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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 2137).

RECENSEMENT (p. 2137)

MM. Jacques Brunhes, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE (p. 2138)

M. Philippe Douste-Blazy, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

DÉCLARATION DU DROIT DE BAIL (p. 2138)

MM. Jacques Le Nay, Christian Sauther, secrétaire d'Etat au budget.

SITUATION DES FEMMES EN AFGHANISTAN (p. 2139)

M me Marie-Françoise Clergeau, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

RÉFORME DES LYCÉES (p. 2139)

MM. Yves Durand, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE (p. 2140)

MM. Augustin Bonrepaux, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

TRAITEMENT DES DÉCHETS MÉNAGERS EN ÎLE-DE-FRANCE (p. 2141)

M. René Rouquet, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

MANIFESTE DE JEUNES CONTRE l'INSÉCURITÉ (p. 2141)

MM. Yves Cochet, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

AVENIR DE L'INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE FRANÇAISE (p. 2142)

MM. Roland Carraz, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

FONCTIONNEMENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL (p. 2143)

M. Franck Dhersin, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

NIVEAU DES IMPÔTS (p. 2143)

MM. Gilles Carrez, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

LEVÉE DE L'EMBARGO SUR L'IMPORTATION DE VIANDE BOVINE BRITANNIQUE (p. 2144)

MM. André Angot, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

RÉFORMES À L'HÔPITAL PUBLIC (p. 2145)

MM. Jean-Michel Dubernard, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Suspension et reprise de la séance (p. 2146)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

2. Spectacles. - Discussion, en troisième lecture, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi.

(p. 2146).

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 2149)

MM. Bruno Bourg-Broc, Georges Hage, François Goulard, Christian Kert.

Clôture de la discussion générale.

Le texte ne fait l'objet d'aucun amendement.

Article 4 (p. 2150)

Article 12 (pour coordination) (p. 2151)

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 2151)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 2151)

3. Epargne et sécurité financière. Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 2151).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, pour la réforme des caisses d'épargne.

M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances, pour le renforcement de la sécurité financière.

QUESTION PRÉALABLE (p. 2159)

Question préalable de M. José Rossi : MM. Gilbert Gantier, Raymond Douyère, rapporteur. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 2162)

Mme Chantal Robin-Rodrigo,

MM. Marc Laffineur, Jean-Pierre Balligand, Christian Cabal, Jean Vila.

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

M. Jean-Jacques Jégou.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 2173).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par une question du groupe communiste.

RECENSEMENT

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, l'opération de recensement entre dans la phase opérationnelle et nos communes sont fortement mises à contribution pour en assurer la qualité.

Jusqu'à présent, l'organisation des recensements s'articulait autour de trois principes : l'exhaustivité, l'ensemble du territoire étant couvert au même moment, ce qui permet les comparaisons ; l'égalité statistique pour toutes les communes, tant pour la collecte des données que pour la diffusion des résultats ; enfin, l'autonomie des communes et la liberté qui leur était reconnue d'utiliser à leurs fins propres tous les éléments d'analyse qui les concernent, et d'opérer tous les croisements autorisés.

Or la proposition actuelle de diffusion des résultats statistiques par l'INSEE remet en cause ces principes car elle ne permet d'obtenir que des indicateurs calculés et choisis par cet institut.

Il semble par ailleurs que toute demande de tableaux stastistiques supplémentaires faite par les communes à l'INSEE, pour des traitements et analyses spécifiques, ne puisse être envisagée qu'à titre onéreux.

Cette situation, si elle se confirmait, renforcerait l'inégalité entre les communes qui peuvent payer et celles qui ne le peuvent pas, alors qu'il s'agit d'accéder à des informations détenues par un service public ; je rappelle en outre que les communes ne peuvent être assimilées à des prestataires privés.

Le risque d'un monopole de l'INSEE quant à la détention des informations avait déjà été évoqué en 1990.

Mais la démonstration réelle et objective des besoins des communes, l'action des élus, et, surtout, celle de l'Association des maires de France avaient permis l'accès à l'ensemble des données.

Au moment où l'on demande aux communes d'avoir une connaissance fine de la réalité et des particularités locales, il est important qu'elles puissent bénéficier des dernières informations exhaustives, librement, dans le respect de l'anonymat exigé par la réglementation.

Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour qu'il en soit ainsi ? Je précise que le recensement suscite parfois des inquiétudes chez certains de nos concitoyens, en particulier les personnes âgées et les habitants des quartiers difficiles. Les maires ont pris des mesures de précaution. L'Etat peut-il les accompagner durant les trois semaines de la campagne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, le recensement que l'INSEE réalise régulièrement est un instrument absolument indispensable de connaissance de notre population, de sa structure et de son évolution. Depuis deux siècles, le recensement donne une image fidèle de la façon dont la population évolue sur notre territoire.

Il est réalisé, comme vous l'avez rappelé, en partenariat entre l'INSEE et les mairies, l'INSEE l'utilisant pour disposer d'informations globales et agrégées, chacune des m airies pour mieux connaître la population de la commune. C'est un instrument irremplaçable pour l'évolution des équipements, des crèches, des écoles, des actions que les élus doivent engager. Je profite de l'occasion pour saluer tous les maires qui participent à cette opération de recensement et pour adresser un message de confiance à l'ensemble des agents recenseurs qu'ils ont recrutés à cette fin.

J'en viens à votre question. Il est indispensable que les communes puissent continuer à disposer de ces informations de façon anonyme. Un problème s'est posé. La Commission nationale de l'informatique et des libertés a fait valoir en 1990 que les listes d'informations individuelles anonymes données par l'INSEE aux communes étaient constituées de paquets trop petits - parfois 80, 100 ou 150 personnes -, et que cela pouvait permettre d'identifier telle ou telle personne, par exemple s'il n'y avait qu'une seule personne de plus de quatre-vingts ans parmi les 150. Cette identification serait contraire à la confidentialité.

Afin de répondre à l'observation de la CNIL, l'INSEE a décidé de ne fournir des informations individuelles aux communes que par paquets plus importants, mais, lorsqu'il est nécessaire que les communes disposent d'informations sur un îlot ou un petit quartier, l'INSEE collectera lui-même les informations, ce qui garantira la confidentialité, et les fournira aux communes.

Le traitement de ces informations par l'INSEE aura un coût, mais je veillerai à ce que la tarification ne soit pas supérieure à ce coût.

Comprenez bien, monsieur le député, que c'est l'objectif même de confidentialité qui conduit l'INSEE, afin de satisfaire aux obligations imposées par la CNIL, à ne fournir des informations que sur des ensembles relativement importants, ou, sur de petits ensembles, que des informations déjà traitées.

Nous verrons ensemble si les tarifs sont satisfaisants.

Comme vous l'avez souligné, la confidentialité est absolument nécessaire car nos concitoyens n'acceptent de


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répondre au recensement en toute franchise que si celle-ci est assurée. Il est donc indispensable de suivre l'orientation de la CNIL tout en étudiant ensemble la façon d'éviter des inégalités entre les communes, afin que les maires puissent continuer à disposer d'informations qui leur sont absolument indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président.

La parole est à M. Philippe DousteBlazy.

M. Philippe Douste-Blazy.

Monsieur le Premier ministre, ma question concerne la Cour de justice de la République.

Les institutions ont en règle générale besoin de temps, et donc de stabilité, pour prouver leur efficacité.

Telle ou telle institution peut présenter des défauts d'organisation ou de fonctionnement.

M. Jean-Louis Dumont.

Sûrement !

M. Philippe Douste-Blazy.

Quelle leçon le Gouvernement tire-t-il du fonctionnement récent de la Cour de justice de la République et des critiques qu'elle a reçues ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman.

C'est honteux !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Philippe Douste-Blazy.

Même si nous savons tous qu'il ne faut jamais réformer sous la pression de l'actualité, n'est-il pas souhaitable de réfléchir à des modifications, pour que la Cour de justice de la République soit une autorité indiscutable et contribue désormais à plus de sérénité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri.

C'est nul !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, le Gouvernement n'a pas l'intention, bien entendu, de commenter l'arrêt rendu ce matin par la Cour de justice de la République. D'abord, parce qu'il a pour règle de ne pas commenter les décisions des tribunaux.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais aussi, ne l'oublions pas, parce qu'un autre procès doit avoir lieu dans les prochaines semaines, celui des collaborateurs des ministres.

Il est cependant légitime qu'un débat se développe à propos des questions qui ont été soulevées à l'occasion de ce procès : fonctionnement de l'Etat, part respective de la responsabilité politique et de la responsabilité pénale, questions extrêmement importantes qui ne se limitent pas à ce procès devant la Cour de justice mais sont beaucoup plus larges, je pense en particulier à la tendance à la pénalisation de notre société, qui concerne un grand nombre de personnes ; il faudra effectivement traiter ce problème.

Nous devons tirer les leçons de ce qui s'est passé en 1993, car l'on a pu avoir le sentiment que le constituant avait agi un peu à la hâte, sous l'effet d'une pression.

Nous devons nous garder de tirer des leçons trop hâtives, de prendre des décisions précipitées, et telle n'est pas l'intention du Gouvernement. Nous devons mener une réflexion et avoir un débat à ce sujet. Nous le devons au bon fonctionnement de notre République et de notre démocratie, mais nous devons agir dans la sérénité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) DÉCLARATION DU DROIT DE BAIL

M. le président.

La parole est à Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les Françaises et les Français vont remplir, jusqu'au 15 mars dernier délai, les imprimés de déclaration de revenus.

La loi de finances rectificative pour 1998 a prévu de simplifier la procédure de déclaration de droit au bail en l'intégrant dans le dispositif d'imposition sur le revenu.

Cette mesure a priori louable, puisqu'elle vise à simplifier les obligations déclaratives, a cependant des conséquences regrettables.

Ainsi, les propriétaires bailleurs qui ont déjà acquitté le droit au bail et la taxe additionnelle pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1998 vont devoir réintégrer ces mêmes loyers dans leur déclaration de revenu. Ils vont donc régler deux fois les taxes sur les loyers perçus pendant les neuf premiers mois de 1998.

Il est paradoxal et injuste que des revenus puissent être taxés deux fois. Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre pour réparer, ou plutôt empêcher cette injustice à l'égard d'un grand nombre de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, comme vous l'avez fort bien dit, la suppression de la déclaration du droit de bail correspond à une volonté de simplification de l'impôt. Cela signifie concrètement que 3 millions de propriétaires n'auront plus à remplir une déclaration complexe ; il leur suffira de porter le montant des loyers sur leur déclaration générale de revenus.

Dans l'ancien système, un propriétaire bailleur louant en continu un local aura payé au mois d'octobre 1998 deux fois 2,5 % sur les loyers allant du 1er octobre 1997 au 30 septembre 1998, et il paiera le même montant en septembre 1999.

Cela signifie clairement qu'un propriétaire ne paiera qu'une seule fois pour une année donnée. Je tiens à vous rassurer : l'Etat ne gagne pas un centime dans cette opération. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

C'est faux !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Dans l'hypothèse où la location s'interromprait durablement, c'est-à-dire si le local n'était pas loué pendant neuf mois, l'Etat rem-


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bourserait les neuf mois de droit de bail correspondants.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arthur Dehaine.

A la saint-glinglin !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'ajoute un dernier argument. Ce texte a été soumis par l'opposition au Conseil constitutionnel, qui a décidé que le dispositif institué par l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 ne conduisait pas le redevable à acquiter au cours de la même année les anciennes contributions et les nouvelles, et qu'il n'instituait donc pas une double imposition. Je crois que cela clôt le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

SITUATION DES FEMMES EN AFGHANISTAN

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, il y a tout juste un an, l'Union européenne alertait la communauté internationale sur le sort des femmes afghanes. Pourtant, les décrets des talibans continuent de faire subir aux femmes des discriminations contraires au droit international. Les organisations non gouvernementales présentes à Kaboul ont dû, pour la plupart, fuir un régime qui leur imposait une mise sous tutelle inacceptable. La situation des femmes afghanes est de plus en plus alarmante, et, ailleurs dans le monde, d'autres femmes subissent les mêmes affronts.

Monsieur le ministre, qu'entendez-vous faire pour que des régimes comme celui des talibans ne soient pas reconnus par les instances internationales tant qu'ils imposeront des discriminations fondées sur le sexe ? Que comptez-vous faire pour rendre l'aide humanitaire accessible à toutes ces femmes sans discrimination, pour assurer le respect des droits de l'homme en Afghanistan comme ailleurs, et en particulier pour affirmer les droits des femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Madame la députée, je rappelle que l'Afghanistan est un pays qui, depuis de longues années, pour ne pas dire de longues décennies, vit dans des conditions extrêmement difficiles de guerre civile, puis de guerre étrangère, avec occupation, puis à nouveau de guerre civile. Le problème que nous avons avec l'Afghanistan, dans notre politique globale et systématique de soutien à tous ceux qui défendent les droits de l'homme - et en l'occurrence les droits des femmes, même si ceux-là englobent ceux-ci -, c'est que nous n'avons pas d'interlocuteurs. Il n'y a même pas de gouvernement dont nous puissions conditionner l'aide, sur lequel nous puissions faire pression ou que nous puissions inciter d'une autre façon.

La priorité de la communauté internationale en ce qui concerne l'Afghanistan, c'est d'essayer de faire pression sur l'ensemble des pays voisins, qui, tous, se nourrissent, d'une certaine façon, du conflit en Afghanistan, eu égard à leurs propres buts régionaux, pour reconstituer les bases d'un début de stabilité et d'ordre public dans ce pays.

A ce drame général de l'Aghanistan et des Afghans globalement parlant, s'ajoute le drame des femmes afghanes, qui est l'un des plus poignants, l'un des plus criants, et qui nous choque. Sachez que toute notre action avec nos partenaires européens, les ONG et les organisations internationales tend, en dépit du contexte que j'ai rappelé et qui rend toute action particulièrement complexe, comme dans d'autres régions telles que le Sud Soudan, à atténuer cette discrimination, qui est un malheur dans un malheur plus grand.

Nous y travaillons. Mais nous ne réussirons pas vraiment si nous ne parvenons pas à traiter la question de l'Afghanistan dans son ensemble : c'est en rétablissant les bases de la paix dans ce pays que nous pourrons travailler pour les femmes afghanes. Ce combat sera de longue durée car il faudra affronter beaucoup de mentalités, de traditions et de mauvaises habitudes. Mais tel est notre objectif. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

RÉFORME DES LYCÉES

M. le président.

La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le ministre, après une très large concertation, y compris avec les parlementaires et notre commission des affaires sociales, le Conseil supérieur de l'éducation nationale a approuvé la réforme des lycées que vous lui avez présentée. Ainsi, dès la prochaine rentrée, les élèv es de seconde, ainsi que leurs enseignants, verront s'appliquer cette réforme et travailleront autrement.

Je vous poserai, monsieur le ministre, trois questions.

Comment sera organisée la semaine pour les élèves de seconde et sur quelles priorités reposera leur enseignement ? Quels délais comptez-vous vous ménager pour que la réforme s'applique aux autres classes des lycées, c'est-àdire aux classes de première et de terminale ? Enfin, pensez-vous qu'il sera nécessaire de dégager des moyens supplémentaires et, si oui, lesquels ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, cette réforme, qui a été préparée de longue date, se mettra en place suivant les règles. Par exemple, il faut quatorze mois pour modifiés les programmes car on doit permettre aux nouveaux ouvrages d'être disponibles. Par contre, un élément essentiel de la réforme, l'aide à l'élève, sera mis en oeuvre dès la prochaine rentrée. Il en sera de même, pour la majorité des élèves, de l'accès à l'enseignement artistique, qui ne concerne actuellement que 3 % d'entre eux, ainsi que de l'éducation civique, qui fera désormais l'objet d'un contrôle au baccalauréat.

J'ajoute que la filière d'enseignement technologique, d'éducation physique, sera également mise en place à la prochaine rentrée.

Pour le reste, la mise en place s'effectuera aux rentrées de 2000 et de 2001. Je pense en particulier à la rénovation d'une vraie filière littéraire qui ne sera pas contrôlée


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par les mathématiques, avec pour ceux qui seront intéressés, deux langues anciennes, trois langues vivantes et même en plus une langue rare. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Je pense aussi à la rénovation des enseignements scientifiques, notamment des disciplines expérimentales et de l'observation, et à celle de l'enseignement des langues vivantes, avec en supplément l'apport des éducateurs et des assistants d'origine étrangère, échangés avec les pays voisins contre des bourses pour nos étudiants français à l'étranger. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

L es nouvelles technologies seront progressivement mises en place dès l'an prochain.

Tel est le calendrier de la réforme qui sera mise en oeuvre à son rythme, sans que l'on aille plus vite que la musique (Sourires) , mais avec détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE

M. le président.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux.

Monsieur le président, ma question, qui s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au budget, concerne la fraude fiscale.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le Syndicat national unifié des impôts vient de publier un rapport qui évalue la fraude fiscale à plus de 225 milliards de francs en 1997.

Ce chiffre est supérieur aux recettes de l'impôt sur les sociétés de la même année.

Si la fraude fiscale reste difficile à évaluer, il n'en reste pas moins qu'elle représente des sommes considérables.

Depuis un an, la commission des finances travaille sur le problème et son rapporteur, notre collègue Jean-Pierre Brard, a présenté plusieurs mesures qui ont été adoptées lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1999.

Nous avons ainsi voté l'extension de l'obligation du paiement par chèque, le renforcement du contrôle des moyens de transports et des chargements, le développement des échanges d'informations entre les services fiscaux et les organismes de sécurité sociale, l'utilisation par l'administration fiscale du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques.

Cette année, la commission des finances poursuit son travail sur la fraude fiscale à l'échelle internationale et M. Brard se rendra prochainement en mission dans plusieurs paradis fiscaux. (Rires.)

Connaissant sa détermination sur le sujet, la commission des finances aura matière à formuler de nouvelles propositions pour la loi de finances pour 2000.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous poserai deux séries de question.

Premièrement, quand seront effectivement mises en oeuvre les dispositions adoptées par le Parlement en décembre dernier ? Quels sont les moyens que vous allez consacrer à la lutte contre la fraude, sachant qu'il est nécessaire d'éviter toute forme d'inquisition fiscale vis-àvis des contribuables les plus modestes et des associations ?

M. Christian Bataille.

Très bien !

M. Augustin Bonrepaux.

Deuxièmement, quelles sont les possibilités, au niveau international, que les gouvernements explorent actuellement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget, que M. le président Bonrepaux n'a pas l'occasion de rencontrer souvent... (Sourires.)

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Bonrepaux, c'est clair, il n'est pas possible d'estimer véritablement le montant de la fraude fiscale car il s'agit d'une activité occulte. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Bravo !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il est n'est pas moins clair que cette activité est importante.

Je citerai un seul chiffre : les sommes rappelées après contrôle fiscal se sont élevées à 73 milliards de francs en 1997.

La lutte contre la fraude fiscale est un devoir de justice. Mais c'est aussi un devoir de bonne gestion car ce sont autant de ressources qui manquent au budget de l'Etat.

Depuis le mois de juin 1997, sous l'autorité du Premier ministre, Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons renforcé les moyens de lutte contre la grande fraude fiscale, notamment contre la fraude internationale.

C'est ainsi que 224 inspecteurs des impôts ont été « redéployés », comme disent les spécialistes, vers cette activité, que les différentes administrations des douanes, du Trésor et des impôts travaillent davantage ensemble et que, surtout, nous avons à coeur de mettre en oeuvre les dispositions votées à l'initiative de l'Assemblée nationale, sur le rapport remarquable que M. Jean-Pierre Brard avait présenté à la fin de l'année dernière. (Sourires et exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous avons donc la volonté de lutter contre la grande fraude fiscale, mais sans inquisition fiscale, ainsi que vous l'avez fort bien dit. Evidemment, le Gouvernement est prêt à continuer à travailler en ce sens avec la commission des finances, que vous présidez.

Dans le domaine international, la circulation des marchandises et les mouvements de capitaux sont de plus en plus amples. Les possibilités de fraude et d'évasion fiscale sont donc accrues.

Nous travaillons au niveau européen sur deux points : d'une part, sur la mise au point d'un code de bonne conduite pour éviter les pratiques fiscales dommageables et localiser les établissements et, d'autre part, sur un prélèvement à la source sur l'épargne anonyme déposée dans d'autres pays bénéficiant du secret fiscal.

Dans le même temps, nous travaillons avec l'OCDE, qui s'intéresse aussi à la concurrence fiscale dommageable ainsi qu'aux commissions occultes qui sont versées pour l'obtention de marchés publics à l'étranger.

Le Gouvernement est fermement convaincu, comme il le prouve par des actes, qu'il faut lutter contre la grande fraude fiscale, particulièrement dans sa dimension internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)


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TRAITEMENT DES DÉCHETS MÉNAGERS EN ÎLE-DE-FRANCE

M. le président.

La parole est à M. René Rouquet.

M. René Rouquet.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la ministre, le Gouvernement a annoncé l'an passé, sous votre impulsion, une réorientation des plans départementaux de gestion des déchets ménagers afin de permettre la réalisation des objectifs de la loi de 1992 destinée, je le rappelle, à interdire la mise en décharge brute des ordures ménagères au 1er juillet 2002.

J'ai été de ceux qui, dès le départ, ont appelé l'attention des pouvoirs publics sur les risques d'un recours massif de la solution commode du « tout incinération », illustrée dans le Val-de-Marne, secteur fortement urbanisé et déjà largement excédentaire en capacité d'incinération, par le projet aberrant de l'usine de Vitry-sur-Seine.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Madame la ministre, compte tenu de vos nouvelles orientations, dont nous sommes nombreux à nous féliciter, je vous demande de bien vouloir me préciser quelle est l'approche de l'Etat sur ce dossier en Ile-de-France, et plus particulièrement pour ce qui concerne l'incinérateur de Vitry-sur-Seine.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Rouquet, il y avait en effet un problème manifeste en Ile-de-France : les plans départementaux, quand ils existaient, faisaient la part belle à l'incinération et ils étaient extrêmement succincts pour ce qui concernait la prévention à la source, la valorisation des matières, la collecte sélective, la concertation avec les élus et les collectivités locales, donc avec les industriels et les associations. J'ai souhaité qu'ils soient revus afin d'assurer une plus grande cohérence des choix publics.

J'ai demandé au mois de novembre 1997 au préfet de la région Ile-de-France d'évaluer les flux de déchets produits par Paris, qui, malgré les obligations liées à la loi de 1992, ne dispose toujours pas d'un plan départemental de gestion de ses ordures ménagères. (Exclamations sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je lui ai également demandé d'étudier les besoins réels à moyen terme de l'ensemble de la région.

Le 29 avril 1998, une circulaire a été envoyée au préfet, énonçant des éléments concrets d'élaboration et d'évolution des plans. C'est dans ce cadre que devait être évaluée la capacité d'incinération de l'usine de Vitry-surS eine, dont je vous rappelle qu'elle excédait 400 000 tonnes par an, chiffre considérable.

En novembre 1998, la refonte des plans départementaux de l'Ile-de-France a été lancée. Le préfet de région vient de me faire parvenir ses premières conclusions. Il existe un besoin réel d'incinération qu'il évalue à l'échéance de quatre ou cinq ans à 200 000 tonnes tout au plus. L'usine de Vitry-sur-Seine, rejetée par l'ensemble des élus - je pense notamment au conseil régional d'Ilede-France et à la plupart des élus du Val-de-Marne -, apparaît comme non seulement coûteuse, mais également comme surdimensionnée. Elle devrait donc être abandonnée.

Le préfet de région et les préfets des différents départements concernés sont en train de travailler à des solutions alternatives qui permettraient de respecter les objectifs nationaux de maîtrise du recours à l'incinération et de mise à contribution des autres volets prévus par la loi : la prévention à la source, la collecte sélective, la valorisation des matières et le compostage de tout ce qui peut être valorisé sur le plan organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

MANIFESTE DE JEUNES CONTRE L'INSÉCURITÉ

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Le 15 janvier dernier, un jeune, Stéphane Coulibaly, a été tué par un autre jeune en gare de Bouffémont, dans le Val-d'Oise.

Ce crime pourrait être considéré comme une manifestation supplémentaire de la violence urbaine et de l'insécurité. Mais il a suscité deux réactions : le Gouvernement, sous l'égide du Premier ministre, a réuni un conseil de sécurité intérieure, qui a pris les mesures que nous connaissons ; de leur côté, et pour la première fois, des jeunes du Val-d'Oise et du nord des quartiers de Paris se sont réunis et, après avoir discuté et beaucoup réfléchi pendant plus d'un mois, ont publié la semaine dernière un manifeste. M. Bartolone, ministre délégué à la ville, ici présent, a participé avec eux, également la semaine dernière, à une discussion sur une radio.

Je considère, monsieur le ministre de l'intérieur, que ce manifeste est l'un des textes les plus lucides et les plus républicains touchant au domaine de l'insécurité et de la vie en commun.

Je citerai quelques-uns des dix points de ce manifeste pour bien montrer que les questions sont posées fortement, dans un langage très direct.

Premier point : « Ça ne peut plus durer comme ça ! » (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quatrième point : « Rendre la justice, ce devait être merveilleux ! » Cinquième point : « Pas de pouvoir aux crapules ! » Sixième point : « Les "mecs" qui portent des armes ne sont pas des hommes. »

Autant je peux penser, et nous en serons tous d'accord, qu'il était de la responsabilité du Gouvernement de proposer, d'en haut, des mesures contre l'insécurité urbaine, autant je suis persuadé que nous sommes en présence, avec le manifeste, d'un mouvement qui vient « d'en bas ».

Il faut absolument que nous tous - car il s'adresse à nous tous, parlementaires, élus, Gouvernement - y répondions positivement.

Ma question sera double, monsieur le ministre : comment analysez-vous ce manifeste et ce mouvement ? C omment comptez-vous répondre concrètement aux demandes d'états généraux demandés par les jeunes dans tous les départements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur Cochet, j'ai lu avec attention le texte de l'appel que vous avez cité. Je considère qu'il rejoint tout à fait l'idée qui a été proclamée ici même à de nombreuses reprises, et selon laquelle la sûreté est un droit pour tous et l'insécurité une forme particulièrement blessante d'injustice et d'inégalité sociale. Ce texte est réellement parfait.

Je citerai à mon tour quelques phrases : « Circuler sans avoir peur, le droit d'étudier sans crainte : on n'a rien de tout ça ! La première des injustices, c'est ça ! » ; « L'insécurité, on est les premiers à la subir »,...

M. Laurent Dominati.

Bravo !

M. le ministre de l'intérieur.

... et ainsi de suite.

Je pense que cette prise de conscience est très positive.

M. François Vannson.

Des actes !

M. le ministre de l'intérieur.

Elle rejoint, et c'est peutêtre un point sur lequel je me distinguerai un peu de vous, la prise de conscience et l'organisation de nombreux jeunes sur l'ensemble du territoire national sous la forme d'associations, qu'il faut encourager.

Pour ma part, je donne des directives aux préfets...

M. Thierry Mariani.

Encore ?

M. le ministre de l'intérieur.

... pour que, s'ils sont saisis de telles demandes, ils n'hésitent pas à y accéder et à organiser des tables rondes ou des états généraux. (Exclamations sur les bancs groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

Des aides plutôt que du blabla !

M. le ministre de l'intérieur.

Mesdames, messieurs les députés, j'ai donné, dès le mois de janvier, des directives pour que soient créées dans chaque département des commissions départementales d'accès à la citoyenneté (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste) parce que ces jeunes se trouvent effectivement frappés par des inégalités, des handicaps spécifiques, des discriminations qui ne sont malheureusement que trop réelles.

Il est important que les préfets prennent eux-mêmes la tête d'une réflexion et d'une action pour que le droit de ces jeunes à l'embauche, à l'égalité devant le logement, les loisirs, leur soit mieux reconnu. Cela ne passe pas seulement par des états généraux, mais aussi par des politiques visant, par exemple, à faire en sorte que le recrutement soit à l'image de la population, dans la police comme dans d'autres institutions publiques et dans les entreprises, publiques ou privées. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.) Nous devons prendre ce problème à bras-le-corps, d'autant qu'il existe deux millions de jeunes dont l'un des parents au moins est étranger, et mener une politique active, dont tous les ministères sont d'ailleurs partie prenante. Mme la garde des sceaux a en effet envoyé une circulaire aux procureurs (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Yves Nicolin.

Formidable !

M. le ministre de l'intérieur.

... et Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité vient de signer un accord-cadre avec l'ANPE et le FAS. Nous allons donc aller au-devant de ces jeunes dont vous avez justement parlé, monsieur le député, et qui se sont exprimés avec une grande clarté dans ce très beau texte qui mérite d'être connu. Pour ma part, je n'ai jamais confondu ces jeunes avec quelques délinquants multirécidivistes et rien ne m'horripile davantage que de voir assimiler ces derniers aux jeunes dans leur ensemble. Cela n'a rien à voir. Il est temps de le marquer, d'aller à la rencontre de leurs préoccupations, surtout quand elles sont aussi légitimes que celles exprimées ici.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

AVENIR DE L'INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE FRANÇAISE

M. le président.

La parole est M. Roland Carraz.

M. Roland Carraz.

Monsieur le président, mes chers collègues, il y a trente ans, le 2 mars 1969, l'avion supersonique Concorde effectuait son premier vol. Aujourd'hui, l'industrie aéronautique française affiche une santé éclatante, ainsi que le confirment les chiffres publiés hier par le groupement des industries de l'aéronautique française.

Pour autant, il ne faut pas tomber dans une euphorie béate. Nous devons nous poser quelques questions sur l'avenir de notre industrie aéronautique, car des inquiétudes existent à moyen terme. Je veux donc vous interroger, monsieur le ministre de l'équipement, des transp orts et du logement, sur deux points qui me préoccupents. D'abord, sur la baisse, en Europe et en France, des crédits publics destinés à l'investissement en matière de recherche et de développement, alors même que ces crédits augmentent de façon extrêmement importante aux Etats-Unis.

Ensuite, et surtout, la question se pose aujourd'hui de savoir si le successeur de l'avion Concorde sera américain et si le prochain supersonique, qui doit voler en 2005, sera commercialisé en 2010 sous la marque Boeing, de surcroît pour un prix à peine supérieur à celui des avions subsoniques actuels. Le péril qui menace l'industrie européenne en matière de transport aérien est tout à fait semblable à la mutation très profonde que l'arrivée du TGV a introduite dans le transport ferroviaire. Si, demain, on peut voler à Mach 2 à un prix à peine supérieur à celui des vols actuels, il n'y aura plus de transport subsonique sur Paris-New York. Ma question est donc simple. L'industrie aéronautique française prépare-t-elle aujourd'hui correctement son avenir ? L'Europe laissera-t-elle les Américains filer seuls vers le supersonique du

XXIe siècle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Si les questions pouvaient être aussi rapides que le Concorde , nous y gagnerions ! (Sourires.)

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, vous avez souligné à juste titre le succès d'Airbus qui a gagné son p ari, ce qui n'était pas évident, en obtenant des commandes presque équivalentes à celles de Boeing. Ce succès est dû, pour une grande part, aux compétences, au savoir-faire de l'industrie aéronautique française, ainsi qu'à la coopération européenne.

(« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

La constitution d'une société européenne, que les gouvernements de France, d'Allemagne et de Grande-Bretagne ont appelée de leurs voeux en décembre 1997, traduit la volonté de poursuivre cet effort pour relever les nouveaux défis et répondre aux enjeux considérables dans ce domaine.

Le Gouvernement fait tout pour que la France occupe toute sa place en termes de compétences, de partage et de localisation. C'est dans cet esprit que s'inscrit la fusion Aérospatiale-Matra. Il s'agit de développer toutes les potentialités du pôle France en ce qui concerne les bureaux d'études, la recherche, le montage - je pense en particulier à Toulouse.

Dans ce cadre, les objectifs de l'emploi et de la recherche dont vous avez parlés, monsieur le député, sont déterminants. S'agissant de l'avion gros porteur, les industriels sont décidés tout en prenant bien la mesure des potentialités de développement et nous sommes partie prenante du montage à réaliser à Toulouse.

J'ajoute qu'en ce qui concerne l'avion régional - vous ne l'avez pas évoqué, monsieur le député - des potentialités de développement existent.

M. le président.

Monsieur le ministre, veuillez conclure s'il vous plaît ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je terminerai sur le supersonique. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Avec Claude Allègre, nous sommes justement en train de travailler sur le développement d'une nouvelle génération de supersoniques et permettezmoi, en ce trentième anniversaire de la réalisation du Concorde, de saluer la qualité des réalisations françaises dans ce domaine. Il faut les poursuivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

FONCTIONNEMENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président.

La parole est à M. Franck Dhersin.

M. Franck Dhersin.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur le Conseil constitutionnel et les problèmes de son président.

Au mois de juillet dernier, certaines personnalités politiques s'étaient inquiétées du bon fonctionnement de l'institution. A cette époque, la plupart étaient d'accord pour dire qu'en l'état actuel des choses ce fonctionnement n'était pas remis en cause. Mais aujourd'hui, la situation n'a-t-elle pas évolué ? Compte tenu des dernières déclarations fracassantes de Christine DeviersJoncour et des multiples procédures judiciaires en cours, sans remettre en cause la notion de présomption d'innocence, à laquelle je suis très attaché (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), j'aimerais que le Gouvernement donne à la représentation nationale son sentiment sur les conditions de fonctionnement du Conseil constitutionnel. Celui-ci, qui est l'instance suprême de notre édifice juridique et constitutionnel, peut-il fonctionner normalement dans le climat délétère qui prévaut actuellement ? Peut-il prendre en toute sérénité des décisions qui, je le rappelle, ne peuvent donner lieu ni à appel ni à cassation ? Le Conseil constitutionnel continue-t-il à être un organe au-dessus de tout soupçon et une référence pour notre démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je voudrais d'abord rappeler ici que, dans nos institutions, personne, ni au sein du législatif, ni au sein de l'exécutif, n'a le pouvoir de décider s'agissant du président du Conseil constitutionnel. Si le Président de la République le nomme, en revanche il n'a pas le pouvoir de le démettre, et le Gouvernement encore moins, naturellement.

Le Conseil constitutionnel est l'organe suprême, auquel notre Constitution donne même, d'ailleurs, la possibilité de démentir le Parlement.

Son président et ses membres sont les seuls à même de juger de ses conditions de fonctionnement.

Voilà pourquoi le Gouvernement ne fera pas de commentaires sur les commentaires que l'on peut lire dans la presse. C'est la seule réponse que je peux et que je souhaite apporter à votre question, monsieur le député.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

NIVEAU DES IMPÔTS

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nos concitoyens se livrent actuellement à une occupation bien pénible qui est la déclaration de revenus.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Cette année, cette déclaration est accompagnée non pas d'une belle lettre de votre part, monsieur le ministre, mais plutôt de tableaux chiffrés. Et - ô surprise ! - l'un d'entre eux laisse entendre que les impôts baisseraient en 1999 par rapport à la richesse nationale. Monsieur le ministre, n'y a-t-il pas là une publicité mensongère ? (« Si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En effet, les impôts ne vont pas baisser en 1999. Ils vont au contraire augmenter.

M. Thierry Mariani.

Bien sûr !

M. Gilles Carrez.

Et je vais vous en donner trois exemples.

Premier exemple, les familles avec enfant vont payer beaucoup plus d'impôt sur le revenu en 1999, tout simplement à cause de l'abaissement brutal du quotient familial.

M. Pierre Lellouche.

C'est scandaleux !

M. Gilles Carrez.

Deuxième exemple, les propriétaires, qui ont déjà acquitté le droit au bail en 1998, vont le payer une deuxième fois en 1999. C'est la nouvelle technique fiscale socialiste : on fait payer deux fois le même impôt.

C'est d'ailleurs ce que M. le secrétaire d'Etat au budget vient de nous dire en répondant à une question.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

Troisième exemple, la contribution sociale généralisée sera, en 1999, de plus du double de ce qu'elle était en 1997, avant que vous ne gagniez les élections.

Monsieur le ministre, pensez-vous que vous réussirez encore longtemps à faire prendre aux Français des vessies pour des lanternes ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri.

Pour ça, vous êtes experts !

M. Gilles Carrez.

Pensez-vous que les Français sont assez crédules ou assez naïfs pour croire à une baisse d'impôts alors qu'ils vont augmenter ?

M. Jean-Louis Dumont.

Charlatan !

M. Gilles Carrez.

Bref, monsieur le ministre, quand allez-vous enfin passer aux actes ? Quand les impôts vontils diminuer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, vous avez sans doute pris connaissance de la dernière enquête de l'INSEE, parue ce matin, qui montre que la confiance des ménages de notre pays est à un niveau historiquement encore jamais atteint.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Et s'il en est ainsi, c'est sans doute parce que les ménages font plus confiance à ce que dit le Gouvernement qu'à ce que vous essayez de leur dire aujourd'hui.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Je vais reprendre chacun des points que vous avez évoqués.

D'abord, le quotient familial. Comme vous le savez, ainsi que de nombreux parlementaires, mais comme vous avez oublié de le mentionner à tous les Français qui nous écoutent, la modification du quotient familial est le pendant du rétablissement des allocations familiales qui avaient été supprimées l'année précédente.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

Quel culot ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il est donc clair que cela n'a pas ému les ménages car, si cela les avait troublés, ils n'auraient pas, aujourd'hui, comme le mois dernier, comme le mois précédent, manifesté une confiance dans l'avenir et dans le Gouvernement que les gouvernements que vous avez soutenus n'ont jamais connue.

Ensuite, vous avez abordé le droit au bail. Sans doute avez-vous dû sortir un instant pour une affaire personnelle quand Christian Sautter a répondu à cette question,...

M. Franck Borotra.

Il n'a pas répondu ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... car il a clairement précisé qu'un propriétaire-bailleur qui ne changeait pas de locataire n'acquittait évidemment qu'une seule fois le droit au bail. Il n'y a pas de débat là-dessus.

Enfin, vous avez évoqué la CSG. Là, je le dis clairement, nous avons en effet cette année appliqué la CSG aux revenus du capital parce que nous considérons que c'est juste. Je crois me rappeler que vous m'avez un jour interrogé sur un M. Martin que vous connaissiez bien et qui vous rendait visite et que je vous ai déjà répondu sur cette question. C'est un choix politique, cette majorité l'assume : nous voulons que les revenus du travail soient moins imposés et que ceux du capital le soient plus.

M. Yves Nicolin.

Et les retraités ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

C'est le contraire de votre choix ; je comprends que vous le récusiez.

Au total, monsieur le député, la loi de finances, que vous n'avez pas votée, mais que cette majorité a adoptée, a fait baisser les impôts de 16 milliards de francs (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) par des mesures portant sur la taxe professionnelle, la TVA, la fiscalité des transmissions immobilières, par la suppression des taxes sur les cartes d'identité et les permis de conduire, et tous les Français qui ont à payer ces impôts le savent. Nous ferons le bilan à la fin de l'année.

Personne ne sait exactement quel sera le résultat en termes de croissance - nous y reviendrons - et de fiscalité, mais ce qui est sûr, c'est que la loi de finances a organisé plus de baisses d'impôts que vous n'en avez jamais connu,...

M. Jacques Myard.

Et le déficit ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... puisque je vous rappelle que votre exploit en la matière, c'était 80 milliards de francs de TVA supplémentaires par une hausse de deux points ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Ce qui est sûr, monsieur le député, et les Français le savent, c'est qu'il est difficile de faire baisser les impôts, mais l'on y parvient plus facilement en diminuant la TVA ou la fiscalité sur les transmissions immobilières qu'en augmentant la TVA comme vous l'avez fait. Faites comme nos concitoyens : faites confiance au Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

LEVÉE DE L'EMBARGO SUR L'IMPORTATION DE VIANDE BOVINE BRITANNIQUE

M. le président.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire à la santé et à l'action sociale.

La Commission européenne a levé l'embargo sur l'importation de viande bovine en provenance de GrandeBretagne. Le gouvernement français ne s'est pas opposé à cette décision. Pourtant, il est établi de façon certaine qu'il y a un lien entre l'encéphalite spongiforme bovine, appelée couramment maladie de la « vache folle », et une forme nouvelle de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l'homme. Cette maladie a déjà tué trente personnes en Grande-Bretagne. D'autres sont malades et l'on peut craindre de nombreux cas car la période d'incubation est très longue chez l'homme.

Le 3 février dernier, l'Académie nationale de médecine de France a émis un avis très défavorable à la levée de cet embargo. Elle affirme que la reprise des importations de viande bovine du Royaume-Uni est prématurée et pourrait faire courir un risque à la santé publique. Elle rappelle qu'en dix ans il y a eu 180 000 cas d'ESB en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

Grande-Bretagne, dont 38 000 se sont déclarés depuis 1996. Elle ajoute qu'il aurait été préférable d'attendre au m oins l'année 2001 avant d'envisager la levée de l'embargo. L'Académie de médecine émet des doutes sur la surveillance des troupeaux britanniques et sur l'identification des animaux. Dans ces conditions, elle estime que le principe de précaution, qui avait jusqu'alors orienté les choix des pouvoirs publics et qui avait été mis en place par Philippe Vasseur, alors ministre de l'agriculture, aurait dû continuer à s'appliquer.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la viande bovine anglaise va se retrouver dans les cantines scolaires et dans les autres établissements de restauration collective. Avez-vous des certitudes que l'Académie de médecine ne possède pas ? Etes-vous certain de ne pas exposer les Français à un risque sanitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, la France s'est abstenue lors de ce vote,...

M. Yves Nicolin.

C'était courageux !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... pour une raison que je vais vous expliquer. Depuis ces événements et depuis la décision de M. Vasseur, des systèmes de contrôle vétérinaire ont été mis en place au niveau de la Commission européenne. Vous pouvez les juger insatisfaisants, mais ils sont extrêmement précis par rapport à ce qui existait avant. Les rapports qui nous ont été adressés, tant par ces comités vétérinaires auxquels nous participons que par les autorités sanitaires de Grande-Bretagne, nous font penser que les contrôles, en particulier ce qu'on appelle la traçabilité, c'est-à-dire le suivi exact de la bête, son origine, ont été considérablement renforcés.

Certes, nous portons une attention extrême à l'avis de l'Académie de médecine et il a bien entendu été pris en compte, mais il concerne la sécurité sanitaire en général, à laquelle nous demeurons bien entendu très attachés.

Nous pensons donc que les contrôles sont maintenant suffisants au niveau de la Commission. Mais cela ne veut pas dire que nous n'allons pas en effectuer nous-mêmes.

Ainsi, nous allons appliquer une technique qui a été mise en évidence en Grande-Bretagne et qui consiste à faire des recherches sur les amygdales des individus.

Nous allons également continuer à porter notre attention sur les cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob, qui restent toutefois peu importants dans notre pays.

De même, nous devons surveiller de très près les cas de maladies de vache folle qui se déclarent en France. Ils s'expliquent soit du fait d'une contamination croisée avec d'autres animaux, ce qui est grave, soit parce que des farines d'origine animale continuent à être proposées.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

RÉFORMES À L'HÔPITAL PUBLIC

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard.

Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, un vent de fronde souffle sur l'hôpital public, qui se désespère de ne pas voir appliquer la bonne ordonnance d'avril 1996. Toutes les catégories de médecins préparent des mouvements de protestation. Ils sont tous dans l'attente de quelque chose.

Les étudiants attendent la réforme des études médicales.

Les internes attendent les arrêtés qui définiront le statut amélioré que vous leur avez promis. Quant aux praticiens hospitaliers, dans les CHU comme dans les hôpitaux généraux, ils comptent sur de vraies mesures et surtout des échéances.

Monsieur le secrétaire d'Etat, alors que vous nous avez habitués à beaucoup de vivacité (Sourires) , nous sommes surpris par cet immobilisme. Que se passe-t-il ? Pourquoi n'avancez-vous pas ? Qui vous empêche d'agir comme nous savons que vous aimeriez le faire ? (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

On veut des noms !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Qui m'empêche d'agir ? Mais personne ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

D'ailleurs, nous agissons.

Sur les études médicales, mes services et ceux de l'éducation nationale ont travaillé avec les doyens et les enseignants sur les deuxième et troisième cycles. Nous avançons dans la concertation, avec les représentants des étudiants et des internes. Vous le savez, depuis vingt ans, rien n'a été fait pour réformer les études médicales et les médecins eux-mêmes jugent la formation très insatisfaisante. Vous avez donc raison de nous presser. Mais ce n'est pas simple. Il faut beaucoup se parler, nous continuons de le faire. Quant à la réforme de l'internat, elle est en cours.

Par ailleurs, nous recevons les praticiens hospitaliers.

Toutes les catégories de personnes sont surchargées par de nouvelles tâches rendues nécessaires pour renforcer la sécurité sanitaire. Nous voyons comment prendre en charge les préoccupations de chaque catégorie.

Nous avons commencé par les aides-soignants - c'était une urgence. Nous avons également réformé la garde, aspect pénible du métier, en accord avec les urgentistes.

Reste effectivement le statut des praticiens. Nous leur avons fait de nombreuses propositions. Ils pourraient, par exemple, bénéficier d'une plus grande disponibilité, qui leur permettrait de travailler dans plusieurs établissements avec une prime. Par ailleurs, nous envisageons une simplification du concours de praticien hospitalier pour qu'un seul concours ouvre les postes à temps partiel et à temps plein.

Je serais très heureux de vous tenir informé plus souvent, monsieur le député. Sachez, en tout cas, que nous avançons avec les praticiens. Je connais leur impatience, que je trouve bien souvent légitime. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Arthur Paecht.)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

SPECTACLES Discussion, en troisième lecture, selon la procédure d'examen simplifiée d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, du projet de loi portant modification de l'ordonnance no 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles (nos 1376, 1416).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le 9 février dernier, le Sénat a adopté en deuxième lecture le projet de loi portant réforme de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles.

Il y a ajouté deux amendements : l'un de pure coordination avec la loi de finances pour 1999, fixant à 100 % au lieu de 50 %, l'exonération de la taxe professionnelle et proposé par le Gouvernement ; l'autre, présenté par M. Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles, précisant à l'alinéa 6 de l'article 4 du projet de loi la nature juridique des contrats conclus entre un entrepreneur de spectacle établi en France et un entrepreneur de spectacle qui n'y est pas établi. Cet amendement a été adopté malgré l'avis défavorable du Gouvernement.

Les difficultés auxquelles il prétend remédier sont bien connues, et avaient d'ailleurs fait l'objet d'une proposition d'amendement lors de la seconde lecture devant votre assemblée, proposition que votre rapporteur - et je l'en remercie - avait bien voulu retirer à la suite des précisions que je lui avais alors apportées.

Quel était le but poursuivi ? Il s'agissait de déterminer clairement, lorsqu'un entrepreneur de spectacles accueille une troupe ou un orchestre étranger, à qui incombent les responsabilités qui sont celles de l'employeur, notamment en matière de droit du travail et de sécurité sociale.

J'ai eu l'occasion, au nom du Gouvernement, d'exprimer, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, mes réticences sur ces amendements. Mon analyse est que ces modifications rédactionnelles n'apportent pas de solutions aux questions qu'elles prétendent résoudre. L'article 1er de l'ordonnance, tel que les deux chambres l'ont adopté, précise en effet clairement les responsabilités respectives des producteurs, organisateurs de tournées et exploitants de lieu. Ce projet de loi, largement inspiré des travaux des partenaires sociaux, autorise sans ambiguité la prestation de services. Il m'apparaît donc inutile d'y faire sans cesse référence.

Pour autant, aujourd'hui, je demande à votre assemblée d'adopter conforme le texte qui vous est soumis, et ce pour deux raisons.

D'abord, ce texte, amplement et justement enrichi par la représentation nationale, apporte un progrès décisif en matière de contrôle du respect de la législation sociale et je souhaite qu'il soit mis en oeuvre le plus rapidement possible.

Ensuite, l'amendement adopté par le Sénat ne peut, selon les termes du rapporteur, « être désapprouvé ». En effet, il n'aura pas d'incidence négative sur la protection sociale des artistes-interprètes et des techniciens du spectacle vivant.

Je souhaite préciser et développer ce dernier point car il fonde ma détermination.

L'objet de l'article 4 est de préciser les obligations qui incombent aux entrepreneurs de spectacles non établis en France. Ceux-ci, lorsqu'ils viennent présenter un spectacle sur notre territoire, sont placés devant l'alternative suivante : soit ils sollicitent une licence pour la durée des représentations envisagées, ils sont alors soumis à un régime d'autorisation dans les mêmes conditions que les entrepreneurs établis en France ; soit ils effectuent une simple déclaration préalable lorsque le spectacle qu'ils envisagent fait l'objet d'un contrat conclu avec un entrepreneur détenteur de la licence.

Le rapport de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales relève que l'ajout du Sénat est source d'ambiguïtés et formule deux observations. Je tiens à yr épondre dès maintenant dans la mesure où elles rejoignent mes propres préoccupations ainsi que celles de certaines organisations syndicales et professionnelles.

Sur la première observation, la commission indique en premier lieu que « la nature de contrat d'entreprise exclut toute présomption de salariat entre l'entrepreneur français et les artistes étrangers venus temporairement se produire en France à son invitation ». Je pense qu'il convient de confronter cette analyse en fonction de deux types de situations concrètes.

Première situation, le contrat de prestation de services répond aux conditions fixées par l'article L.

341-5 et suivants du code du travail : le producteur établi hors de notre territoire est l'employeur du plateau artistique. Il est tenu de respecter les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité, établies en France, en matière de sécurité sociale, de régimes complémentaires interprofessionnels ou professionnels, de rémunération, de durée du travail et de conditions de travail dans les limites et selon les modalités déterminées par les articles D.

341-5 et suivants du code du travail. L'amendement du Sénat n'apporte pas d'élément nouveau.

Pour autant, cela ne signifie pas que les autres contractants soient exonérés de toutes responsabilités au regard de l'emploi des salariés qui contribuent à la représentation publique du spectacle. En effet, les dispositions de l'article L. 324-14 du code du travail établissent une responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et le presta-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

taire de services lorsque le contrat porte sur une obligation d'un montant au moins égal à 20 000 francs en vue de la fourniture d'une prestation de services.

La solidarité financière du diffuseur qui achète un spectacle est engagée s'il ne procède pas à un certain nombre de vérifications qui ont toutes pour objet de s'assurer qu'il contracte avec une entreprise régulièrement établie dans un Etat étranger et qui détache ses salariés temporairement en France dans des conditions de travail précisément définies.

Deuxième situation : le contrat en cause ne répond pas aux conditions fixées par l'article L. 341-5 du code du travail. Il n'est donc pas un contrat de prestation de services et on peut se trouver en présence d'une situation de fausse sous-traitance susceptible d'être qualifiée de travail dissimulé : travail illégal, prêt de main-d'oeuvre ou marchandage. Devant une telle situation, le juge pourra procéder, comme il l'a toujours fait, à la requalification du contrat d'entreprise en contrat de travail en faisant peser la présomption de salariat sur le cocontractant établi en France. Les parties au conflit pourront clairement alléguer que la loi a été détournée.

Voilà pour la première observation qui a été formulée par la commission.

Dans sa deuxième observation, la commission estime que le « dispositif adopté par le Sénat systématise la qualification de prestation de services, alors que, dans certains cas, pour les solistes notamment, il est tout à fait envisageable que l'entrepreneur français salarie effectivement l'artiste produit par un entrepreneur étranger ».

Sur ce point, je souhaite rassurer votre assemblée : l'entrepreneur de spectacles établi en France conserve toute liberté d'engager des artistes-interprètes de nationalité étrangère.

L'entrepreneur qui engage des artistes, directement ou par l'intermédiaire d'un imprésario ou d'un agent artistique, n'est absolument pas concerné par les dispositions de l'alinéa amendé. Pour conclure des contrats de travail, il devra remplir au moins deux conditions : être titulaire d'une licence de producteur et obtenir, s'il y a lieu, les autorisations de travail pour chacun des salariés qu'il se propose d'engager.

Ces précisions nécessaires me donnent l'occasion de revenir sur le fait que le maintien de la réglementation de la profession d'entrepreneur de spectacles vivants et sa réforme répondent à un engagement pris par l'Etat de mieux encadrer le régime d'indemnisation des intermittents du spectacle. Le projet de loi donne les moyens d'intervenir, dans l'hypothèse où un entrepreneur tenterait de s'abriter derrière la qualification juridique des contrats d'entreprise pour prétendre s'exonérer de toute responsabilité d'employeur en la transférant sur des tiers insolvables ou sur les salariés eux-mêmes.

Je rappelle que c'est le respect du droit social et de la propriété littéraire et artistique qui conditionne l'octroi des licences et des subventions publiques. Les administrations et organismes chargés du contrôle de l'application du droit du travail, de la sécurité sociale et de la propriété littéraire et artistique sont autorisées à communiquer aux directeurs régionaux des affaires culturelles les éléments d'informations qui leur seront utiles pour instruire les procédures de retrait de la licence d'entrepreneur de spectacles vivants.

De plus, le projet de décret d'application de l'ordonnance en préparation précisera les mentions qui devront figurer obligatoirement dans les contrats visés à l'alinéa 6 de l'article 4 de l'ordonnance, en vue de faciliter les contrôles de la mise en oeuvre des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 341-5 du code du travail.

Enfin, comme je m'y étais engagée lors du précédent débat devant vous, une circulaire conjointe du ministère de la culture et de la communication et du ministère de l'emploi et de la solidarité apportera toutes les précisions utiles pour l'application de ces dispositions.

Puisque nous arrivons au terme du travail parlementaire, je veux profiter de ce débat pour remercier les organisations professionnelles et syndicales du spectacle vivant qui ont su faire preuve, au cours de ces derniers mois, de leur sens des responsabilités dans le domaine de la négociation collective.

Pour sa part, l'Etat s'est engagé à réformer la réglementation de la profession d'entrepreneur de spectacles pour préciser et encadrer les responsabilités de chacun des intervenants, et je mettrai en oeuvre toutes les mesures à ma disposition pour faire respecter la lettre et l'esprit de cette réforme.

Le débat parlementaire a été extrêmement riche et le projet a recueilli la quasi-unanimité de la représentation nationale.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous prie d'excuser la longueur et le caractère un peu technique des précisions apportées à propos de l'article 4, qui n'est pas, loin s'en faut, le coeur du débat.

Cependant, des explications me paraissaient nécessaires pour écarter toute incompréhension sur la portée générale du texte qui apporte fondamentalement une protection renforcée aux artistes de ce pays.

Je vous remercie vivement, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, pour le travail que vous avez accompli et pour le soutien que vous m'avez apporté ainsi que, par mon truchement, à l'ensemble d'une profession essentielle à la vie culturelle de ce pays. Il est désormais temps de disposer d'une législation rénovée, simplifiée et, surtout, adaptée aux évolutions du spectacle vivant, tout en conservant le caractère protecteur qui a permis, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, le 5 mars 1998, lors de la première lecture du projet, de sauvegarder un grand nombre de salles précieuses pour le patrimoine architectural et la mémoire de ce secteur d'activité.

Je vous demande donc, mesdames, messieurs les députés, de bien vouloir adopter ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préalable, je crois utile de rappeler, compte tenu de l'actualité, que le Gouvernement s'était engagé, dans le cadre des a ccords négociés par M. Pierre Cabanes pour la reconduction du régime particulier d'assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle, à présenter, dans le courant de l'année 1997 - ce qui a d'ailleurs été fait un projet de loi réformant l'ordonnance de 1945 afin

« de fournir au spectacle vivant un cadre juridique rénové, maintenant le principe d'une licence d'entrepreneur de spectacles délivrée par l'Etat et prévoyant la mise en oeuvre de moyens de contrôle efficaces et de sanctions dissuasives ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

Vous avez d'ailleurs vous-même, madame la ministre, intégré cette dimension de notre actuel travail législatif lorsque vous avez réaffirmé avec détermination la volonté d u Gouvernement de pérenniser ce qu'on appelle communément le statut des intermittents du spectacle, il y a juste un mois, à l'occasion d'une séance de questions au Gouvernement.

Nous sommes en effet, aujourd'hui, dans une situation de réelle précarité, puisque l'accord signé par les partenaires sociaux, le 20 janvier dernier, ne vise qu'à proroger jusqu'à la fin de l'année 1999 le régime spécifique d'assurance chômage des intermittents du spectacle élaboré, rappelons-le, en 1967.

Déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en septembre 1997, adopté en deuxième lecture ici même le 17 juin 1998, le projet de loi portant modification de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles n'a été examiné que le 9 février dernier, en deuxième lecture, par le Sénat. Je tiens, ici, à regretter, comme l'a fait mon homologue du Sénat, ce délai excessif imposé à la Haute Assemblée pour examiner, en deuxième lecture, un texte sur lequel ne subsistaient plus de divergences majeures.

Après la deuxième lecture effectuée par l'Assemblée nationale, cinq articles demeuraient en discussion. Quatre ont été adoptés sans modification par le Sénat : l'article 2 définissant les catégories d'entrepreneurs de spectacles, l'article 6 relatif aux spectacles occasionnels, l'article 12 bis portant sur les incompatibilités entre la fonction d'agent artistique et la profession d'entrepreneur de spectacles et l'article 13 fixant le dispositif transitoire. Deux articles ont, en revanche, fait l'objet d'un amendement : l'article 4 à l'initiative du Sénat et l'article 12, pour coordination, sur proposition du Gouvernement.

J'évoque très rapidement l'article 12, dont la nouvelle rédaction vise à prendre en compte l'article 113 de la loi de finances pour 1999, qui a autorisé les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre à exonérer totalement de taxe professionnelle certaines entreprises de spectacles auxquelles elles souhaitent apporter un soutien tout particulier, alors que l'article initial limitait cette possibilité d'exonération à 50 %. Le problème est un peu plus compliqué pour l'article 4 et mérite qu'on s'y attarde plus longuement.

En effet, à cet article, le Sénat a adopté, malgré l'avis d éfavorable du Gouvernement, vous l'avez rappelé, madame la ministre, un amendement qui précise la nature juridique des contrats passés entre un entrepreneur de spectacles non établi en France et non titulaire d'un titre jugé équivalant à la licence et un entrepreneur de spectacles détenteur d'une licence correspondant à l'une des trois catégories. Un tel contrat devient ainsi « un contrat de prestation de services au sens de l'article L. 341-5 du code du travail ». Cette nouvelle rédaction reprend assez largement le contenu d'un amendement que j'avais présenté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Lorsqu'il organise la venue en France d'une formation étrangère normalement constituée, telle qu'un orchestre ou un ballet, un entrepreneur de spectacles ne devient pas automatiquement l'employeur de chaque artiste étranger régulièrement salarié par cette formation. Cela est notamment le cas pour de très nombreux festivals en France.

Or l'application de la présomption de salariat établie par l'article L. 762-1 du code du travail, dès lors qu'un contrat est passé avec un artiste ou un groupe d'artistes étrangers, peut aboutir à ce que l'entrepreneur français soit tenu au paiement en France de charges sociales pour ces artistes.

Pour éviter ces charges financières indues, difficiles à assumer pour nombre de festivals et sources de contentieux avec les organismes sociaux comme l'URSSAF et le GRISS, j'avais donc souhaité préciser que, dans le cadre du contrat passé avec l'entrepreneur de spectacles étranger, l'entrepreneur de spectacles titulaire d'une licence pouvait agir soit en qualité d'employeur, soit en qualité de prestataire de services. En séance publique, j'avais cependant été amené à retirer mon amendement après votre engagement, madame la ministre, de préparer, en concertation avec Mme Martine Aubry, une circulaire visant à éviter un double paiement de cotisations sociales et des situations d'iniquité manifeste.

Le Sénat a souhaité reprendre cette question et a fait le choix de régler dans la loi les problèmes posés par cette situation à de nombreux petits festivals. Un amendement, qualifiant de contrats de prestation de services ceux passés entre un entrepreneur français titulaire de la licence et un entrepreneur de spectacles étranger, a été adopté. Cette nature de contrat d'entreprise exclut donc toute présomption de salariat entre l'entrepreneur français et les artistes et techniciens étrangers venus temporairement se produire en France à son invitation. En se référant à l'article L. 341-5 du code du travail, le dispositif permet néanmoins de garantir pleinement les droits sociaux de ces personnes.

Tout en ne pouvant désapprouver cet amendement, qui reprend la préoccupation que j'avais exprimée au nom de la commission, lors de notre examen en deuxième lecture, je regrette cependant que le dispositif adopté par le Sénat systématise la qualification de prestation de services, alors que, dans certains cas, pour des solistes notamment, il est tout à fait envisageable que l'entrepreneur français salarie effectivement l'artiste produit par un entrepreneur étranger.

En effet, si, dans l'esprit de nos collègues du Sénat, cet amendement vise essentiellement à régler les problèmes rencontrés par des petits festivals, qui sont des diffuseurs au sens des définitions figurant à l'article 2 du projet de loi, sa rédaction concerne tous les entrepreneurs de spectacles, quel que soit le type de licence dont ils sont détenteurs, et peut donc prêter à confusion dans les cas où le contrat passé avec l'entrepreneur étranger est un contrat de coproduction effective entraînant un partage de la responsabilité d'employeur.

Malgré ces réserves, la commission a souhaité partager le sentiment du Gouvernement selon lequel l'adoption définitive de cette réforme, élément essentiel du renforcement des droits des salariés du spectacle et de la lutte contre la précarité de leur situation, est désormais une nécessité, après presque une année d'examen parlementaire. Ce texte, attendu depuis plusieurs années par les artistes et les professionnels du spectacle, permettra en effet de moderniser et de simplifier une réglementation devenue obsolète et totalement inadaptée aux enjeux et aux besoins du spectacle vivant d'aujourd'hui.

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à l'unanimité, demande à l'Assemblée nationale d'adopter, sans modification, le projet de loi modifié par le Sénat en deuxième lecture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l'examen d'un projet de loi qui, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, est très attendu par les professionnels du spectacle. En effet, il concrétise le protocole d'accord de la mission confiée par le précédent gouvernement à M. Pierre Cabanes quant au renforcement des droits des intermittents du spectacle et à la lutte contre la précarité et le travail au noir. Par ailleurs, il précise les catégories d'entrepreneurs de spectacles et simplifie le régime des licences, qui en avait bien besoin compte tenu de l'évolution depuis 1945 de ce que l'on appelle le spectacle vivant.

On peut toutefois regretter qu'il ait fallu près d'une année pour arriver à l'adoption définitive d'un texte relativement consensuel.

M. Patrick Bloche, rapporteur.

C'est vrai !

M. Bruno Bourg-Broc.

Je joins donc ma voix à celle des rapporteurs - Philippe Nachbar au Sénat et Patrick Bloche à l'Assemblée nationale - qui ont déploré cette situation avant moi.

Néanmoins, les apports successifs de l'Assemblée nationale et du Sénat ont permis d'améliorer et de préciser la rédaction du texte, et notre commission des affaires culturelles, familiales et sociales, lors de sa réunion du 3 mars, a adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

Les améliorations portent d'abord sur les spectacles occasionnels. Il était en effet nécessaire de permettre aux groupements d'artistes amateurs d'organiser des spectacles sans supporter trop de contraintes administratives. Les responsables des troupes d'amateurs pourront donc faire venir des artistes professionnels pour participer à six spectacles par an sans avoir besoin d'une licence. C'est bien.

Les améliorations concernent également le régime d'incompatibilité entre les activités d'agent artistique et d'entrepreneur de spectacles vivants. Seule l'activité d'exploitant est compatible avec celle d'agent artistique, et le cumul entre agent artistique et diffuseur est autorisé. Des règles d'incompatibilité trop strictes, outre le fait qu'elles n'apparaissaient pas justifiées, auraient pénalisé les agents artistiques français par rapport à leurs homologues étrangers.

Le Sénat a enfin tenu à régler le problème que rencontrent les organisateurs de festivals lorsqu'ils font venir des orchestres ou des spectacles étrangers. Il s'agit de préciser la nature du contrat qui lie un entrepreneur de spectacles étranger et un entrepreneur de spectacles français de façon que ce dernier ne soit pas considéré comme l'employeur présumé des artistes étrangers et n'ait pas à supporter les charges sociales.

S'agissant des intermittents du spectacle - 79 000 d'après les statistiques de votre ministère -, si la médiation de M. Cabanes avait permis de régler la crise intervenue en 1997 lors du renouvellement des annexes 8 et 10 de l'UNEDIC, la question est de nouveau d'actualité avec les vives réactions au protocole d'accord signé le 20 janvier dernier. L'intervention d'Ariane Ascari lors de la cérémonie des Césars de l'an dernier et l'appel des 101 réalisateurs démontrent en tout cas, pour le moins, un défaut de concertation.

L'attente est grande, madame la ministre. Au-delà de ce texte que nous examinons aujourd'hui et en faveur duquel le groupe RPR votera, nous espérons que vous pourrez y répondre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Hage.

M. Georges Hage.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à confirmer, sans la détailler de nouveau, l'appréciation positive que le groupe communiste porte sur ce texte dont le but est de rénover l'ordonnance sur les spectacles du 13 octobre 1945.

Ce texte de loi était attendu depuis longtemps par les professionnels concernés, disions-nous lors de la première lecture, il y a déjà plus d'un an. Nous ne pouvons donc que souhaiter son adoption définitive et la publication rapide des décrets d'application.

Si l'ordonnance de 1945 s'était vue au fil des ans frappée d'obsolescence, nous ne pouvons que réaffirmer notre satisfaction de voir maintenu un cadre juridique à l'exercice de la profession et favorisé l'avenir du spectacle vivant.

L'exploitation d'une salle de spectacle ne peut être considérée comme une activité économique semblable aux autres, non plus que les productions et manifestations artistiques des marchandises.

Nous avions déjà noté en première lecture l'importance de l'enjeu : protéger les salles, réglementer le statut d'entrepreneur de spectacles, faire mieux respecter la législation du travail. Ces préoccupations doivent, au même titre que le soutien à la création et à la diffusion des oeuvres, participer de toute politique culturelle digne de ce nom.

Depuis un an, la nécessité d'une action publique forte dans le domaine de la culture n'a fait que se confirmer.

La prétention ultralibérale d'imposer partout la loi de la rentabilité financière a été mise en échec dans l'affaire de l'AMI grâce à la mobilisation des artistes, des citoyens et à la position ferme de la France. Mais pour que les industries culturelles échappent à l'emprise de cette prétention omniprésente, la vigilance doit demeurer de mise.

Nous tenons toutefois à exprimer notre inquiétude au sujet du statut des intermittents du spectacle.

Dans le secteur de l'audiovisuel, le nouveau régime d'indemnisation du chômage risque, en l'absence d'un accord collectif digne de ce nom, d'avoir des effets pervers en poussant des salariés en situation précaire à quitter la profession et en rendant problématique la possibilité pour les petites maisons de production de réaliser leurs premiers films d'auteurs. Sur ce dossier qui concerne votre ministère, madame la ministre, comme celui du travail, nous souhaitons une intervention efficace du Gouvernement.

Nous nous étions fait l'écho en première lecture des inquiétudes du secteur associatif. Celles-ci ont certes été apaisées, mais très partiellement. Les dispositions que nous allons définitivement adopter garantissent-elles effectivement la neutralité fiscale ? Après la tenue des dernières assises de la vie associative, un texte de loi améliorant le statut juridique et fiscal des associations d'intérêt général porteuses d'un projet éducatif culturel ou social ne s'impose-t-il pas, afin d'assurer la reconnaissance de leur utilité économique et sociale ? Nous tenons à l'existence, dans le domaine culturel, d'un vaste secteur associatif capable de faire vivre des démarches innovantes en termes d'éducation populaire,


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de favoriser la rencontre entre les oeuvres et le public, voire la constitution de passerelles entre spectacle professionnel et pratiques culturelles amateurs.

Sous bénéfice de ces quelques observations, nous souhaitons l'adoption de ce texte déjà approuvé par le Sénat et sa prompte application.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Madame la ministre, votre texte est très largement consensuel : il a été approuvé par le Sénat, à quelques réserves près ; il a reçu l'approbation en première et deuxième lectures de pratiquement tous les groupes de notre assemblée. Je comprends du reste la position de mes collègues RPR et UDF : ce projet constitue incontestablement un progrès par rapport à l'ordonnance de 1945, texte archaïque s'il en était.

P ermettez-moi néanmoins, comme en deuxième lecture, de faire entendre une voix dissonante dans cette discussion. En effet, malgré le temps de réflexion qui nous a été imparti pour examiner ce texte, je ne parviens pas à me persuader de l'utilité de maintenir une licence pour autoriser l'exercice de la profession d'organisateur ou d'entrepreneur de spectacles.

Entendons-nous bien : sur le fait qu'un régime d'assurance chômage spécifique est nécessaire pour les intermittents du spectacle, il n'y a rigoureusement aucun doute. De même, la législation sociale, le droit du travail, dans toutes leurs implications, doivent être respectés dans ce secteur comme dans d'autres, c'est évident. Nous n'avons aucune espèce de désaccord là-dessus. Ajoutons que le respect du droit du travail me paraît plus facile à contrôler dans les spectacles que dans d'autres activités économiques qui peuvent être clandestines, tel le textile dans le Sentier. Le spectacle, par définition, est public, donc connu des administrations chargées du contrôle des différentes législations applicables.

La question n'est donc pas là. Elle est de savoir si, en cette fin du XXe siècle, à l'aube du troisième millénaire, il est nécessaire que des bureaux se préoccupent de savoir si telle ou telle entreprise est autorisée à organiser un spectacle. La liberté, dans le respect évidemment de la loi, doit, me semble-t-il, être de mise, là comme ailleurs, et probablement même là plus qu'ailleurs. Le spectacle, les arts en général, appellent la liberté et non le maintien d'une législation à mes yeux surannée, archaïque et totalement dépassée.

Aussi, le groupe Démocratie libérale, que je représente ici, votera contre ce projet de loi, comme il l'avait fait lors de la précédente lecture.

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

Vous avez, madame la ministre, suivie par notre rapporteur, parfaitement rappelé combien ce texte était attendu depuis longtemps, afin de remplacer une ordonnance très ancienne, que l'on pourrait qualifier de décalée et qui ne correspondait plus aux réalités nouvelles de ce que l'on appelle le spectacle vivant.

M. Georges Hage.

Décalée vaut mieux qu'archaïque.

M. Christian Kert.

J'ai bien dit décalée, mon cher collègue.

C'est pourquoi le groupe UDF, à la différence - c'est exceptionnel - de nos collègues du groupe DL, se félicite de ce projet, presque identique, du reste, à celui qu'avait proposé notre ami Philippe Douste-Blazy, votre prédécesseur à la rue de Valois. Peut-être cette similitude nous incite-t-elle à d'autant plus d'enthousiasme pour appeler à le voter.

M. Edouard Landrain.

Très bien !

M. Christian Kert.

Ce projet vise à professionnaliser la qualification d'entrepreneur de spectacle, dans un secteur essentiel de notre paysage culturel, au regard de la diversité des structures et du nombre de salariés concernés.

Au regard de son objectif de professionnalisation du spectacle vivant, ce projet de loi suit deux axes majeurs aux yeux du groupe UDF : la modification du régime juridique de la licence afin de prendre en compte les évolutions des dernières années - et vous avez fort justement rappelé les enrichissements apportés par le Sénat à cet égard - et le contrôle du respect par les entrepreneurs de spectacles de leurs obligations en matière de droit du travail et de protection sociale. Notre collègue François Goulard a du reste lui-même appuyé, si j'ai bien compris son message, la simplification et la rationalisation du régime des licences.

Le projet généralise d'abord le principe de la licence qu'il étend à toutes les formes de spectacle vivant ; désormais, seules les pratiques amateurs en seront exclues.

Toutes les structures, qu'elles soient privées ou publiques, seront soumises au même régime. Les six catégories de licence instaurées en 1945 ne correspondaient plus, c'est évident, aux pratiques artistiques actuelles ; un toilettage s'imposait. En instaurant trois licences différentes - exploitant de salles, producteur et diffuseur -, le projet de loi apporte une simplification très positive.

Votre texte tend ensuite à mieux faire respecter les obligations sociales des entrepreneurs de spectacles, à professionnaliser le secteur et par voie de conséquence à renforcer le statut des artistes. C'est là une excellente chose, car nous n'ignorons pas que le spectacle est un milieu où prédomine l'intermittence de l'emploi, ce qui implique souvent, pour le plus grand nombre des artistes en tout cas, des situations de forte précarité.

Le texte de l'ordonnance de 1945 ne permettait pas de faire respecter ces obligations pourtant fondamentales pour la protection de l'artiste. Nulle part il n'y était fait allusion au respect du droit social, tant et si bien que ses règles n'étaient en fait pas appliquées. Désormais, il sera interdit de verser des subventions publiques aux entreprises qui ne respecteraient pas le droit du travail, les règles de la protection sociale et la propriété littéraire et artistique. En cas de manquement des sanctions sont prévues, qui pourront aller jusqu'au retrait de la licence.

Au-delà d'une meilleure transparence financière, toujours souhaitable, ce texte représente avant tout un progrès dans la protection des salariés de ce secteur. Aussi le groupe UDF le votera-t-il en troisième lecture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Le texte ne fait l'objet d'aucun amendement.

J'en donne lecture.

Article 4

M. le président.

« Art. 4. L'article 4 de la même ordonnance est ainsi rédigé :

« Art. 4. - L'exercice de l'activité d'entrepreneur de spectacles vivants est soumis à la délivrance, par l'autorité administrative compétente, aux personnes physiques visées à l'article 5 d'une licence d'une ou plusieurs des catégories mentionnées à l'article 1er

-1.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

« Les entrepreneurs de spectacles vivants ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen peuvent exercer, sans licence, leurs activités en France lorsqu'ils produisent un titre jugé équivalent par le ministre chargé de la culture.

« La licence d'entrepreneur de spectacles vivants est délivrée pour une durée de trois ans renouvelable lorsque l'entrepreneur de spectacles est établi en France.

« Lorsque l'entrepreneur de spectacles n'est pas établi en France et n'est pas titulaire d'un titre jugé équivalent, il doit :

« soit solliciter une licence pour la durée des représentations publiques envisagées ;

« soit adresser une déclaration à l'autorité compétente un mois avant la date prévue pour les représentations publiques envisagées. Dans ce deuxième cas, le spectacle fait l'objet d'un contrat conclu avec un entrepreneur de spectacles détenteur d'une licence correspondant à l'une des trois catégories mentionnées à l'article 1er -1. Ce contrat est un contrat de prestation de services au sens de l'article L.

341-5 du code du travail.

« La délivrance de la licence est subordonnée à des conditions concernant la compétence ou l'expérience professionnelle du demandeur.

« La licence ne peut être attribuée aux personnes ayant fait l'objet d'une décision judiciaire interdisant l'exercice d'une activité commerciale.

« La licence peut être retirée en cas d'infraction aux dispositions de la présente ordonnance et des lois relatives aux obligations de l'employeur en matière de droit du travail et de sécurité sociale ainsi qu'à la protection de la propriété littéraire et artistique.

« Les administrations et organismes concernés communiquent à l'autorité compétente pour délivrer la licence toute information relative à la situation des entrepreneurs de spectacles au regard des obligations mentionnées à l'alinéa précédent.

« Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application du présent article. Il fixe notamment le délai à l'expiration duquel la licence est réputée délivrée ou renouvelée. »

Article 12 (Pour coordination)

M. le président.

« Art. 12. - Le 1o de l'article 1464 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 1o Dans la limite de 100 %, les entreprises de spectacles vivants relevant des catégories ci-après :

« les théâtres nationaux ;

« les autres théâtres fixes ;

« les tournées théâtrales et les théâtres démontables exclusivement consacrés à des spectacles d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique ;

« les concerts symphoniques et autres, les orchestres divers et les chorales ;

« les théâtres de marionnettes, les cabarets artistiques, les cafés-concerts, les music-halls et cirques à l'exclusion des établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances.

« L'exonération ne bénéficie pas aux entreprises donnant des représentations visées au 2o de l'article 279 bis.

« La délibération peut porter sur une ou plusieurs catégories. Les délibérations prises par les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre avant l'entrée en vigueur de la loi no du portant modification de l'ordonnance no 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles demeurent valables tant qu'elles ne sont pas rapportées ou modifiées. »

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

3 ÉPARGNE ET SÉCURITÉ FINANCIÈRE Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière (nos 1244, 1420).

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le texte que je vous présente aujourd'hui et qui occupera les discussions de l'Assemblée nationale durant les jours à venir a trait à l'épargne et à la sécurité financière. Il touche tout à la fois à la réf orme du statut des caisses d'épargne et, plus généralement, aux questions liées à la prévention et à la garantie dans le domaine de l'épargne.

Je commencerai par rappeler en quelques mots le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi qui vient achever un processus auquel l'Assemblée nationale a été très largement associée, en premier lieu par le rapport de Raymond Douyère, que j'ai plaisir à saluer, consacré à la première partie du texte. Après avoir procédé à des centaines d'auditions, M. Douyère a analysé, me semble-t-il, l'ensemble de ce qu'il était possible de faire. Son rapport, dans lequel il plaide pour une modernisation du statut des caisses d'épargne, constitue à l'évidence la sève dont le projet de loi s'est nourri.

Mais votre assemblée a également été associée à l'élab oration de ce projet de loi par le biais du débat qui s'est déroulé ici même, le 17 février dernier, sur l'avenir du secteur financier. Il a fait apparaître, comme il est normal, un certain nombre de divergences sur l'analyse du


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passé et sur le rôle de l'Etat dans la période à venir, mais aussi - et cela a été pour moi une heureuse surprise d'assez nombreuses convergences sur les choix du Gouvernement. Cela ne signifie évidemment pas que tout le monde ait été d'accord sur tout, loin de là ; mais j'ai trouvé ce débat plutôt apaisé et enrichissant. Ce texte vient donc achever ce processus.

Nous avions ensuite besoin d'un projet de loi de ce genre, car celui-ci s'inscrit dans un environnement qui bouge de plus en plus rapidement. Chacun peut avoir ici l'opinion qu'il souhaite sur le phénomène de mondialisation - certains parlent de globalisation financière - selon ses convictions, ses analyses, son tempérament. Chacun peut l'apprécier de façon différente, le redouter ou le souhaiter. Mais personne ne peut se dispenser de le prendre en compte, et dans le domaine financier sans doute moins que dans tout autre. La mondialisation n'est pas une perspective, ce n'est même pas un processus : c'est une réalité dans laquelle nous vivons. Et nous devons, sous peine d'en payer le prix, tenir compte des conditions dans lesquelles l'activité financière s'exerce dorénavant et s'exercera sans doute davantage encore dans les années qui viennent.

Enfin, troisièmement, ce projet de loi est une partie d'un tout. Nous allons discuter de cette partie. Le Parlement va l'amender et j'espère que, au bout du compte, il l'approuvera.

Le Gouvernement et le Parlement ont engagé, depuis plusieurs mois, différentes actions visant à renforcer le secteur financier pour le mettre au service de la croissance et à protéger les épargnants. Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre aujourd'hui est un des éléments d'un ensemble de mesures qui se sont étalées sur une assez longue période.

Ainsi, s'agissant du renforcement du secteur financier, au cours des vingt et un mois qui viennent de s'écouler, une stratégie nouvelle a été redonnée à un certain nombre d'entreprises, soit parce qu'il fallait régler des dossiers qui avaient été ouverts sous la législature précédente et qui n'avaient pas été clos, notamment pour respecter des engagements que la France avait pris vis-àvis de l'Union européenne. Je pense à la mise sur le marché du CIC ou du GAN, à la réforme du CDR et au sauvetage - en cours - du Crédit lyonnais. A l'inverse, nous avons refusé la privatisation de la CNP, car aucun engagement n'obligeait la France à la réaliser. Bref, les structures financières ont été éclaircies.

S'agissant de la protection de l'épargnant, la réforme des taux réglementés, le réaménagement des PAP à annuités progressives, l'institution d'un droit au compte dans la loi de lutte contre l'exclusion, les nouvelles dispositions de lutte contre le surendettement, sont autant de dispositions qui viennent encadrer ou éclairer le projet de loi dont nous aurons à débattre dans les heures qui viennent.

Le présent projet de loi répond d'ailleurs à la même logique : renforcer le secteur financier - j'ai la conviction profonde qu'il renforce les caisses d'épargne - et organiser la protection des épargnants et déposants - c'est ce à quoi, à l'évidence, s'emploie sa deuxième partie.

Venons-en au texte lui-même. Il comprend deux parties qui ont donné lieu à deux rapports dont je veux souligner la très grande qualité. C'est M. Raymond Douyère qui s'occupe de la partie concernant les caisses d'épargne - que j'ai déjà évoquée - et M. Dominique Baert de la partie concernant la sécurité financière.

Malgré sa présentation en deux parties, le projet de loi présente une unité claire. Ce ne sont pas deux parties de nature différente, dont la première serait plus politique et la deuxième plus technique. Les deux parties sont très importantes et auront des conséquences très concrètes et très directes sur la vie quotidienne de nos concitoyens dans leurs actes financiers ou leurs actes d'épargne.

Ce ne sont pas non plus deux parties qui ont un contenu différent, puisque - et c'est ce que je veux essayer de vous montrer brièvement car la discussion générale sera longue - dans chacune, on peut retrouver la même préoccupation du Gouvernement : le choix du mouvement, de la solidarité et de l'efficacité.

Commençons par le choix du mouvement, et, puisque le texte s'ouvre sur elles, par le choix du mouvement pour les caisses d'épargne.

Les caisses d'épargne constituent incontestablement une réussite de notre système financier. Elles forment un grand réseau, le grand réseau de l'économie sociale qui, depuis près de deux siècles, est au service de l'intérêt général et, qui, chacun le reconnaîtra volontiers, a joué un rôle essentiel dans la protection de l'épargne populaire et dans le financement du logement social dans notre pays.

Aujourd'hui, elles sont à un tournant de leur histoire et je suis convaincu qu'il faut les aider à le négocier.

En effet, ce réseau souffre de plusieurs handicaps bien connus, qui ont été plusieurs fois mis en lumière : d'abord, un isolement statutaire, une sorte de ghetto juridique qui fait qu'il est le seul de son espèce à appartenir à la nation mais sans que son statut ait jamais été clairement défini, ce qui lui rend difficile tout contact ou toute activité commune avec d'autres structures ; ensuite, des parts de marché trop faibles et des résultats à l'évidence insuffisants - la rentabilité sur fonds propres des caisses d'épargne qui est inférieure à 3 % est la plus faible de l'ensemble des réseaux sur la place ; enfin, une organisation déficiente puisqu'il y a séparation des fonctions décisionnelles - le CENCEP - et des fonctions opérationnelles - la caisse centrale. A l'évidence, tous ces handicaps entravent le développement des caisses d'épargne, les empêchent de jouer pleinement leur rôle qui est de servir l'intérêt général. L'enjeu est simple : l'adaptation à l'Europe, à un système financier qui est beaucoup plus large et à un secteur bancaire dont on constate tous les jours qu'il est en pleine évolution. Par quel miracle pourrait-on espérer que ce réseau, s'il restait dans la situation particulière qui est la sienne et si nous ne le mettions pas en mesure de se renforcer, puisse dans dix ans ou quinze ans continuer à jouer le rôle qui doit continuer à être le sien ? Dans ce cadre, le Gouvernement a écarté deux voies.

La première aurait été le statu quo ; pour des raisons économiques, il fallait l'écarter. Il aurait conduit, à terme, à la marginalisation du réseau des caisses d'épargne et si un jour, la concurrence devenait plus vive encore, il lui serait extrêmement difficile de continuer à assurer sa mission.

Il fallait écarter aussi, et non plus pour des raisons économiques, mais par choix politique, une banalisation de ce réseau qui, pour moi, est tout à fait inacceptable.

Ç'aurait été une sorte d'échec, car on aurait nié la spéc ificité des caisses d'épargne, ses forces, ses caractéristiques particulièrement attractives. Il fallait donc trouver une solution d'évolution qui ne soit ni le statu quo ni la banalisation.


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Entre ces deux refus, le Gouvernement a fait, à la suite de Raymond Douyère, le choix d'un statut coopératif qui - je le pense, mais nous aurons l'occasion d'en débattre répond le mieux aux faiblesses des caisses d'épargne, qui leur permettra de nouer des alliances avec d'autres partenaires, notamment avec les caisses d'épargne d'autres pays de l'Union européenne car, dans une Europe financière qui se construit, il y a là des liens privilégiés à créer, à condition que les formes juridiques le permettent.

Ce statut est aussi le plus adapté à l'histoire des caisses d'épargne, le plus proche de la raison de leur apparition au siècle dernier.

Enfin, il est conforme aux valeurs que la majorité mais pas seulement la majorité - tient à privilégier, c'està-dire les valeurs de la coopération, selon le principe « un homme, une voix ».

Il est donc clair que, pour les caisses d'épargne, il fallait faire le choix du mouvement.

De la même manière, la deuxième partie du projet de loi fait aussi le choix du mouvement pour la sécurité financière.

Tout le monde en convient, la situation actuelle n'est pas satisfaisante.

Plutôt qu'un long discours, une énumération rapide des sinistres récents, qui ont été gérés par les gouvernements successifs, au coup par coup, dans les pires conditions, le démontre : la Compagnie du BTP, la Banque Pallas-Stern, le Crédit martiniquais, Finindus, Europavie.

Et je ne suis pas sûr de ne pas en avoir oublié un ou deux au passage. Dans tous ces sinistres, les épargnants ont été plus ou moins bien traités, avec plus ou moins de difficultés, parce que nous n'avions pas de dispositif satisfaisant, complet, de prévention d'abord, et de gestion des crises ensuite, quand par malheur elles surviennent tout de même.

Ainsi, nous ne disposons, pour l'heure, d'aucun système de garantie dans les assurances. Si un organisme fait faillite, il n'est prévu aucun mécanisme d'indemnisation des assurés, qui risquent de perdre la totalité de l'épargne qu'ils ont déposée. Je citerai l'exemple bien connu d'Europavie, petite compagnie dont les 5 000 assurés se sont retrouvés, au début de l'année 1997, sans aucune protection. Il a fallu, cahin-caha, monter une opération permettant une reprise pour les sortir des difficultés où ils avaient été plongés.

Dans la banque, il y avait un dispositif, mais très incomplet et très imparfait. Soit on aboutissait à une prise en charge par l'Etat, c'est-à-dire par le contribuable - ainsi 800 millions de francs ont été fournis par l'Etat à la Compagnie du BTP -, soit on était obligé de mettre en place des procédures extrêmement longues - ce fut le cas pour Finindus dont les 10 000 épargnants n'ont pu retrouver leur mise qu'au bout de plus d'une année.

Comme pour les caisses d'épargne, mais pour d'autres raisons, on voit bien que, en matière de sécurité financière, le mouvement est nécessaire. Nous ne pouvons en rester à la situation d'aujourd'hui.

Le Gouvernement a voulu que ce mouvement, dans les deux cas - et cela s'y prêtait particulièrement -, soit mis en oeuvre dans la solidarité.

Et d'abord, encore, pour les caisses d'épargne.

Ce que représente la caisse d'épargne pourrait se résumer en une formule : la défense, en matière financière, de l'intérêt général. Cette spécificité se trouve encore ren forcée dans le projet de loi puisque, pour la première fois, de son existence, le réseau des caisses d'épargne verra les missions d'intérêt général qui lui sont confiées définies c'est l'objet de l'article 1er . Si chacun d'entre nous évoque le rôle de serviteur de l'intérêt général qu'il joue, jamais il n'avait été défini jusqu'à présent.

Cette spécificité est renforcée aussi parce que la mise dans le public des parts de coopérative permettra de dégager une somme, estimée aujourd'hui à 18 milliards, qui viendra alimenter le fonds de réserve pour les retraites par répartition. Il est bien normal, me semble-t-il, que ce réseau qui appartient à la nation, dès lors qu'il se transforme en coopérative, utilise les ressources ainsi dégagées à des fins de solidarité. Qu'est-ce qui, dans notre société, exprime mieux la solidarité que le système de retraites par répartition, dont on sait qu'il a bien besoin d'être soutenu ?

M. Germain Gengenwin et M. Jean-Jacques Jégou.

Oh oui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Par ailleurs, la solidarité s'exprimera par un autre canal, la défense du livret A. Le Gouvernement s'est engagé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas banaliser le livret A. Ce n'est pas sa politique. Il veut conserver le livret A dans le réseau des caisses d'épargne tel qu'il existe aujourd'hui. C'est exprimer entre les caisses d'épargne du pays un lien particulier, qui n'existe pour aucun autre réseau, et qui est une autre forme de solidarisation du système en place.

Enfin, en affectant une partie des résultats à des projets locaux ou à des projets sociaux, c'est encore la solidarité qui s'exprimera.

De la même manière, l'objectif de solidarité se perçoit clairement dans le dispositif de sécurité financière mis en place : c'est un dispositif complet de protection des épargnants. Avant la crise, il s'agit d'essayer de l'empêcher ; pendant la crise, lorsqu'on n'a pas pu l'empêcher, il s'agit de garantir que les fonds ou les dépôts seront restitués à l'épargnant.

La France sera ainsi, lorsque le Parlement aura voté ce texte, le premier pays de la zone euro à disposer d'un mécanisme de garantie en matière d'assurance vie, qui bénéficiera à tous les clients, qu'il s'agisse d'assurance vie, de prévoyance ou de tout autre contrat. Rappelons que les engagements en matière d'assurance vie sont de l'ordre de 3 100 milliards de francs dans notre pays. Personne n'imagine que toutes les structures d'assurance vie ou de prévoyance puissent se trouver au même moment en difficulté. Mais c'est dire l'ampleur des sommes en cause et la nécessité de disposer d'un fonds de garantie susceptible de pallier telle ou telle difficulté locale ou ponctuelle, peut-être infime au plan macro-économique mais très importante au plan micro-économique, c'est-à-dire pour les épargnants concernés.

De la même manière, le mécanisme unique qui vous est proposé pour la garantie des dépôts bancaires, quel que soit le statut juridique de la structure porteuse - banque de l'Association française des banques, banque mutualiste, etc. -, doit permettre de mettre un terme à l'intervention de l'Etat en faveur de banques privées en difficulté pour cause d'insuffisance de solidarité. L'idée qu'il faut nationaliser les pertes d'une banque qui ne peut faire face à ses engagements et qu'il faut recourir à la puissance publique et à l'argent du contribuable est contraire à l'objectif de solidarité.

La création, outre d'un fonds de garantie pour les assurances et d'un fonds de garantie pour le système bancaire, d'un mécanisme de garantie pour les épargnants investisseurs en cas de faillite des établissements qui tiennent


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leurs comptes, vient compléter l'ensemble et permettra à notre droit en la matière d'être parmi les plus avancés de la planète.

Voilà pour la prévention. Mais il faut aussi aller plus loin et, par la solidarité, garantir les droits des épargnants dans les procédures lorsqu'il s'en engage, car, malheureusement, la prévention ne suffit pas toujours.

Lorsque des procédures de liquidation ou des procédures de redressement sont engagées, dans les banques comme dans les assurances, leurs clients - déposants, assurés : employez le mot qui vous convient le mieux ne doivent pas être responsables des défaillances de ces établissements. Un statut particulier sera donc reconnu à ces déposants, celui de créancier des institutions, qui leur permettra d'accélérer leur indemnisation, qui se fera à égalité, sans discrimination, sans délai, et à concurrence d'un plafond de 400 000 francs garantissant totalement l'épargne populaire.

Je terminerai par la troisième caractéristique de ce projet de loi, le choix de l'efficacité.

S'agissant de l'efficacité financière des caisses d'épargne, il faut renforcer leur solidité financière et assurer leurs possibilités de développement pour l'avenir. D'ailleurs, après la réforme, leur ratio de solvabilité sera de 11 %, taux largement supérieur à la moyenne des réseaux bancaires, et donc particulièrement satisfaisant.

Quant aux structures, je le notais en commençant, le bicéphalisme entre la caisse centrale et le CENCEP séparait les responsabilités décisionnelles et les responsabilités opérationnelles. Il s'agit de transformer un réseau décentralisé en un groupe, décentralisé certes, mais un groupe.

La création d'une caisse nationale des caisses d'épargne mettra fin à cette séparation des pouvoirs et permettra un gain considérable d'efficacité. Il sera laissé à une fédé ration nationale des caisses d'épargne le soin d'assurer la représentation des intérêts du réseau.

Il convient, enfin, d'assurer l'efficacité de la stratégie.

Aujourd'hui, le partenaire privilégié, naturel, des caisses d'épargne est la Caisse des dépôts et consignations.

Demain, elles pourront avoir de nouveaux partenaires, européens par exemple, je le disais à l'instant. Dans l'intervalle, le partenariat fort avec la Caisse des dépôts est utile et naturel. Il doit être équilibré par le biais d'un pacte d'actionnaires et la possibilité pour les caisses d'épargne d'entrer dans les filiales de la Caisse des dépôts.

Ce partenariat doit être souple et il doit autoriser toutes les évolutions. Il a, dans mon esprit, un objectif : contribuer à créer un véritable pôle public de financement comprenant la Caisse des dépôts, la CNP, les caisses d'épargne, la BDPME, La Poste, et peut-être d'autres dans d'autres domaines demain.

L'efficacité du système me semble alors considérablement renforcée et sa cohérence assurée avec différentes institutions ayant des fonctions légèrement ou passablement différentes, mais couvrant l'ensemble du spectre de ce que doit être une activité financière.

Quant au choix de l'efficacité pour la sécurité financière, il se résume - mais ce n'est pas rien - à la mise en oeuvre de moyens très forts. Je ne citerai que l'exemple du collège des autorités de contrôle qui regroupera la Compagnie bancaire, la Commission de contrôle des assurances, la COB, le Conseil des marchés financiers.

Toutes ces structures supervisent aujourd'hui le système mais elles ne travaillent que peu ensemble, ce qui rend notamment très difficile la surveillance des conglomérats dont les différentes activités - assurance, banque - sont contrôlées par des organismes séparés qui ne réunissent pas les informations. La création du collège des autorités de contrôle permettra ce contrôle des conglomérats et, si vous en décidez ainsi, des moyens particuliers seront mis à sa disposition. Ainsi, la Commission bancaire pourra interdire à une banque de distribuer des dividendes à ses actionnaires si elle considère que les conditions de sécurité et de réserves vis-à-vis des déposants ne sont pas suffisamment remplies.

Le texte prévoit donc des moyens d'intervention très puissants pour empêcher que des décisions de conseil d'administration ou d'assemblée générale exagérées par rapport à la solidité financière d'une institution mettent celle-ci à mal alors que les ratios de sécurité et de solvabilité ne seraient pas suffisamment satisfaits.

Si l'on ajoute ce que j'évoquais tout à l'heure sur la simplicité de l'indemnisation, l'automaticité, l'absence de délais, la simplification pour les épargnants, on voit que, en termes d'efficacité, la partie du texte concernant la sécurité financière n'a rien à envier à la partie concernant les caisses d'épargne.

Ce texte a pour objet de permettre une évolution qui est nécessaire. Personne ne peut croire en toute bonne foi que ces institutions puissent ne pas bouger simplement parce que, pendant des décennies, voire des siècles, elles sont restées telles quelles, comme si le reste du monde ne bougeait pas. Mais il faut les renforcer, pas les affaiblir, leur permettre de se développer et garantir l'avenir. Il faut faire preuve de solidarité. C'est l'ensemble de ces objectifs que le projet de loi a essayé de définir.

L'état d'esprit du Gouvernement, au début de cette discussion, doit être clair pour tous. Nous vous proposons un texte qui est long - 78 articles, ce n'est pas rien -, dont nombre des articles sont techniques. Le Gouvernement compte sur l'Assemblée nationale et sur le Sénat pour lui permettre d'en améliorer tel ou tel point, à partir du moment où l'esprit n'en serait pas changé. Il est très ouvert à la discussion que nous pouvons avoir ensemble. Elle peut évidemment être contradictoire sur tel ou tel banc, et on ne peut pas toujours arriver à satisfaire tous les objectifs. Néanmoins, il accepte volontiers que nous discutions des deux parties du texte de façon aussi précise que possible, pour le plus grand bien de ce grand réseau financier de l'économie sociale que sont les caisses d'épargne et de la sécurité de nos déposants.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, de l'économie g énérale et du Plan, pour la réforme des caisses d'épargne.

M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la réforme des caisses d'épargne.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne referai pas ici un historique des caisses d'épargne, je rappelle simplement que 1 80 années d'amour lient la France à ses caisses d'épargne. Il y a 180 ans, les caisses d'épargne n'apparaissaient pas seulement en France, mais aussi, et bien avant, en Angleterre et en Allemagne. Tout au long de leur histoire, elles ont évolué entre autonomie et dépendance visà-vis des pouvoirs publics.

Sur le plan des activités, elles ont connu une longue évolution. C'est à partir de 1942 qu'elles sont devenues des entreprises de droit privé, avec une tutelle renforcée des pouvoirs publics. Il a fallu attendre les réformes de 1983 et de 1991 pour qu'elles deviennent des banques


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plus universelles en quittant la monoculture du livret A.

Après la réforme de 1991, seul leur était interdit l'appel public à l'épargne.

On peut dire que, sans la réforme de 1983, sans le grand regroupement de 1991, et sans le statut protecteur, les caisses d'épargne constitueraient certainement, dans le paysage bancaire qui se modifie chaque jour, compte tenu de la faiblesse de leurs résultats et de l'importance de leurs fonds propres, une proie facile pour des OPA lancées par des banques françaises ou étrangères.

Quelles perspectives donner aux caisses d'épargne dans le monde bancaire français et européen ? Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, des modifications importantes interviennent chaque jour. La restructuration bancaire en cours fait place à de grands conglomérats dont la seule finalité, malheureusement, est de renforcer leur rentabilité.

Le Gouvernement avait donc à choisir entre la banalisation et le maintien des spécificités de ce réseau. Le fait d'avoir choisi le statut coopératif me semble aller dans le sens du maintien d'une voie moyenne.

M. Jean-Louis Dumont.

Pas moyenne, moderne !

M. Raymond Douyère, rapporteur.

On n'est pas du tout dans le cadre de la banalisation et on reste dans le cadre de l'économie sociale, c'est-à-dire dans la tradition de ce qui a constitué le fondement même des caisses d'épargne lorsqu'elles ont été créées.

C'est une réussite formidable, on l'a rappelé. C'est la deuxième banque en termes de distribution en France et la douzième banque européenne en termes de fonds propres. C'est dire si elles sont solides et si elles tiennent une place importante dans la société française. Elles présentent en même temps des fragilités très grandes, que je vais rappeler rapidement.

Si le développement commercial du réseau est bon, ses parts de marché sont encore trop faibles, notamment en ce qui concerne les PME et les PMI, simplement parce qu'il est intervenu beaucoup plus tard sur ce marché.

La bancarisation elle-même est relativement faible ; les g ens bancarisés en première intention aux caisses d'épargne sont peu nombreux par rapport à ceux qui le sont en deuxième ou troisième intention.

Par ailleurs, la rentabilité est limitée, qu'on la mesure en termes de retour sur fonds propres ou de coefficient d'exploitation. Des progrès très sensibles sont encore à réaliser, et ce sera bien entendu l'objet de cette réforme.

On oppose bien souvent la rentabilité à l'efficience.

Lorsque le Premier ministre, sur votre demande, m'a confié la mission de présenter un rapport sur les caisses d'épargne, j'ai analysé notamment une banque qui est un exemple frappant de forte rentabilité puisque le retour sur fonds propres est de 15 %. Elle n'a pas d'actionnaires et n'a donc pas d'actions à rémunérer, mais elle affecte une part de ses résultats à des opérations d'intérêt génér al, dans l'esprit des caisses d'épargne. Il faut dire que ses membres sont responsables sur leurs biens propres. Peutê tre aurions-nous pu demander la même chose à l'ensemble des personnes qui travaillent dans les caisses d'épargne, et notamment à l'ensemble des dirigeants, mais cela me semblait difficile ! Cette banque, c'est la Rabobank, dont les 500 000 membres sont personnellement responsables des engagements qu'elle prend à raison de son activité. Malgré ça, et peut-être aussi pour ça, la rentabilité de cette banque est très forte.

Il n'y a pas d'antagonisme entre une véritable rentabilité des caisses d'épargne et le caractère non lucratif que certains voudraient lui conserver et que lui conserve le projet que vous nous présentez.

Vous avez choisi le statut coopératif. C'est celui que j'avais préconisé. Il me semble, en effet, correspondre à l'histoire des caisses d'épargne. L'éducation à la prévoyance, l'idée que les travailleurs doivent mettre de l'argent de côté pour pallier les difficultés auxquelles ils peuvent être confrontés, la notion de banque de proximité ouverte à l'ensemble des catégories et notamment les plus humbles, tout cela doit être conservé parce que c'est conforme à l'histoire des caisses d'épargne. Le caractère non lucratif doit également être conservé. Par ailleurs, on mettra plus particulièrement l'accent dans le débat sur la lutte contre les exclusions, et des propositions ont été émises, notamment en commission des finances, propositions dont nous aurons à examiner la portée et la validité, pour accorder une attention toute particulière aux problèmes d'environnement ou de développement durable du territoire.

M. Yves Cochet.

Très bien ! On va améliorer le texte !

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Dans ce cadre, nous devons bien considérer que les associés, qui sont là en tant que participants, clients et associés des caisses d'épargne, ne sont pas des actionnaires. Il ne s'agit en aucune façon d'une privatisation.

Le statut coopératif dont s'inspire le projet de loi, celui de la loi de 1947, permet un certain nombre de dérogations. Nous retrouverons ces dérogations dans le projet de loi. En mettant un accent plus particulier sur tel ou tel point, elles permettent de tenir compte des spécificités des caisses d'épargne.

Quelles sont les trois grandes missions que l'on pourrait confier à cette réforme ? Affirmer et renforcer les missions d'intérêt général des caisses d'épargne ; les doter d'un statut coopératif adapté ; enfin, renforcer la cohérence et l'efficacité de leur gestion.

L'article 1er détaille très largement les conditions dans lesquelles seront exercées les missions d'intérêt général.

Elles sont réaffirmées notamment en ce qui concerne le livret A, qui, jusqu'à présent, ne figurait pas en tant que tel dans un texte de loi concernant les caisses d'épargne.

Quant à l'affectation du résultat, notamment après les mises en réserve, il pourra y avoir, comme dans toutes les coopératives, une rémunération des parts des sociétaires, et le reste sera affecté à des missions d'intérêt général dont nous essaierons de définir les contours à travers les différents amendements.

Le texte prévoit une mise en place à deux niveaux dus tatut coopératif à partir des groupements locaux d'épargne et des caisses d'épargne, et une organisation pyramidale comme cela existe partout dans les réseaux coopératifs, avec un organe central, chargé de contrôler le f onctionnement, auquel sont affiliées l'ensemble des caisses d'épargne.

Les groupements locaux d'épargne étant appelés d'un terme ramassé les «

GLE », certains ont dit que cela avait un caractère quelque peu vomitif, et il faudrait effectivement trouver une autre formulation. Je suggère « sociétés locales d'épargne », ce qui me paraît un peu plus adapté et un peu moins désagréable à l'oreille.

Ces groupements locaux d'épargne soulèvent un certain nombre de problèmes. J'ai donc proposé différentes modifications, et la commission des finances a bien voulu suivre son rapporteur.


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Au lieu d'obliger chaque caisse d'épargne à créer dix groupements locaux d'épargne, ces groupements détenant les parts des sociétaires et donc la propriété de la caisse d'épargne, j'ai proposé qu'elle doive en créer au moins quatre, ce qui est suffisant pour faire vivre le sociétariat.

Il y a un débat sur ce point puisque nous sommes en présence de deux thèses : prévoir un groupement régional unique ou, comme le propose le Gouvernement, créer des groupements locaux d'épargne multiples sur le territoire de chaque caisse régionale. La solution qui a été retenue par la commission est celle des groupements locaux d'épargne, avec un nombre minimal de quatre par caisse, et la possibilité pour un GLE de détenir jusqu'à 30 % des parts d'une caisse, la proposition initiale du Gouvernement ne permettant pas l'adéquation entre le nombre de parts et la détention des droits de vote.

La commission des finances m'a également suivi en fixant à dix-sept le nombre des membres du COS, ce nombre suffisant à assurer la représentation à la fois des sociétaires, qui constituent la base des groupements locaux d'épargne, des salariés, qui pourront accéder à des parts du capital des GLE dans des conditions privilégiées, et des collectivités territoriales et de tous ceux qui souhaiteront participer à l'avenir au développement des caisses d'épargne.

Cette structure de diffusion du sociétariat à deux niveaux me paraît être le fondement même d'un bon fonctionnement des caisses d'épargne en termes de statut coopératif et me semble bien adaptée. Je ne reviens pas sur d'autres amendements plus techniques et je pense que nous pourrons parvenir à la fin de nos discussions à un accord général sur un texte permettant aux caisses d'épargne de fonctionner de façon efficace, sans coûts supplémentaires, avec une véritable animation du sociétariat, c'est-à-dire la détermination d'une véritable affectio societatis.

J'en viens au renforcement de la cohérence et de l'efficacité de la gestion. Il s'agit là de l'organisation générale du réseau. Un organe central fort sera chargé de faire respecter les normes prudentielles. A ce sujet, monsieur le ministre, la commission des finances n'a pas voulu modifier les différentes dispositions qui ont été incluses dans le projet de loi. Elle a rejeté un amendement portant à 70 % la part minimale du capital de la Caisse nationale détenue par les caisses d'épargne et des amendements la ramenant à 51 %. L'ensemble de la commission des finances a considéré que 60 % était un bon pourcentage.

Vous avez fait allusion tout à l'heure aux ratios de solvabilité des caisses d'épargne en général. La deuxième condition pour que ce réseau fonctionne bien, c'est que son capital social ne soit pas trop pénalisant pour lui et lui permette d'avoir une véritable solidité financière.

J'avais donné une fourchette allant de 15 à 20 milliards de francs. Vous vous situez au milieu, avec 18,8 milliards, ce qui correspond à la somme des dotations statutaires des caisses d'épargne.

Toutefois, quand on voit le rapport entre capital et fonds propres dans les autres réseaux coopératifs, les caisses d'épargne, tout en n'étant pas totalement défavorisées par rapport aux banques populaires, au Crédit mutuel ou au Crédit coopératif, le sont tout de même largement par rapport au Crédit agricole, dont le capital n'atteint que 22 % des fonds propres. On pourrait peutêtre envisager, monsieur le ministre, de fixer le capital social des caisses d'épargne à une quinzaine de milliards de francs, de façon à faciliter le placement des parts sociales et à être certains de parvenir au but que nous nous sommes fixé.

Un mécanisme est prévu pour le placement de ces parts sociales, je n'y reviens pas. Les fonds recueillis doivent être placés dans un fonds de mutualisation, et il était prévu l'obligation de les verser en totalité dès qu'ils auraient été collectés. J'ai proposé un amendement, et la commission des finances a bien voulu me suivre, pour que chaque versement semestriel soit égal au huitième du capital initial de chaque caisse. S'il y a des caisses particulièrement dynamiques, qui font un gros effort de commercialisation, elles doivent bénéficier des sommes qu'elles récoltent. Sinon, étant, en outre, obligées de rémunérer immédiatement les parts qu'elles ont vendues, elles seraient doublement pénalisées.

Je voudrais évoquer très rapidement la fédération, l'autre organisme qui sera le représentant des sociétaires et des caisses. Vous avez proposé que sa représentation soit assurée par un membre du directoire et deux membres des COS. La commission des finances propose qu'elle soit assurée par le président du directoire et le président des COS, ce qui est le cas en général dans les autres réseaux mutualistes.

Je ne veux pas aborder longuement le problème des relations sociales dans le réseau. J'insiste pourtant sur le fait qu'il n'y a aucune remise en cause des acquis des salariés des caisses d'épargne. L'article 29 y fait référence de façon implicite. Je constate simplement que les dispositions contenues dans les articles 16 et 17 modifient la composition de la commission paritaire nationale : elle se rapproche du droit commun, mais sans être alignée sur lui. Là encore, les spécificités du réseau des caisses d'épargne sont préservées. La commission des finances n'a pas voulu modifier les différentes dispositions ainsi proposées.

Au total, le Gouvernement a fait un choix tout à fait judicieux.

En Europe, l'économie bancaire coopérative représente une force qui concentre environ 17 % des parts de marché. Si l'on y ajoute les caisses d'épargne, ce secteur recueille 50 % à 60 % des dépôts.

Les dispositions incluses dans le projet de loi s'inscrivent dans cette dynamique : demain, elles permettront aux caisses d'épargne de parvenir à des alliances soit sur le territoire français, soit au niveau européen, et de conquérir une place tout à fait privilégiée. Ce sera vraisemblablement le grand réseau de référence pour l'ensemble des petits épargnants, commerçants, artisans, PME, PMI. Et peut-être, en tout cas c'est mon souhait, les caisses d'épargne pourront-elles acquérir le Crédit foncier et avoir ainsi une palette d'activités allant du crédit hypothécaire jusqu'à l'ensemble des crédits aux particuliers.

Si les caisses d'épargne réussissent ce placement de 15 milliards de francs de parts sociales, ou de 18 milliards, - le débat n'est pas clos -, dans les quatre ans impartis la commission des finances n'a pas voulu allonger le délai -, je crois qu'elles auront réussi à s'inscrire durablement dans le paysage bancaire français, qu'elles auront participé réellement à sa recomposition et qu'ainsi elles ont un long avenir devant elles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Baert, le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le renforcement de la sécurité financière.

M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le renforcement de la sécurité financière.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette intervention


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va me permettre, je l'espère, de l'affirmer : ce projet de loi comporte une seconde partie. Merci, monsieur le ministre, de l'avoir souligné dans vos propos. Sur les 78 articles, 57 sont consacrés à la sécurité financière, ou plus exactement à la sécurité de l'ensemble du secteur financier.

Bien entendu, je tiens moi aussi à souligner l'importance de la réforme des caisses d'épargne. Cependant, mon collègue Raymond Douyère me pardonnera, et peut-être même partagera-t-il mon avis, je regrette que l'attention du débat se focalise essentiellement sur celles-ci.

Pour les banques, pour les assurances, pour les entreprises d'investissement, pour toute la place financière de Paris, les enjeux de cette deuxième partie sont tout autant importants.

En effet, la finance est importante en elle-même. Proudhon, en son temps, n'écrivit-il pas : « Qui fait métier de louer ou de vendre de l'argent obtient par cela seul une supériorité marquée sur tous les producteurs. C'est pourquoi la banque est la reine de l'industrie comme du négoce. » On ne pouvait mieux définir, déjà, le poids des

métiers de la finance et la nécessité d'un fonctionnement répondant aux besoins des épargnants tout en stimulant l'activité économique.

Le contenu de ce projet de loi a plusieurs buts, tous décisifs pour les établissements du secteur financier, pour leurs salariés, et pour nos concitoyens titulaires de dépôts dans une banque ou une entreprise d'investissement ou assurés auprès d'une entreprise d'assurance.

Ces buts sont clairs.

Le premier est de répondre à l'insécurité financière, qu'elle provienne de l'instabilité financière internationale ou de la mauvaise gestion des banques et des compagnies d'assurances. En un mot, il s'agit d'encadrer l'action de ceux qui font profession d'utiliser l'argent mis à leur disposition.

Le second est de garantir à ceux, précisément, qui placent leur argent auprès de ces établissements, qu'ils ne le perdront pas, sauf bien entendu s'ils ordonnent euxmêmes des placements risqués. Mais la règle est claire : un déposant, un assuré, un épargnant doit pouvoir retrouver ses fonds. Puisqu'il y aura plafond d'indemnisation, même si son niveau n'est pas arrêté, mais sans doute nous en direz-vous quelques mots, monsieur le ministre, il est évident que ce mécanisme est une vraie garantie pour les dépôts ou contrats les plus modestes.

Enfin, troisième but, lui-même né de la somme des deux précédents, ce texte va moderniser notre système financier ; il développera sa capacité concurrentielle.

Pour cela, sur le fond, le projet comprend quatre volets distincts. Le titre Ier renforce la surveillance des établissements de crédit, des entreprises d'investissement et des entreprises d'assurance, dans un souci préventif. Le titre II crée trois mécanismes de garantie régis par les mêmes principes, afin de protéger les consommateurs. Le titre III accroît le rôle de la puissance publique dans les procédures collectives. Le titre IV, enfin, modernise le régime des sociétés de crédit foncier, afin de développer, entre autres objectifs, un marché hypothécaire moderne, avec notamment la stimulation d'un marché liquide d'obligations foncières.

J'ai eu la satisfaction de constater, au cours des auditions que j'ai conduites, même si, bien entendu, cela ne signifie pas unanimité sur toutes ses dispositions, que le projet emportait une large adhésion des professionnels, quel que soit leur segment d'activité. Ce texte a été, il est vrai, longuement débattu, concerté ; il intègre même pour partie des préoccupations formulées par la commission des finances, et par le rapporteur général en fonction sous la législature précédente, Philippe Auberger, avec le renfort bienveillant et attentif de Michel Inchauspé, lui aussi membre de la majorité de l'époque.

M. Jean-Pierre Delalande.

Très bien !

M. Dominique Baert, rapporteur.

Vous saluiez, il y a un instant, le travail préparatoire du rapporteur, mais permettez-moi surtout, monsieur le ministre, de saluer la qualité de celui effectué par les professionnels du secteur, les organes de contrôle comme les établissements contrôlés, et par vos services.

J'aborde maintenant, les collègues, l'économie du projet de loi. Je vous présenterai ce texte, ainsi que les amendements et réflexions de la commission des finances, autour de trois grandes idées.

Première idée : si la place de Paris veut être compétitive, elle doit être attractive. Mais cette attractivité doit aussi se placer dans des perspectives d'avenir.

Deuxième idée : si la place de Paris veut être attractive, elle doit être sécurisée. Mais cette sécurisation doit s'opé rer dans la précision des règles.

Enfin, troisième idée si la place de Paris veut être sécurisée, elle doit être solidaire. Mais cette solidarité doit s'effectuer dans la clarté.

Premier point : pour être compétitive, la place de Paris doit être attractive.

Les frontières financières connaissent depuis plus de vingt ans un processus continu d'ouverture, à l'image du secteur bancaire, où la liberté d'établissement a été suivie de la libre prestation de services, avant que la libération des mouvements de capitaux ne précède elle-même la monnaie unique.

De ce fait, pour être capable de dégager le volume d'épargne dont notre économie a besoin, mais aussi pour pouvoir assurer l'avenir de l'emploi de ses salariés, notre système financier a besoin d'affirmer sa capacité d'attraction.

Il est évident que le renforcement de la sécurité sur la place contribue à cette attractivité - j'y reviendrai dans un instant.

Mais l'attractivité dépend aussi de l'offre. De ce point de vue, le titre IV est fondamental. Il propose en effet une réforme profonde des sociétés de crédit foncier.

Celle-ci résulte d'une réflexion, engagée depuis de nombreuses années par un certains nombre d'opérateurs de la place, sur la nécessité de dynamiser et de développer les mécanismes de refinancement des prêts à l'immobilier.

Le régime allemand des Pfandbriefe , qui connaît outreRhin un développement considérable, est tel que les banques hypothécaires allemandes bénéficient d'un atout précieux dans la concurrence entre établissements de crédit au sein de l'Union économique et monétaire.

Or les obligations foncières prévues par ce texte sont justement créées à l'image des Pfandbriefe . Elles ne pourront être émises que par des établissements de crédit spécialisés, les sociétés de crédit foncier.

Un tel choix obligera les établissements ayant une activité dans le domaine des prêts immobiliers à créer une filiale spécialisée, dont l'objet est limitativement défini par la loi. Ces obligations seront assorties de garanties juridiques dérogatoires à la législation sur les procédures collectives, conférant à leurs porteurs un privilège de premier rang sur l'ensemble des actifs de la société de crédit


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foncier. Soumises à des normes de gestion ad hoc , les sociétés de crédit foncier relèveront du contrôle de la commission bancaire et d'un dispositif particulier, dévolu à un contrôleur spécifique, dont le rôle sera distinct de celui des commissaires aux comptes.

Assurément très utile, indispensable même, cette mutation du marché hypothécaire et de ses acteurs, favorablement accueillie dans cet hémicycle comme dans la profession, n'épuise pas toutes les réflexions prospectives qui ont été évoquées auprès de votre rapporteur.

Elles concernent d'abord l'avenir du Crédit foncier de France. Vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, la sensibilité de son personnel, sensibilité que je comprends tout à fait, au contenu de la procédure d'adossement en cours.

Les questions portent avant tout sur la pérennité des liens entre le Crédit foncier de France, qui conservera l'ensemble du personnel, et sa filiale, dont la création est imposée par le projet de loi, dotée du statut de société de crédit foncier, qui recevra les meilleurs actifs.

Je sais, monsieur le ministre, que, comme moi, vous êtes très attaché à cette pérennité. Il me semble néce ssaire que vous apportiez ici les apaisements qui s'imposent en précisant les intentions du Gouvernement dans la procédure d'adossement qui devrait s'ouvrir dans les prochaines semaines. Les équipes du Crédit foncier de France, qui ont donné la preuve de leur savoir-faire et de leur attachement à l'entreprise, méritent d'être écoutées.

Autre perspective : l'avenir même du marché hypothécaire. Face à ces créances, deux choix s'offrent. Leur adossement à des obligations foncières, à l'instar du système allemand : c'est l'option que, je l'ai dit, le Gouvernement a prise avec ce texte. Mais une autre voie existe, celle, plus anglo-saxonne, de la « titrisation ». Possible par ailleurs, ce volet n'est pas traité à ce jour.

Cela sous-entend sans doute qu'une réflexion devra être menée au sein de la place financière sur ce qui pour-r ait être un « deuxième étage » de la mutation d'aujourd'hui ; je vous remercie de nous préciser si le Gouvernement, à ce jour, a des projets en la matière.

Enfin, dans une dimension plus large que le simple créneau foncier, je ne peux passer sous silence que, au sein de la commission, la question de la fiscalité spécifique du secteur financier a été évoquée. Chacun ici connaît les termes du débat et la particularité du secteur, notamment à l'égard de la contribution des institutions financières.

L'opposition a déposé de nombreux amendements pour réduire, voire supprimer, cette taxation, pourtant déjà ancienne, et qu'elle aurait eu tout le loisir de mettre à mal lorsqu'elle était majorité. D'évidence, ce choix relève du prochain débat d'orientation budgétaire et du contexte global des finances publiques, ce qui justifie que notre commission ait repoussé ces amendements.

M. Jean-Pierre Delalande.

Erreur !

M. Dominique Baert, rapporteur.

Pour être attractive, la place de Paris doit être sécurisée, afin de prévenir les défaillances et d'assurer la protection des consommateurs.

C'est la trame fondamentale du texte.

Cela passe par les mesures de prévention du titre Ier

L'institution d'un collège réunissant les différentes autorités de contrôle du secteur financier - vous en parliez il y a un instant - ou la coopération internationale accrue de ces autorités sont essentielles pour le développement des échanges d'informations, et donc, par exemple, pour le contrôle des conglomérats financiers. De la même manière, l'obligation d'un système de contrôle interne au sein des petits établissements favorisera l'homogénéité des règles de fonctionnement du secteur.

La sécurisation, c'est aussi le titre III, qui renforce les pouvoirs de sanction et adapte à cet effet le droit des procédures collectives au système financier.

Mais la sécurisation, c'est surtout le titre II : il met en place un triple mécanisme de garantie pour ceux qui placent leurs fonds auprès des banques, des assurances et des entreprises d'investissement.

En créant un fonds de garantie unique pour toute la profession française, ce texte est l'aboutissement d'un processus. Car si les banques connaissent plusieurs systèmes de telle nature, en revanche, en matière d'assurances, notre pays se place en pointe de l'Europe. Le fonds de garantie des assurés, certes, ne couvre que l'assurance des personnes, mais, vous le rappeliez, son assise relative couvre plus de 70 % du chiffre d'affaires total de la profession ! Pour autant, la sécurisation doit s'opérer dans la précision des règles, et ce à trois égards.

D'abord, pour les règles de fonctionnement des fonds concernés. La concertation permet au législateur, avec ce texte, d'arrêter un cadre global, conformément à la vocation de la loi. De la même manière, la concertation avec la profession nourrira le contenu des dispositions réglementaires à venir. Mais, monsieur le ministre, comprenez bien que la représentation nationale apprécierait que vous lui indiquiez l'état et le contenu de ces discussions. Quels seront le niveau des fonds, le calendrier et le volume des cotisations ? Pour quelles indemnisations, et à quelle hauteur ? Autant de questions, parmi d'autres, que nous nous posons.

Il en va de même de certains aspects fiscaux des mécanismes de garantie. Quel est le statut fiscal des fonds de garantie ? Comment seront traitées fiscalement les cotisations de leurs membres ? La légitimité de ces questions a conduit la commission à adopter des amendements allant en ce sens.

Enfin, les règles d'échange d'informations entre les dirigeants des fonds de garantie et les autorités de contrôle ont à être complétées. Au-delà de l'initiative, naturelle et légitime, que doivent avoir les autorités de contrôle pour entendre les dirigeants des fonds de garantie, l'efficacité du dispositif d'information, donc de prévention, serait renforcée si, à tout moment, le dirigeant du fonds de garantie pouvait être entendu, à sa demande, par la Commission bancaire ou la Commission de contrôle des assurances.

Sur ma proposition, la commission des finances a adopté plusieurs amendements appliquant ce principe. Si la responsabilité du contrôle ne se partage pas, la possibilité d'informer doit exister.

Troisième point : pour être sécurisée, la place de Paris doit être solidaire.

M. Jean-Louis Dumont.

Tous doivent être solidaires ! A commencer par l'AFB !

M. Dominique Baert, rapporteur.

Toute l'économie générale du texte repose sur cette idée. Le projet de loi instaure ainsi, pour reprendre votre formule, monsieur le ministre, à laquelle je souscris volontiers, une « maison commune » abritant l'ensemble des établissements de crédit, quel que soit leur statut juridique.


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La vérité l'exige, je précise qu'initialement, cette option n'était pas partagée par le monde mutualiste. C'est pourtant une avancée décisive. Là est la condition fondamentale pour la clarté, la lisibilité du système, à l'étrang er comme à l'intérieur de nos frontières.

L'homogénéisation du métier bancaire plaide en ce sens : un même niveau de garantie, une même couverture, quelle que soit la banque à laquelle il s'adresse, voilà ce qu'attend le déposant.

Cette maison commune est de surcroît indispensable pour la viabilité même du fonds. Celui-ci doit avoir les moyens de ses ambitions.

C'est pourquoi la sécurité de place ne peut être que solidaire. Il n'y a pas là, il n'y a plus là, me semble-t-il, de point de blocage.

Toutefois, la profession attend que cette solidarité s'effectue dans la clarté.

C'est en ce sens que la commission des finances a souhaité que la future détermination réglementaire des cotisations des déposants ou des assurés soit liée aux risques objectifs que l'adhérent fait courir au fonds.

M. Jean-Louis Dumont.

Très bien !

M. Dominique Baert, rapporteur.

Derrière cette notion, sur laquelle nous reviendrons dans le débat, se trouvent plusieurs préoccupations du législateur. Sans être exhaustif, je citerai l'importance des fonds propres, par nature réductrice de risques, et la prise en compte des mécanismes mutualistes et coopératifs.

M. Jean-Louis Dumont.

D'où l'article 6 !

M. Dominique Baert, rapporteur.

Pour calculer la prime de son nouveau client, un assureur apprécie par divers critères le risque de « sinistralité » que celui-ci lui fait courir. De la même manière, le fonds de garantie aura aussi à prendre en considération la réalité de ses adhérents par des critères appropriés de risque.

Avant de conclure cette présentation, nécessairement limitée, il me faut évoquer l'article 37.

M. Jean-Louis Dumont.

Il faut le supprimer !

M. Dominique Baert, rapporteur.

Dans sa rédaction actuelle, il réforme le droit applicable aux banques coopératives en les obligeant à constituer un dépôt minimal d'un tiers en réserve.

En encadrant l'affectation des résultats du réseau mutualiste et coopératif, cette disposition ne répond pas à son objet.

M. Jean-Louis Dumont.

C'est vrai !

M. Dominique Baert, rapporteur.

Si celui-ci, ai-je compris, dans la volonté du Gouvernement, est de rendre plus attractives les parts sociales pour les sociétaires, limiter la mise en réserve, d'évidence, n'y répond que très indirectement.

M. Jean-Louis Dumont.

Tout à fait !

M. Dominique Baert, rapporteur.

De surcroît, cette disposition ne s'intègre pas dans la logique du texte ; en effet, la sécurité financière est d'autant mieux assurée que les fonds propres se renforcent.

C'est pourquoi la commission des finances a décidé d'adopter, sur la proposition du rapporteur, mais aussi de commissaires membres d'autres groupes, la suppression de l'article 37.

Je suis convaincu, monsieur le ministre, que vos services sauront trouver une meilleure réponse à la question posée, et que vous-même saurez, suivant la proposition de la commission, adopter une démarche d'apaisement face à l'émotion, forte et réelle, du monde coopératif, mais aussi de votre majorité.

M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. Dominique Baert, rapporteur.

Nous ne doutons pas de votre capacité d'écoute, monsieur le ministre. La commission des finances, sur ma proposition, a adopté la deuxième partie du projet de loi et demande à l'Assemblée de faire de même. C'est un projet cohérent, ambitieux, qui mérite d'être mieux connu, car il est non seulement un mieux, mais un plus pour le renom de la place financière de Paris, ses établissements et ses salariés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants u ne question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons cet aprèsmidi d'un projet de loi que je me permettrai de qualifier d'un peu « fourre-tout » :...

M. Jean-Louis Dumont.

Oh !

M. Gilbert Gantier.

... il porte à la fois sur les caisses d'épargne et sur le renforcement de la sécurité financière.

Il est étrange de légiférer sur ces deux matières dans un seul projet de loi. Nous venons ainsi d'entendre deux rapporteurs, l'un sur les caisses d'épargne et l'autre sur la sécurité financière. Et nous bénéficions aussi de deux rapports assez volumineux, qui ne nous ont d'ailleurs été distribués qu'hier soir. Celui sur les caisses d'épargne dépasse les 200 pages ; quant à celui sur la sécurité financière, il atteint 300 pages.

Il s'agit donc bel et bien de deux domaines qui, s'ils sont de la compétence du même ministre, n'en sont pas moins assez différents.

Ce patchwork de mesures fait perdre de sa lisibilité à la réforme des caisses d'épargne. De cette diversité, le texte qui nous est proposé ne tire aucune richesse, puisque certaines questions fondamentales, comme les coûts salariaux des caisses d'épargne ou l'avenir du livret A, n'y sont pas abordées.

Pourquoi réformer les caisses d'épargne ? Elles revêtent le caractère d'une institution très particulière. Leur statut, unique en son genre, l'origine de leurs fonds propres, leur ancienneté et leur caractère social font des caisses d'épargne une curiosité dans le paysage bancaire français.

N'oublions pas qu'elles ont été créées par des philanthropes. J'évoquerai par exemple le souvenir du duc de La Rochefoucauld-Liancourt, qui créa l'une des premières caisse d'épargne. Jugé trop social, il perdit la plupart de ses responsabilités politiques.

M. Alain Rodet.

Ce n'est pas Benjamin Delessert ?

M. Gilbert Gantier.

Son souvenir méritait d'être évoqué.

Les caisses d'épargne sont une curiosité à laquelle les Français sont néanmoins extrêmement attachés, il suffit de constater leur engouement pour le livret A. Ce produit


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d'épargne est en effet choisi par pas moins de 46 millions de nos compatriotes, dont 26 millions pour les caisses d'épargne et 20 millions pour La Poste.

Or, malgré leur succès, les caisses d'épargne doivent faire face - et M. le ministre l'a rappelé - au choc de la mondialisation, de même qu'à une concurrence effrénée entre établissements bancaires. Nos caisses d'épargne, qui relèvent d'un exception bien française, pourront-elles s'adapter à la concurrence au moment où se constituent partout des pôles bancaires de taille mondiale ? Elles ont certes des forces, un réseau important, par exemple, et elles se placent au deuxième rang en France en ce qui concerne la distribution. Mais elles ne sont qu'au douzième rang en Europe en ce qui concerne les fonds propres, et au 78e rang pour la rentabilité de ces fonds propres, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas une performance remarquable.

Certes, elles se sont d'ores et déjà lancées dans un processus de transformation, puisqu'elles ont, depuis 1984, le statut d'établissement de crédit à caractère général. La loi du 10 juillet 1991 a posé les jalons d'une restructuration profonde qu'a fait émerger un groupe de trente et une caisses d'épargne métropolitaines.

Assurant à l'origine des missions d'intérêt social, comme la sécurisation de l'épargne populaire, puis le financement du logement social, les caisses d'épargne se sont de plus en plus tournées vers les métiers bancaires.

Or - et c'est là le problème - leur mission n'est plus facilement lisible et leur double casquette pose de sérieuses questions quant à leur véritable vocation.

Le problème est simple. Les caisses d'épargne assurentelles une mission d'intérêt social, et alors le statut sui generis qui est le leur se justifie pleinement, ou ontelles vocation à faire concurrence aux banques, et, dans ce cas, elles doivent évoluer vers une transformation plus radicale que celle qui nous est proposée ? Le Gouvernement ne clarifie guère le problème en nous proposant un train de demi-mesures. Mais il ne clarifie pas davantage ses objectifs. L'émission de certificats coopératifs d'investissement, qui s'apparentent à des actions, mais à mots couverts, constitue-t-elle une nationalisation rampante, une privatisation déguisée ou une privatisation insuffisante ? A force de ne pas appeler les choses par leur nom, on finit par ne plus ne plus savoir exactement de quoi on parle.

La réforme des caisses d'épargne est donc une fois de plus un projet a minima.

Ce qui surprend d'emblée, lorsqu'on observe le réseau des caisses d'épargne, c'est ce mélange d'archaïsme et de modernité. Modernité quant on songe aux différentes restructurations et à la modernisation du réseau, qui est par certains côtés incontestable.

Mais archaïsme quand on songe au statut du personnel, au blocage par les syndicats de toute velléité de réforme et au taux administré du livret A. Les caisses d'épargne ont besoin de faire évoluer leur capital pour s'adapter à la concurrence, c'est indéniable et des faits récents le prouvent.

En effet, le Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance vient de prendre une participation de 6 % dans le réseau des caisses d'épargne espagnoles, ce qui doit être souligné. Mais le statut qui avait fait le succès des caisses d'épargne est aujourd'hui un obstacle à leur développement. La réforme des caisses d'épargne est d'ailleurs engagée dans de nombreux pays étrangers, ce qui prouve que le système doit être réorganisé. Aux EtatsUnis, en Allemagne, en Italie, il est partout question de la réforme des caisses d'épargne. Celles qui sont allées le plus loin sont les caisses d'épargne italiennes, dont le statut est maintenant quasiment identique à celui des banques italiennes. Elles se sont d'ailleurs lancées dès maintenant dans des opérations de fusion et de rachat.

Les caisses d'épargne françaises ne peuvent pas rester à l'écart d'un tel mouvement. Alors que ce projet de loi se présente comme une réforme, il ne met pas fin aux handicaps structurels de ces établissements.

Le projet de loi nous propose une réforme « politiquement correcte ». Tous les problèmes qui gênent ont été éludés. Résultat : on nous propose un texte creux et mal ficelé.

Premier handicap structurel non résolu : le taux trop élevé du livret A. Il s'agit de l'ultime résidu de l'économie administrée : l'épargne administrée. Ces taux sont plus élevés que ceux du marché et mettent d'emblée les caisses d'épargne en situation difficile face aux autres produits d'épargne proposés par le secteur bancaire concurrentiel.

Le Gouvernement a jusqu'à présent reculé devant une baisse du taux du livret A. Le Premier ministre n'a-t-il p as lui-même affirmé récemment qu'il fallait aussi prendre en compte « les données psychologiques et politiques du livret A » ? L'intensification de la concurrence bancaire internationale, les fusions bancaires qui se généralisent en France, en Europe et dans le monde, ainsi que l'avènement de l'euro doivent être des révélateurs de nos handicaps nationaux.

Le gouverneur de la Banque de France lui-même, M. Jean-Claude Trichet, a mis en avant l'obstacle que constitue un taux du livret A trop élevé. Malgré la diminution de ce taux de 3,5 % à 3 % le 15 juin dernier, le livret A reste un produit d'épargne extrêmement attractif.

Avec un taux d'inflation qui n'a guère dépassé 0,3 % l'année dernière, le livret A engendre en effet sans aucun risque 2,7 % d'intérêt réel, le rendement le plus élevé de ces dernières années, alors que, pendant toute l'époque où nous avons connu une inflation à deux chiffres, les caisses d'épargne ne couvraient pas - loin de là - l'érosion monétaire.

Il y a donc une épargne sans risque, rémunérée à des taux largement supérieurs à ceux de la Banque de France comme à ceux du marché, et de surcroît complètement défiscalisée. Non seulement le taux administré grève la rentabilité des caisses, et par conséquent celle des fonds propres, mais il conduit également à nuire aux autres banques. On constate ainsi une décollecte sur les autres produits d'épargne, c'est-à-dire que l'épargne disponible, qui n'est pas extensible à l'infini, se porte majoritairement sur le livret A, au détriment des produits offerts par les banques.

Deuxième handicap structurel non résolu : la question du personnel, et il ne faut pas avoir peur de le dire.

Comment développer la compétitivité des caisses et lutter à armes égales avec des concurrents dont les coûts salariaux sont quelquefois trois fois moindres ? En effet, un employé de caisse d'épargne coûte trois fois plus cher que l'employé d'une banque AFB. Rien d'étonnant à cela quand on sait que la convention collective va jusqu'à accorder seize mois de salaires pour une année.

Or le problème des coûts salariaux, qui grève la rentabilité des caisses d'épargne et handicape d'emblée leur position concurrentielle, est curieusement passé sous silence dans ce projet comme dans les rapports. Le Gouvernement fait même preuve d'un conservatisme bon teint en permettant aux deux syndicats majoritaires de bloquer tout nouvel accord collectif. On le voit bien : les personnels surprotégés des caisses d'épargne se sont


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opposés à toutes les réformes précédentes, ils s'opposent à celle-là et s'opposeront de même à toutes les réformes à venir.

Cela veut-il dire qu'on ne pourra jamais régler la question du personnel ? Je ne le pense pas. Mais le Gouvernement nous propose finalement peu de chose : la transformation des caisses d'épargne en société coopérative.

On passe ainsi d'un statut non identifié à un statut juridique dérogatoire par rapport au droit commun bancaire.

Ce que vous appelez une banalisation douce mériterait mieux le nom de « réformette ». Cette mise en concurrence par la petite porte pose d'ailleurs plus de problèmes qu'elle n'en résout.

Qu'adviendra-t-il du monopole de distribution des livrets A, partagé avec La Poste ? Quelle incidence aura l'introduction d'actionnaires dans le système des caisses d'épargne, qui n'avaient pas d'actionnaires à rémunérer jusqu'à présent.

En second lieu, ce projet de loi fait la part belle à l'économie administrée. Cela se traduit d'abord par la convoitise de l'Etat sur les fonds propres des caisses d'épargne. En 161 ans de bons et loyaux services, les caisses d'épargne ont amassé quelque 65 milliards de francs de réserves. Que reste-t-il de leurs fonds propres avec ce projet de loi ? Au total, 15 milliards de francs seront utilisés pour renflouer la caisse de retraite des caisses d'épargne, 5 milliards de francs seront ponctionnés par l'Etat dès l'année prochaine et 18,8 milliards le seront dans les quatre prochaines années. Il restera alors aux caisses d'épargne une cagnotte de 27 milliards de francs.

Concernant l'ouverture du capital au public, celle-ci est largement insuffisante. C'est à nouveau une libéralisation par la petite porte.

L'ouverture du capital au public ne doit pas masquer une tutelle résiduelle que l'Etat continuera d'exercer sur les caisses. A cet égard, le rôle que jouera la Caisse des dépôts et consignations dans le futur réseau a été soigneusement éludé. Il est clair pour l'instant que la Caisse des dépôts disposera de 30 % à 35 % du capital des caisses, et ainsi, probablement, de la minorité de blocage. Elle apporte sa marque d'étatisation, vestige de la grande époque de l'économie administrée.

A l'heure où l'on nous parle du désengagement de l'Etat dans différents pays, et même chez nous, le maintien d'une structure publique de cette importance et ce réseau de satellites du Trésor apparaissent comme un anachronisme. Or la Caisse des dépôts a déjà représenté une force de blocage importante pour la modernisation des caisses d'épargne ; l'échec du CENCEP pour son opération de rachat du CIC en témoigne, et c'est finalement le Crédit agricole qui a bénéficié de l'opération.

A cause d'une trop forte présence de l'Etat, les caisses d'épargne risquent de manquer les rendez-vous du

XXIe siècle. Un pacte d'actionnaires aurait à mon sens été préférable car il aurait permis de faire entrer d'autres organismes bancaires de type européen dans le système et d'encourager l'action partenariale en général.

Au lieu de cela, les caisses d'épargne resteront cantonnées à un réseau, certes important, mais réduites à une stature financière qui le classe, je le rappelle, au 78e rang européen. Ne disposant pas de fonds propres suffisants, les caisses ne pourront donc pas accorder des crédits à vingt-cinq ou trente ans ; cette lacune sera dommageable pour leur avenir.

Je dirai pour terminer un mot de l'autre aspect du texte, la sécurité financière. Ce projet de loi édifie un beau monument à la gloire de l'économie administrée et de l'étatisation. La faillite récente du système bancaire public a posé le problème de la garantie des déposants, et plus généralement de ce qu'on appelle la solidarité de place.

Que propose l'Etat dans ce projet de loi ? Ce qu'il sait faire le mieux : une énième structure administrative. Là encore, les contrôles seront du ressort de l'Etat. Il convient de rappeler que la commission bancaire a totalement échoué dans son rôle de prévention des déboires du Lyonnais et de quelques autres banques. Qu'ont dit les autorités de contrôle lors de la crise du Lyonnais ? Qu'ont-elles dit lorsqu'on a découvert le passif de la Société marseillaise de crédit ? Après une « nouvelle banque », l'Etat devait aux contribuables un nouveau système de contrôle. Mais peut-on faire du neuf avec de l'ancien, avec le même système de contrôle, fonctionnant selon des principes similaires ? Pourquoi avoir rejeté a priori toute forme de contrôle par un organisme professionnel, sous prétexte qu'il n'est pas administratif ? On aurait pu imaginer un organisme nouveau, composé à parité de professionnels de la banque et - pourquoi pas ? - de fonctionnaires. Au lieu de cela, on nous propose une « amicale des anciens du Trésor ».

Il est à craindre que la nouvelle structure administrative qui sera mise en place, le « collège des autorités de contrôle », ne connaisse pas un meilleur sort. Cette instance, qui se veut la maison commune de la COB, de la Commission bancaire, de la Commission de contrôle des assurances et du Conseil des marchés financiers, ne sera pas une autorité réellement indépendante. Elle réunira le directeur du Trésor et, peu ou prou, d'anciens fonctionnaires du Trésor.

Cette nouvelle institution pourra-t-elle faire oublier le fiasco du contrôle de l'Etat sur le système bancaire public, comme on l'a vu à propos du Crédit lyonnais ? La Commission bancaire a fait preuve dans cette affaire d'un silence assourdissant. Il y a eu officiellement 100 milliards de pertes pour le Lyonnais - voire davantage -, ce qui représente 3 000 francs à rembourser par contribuable. Ce scandale ne fera pas oublier que chacun a payé deux fois, d'abord comme client, ensuite comme contribuable.

Afin d'éviter toute faillite inopinée, le texte prévoit un fonds de garantie qui pourrait, le cas échéant, subvenir au passif des banques en difficulté. Ce fonds, qui sera alimenté par la contribution spécifique sur les banques, ne doit pas devenir un réservoir servant à financer des banques structurellement déficitaires.

Cette solidarité de place ne devrait pas permettre aux banques dynamiques et rentables de verser une rente aux banques mal gérées et aux banques peu rentables. C'est pourquoi il convient d'encadrer davantage l'intervention de ce fonds de garantie, et de définir avec beaucoup plus de précision le caractère préventif de celui-ci.

M. Germain Gengenwin.

C'est vrai !

M. Gilbert Gantier.

On le voit bien, ce texte compliqué, qui a deux objets complètement différents l'un de l'autre, comporte de nombreuses lacunes et ne traite pas c onvenablement de nombreux problèmes importants concernant les caisses d'épargne ou le renforcement de la sécurité financière.

En nous faisant croire que ce projet est une grande réforme, monsieur le ministre, vous jouez pour une grande part à l'illusionnisme.

C'est à cause de toutes ces carences que le groupe Démocratie libérale propose de voter la question préalable sur le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

financière.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, de l'économie g énérale et du Plan, pour la réforme des caisses d'épargne.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

M. Gantier a fait un certain nombre de remarques sur ce projet de loi, en ce qui concerne tant les caisses d'épargne que la sécurité financière.

S'agissant des caisses d'épargne, pour lesquelles je suis rapporteur, je suis un peu étonné par l'attitude de notre collègue. Si je résume, monsieur Gantier, vous estimez qu'il n'y a pas lieu de débattre de ce projet mais, en même temps, vous indiquez qu'il faudrait transformer profondément les caisses d'épargne et en faire des établissements n'ayant plus les mêmes spécificités. J'ai même cru comprendre, en filigrane de vos propos, que vous souhaitiez carrément aller vers une privatisation.

Vous avez proposé des amendements à la commission des finances, qui en a d'ailleurs accepté certains, mais vous proposez tout à fait autre chose à la tribune. Cela traduit une certaine incohérence et je suggère par conséquent à l'Assemblée nationale de repousser la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui touche à une institution sociale de notre pays, les caisses d'épargne, chères à nos concitoyens, puisqu'ils sont près de 26 millions à leur faire confiance.

La plupart des clients sont titulaires de livrets A dont le montant est inférieur à 1 000 francs. C'est dire le rôle social des caisses d'épargne, qui consiste à accueillir tous les clients, même ceux qui ne sont pas rentables et qui sont étrangers au monde de la finance.

Cette vocation sociale d'accueil de toutes les clientèles relève plus de la culture de l'entreprise que d'une mission que lui aurait confiée le législateur. De ce point de vue, les caisses d'épargne occupent une place particulière dans le paysage bancaire français, parce qu'elles sont fondées sur des principes de solidarité, de proximité et d'aménagement du territoire qui font aujourd'hui cruellement défaut au secteur marchand.

Les caisses d'épargne contribuent depuis leur création à la promotion, la collecte et la protection de l'épargne populaire. Depuis 1983, elles sont devenues des établissements de crédit à part entière, ont développé leurs activités et ont joué un rôle de premier plan en faveur de l'épargne populaire et du financement de l'économie locale et régionale. Aujourd'hui, le groupe est le deuxième financeur des collectivités locales. Cette réussite s'explique pour beaucoup par sa formidable capacité de changement, dont témoignent les fusions des années 1990 et 1991, qui lui a permis de bâtir un réseau dense et moderne constitué de trente-deux caisses d'épargne réparties sur le territoire.

Pour autant, les caisses d'épargne ne se placent qu'au soixante-dix-huitième rang européen pour la rentabilité de leurs fonds propres, et ce qui est un atout aujourd'hui peut se transformer demain en handicap, dans un environnement concurrentiel et dans un secteur bancaire en pleine évolution, où les défis sont nombreux et se nomment : avènement de l'euro, concurrence élargie, banque à distance et nouvelles technologies.

Il est donc indispensable que l'avenir des caisses d'épargne soit pérennisé, conforté dans un environnement où la concurrence est vive. En restant confinées à leur rôle d'établissements collecteurs, les caisses d'épargne risquent, on peut le craindre, d'être fragilisées face à un marché européen où les établissements se regroupent pour être plus forts. Ne rien faire, c'est condamner un réseau qui n'aura pas la force de frappe des grands groupes bancaires.

Ce contexte constitue une nouvelle donne pour les banques françaises et européennes. La voie coopérative semble la solution la plus pertinente pour les caisses d'épargne car elle leur permettra une croissance externe jusqu'ici difficile, voire impossible à réaliser.

M. Pierre Forgues.

C'est vrai !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Le principe de transformation des caisses d'épargne en banques coopératives est favorablement accueilli par les députés radicaux, conscients que le maintien du statu quo ne permettrait pas à ces établissements de continuer à se développer dans un contexte européen de plus en plus concurrentiel.

Dotées d'un statut coopératif en adéquation avec leur histoire et leurs valeurs, et sur le principe d'un homme, une voix, les caisses d'épargne auront un cadre bien adapté qui leur permettra de sortir de leur isolement tout en préservant leurs spécificités. Elles seront plus à même de valoriser leurs atouts pour se placer au premier rang des évolutions à venir, grâce à un statut adapté.

M. Pierre Forgues.

Très juste !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

L'article 1er constitue une avancée dans la mesure où la loi confirme et consacre les missions d'intérêt général par rapport aux textes antérieurs.

La réforme consacre les missions d'intérêt général des caisses d'épargne que s'étaient assignées leurs fondateurs : le financement de projets utiles à la collectivité et la mise en oeuvre des principes de solidarité.

Donner un sens à la recherche de la rentabilité et mettre celle-ci au service de tous sans exclusive, voilà un argument auquel nous adhérons, et cela d'autant plus que nous sommes dans un environnement où la banque, d'une manière générale, est souvent au service de quelques-uns.

Les caisses d'épargne ont depuis toujours assumé des missions d'utilité publique par le biais du livret A dont la collecte est destinée au logement social. Nous nous réjouissons que le Gouvernement réaffirme son attachement au livret A tout en refusant toute banalisation de ce produit. Le refus de toute banalisation du livret A est un principe auquel nous sommes attachés car celui-ci reste l'instrument financier privilégié des ménages à faibles revenus : 30 % des épargnants les plus modestes ne possèdent pas d'autre produit que le livret A.


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Enfin, en consacrant une partie du résultat net des caisses d'épargne à l'alimentation des fonds de réserve pour les retraites, le législateur exprime sa volonté de sauvegarder notre régime de retraite par répartition par le biais d'un fonds de garantie destiné à amortir l'évolution démographique que connaîtront les régimes de retraite à partir de 2005.

De même, la création d'une caisse nationale des caisses d'épargne permettra de mettre fin à la séparation actuelle des fonctions décisionnelles et opérationnelles, en donnant un véritable exécutif à la caisse centrale. Le projet de l oi permet de rassembler dans une entité unique l'ensemble des fonctions financières et de contrôle.

Le second volet du projet de loi apporte de nouveaux éléments de sécurité financière en renforçant le contrô le sur le système financier et en améliorant le dispositif de garanties pour les déposants en cas de difficultés de l'établissement. Nous espérons que les nouvelles garanties permettront d'éviter les erreurs du passé à la charge du contribuable.

Il me paraît important que la réforme contribue à préserver la diversité de notre système bancaire coopératif et mutualiste. Les banques mutualistes ont prouvé qu'elles avaient su faire preuve de prudence alors que d'autres se livraient à une spéculation, à la recherche de l'argent facile.

Cette réforme ne saurait faire l'impasse sur l'accès, pour tous les ménages, au système bancaire, et tout particulièrement pour les très petites entreprises et les jeunes créateurs qui, sans capitaux ni connaissance des circuits financiers, se voient fermer les portes des banques.

Il me semble nécessaire de combattre ces pratiques très liées au système bancaire. De ce point de vue, la réforme dont nous débattons aujourd'hui est peut-être l'occasion de penser la banque différemment, autrement qu'en termes d'accumulation de profits, de spéculation. Redonner un sens à la rentabilité et la mettre au service de l'intérêt général, se doter de moyens pour financer des opérat ions utiles à la collectivité, sont des orientations auxquelles je souscris.

Au-delà de la réforme des caisses d'épargne, il est un enjeu essentiel, celui de notre capacité à maintenir un système bancaire diversifié et fort, qui soit capable d'amortir les cycles financiers et qui réponde aux besoins d'une clientèle jugée non rentable.

Pour autant, la réforme doit être attentive sur un certain nombre de points et apporter plus d'assurance sur les problématiques suivantes.

Le statut et l'emploi des salariés devront être préservés en cas de fusion de caisses régionales.

Le principe de solidarité doit prévaloir entre les bassins de vie d'une même caisse d'épargne afin de maintenir des agences tant en milieu rural que dans les quartiers urbains défavorisés.

M. Gérard Saumade.

Très bien !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

J'évoquerai à ce point de mon propos l'article 4 du projet de loi.

L'amendement proposé par le rapporteur porte de 10 à 30 % les droits de vote d'un groupement local d'épargne.

Cela me paraît dangereux. Pourquoi ? Parce que les sociétaires de deux groupements locaux d'épargne d'une même caisse d'épargne pourraient détenir la majorité absolue, soit 60 %, au sein de l'assemblée générale, ce qui ne serait pas neutre pour ce qui concerne, par exemple, les décisions relatives aux ouvertures et aux fermetures d'agence. Cela aurait donc des conséquences sur l'aménagement du territoire.

Le principe de solidarité doit prévaloir entre les bassins de vie d'une même caisse d'épargne. Les riches doivent subventionner les pauvres pour leur permettre de conserver leur agence afin que le groupe des caisses d'épargne demeure ce qu'il est, ce qu'il a toujours été : un réseau de proximité. J'ajoute qu'il est sain que, s'agissant d'un groupe coopératif, le pouvoir soit partagé, ce partage étant un gage de démocratie.

Les députés radicaux de gauche proposent de revenir à la rédaction initiale en ramenant à 10 % le total des droits de vote par les groupements locaux d'épargne.

Je voudrais également attirer l'attention sur la rémunération des parts sociales. La démarche citoyenne doit prévaloir quant à la rémunération des parts sociales qui seront cédées. De ce point de vue, une rémunération calquée sur celle du livret A me paraît une solution à retenir.

Enfin, il me paraît nécessaire que le groupe organise la solidarité intercaisses de façon institutionnelle et précise.

A cet égard, la non-inscription dans la loi de ce principe actif de solidarité entre les entreprises du groupe peut engendrer des situations très inégales entre les caisses.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement à l'article 10.

Les députés radicaux de gauche sont donc favorables, sous ces réserves, à la réforme compte tenu des nouveaux défis qui se dessinent et de l'intensification de la concurrence entre établissements qui en résulte. Pour autant, celle-ci ne devra pas faire l'impasse sur les principes de solidarité, d'aménagement du territoire, de proximité et de mission d'intérêt général, qui caractérisent, depuis leur création, les caisses d'épargne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est aujourd'hui proposé regroupe deux éléments disparates, que j'aborderai séparément. En effet, ce projet traite à la fois de la réforme d'un groupe bancaire particulier et de la mise en oeuvre de règles nouvelles pour l'ensemble des banques françaises.

Commençons par le premier volet : la réforme des caisses d'épargne. Cette réforme n'était que trop attendue, elle n'était que trop nécessaire. La banalisation du statut de ce réseau mutuel était en effet devenue incontournable car la situation bloquait le groupe dans son développement.

Pour les caisses d'épargne d'abord, la réforme était devenue une priorité. A l'heure de la recomposition du paysage bancaire européen et mondial, ce réseau ne pouvait pas garder son statut juridique sui generis, et rester ainsi le seul de son genre en Europe. Une telle situation le privait de toute possibilité d'alliance avec un autre partenaire de la zone euro, français ou étranger, peu désireux de se marier avec une banque au statut hybride et aux contours mal définis. Or, on le sait, les mutations du secteur bancaire imposent aux établissements de pouvoir se regrouper pour affronter la concurrence avec plus d'assurance et d'assise financière.

Au-delà, cette situation n'était pas saine. L'existence, à côté d'un réseau mutualiste organisé et d'un réseau bancaire classique, d'un établissement particulier portait en elle-même ses propres limites : d'une part, elle bloquait l'avenir de la caisse d'épargne et, d'autre part, elle pesait sur la cohérence de notre système bancaire.


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Ne perdons pas de vue que la réforme est avant tout une chance pour les caisses d'épargne elles-mêmes et pour leurs salariés. Elle leur donne les moyens de s'adapter aux évolutions. Le réseau des caisses d'épargne, comme les autres groupes mutualistes, est appelé à faire face aux défis des prochaines années et aux défis qu'offre la concurrence. Dans cette optique, tout ce qui augmente la rentabilité de nos banques est bon pour notre pays. Car, si la course au profit n'est pas une fin en soi, disposer d'une rentabilité importante est néanmoins utile et même indispensable pour l'investissement et le développement des établissements bancaires, et donc aussi pour leur pérennité et celle de leurs emplois.

Mais si, dans la direction qu'il esquisse, le texte va dans le bon sens - ne nous le cachons pas - il comporte des lacunes.

Il favorise notamment le statu quo social en refusant d'aligner le statut juridique des caisses d'épargne sur le droit du travail en vigueur partout ailleurs en matière de négociations collectives. Il conviendra donc, au cours du débat, de rétablir la règle démocratique en supprimant une exception préjudiciable à l'avenir du groupe. Après ce texte, il restera en effet au groupe à se moderniser et à régler plusieurs problèmes importants, comme celui des retraites de son personnel. Pour ce faire, la caisse d'épargne devra pouvoir négocier dans la sérénité afin d'aborder ces échéances dans la transparence et la concertation. Conserver la règle de la majorité des trois quarts, c'est empêcher la constitution d'accords, et c'est substituer au dialogue social la volonté des gouvernements, ce qui me semble être une atteinte au droit des salariés et des dirigeants d'influer sur leurs propres destinées.

M. Philippe Auberger et M. Yves Deniaud.

Très bien !

M. Marc Laffineur.

Je n'entrerai pas davantage dans le détail de cette première partie, car mon collègue Jean Proriol y reviendra tout à l'heure plus longuement.

J'aborderai le second volet du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité financière.

L'esprit de la réforme répond à une attente et correspond à un besoin. Prévoir un mécanisme permettant de prévenir une crise de grande ampleur due à la défaillance d'un réseau ou d'un groupe financier est une bonne chose. Mais, entre l'esprit et la lettre du texte, il convient de remarquer que certains points méritent des correctifs fondamentaux. Le plus important d'entre eux porte sur la façon dont le fonds de garantie sera abondé. Le texte prévoit simplement que les sommes affectées à ce fonds ouvriront des droits à des crédits d'impôt à hauteur de 25 % des sommes versées et imputables sur la contribution des institutions financières. Clairement, ce système ne va pas assez loin. Il faut en effet profiter de l'occasion pour remettre en cause les impositions qui pèsent sur nos établissements financiers et qui obèrent de façon grave leur rentabilité et leurs résultats.

Il faut reconnaître aujourd'hui que l'internationalisation de la concurrence nécessite des évolutions et des réformes permettant à nos banques de faire jeu égal avec leurs rivaux européens et mondiaux.

Deux impôts spécifiques handicapent nos établissements financiers dans ce contexte et menacent l'avenir des groupes d'assurance et des banques : la taxe sur les salaires et la contribution des institutions financières constituent des prélèvements qui n'ont pas de raison d'être et qui pénalisent injustement nos entreprises financières par rapport à leurs homologues étrangères. Ces impôts doivent disparaître ! En taxant les salaires, en moyenne à 10 %, on fait payer à nos établissements le prix du onzième salarié, alors que l'on affirme par ailleurs que, pour favoriser l'emploi, il faut exclure de la base de la taxe professionnelle la masse salariale pour ne pas désinciter les employeurs à embaucher. Où est la logique de cette contradiction ? Comment justifier que l'on laisse subsister ici un mécanisme que l'on prétend combattre là ? Pourquoi deux poids, deux mesures ? La contribution des institutions financières est quant à elle assise sur les frais de fonctionnement de celles-ci.

Quand on sait que, pour 60 %, ces dépenses sont liées aux rémunérations, on comprend que le même raisonnement s'applique avec la même force.

L'avènement de l'euro, j'en suis convaincu, est une chance pour la France et peut-être pour les entreprises françaises et les salariés français. Encore faut-il que nous nous donnions les moyens de ne pas aborder cette étape de notre histoire en appliquant aux forces vives de notre économie des taxes et des prélèvements qui les fassent démarrer avec un handicap insurmontable et qui les fassent, demain, disparaître dans des ensembles européens dominés par des groupes allemands et anglo-saxons ! La menace est grande de voir nos grands groupes délocaliser leurs activités vers des plates-formes financières plus attractives, à Londres ou à Dublin, pour échapper à des impôts trop pénalisants pour les activités financières.

Le mouvement a déjà commencé et il est temps de réagir ! C'est pourquoi nous devons supprimer la contribution des institutions financières. C'est pourquoi aussi il nous faut dès maintenant programmer la suppression de la taxe sur les salaires afin de donner à nos établissements une marge de manoeuvre financière qui leur permette de rester compétitifs et qui puisse favoriser l'emploi au lieu de favoriser leur destruction et d'encourager la délocalisation des activités à forte valeur ajoutée, génératrices de hauts salaires.

Ce problème financier est crucial. Mais il n'est pas pour autant le seul.

Le fonds de garantie mis en place permettra sans doute de renforcer la sécurité des déposants et des assurés quand il sera utilisé de façon curative, mais son usage préventif soulève des difficultés car, si tout doit être fait pour éviter la survenance d'une crise systémique, les interventions préventives posent problème. Ne risque-t-on pas de maintenir certains établissements sous perfusion, déresponsabilisant du même coup les dirigeants de ces établissements affaiblis ? En aucun cas la garantie préventive ne saurait être une prime à la mauvaise gestion ! Dans cette optique, il faut encadrer de manière plus efficace le possible recours au dispositif de garantie préventive afin de se prémunir contre toute dérive. Cela passe notamment par un devoir d'alerte des autorités compétentes. Cela passe aussi par une meilleure représentation au sein de ces autorités, notamment de la Commission bancaire, afin que les fonctionnaires n'aient pas le monopole de l'initiative du recours à ce dispositif et que les décisions d'intervention soient mieux encadrées et plus partagées.

Dans ses autres aspects plus techniques, le projet nécessite aussi d'être amendé, en matière de secret professionnel pour la surveillance des banques, par exemple, puisque rien n'est prévu à ce sujet dans son texte initial.

Pour conclure, et plus globalement, je dirai que ces réformes ne vont pas assez loin.


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Pour développer l'emploi, pour développer la caisse d'épargne, pour qu'elle puisse nouer des alliances européennes solides, il aurait fallu libéraliser davantage.

S'agissant du second volet de votre texte, monsieur le ministre, il aurait fallu plus d'ambition. Votre projet, qui traite de la sécurité, de la surveillance et des obligations foncières, aurait dû également tendre à améliorer les moyens et les résultats de nos banques et de nos institutions financières. Ces moyens sont connus : il faut aujourd'hui réformer et alléger vraiment notre fiscalité. La suppression de la contribution des institutions financières et de la taxe sur les salaires est plus que jamais une nécessité, alors qu'approche l'avènement de l'euro et l'internationalisation de la concurrence.

Dans ces conditions, le groupe Démocratie libérale votera contre le projet de loi si ses amendements évoqués ne sont pas adoptés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur l'épargne et la sécurité financière est un projet ambitieux pour l'avenir du secteur bancaire français et la place qu'il occupera demain dans l'espace européen. Ce texte constitue une contribution importante, destinée à fixer une orientation souhaitable pour l'intégration du secteur bancaire, sa consolidation, sa supervision et l'émergence de pôles de stabilité.

Incontestablement, la période qui s'achève aura été celle des fusions bancaires domestiques : trente et une banques ont fusionné en Europe, l'an dernier, représentant un montant total de 455 milliards de francs. Dans la période qui s'ouvre, la zone euro a vocation à se transformer peu à peu en véritable marché domestique de la banque. Ce secteur représente d'ores et déjà près de 3 000 établissements de crédit, presque 2 millions de salariés, un actif global de près de 9 000 milliards d'euros.

Face à cela, je porterai ma réflexion sur les conditions de stabilité d'un tel édifice pour le court et moyen terme, en déclinant ce qui constitue pour la France, grâce à votre projet de loi, monsieur le ministre, la marche à suivre au niveau européen.

Tel qu'il est conçu, ce projet permet, à mes yeux, de répondre aux questions que nous devons légitimement nous poser à la suite de la crise financière mondiale de l'an dernier : Le marché est-il capable d'assurer seul sa sécurité ? En d'autres termes, faisons-nous confiance à l'autorégulation des marchés et des établissements bancaires ?

M. Pierre Forgues.

Non !

M. Jean-Pierre Balligand.

Si nous pensons qu'il faut maintenir une forme d'intervention publique, faut-il pour autant continuer à socialiser systématiquement les pertes des établissements de crédit ? Enfin, quels doivent être les missions et les devoirs des établissements bancaires à l'égard de leurs clients, déposants, actionnaires ou sociétaires ? Toutes les banques doivent-elles avoir pour seul horizon la création de valeurs pour les actionnaires sur le mode anglo-saxon ? Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non !

M. Jean-Pierre Balligand.

Mes chers collègues, ces questions communes à l'ensemble du secteur bancaire européen trouvent, dans le texte qui nous est présenté, les réponses que nous pouvions espérer, pour au moins trois raisons.

D'abord, grâce au statut coopératif, ce projet préserve l'identité des missions d'intérêt général des caisses d'épargne.

Ensuite, ce texte va permettre de renforcer la compétitivité de notre marché financier, grâce notamment à la création d'un véritable marché des obligations foncières.

Enfin et surtout, il apporte un point d'appui essentiel au renforcement de la sécurité financière des banques et des assurances, avec la création des fonds de garantie et le renforcement du dialogue et de la coopération entre régulateurs.

Par son architecture, ce texte constitue une sorte de

« loi cadre » pour la consolidation en cours de notre secteur bancaire. Mais pas n'importe quelle loi cadre : une loi cadre adaptée à un système bancaire qui est durablement sorti de l'économie administrée pour entrer dans un nouvel espace de règles du jeu bancaire et financier, dont nous refusons que les acteurs privés décident seuls.

L'intervention publique consiste dorénavant à définir les règles du jeu les plus compatibles avec la sécurité financière, la protection des déposants, la préservation de la multiplicité des modèles bancaires européens. Le point essentiel, me semble-t-il, est qu'en adoptant des règles du jeu communes, les différents acteurs du monde bancaire européen, public, mutualiste et concurrentiel, peuvent, plus encore que par le passé, nouer des partenariats bancaires dont la zone euro et l'économie française en particulier ont besoin. Ces partenariats sont nécessaires si l'on souhaite diffuser encore plus largement le capital risque de proximité, contribuer à solvabiliser des demandes sociales de financement qui ne trouveraient pas de soutien du côté des banques privées. Cette loi est le moyen de dresser des ponts entre le secteur mutualiste, le secteur concurrentiel dit AFB et un secteur financier public dont la vocation est non pas la marginalisation, mais, au contraire, la recherche d'interventions mixtes pour le développement. Plus les règles du jeu tendront à être communes, plus les différents acteurs bancaires auront le souci du bien commun. Ces règles communes n'interdisent pas la diversité des missions et des identités particulières : pour moi, elles les rendent plus légitimes et moins contestables.

Pour tendre vers cet équilibre entre harmonisation des règles du jeu et préservation des identités bancaires, les choses en Europe commencent à être plus claires au vu de l'accélération des fusions bancaires et une fois intégré le bilan des démutualisations anglosaxonnes. L'expérience anglaise montre que les marchés ne peuvent pas digérer aussi facilement qu'on le pense les réserves des banques coopératives sans qu'il y ait des conséquences pour les marchés eux-mêmes. Le marché ne pourrait pas, aujourd'hui en France, digérer les 100 milliards de réserve des mutualistes, sauf à provoquer un krach boursier ! Je ne pense pas que les banques françaises cotées souhaitent cela dans les conditions actuelles de leur valorisation boursière.

Deux formes d'organisations bancaires semblent se dessiner en Europe : les établissements bancaires tournés vers la recherche de niveau de capitalisation boursière de plus en plus importante ; les établissements coopératifs européens, non opéables, parmi lesquels certains se sont vu confier des services bancaires d'intérêt économique


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général, missions souvent partagées avec des établissements bancaires à statut public comme la Caisse des dépôts et consignations en France.

Permettez-moi tout d'abord de rejeter un argument souvent avancé par les partisans de la démutualisation.

Ces derniers critiquent le statut non opéable des banques coopératives au motif que celles-ci n'auraient pas à subir la pression des marchés. Je crois néanmoins que les mutualistes subissent la pression des banques côtées dans la mesure où celles-ci peuvent financer par appel aux marchés leur expansion ce que, par nature, les banques mutualistes et coopératives ne peuvent pas faire. Et parce qu'il n'y a pas de place pour tous sur tous les marchés bancaires, déjà fortement concurrentiels, il n'est pas cohérent d'encourager l'ensemble des établissements bancaires français ou européens à faire les mêmes choses, avec les mêmes critères et les mêmes objectifs. Par conséquent, je crois que le statut coopératif constitue un atout incontestable pour assurer aux caisses d'épargne une stratégie de banque coopérative universelle remplissant des missions d'intérêt général.

Pour parvenir à cet équilibre, le statut coopératif permet de lever les derniers obstacles juridiques au développement des caisses d'épargne, dont la clé de la réussite est la compatibilité de la rentabilité de leurs fonds propres avec leurs missions particulières. La rentabilité des fonds propres des caisses d'épargne doit être le moyen et non pas la finalité d'un groupe coopératif pour assurer, dans de meilleures conditions de ressources et en harmonie, le financement des missions d'intérêt général et la rémunération du sociétariat. Néanmoins, l'objectif de rentabilité des caisses d'épargne doit respecter par cohérence les contraintes macro-économiques. Je ne crois pas que l'on puisse exiger des caisses d'épargne, ni des banques en général, des rendements sur fonds propres trop nettement supérieurs aux taux des obligations d'Etat.

Il serait souhaitable qu'en France, à la suite de ce texte, les acteurs bancaires réfléchissent aux conséquences de la fixation de taux de rentabilité de l'ordre de 15 %. Il faut fixer des objectifs de rentabilité pour les caisses d'épargne qui permettent de financer leur expansion et leur mission d'intérêt général mais qui, dans le même temps, garantissent l'emploi des salariés. Les chiffres avancés par certains, autour de 7 %, me semblent, à moyen terme, raisonnables.

Mes chers collègues, est-il indécent que le rendement fourni aux sociétaires soit proche du rendement sans risque, à savoir le taux des OAT, dans la mesure où les mutualistes n'encourent pas le risque d'une OPA ? Il faut cesser d'opposer vainement la rentabilité et l'efficacité sociale !

M. Jean-Louis Dumont.

Les deux se conjuguent !

M. Jean-Pierre Balligand.

Le deuxième intérêt de ce texte est d'apporter un élément de stabilité à l'ensemble des établissements de crédit, le groupe Caisse d'épargne compris, avec la création d'un marché hypothécaire français plus compétitif certes, mais surtout beaucoup plus sûr. Cet aspect de la réforme offre un double avantage : abaisser le coût de refinancement des banques françaises détentrices d'actifs longs et faiblement risqués ; offrir aux investisseurs européens des actifs français liquides et sécurisés.

A travers cette réforme, l'enjeu, vous l'aurez immédiatement perçu, consiste à assurer pour demain la pérennité d'un pan entier de notre système de financement, le marché obligataire de dette privée français, deuxième marché en Europe. A en juger d'après les réactions d'inquiétude des banques hypothécaires allemandes, la création d'obligations foncières plus liquides et plus sécurisées en France me semble être un premier signe encourageant. C'est par ce moyen que nous pourrons homogénéiser le marché hypothécaire européen sur la base d'un compromis plus équilibré entre le marché français et le marché allemand. Ce sursaut est indispensable dès lors que les banques françaises ne disposaient pas, jusqu'à ce texte, d'un cadre légal leur permettant d'abaisser le coût de leur financement. Cette situation est de nature à dégrader leur position concurrentielle auprès des collectivités locales françaises et européennes, voire, à terme, leur position dans le financement du logement.

Déjà, les banques allemandes détiennent 7 % du marché du secteur public territorial français, alors qu'en même temps les banques françaises sont quasiment absentes du marché allemand. Pour un crédit plus favorable aux collectivités territoriales, beaucoup de nos banques sont désavantagées, vis-à-vis tant de leurs clients emprunteurs que de leurs clients investisseurs, face aux banques allemandes notées souvent plus faiblement, mais disposant d'un outil et d'un marché de refinancement plus adaptés que les nôtres. Ce constat vaut pour l'ensemble des établissements de crédit français porteurs d'actifs longs et notamment pour le Crédit foncier de France, les grands réseaux mutualistes, dont les caisses d'épargne et le Crédit mutuel.

Pour ne prendre que le cas du Crédit foncier de France, le texte permet la création d'une société de Crédit foncier qui va se voir confier la gestion des obligations foncières dans des conditions de sécurité et de compétitivité inégalées par le passé. Nous devrions veiller à renforcer leur stabilité en permettant aux nouvelles sociétés de Crédit foncier de se protéger contre le risque de remboursement anticipé qui peut, dans certains cas, contribuer à fragiliser l'actif des sociétés foncières.

Pour conclure, je voudrais insister sur l'importance du volet consacré à la sécurité financière. Quel aurait été l'intérêt de réformer les caisses d'épargne et le marché des obligations foncières si le texte qui nous est proposé ne s'était pas en même temps préoccupé des règles du jeu et de la supervision ? Le renforcement de la supervision des banques et des assurances et de la prévention des crises bancaires constitue un point crucial pour le renforcement de la compétitivité des banques françaises, la protection des déposants, le respect des contribuables. On peut d'ailleurs regretter qu'il ait fallu attendre si longtemps après les crises bancaires du début des années 90 pour qu'enfin la France se dote d'un fonds de garantie commun à l'ensemble des établissements de crédit. Le fonds de garantie doit devenir le lieu où les différents acteurs bancaires, co-responsables les uns vis-à-vis des autres, parviendront à se forger une identité et une éthique communes.

Pour ne citer qu'un seul exemple, la création aux EtatsUnis de la Federal Deposit Insurance Corporation , la FDIC, a été l'occasion pour le système bancaire, après la crise des caisses d'épargne américaines, de renforcer considérablement les moyens de prévention des crises bancaires et d'améliorer notoirement la robustesse des banques. La FDIC, en tant qu'institution publique, s'est par ailleurs dotée de véritables moyens de supervision des banques pour vérifier à tout instant que les moyens dont elle dispose pour rembourser les déposants sont bien proportionnels à la santé de ses cotisants bancaires. En France, puisque nous avons choisi de faire des fonds de garantie une émanation des banques et des assurances, la solution va forcément passer par un dialogue permanent, respectant la confidentialité des informations entre les fonds de


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garantie et les autorités de contrôle. Pour l'avenir, j'ai le sentiment que la prochaine étape sera celle de la création d'un fonds de garantie bancaire européen ou, à tout le moins, d'une charte européenne des fonds de garantie fixant des conditions d'adhésion aux fonds homogènes en Europe et des conditions de remboursement des déposants égales partout en Europe.

A côté des fonds de garantie, la création d'un collège de régulateurs est sans doute, à la lumière des réflexions en cours dans les instances internationales chargées de la sécurité financière comme la Banque des règlements internationaux, une innovation à saluer en tant que telle.

La création de cette structure n'est pas un simple gadget pour superviseurs. L'enjeu est celui de l'élimination des angles morts de la surveillance d'établissements multifonctionnels. Sont particulièrement visés par cette structure les conglomérats financiers. Ces fournisseurs de services, dont des services financiers, posent de graves problèmes de contrôle. Il est quasiment impossible de connaître aujourd'hui le montant exact des fonds propres d'une filiale bancaire d'un conglomérat financier ou encore l'effet de levier qu'il crée. Rappelons-nous que c'est un effet de levier exubérant qui est à l'origine de la crise de LTCM. Par conséquent, ce n'est qu'au prix d'un dialogue permanent entre le régulateur bancaire et le régulateur d'assurances et des titres que l'on peut, par recoupements, se faire une idée de la santé financière de ces mastodontes de la finance européenne. De ce point de vue, ce collège des régulateurs aura certainement à appliquer les recommandations récentes du comité de Bâle sur les conglomérats financiers.

Mesdames, messieurs, vous aurez compris que ce texte représente, pour moi à titre personnel, mais aussi pour le groupe socialiste, une avancée significative pour la consolidation du paysage bancaire français. L'exercice n'était pas facile puisqu'il consistait à mettre au point une méthode de réforme adaptée à la globalisation financière.

Nous pouvons en déceler à présent les principes : réformer en même temps les structures bancaires et modifier les règles de la supervision. C'est en opérant sur ces deux aspects que l'on peut affirmer que votre projet de loi, monsieur le ministre, préserve l'équilibre entre la justice sociale, une logique industrielle cohérente et la recherche du bien commun.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Cabal.

M. Christian Cabal.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous demande de m'excuser si je vous inflige une voix un peu faiblarde. Mes obligations de ces dernières semaines à la Cour de justice de la République, auxquelles je ne pouvais en aucun cas échapper, m'ont en effet empêché de me faire opérer comme j'aurais dû le faire avant cette discussion.

Une société s'identifie naturellement au travers de ses institutions et de certains caractères qui symbolisent, à un moment donné, ses qualités ou ses défauts et, en tout cas, ses spécificités. Les mots Mc Do, jeans, Disneyworld évoquent sans contestation un type de société bien caractéristique, d'origine étrangère souvent, marquant progressivement la société française. Greffe temporaire ou définitive ? L'avenir le dira. En revanche, depuis près de deux siècles, l'institution des caisses d'épargne, car c'est bien d'une institution qu'il s'agit, marque de façon profonde et pérenne le comportement des Français avec l'argent. Le passé, le présent et l'avenir sont, dans ce domaine, bien immuables, du moins ne se modifient-ils que par touches prudentes au fil des ans, sans révolution, mais au travers d'évolutions successives qui façonnent progressivement un paysage nouveau, sans heurt ni rupture réels.

Nous avons ainsi assisté, ces vingt dernières années, à une mutation d'abord extrêmement prudente touchant à peine la vénérable maison, puis modifiant l'institution de façon notable à partir de 1983, s'accélérant ensuite radicalement avec la loi de 1991, pour aboutir à une nouvelle étape, peut-être la dernière dans la mesure où cela correspond à l'objectif des promoteurs du texte. Ainsi est-il permis de regretter que cette supposée dernière étape, ayant bénéficié d'un long délai de réflexion, de multiples débats qui ont singulièrement animé le réseau ces trois dernières années, aboutisse à un tel sentiment d'inachevé, d'imparfait et suscite de telles oppositions avec une discussion qui se déroule dans une atmosphère que l'on peut qualifier de délétère même si, par certains côtés, elle e st folklorique, comme ce qui se passe dans la rue aujourd'hui.

J'ai ainsi rarement observé dans le cadre de cette troisième réforme - significative -, qui aurait dû être un aboutissement consensuel, autant de tension et de contestation. Pourtant, les deux réformes antérieures s'étaient déroulées sous de particulièrement bons auspices et dans un esprit constructif. Alors, s'agit-il d'une réforme de trop ? Le réseau est-il devenu réfractaire à tout changement après le bouleversement de ces dernières années ? Ou s'agit-il simplement d'un problème de méthode et de pédagogie ? Voilà trois questions qui peuvent être posées.

Pour la première, la réforme est incontestablement nécessaire. D'ailleurs, lors de la discussion de la loi de 1991, la question du statut juridique, qui avait été largement débattue, était restée sans réponse satisfaisante. Il en est de même de la nature des fonds propres, de leur propriété. A l'époque déjà, à cette tribune, j'avais insisté sur les problèmes que poserait inévitablement cette situation et dont on avait esquivé la discussion d'une façon plutôt inélégante.

Cette stratégie s'est révélée redoutable puisqu'elle a rendu impossible une politique de développement externe pour le réseau, et a suscité les convoitises de certains devant l'ampleur des réserves ; convoitises accompagnées de poussées de prurit confiscatoires qui se sont en partie exprimées récemment à l'occasion de la loi de finances initiale avec le prélèvement exceptionnel de 5 milliards, et que l'on voit resurgir sous des formes diverses dans le cadre de l'examen de ce texte.

Pour autant, il n'y a plus lieu de tergiverser. Le statut coopératif, par exemple, représente la solution la moins inappropriée au présent et au futur des caisses. Cela dit, et cette direction de nature consensuelle étant retenue, pourquoi polluer le débat en introduisant encore des spécificités et des modalités propres, inopportunes et source de futurs désagréments et donc de correctifs à venir ? On persiste dans le « à la marge » du droit commun, alors que la spécificité des caisses peut s'exprimer autrement.

Venons-en à la deuxième question. Le réseau, qui a été soumis à des restructurations quasi constantes depuis neuf ans, est-il devenu réfractaire à tout nouveau changement structurel et à toute nouvelle forme d'organisation entre les caisses régionales, le CENCEP et la Caisse des dépôts et consignations, pour ne citer qu'eux ? Très franchement, je ne le pense pas. Les caisses ont su s'adapter, et en particulier les personnels, les cadres, les conseils d'orientation, dans des délais et des conditions parfois délicats avec beaucoup d'efficacité et des résultats élogieux, parfois enviés par la concurrence. Que l'on


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pense que l'on est passé d'un ensemble de 480 établissements d'épargne jalousement indépendants, distribuant quasi exclusivement un produit d'Etat à un groupe organisé en réseau d'une trentaine de banques de plein exercice offrant pratiquement toute la palette des produits bancaires, l'aboutissement de ce train de réformes ayant été marqué en 1995 par la constitution de la caisse centrale. Les capacités humaines et professionnelles mises en oeuvre pendant toutes ces années n'auront, a fortiori , aucune difficulté à réaliser cette forme de consécration quasi ultime qu'est le statut coopératif et les modalités nouvelles relationnelles avec les autres partenaires publics ou étatiques.

La logique de « sociétariat » coopératif qui sous-tend cette dernière réforme est admise dans ses principes par les personnels sans réticence rédhibitoire et, me semblet-il, par les déposants qui, au fil des années, sont devenus des clients. De ce fait, une part substantielle d'entre eux deviendront des sociétaires à l'instar d'autres réseaux coopératifs.

Nous aurons alors à échéance deux grands systèmes bancaires : les banques de droit, sociétés anonymes avec leurs clients éventuellement actionnaires, et les réseaux mutualistes avec leurs clients sociétaires. L'exception caisse d'épargne aura alors vécue et je suis sûr que cette nouvelle étape n'est en rien rédhibitoire.

Alors, qu'est-ce qui vient troubler et perturber - je n'en veux pour preuve que les importants mouvements sociaux qui agitent les caisses depuis des mois - la discussion du troisième texte, qui aurait pu être relativement consensuelle ? C'est une question de méthode mais aussi de choix discutables dont les applications font peser de lourdes menaces sur l'avenir des caisses. Enfin, il y a une part de non-dit qui pèse d'un point de vue psychologique.

Au niveau de la méthode, le réseau a été le moteur, dès l'application de la loi de 1991, de l'élaboration de projets.

Ceux-ci ont peut-être été effectivement trop complexes ou marqués par un corporatisme excessif et le choix du Gouvernement a alors été de faire table rase de ces projets maison pour privilégier un modèle fort opportunément proposé par le rapport Douyère. Je ne fais pas mienne la théorie qui veut que ce rapport ait servi de faux nez au projet de Bercy. Je connais trop les qualités de Raymond Douyère pour cela. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

En effet, cela fait maintenant des années que nous nous retrouvons régulièrement, sur des bancs peut-être opposés mais avec la même volonté, au chevet oserai-je dire puisque nous sommes médecins, des caisses d'épargne.

Cela dit, cette formule de rapport parlementaire exposait inévitablement à des critiques, justifiées ou non, de parti pris, de manque d'indépendance vis-à-vis de Bercy.

La publication du rapport, à l'évidence plus que prémices du projet de loi gouvernemental, a entraîné un puissant tir de barrage des organisations syndicales et d'une part significative du réseau. Des opposants au texte se sont donc mis en jambes avec le rapport Douyère, affûtant leurs arguments non pris en compte dans le projet de loi, et maintenant largement repris et développés de façon oppositionnelle.

Une procédure plus neutre, type comité des sages, de nature strictement technique aurait, à mon avis, mieux valu et permis de mieux intégrer les avis divers. Surtout, et là je serai plus véhément - si je le peux (Sourires) -, je suis choqué que la discussion parlementaire soit aussi brève, si peu contradictoire, et que l'urgence ait été déclarée. En particulier, et je l'ai déjà déploré en commission - que le président de la commission ne se sente pas une nouvelle fois attaqué par mon propos -, en guise de l'important travail contradictoire, qui aurait dû être effectué, nous avons eu droit à un rapide « bottage en touche ».

Cela a conduit chaque groupe politique à mener séparément les discussions. Ainsi, certaines organisations syndicales ont cru être entendues par la commission des finances alors qu'elles étaient reçues par le seul rapporteur. Si j'insiste sur ce point qui n'est pas seulement un détail formel, c'est que, dans ces conditions, nous n'avons pas travaillé ensemble en commission. Peut-être qu'une démarche différente aurait conduit à une attitude plus homogène de la commission et nous aurait évité cette dichotomie traditionnelle - et certainement anachronique - entre la majorité, en l'occurrence tout à fait relative, et l'opposition.

A ce stade, je ne détaillerai pas plus les points qui opposent mon groupe à ce projet de loi. Je laisse ce soin à Yves Deniaud, Michel Inchauspé et Jean-Pierre Delalande. Nous y reviendrons également dans la discussion des articles, afin que ce projet soit sérieusement amendé, et que soient prises en compte de façon responsable les objections qui ont été formulées très justement et sans esprit de polémique.

En l'état actuel du texte, le groupe RPR formule de sérieuses réserves et tient à exprimer sa profonde déception vis-à-vis d'un projet qui aurait dû être l'aboutissement de vingt années de réformes, permettant enfin de donner aux caisses un statut achevé, satisfaisant et équilibré dans le paysage bancaire français, comme l'a très bien montré Hervé Gaymard voilà quelques jours. Cela aurait été un statut coopératif de plein exercice, apportant au personnel, non pas des apaisements de nature corporatiste, mais des espérances à la hauteur des ambitions qu'ils expriment légitimement pour cette maison qui est la leur, car ils l'ont bâtie dans l'intérêt des déposants, passés, présents et futurs.

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi en conclusion de rendre hommage au travail qui a été mené par René Barberye à la tête du CENSEP et de souhaiter à Charles Milhaud, que je salue, un plein succès en toute hypothèse pour l'avenir des caisses au sein de notre système bancaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi qui vient aujourd'hui en examen affirme une ambition : favoriser la modernisation de notre secteur financier pour la croissance et l'emploi, renforcer la protection des épargnants et lutter contre l'insécurité financière. Autant d'objectifs que nous partageons largement. Permetteznous, toutefois, de nous interroger sur la capacité des mesures proposées à servir cette ambition décisive.

Ne vont-elles pas au contraire renforcer tous les facteurs d'insécurité et d'instabilité en immergeant les caisses d'épargne de l'Ecureuil dans le grand bain de la rentabilité financière et d'une concurrence coupe-gorge accrue avec les autres établissements de crédit sous la tutelle des marchés financiers ? Une réforme des caisses d'épargne et de leur partenariat avec la Caisse des dépôts est indispensable. Mais elle doit contribuer à une réforme d'ensemble du système bancaire et financier visant en pratique à favoriser l'essor d'un financement plus efficace de l'emploi, de la


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formation, des investissements, au lieu d'accentuer, dans une fuite en avant, les fragilités de ce système si gravement accrues par les privatisations.

La spécificité de l'Ecureuil, c'est son statut, bien entendu, mais c'est inséparablement son but social et donc ses critères de gestion. Prétendre, pour faire face à la concurrence, mettre en cause le but non lucratif et ouvrir davantage le réseau aux exigences de la rentabilité financière reviendrait, de fait, à mettre en cause, de l'intérieur même de sa gestion, des missions d'intérêt général, déjà si fragilisées et que le projet prétend pourtant vouloir développer.

Quel partenariat nouveau construire avec la Caisse des dépôts et consignations, pour quels objectifs et avec quel contenu ? Promouvoir un pôle, fût-il public, centré sur le soutien au marché financier, ne pourrait mener que dans le mur.

Or on sait que des protocoles de partenariat allant dans ce sens sont actuellement négociés dans le secret, préparant une filialisation d'importantes activités de la Caisse des dépôts en anticipant sur l'adoption du présent projet de loi, et cela sans même que la représentation nationale et les salariés concernés n'aient pu en discuter.

C'est une mauvaise direction et une mauvaise méthode.

Une autre cohérence doit être recherchée. Nous proposons que le réseau des caisses d'épargne et la CDC constituent un pôle public et social d'impulsion des coopérations bancaires pour un crédit favorable à l'emploi et à la formation.

Ce pôle, loin d'être un camp retranché essayant de préserver des mission d'intérêt général rabougries et minées par la domination des marchés financiers, viserait au contraire à faire reculer cette domination en tirant toutes les banques et les institutions financières, y compris privées, dans une nouvelle grande union d'intérêt commun du crédit : le financement de l'emploi et de la formation.

Sa sollicitation dès le terrain, dans le cadre de véritables conférences financières régionales, sur des projets novateurs pourrait alors mener la Banque de France et la Banque centrale européenne à accepter de refinancer ces crédits sélectifs.

Rien en effet dans les traités européens signés n'interdit une expansion monétaire en euros et une affectation sélective pour l'emploi et la formation.

En visant une telle construction, il serait alors possible de donner un nouveau départ au but non lucratif des caisses d'épargne.

Ce pôle public et social d'impulsion, dont les caisses d'épargne et la Caisse des dépôts pourraient constituer les premiers acteurs, pourrait être le grand partenaire des populations sur le territoire, au niveau du « pays ». Ils les aideraient à sortir de la logique de guichet et à aller vers celle des projets, ainsi que les y invite la loi sur l'aménagement du territoire que notre groupe a améliorée et votée.

Comment une telle logique de projet pourrait-elle d'ailleurs se déployer sans un comportement nouveau des banques et institutions financières ? C e rôle de catalyseur dès le terrain, les caisses d'épargne ne pourront le jouer que dans une dynamique d'émancipation du marché financier et de la rentabilité financière. Cela exige de nouveaux progrès de la démocratie dans le réseau et un développement de la vocation non lucrative des caisses, et non sa mise en cause.

Le statut et l'architecture du réseau caisse d'épargne doivent servir ce projet. Nous proposons ainsi de renforcer les pouvoirs de cette fédération et des groupements locaux d'épargne, qui doivent pouvoir contribuer à l'élaboration des orientations stratégiques des caisses et du réseau.

Nous refusons que puisse être imposée une logique de rentabilité financière à toutes les caisses d'épargne à part ir de la Caisse nationale pilote d'un réseau très centralisé.

Les caisses d'épargne appartiennent à la nation. Si 18 milliards doivent être levés en contrepartie de la cession de parts sociales, c'est pour servir au mieux l'intérêt général. Au lieu d'un fonds de capitalisation, qui, sous couvert de garantir les retraites, viendra alimenter les marchés financiers, nous voulons un fonds qui joue un rôle dynamique dans le financement des projets les plus créateurs d'emplois et donc de cotisations sociales.

Si des relations de coopération avec les acteurs intervenant dans le secteur du logement s'imposent, elles ne sauraient s'inscrire dans une logique purement financière, comme cela risque d'advenir si le Crédit foncier est cédé au privé.

Comment ne pas entendre les organisations syndicales du Crédit foncier quand elles montrent l'intérêt collectif de la constitution d'un pôle public dédié au financement du logement social et de l'accession à la propriété ? Le livret A, accusé par l'Association française des banques de favoriser outrageusement les caisses d'épargne, le Crédit mutuel et La Poste, doit être pérennisé. Il sert une épargne éminemment populaire - 50 % des livrets ont un encours inférieur à 1 000 francs - qui mérite d'être protégée. Mais c'est aussi une collecte de ressources de quelque 710 milliards de francs pouvant être mobilisée plus efficacement, en priorité pour le logement social et, comme nous le revendiquons, pour d'autres financements d'intérêt général participant à l'aménagement du territoi re et au développement de l'emploi.

Nous contestons le dogme selon lequel seuls les marchés financiers assureraient un financement optimum de l'économie.

Si l'argent placé sur ces marchés finit bien par s'investir quelque part, c'est au prix de transferts massifs de richesses et d'une pression comme jamais sur les salaires, l'emploi stable et qualifié. Une vraie compétitivité, pour une croissance durable, appelle à développer les qualifications et les dépenses pour les hommes en concrétisant une sécurité pour tous en termes d'emploi et de formation.

Pénaliser, comme nous le proposons, les placements financiers prédateurs s'opposerait à cette logique en dégageant des moyens pour abaisser de manière importante les taux consentis aux organismes HLM et aux collectivités locales, en prenant précisément appui sur l'épargne collectée par le livret A.

S'attaquer à la rente est indispensable. Mais il faut construire une alternative aux marchés financiers. La réussite de la politique nouvelle en particulier sur le terrain décisif de l'emploi est à ce prix. C'est aussi la condition d'une vraie sécurité financière.

Les dispositions du texte visant à prévenir les défaillances d'établissements financiers en renforçant les pouvoirs des autorités de contrôle ou à instituer des fonds de garantie mutualisant les risques sont significatives et témoignent que le risque de nouvelles turbulences financières est pris au sérieux.


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La collectivité ne doit plus socialiser les pertes de politiques financières aventureuses, alors qu'une minorité continue de s'enrichir de la spéculation.

Mais comment ne pas pointer les limites de tels dispositifs de régulation si, comme le craint l'économiste Patrick Arthus, un accident financier majeur survenait par exemple à Wall Street ? Par-delà le renforcement des règles prudentielles, c'est une réforme profonde du système qui est indispensable. Il faut démocratiser les institutions financières internationales et reconstruire sur des bases nouvelles le système monétaire international afin d'échapper à la domination du dollar et promouvoir une coopération pour développer partout l'emploi.

Financer en priorité l'emploi et la formation, développer les politiques publiques du logement ou de l'aménagement du territoire suppose, comme nous l'avons montré, de pouvoir prendre appui sur un système financier mixte, à la fois public, privé et mutualiste et donc sur un pôle financier public rénové, largement démocratisé.

Ce texte pourrait donc être l'occasion, grâce à la réforme des caisses d'épargne, de poser un acte fondateur majeur. Nous en sommes malheureusement très loin.

En effet, si le projet entend contribuer à plus des écurité financière, il inscrit paradoxalement cette démarche dans le développement de la bourse. Il affirme le principe de missions d'intérêt général renforcées des caisses d'épargne, mais avance des propositions qui, en l'état, ne pourront que les fragiliser alors qu'il faudrait au contraire les renforcer en enrichissant le contenu de ce but non lucratif constitutif de l'identité des caisses d'épargne et de prévoyance.

Nous ne pouvons donc qu'exprimer nos réserves sur ce projet de loi. Nous défendrons tout au long du débat des propositions concrètes afin que les caisses d'épargne soient en capacité de mieux se mobiliser pour l'emploi et l'intérêt général qu'elles ont su si bien servir au fil des décennies. Cette démarche implique une modification réellement significative du texte. Nous déterminerons notre vote en conséquence. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

(M. Yves Cochet remplace M. Arthur Pacht au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le ministre, le texte que nous examinons aujourd'hui est attendu depuis longtemps. En réalité, il s'agit non pas d'un mais de deux textes, comme vous l'avez souligné, d'égale importance mais qui répondent chacun à une exigence : réformer les caisses d'épargne pour leur permettre d'assurer la pérennité de leurs missions, les adapter aux exigences d'un marché ouvert et, surtout, les rendre plus efficaces ; renforcer la sécurité financière de notre secteur bancaire et financier au regard des défaillances constatées, favoriser le développement de ce secteur dans des conditions de confiance à la hauteur des enjeux et des techniques financières de plus en plus sophistiquées.

S'agissant de la réforme des caisses, il faut bien dire, monsieur le ministre, que plusieurs moutures de ce texte ont été concoctées pour arriver à celui que nous examinons aujourd'hui.

Notre collègue M. Douyère a beaucoup consulté, de même que l'ensemble des groupes politiques qui ont reçu les représentants des caisses, dirigeants et syndicats. Il s'agit en effet d'un tournant important qui clarifie le statut des caisses d'épargne. L'affaire n'est pas mince puisque quelque 40 000 salariés immergés dans le tissu local devront s'intégrer dans le nouveau paysage bancaire français et européen.

L'objectif de cette réforme est de permettre de rattraper le retard de rentabilité par rapport aux autres réseaux de même statut et de lui donner les moyens d'assumer une concurrence accrue par la mise en place de l'euro. De ce point de vue, elle constitue une réforme nécessaire, et, d'emblée, monsieur le ministre, je souhaite vous dire combien il est regrettable de ne pas avoir choisi la voie la plus simple. Tel qu'il nous est proposé, ce texte risque de déboucher sur la création d'une banque hybride dont nous risquons d'accoucher.

Pour l'instant, le statut des caisses d'épargne est tout à fait spécifique, leur conférant un rôle de banques de détail protégées de la concurrence. Vous nous proposez de les transformer en banques coopératives. Soyons clair, monsieur le ministre : de ce point de vue, le groupe UDF n'a rien à redire.

Néanmoins, dès la lecture de l'article 1er nous apparaît une contradiction, en droit comme en fait : le réseau des caisses d'épargne, qui entre dans le système bancaire coopératif, est chargé de missions d'intérêt général. Jusque -là, c ela n'est pas contestable. Mais charger les caisses d'épargne de la lutte contre les exclusions et de la mise en oeuvre du principe de solidarité dépasse largement le statut coopératif. Nous sommes d'accord sur le fond, mais ne partons pas sur une fausse piste : les caisses d'épargne ne doivent pas se transformer en banques du coeur.

Certes, me direz-vous, il y a toujours le livre A, dont les fonds sont collectés, en partie, par l'Ecureuil pour contribuer au financement du logement social. C'est bien là une mission d'intérêt général que nous ne remettons d'ailleurs pas en cause. Cependant, n'allez pas trop loin dans la satisfaction des intérêts de vos alliés de gauche et nous venons d'entendre certaines menaces - et n'hypothéquez pas l'avenir des caisses d'épargne en usant de mots lourds de sens.

Le problème fondamental de la réforme, monsieur le ministre, est la façon dont les caisses d'épargne vont passer au statut coopératif. Cela constitue l'épine dorsale du texte et le sujet sur lequel je veux particulièrement insister.

En effet, vous avez mis en place un système dont il est clair qu'il n'est pas indispensable : les caisses d'épargne auraient pu vendre elles-mêmes leurs parts sociales. On voit bien pourquoi vous n'avez pas choisi ce système et on peut penser que la confiance ne règne pas ! Force est d'ailleurs de constater que le système imaginé est une véritable usine à gaz. Je veux parler des fameux GLE, dont, soit dit entre nous, le sigle même a un aspect indigeste.

(Sourires.)

Ces GLE - les groupements locaux d'épargne - qui seront en fait des sortes d'excroissances des caisses régionales, n'auront pas d'existence réelle : ils seront chargés, après avoir acheté le capital des caisses d'épargne au moyen de prêts sans intérêt consentis par ces mêmes caisses d'épargne, de vendre ce capital sous forme de parts de GLE, qui, je le souligne, ne seront pas des parts de caisses d'épargne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 1999

Les GLE seront les seuls sociétaires des caisses régionales, ce qui est tout à fait contraire au droit coopératif, puisqu'ils n'auront pas vocation à recourir aux services de la caisse. De plus, ils seront détenteurs de 100 % des parts, au lieu de 49 % comme cela est prévu par le droit coopératif. Vous faites donc entrer les caisses d'épargne dans le statut coopératif en commençant par détourner la loi de 1947. Cela ne nous paraît pas convenable.

Là n'est pas le seul problème des GLE. En effet, un GLE ne vendant pas de parts de caisses d'épargne proprement dites, il ne pourra délivrer d'informations au public - un bilan financier ou d'activité - par exemple comme le prévoit la réglementation bancaire.

Le pire, sans doute - je souhaite insister sur ce point réside dans la répartition des dividendes et dans les mises en réserve possibles. Elles créeront, en effet, une inégalité de fait entre coopérateurs, puisque, bien qu'étant clients de la même caisse d'épargne régionale, ils ne dépendront pas forcément du même GLE et ne percevront pas la même rémunération.

Là encore, quoi qu'ait bien voulu nous dire le rapporteur en commission la semaine dernière, les GLE ne pourront pas souscrire des parts de caisses d'épargne du ressort desquelles ils ne dépendront pas. Il ressort bien des articles 8 et 25 qu'il n'y aura pas de participations croisées.

Par ailleurs, notre rapporteur prête aux GLE la capacité de développer l' affectio societatis.

Vous ne tromperez personne, cher collègue Douyère, en disant cela, puisque c'est exactement le contraire qui se passera : développer l' affectio societatis envers un organisme qui n'a pas de réalité juridique me semble relever du domaine de l'utopie.

Outre qu'il est inutile, ce système est aussi complexe, coûteux et rigide. En fait, ces GLE n'ont, à nos yeux, que des inconvénients.

Puisque vous tenez, monsieur le ministre, à créer un système intermédiaire entre les caisses d'épargne et les coopérateurs, je proposerai, avec quelques-uns de mes collègues du groupe UDF, un système qui reprend les mêmes principes, sans les inconvénients : les groupements régionaux d'épargne et de prévoyance, les GREP, dont même le nom, avouez-le, est déjà plus digeste que le précédent. Il en est de même du système proposé.

En premier lieu, il n'y aura qu'un GREP par caisse d'épargne régionale, au lieu du minimum de dix GLE imposé par la loi. Avec ce principe, déjà, un certain nombre d'inconvénients disparaissent : plus de problème d'inégalité entre coopérateurs à l'intérieur d'une même région et coûts de gestion nettement diminués du fait du plus petit nombre de structures.

Ces GREP seront, de la même manière que les GLE, détenteurs des parts de caisses d'épargne, grâce à des prêts sans intérêt souscrits auprès des caisses d'épargne. La différence fondamentale avec votre système, monsieur le ministre, est que ces GREP vendront des parts de caisse d'épargne et non des parts de GLE. Très simplement, cela signifie que les GREP vendront une réalité, rattachée à un bilan. Nous aurons l'occasion de reparler de cette proposition, qui a été repoussée en commission des finances, lors de l'examen des articles.

En fait, si l'on veut être sincère, le seul avantage de votre mécanisme est de faire remonter le plus d'argent possible, le plus rapidement possible, au fonds de réserve.

Mais, puisque dans ce texte il s'agit d'intérêt général, n'oublions pas l'intérêt des caisses d'épargne.

Cette réforme présente un autre inconvénient majeur tenant à la cadence et à la quantité des fonds reversés au fonds de mutualisation. En effet, l'article 24 détermine un versement du huitième ou de ce qui a été souscrit tous les six mois jusqu'à la fin de la réforme. Il s'agit donc d'un versement aveugle, ne correspondant pas forcément à la réalité des parts vendues. Cela risque d'amputer les caisses d'épargne d'une partie de leurs fonds propres.

C'est pourquoi je vous proposerai, lors de l'examen des articles, de permettre, dès le septième versement, une réflexion sur les ventes déjà réalisées et sur les versements au fonds.

Monsieur le ministre, l'équivoque doit être levée sur la capacité réelle des caisses d'épargne à vendre les 18,8 milliards de francs que l'Etat a fixés et qui ne sont pas contestables. Or, si seulement 13,5 milliards de francs sont cédés, quid du reste ? Je vous pose la question, monsieur le ministre : si tout ce montage est réalisé pour prendre 3 ou 5 milliards de francs de plus à la caisse d'épargne, il vaut mieux le dire maintenant. Si tel est le cas, pourquoi vous donner tant de mal ? Nous devons en parler.

Les articles 16 et 17 concernent un sujet délicat, sur lequel il ne me semble pas judicieux de faire de la surenchère. Nous tangentons le droit commun pour le personnel existant. Il n'y a rien d'autre à dire.

Un autre point sensible, sur lequel nous vous demanderons des précisions est l'ouverture du capital aux investisseurs institutionnels, particulièrement à nos partenaires des caisses d'épargne européennes. Vous en avez d'ailleurs parlé dans votre intervention.

Il me semble en effet essentiel de pouvoir faciliter ces partenariats qui sont aujourd'hui possibles dans un sens mais pas dans l'autre. Le statut coopératif le permettra-til ? Vous voudrez bien le préciser. A l'heure où l'Europe se réalise, et pour un Européen convaincu, cela est une nécessité.

Plus anecdotique, l'agrément du ministre de l'économie et des finances pour la nomination du président du directoire a tout de même de l'importance. Si cet agrément est tout à fait normal le temps que la réforme soit mise en place, je ne vois aucune raison pour que ce mécanisme perdure au-delà. Lorsqu'on regarde les autres banques coopératives, on constate que votre ministère n'utilise pas réellement l'agrément. Il me semblerait donc assez normal de le supprimer pour la Caisse nationale des caisses d'épargne, voire pour les autres banques coopératives.

Quant au délai de la réforme, quatre petites années pour laisser aux caisses d'épargne le temps de vendre leurs parts sociales semble un peu court à nombre d'entre nous. Il serait bénéfique, pour les caisses d'épargne comme pour les quantités reversées au fonds de mutualisation, de laisser un an supplémentaire. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Pour conclure sur cette première partie du projet, je souligne que la réforme des caisses d'épargne va globalement dans le bon sens, parce qu'elle fait enfin entrer cette banque dans le système commun du droit coopératif, ce qui lui permettra d'être sur un pied d'égalité avec les banques de même statut et la rendra plus compétitive.

Toutefois, le moins que l'on puisse dire est que de nombreuses améliorations sont nécessaires pour que ce texte soit acceptable par le groupe UDF. Vous le remarquerez d'ailleurs puisque nous avons présenté des propositons concrètes, qui ne changent pas, ainsi que vous l'avez demandé, l'économie du projet. J'espère, monsieur le ministre, qu'elles retiendront l'attention de votre majorité


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et de notre assemblée lors du débat sur les articles, contrairement à ce que nous avons, hélas ! vécu en commission des finances.

J'en viens à la seconde partie du projet de loi relatif à la sécurité de l'épargne, qui concerne tous les établissements bancaires et, plus justement, tous les épargnants.

En effet, pour développer la confiance en notre système financier français, nous devons faire en sorte de limiter les risques encourus. Les mécanismes de contrôle et de solidarité mis en place dans ce texte me paraissent éminemment nécessaires pour instituer une régulation qui, jusqu'à maintenant, n'existait pas. Il en va de la confiance des investisseurs, des épargnants et, surtout du développement de notre place financière, auquel chacun peut être particulièrement attaché.

Le texte propose de coordonner les autorités existantes, afin de faciliter l'échange d'informations et la surveillance des établissements financiers, de coordonner les actions en cas de besoin. La création de ce collège est donc particulièrement utile.

L'autre volet concerne la Commission bancaire à laquelle le texte confère des droits substantiels, ce qui est d'autant plus nécessaire que de récents événements nous ont laissés penser qu'elle ne possédait pas toute la panoplie pour se faire entendre. Cependant, quelques améliorations pourraient être apportées. Puisque le principe d'un agrément restreint est retenu - même s'il préexistait déjà pour quelques établissements - peut-être faudrait-il prévoir une information systématique des établissements entre eux, plus particulièrement à l'heure de l'ouverture à la concurrence européenne.

Ce projet contient également une mesure importante, qui n'est d'ailleurs pas passée inaperçue, celle que porte l'article 37. Elle suscite beaucoup de réflexions, y compris au sein même de notre groupe. Pour le moment, en effet, seules les banques AFB déterminent librement la rémunération servie aux actionnaires, alors que la rémunération des parts sociales est plafonnée.

Le projet de loi propose de déplafonner les intérêts servis aux coopérateurs, lesquels seront désormais déterminés par les assemblées générales de sociétaires, en entourant le dispositif de précautions : mise en réserve préalable d'au moins le tiers des résultats nets, possibilité d'interdire la rémunération des parts sociales si la situation de l'établissement le justifie.

Cette mesure va dans le bon sens, et ne peut que revaloriser le rôle des sociétaires. Je n'approuve donc pas le vote de suppression émis par la commission des finances et j'espère, monsieur le ministre, que vous argumenterez utilement sur ce sujet. Il est vrai que cet article n'était pas particulièrement bien rédigé.

J'en viens au coeur du texte qui est la création du fonds de garantie, lequel constituera un véritable atout pour la place financière de Paris qui, je l'avais déjà souligné lors du débat de février dernier sur l'avenir du secteur bancaire, a besoin de nouveaux attraits pour attirer les capitaux.

Dans la mesure où les fusions et les partenariats entre les banques coopératives ou mutualistes et les banques AFB sont de plus en plus fréquents, il ne paraît pas normal de conserver deux systèmes juxtaposés. Le principe de système unique couvrant l'ensemble des établissements de crédit est certainement le bon. Cela irait dans le sens de la mesure proposée à l'article 37 de déplafonnement des intérêts servis aux coopérateurs.

Ce fonds, financé par des cotisations annuelles prélevées auprès de membres adhérents, permettra de bénéficier d'un crédit d'impôt à hauteur de 25 % imputé sur la contribution des institutions financières. Soit ! Il y aurait sans doute eu un moyen plus simple, comme, par exemple, l'allégement direct de la contribution des institutions financières, ainsi que je l'ai proposé en commission des finances. Il faudra cependant envisager d'aller audelà et, à terme, supprimer cette contribution qui n'a pas d'équivalent dans l'Union européenne, ce qui constitue, avec la taxe sur les salaires, un handicap indéniable face à la concurrence féroce qui se profile.

L'intérêt de ce fonds est qu'il sera capable d'agir tant en amont, pour prévenir une crise, que lors d'une crise.

Encore faudra-t-il que le mécanisme s'enclenche. On a trop souvent vu des autorités de contrôle donnant l'alerte bien trop tard. Il faudra donc veiller à ce que tout cela fonctionne véritablement. J'ai, dans ce sens, proposé un amendement créant un droit d'alerte du conseil de surveillance envers la Commission bancaire.

Je voudrais faire, rapidement, une petite digression sur les fonds de pension.

I l semble que votre gouvernement, monsieur le ministre, n'ait pas encore tranché dans ce problème épineux au sein de la majorité plurielle. Avec la création de ce fonds de garantie, nous prenons tout de même de sérieuses assurances et nos collègues communistes ont parfaitement compris la musique quant aux risques qui sont fréquemment avancés pour refuser les fonds de pension.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous jouez faux !

M. Jean-Jacques Jégou.

La mise en place de ces garanties permettra donc peut-être une avancée dans votre réflexion sur ce sujet.

En conclusion, je traiterai rapidement de la question des sociétés de crédit foncier.

Là encore, le projet va dans le bon sens, tout au moins dans la volonté affichée, c'est-à-dire l'ouverture du marché des obligations foncières. Néanmoins, une fois de plus, les propositions du texte ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées.

J'espère que nous aurons l'occasion d'améliorer ce texte comme ce fut le cas lors de notre réunion que nous avons tenue en application de l'article 88 de la Constitution et au cours de laquelle ont été examinés plusieurs amendements que j'avais présentés avec mon excellent collègue et ami Michel Inchauspé.

Monsieur le ministre, pas à pas, le paysage bancaire français s'éclaircit, trop lentement peut-être au regard de l'évolution rapide du monde qui nous entoure. Je sais cependant que, parmi la majorité plurielle, les forces conservatrices contrarient vos efforts, ce qui tend à expliquer ce texte prudent et tout de même insuffisant, surtout en ce qui concerne la transformation des caisses d'épargne.


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Nous voulons, sincèrement, que cette réforme réussisse.

Pour ce faire, il est indispensable que ce texte évite toute dérive idéologique contraire à la pérennité des caisses d'épargne, qui, vous le savez, restent fragiles.

M. Jean-Pierre Brard.

Avec vous, on est servi !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je compte sur votre bon sens pour tenir compte des propositions du groupe UDF, concrètes et positives. Merci, monsieur le ministre, de nous aider à vous aider.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Brard.

J'espère que c'est « merci de rien » !

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (no 1244), relatif à l'éparne et à la sécurité financière ; MM. Raymond Douyère et Dominique Baert, rapporteurs au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1420, tomes I et II).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT