'un nouveau souffle social et démocratique.


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Devant tant d'insatisfaction, exprimée dès 1977, à la conférence intergouvernementale, puis au sommet d'Amsterdam lui-même, comme avec les changements politiques intervenus depuis dans plusieurs pays d'Europe, on aurait pu souhaiter que l'ouvrage soit remis sur le métier. Mais la mécanique institutionnelle, comme sans doute la crainte d'un grand débat sur l'avenir de l'Europe, l'ont emporté. Je le regrette profondément.

Le traité d'Amsterdam restera comme un traité mis en cause aussitôt qu'adopté, comme le dernier avatar d'une construction élaborée et décidée loin des peuples, de leurs attentes, de leurs aspirations. Le traité d'Amsterdam au moment même de sa ratification est déjà en décalage, si ce n'est en contradiction, avec la réalité des interrogations sur le devenir de l'Union européenne.

Je n'en prendrai pour seule illustration que la manière dont est menée sa ratification, sans un réel débat national associant les citoyens jusqu'à les consulter par référendum.

M. Philippe de Villiers.

Exact ! Il a raison !

M. Robert Hue.

Le sujet ne le mériterait-il pas ? Ou bien a-t-on craint à ce point que le peuple souverain ne donne directement son avis ? Je reviendrai sur cette dimension de la question.

Pour ce qui le concerne, le Parti communiste ne craint pas la confrontation d'idées sur l'Europe. On aura l'occasion de le mesurer dans les semaines à venir, à n'en pas douter. Non seulement nous ne le craignons pas, mais nous l'appelons de toutes nos forces, parce que nous avons une ambition pour l'Europe. Nous affirmons un choix, une volonté, un projet européen.

Certains s'en étonnent encore. Devant notre assemblée, j'avais eu l'occasion d'affirmer il y a quelques mois, ici même et avant d'autres, notre ambition euroconstructive.

Eh bien, s'il y a besoin de le réaffirmer pour que les choses soient tout à fait claires, redisons-le : les communistes français sont européens. Ils sont pour l'Europe. Ils sont pour construire l'Europe, sans réticences et sans arrière-pensées.

L'Europe est une aventure, mais une aventure qui peut susciter l'enthousiasme. Je dis cela les yeux grands ouverts sur les risques, les dangers, mais aussi sur le potentiel de progrès qu'elle peut représenter pour la France, pour les peuples de l'Union et du continent, pour le monde.

Nous avons décidé de nous engager dans la construction de l'Europe comme espace moderne de codéveloppement de nations décidant souverainement de partager leurs efforts et leur destin pour faire face, ensemble, aux défis auxquels elles sont confrontées, et qu'elles ne pourraient affronter positivement si elles restaient enfermées dans leur pré carré.

Nous sommes pour l'Europe parce que nous n'avons pas une vision étroite, repliée de la nation, mais une conception moderne, ouverte au monde, progressiste, de la réalité nationale. L'avenir de la nation française est indissociable de la qualité des relations - y compris politiques et institutionnelles - qu'elle est capable d'établir avec les autres nations, et en premier lieu en Europe.

Et puis, parce que nous sommes à l'écoute des attentes des Français, mais aussi de leurs inquiétudes devant les incertitudes et les dangers, nous voulons être des artisans actifs, volontaristes même, de la réussite de l'Europe.

Réussir l'Europe, telle est notre ambition. Et en premier lieu, parce que la réussite du changement en France, au point où nous sommes arrivés, appelle à travailler avec la même détermination à changer la donne en Europe.

Changer en France, pour changer en Europe : nous mesurons chaque jour davantage combien les deux questions sont liées. Chaque grand dossier de la politique n ationale comporte une dimension européenne. Les orientations fixées en commun influent sur les choix nationaux. On le voit bien avec le débat difficile sur la politique agricole, ou celui que nous avons eu sur la transposition de la directive sur l'énergie.

Disant cela, il me faut aussitôt ajouter que j'écarte toute idée que le changement en France serait conditionné par l'attente d'évolutions au niveau européen.

Certes - et hélas ! - une politique européenne libérale entrave les efforts pour un changement à gauche dans différents pays européens. A l'inverse, on peut imaginer l'atout que représenterait une autre politique européenne, celle pour laquelle nous agissons. Mais la relation n'est pas à sens unique. Quand s'expriment chez les peuples européens la volonté de changement, le rejet des politiques ultralibérales, l'aspiration à être partie prenante des décisions, quand des expériences politiques nouvelles sont engagées, alors les effets s'en ressentent dans la construction européenne elle-même.

C'est dire combien l'engagement dans le débat pour l'Europe est aujourd'hui pour nous une nécessité, j'ai envie de dire une responsabilité. Et cela parce que rien n'est joué, ni dans un sens, ni dans l'autre.

C'est donc bien au nom d'un certain projet européen,

« europrogressiste », que nous combattons les politiques, les choix ultralibéraux qu'on veut nous imposer, pour promouvoir d'autres politiques, d'autres choix qui perm ettent d'avancer vers l'Europe sociale, de progrès h umain, de l'égalité, d'une citoyenneté élargie et reconnue vers une Europe réellement solidaire et pacifique. D'autant que les pressions libérales, voire sociallibérales, restent dominantes, et que le chantier de la réorientation progressiste de l'Europe est encore devant nous.

J'en veux pour preuve les récentes admonestations de la Commission de Bruxelles et de la Banque centrale à propos des prévisions budgétaires triennales de la France et de l'Allemagne.

Et j'ai encore en tête les avertissements de la Commission et de la Banque de France à propos de la loi sur les 35 heures. On ne saurait mieux confirmer que la mise en oeuvre de réformes permettant de répondre aux attentes des Français - et des autres peuples - notamment en matière d'emploi ou de progrès social, appelle une remise à plat et une réorientation des choix européens. Sinon, comment redonner confiance en l'Europe ? La construction de l'Europe aujourd'hui, la volonté de lui redonner une prespective passent par un changement de priorités : donner corps à l'Europe sociale, faire du projet européen l'affaire des citoyens et prôner un modèle social moderne capable de s'affirmer dans la mondialisation.

Il ne s'agit pas pour nous de prendre date en quelque sorte, de jouer les Cassandre en prédisant le pire. Il s'agit de mettre dans le débat des propositions qui permettent d'apporter des solutions aux problèmes.

Parmi ces problèmes, il en est un qui conditionne la crédibilité de toutes les politiques. C'est celui de l'emploi.

Nous le savons, c'est la première des préocupations de nos concitoyens. Quelles mesures prendre pour orienter l'argent de la finance vers l'emploi et la formation ? Quelles mesures pour desserrer les contraintes qui pèsent sur l'investissement, le crédit, la consommation ?


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C'est le sens de notre proposition - et je la renouvelle ici - de renégocier le pacte de stabilité pour lui substituer un pacte pour l'emploi et la croissance. Je sais que la question est en débat. Ne faut-il pas aujourd'hui faire preuve d'audace et savoir mettre en cause ce qui a été décidé en d'autres périodes, dans d'autres conditions ? De même, on ne peut pas en rester au constat que les missions de la Banque centrale sont aujourd'hui inadaptées et porteuses de risques de récession ? La priorité de la politique monétaire européenne doit être l'emploi et la croissance, à travers une expansion du crédit et la baisse du taux d'intérêt. C'est pourquoi il faut, et le plus vite sera le mieux, redéfinir les missions de la Banque centrale et mettre en place un contrepoids politique réellement efficace qui rende la primauté aux décisions politiques démocratiquement élaborées.

Après la tourmente financière de l'automne dernier, et sachant que nous ne sommes pas à l'abri de nouvelles tempêtes, qu'est-ce qui empêche d'instaurer une taxation des mouvements de capitaux - dans l'esprit de la taxe Tobin - afin de pénaliser les opérations spéculatives et d'inciter à une utilisation plus productive de l'argent ?

M. Richard Cazenave.

Oui, que fait Jospin ?

M. Robert Hue.

Aujourd'hui, avec la mise en place de la monnaie unique, les risques sont réels de pousser encore davantage au dumping social, aux délocalisations, à la mise en concurrence des salariés, des régions déjà souvent prises dans une logique de compétition. Il convient donc d'instaurer des contre-feux à ces tendances en fixant le cap d'une harmonisation vers le haut des normes et des législations sociales.

Une priorité devrait porter sur l'instauration d'un salaire minimum dans tous les pays de l'Union. Je sais que l'idée progresse et je m'en félicite. Aujourd'hui, il n'est pas possible de fixer un SMIC unique, nous le savons. Mais je renouvelle ma proposition d'un salaire minimum européen de mille euros comme objectif de convergence.

Harmonisation vers le haut aussi pour la réduction du temps de travail avec, pour ceux qui n'y sont pas encore, l'étape des 35 heures. Une Europe des 35 heures et de la réduction du temps de travail sans baisse de salaire et avec des créations d'emploi : voilà une ambition que les gouvernements en relation avec les syndicats et le mouvement social devraient porter à l'échelle européenne ! Je pense aussi au rôle que pourrait jouer l'Europe pour favoriser et impulser l'égalité sociale et économique entre les sexes.

Je ne peux évoquer quelques axes et priorités de l'Europe sociale sans insister sur la défense et la promotion du secteur public. C'est pour nous un des piliers de la construction sociale. Et s'il est un domaine dans lequel la France peut apporter une expérience utile c'est bien celui-là. Raison de plus pour ne pas accepter que soient sacrifiés des secteurs indispensables à l'avenir de la France en Europe ; il faut, au contraire, les moderniser et les rendre plus performants encore.

Bien des idées et des propositions que j'avance ici s'inscrivent, je le sais, en opposition aux tendances lourdes de la construction actuelle. Mais elles s'inscrivent tout autant dans un courant qui se manifeste avec de plus en plus de force dans les mouvemnents sociaux, dans le syndicalisme européen, à travers les changements politiques. Elles s'inscrivent dans un projet européen qui met au coeur le progrès humain, une croissance saine, une productivité respectueuse du cadre de vie et des équilibres naturels.

C'est dans un tel projet que les citoyens peuvent se reconnaître. C'est en avançant dans cette direction que peut se combler progressivement le fossé qui s'est creusé entre les peuples et l'Europe.

Rendre l'Europe aux citoyens, c'est sans doute l'une des tâches les plus ambitieuses, et les plus nécessaires si l'on veut que l'Europe soit autre chose qu'un « marché sans âme ».

Rendre l'Europe aux citoyens, n'est-ce pas d'abord leur permettre d'être partie prenante de la politique européenne de la France ? C'est le sens de notre proposition que le Parlement national soit consulté, définisse un mandat avant toute grande négociation et qu'il lui soit ensuite rendu compte. Dans le même esprit, toute ratification d'un traité européen devrait faire l'objet d'une consultation par référendum. Le principe devrait en être inscrit dans la Constitution.

M. Philippe de Villiers.

C'est vrai !

M. Robert Hue.

Et puis il y a ce qui doit être fait au plan européen pour rapprocher les citoyens des lieux de décision.

Dans les institutions existantes, l'objectif devrait être de redonner la primauté aux instances légitimées par le suffrage universel sur des organes désignés comme la Banque centrale ou la Commission. Le Parlement européen devrait voir renforcé son rôle de contrôle sur ces institutions.

Mais il y a beaucoup à travailler, sans modèle a priori, pour définir les institutions, les modes de prises de décisions communes. Je dis sans modèle a priori, car je considère que le débat entre fédéralisme et souverainisme est un faux débat. Qui prétend construire l'Europe en niant les souverainetés populaires ne fera qu'attiser les tensions et, à terme, provoquer l'éclatement et le rejet de l'idée d'union.

L'Europe unie par des voies politiques ne peut être ni un empire ni une fédération. On peut imaginer une union des nations qui acceptent des transferts de responsabilités, à condition que ces choix soient réversibles et décidés souverainement.

Si l'on veut que les peuples de notre continent assument une communauté de destin, il s'agira nécessairement d'un processus progressif, librement consenti, qui permette de faire des besoins de chacun une volonté commune. Car rien en fin de compte ne pourra se faire de durable - et pacifiquement - sans l'assentiment des peuples.

C'est ainsi que peut se construire l'Europe des nations solidaires que nous appelons de nos voeux. C'est aussi, je pense, la seule voie réaliste pour aborder le grand défi de l'avenir que représente l'élargissement.

Saurons-nous, nous, pays membres de l'Union européenne, nourrir un véritable dialogue en considérant comme des partenaires les pays du centre et de l'est du continent ? S'il s'agissait d'élargir l'Union telle qu'elle est à des conditions intangibles fixées par des traités marqués au sceau du libéralisme, alors nous pouvons imaginer les tensions qui ne manqueraient pas de surgir et les risques qui en découleraient pour la stabilité du continent.

Réussir l'élargissement demande et demandera l'ouverture d'un grand dialogue sur le devenir de l'ensemble européen, dans lequel chacun apporte sa vision, son histoire, sa culture, son besoin de liberté et de progrès humain. En ce sens l'élargissement, s'il n'est pas une simple mise aux normes libérales, peut être un appel d'air qui revivifie la construction européenne. C'est dire


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combien l'exigence de justice sociale, de démocratie, de souci du dépassement des fractures du passé doit guider la démarche des négociations sur l'élargissement.

On touche là, on le sait, à la question centrale de la paix et de la sécurité. Sans m'étendre aujourd'hui sur cette question essentielle, je veux souligner que les discussions sur les traités à venir auront, à mon sens, à poser les perspectives d'une autre architecture de la sécurité que celle héritée de la guerre froide, avec l'OTAN.

L'Europe ne peut, en fin de compte, reprendre du sens pour ses habitants que si elle est un espace de sécurité et de solidarité. Or elle ne sera espace de solidarité que si l'on est en mesure d'y mener des politiques de développement capables de résorber le chômage et les inégalités entre régions, notamment dans le sud de l'Europe, alors qu'elles ont tendance à se creuser plutôt qu'à se résorber.

C'est dire combien il est nécessaire de continuer à résister aux pressions qui visent à mettre en cause la dimension solidaire de la PAC, des fonds de cohésion économique et sociale, comme des fonds structurels. Le débat sur Agenda 2000 s'est enlisé parce qu'il reste enfermé dans une logique libérale et dans le pacte de stabilité. Il est possible d'en sortir par le haut, par une politique de prix rémunérant le travail et les investissements agricoles, et en fixant aux fonds structurels l'ambition de f avoriser la création d'emplois. D'autres ressources peuvent en outre être dégagées par des crédits à bas taux d'intérêt et par la taxation des mouvements de capitaux que j'ai déjà évoquée.

L'Europe solidaire, c'est aussi l'Europe active dans l'établissement de relations de codéveloppement avec le sud et la Méditerranée. N'est-ce pas le devoir de l'Europe - et la France doit y contribuer de toutes ses forces - de lancer le message fort d'un modèle social et de progrès h umain, moderne, comme elle l'a fait à d'autres époques ? Oui, je suis pour une Europe forte qui, refusant de s'aligner sur les Etats-Unis, affirme dans le monde un autre modèle que l'ultralibéralisme et contribue à ce qu'une mondialisation de la solidarité prenne le pas sur la mondialisation de la guerre économique.

Monsieur le ministre, mesdames, messieurs, le traité d'Amsterdam est en quelque sorte le bégaiement du traité de Maastricht. Il en entérine les institutions et la logique libérale. Non seulement il n'ouvre pas de perspectives de réorientation, mais, sur des questions essentielles qui touchent aux droits de la personne humaine et aux libertés, il laisse la voie ouverte à de sérieuses régressions.

Mes amis Guy Hermier, Jean-Claude Lefort et Alain Bocquet reviendront plus précisément sur les raisons du refus des députés communistes et apparentés de le ratifier.

En conséquence, je souhaite dire en quoi ce traité est pour nous irrecevable.

Le pouvoir constituant appartient au peuple français. Il l'exerce par principe par la voie du référendum. Ce princ ipe fondamental connaît néanmoins une exception puisque le troisième alinéa de l'article 89 de la Consitution prévoit qu'une révision constitutionnelle peut être approuvée par le Congrès.

Cependant il ressort nettement de l'esprit et même de la lettre de ce texte qu'une telle procédure doit rester marginale, car elle conduit à priver le peuple de l'exercice directe de son pouvoir constituant. Le caractère exceptionnel du recours au Congrès ressort d'ailleurs de la rédaction même de l'article 89 de la Constitution. En effet, ce mode d'approbation d'une révision constitutionnelle est envisagé comme une procédure dérogatoire au deuxième alinéa de l'article 89 qui considère le réfé-r endum comme le mode d'approbation de droit commun.

M. Philippe de Villiers.

Tout à fait !

M. Robert Hue.

Il découle également de l'esprit de l'article 89 qu'une telle procédure a été élaborée pour les révisions mineures, particulièrement les révisions techniques pour lesquelles une consultation populaire peut sembler inutile. En revanche, le pouvoir constituant de droit commun devait, dans l'esprit des rédacteurs de la Constitution de 1958, toujours être exercé directement par le peuple.

Or, en l'espèce, même si d'un point de vue formel la révision ne modifie pas radicalement la Constitution, il ne s'agit en réalité que d'un préalable à une décision dont les conséquences sur l'organisation des pouvoirs publics sont tout à fait considérables. L'article 88-2 prévoit, en effet, la possibilité d'opérer désormais des transferts de compétences en matière de la libre circulation des personnes et, des domaines qui lui sont liés.

Ainsi, cette révision constitutionnelle n'est que la première étape d'un processus qui prévoit, avec la ratification d u traité d'Amsterdam qu'il nous est aujourd'hui demandé de voter, le transfert de tout un pan de notres ouveraineté nationale au profit des institutions communautaires.

Un transfert de souveraineté d'une telle ampleur ne saurait être décidé sans que les citoyens ne soient directement consultés...

M. Philippe de Villiers.

Tout à fait !

M. Robert Hue.

... d'autant qu'il s'agit de sujets particulièrement sensibles sur lesquels les Etats membres ont traditionnellement des philosophies différentes. Il y va de la crédibilité des principes mêmes qui fondent notre République.

C'est la raison pour laquelle je demande à l'Assemblée de voter l'exception d'irrecevabilité du projet de loi de ratification car la procédure au terme de laquelle la Constitution a été révisée, afin de permettre l'adoption de celui-ci, est contraire à l'article 89 de la Constitution de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué aux affaires européennes.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, je répondrai brièvement à votre intervention qui a essentiellement porté sur deux aspects : les procédures de révision constitutionnelle et de ratification, d'une part, les interrogations de fond sur le traité d'Amsterdam et sur la construction européenne, d'autre part.

Je traiterai d'abord de la question de procédure qui a déjà été longuement évoquée lors du débat sur la ré vision constitutionnelle : pourquoi ne pas avoir choisi la voie du référendum pour réviser la Constitution d'abord, pour autoriser la ratification du traité ensuite ?

M. Philippe de Villiers.

Il faut lui répondre ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Puisque vous avez cité l'article 89 de la Constitution, je vous rappelle que son article 3 dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Or

l'expression courante n'est-elle pas d'ailleurs, à propos du Parlement, de parler de représentation nationale ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

Je ne voudrais donc pas que l'on minimise le rôle de ce dernier. Le référendum n'est pas le seul moyen d'expression de la souveraineté. Les débats qui se déroulent au sein de l'Assemblée nationale et du Sénat, comme celui qui nous réunit aujourd'hui ou ceux qui se sont déroulés avant les fêtes de Noël, sont tout à fait respectables : c'est bien la souveraineté nationale qui s'exprime par vos voix.

M. Georges Hage.

Argument spécieux ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Ensuite, je veux rappeler à M. Robert Hue pourquoi, en la circonstance présente, le choix du référendum n'a pas été fait par le Président de la République, et pourquoi cela me paraît justifié.

Le référendum se justifie essentiellement lorsqu'il s'agit de ratifier des évolutions européennes majeures qui peuvent être clairement expliquées à la population et qui appellent une réponse par oui ou par non. C'est la définition même du référendum.

M. Philippe de Villiers.

Et alors ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Le choix de renoncer au franc et de le remplacer par la monnaie européenne nécessitait évidemment ce recours. Le référendum sur le traité de Maastricht a donc eu lieu en 1992. On en connaît le résultat.

Selon moi, en revanche, le traité d'Amsterdam ne répond pas à cette exigence de clarté, de simplicité dans la question, de caractère essentiel des enjeux. Ainsi que nous l'avons souligné, Hubert Védrine et moi-même, les rapporteurs et Jack Lang, il comporte une multitude d'avancées plus ou moins petites qui corrigent ou complètent les traités antérieurs, sans pour autant changer le cours de la construction européenne. Le traité d'Amsterdam ne justifiait donc pas que l'on recoure au référendum.

En tout état de cause, la question qui aurait été posée n'aurait pu traiter d'un sujet contenu dans le traité d'Amsterdam qui, par son caractère même d'amendement aux traités antérieurs de l'Union européenne, a un aspect parcellaire, éclaté, pas très lisible. Je ne vois même pas quelle question aurait pu être posée si nous avions voulu - ce qui est la logique du référendum - que les Français répondent clairement après avoir été parfaitement informés.

M. René Dosière.

Très juste ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Voilà pourquoi je crois qu'il était plus pertinent, tant pour la révision que pour le débat d'auj ourd'hui, de saisir le Parlement afin qu'il puisse accomplir un travail approfondi. Il portera d'ailleurs ses fruits. J'en veux pour preuve l'article additionnel que le Gouvernement propose pour répondre à la volonté de la représentation nationale d'opérer une réforme institutionnelle préalable à l'élargissement. Ce travail a été ré alisé à la demande du Parlement et en concertation étroite avec lui. Cela démontre qu'un travail sérieux peut être fait ici, avec vous. Je ne crois pas que le référendum aurait permis d'ajouter ce correctif essentiel.

J'en viens au fond.

D'abord, monsieur Hue, je me réjouis des convictions européennes que vous avez réaffirmées (Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et de l'ambition euroconstructive du Parti communiste français qui trouve, là comme ailleurs, toute sa place dans la majorité.

M. Richard Cazenave.

Permettez-nous de rire ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Comme vous, je crois que l'idéologie libérale a trop longtemps inspiré la construction européenne. En revanche, car il faut bien qu'il y ait des différences, puisque nous allons voter différemment sur ce texte. J'estime qu'une évolution sérieuse se produit depuis 1997.

Certes, elle est lente, trop lente à notre goût comme au vôtre, parce que l'Europe est une grosse machine, un paquebot qu'il n'est pas facile de faire virer.

M. Francis Delattre.

Schrder non plus ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Comme vous, j'apprécie plus ou moins certaines influences ou certains rapports de la Commission, par exemple en matière de finances publiques.

Néanmoins les choses changent en Europe depuis que le Gouvernement de Lionel Jospin, auquel participe le Parti communiste français, a fait de la réorientation de la construction européenne une priorité de son action.

(Murmures sur les bancs groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je peux citer l'exemple du refus de l'AMI qui a été salué sur tous les bancs, ou celui du nouveau marché transatlantique qui était proposé par le commissaire Brittan.

M. François Brottes.

Très bien ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Voilà deux manifestations de libéralisme en matière européenne clairement refusées par la majorité, dans laquelle le Parti communiste a toute sa place.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Richard Cazenave.

Rappelez-vous aussi le GATT que vous nous aviez laissé ! Soyez un peu sérieux ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Cette réorientation est notamment marquée par la priorité accordée à l'emploi et à la mise en oeuvre du chapitre social. Il me paraît donc un peu paradoxal, dans ce débat, que vous vous opposiez à un traité européen qui fixe pour la première fois de façon aussi claire des orientations conformes à vos positions comme aux nôtres.

En effet, je me reconnais tout à fait dans beaucoup de propositions euroconstructives que vous avez mises en avant : harmoniser les normes sociales vers le haut - et j'ajoute l'harmonisation fiscale ; introduire le principe d'un revenu minimum en Europe - à cet égard, vous avez très justement souligné qu'il fallait éviter d'imposer tout de suite le même SMIC partout, car cela risquerait de mettre à mal certaines économies, et préférer des efforts de convergence pour tendre vers un SMIC à 1 000 euros ; réduire le temps de travail ; compléter les objectifs définis à Luxembourg en novembre 1997 en matière d'emploi.

D ans tous ces domaines, vos propositions me paraissent très judicieuses et importantes. Je peux encore y ajouter le souci que nous partageons de voir le prochain Parlement européen adopter une charte des droits économiques, civiques et sociaux.

Cette démarche progressive, cette démarche qui est celle du traité d'Amsterdam, n'est-elle pas plus utile et plus efficace que celle qui consiste à vouloir modifier les statuts de la Banque centrale européenne ou renoncer au pacte de stabilité de Dublin ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

Ainsi que le Premier ministre vous l'a indiqué quand vous lui avez posé la question, le voudrions-nous, que nous ne le pourrions pas. Une telle décision nécessiterait en effet l'unanimité du Conseil européen. Or nous savons bien que, malgré les changements politiques qui interviennent en Europe, cette unanimité n'est pas réalisable.

En outre, cela n'est pas nécessaire pour baisser les taux d'intérêt comme vous le souhaitez. D'ailleurs, leur niveau actuel est satisfaisant et propice au développement de l'investissement, de la croissance et de l'emploi.

Puisque l'on ne peut pas revenir sur le pacte de stabilité et de croissance - à mon sens d'ailleurs on ne le doit pas et personne ne préconise, vous pas davantage que quiconque, de recourir aux déficits comme solution aux p roblèmes d'emploi que connaissent l'Europe et la France -, nous devons vouloir ensemble ajouter un pacte européen pour l'emploi qui soit le contrepoids politique, économique et social du pacte de stabilité conclu dans le domaine monétaire et financier.

Je me reconnais aussi dans bien d'autres éléments de votre intervention.

Ainsi je pense, comme vous, que nous devons refuser une approche libérale des prochains élargissements et traiter les pays candidats comme des partenaires à part entière. Il convient que nous soyons volontaires, positifs, exigeants, en faisant en sorte que l'Europe élargie soit une E urope dans laquelle se déploient des politiques communes et ne se borne pas à une simple zone de libre échange.

Nous devons aussi défendre nos intérêts dans les négociations sur l'Agenda 2000. Vous avez d'ailleurs pu constater, ici même cet après-midi, que le Premier ministre, comme le Président de la République, dans son message, s'y engageaient avec force et que les autorités françaises travaillaient en parfaite harmonie, pour aboutir en faisant respecter nos intérêts nationaux, ceux de notre agriculture et de nos régions en particulier qui sont en cause dans cette importante négociation.

Comme vous, enfin, je crois que le débat entre « souverainisme » et fédéralisme n'est plus pertinent aujourd'hui. Pratiquement aucun d'entre nous ne souhaite une Europe purement fédérale, une Europe supranationale, comme on disait jadis, avec un toit politique qui réduirait les nations à néant. Néanmoins nous savons tous aussi que le seul niveau national ne permettra pas de relever les défis que doivent affronter les Français et les Européens.

Vous avez parlé d'une union des nations d'Europe. A titre personnel - c'est aussi le sentiment du parti politique auquel j'appartiens - je ferais plutôt référence à une fédération d'Etats-nations, car je crois qu'il existe, malgré tout, des éléments fédéraux dans l'Europe d'aujourd'hui, le premier d'entre eux étant l'euro. S'il ne restait que cela en débat entre nous, nous pourrions avancer encore plus loin, ce qui est bien l'essentiel.

Malgré toutes ces observations, je ne peux pas, vous vous en doutez, monsieur Hue, vous suivre jusqu'au bout sur le traité d'Amsterdam. Cela ne serait évidemment pas conforme à mon rôle.

M. Francis Delattre.

Pourquoi, puisque vous êtes d'accord sur tout ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Surtout, cela ne correspondrait pas à mes convictions.

Vous avez eu raison, monsieur Hue, de rappeler avec Karl Marx - un bon auteur ! - que, quand l'histoire se répète, elle bégaye. Cependant, pour moi, le traité d'Amsterdam n'est pas le bégaiement de celui de Maastricht.

J'ai essayé de démontrer en quoi le second corrigeait et complétait le premier, notamment sur les aspects économiques et sociaux auxquels vous êtes, comme le Gouvernement, attaché.

Ne serait-ce que pour le chapitre relatif à l'emploi, pour l'intégration du protocole social, pour l'affirmation des nouveaux droits - je pense notamment à la nondiscrimination et à l'égalité entre les hommes et les femmes -, ne serait-ce que pour l'article si important sur la défense des services publics, il me semble que le parti communiste français ne devrait pas s'opposer au traité d'Amsterdam.

M. Georges Hage.

Oh ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Je vous invite, en tout cas, avant le débat qui portera sur le fond, mesdames, messieurs les députés, à rejeter l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité. Je vous rappelle qu'il ne peut y avoir qu'un orateur par groupe pour un maximum de cinq minutes.

Pour le groupe socialiste, la parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur Hue, chacun sait, ici, que votre choix de soulever une exception d'irrecevabilité à la ratification du traité d'Amsterdam n'a rien à voir avec vos convictions européennes maintes fois réaffirmées - je tiens d'ailleurs à les saluer - notamment, dans la dernière période et tout particulièrement ce soir ; ni même d'ailleurs avec nombre de dispositions du traité dont vous ne refusez pas d'admettre qu'elles représentent, trop timidement et modestement, nous l'avons dit nousmêmes, des avancées réelles, que, d'ailleurs, vous venez de prolonger dans certaines de vos propositions.

Non, vous l'aviez dit vous-même à Versailles, le 19 janvier dernier : « Notre opposition à Amsterdam n'est pas un refus de l'Europe. Au contraire, c'est pour nous le signe d'une volonté réaffirmée de travailler aux réformes nécessaires pour rendre l'Europe aux citoyens. »

Et, c'est sur ce point que, précisément, j'entends, au nom du groupe socialiste, expliquer très brièvement pourquoi nous ne voterons pas, nous, cette exception d'irrecevabilité car elle va à l'encontre, nous semble-t-il, de votre préoccupation, de faire avancer l'Europe.

R appelons-le, le traité d'Amsterdam n'est qu'une étape - sans doute pas la plus brillante -, mais pas non plus dépourvue d'avancées importantes, y compris sur les sujets qui vous inquiètent le plus. Il n'est pas, cela a été dit, le traité refondateur de l'Europe politique et sociale que nous appelions de nos voeux ensemble, votre parti et l e mien, dans la déclaration commune PC-PS du 29 avril 1997.

P our autant, la France, principal moteur de la construction européenne, ne peut être le seul des quinze

Etats membres de l'Union européenne - vous le savez bien et je ne pense pas que vous ne le souhaitiez vraiment, d'ailleurs - à ne pas ratifier ce traité auquel l'actuelle majorité n'a pu qu'apporter in extremis une inflexion en juin 1997. Mais chacun sait que cette inflexion a une portée en matière sociale, par le rééquilibrage qu'elle a apporté à une Union jusque-là trop monétaire, une portée qui est très loin d'être anodine.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

Je ne m'attacherai ici qu'à deux des aspects sur lesquelss e fondent les craintes, que l'on peut d'ailleurs comprendre, de certains de nos concitoyens, dont vous vous êtes fait l'écho.

Tout d'abord, le maintien des valeurs fondatrices de notre République au sein de l'Union européenne et, en particulier - pour reprendre vos propos -, « le risque qu'il y aurait à voir quelques-unes de nos lois les plus avancées remises en cause dans des compromis qui marqueraient une régression des libertés en France ».

Je crois, au contraire, que le traité d'Amsterdam, en complétant notamment l'article F du traité sur l'Union européenne, c'est-à-dire l'article 6 nouveau, qui consiste à inscrire dans le traité explicitement les principes « de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'Etat de droit », et par nombre d'autres dispositions analogues,r épond particulièrement à votre préoccupation. De même, en reconnaissant les coopérations renforcées, le traité apporte une réponse à la nécessité d'une cohésion globale de l'Union qui respecte en même temps la diversité des Etats membres, en particulier dans les domaines auxquels nous pensons tous : services publics, protection sociale, libertés individuelles.

Deuxième point sur lequel vous insistez : le traité d'Amsterdam ne crée pas l'Europe des citoyens, il ne comble pas le déficit démocratique de l'Union européenne.

C'est à la fois vrai et faux : vrai car l'un des objectifs assigné au traité, celui d'une réforme des institutions, n'a pas été atteint, nul d'entre nous ne le nie. C'est pourquoi je voudrais saluer ici l'initiative que constitue l'article additionnel au traité, proposé par le Gouvernement, qui a précisément pour objet de réaffirmer le souhait de la France - souhait partagé par la Belgique et l'Italie - de s'engager rapidement dans cette voie, tout en réaffirmant notre souhait de voir se réaliser l'Europe géographique par l'élargissement.

Mais il est tout de même inexact de dire que le traité d'Amsterdam ne marquerait aucun progrès en terme de démocratisation : en témoigne notamment le renforcement considérable de pouvoirs du Parlement européen par l'extension de la procédure de codécision, non seulement à de nombreux domaines de compétence existants, mais aussi au plus grand nombre des dispositions nouvelles introduites dans le traité, et dont nous parlerons tout au long de la discussion générale, précisément en m atière d'emploi, d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes ou de santé publique.

Je pourrais, monsieur Hue, multiplier les exemples qui contribueraient à dresser un tableau moins noir que vous ne l'avez fait - en creux - de ce traité. Je ne le ferai pas, mais conclurai en disant que ce traité a le mérite, dans le domaine des droits sociaux, d'inclure la charte sociale de 1992 dans le corps du traité, dans le domaine de la liberté et de la sécurité des personnes, de communautariser les accords de Schengen, dans le domaine de la construction d'une Europe puissante, capable de peser sur la scène internationale, de créer les conditions futures d'une politique commune de sécurité et de défense, notamment en mettant en place le porte-parole de l'Union que sera Madame ou Monsieur Pesc.

Enfin, j'ajouterai trois raisons plus politiques à cette ratification : Elle est nécessaire, d'abord, pour poursuivre dans la voie que nous souhaitons - je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit sur les premières inflexions - et que l'avènement des gouvernements de gauche dans les trois plus grands pays de l'Union européenne dans l'année qui vient de s'écouler rend aujourd'hui possible.

Elle est incontournable, ensuite, car la France, dernier pays à ratifier le traité, ne peut rompre en le refusant ses engagements européens sans mettre en péril l'existence même de l'Union.

Elle est souhaitable, enfin, car les traités sont ce qu'on en fait et les résultats obtenus, en parallèle à la négociation même du traité, dans le domaine du rééquilibrage de l'Europe monétaire vers une Europe de progrès social et de la croissance le prouvent : anticipation sur la ratification du traité en matière d'emplois, instauration du Conseil de l'euro, volonté d'équilibrer l'indépendance de l a banque centrale européenne par l'autorité politique, etc.

Je dirai enfin quelques mots de la ratification parlementaire. Le traité d'Amsterdam, en prévoyant l'intervention du Parlement européen, en codécision, dans le domaine de la protection et de la sécurité des citoyens, ne modifie l'équilibre entre les pouvoirs que dans le sens d'une réduction du déficit démocratique. Il prolonge donc positivement les avancées du traité de Maastricht approuvées par référendum le 20 septembre 1992 par le peuple français.

Voilà pourquoi, monsieur Hue, le groupe socialiste ne votera pas l'exception d'irrecevabilité que vous venez de présenter. Nous espérons que d'ici le vote définitif, le groupe communiste modifiera son vote sur le traité luimême. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Francis Delattre.

C'est improbable !

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave, pour le groupe RPR.

M. Richard Cazenave.

En défendant son exception d'irrecevabilité, M. Hue n'a pas véritablement développé d'arguments en ce sens. Il a surtout exprimé ses déceptions quant à la gestion des gouvernements socialistes en France et en Europe, puisque la plupart des gouvernements européens sont socialistes. Il a dit ses regrets de n'avoir pas su convaincre M. Jospin de renégocier le traité. Je reconnais qu'il doit être très désagréable de par ticiper à un Gouvernement qui tient si peu compte des ambitions et des attentes de sa composante communiste.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quant au traité d'Amsterdam, il a déploré qu'il n'aille pas assez loin sur le plan social et sur le plan démocratique. Il serait intéressant de savoir quelle est la vision démocratique que M. Hue a de l'Europe car il ne l'a pas développée. Mais il ne nous a pas dit en quoi ce traité allait trop loin et en quoi, de ce fait, il était irrecevable, sauf peut-être sur la question du passage à la majorité qualifiée, dans quelques années, pour les questions d'immigration ou de sécurité.

Mais que voulons-nous ? Voulons-nous des éléments communs de politique extérieure et de sécurité en Europe, ou bien voulons-nous laisser les Américains seuls maîtres du jeu ? Voulons-nous nous donner ensemble les moyens d'intervenir là où, isolément, nous ne pouvons le faire, ou nous contenter d'un constat d'impuissance qui, pour le coup, nous abaisserait, nous discréditerait et porterait atteinte à l'idée que nous nous faisons du rôle de la France dans le monde ? J'ai cru comprendre que M. Hue était hostile à cette situation d'impuissance permanente.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

Voulons-nous mieux lutter contre les crimes qui ne connaissent pas de frontières : criminalité internationale, trafic de drogue ? Ou bien nous contenterons-nous, là aussi, de constater les limites et les insuffisances de notre action sans y porter remède ? Voulons-nous maîtriser les flux migratoires ou bien voulons-nous que l'Europe, par la politique désordonnée de certains Etats, soit le lieu privilégié de l'immigration illégale, et soit aussi parfois le lieu de régularisations dont nous subissons les conséquences, quand nous-mêmes nous ne sommes pas à l'origine de décisions unilatérales dans ce sens ? Voulons-nous un développement économique plus harmonieux, fondé sur notre système de valeurs, sur notre vision sociale, ou bien nous abandonner aux règles imposées par d'autres systèmes de valeurs dans le cadre de la mondialisation des échanges ? Sur ce point, je voudrais rappeler à M. Moscovici que le virage social de ce traité résulte de la volonté du Président de la République, M. Jacques Chirac, en 1996, de présenter un mémorandum social. Je ne sache pas qu'à cette époque le Gouvernement fût socialiste ? Non, monsieur Moscovici, ce n'est pas ce gouvernement qui a pris un tournant en la matière. (Murmures sur l es bancs du groupe socialiste.) Le Président de la République a voulu que ce débat européen porte sur la vision sociale de l'Europe et il l'a introduit auprès de ses partenaires européens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Certaines choses doivent être rappelées car il est insupportable d'entendre le Gouvernement se gargariser sans cesse de ce qui ne lui appartient pas.

La France est une grande nation ; elle ne doit pas avoir peur. La France serait assez forte pour vivre, sinon dans un splendide isolement, en tout cas en se méfiant du développement de la coopération internationale, voire du partage et de la mise en commun de l'exercice de certaines prérogatives, mais elle ne le serait pas assez pour entraîner ses partenaires dans la politique qu'elle aurait voulu en Europe. Quel paradoxe ! Eh bien moi, je n'ai pas peur et je ne crois pas que la France soit aujourd'hui acculée à un destin européen dans lequel elle se noierait. Au contraire, l'Europe est une possibilité pour la France de faire valoir ses ambitions internationales dans les domaines où nous avons, les uns et les autres, constaté les limites de l'action dans le cadre national.

Employons donc plutôt notre énergie, ensemble, à peser sur les prochains enjeux de la discussion européenne, notamment sur ce qui marque l'échec du traité d'Amsterdam aujourd'hui, c'est-à-dire la réforme des institutions de l'Europe. Nous nous trouvons là devant une impasse : nous ne pouvons pas aller vers un élargissement si nous ne procédons pas à une réforme profonde de ces institutions. Voilà le prochain défi que nous devons relever. C'est sur ce point que nous devrons marquer une volonté commune forte, parce qu'il en va de notre capacité, dans l'avenir, de faire que cette Europe soit une Europe plus démocratique, plus efficace, moins bureaucratique, une Europe où la politique reprenne ses droits, dans l'objectif d'un projet social européen et non d'une dilution dans un magma mondial.

Au groupe RPR, nous gardons les yeux grands ouverts, soucieux avant tout de l'intérêt national, conscients des enjeux actuels et des défis futurs. Dans ces conditions, nous approuvons les choix européens du chef de l'Etat et nous rejetterons donc cette exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig, pour le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.

M. Emile Blessig.

La construction de l'Europe est une aventure longue, difficile, pleine de rebondissements. La ratification du traité d'Amsterdam est une étape supplémentaire sur ce chemin, grâce à laquelle l'Union se rapproche du citoyen, le fonctionnement de ses institutions est rendu plus démocratique et plus efficace et sa capacité extérieure est renforcée.

Par conséquent, le groupe UDF estime qu'Amsterdam est non seulement une étape nécessaire et indispensable mais une avancée, notamment dans la perspective de l'élargissement de l'Union et de son nécessaire renforcement.

Il y avait une grande contradiction dans les propos de M. Hue, qui souhaite que le référendum soit le mode der atification général et, en même temps, soutient qu'Amsterdam est le bégaiement de Maastricht. De deux choses l'une : ou Amsterdam est quelque chose d'important, ou il est un bégaiement...

Pour nous c'est une étape et nous la traitons comme telle, dans le respect de la démocratie et de nos procédures, et c'est sans état d'âme, et même avec enthousiasme, que le groupe UDF rejettera cette exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Pierre Lequiller.

J'ai beaucoup admiré la façon dont M. Moscovici et le porte-parole du Parti socialiste ont réussi à expliquer, en de longues interventions, qu'ils étaient contre l'exception d'irrecevabilité mais que, sur beaucoup de points, ils rejoignaient les communistes, alors que leurs conceptions européennes sont totalement opposées. En témoignent les différentes interventions de M. Hue tant sur l'indépendance de la Banque centrale - voulant remettre en cause le statut voté ici - que sur la sécurité et sur les pertes de souveraineté nationale.

Mme Christine Boutin.

Il avait raison !

M. Pierre Lequiller.

Bref, tout vous oppose.

Mme Nicole Bricq.

Et à droite, on ne s'oppose pas ?

M. Richard Cazenave.

Les individus, pas les groupes !

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous nous faites rire !

M. Pierre Lequiller.

J'en viens au point essentiel, le référendum. Le Président de la République a parfaitement respecté la Constitution en soumettant ce texte au Parlement. Vouloir remettre en cause le texte de la Constitution, comme l'a proposé M. Hue, est évidemment une aberration.

De plus, la complexité du traité et son importance toute relative, dont M. Lang a parlé tout à l'heure, justifiaient qu'on ne recourre pas au référendum. Il n'y a donc pas motif à irrecevabilité dans cette affaire. Et d'ailleurs, M. Hue n'a développé aucun argument pour la justifier. Par conséquent, le groupe Démocratie libérale votera contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heure trente, troisième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1365 rectifié, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes : M. Michel Vauzelle, rapporteur au nom de la commis-s ion des affaires étrangères (rapport d'information no 1402) ; M. Guy-Michel Chauveau, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1405).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mardi 2 mars 1999 SCRUTIN (no 159) sur l'ensemble du projet de loi relatif à la modernisation et au déve loppement du service public de l'électricité.

Nombre de votants .....................................

547 Nombre de suffrages exprimés ....................

497 Majorité absolue ..........................................

249 Pour l'adoption ...................

258 Contre ..................................

239 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (250) : Pour : 235. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Mme Sylvie Andrieux ,

M M. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , Jean-Marc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , JeanPierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Jean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Bateux , Jean-Claude Beauchaud , Henri Bertholet , Eric Besson , Jean-Louis B ianco , André Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Claude Boulard , Didier Boulaud , Pierre B ourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle Bousquet , M. Jean-Pierre Braine , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul Bret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Marcel Cabiddu , Alain Cacheux , Jérôme Cahuzac , Alain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , André Capet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mmes Véronique Carrion-Bastok , Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteguet , Guy-Michel Chauveau , Jean-Claude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme Marie-Françoise Clergeau , MM. Jean C odognès , Pierre Cohen , François Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Jacky Darne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , Jean-Jacques Denis , Mme Monique Denise , MM. Bernard Derosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Tony Dreyfus , Pierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Mme Laurence Dumont , MM. Jean-Louis Dumont , Dominique Dupilet , JeanPaul Dupré , Jean-Paul Durieux , Philippe Duron , Jean Espilondo , Claude Evin , Alain Fabre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt , MM. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Pierre Forgues , Raymond Forni , Jean-Louis Fousseret , Michel Françaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Gérard Fuchs , Robert Gaïa , Roland Garrigues , Jean-Yves Gateaud , Jean Gaubert , Mmes Catherine Génisson , Dominique Gillot , MM. André Godin , Gaëtan Gorce , Alain Gouriou , Gérard Gouzes , Bernard Grasset , Michel Grégoire , Mme Odette Grzegrzulka , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Maurice Janetti , Serge Janquin , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Bertrand Kern , Jean-Pierre Kucheida , André L abarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François Lamy , Pierre-Claude Lanfranca , Jack Lang , Jean Launay , Mme Jacqueline Lazard , MM. Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Alain Le Vern , Michel Liebgott , Mme Martine LignièresCassou , MM. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Mme Béatrice Marre , MM. Marius Masse , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Jean Michel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon , MM. Gilbert Mitterrand , Yvon Montané , Gabriel Montcharmont , Arnaud Montebourg , Henri Nallet , Philippe Nauche , B ernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri , Michel Pajon , Joseph Parrenin , François Patriat , Christian Paul , Vincent Peillon , Germinal Peiro , Jean-Claude Perez , Mmes Marie-Franç oise Pérol-Dumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette Peulvast-Bergeal , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reynaud , M. Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Yves Rome , Gilbert Roseau , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , R ené Rouquet , Michel Sainte-Marie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Patrick Sève , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mmes Catherine Tasca , Christiane Taubira-Delannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vauzelle , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque

Abstentions : 2. - M. Julien Dray et Mme Catherine Picard

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (138) : C ontre : 133. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc , Victor Brial , Philippe Briand , Michel Buillard , Christ ian Cabal , Gilles Carrez , Mme Nicole Catala ,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 MARS 1999

MM. Jean-Charles Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , Olivier de Chazeaux , François Cornut-Gentille , Alain Cousin , Jean-Michel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , Arthur Dehaine , Jean-Pierre Delalande , Patrick Delnatte , Jean-Marie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Eric Doligé , Guy Drut , Jean-

M ichel Dubernard , Jean-Pierre Dupont , Nicolas D upont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , François Fillon , Roland Francisci , Pierre Frogier , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , Jean-Pierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Louis Guédon , JeanClaude Guibal , Lucien Guichon , François Guillaume , Jean-Jacques Guillet , Gérard Hamel , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kossowski , Jacques Lafleur , Robert L amy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre L ellouche , Jean-Claude Lemoine , Arnaud Lepercq , Jacques Limouzy , Lionnel Luca , Thierry Mariani , Alain Marleix , Franck Marlin , Jean Marsaudon , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Mme Jacqueline Mathieu-Obadia , MM. Jean-Claude Mignon , Charles Miossec , Pierre Morange , Renaud Muselier , Jacques Myard , Jean-Marc Nudant , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Pierre Petit , Etienne Pinte , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raimond , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , Jean-Claude Thomas , Jean Tiberi , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , François Vannson , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

Groupe U.D.F. (70) : Contre : 59. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Jacques Barrot , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Mme Marie-Thérèse Boisseau , MM. Jean-Louis Borloo , Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Jean Briane , Yves B ur , Dominique Caillaud , Jean-François Chossy , Charles de Courson , Yves Coussain , Marc-Philippe D aubresse , Jean-Claude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , R enaud Dutreil , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr ,

M mes Anne-Marie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille ,

M M. Jean-Jacques Jégou , Christian Kert , Edouard Landrain , François Léotard , Maurice Leroy , Roger Lestas , Maurice Ligot , Pierre Méhaignerie , Mme Louise Moreau , MM. Hervé Morin , Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Dominique Paillé , Henri Plagnol , JeanLuc Préel , Marc Reymann , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin , Jean-Jacques Weber et Pierre-André Wiltzer

Abstentions : 6. - MM. Dominique Baudis , Hervé de Charette , René Couanau , Germain Gengenwin , Christian Martin et Pierre Micaux

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (43) : Pour : 1. - M. Jean-Claude Lenoir

Contre : 41. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Dominique Dord , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier et Gérard Voisin

Groupe communiste (35) : Pour : 2. - MM. Jean-Pierre Brard et Ernest Moutoussamy

Contre : 5. - MM. Patrice Carvalho , André Gerin , Maxime Gremetz , Georges Hage et Roger Meï

Abstentions : 28. - MM. François Asensi , Gilbert Biessy , C laude Billard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jacques Brunhes , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. Pierre Goldberg , Guy Hermier , Robert Hue , Mmes Muguette Jacquaint , Janine Jambu ,

M M. André Lajoinie , Jean-Claude Lefort , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Bernard Outin , Daniel Paul , Jean-Claude Sandrier , Michel Vaxès et Jean Vila

Groupe Radical, Citoyen et Vert (35) : Pour : 20. - Mme Marie-Hélène Aubert , MM. Gérard Charasse , Bernard Charles , Michel Crépeau , Jean-Pierre Defontaine , Roger Franzoni , Guy Hascoët , Robert Honde , François Huwart , Guy Lengagne , Alfred MarieJeanne , Jean-Paul Nunzi , Jean Pontier , Jacques Rebillard , Mme Chantal Robin-Rodrigo , MM. Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret et Aloyse Warhouver

Abstentions : 14. - M. André Aschieri , Mme Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Roland Carraz , Yves Cochet , Jacques Desallangre , Claude Hoarau , Elie Hoarau , Noël Mamère , Jean-Michel Marchand , Mme Gilberte Marin-Moskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean Rigal et Georges Sarre

Non-inscrits (5).

Contre : 1. - M. Charles Millon

Mise au point au sujet du présent scrutin (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale) M. Alfred Marie-Jeanne, qui était présent au moment du scrutin ou qui avait délégué son droit de vote, a fait savoir qu'i l avait voulu « s'abstenir volontairement »