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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Décès de Michel Crépeau (p. 3017).

2. Questions au Gouvernement (p. 3017).

KOSOVO (p. 3017)

MM. André Lajoinie, Lionel Jospin, Premier ministre.

ASSISTANCE AUX RÉFUGIÉS DU KOSOVO (p. 3019)

MM. Michel Voisin, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (p. 3019)

M. Pierre Méhaignerie, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PERSPECTIVES AU KOSOVO (p. 3020)

MM. Jean-Michel Boucheron, Alain Richard, ministre de la défense.

SOMMET EUROPÉEN DE BERLIN (p. 3021)

Mme Béatrice Marre, M. Lionel Jospin, Premier ministre.

FORMATION PROFESSIONNELLE (p. 3022)

Mmes Cécile Helle, Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

CIRCULATION DES POIDS LOURDS EN MONTAGNE (p. 3023)

MM. Noël Mamère, Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

M. le président.

SITUATION HUMANITAIRE AU KOSOVO (p. 3024)

MM. Bernard Deflesselles, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

PRÉVISIONS DE CROISSANCE ET POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT (p. 3024)

MM. Philippe Briand, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

TAXE ADDITIONNELLE ET DROIT DE BAIL (p. 3025)

MM. Gilbert Meyer, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

TRANSPORT ROUTIER DANS LES ALPES (p. 3026)

M. Michel Bouvard.

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

3. Présomption d'innocence et droits des victimes. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 3027).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 3029)

MM. André Gerin, Pierre Albertini, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Mme Frédérique Bredin,

M.

Patrick Devedjian.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 3033)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 3034)

4. Pacte civil de solidarité. - Discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi (p. 3034).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 3041)

E xception d'irrecevabilité de M. Jean-Louis Debré : Mme Nicole Catala, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Thierry Mariani, Jacques Floch, Dominique Dord, Mme Muguette Jacquaint, M. Henri Plagnol. Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

5. Diverses mesures relatives à la sécurité routière. Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire (p. 3051).

6. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 3051).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 DÉCÈS DE MICHEL CRÉPEAU (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.)

M. le président.

Mes chers collègues, mardi dernier, à cette même heure, au milieu de cet hémicycle qu'il aimait passionnément, le coeur généreux de Michel Crépeau s'est arrêté. Toute la semaine, les médecins de l'hôpital Cochin ont espéré le sauver. Malheureusement, notre collègue s'est éteint ce matin.

Vous le connaissiez, il était l'incarnation de la démocratie républicaine et parlementaire. Il s'est battu toute sa vie pour la solidarité et la laïcité, ces valeurs qui rendent l'homme meilleur et plus grand.

Député, maire imaginatif de La Rochelle, militant, président de groupe et ministre, il ne connaissait qu'un arbitre de la vie politique : le suffrage universel. Avocat, radical, humaniste, tolérant, volontiers gouailleur, il a été un esprit libre, un orateur passionné, un homme d'honneur dans la fidélité à Pierre Mendès France. Sa mort, je le sais, soulève sur tous nos bancs beaucoup d'émotion et de chagrin.

Au nom de la représentation nationale, je veux dire à sa femme, à ses enfants, à tous ceux qui l'aimaient, ma peine profonde. C'est un parlementaire dans l'âme et un ami souriant de la justice qui s'en va. Pour lui, je vous demande quelques instants de recueillement. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle une question au Gouvernement.

N ous commençons par les questions du groupe communiste.

La parole est à M. André Lajoinie.

KOSOVO

M. André Lajoinie.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, en exprimant le désaccord des communistes aux bombardements de la Yougoslavie, Robert Hue, vendredi dernier, affirmait ici même : « loin de soulager les souffrances de la population et de faire reculer les possibilités de l'armée de Milosevic de poursuivre la répression des Kosovars, ils aggravent la situation. »

Malheureusement, les faits ont confirmé cette analyse.

Les bombes qui s'abattent sur la Yougoslavie ont effectivement des effets contraires aux objectifs proclamés.

Elles coalisent ce peuple autour du dictateur Milosevic, renforcent les nationalismes, favorisent l'amplification des exactions intolérables au Kosovo et portent en germe des conflits dans toute la région.

Quels sont les véritables objectifs de ces bombardements quand ils s'abattent sur Belgrade au moment même où le Premier ministre russe tente une médiation à la demande des Européens ? N'y a-t-il pas, de la part de l'OTAN, la volonté de ne pas faciliter une issue politique, comme l'attestent les appels à une fuite en avant avec l'engagement des troupes au sol ? Il est temps, pour les Européens, de mettre tout leur poids dans la balance afin d'éviter toute dérive et de dépasser les questions qui ont bloqué les négociations de Rambouillet. Pour cela, il faut que cesse la répression au Kosovo, que s'arrêtent les bombardements, comme le demande le parlement italien. En même temps, il faut déployer au Kosovo, en démilitarisant les zones de combat, une force de paix et d'interposition européenne sous l'égide de l'ONU, afin de protéger les populations, c omme le propose l'ancien commandant de la FORPRONU en Bosnie, le général Cot.

Ces dispositions immédiates s'inscriraient dans le cadre d'une conférence européenne ouverte à toutes les parties concernées, sous l'autorité de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, pour un règlement politique, pour la reconstruction, ce qui suppose un engagement fort de l'Union européenne.

Monsieur le Premier ministre, dans ces moments dramatiques pour la paix en Europe, ne croyez-vous pas que la France doit prendre de nouvelles initiatives pour stopper l'engrenage meurtrier en Yougoslavie et poser les jalons de solutions durables, qui ne peuvent être que politiques, à ce conflit majeur au coeur du continent européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Michel Hunault.

Vive la solidarité gouvernementale !

M. Pierre Lellouche.

Quelle cacophonie !

M. Lucien Degauchy.

Et voilà que les communistes font la morale !

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président, je voudrais d'abord m'associer à l'hommage que vous avez rendu à notre ami Michel Crépeau. J'ai été me recueillir quelques instants auprès de lui ce matin. Nous serons un certain nombre de personnalités à l'accompa-


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gner à sa dernière demeure dans quelques jours. Je partage votre émotion, et pour ce qui me concerne, je ressens de la peine.

Je voudrais, maintenant, monsieur le député, répondre à votre question. Des soldats français sont engagés dans des opérations militaires. Que l'on approuve ces opérations, ce qui est, je crois, le cas de la majorité ici, qu'on les critique, il est logique de s'interroger sur les fins et les moyens des actions qui doivent être entreprises pour apporter une solution au drame du Kosovo. Cette interrogation est celle de nos concitoyens, celle des responsables politiques et celle des commentateurs. Je la trouve normale et légitime et j'ai vu, d'ailleurs, qu'elle traversait de nombreux rangs et de nombreux groupes.

Depuis le débat qui a eu lieu ici même, vendredi dernier, où j'ai à la fois introduit la discussion puis répondu aux questions et aux interpellations pour faciliter le dialogue et l'échange, et au-delà des contacts que prennent les ministres de la défense et des affaires étrangères avec vos commissions compétentes, j'ai proposé ce matin à votre conférence des présidents de recevoir, demain matin, l'ensemble des présidents de groupe et des commissions de la défense nationale et des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cela pour donner à vos représentants les informations dont ils ont besoin et nouer ce dialogue politique et civique, qui est nécessaire. Je recevrai également, après le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

S'il est légitime de s'interroger, s'il est difficile de se former une opinion certaine, unique et catégorique, encore faut-il s'entendre sur certaines vérités simples qui me semblent assurées et que nous devrions tous partager.

Situons d'abord, dans cette crise, les responsabilités.

Les exactions serbes et les mouvements de réfugiés au Kosovo ne datent pas d'il y a huit jours. Les exactions et les violences sont une réalité quotidienne de la vie des Kosovars. Ce n'est pas l'intervention de l'OTAN qui a déclenché les hostilités. Au mois d'août 1998, au plus fort de la crise humanitaire au Kosovo, le nombre de réfugiés et de personnes déplacées s'élevait à 400 000.

Quant aux exécutions sommaires et aux massacres collectifs, ils sont, malheureusement, réguliers depuis dix-huit mois, depuis que s'est enclenchée au Kosovo une crise dont les autorités serbes portent la responsabilité en raison de leur refus de lui trouver, avec la communauté internationale, une issue politique, une issue pacifique.

Les responsables des massacres, des exactions, de la purification ethnique - on devrait d'ailleurs dire de l'« élimination ethnique » - sont ceux qui les commettent, mesdames et messieurs les députés, et non pas ceux qui s'efforcent de les prévenir et de les empêcher, même si l'on peut discuter des moyens utilisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. le Premier ministre.

Si les frappes n'avaient pas été entreprises, comme le passé l'a montré et comme ce qui s'est passé ces derniers jours l'indiquent, cette répression aurait eu lieu ; elle était d'ailleurs militairement préparée.

Elle a déjà eu lieu dans le passé, hors de toute frappe aérienne, et c'est au contraire la menace des frappes aériennes qui l'avait fait reculer.

Les auteurs de ces crimes doivent savoir qu'ils devront personnellement rendre des comptes, comme en a décidé le Conseil de sécurité...

M. Alain Madelin.

Très bien !

M. le Premier ministre.

... dans ses résolutions 1160 et 1207, qui établissent la compétence du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Et l'exemple du général Pinochet montre que l'histoire n'oublie pas les exactions dont ont été victimes des populations innocentes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. le Premier ministre.

Les opérations aériennes, aud essus de la République fédérale de Yougoslavie, commencées il y a six jours, ont pour seul but de casser le dispositif militaire et répressif serbe. Elles visent d'une part la destruction des systèmes de commandement et de transmission de la défense yougoslave et d'autre part, depuis le début de la phase 2, la destruction d'objectifs au Kosovo liés à la répression même qui s'exerce sur les populations kosovares. Ces actions sont conduites avec détermination, et avec le souci de minimiser les dégâts collatéraux pour la population et les risques pris par nos pilotes.

L'ampleur des départs des populations des villages du Kosovo vers les provinces ou les pays voisins, ces derniers jours, est difficile à évaluer. Mais, à la demande pressante de notre pays, notamment, l'Union européenne devrait réunir d'urgence une conférence humanitaire pour définir la réponse européenne et aider les pays d'accueil à prendre en charge matériellement et financièrement les réfugiés en provenance du Kosovo. Mme Emma Bonino, commissaire européenne compétente, se rend sur place aujourd'hui même pour évaluer les besoins.

Au-delà de sa contribution à l'aide européenne, la France apportera, à titre national, une assistance à ces pays d'accueil. Nous travaillons actuellement à évaluer précisément les besoins. Je m'en suis entretenu hier avec M. d'Alema au tunnel du Mont-Blanc, l'Italie étant particulièrement préoccupée par la situation en Albanie.

Oui, monsieur le député, nous préférons des méthodes de dialogue, nous préférons la paix, nous préférons une issue politique. Mais comment déboucher sur une issue politique, comment pratiquer le dialogue, comment pratiquer efficacement la diplomatie, qui a été le coeur de la politique française depuis plusieurs mois, avec le processus de Rambouillet notamment, si les dirigeants serbes et M. Milosevic s'y refusent ? Je n'ai pas vu ici que nous était présentée une alternative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous continuons à appeler le président Milosevic à la raison, c'est-à-dire à l'arrêt des actes de répression contre les populations civiles et au retour à la négociation. Mais s'il persiste dans son refus, il doit savoir, comme l'a rappelé hier soir le Président de la République s'adressant aux Français, que ne faiblira pas dans notre volonté de casser son appareil militaire et répressif.

Quant à la visite à Belgrade du premier ministre russe, M. Primakov, nous en évaluerons le contenu exact et les effets possibles lorsque celui-ci en aura informé la pré-


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sidence allemande de l'Union européenne et nos autorités, comme il en a l'intention. Nous ne doutons pas que la Russie, membre important du groupe de contact, avec lequel nous avons constamment maintenu le dialogue, puisse jouer un rôle très utile dans cette crise.

Nous l'apprécierons le moment venu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

ASSISTANCE AUX RÉFUGIÉS DU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin.

Monsieur le Premier ministre, je tiens, au nom du groupe UDF, à réaffirmer notre total soutien et notre solidarité à l'égard de nos soldats engagés sur le théâtre du Kosovo. La solidarité de l'opinion et l'unité nationale sont notre premier devoir, et nul ne devrait s'y soustraire.

Bien que les chiffres et les informations soient difficiles à vérifier, les frappes de l'OTAN, loin de modérer l'ardeur des forces serbes à réprimer la population du Kosovo ont, hélas ! accentué l'engrenage de la purification ethnique et les exactions contre une partie de la population.

F orce est de constater qu'aujourd'hui près de 150 000 Kosovars ont d'ores et déjà pris le dur chemin de l'exode, que ce soit vers l'Albanie, le Monténégro ou la Macédoine. Ceux qui parviendront à franchir les frontières de leur Kosovo natal n'en seront pas pour autant parvenus au terme de leurs malheurs. Après avoir tout quitté et tout perdu jusques et y compris, pour certains, des êtres chers, ils ne trouveront que peu de réconfort pour panser les plaies infligées par une barbarie que nous pensions tous disparue à jamais de notre civilisation européenne.

La communauté internationale se doit aujourd'hui de planifier l'aide humanitaire dont ces milliers de réfugiés ont d'ores et déjà besoin. Monsieur le Premier ministre, il y a urgence.

Il y aurait un paradoxe à voir la communauté internationale préparer une action armée qui précipite indirectement sur les routes des milliers de réfugiés sans prévoir les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre, dans les plus brefs délais, une réponse humanitaire appropriée.

Ma question, monsieur le Premier ministre, sera double.

Quels concours la France entend-elle apporter afin de venir en aide aux réfugiés kosovars et quelle initiative entend-elle prendre pour éviter qu'il y ait découplage entre des actions armées internationales et les actions humanitaires qu'elles génèrent, en entraînant indirectement les déplacements de population ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, hier, à Berlin, M. Fischer avançait le chiffre de 500 000 réfugiés. Ce chiffre peut paraître considérable, mais il est vrai que, compte tenu du flux observé actuellement, il n'est pas impossible, hélas ! qu'il soit atteint.

Je fais d'abord observer, comme l'a fait le Premier ministre, que ce sont les menaces, les exactions et les violences exercées à l'encontre de la population albanaise du Kosovo qui ont déclenché le processus, et non l'intervention de l'OTAN. Ce qui signifie que ce mouvement de réfugiés a commencé depuis de nombreux mois. Il est vrai qu'il s'est accéléré au cours des derniers jours. Les Albanais estiment à environ 70 000 déjà le nombre de réfugiés. Au Monténégro, il serait de 30 000 ; ce nombre s'explique par le fait que le franchissement de la frontière monténégrine est aisé et qu'on peut ensuite, de là, rejoindre l'Albanie.

Dès aujourd'hui, le directeur de la cellule d'urgence va se rendre sur place pour évaluer les moyens et les besoins qu'appelle cette situation. D'ores et déjà, on peut penser que nous enverrons un ensemble de dispensaires légers permettant à la fois d'assurer les premiers soins et d'apporter la nourriture nécessaire. Ils seront équipés de véhicules médicalisés.

Madame Bonino, commissaire européen, est aussi sur place. Car c'est évidemment dans le cadre de l'Union européenne que nous organisons cette assistance. La France, je le répète, va l'évaluer dès aujourd'hui et devrait pouvoir, dès les prochains jours, commencer à mobiliser des moyens de protection civile et des moyens médicaux.

J'ai moi-même l'intention, si les questions de transport peuvent être aisément réglées, de m'y rendre dès jeudi prochain.

Monsieur le député, la France entend bien prendre toute sa part dans ce mouvement d'assistance au bénéfice des réfugiés, auxquels vont évidemment toutes nos pensées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

RE

DUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, à neuf mois du passage probable aux 35 heures, les entreprises - tout particulièrement celles de main-d'oeuvre - ont un besoin urgent de visibilité, et les salariés de sécurité. Or, aujourd'hui, compte tenu des prévisions de plus faible croissance, compte tenu de la non-maîtrise des dépenses de sécurité sociale, le Gouvernement se trouve placé devant un problème de financement du nécessaire allégement des charges sociales pour les salariés proches du SMIC.

Le Gouvernement est-il décidé à éviter toute nouvelle taxe ou tout impôt supplémentaire, alors que chaque semaine on voit fleurir une nouvelle proposition sur le reprofilage des cotisations sociales, sur une taxe sur la valeur ajoutée ? Compte tenu de l'urgence pour les entreprises comme pour les salariés, quand rendra-t-il son arbitrage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendant.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, s'agissant de votre seconde affirmation : la non-maîtrise des dépenses de la sécurité sociale, je rappelle que nous avons trouvé la sécurité


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sociale avec un déficit de 55 milliards. (Vives exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Envoyez-la au Kosovo !

M. le président.

Un peu de silence !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous visons, cette année, l'équilibre. Si nous l'atteignons ou si nous l'approchons, nous l'aurons fait sans augmenter les cotisations et sans réduire les remboursements, et ce sera une première. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Deuxièmement, nous avons bien évidemment pensé aux entreprises de main-d'oeuvre pour le processus de réduction de la durée du travail puisque l'aide incitative de 9 000 francs par salarié et par an mise en place par l'Etat a été valorisée de 1 000 francs pour les PME et de 4 000 francs pour les entreprises de main-d'oeuvre, soit 14 000 francs par an, baisse des charges qui dépasse largement ce que les entreprises pouvaient attendre de la réduction du coût du travail sur les bas salaires.

Cela dit, et je vous rejoins à cet égard, après l'ensemble des pistes sur lesquelles nous avons avancé - nouveaux emplois, nouvelles technologies, emplois-jeunes, réduction de la durée du travail - nous allons, ainsi que le Gouvernement l'a annoncé dans la loi de financement de la sécurité sociale, ouvrir une dernière piste qui est celle de la réforme des charges sociales. Mais nous, quand nous annonçons une baisse des charges, nous essayons de la financer, ce que vous n'avez pas fait pour la baisse de l'impôt sur le revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est la raison pour laquelle nous avons pris le délai nécessaire pour proposer une réforme dont les bases sont déjà inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire une réduction des charges sociales pour les entreprises de maind'oeuvre, mais qui ne soit pas financée par les ménages, contrairement à ce que vous avez fait pour la ristourne dégressive, et qui, globalement, n'entraîne pas une surcharge pour les entreprises.

C'est dans cet esprit et en liant la baisse des charges et la réduction du temps de travail que le Parlement sera amené, après les arbitrages du Premier ministre, à discuter de cet important sujet dès cette année, comme nous nous y sommes engagés. Mais nous, vous le verrez, quand nous proposons des mesures, d'abord elles sont compatibles avec nos engagements européens, ce qui n'a pas été le cas du plan Borotra, ensuite elles sont financées. C'est cela la responsabilité en matière politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Non, mes chers collègues, on ne peut pas réagir comme cela ! Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

PERSPECTIVES AU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Boucheron.

M. Jean-Michel Boucheron.

Monsieur le ministre de la défense, pendant cinq ans, en Bosnie, nous avons assisté au nettoyage ethnique : 200 000 morts ; cinq ans de guerre ; des centaines de milliers de réfugiés terrorisés, déracinés ; des négociations interminables où, à de multiples reprises, la communauté internationale a été trompée, trahie par le Président serbe.

Depuis un an, nous assistons au même processus, à la même escalade de la répression, cette fois au Kosovo où M. Milosevic applique toujours la même recette : quand on ne peut déplacer les frontières, on déplace les peuples.

Depuis un an, le groupe de contact essaie, par de multiples initiatives, d'arrêter cette logique raciste. Les négociations de Rambouillet ont échoué, alors que la diplomatie internationale avait réussi à convaincre la partie albanaise que le Kosovo, où les Albanais représentent 90 % de la population, reste en Serbie. Nous apprenons aujourd'hui même que des membres de cette délégation ont été assassinés. Visiblement, une fois de plus, le Président Milosevic utilise le temps des négociations pour mettre en place son dispositif militaire et paramilitaire.

La communauté internationale, comme la communauté nationale, souhaite mettre fin à ces exactions. L'intervention militaire menée actuellement est la seule méthode pour convaincre M. Milosevic qu'il est dans l'impasse. Le peuple serbe est un peuple ami qui vit sous la dictature, et nous sommes, ici, tous malheureux d'être dans l'impossibilité de l'informer de la réalité des choses.

Monsieur le ministre, la deuxième phase qui desserrera l'étau peut-elle intervenir rapidement ? Quelles sont aujourd'hui les perspectives pour que le Kosovo soit un espace pluricommunautaire sécurisé, pour que l'Europe soit un espace politique où les conflits se règlent par le vote et le respect des minorités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Monsieur le député, vous avez eu raison de rappeler ce qu'ont été il y a quelques années les événéments de Bosnie car, en les examinant avec le recul, nous pouvons au moins en tirer la leçon que la détermination, la volonté politique commune et persistante de la communauté internationale a pu, à force de temps, faire reculer la guerre et rétablir, certes laborieusement, certes de façon précaire, la possibilité de vivre ensemble pour des communautés différentes.

Il faut nous en souvenir maintenant.

Les frappes aériennes en cours ne prennent leur sens que si l'on se rappelle comment elles ont été conçues et comment a été prise la décision de les mettre en oeuvre.

Leur conception remonte à l'automne dernier, lorsque les Etats membres de l'Alliance ont décidé ensemble - chaque gouvernement, chaque chef d'Etat responsable d'exercer sur M. Milosevic une pression crédible, fondée sur la résolution 1199 du Conseil de sécurité qui demandait la fin des violences au Kosovo et la reprise de négociations équitables. Il s'agissait alors de faire venir le Président yougoslave à la table de négociation, chacun prenant sa part de responsabilités : le groupe de contact, l'Organisation des Nations unies, l'Union européenne, pour offrir un cadre politique ; l'Alliance, pour exercer la


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nécessaire menace. Toutes les tentatives employant tous les canaux possibles ont échoué depuis lors : toutes. Le processus de Rambouillet a été une ultime et courageuse tentative, qui est à l'honneur de notre pays, des Européens et des deux autres grands partenaires.

Il a donc fallu en venir à la mise en oeuvre des frappes, mercredi dernier, pour deux raisons principales : parce que la partie serbe a opposé, jusqu'au bout, à toutes les tentatives de solution pacifique, une attitude de refus buté et de préparation cynique de la violence ; parce que M. Milosevic avait, à ce moment-là, pris toutes les dispositions nécessaires à l'engagement de la brutale répression qu'il développe actuellement. C'est pour cela que nous avons agi.

Le résultat de cette action, après six jours de frappes, est que la première phase de la planification approuvée par tous les Etats membres de l'Alliance est largement mise en oeuvre. Les capacités de la défense aérienne serbe sont profondément entamées : plus de 50 % de son potentiel, tant de défense que de combat, étaient hors d'usage ce matin.

Le processus est certes long, parce que nous prenons toutes les précautions indispensables pour préserver la population civile. Les Etats ont néanmoins décidé d'accentuer la pression sur les autorités serbes, en mettant en oeuvre la deuxième phase, qui traite une gamme plus vaste d'objectifs militaires. C'est en effet en exerçant une véritable pression sur les instruments militaires dont le régime serbe a un besoin vital que nous obtiendrons des résultats politiques. C'est ce que nous faisons actuellement : frapper les forces elles-mêmes, en prenant ainsi un risque important, dans un contexte qui n'est pas sécurisé pour nos pilotes. J'irai d'ailleurs les rencontrer demain pour leur apporter le message de votre soutien.

Nous savons que nous n'arrêterons pas aussi vite que nous le souhaitons les actions de répression qui se déroulent actuellement. Mais, je vous le demande, la répression à Pristina est-elle plus facile ou plus difficile après la destruction, hier, du quartier général de la police serbe dans cette ville ?

Nous ne perdons pas de vue le fait que notre objectif est politique, comme nous le redisons depuis le début. Il n'y a pas de but militaire en soi. Toute perspective permettant de ramener l'autorité serbe sur le terrain politique et diplomatique doit être examinée. Nous suivons à ce titre avec le plus grand intérêt la démarche russe en cours.

Mais ceux qui comptent sur l'irrésolution de nos démocraties pour trouver une solution non conforme à nos valeurs se trompent. Il est de notre devoir de le leur rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance.)

SOMMET EUROPE EN DE BERLIN

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur le Premier ministre, en toute autre circonstance, l'accord global intervenu au Conseil européen de Berlin les 24 et 25 mars derniers aurait été salué pour ce qu'il est : un pas de plus, et considérable, dans l'accroissement de la cohésion européenne, une preuve supplémentaire de la maturité à laquelle parvient progressivement l'Union européenne.

Que n'a-t-on en effet entendu sur « les ratés » du moteur franco-allemand, sur « l'extraordinaire âpreté » des négociations d'Agenda 2000, sur « l'impuissance » de l'Union à régler ses problèmes internes, sur son « incapacité » à faire entendre sa voix sur la scène internationale ? La preuve n'a-t-elle pas été donnée à Berlin, au contraire, de la volonté accomplie des Etats membres de surmonter leurs difficultés internes dans un climat d'exceptionnelle gravité ? C ar non seulement a été résolu le casse-tête d'Agenda 2000, avec l'accord sur la PAC - certes très incomplet,...

M. Jean-Louis Debré.

Certes !

Mme Béatrice Marre.

... mais néanmoins globalement satisfaisant pour la France -, le rééquilibrage des fonds structurels et surtout la maîtrise des dépenses permettant d'aborder dans des conditions financières plus satisfaisantes l'élargissement, par ailleurs réaffirmé comme une priorité historique de l'Union européenne.

Mais il a aussi été mis fin à l'incertitude provoquée par la démission de la Commission, en proposant à l'approbation du Parlement européen la désignation à la présidence de Romano Prodi. L'autorité et les compétences dont il a su faire preuve devraient emporter une adhésion massive sur son nom.

Enfin et surtout, l'Union européenne a pu affirmer clairement son unité et sa détermination à prendre toute sa part dans le règlement des conflits qui se déroulent à ses portes, qu'il s'agisse du processus de paix au MoyenOrient ou, surtout, du douloureux problème du Kosovo.

Monsieur le Premier ministre, nous souhaiterions connaître votre sentiment sur la portée de ce sommet, tant pour le fonctionnement interne de l'Union européenne que pour sa place sur la scène internationale ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Madame la députée, vous me fournissez l'occasion, ce qui n'avait pas été possible jusqu'à maintenant... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Question téléphonée ?

M. le Premier ministre.

C'est un téléphone que vous auriez pu décrocher vous-mêmes, messieurs, pour obtenir d'être informés par le Premier ministre ou tel ou tel ministre compétent. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Louis Debré.

Nous, on n'a pas la ligne directe !

M. le président.

Mes chers collègues, je trouve tout à fait normal que la Premier ministre s'exprime sur cette question importante devant la représentation nationale.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le Premier ministre.

Absolument. Il me semble important de vous rendre compte du sommet de Berlin, ce que nous n'avions pas eu le temps de faire jusqu'à présent.

M. Jean-Louis Debré.

Cela vous donnera l'occasion de rendre hommage au Président de la République.

M. le Premier ministre.

Madame la députée, vous avez eu raison de dire que ce Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement, qui s'est tenu dans une situation dramatique, a été un succès pour l'Europe et a témoigné que


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

l'Union européenne était capable de relancer une dynamique de progrès dont certains pouvaient craindre qu'elle ne soit en panne.

Je tire trois principales conclusions de ce sommet.

Il a eu pour premier résultat de nous permettre d'amorcer la sortie par le haut de la crise de la Commission européenne.

M. Jean-Michel Dubernard.

Mais non, c'est reparti !

M. le Premier ministre.

Nous avons, en peu de temps et unanimement, proposé la nomination de M. Romano Prodi...

M. François Goulard.

Delors en pire !

M. le Premier ministre.

... comme président de la Commission et choisi une procédcure qui permettra au Parlement nouveau, légitimé par les élections européennes, d'élire la Commission nouvelle. Dès le 14 avril, lors d'un nouveau sommet extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement, M. Romano Prodi viendra examiner avec nous les réformes nécessaires qu'il convient d'introduire dans le fonctionnement de la Commission.

Le deuxième résultat de ce sommet est la capacité des pays européens à dégager sans peine un consensus sur quelques grandes questions de politique internationale :...

M. Jean-Louis Debré.

Sans peine ?...

M. le Premier ministre.

... l'action coercitive engagée pour s'efforcer de trouver une solution au Kosovo ; la réaffirmation de l'engagement des Européens en faveur d'une solution au Proche-Orient et en faveur de la reconnaissance d'un Etat palestinien ; enfin, la conclusion de la négociation d'un accord de commerce, de développement et de coopération entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud, débarrassée de l'apartheid.

Mais, naturellement, le résultat principal de ce Conseil européen est d'avoir obtenu, après de longues et difficiles heures de négociations...

M. Jean-Louis Debré.

Mal préparées par votre ministre !

M. le Premier ministre.

... un accord sur l'Agenda 2000.

C'est un succès collectif pour l'Union. L'accord est un c ompromis qui tient compte, naturellement, des demandes de chacun, mais qui, à mon sens, peut satisfaire la France.

Nous avons, grosso modo, réussi à faire prévaloir notre objectif principal : la stabilité de la dépense à quinze afin de laisser des marges de manoeuvre pour préparer le futur élargissement.

M. Jean-Louis Debré.

Grâce à qui ?

M. le Premier ministre.

Nous avons réussi à écarter toutes les propositions d'évolution du système de financement de l'Europe vers des types de financement non communautaires : le cofinancement dans l'agriculture ou l'écrêtement des soldes. Au contraire, c'est la ressource du produit national brut, plus équitable, fondée sur la richesse nationale, qui servira de fondement au système des ressources propres.

Nous avons réussi à améliorer substantiellement le

« paquet » agricole (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Pierre Lellouche.

Mal ficelé !

M. le Premier ministre.

... que Jean Glavany, le ministre de l'agriculture, avait eu raison de refuser. Nous avons obtenu le report de la réforme du lait...

M. François Vannson.

C'est faux !

M. le Premier ministre.

... des baisses de prix garantis moins fortes et un effort pour le développement rural.

Nous avons enfin, s'agissant des fonds structurels, ménagé et préservé les intérêts de la France. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Et vous finirez de m'approuver quand je vous dirai que ce résultat a été obtenu par les membres du Gouvernement, par le Premier ministre et par le chef de la délégation, le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

FORMATION PROFESSIONNELLE

M. le président.

La parole est à Mme Cécile Helle.

Mme Cécile Helle.

Ma question s'adresse à Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Madame la secrétaire d'Etat, vous avez présenté, il y a quinze jours, en conseil des ministres, votre diagnostic sur la formation professionnelle. Cette communication était très attendue par les personnels des AFPA, CFA, GRETA et autres organismes de formation professionnelle ; elle l'était également par l'ensemble des acteurs du monde du travail.

Il s'agit, pour le Gouvernement, de tenter de répondre aux multiples défis qui se posent aujourd'hui à la formation professionnelle : le défi, d'abord, de l'articulation entre les politiques de l'Etat et celles initiées par les collectivités locales et les partenaires sociaux ; le défi, ensuite, du nécessaire recul des inégalités dans l'accès à la formation professionnelle ; le défi, enfin, de la formation continue, notamment dans le cadre de la réduction du temps du travail.

Tous ces enjeux montrent combien le monde du travail a évolué depuis trente ans. (« Ah ! » sur quelques bancs d u groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ils expliquent aussi que les systèmes professionnels, devenus depuis 1971 de plus en plus complexes, ne répondent plus qu'imparfaitement aux évolutions du marché du travail et aux besoins des salariés.

Au vu de cette situation, j'aimerais, madame la secrétaire d'Etat, vous poser deux questions.

Pouvez-vous nous préciser quel équilibre vous allez rechercher, dans les mois à venir, entre négociations sociales et actes législatifs en termes de formation professionnelle ? Pouvez-vous nous dire quelle place vous comptez accorder au service public de la formation professionnelle dans cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Madame la députée, le dossier de la formation professionnelle a fait l'objet, vous l'avez rappelé, d'une communication en conseil des ministres il y a une quinzaine de jours et je le présenterai demain devant le comité de coordination des régions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Il nous est apparu très vite, à Martine Aubry comme à moi-même, qu'il était nécessaire de vérifier que la loi de 1971 était toujours adaptée au monde du travail actuel. Cette loi, à laquelle je veux associer le nom de Jacques Delors, a permis un dialogue social très innovant.

Pour faire très synthétique - l'exercice des questions l'exige - je dirai que l'évolution du monde du travail présente deux caractéristiques essentielles.

La première, c'est la mobilité professionnelle. Un salarié sur cinq change actuellement d'entreprise, voire de métier, tous les cinq ans.

La seconde concerne les inégalités, et c'est un aspect qui me tient à coeur parce qu'il rejoint ma double compétence : droits des femmes et formation professionnelle.

N'ayant le temps de développer ni la nature ni l'importance de ces inégalités, je me bornerai à citer deux c hiffres qui permettent de mesurer l'ampleur des contrastes : les probabilités d'accès à un centre de formation sont de 2,5 % pour une femme, employée ou ouvrière dans une PME de moins de vingt salariés et éloignée d'un centre de formation, contre 70 % pour un homme, cadre dans une grande entreprise de plus de 2 000 salariés.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Ça n'a rien à voir ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Il nous faut donc repenser notre système de formation professionnelle en prenant en compte ce genre d'inégalité. Il doit répondre à deux questions centrales : pourquoi faire et pour qui ? Il doit aussi, - et je m'inscris ainsi dans le dialogue social et dans la culture de la formation professionnelle - rechercher la cohésion sociale et la performance économique, qui constituent deux objectifs indispensables à atteindre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

CIRCULATION DES POIDS LOURDS EN MONTAGNE

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Au nom du groupe Radical, Citoyen et Vert, très peiné par la disparition de son président, je veux d'abord remercier le président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre des mots qu'ils ont su trouver pour évoquer la mémoire de Michel Crépeau.

Après le délai de décence qui s'imposait à la suite de la catastrophe de Chamonix, je voudrais revenir sur la question de l'équilibre entre transport par rail et transport par route. En effet, depuis vingt ans, nous avons assisté à un développement exponentiel du second au point que 88 % des marchandises sont transportées par camion. Paradoxalement, la SNCF, qui fait partie des tout premiers transporteurs routiers de France...

M. Laurent Dominati.

Le premier !

M. Noël Mamère.

... n'est pas étrangère à cette hégémonie du camion.

Au-delà, il faut savoir que, selon une enquête du ministère de l'environnement, le coût externe de ce mode de transport qui n'est pas inclus dans les calculs, est de 2 000 francs par camion. Et je ne reviens pas sur les détestables conditions sociales des chauffeurs de camion.

De ce fait, le camion est à même d'exercer une concurrence déloyale. Nous craignons donc que d'autres tragédies se reproduisent.

En effet, le tunnel du Somport dans la vallée d'Aspe, dans les Pyrénées, va permettre le passage, d'ici à une dizaine d'années, de 2 000 camions par jour, et l'on risque fort d'être confronté au même problème que celui que l'on vient de connaître à Chamonix.

Voici quelques chiffres concernant le tunnel du MontBlanc : 766 000 camions l'empruntent tous les ans, et, depuis les six dernières années, il y a eu vingt-cinq morts et 250 blessés à la suite d'accidents impliquant des poids lourds sur la rampe de dix-sept kilomètres qui mènent au tunnel.

Compte tenu de tous ces éléments, j'avais quelques questions à poser à M. le ministre des transports, qui ne semble pas être là...

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

La présence des ministres est sans doute facultative !

M. Noël Mamère.

Mais un membre du Gouvernement répondra à sa place. Le Gouvernement est-il prêt à donner une priorité absolue au transport ferroviaire en montagne ? Va-t-il appliquer un moratoire sur tous les amén agements routiers dans le massif des Pyrénées ? Compte-t-il ratifier le protocole relatif aux transports de la convention alpine ?

M. le président.

Monsieur Mamère, je vous invite à conclure.

M. Noël Mamère.

Le Gouvernement entend-il promouvoir une fiscalité écologique, qui permettrait, par exemple, de revoir le montant de la taxe à l'essieu ? Lorsqu'en France un camion paie 400 francs de taxe à l'essieu, il doit s'acquitter de 31 000 francs en GrandeBretagne ou en Allemagne. Il faut savoir ce que nous voulons faire en faveur d'un rééquilibrage rail-route.

Enfin, le projet de l'autoroute A51 à Grenoble, qui risque de devenir très vite un itinéraire de délestage pour les camions, n'est pas encore totalement enterré. Le ministre des transports compte-t-il y mettre un terme définitif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. secrétaire d'Etat au logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Monsieur le député, c'est évidemment avec la plus vive émot ion que le Gouvernement considère l'épouvantable catastrophe qui a endeuillé la France et l'Italie. Les pensées et la compassion du pays tout entier sont tournées vers les victimes. En se rendant hier sur place le Premier ministre et son homologue italien, le président d'Alema, ont rendu hommage aux victimes, témoigné aux familles la solidarité de leur gouvernement, et salué le courage et du dévouement exceptionnel des services de secours, euxmêmes durement éprouvés en la personne de l'adjudantchef Tosello.

Monsieur le député, le problème que vous posez est sérieux pour notre pays, et M. Gayssot aura à coeur de reprendre les divers points que vous avez soulevés.

M. Jean-Louis Debré.

S'il reste ministre !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Il est exact que le tunnel du Mont-Blanc a connu, au cours des dix dernières années, une progression de 25 % du trafic poids


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

lourds. Et celle-ci a été de 83 % pour le tunnel du Fréjus. Le problème est donc majeur pour notre pays. Mais il est aussi beaucoup plus large et se présente, comme vous l'avez indiqué, à l'échelle européenne puisque nos massifs de montagne sont essentiellement frontaliers.

M. Richard Cazenave.

Répondez à la question !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Au regard du transport international des marchandises, et compte tenu de cette échelle, les principaux passages, du Brennet au Fréjus, sont forcément solidaires puisque les mesures de régulation prises sur l'un débouchent sur des reports de trafic sur les autres.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Louis Debré.

Répondez à la question !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Il importe donc de développer à l'échelle européenne une politique de transport ferroviaire combiné. Cela implique la constitution d'un véritable réseau européen de fret et suppose un dévelopement de l'interopérabilité et, bien sûr, des investissements pour améliorer les infrastructures.

(Exclamations sur les bancs du Rassemblement pour la République.) De façon plus générale, une meilleure répartition modale suppose, à côté du développement de l'offre ferroviaire, des mesures de régulation qui peuvent passer par l'harmonisation fiscale des produits énergétiques et par l'internationalisation des coûts externes du transport routier à travers le péage, ainsi que l'harmonisation par le haut des règles sociales et de sécurité.

Le Gouvernement, monsieur le député, portera tous ces sujets auprès de l'Union européenne, responsable aujourd'hui des conditions économiques du fonctionnement des transports.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Conformément à la tradition, j'accueille le nouveau député, M. Bernard Deflesselles.

(Les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

SITUATION HUMANITAIRE AU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Bernard Deflesselles.

M. Bernard Deflesselles.

Monsieur le président, mes chers collègues ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La situation humanitaire au Kosovo est aujourd'hui critique : de nombreux massacres ont eu lieu et on assiste à l'exode d'un nombre croissant de Kosovars, chassés de leur région par les militaires et les miliciens de Slobodan

M ilosevic. Les derniers chiffres montrent que 100 000 réfugiés avait déjà gagné l'Union européenne au début des frappes de l'OTAN, mercredi dernier. Depuis samedi, plus de 100 000 personnes seraient arrivées en Albanie, au Monténégro et en Macédoine. Et près de 70 000 personnes, principalement des femmes et des enfants, sont encore attendues dans ces pays.

Les témoignages des réfugiés sur les conditions de cet exode massif illustrent l'horreur de la situation qui règne actuellement au Kosovo. Après avoir vu le pillage et la destruction de leur maison, les réfugiés sont rackettés tout le long de leur route vers l'exil. Le commissaire européen à l'aide humanitaire, Mme Emma Bonino, manifestement alarmée par les rapports des ONG qui ont dû quitter la région, doit prochainement se rendre dans les Balkans pour évaluer la situation sur le terrain et coordonner l'action humanitaire de l'Union européenne.

Quelle action ou quelles actions, le Gouvernement vat-il entreprendre, seul ou en coopération avec ses partenaires européens, pour tenter de mettre un terme à cet exil forcé et rendre plus humaines les conditions de vie extrêmement pénibles auxquelles les réfugiés kosovars sont confrontés actuellement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, votre collègue M. Voisin m'a déjà interrogé sur le même sujet, mais votre question me permet de préciser ma réponse et même de l'actualiser.

M. Patrick Ollier et M. Jean-Louis Debré.

Vous pourriez commencer par féliciter le nouveau député ! M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Il y a moins d'une heure, le porte-parole de l'OTAN a publié les derniers chiffres concernant les réfugiés. Ceux-ci sont maintenant 150 000 en Albanie, 52 000 en Macédoine, 42 000 au Monténégro. Cela montre que l'estimation faite hier par Mme Ogata, hautcommissaire aux réfugiés, selon laquelle 4 000 réfugiés de plus franchissaient toutes les heures les frontières de la Macédoine, du Monténégro ou de l'Albanie est malheureusement vérifiée.

Mme Bonino se rendra demain sur le terrain. Elle pourra ainsi mettre en oeuvre l'aide européenne pour laquelle déjà les premiers crédits ont été mobilisés.

La cellule d'urgence française a bâti un premier programme combinant à la fois l'apport en nourriture et en converture, l'aide médicale et la protection civile. Son directeur va aller sur place dans les heures qui viennent pour évaluer les besoins et surtout préparer l'arrivée des secours français.

Par ailleurs, la France a demandé qu'une conférence multilatérale visant à coordonner l'aide humanitaire se réunisse le plus vite possible afin que, comme vous l'avez v ous-même souhaité, l'ensemble des pays européens vienne au secours des réfugiés kosovars.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

PRE

VISIONS DE CROISSANCE ET POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT

M. le président.

La parole est à M. Philippe Briand.

M. Philippe Briand.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adressait à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme il est q uestion de chiffres, je rappellerai au passage à Mme Aubry, qui souffre d'un tempérament extraordinaire mais dont la mémoire ne semble pas remonter au-delà de 1994, qu'en 1993, nous avons trouvé la sécurité sociale


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

avec un déficit de cent milliards de francs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est faux !

M. Philippe Briand.

Mais si, madame ! Ce sont bien les chiffres ! Monsieur le secrétaire d'Etat au budget, en 1998, vous avez bénéficié d'une croissance de 3,1 %, qui a démarré dès le deuxième trimestre de 1997 - elle fut de 2,3 % sur l'année. Mais cette croissance vous l'avez cassée avec des programmes aussi rigides que les 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), et 63 milliards d'impôts supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

En établissant votre budget, vous avez, par ailleurs, exagéré le taux d'inflation pour 1999 et surestimé la croissance, contre tous les avis des observateurs économiques et les prévisions faites par les parlementaires de l'opposition.

M. Gérard Bapt.

Qui c'est, ce rigolo ?

M. Philippe Briand.

Après avoir à plusieurs reprises nié ces évidences, vous venez enfin de reconnaître que la croissance ne serait pas conforme à vos déclarations. Il va donc falloir agir et il n'y a guère que trois voies.

De nombreux députés socialistes.

Avec vous, c'est zéro voie !

M. Philippe Briand.

La première consiste à laisser filer le déficit budgétaire, c'est-à-dire à faire payer votre addition par vos successeurs, comme en 1992. La deuxième, c'est de supprimer une partie de vos dépenses, que vous prétendez défendre bec et ongles. Mais vous risquez alors d'être confrontés à quelques difficultés entre les promesses hasardeuses de Mme Aubry et les contradictions de M. Allègre.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

La troisième, enfin, consiste à augmenter encore et encore les impôts des Français comme vous l'avez fait en 1997 et 1998 : plus de 63 milliards de francs, faisant ainsi des Français les citoyens les plus fiscalisés d'Europe.

Les ménages français ont eu le privilège de voir les prélèvements pesant sur eux augmenter de 4,7 % en 1998 après une hausse de 3,1 % en 1997, soit après de 8 % en deux ans.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons votre réponse.

De nombreux députés socialistes.

La question !

M. Philippe Briand.

Hormis ces trois voies, il n'y a guère d'issue. En tout état de cause, les Français qui commencent à lire la politique du Gouvernement vous ont répondu dimanche dernier en faisant fi de votre majorité composite ou plurielle et en envoyant, dans la n euvième circonscription des Bouches-du-Rhône, M. Deflesselles à l'Assemblée nationale ! (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, il est difficile de répondre calmement à un pareil tissu de contre-vérités.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) La croissance, que vous dites cassée en 1999, sera comprise entre 2,2 et 2,5 %. Elle sera donc très supérieure à la croissance constatée entre 1993 et 1997.

(Mêmes mouvements.)

M. Alain Juppé.

C'est faux !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

S'agissant de crois-s ance cassée, dois-je rappeler, monsieur Juppé, les 129 milliards de francs d'impôts supplémentaires de 1996 (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et les deux points de TVA, soit 60 milliards de francs.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, il n'est absolument pas indispensable de vous comporter comme des potaches.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ecoutez la réponse de M. Sautter.

M. Alain Juppé.

Le secrétaire d'Etat au budget dit n'importe quoi !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous donnez donc, monsieur Briand, des leçons sociales au Gouvernement.

M. Pierre Lellouche.

On en a le droit !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Mais qui a supprimé la remise de 42 francs de la CSG ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Eux !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

En 1999, la croissance française sera nettement supérieure à celle de l'Allemagne. Vous ne nous y aviez pas habitués...

M. Pierre Lellouche.

2 % !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Enfin, la confiance des ménages dans l'avenir de l'économie française est à son plus haut niveau depuis le début des années 90. Vous me permettrez donc de me fier davantage aux consommateurs et aux épargnants qu'aux références que vous avez avancées. Je crois à la croissance et à la justice sociale. Le Gouvernement, d'ici quelques années, aura accumulé des preuves tout à fait claires en la matière.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Vasseur.

M. Sautter n'a pas répondu à la question ! Il ne respecte pas le Parlement ! TAXE ADDITIONNELLE ET DROIT DE BAIL

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Meyer.

M. Gilbert Meyer.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au budget, et concerne le droit de bail et la taxe additionnelle.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Monsieur le secrétaire d'Etat, en 1998, la collecte pour la taxe additionnelle était de 3,6 milliards de francs. Mais vous avez limité son utilisation par l'ANAH à hauteur de 2,2 milliards de francs. Et les propriétaires bailleurs vont payer une deuxième fois cette année pour les neuf premiers mois de l'année 1998.

M. Pierre Lellouche.

C'est scandaleux !

M. Gilbert Meyer.

Nous dénonçons cette double imposition, injuste à nos yeux. Vous avez d'ailleurs prévu un mécanisme de remboursement. Celui-ci reste, toutefois, très hypothétique. Vous allez donc encaisser deux fois, pour la même année, 10,2 milliards de francs, dont 2,7 au titre de la taxe additionnelle. Votre démenti en la matière n'a pas convaincu l'opinion.

Mais, au-delà de ce constat, je voudrais savoir ce que vous allez faire de cette recette supplémentaire. Ces crédits, je vous le rappelle, doivent être réservés aux travaux d'amélioration du parc locatif privé. Il n'est donc pas pensable que le budget de l'Etat confisque cette recette supplémentaire pour un autre usage.

M. Pierre Lellouche.

Tout à fait !

M. Gilbert Meyer.

C'est pourquoi je souhaite vivement que vous confirmiez que ces 2,7 milliards de francs seront bien affectés à la rénovation du logement social privé.

Cette dotation exceptionnelle, ajoutée à celle générée par la taxe additionnelle de l'année 1999, permettrait de remobiliser les interventions de l'ANAH en faveur de la réhabilitation de dizaines de milliers de logements.

Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir nous renseigner sur l'affectation de ces crédits. Votre réponse intéresse non seulement les propriétaires bailleurs, mais également tout le monde des artisans.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, un propriétaire bailleur qui a encaissé 2 000 francs de loyer par mois en 1998 a payé, au titre du droit de bail et de la contribution additionnelle, 5 % du total des loyers de l'année, c'est-à-dire 1 200 francs...

M. Pierre Lellouche.

Il va payer deux fois !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... au mois d'octobre 1998. En septembre 1999 il paiera exactement la même somme.

Le propriétaire ne paiera pas deux fois. L'Etat n'encaissera pas deux fois cette somme. (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas vrai !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Dans l'hypothèse où le propriétaire ne louerait plus son logement, l'Etat lui rembourserait le montant acquitté au titre des neuf premiers mois de 1999. Ce dernier ne percevra donc aucune ressource supplémentaire.

A cet égard je tiens à souligner que mon collègue Louis Besson a redonné, depuis l'été 1997, au logement social et à l'amélioration de l'habitat des moyens budgétaires qui avaient été retirés antérieurement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) TRANSPORT ROUTIER DANS LES ALPES

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Ma question s'adressait à M. le Premier ministre mais, puisqu'il est parti, un autre membre du Gouvernement pourra me répondre.

Député de Chamonix, je suis, avec mon collègue Michel Meylan, l'un des représentants de l'autre vallée alpine par laquelle s'écoule actuellement la totalité des trafics entre la France et l'Italie. Louis Besson a d'ailleurs rappelé que le trafic par le tunnel de Fréjus avait augmenté de 85 % au cours des dix dernières années.

Depuis quelques jours le trafic a doublé avec cinq cents poids lourds à l'heure en période de pointe. La fin d'un chantier autoroutier ajoute aux inévitables difficultés d'écoulement. Ma première question est donc relative aux moyens que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour assurer la sécurité non seulement de mes administrés dans la vallée de la Maurienne, mais aussi de tous ceux qui franchiront les Alpes par cette voie durant la réalisation des travaux dans le tunnel du Mont-Blanc.

Ma seconde question rejoint celle qu'a posée Noël Mamère.

En effet, le trafic des poids lourds dans le massif alpin croît régulièrement. On annonce même un doublement des trafics de fret au cours des dix prochaines années.

Certains d'entre nous militent donc depuis plusieurs années en faveur de la création d'une autoroute ferroviaire dans le massif alpin, c'est-à-dire pour le portage des camions par des trains.

Tel qu'il avait été conçu en 1993, le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin était uniquement destiné aux voyageurs. Le gouvernement d'Edouard Balladur l'a fait évoluer vers un projet mixte, voyageurs et marchandises, et les études le concernant sont en cours. Lors du sommet de Chambéry, le Premier ministre, Lionel Jospin et le Président de la République, Jacques Chirac, ont confirmé leur poursuite et nous devrions en obtenir les résultats au cours de l'année 2000. Durant la récente discussion de la loi d'aménagement du territoire, plusieurs d'entre nous, notamment Patrick Ollier, ont réclamé avec insistance que l'autoroute ferroviaire fasse l'objet d'une inscription pour des raisons tenant tant à la protection de l'environnement dans les Alpes qu'à la sécurité des usagers.

Compte tenu des récents événements et des problèmes d'environnement dans le massif alpin, le Gouvernement s'engage-t-il à tout mettre en oeuvre, avec le gouvernement italien et avec l'Union européenne, pour réaliser une autoroute ferroviaire dans les Alpes ? Il ne s'agit plus de transport combiné, mais de transport en continu de camions sur les trains, comme le fait aujourd'hui la Suisse, qui investit des sommes considérables dans ce domaine.

Des Etats comme la France et l'Italie, qui sont bien plus grands, bien plus puissants sur le plan économique, ne sont-ils pas capables de faire ce que ce pays est actuellement en train de réaliser au Gothard et au Lotsghberg ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement


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pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

(M. Arthur Paecht remplace M. Laurent Fabius au fauteuil de la présidence.)

PRE SIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Monsieur le député, je vous demande d'excuser M. Gayssot, retenu par une obligation internationale.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Le Kosovo !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Ainsi que je l'ai indiqué en répondant à M. Mamère, je puis vous assurer que le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de mener une autre politique des transports dans nos massifs montagneux, tout particulièrement dans le massif alpin. La catastrophe qui nous endeuille aujourd'hui rappelle combien il est urgent de traiter ce dossier pour les Alpes.

Les sommets franco-italien de 1997 et 1998 ont permis de confirmer l'attachement des deux pays au projet d'un nouveau tunnel ferroviaire sur la liaison Lyon-Turin et d'engager une nouvelle tranche d'études de 350 millions de francs qui permettra d'aboutir à des décisions, à la fin de l'an 2000, lorsque ce programme aura été conduit à son terme.

Par ailleurs, a été décidée la mise en oeuvre d'un programme d'actions à court terme destinées à augmenter de 60 % la capacité de l'axe passant par le tunnel du MontCenis. Cela implique à la fois des mesures d'exploitation et des investissements.

Pour régler les problèmes immédiats entraînés par la fermeture du tunnel du Mont-Blanc, M. Jean-Claude Gayssot a été amené à prendre deux séries de dispositions.

D'abord, au niveau du tunnel de Fréjus, vers lequel est et sera reportée une part importante du trafic des poids lourds, une régulation sera opérée à la barrière de péage pour garantir un espacement suffisant entre chaque véhicule, et des restrictions supplémentaires à la circulation des matières dangereuses seront mises en place.

Par ailleurs, il a été demandé à la SNCF de mettre en oeuvre, sans délai, de nouvelles liaisons pour le fret par Modane et Vallorbe.

Au-delà des mesures immédiates, il est indispensable de développer, compte tenu de la progression continue des échanges de marchandises, une politique des transports plus soucieuse de sécurité. Cela passe notamment par le développement du transport ferroviaire sous toutes ses formes, car il est plus sûr et plus respectueux de notre environnement. Tel est bien l'objectif de la politique des transports que mène le Gouvernement.

Ainsi, je rappelle que le Gouvernement a augmenté de plus de 50 % les crédits du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables consacrés au ferroviaire. Les prochains contrats de plan traduiront cette priorité, et l'Etat proposera de doubler, au moins, par rapport à ce qui se faisait auparavant, sa participation au financement des investissements ferroviaires qui seront inscrits dans les contrats de plan.

Ces orientations générales sont bien entendu encore plus valables pour les franchissements alpins.

Comme vous le savez, depuis le sommet franco-italien d'octobre 1997, un processus de travail a été mis en place, à la fois pour obtenir une amélioration à court terme de l'offre ferroviaire et pour faire progresser les études d'une nouvelle liaison Lyon-Turin, qui devra remplir un double objectif : TGV et fret. Ce dossier n'est pas en veilleuse, comme cela a pu être dit ou écrit, puisque, je le répète, un programme d'étude de 350 millions est en cours. Il aboutira, à la fin de l'an 2000, aux décisions pour l'étape suivante qui sera la réalisation de ce grand projet.

Le fait que la Suisse ait franchi une nouvelle étape dans la réalisation de ses tunnels ne remet absolument pas en cause le processus d'étude en cours en France. Le Gouvernement veillera à ce qu'il avance conformément aux objectifs et au calendrier fixés, car développer d'une façon ambitieuse une nouvelle offre ferroviaire dans les Alpes est bien la seule politique qui permettra de sortir des impasses a conduits la politique donnant la priorité à la route. C'est bien dans ce sens que le Gouvernement travaille et continuera de travailler. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

3 PRÉSOMPTION D'INNOCENCE ET DROITS DES VICTIMES Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (nos 1079, 1468).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mesdames, messieurs les députés, vous allez vous prononcer sur un texte essentiel de la réforme de la justice. Auparavant, je tiens à remercier votre assemblée pour la qualité des débats. Les interventions ont été riches, précises et constructives. Toutes les questions soulevées par le projet du Gouvernement ont été abordées et le texte sort de cette discussion amélioré sur de nombreux points.

Je salue, en particulier, le travail remarquable accompli par votre commission, par sa présidente Catherine Tasca et par votre rapporteur Christine Lazerges, laquelle a, par sa grande connaissance de ces sujets, largement contribué à l'amélioration des principales dispositions du texte.

Je remercie aussi les députés qui, sur tous les bancs, ont proposé des amendements permettant d'améliorer et d'enrichir le texte.

Je constate que l'ensemble des groupes parlementaires ont manifesté une orientation positive en faveur d'une réforme de notre procédure pénale. Cette unanimité conforte le Gouvernement dans sa volonté de mener à terme la réforme globale de la justice qu'il a engagée.


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Nous avons eu un débat de fond sur le type de procédure pénale que nous souhaitons pour la France et nous avons abordé, sans détour, les principes supérieurs qui doivent guider le procès pénal.

Le coeur de la discussion a porté, cela était bien normal, sur le choix entre la procédure accusatoire et la procédure inquisitoire. Certes, aucun système aujourd'hui dans le monde ne transcrit à l'état pur l'une ou l'autre de ces procédures. Cependant, ce débat a été transversal et a guidé notre discussion.

Le choix résolu du Gouvernement à la fois de confiance dans le juge d'instruction et de maintien de la procédure inquisitoire a été contesté par l'opposition, qui, je m'en félicite, n'a pas été suivie par votre assemblée.

J'espère que le vote définitif le confirmera.

Le choix de la procédure accusatoire, donc de la suppression du juge d'instruction, aurait en effet conduit à une diminution des garanties apportées à nos concitoyens les plus faibles. Il aurait aussi abouti, j'en suis convaincue, à un affaiblissement de la répression, notamment pour la criminalité organisée et chaque fois qu'un investissement lourd s'imposerait pour permettre la manifestation de la vérité.

La procédure accusatoire souffre, aux yeux du Gouvernement, d'un double défaut : un risque d'amoindrissement de l'Etat et des garanties qu'une République forte et démocratique doit apporter à tous les citoyens en assurant à tous la protection des libertés et la sécurité.

Les propositions qui allaient dans le sens de la procédure accusatoire étaient également inspirées par des critiques à l'égard des magistrats, notamment des juges d'instruction. Je tiens donc à rappeler la confiance du Gouvernement dans la magistrature qui exerce une mission difficile et sensible. Elle doit avoir notre soutien.

Avec ce projet, les juges d'instruction seront renforcés dans leur rôle d'arbitres, protégés des critiques sur l'ambiguïté de leur mission entre placement en détention et enquête à charge et à décharge. Grâce à cette réforme et aux moyens nouveaux qui leur sont donnés, ils pourront mieux assurer la double mission de gardiens des libertés et de fers de lance de la lutte contre la criminalité la plus grave.

Surtout, les choix que vous avez opérés apportent des améliorations considérables, à la situation tant des personnes mises en cause que des victimes, ce qui est bien l'essentiel.

La présomption d'innocence sort donc renforcée de ce débat. Par votre vote sur l'ensemble du texte en première lecture, vous allez donner davantage de garanties aux personnes placées en garde à vue ; améliorer le statut de témoin assisté ; élargir les droits de la défense tout au long de la procédure, de l'enquête à l'audience devant le tribunal ; limiter la durée de la détention provisoire correctionnelle et criminelle ; accélérer le jugement des affaires dans lesquelles des personnes sont détenues ; créer un dispositif permettant d'indemniser les personnes déclarées innocentes par la justice, pour les aider à régler les frais engagés pour leur défense. Il s'agit d'un apport essentiel de nos débats.

Enfin ce texte va ouvrir des possibilités nouvelles au débat contradictoire par une information équilibrée.

Toutefois c'est dans le domaine des droits des victimes que les améliorations ont été les plus sensibles. Je relève d'ailleurs que le souci des victimes a été partagé par l'ensemble des groupes, majorité et opposition confondues. Cette convergence démontre l'importance du besoin à satisfaire. Des améliorations pourront encore être apportées au cours de la navette, notamment grâce aux travaux de Marie-Noëlle Lienemann, qui a rendu son rapport au Premier ministre, vendredi dernier.

Je souhaite enfin saluer les importantes avancées apportées par des amendements tant de votre commission que du groupe communiste sur l'information des victimes et sur leur accueil par les services de police et de gendarmerie.

En conclusion, je remercie l'Assemblée pour le soutien qu'elle apporte à l'action du Gouvernement dans la rénovation de la justice. La réforme est largement engagée.

J'espère que votre vote sera une manifestation supplémentaire de la détermination de la majorité de voir cette réforme de la justice mise en oeuvre rapidement.

Nous aborderons ainsi prochainement le texte sur les alternatives aux poursuites et le projet traitant des rapports entre la chancellerie et le parquet. Avec l'adoption par le Congrès de la réforme constitutionnelle qui permettra le dépôt du projet de loi organique sur le statut des magistrats - nous pourrons alors aller plus loin sur la très importante question de la responsabilité des magistrats -, nous aurons tenu nos engagements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la ministre, l'Assemblée nationale va, en effet, être appelée à se prononcer sur un double projet de loi - ce dont je me réjouis - puisque ce texte tend à renforcer à la fois la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Au terme d'un débat non pas houleux mais réfléchi, sérieux et consensuel, au cours duquel chacun a apporté sa pierre, à gauche comme à droite, je me plais à affirmer que le projet que nous allons adopter est un texte d'équilibre. Merci, madame la ministre, d'avoir offert à la commission des lois la chance de travailler sur un aussi bon projet que nous nous sommes plu à tenter d'enrichir.

Merci aussi d'avoir appuyé la plupart des amendements de notre commission.

Merci encore à la coordinatrice du groupe politique auquel j'appartiens pour avoir, avec autant d'intelligence et de finesse, mené un travail extrêmement difficile : à l'évidence, en effet, il n'était pas aisé de réaliser l'équi libre en cherchant à concilier les nécessités de la poursuite et la garantie des libertés individuelles.

Merci enfin à l'ensemble des députés parce qu'ils ont donné au débat une image qui fait honneur à notre assemblée. Cela m'a été confirmé par de très nombreux téléspectateurs fidèles de la chaîne Canal-Assemblée.

Avec ce projet de loi, que nous allons adopter en première lecture, nous nous acheminons - comme Mme la garde des sceaux vient de le rappeler - vers une procédure qui, à l'image de celle de nombreux pays européens, n'est ni strictement accusatoire - elle ne l'a d'ailleurs jamais été en France -, ni plus strictement inquisitoire. Le choix a été clairement celui d'une procédure mixte caractérisée par le respect du contradictoire que nous affichons dès ce bel article préliminaire d'une vingtaine de lignes que la commission des lois s'est permis d'amender sérieusement.

Plaçant la victime au coeur du dispositif, il énonce nos


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principes directeurs. Il favorisera d'ailleurs le rapprochement des procédures pénales en Europe et je m'en réjouis.

En matière de garde à vue, la commission des lois a proposé - l'Assemblée l'a accepté - que le procureur de la République visite régulièrement les locaux où elle est effectuée, que les gardes à vue soient limitées aux suspects et non plus aux témoins, que le droit au silence soit mieux affirmé, en nous ralliant d'ailleurs à la formulation du Gouvernement.

Nous avons aussi prévu que la visite de l'avocat pourra intervenir dès la première heure, puis après la vingtième heure, et à nouveau après la trente-sixième heure en cas de prolongation de la garde à vue.

Les amendements de la commission des lois ont ensuite tendu à diminuer le nombre de mises en examen, en renforçant le statut du témoin assisté. Ainsi que Mme la garde des sceaux l'a rappelé, nous souhaitons tous que la mise en examen ne s'effectue que sur indices extrêmement précis et soit, si possible, décalée dans le temps. Il convient d'user du statut de témoin assisté aussi longtemps que possible, dès lors qu'un contrôle judiciaire ou une détention provisoire ne sont pas nécessaires.

Nous avons aussi souhaité - et votre assemblée en a été d'accord - conforter les droits des parties au cours de l'audience de jugement. Nous avons également amélioré les délais pour les rendre raisonnables - c'est une question qui nous tient à coeur - à la fois pour la détention provisoire et pour l'audience.

En plus de délais raisonnables, il fallait une meilleure organisation du fonctionnement de la justice. Nous nouss ommes permis pour cela d'amorcer une réforme - modeste - de la carte judiciaire en proposant qu'il n'y ait plus obligatoirement un juge d'instruction dans chaque tribunal de grande instance.

J'en viens à une question centrale du projet de loi : celle de la détention provisoire. Le texte introduit - nos amendements le confirment - une figure nouvelle dans le paysage judiciaire français : le juge de la détention provisoire, qui, grâce au second regard qu'il est chargé de porter sur la décision de placement, rendra moins fréquentes, nous l'espérons, les détentions provisoires.

Notre objectif est que le taux de détention provisoire en France ne soit pas supérieur à ceux enregistrés chez nos voisins européens. Il l'est aujourd'hui et il n'y a aucune raison pour qu'il en soit ainsi.

Concernant la communication, nous avons souhaité, d'une part, que le secret de l'instruction demeure - la commission des lois s'y est montrée très attachée -, et, d'autre part, que la liberté de la presse ne soit en aucun cas amoindrie. Pour ce faire, un certain nombre de dispositions ont été prises. Nous avons prévu notamment qu'il y ait des communiqués du parquet et des fenêtres de publicité. D'autres améliorations ont été apportées sur lesquelles je ne reviens pas.

Reste à dire quelques mots sur les droits des victimes.

Ceux-ci sont au coeur de nos préoccupations. Nous avons souhaité que, à tous les stades de la procédure, les victimes soient mieux informées, mieux entendues, et qu'elles soient partie prenante au procès pénal. Après l'adoption du projet de loi, le procès ne se limitera plus à un échange entre le demandeur et le défendeur - le parquet et celui que l'on va peut-être condamner - il sera un échange entre trois parties : le demandeur - le parquet -, celui qui sera peut-être condamné mais qui est présumé innocent jusqu'au dernier moment, et la victime qui a subi un préjudice. Pour cela, nous avons désiré ouvrir un dernier chapitre, intitulé « Indemnisation des victimes d'infractions pénales ». Nous le nourrirons d'un certain nombre de conclusions du rapport que Mme Lienemann a remis au Premier ministre il y a trois ou quatre jours.

Nous avons déjà, à l'initiative de la commission des lois, introduit, dans ce chapitre, un certain nombre d'améliorations.

Mes chers collègue, je dirai pour terminer qu'il n'est pas mis un point final à notre réflexion concernant le renforcement de la présomption d'innocence et celui des droits des victimes. En deuxième lecture, la commission des lois continuera à travailler afin de parvenir à une grande loi contribuant judicieusement et de façon équilibrée à garantir à la fois les libertés et les droits des victimes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. André Gerin, pour le groupe communiste.

M. André Gerin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, la justice est à nouveau mise en examen ! Le projet de loi qui nous est proposé et pour lequel nous voterons constitue une étape pour garantir la présomption d'innocence et le droit des victimes. C'est une avancée positive, et des améliorations ont été apportées au cours du débat.

Le texte a pour ambition de renforcer les droits et la protection non seulement des justiciables, mais aussi des victimes. Il tend à modifier les règles de procédure et à instaurer un nouvel équilibre entre les droits de la personne, l'inaltérabilité de la dignité et la nécessité d'une justice juste et exemplaire. N'oublions pas que 40 % des détenus, dans nos prisons, attendent d'être jugés.

Je l'ai déjà affirmé avec force, il nous faut prendre résolument le parti des victimes. Le projet initial annonçait cet aspect important, mais il nous semble encore limité. Tout le monde a le droit de vivre en sécurité et le droit à la tranquillité et il reste encore beaucoup à faire pour obtenir des avancées en ce sens et pour gagner ce droit essentiel. Avant tout, il faut s'occuper de ceux, d'origine souvent modeste, dont les droits sont encore loin d'être respectés au regard de la violence urbaine, de la délinquance et du sentiment d'insécurité qui menacent les fondements même de notre société.

Il faut que la justice soit plus proche, plus rapide et plus juste, il faut qu'elle soit attentive à la situation des victimes pour que la politique de justice regagne de la crédibilité.

De même, si nous voulons faire reculer la crise de confiance, la méfiance, voire la défiance, qui existe chez beaucoup de Français, il faut réagir pour que soit affirmée l'exigence de transparence publique et de moralité, tant dans notre pays qu'à Bruxelles. Rien ne serait pire que la déception, et le discrédit qui s'ensuivrait.

Les Français attendent une justice de compétence et de sérénité, une justice qui se rende avec équité, avec clarté et dans des délais raisonnables.

Les classements sans suite, les verdicts controversés des tribunaux, la durée des procédures - certaines prennent parfois des années, entraînant de longues détentions préventives -, sont ressentis comme autant de dénis de justice, comme autant des décisions arbitraires.

Le texte qui nous est soumis est intéressant et beaucoup de mesures qu'il contient sont plutôt positives : la présence de l'avocat est prévue dès la première heure, les


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instructions sont raccourcies, le rôle des juges d'instruction est repensé, la mise en détention est décidée par le juge du même nom et obligation est faite à la presse de contribuer, à sa manière, au respect de la présomption d'innocence.

Nous aurions aimé que la collégialité des magistrats soit la règle. Mais, faute de moyens - et c'est là que le bât blesse, je l'ai déjà dit au nom de mon groupe -, il n'en a pas été décidé ainsi. Il aurait fallu aller beaucoup plus loin pour faire reculer le sentiment d'insécurité, pour être encore plus au service du justiciable et s'occuper avant tout des victimes.

Mais, c'est dans la vie, au quotidien, que les citoyens vont juger la justice de leur pays. Pour rétablir la confiance, le projet de loi devra être lisible dans sa mise en oeuvre. C'est sur le constat d'un raccourcissement et d'une plus grande efficacité des procédures et d'un meilleur traitement des victimes que se construira une opinion positive. Une victime bien accueillie, bien accompagnée, devient alors un acteur d'une justice sereine.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. André Gerin.

C'est le défi « à relever » par les institutions de la République en renforçant la présomption d'innocence.

Cela dépendra pour beaucoup aussi des moyens dont disposera la justice. Des efforts importants ont été engagés depuis deux ans. Il faut en rendre hommage au Gouvernement et à Mme le garde des sceaux. Mais, nous le savons tous, les bonnes intentions peuvent se « casser les dents » sur la réalité. Pour que l'action du Gouvernement soit crédible en termes de responsabilité politique, une réforme de fond de notre vieille procédure inquisitoriale s'impose. Il faut changer d'échelle, au vu des trente dernières années, et peut-être engager dans ce domaine un véritable bouleversement des choix budgétaires de la France. Et, du même coup, il faut renvoyer la droite à sa surenchère que j'appellerai libérale anglo-saxonne (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui vise à remettre en cause la notion même de service public de justice, d'égalité, de fraternité et d'équité.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. Philippe Briand.

Ben voyons !

M. Pierre Albertini.

Caricature !

Mme Odette Grzegrzulka.

M. Gerin a raison.

M. Patrick Devedjian.

Vous ne comprenez rien.

M. Yann Galut.

La droite : touchée, coulée !

M. André Gerin.

J'ai l'impression que vous avez bien compris.

(Sourires sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Georges Tron.

Si on comprend, on a du mérite !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez M. Gerin conclure, je vous prie. Il a déjà dépassé son temps de parole.

M. André Gerin.

Je termine, monsieur le président.

Je souhaite que le projet permette de réconcilier les Français avec leur justice et soit la preuve que des choix politiques peuvent faire avancer notre société et entraîner u n progrès de civilisation. C'est ce qui redonnera confiance au pays.

M. Francis Delattre.

Le goulag n'est pas qu'en Yougoslavie ; il est au parti !

M. André Gerin.

C'est sur cette note d'espoir que je terminerai, pour confirmer le vote positif du groupe communiste et rendre à la justice - et peut-être aussi à l'opposition - un peu de sérénité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, madame la ministre, le texte qui a été discuté à l'Assemblée nationale la semaine dernière nous a conduits à réfléchir sur les principes de notre procédure pénale. Une telle réflexion n'est jamais inutile dans notre pays car nous sommes hélas ! - plus attachés à l'énoncé de principes abstraits qu'au respect de libertés très concrètes, et l'influence du code d'instruction criminelle de 1808 imprègne encore bien des esprits.

M. Jacques Floch.

Nous n'en sommes pas encore débarrassés !

M. Pierre Albertini.

Cette réflexion a été entreprise, je crois, dans la sérénité et elle a été formulée, sur tous les bancs, de la manière suivante : comment assurer l'équilibre entre les droits de la défense, et notamment la présomption d'innocence, et l'efficacité de la répression qui conditionne - c'est élémentaire, c'est l'Etat de droit l'autorité de la loi et l'autorité de l'Etat ? Aussi votre texte, madame la ministre, est-il l'un des plus importants de la réforme de la justice engagée par le Président de la République et mise en oeuvre par le Gouvernement depuis 1997.

Au terme de ce débat, on peut seulement se demander si ce n'est pas une occasion manquée, notamment au regard des attentes de nos concitoyens et de l'absolue nécessité de restaurer le crédit de la justice dans l'esprit des Français.

Les députés de notre groupe ont abordé ce débat avec deux principes simples en tête.

Le premier est une affirmation plus résolue, plus énergique des droits de la défense. Celle-ci est aujourd'hui d'autant plus nécessaire dans notre pays que nous avons souhaité renforcer l'indépendance statutaire des magistrats, et spécialement du parquet et, en même temps, conserver le principe de l'opportunité des poursuites.

Comment peut-on vouloir des magistrats plus indépendants, libres d'engager ou non des poursuites, sans garantir plus efficacement non seulement les droits de la défense à tous les stades de la procédure, mais aussi ceux des victimes ? C'est dans cette perspective, madame la ministre, que nous avions proposé une présence plus active, plus efficace de l'avocat pendant la garde à vue, l'enregistrement des interrogatoires et l'attribution à une collégialité de la décision particulièrement grave de mise en détention provisoire. Ces deux derniers aspects étaient d'ailleurs proposés dans le rapport de Pierre Truche. Mais vous les avez rejetés.

Le second principe est celui d'une séparation plus claire entre les fonctions d'investigation, d'un côté, et celles de jugement, de l'autre. Il concerne très directement la place du juge d'instruction dans notre procédure pénale. Bien entendu, nous ne ressentons aucune défiance à l'égard des hommes, mais la solitude et l'étendue des pouvoirs du juge d'instruction posent un problème, et beaucoup de députés, siégeant sur tous les bancs de cette


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assemblée, ont tenu à le rappeler. C'est d'ailleurs dans ce sens que nous avions soutenu les amendements déposés par M. Balladur.

Vous avez choisi, madame la garde des sceaux, une solution « ambiguë », qui nous laisse au milieu du gué.

Vous conservez au juge d'instruction toute la palette du contrôle judiciaire, mais vous lui enlevez la décision de mise en détention que vous confiez, in fine, à un nouveau juge qui découvrira le dossier. Nous doutons profondément de l'efficacité réelle de cette procédure.

Lorsque, en 1985 - je me suis reporté aux débats de cette époque car ils sont très instructifs - Robert Badinter a évoqué cette réforme et précisé sa préférence personnelle pour un système accusatoire, il a, le 14 octobre, posé la question suivante à l'adresse des députés : « Une seule vraie question se pose : devons-nous conserver un système d'instruction dans lequel le juge agit seul ou devons-nous au contraire passer à une équipe de juges, ce qui correspond aux exigences de notre temps, en offrant toute garantie aux justiciables ? » V otre projet comporte bien entendu un certain nombre d'avancées et d'améliorations. Nous les avons soulignées au cours des débats. Je me contenterai de les rappeler brièvement : la reconnaissance des droits des victimes - celles-ci sont mieux associées à l'instruction comme au jugement -, les quelques correctifs apportés, à doses homéopathiques, à la solitude des juges d'instruction, le statut de témoin assisté - cette expérience devrait permettre, si elle est bien conduite, d'éviter qu'il y ait des mises en accusation aussi nombreuses - et, enfin, le caractère plus contradictoire de la procédure, notamment pendant le procès.

Mais, au terme du débat, subsiste un doute sur l'efficacité du dispositif et sur son aptitude à mieux garantir la présomption d'innoncence.

Enfin vous n'avez pas échappé à la tentation d'encadrer la liberté de communication, et notamment le droit à l'image, en transférant au juge répressif ce qui devrait rester de la compétence naturelle du juge civil, qui est le juge de la réparation dans notre pays. Vous avez d'ailleurs, à ce titre, quadruplé les amendes et il y a eu, vous le savez, madame la ministre, quelques tentatives de surenchères de la part de certains députés.

Nous pensons profondément que le secret de l'instruction est devenu aujourd'hui une fiction et nous préférerions nous situer délibérément dans le cadre d'une liberté d'information mieux assumée, plus équitable et d'une déontologie professionnelle également plus marquée. Ce serait préférable à toute tentative de codification de l'écrit et de l'image.

Pout toutes ces raisons, madame la ministre, nous voterons contre votre projet de loi.

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Guy Hascoët.

Madame la ministre, j'annonce d'emblée que les Radicaux, le Mouvement des Citoyens et les Verts voterons votre projet de loi.

M. Daniel Marcovitch.

Très bien !

M. Guy Hascoët.

Je craignais, comme je l'ai dit dans mon propos introductif, que notre débat n'ait lieu sous la pression médiatique et que, influencé par l'actualité et certaines affaires, il ne s'égare, laissant de côté les 300 000 personnes qui sont placées en garde à vue chaque année et les quelque 20 000 personnes qui se trouvent actuellement en prison et attendent d'être jugées. Ce chiffre est beaucoup trop élevé. Mais notre débat, il convient de le noter, a été de qualité et ce, sur tous les bancs.

Le projet propose des avancées - cela a déjà été dit mais cela mérite d'être rappelé - tant en ce qui concerne les droits des victimes qu'en ce qui concerne le respect de la dignité des personnes : je pense à la limitation du droit d'utiliser des images y portant atteinte. Le texte tend à réduire la durée de la détention provisoire. Celle-ci est d'habitude excessive dans notre pays. Bref il marque sur de nombreux points, de réels progrès.

Néanmoins, au-delà de ce débat, de celui que nous avons déjà eu sur l'accès au droit et de celui qu'il nous faudra tenir, dont parlait à l'instant Mme Lazerges, notre rapporteur, il est un risque, un risque social qu'il nous faudra traiter. Comment ? Je ne sais pas ; même si je participe, avec délectation, aux débats de la commission des lois, je ne suis pas un professionnel de la justice. Ce risque, c'est celui d'un divorce entre la réalité telle qu'elle est vue, entendue, constatée par bon nombre de concitoyens, notamment ceux dont les situations sont les plus difficiles et particulièrement la jeunesse des quartiers très sensibles, et le discours républicain sur l'égalité face à des droits et des devoirs qui s'imposeraient à tous. Pour les uns, on voit des procédures traîner dix ans ; pour les a utres, c'est la comparution immédiate. Certaines

« affaires » se soldent finalement par des broutilles alors que pour un vol à la tire avec récidive, on peut prendre six mois de prison : certains grands personnages convaincus de faute n'écopent pas d'une peine plus lourde...

Nous ne couperons pas d'une réflexion sur tout ce qui pourra faire reculer, je le dis avec une certaine solennité, les arbitraires qui, trop souvent, entachent la justice telle qu'elle est vécue et particulièrement les relations entre la police et la justice, et la police et les jeunes.

Je ne prendrai qu'un fait d'actualité : les syndicats de police ont tort, me semble-t-il, de s'insurger comme ils l'ont fait à propos d'une récente décision de justice.

D'abord sur le principe : la police n'a pas à s'élever contre une décision de justice. Mais ils ont tort également de donner à penser qu'ils sont prêts à couvrir les excès qui, malheureusement, peuvent se produire de temps à autre. On sait que le métier des policiers est difficile, on connaît leurs conditions d'intervention parfois sur le terrain. Mais ils ont tort de se prétendre en dehors du champ de la punition quand des excès et violences sont effectivement constatés dans nos commissariats.

Développer une police de proximité, limiter les comparutions immédiates, promouvoir une démarche à même de réconcilier les citoyens des quartiers sensibles avec les représentants de la République, voilà le seul moyen d'aller vers plus de paix sociale. Couvrir les excès aboutit au résultat inverse, en solidarisant l'ensemble de la population avec le petit pourcentage de fauteurs et finit par se payer très cher.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Philippe Houillon.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe Démocratie libérale et Indépendants est très attaché au principe de la présomption d'innocence. Non seulement celui-ci préserve le nécessaire équilibre entre un exercice clair des missions régaliennes de l'Etat et le respect des libertés individuelles, mais il garantit également une sorte de principe de prudence et de mesure face aux conséquences susceptibles d'être subies par les personnes mises en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

cause : trop de mises en examen et de détentions provisoires se terminent chaque année par une ordonnance de non-lieu ou un jugement de relaxe, dont personne ne parle plus par la suite.

En affirmant que la présomption d'innocence était le principe dont toute la procédure pénale devait découler, votre projet, madame le garde des sceaux, suscitait une attente. Malheureusement, celle-ci n'a pas été satisfaite, y compris dans votre majorité, comme les débats l'ont bien révélé.

Votre texte est resté au milieu du gué, probablement sous la pression des différentes corporations concernées.

Il comporte, c'est vrai, une avancée certaine que nous réclamions : la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue et l'information des personnes qui en font l'objet. Cette disposition amorce le rapprochement de notre pays avec d'autres démocraties plus avancées que nous sur le terrain du contradictoire. Toutefois, il reste beaucoup de chemin à faire pour améliorer le déroulement des interrogatoires et, d'une manière plus générale, assurer le respect du principe de l'égalité des armes, tel que défini par la Convention européenne des droits de l'homme.

Quant aux autres dispositions du projet de loi, elles ne traitent qu'imparfaitement ou partiellement du sujet de la protection de la présemption d'innocence. Nous regrettons que les systèmes alternatifs plus modernes proposés par l'opposition n'aient pas été retenus, de même que la plupart des suggestions du rapport Truche.

Le juge de la détention provisoire, chargé de se prononcer sur la détention, ne verra concrètement le jour que si la carte judiciaire est réformée. Il est vrai qu'un amendement allant dans ce sens a été adopté par notre assemblée. Mais ce nouveau juge unique ne sera finalement saisi que lorsque le juge d'instruction décidera de ne pas laisser le prévenu en liberté. Le risque est grand de le voir devenir dans les faits le juge de la confirmation ; on avait déjà vu s'instaurer cette habitude avec la chambre d'accusation.

Les dispositions relatives à la presse n'apportent rien de bien nouveau dans l'inévitable confrontation entre présemption d'innocence et droit à l'information. Le secret de l'enquête et de l'instruction n'apparaît plus adapté dans une société moderne et les fenêtres de publicité prévues par votre texte ne sont finalement qu'un dérivatif face aux exigences de la transparence et des médias, dont le contrepoids réel ne peut être que la réparation exacte des préjudices éventuellement causés.

Enfin, quel sera l'impact réel des dispositions sur le statut, certes étendu, mais toujours facultatif, du témoin assisté, d'ores et déjà pratiquement pas utilisé par les juges d'instruction ? Votre projet part sans doute de bonnes intentions, mais il se borne avant tout à réaffirmer des principes déjà inscrits dans notre droit positif, sans en assurer la traduction concrète. Au total, nous ne voyons pas vraiment se profiler ce que nous pouvions espérer, c'est-à-dire une évolution vers une justice moderne, responsable et véritablement respectueuse de la présomption d'innocence.

Pour ces raisons, le groupe démocratie libérale ne votera pas ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin, pour le groupe socialiste.

Mme Frédérique Bredin.

Madame la garde des sceaux, le Premier ministre s'était engagé devant les Français à réformer la justice pour la rendre plus proche, plus efficace et plus respectueuse des libertés. Le texte que vous nous présentez sur la présomption d'innocence s'inscrit dans ce cadre global de la justice, après la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et avant celle qui portera sur l'indépendance du parquet.

C'est un texte important en ce qu'il touche aux libertés publiques et au fonctionnement quotidien d'une justice que tous les Français connaissent ou connaîtront un jour dans leur vie, particulièrement la justice pénale.

Une des forces de ce projet de loi, et c'est là une première dans une grande réforme de la procédure pénale, tient à ce qu'il traite tout à la fois de la présomption d'innocence et du droit des victimes, de la place que prend l'écoute de celles-ci dans le procès pénal ; les réformes successives de la procédure les avaient jusqu'alors trop souvent oubliées.

Sur la présomption d'innocence, le texte permet plusieurs avancées concrètes : la présence de l'avocat dès la première heure de la garde à vue, l'élargissement de la notion et des droits du témoin assisté, la création enfin du juge de la détention qui non seulement garantira la séparation des fonctions d'investigation et des fonctions juridictionnelles de placement en détention, mais surtout soumettra à un double regard la mise en détention des prévenus non encore jugés.

Nos débats de la semaine dernière ont été riches et les sujets délicats, puisqu'ils touchent à notre conscience individuelle et à notre conception de la démocratie. Plusieurs amendements déposés par le groupe socialiste, par les députés de la gauche plurielle ou par la commission des lois ont permis d'améliorer encore le texte sur plusieurs points essentiels.

Sur la garde à vue, tout d'abord : l'actualité nous rappelle l'existence de pratiques encore inadmissibles, voire de violences et d'humiliations profondément choquantes dans un pays comme le nôtre. Nous avons proposé que, en plus de sa visite dès la première heure, l'avocat puisse revenir dès la vingtième heure. Nous avons également renforcé les garanties des gardés à vue et, disposition de bon sens, limité la garde à vue aux seuls suspects, interdisant de ce fait que des témoins ne soient entendus dans le cadre de procédures dégradantes et par nature accusatoires. Nous avons enfin adopté le principe d'un enregistrement sonore pour les mineurs délinquants gardés à vue.

Sur la détention provisoire, nous avons proposé - et il faut vous remercier de l'avoir accepté - de limiter sa durée maximale à quatre mois pour les délits les moins graves punis d'une peine inférieure à cinq ans, et à douze mois pour les délis punis d'une peine de cinq à dix ans.

De surcroît, nous avons prévu une indemnisation - non plus facultative, mais automatique - des détentions provisoires abusives en cas de relaxe, de non-lieu ou d'acquittement.

Indépendamment des propositions concrètes du Gouvernement, d'autres améliorations, comme l'a indiqué notre rapporteur, pourront venir de la suite de la discussion, d'ici à l'examen en seconde lecture, qui nous permettront de mieux préciser certains points. En attendant, le groupe socialiste votera avec détermination le texte sur la présomption d'innocence tel qu'il est soumis à notre assemblée, tant il est vrai que nous nous battons pour assurer le respect dû à chacun, à chaque citoyen, qu'il soit victime ou justiciable, connu ou inconnu,


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notable installé ou simple individu socialement fragilisé ou marginalisé. Notre combat, c'est celui de la dignité de l'homme, celui d'une conception exigeante de notre justice, donc de notre démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit pour les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Patrick Devedjian.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, toutes les raisons étaient réunies pour que le groupe du RPR vote le projet de loi du Gouvernement sur la présomption d'innocence.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ah !

Mme Martine David.

Voyez-vous ça !

M. Patrick Devedjian.

D'une part, l'initiative de légiférer sur cette liberté revient au Président de la République, qui a mis en place une commission chargée de faire des propositions ; d'autre part, la situation se dégrade un peu plus chaque jour tandis que les tentatives précédentes, il faut bien le reconnaître, ont toutes échoué.

Deux mille personnes sont incarcérées chaque année pour faire en définitive l'objet d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement, bref, pour être reconnues finalement innocentes. La France est régulièrement condamnée devant la juridiction européenne des droits de l'homme et, ce qui n'est pas le moins, les Français s'impatientent de voir réformer une justice si peu satisfaisante.

Est-ce parce que le Premier ministre, dans son discours de politique générale, avait totalement abandonné ce souci du Président de la République que le texte qui nous est soumis aujourd'hui reste un avorton sans souffle et sans ambition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En dépit de quelques améliorations symboliques qui nous empêcheront de voter contre, ce projet ne se donne pas les moyens de sa politique. Il n'y a pas d'amélioration de la justice sans une autre manière de l'organiser, à commencer par la carte judiciaire qui ne donne lieu, depuis deux ans, qu'à des commissions et des discours alors que tout le monde sait très bien ce qu'il faut faire.

M. Christian Bataille.

Scandaleux !

M. Patrick Devedjian.

Certes, l'avocat pourra voir le suspect dès le début de la garde à vue, mais, contrairement à ce qui se fait dans toute l'Europe, il ne pourra prendre connaissance de la procédure ni assister aux interrogatoires ; il ne sera là que pour un réconfort psychologique et non pour faire du droit, pour accomplir sa mission de défense.

Certes, on institue un juge de la détention provisoire, mais celui-ci reste en collusion avec le juge d'instruction, contrairement à tout ce que les rapports ont réclamé jusqu'à aujourd'hui. Vous avez cédé, comme bien des gouvernements avant vous, au groupe de pression des juges d'instruction...

M. Jean-Pierre Michel.

Par vous, pas ça !

M. Patrick Devedjian.

... qui ne vous en sont même pas reconnaissants, si j'en juge par les communiqués fielleux qu'ils ont publiés.

On reprochait au juge d'instruction de pouvoir dire :

« Parlez ou je vous mets en prison ». Il pourra désormais dire : « Parlez et je vous laisse en liberté » ! On mesure l'avancée, pour employer votre vocabulaire...

Certes, on entrouvre la porte du débat public pour la mise en détention provisoire, mais pour la refermer en fait presque immédiatement.

Que dire des atteintes au droit de la presse ? Le procureur de la République contrôle davantage la communication de l'information. Il devient un journaliste en robe noire. La France sera désormais le seul pays au monde où l'on ne pourra plus publier ou diffuser certaines images porteuses de grandes émotions.

M. Jérôme Cahuzac.

Tant mieux !

M. Patrick Devedjian.

Nous ne pourrons plus voir la mort de Kennedy ni les mafiosi arrêtés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) ; nous ne pourrons plus voir Pinochet emmené, ni le corps du juge Michel pris dans l'enchevêtrement de sa moto détruite, ni le juge Della Chiesa assassiné par la mafia.

M. Jérôme Cahuzac.

Et le juge Renaud !

Mme Odette Grzegrzulka.

Apocalypse now !

M. Patrick Devedjian.

Vous aggravez le caractère pénal du contrôle social que votre politique développe tous azimuts. Les quelques améliorations de la procédure contradictoire à l'audience et à l'instruction ne compensent pas le reproche majeur de ce texte : il est conservateur, et c'est la droite qui vous le dit ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Après vous, madame, la réforme restera à faire. Elle sera malheureusement plus difficile parce que vous en compromettez les chances. Nous ne pouvons vous encourager à continuer ce gâchis qui n'a d'égal que votre éternelle autosatisfaction. (Rires sur quelques bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Ce n'est pas une réforme, c'est un plan média !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est indécent !

M. Patrick Devedjian.

Eh bien, ce sera sans nous ! Car nous nous abstiendrons à ce stade de la procédure législative, dans l'espoir que le Sénat obtienne du Gouvernement qu'il défende réellement les libertés individuelles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Odette Grzegrzulka.

On peut toujours rêver ! Vote sur l'ensemble

M. le président.

Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

544 Nombre de suffrages exprimés .................

411 Majorité absolue .......................................

206 Pour l'adoption .........................

303 Contre .......................................

108 L'Assemblée nationale a adopté.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

4 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité (nos 1479, 1482).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, vous avez à examiner aujourd'hui en deuxième lecture la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité telle qu'elle a été modifiée par le Sénat le 17 mars dernier.

Le Sénat a fait un choix clair : en supprimant l'article 1er de la proposition de loi que vous aviez votée en première lecture, il a purement et simplement supprimé le pacte civil de solidarité.

Je voudrais vous dire d'abord pourquoi je ne peux pas accepter que le PACS soit purement et simplement supprimé. Je vous dirai ensuite pourquoi je soutiens sans réserve le dispositif rétablissant le PACS que votre commission a retenu et j'insisterai sur les améliorations à la fois symboliques et techniques qui sont nécessaires et que vous avez souhaité voir introduire dans ce texte.

Le Sénat n'a pas voulu du PACS. Il a dissimulé ce refus derrière des critiques techniques du dispositif législatif proposé et voté par votre assemblée.

Le rapporteur de la commission des lois du Sénat a fondé sur argumentation sur le fait que le texte serait source de difficultés et d'insécurité juridiques : l'inscription du PACS au greffe du tribunal d'instance poserait des problèmes, il ne donnerait pas de date sûre,...

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

Mme la garde des sceaux.

... la publicité ne serait pas prévue, le contrat ne comporterait aucune obligation réelle, le régime de l'indivision comporterait des difficultés et des risques de contentieux, les règles de l'attribut ion préférentielle seraient inadaptées, etc. Je vous épargne la fin de la liste.

Mais, en réalité, là n'est pas l'essentiel. L'essentiel se révèle en toute lumière lorsque le rapporteur du Sénat affirme qu'il n'y a en réalité pas de place dans notre droit entre le concubinage et le mariage sans remettre en cause le droit personnel et celui de la famille.

D'un côté, la majorité sénatoriale explique que le texte que vous avez voté est inamendable, inapplicable et source de difficultés, sans parler du fait qu'il serait quelque peu contraire à la Constitution, bien qu'il ne nous dise pas en quoi. De l'autre, elle révèle sa vraie motivation : le texte que vous avez voté n'a en réalité, à ses yeux, pas de place dans notre droit.

On croirait entendre l'argument de la marmite de Plaute. Celui qui la réclamait se voit répondre : « Ta marmite, tu ne me l'as pas prêtée, d'ailleurs elle avait un trou, et puis, je te l'ai déjà rendue. »

M. Thierry Mariani.

C'est spécieux !

Mme la garde des sceaux.

Voilà à peu près, me semble-t-il, ce que l'on peut dire de l'ensemble des arguments contradictoires qui ont pu être opposés, et je voudrais dissiper les arguments de mauvaise foi.

D'abord, il n'y a pas de confusion avec la famille comme on tente de le faire croire.

C omment croire le Sénat et l'opposition qui s'entendent, d'une part, pour clamer que le PACS porte atteinte à la famille et au mariage et, d'autre part, pour réclamer que ce débat soit joint à celui de l'enfant et de la famille ? Je crois qu'il faut choisir.

Combien de fois faudra-t-il répéter que le PACS, qui est un contrat par lequel deux personnes entendent régler leur vie commune, est neutre vis-à-vis de la famille et du mariage ? En tentant de mélanger les deux, on veut nous faire croire qu'on porte atteinte aux fondements de notre société pour mieux récuser ce que des millions de personnes sont en droit d'attendre. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Vous caricaturez !

M. Dominique Dord.

Cela commence très mal !

Mme la garde des sceaux.

La famille comporte une dimension temporelle, procréatrice, que ne comporte pas le pacte civil de solidarité. Celui-ci n'interdit ni ne confère aucun des droits attachés à la famille et à la descendance qu'elle inclut. Le pacte civil de solidarité est neutre au regard du droit de la filiation, de l'adoption, de la procréation médicalement assistée et de l'autorité parentale.

Il ne modifie en rien les règles en ces domaines : la procréation médicalement assistée est interdite aux homosexuels tout comme l'adoption conjointe est interdite à deux concubins. Le pacte civil de solidarité ne lèvera nullement ces interdictions.

Il ne constituera pas davantage un facteur susceptible d'influer sur l'exercice de l'autorité parentale, qui est subordonné au seul intérêt de l'enfant. Il ne permettra pas de substituer le nom du partenaire à celui porté par l'enfant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Autre idée fausse, il aurait suffi de légiférer au coup par coup, comme on a tenté de nous le faire croire.

Combien de fois faudra-t-il encore entendre cette ritournelle : il aurait suffi ? Il aurait suffi que notre droit social fût aménagé ! Il aurait suffi que notre droit du travail fût révisé. Il aurait suffi que notre droit du logement fût modernisé. Il aurait suffi que notre droit successoral fût modifié. Il aurait suffi que notre droit fiscal fût adapté. Il aurait suffi d'exploiter à fond les possibilités du droit français pour résoudre les problèmes des couples qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier ! S'agissant plus particulièrement des couples homosexuels, il aurait suffi de briser la jurisprudence de la Cour de cassation.

On se demande pourquoi, si cela paraissait aller de soi, la majorité sénatoriale et la minorité de l'Assemblée nationale ne l'ont pas fait.

M. Michel Hunault.

Parce que nous sommes la minorité !

M. Bernard Roman.

Parce qu'ils ne veulent pas !

Mme la garde des sceaux.

Comment se fait-il que cela n'ait jamais été proposé ?

Mme Christine Boutin.

Ils l'ont proposé au Sénat !

M. Thierry Mariani.

Cela a été refusé !

Mme la garde des sceaux.

Comment se fait-il que ces propositions surgissent maintenant ?

M. Dominique Dord.

Comment peut-on être d'aussi mauvaise foi ? C'est incroyable !

Mme la garde des sceaux.

Soyons lucides : ce sont les débats sur le pacte civil de solidarité qui ont amené à une prise de conscience. L'opposition, qui n'a jamais proposé de telles mesures éparpillées, les propose aujourd'hui parce qu'elle sent bien qu'elle ne peut pas aller contre les évolutions de la société sans passer pour archaïque.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Tout à fait !

M. Michel Hunault.

Vous caricaturez !

Mme la garde des sceaux.

Soyons lucides encore ! Je le dis sans ambages, à supposer que toutes ces mesures aient été adoptées aujourd'hui, cela n'aurait plus suffi ! Le PACS est bien plus que la conquête de quelques aménagements juridiques et fiscaux. Les couples qui ne peuvent pas ou ne veulent pas se marier ne se contenteraient plus d'une aumône, un droit à congé par ci, une personne à charge ou un allègement fiscal par là. Ce qu'ils veulent, c'est que, par un acte symbolique, soit reconnue leur existence juridique.

M. Thierry Mariani.

La minorité d'entre eux !

Mme la garde des sceaux.

Je pense, contrairement au Sénat, qu'il y a place, entre la situation de fait que constitue le concubinage et l'institution que représente le mariage, pour un cadre juridique intermédiaire de la vie en commun.

M. Bernard Roman.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Votre commission des lois propose de rétablir le PACS tout en lui apportant des aménagements techniques et symboliques importants. Je souscris entièrement à sa démarche.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Je vais vous expliquer maintenant pourquoi il faut réaffirmer la nécessité du PACS.

Le PACS est nécessaire parce qu'il valorise un mode de vie reposant sur la solidarité et constitue un facteur de paix sociale et d'économie des coûts. Il est nécessaire parce qu'il répond à une attente réelle de nos concitoyens, comme le révèlent les enquêtes d'opinion qui lui sont largement favorables.

Le PACS s'adresse à ceux qui, de toute façon, ne se seraient pas marié, soit qu'ils ne veuillent pas, soit qu'ils ne le puissent pas. Ceux qui veulent se marier se marieront. Quant aux autres qui ne veulent ou ne peuvent se marier, le législateur leur offre une possibilité supplémentaire. Rien ne les y oblige, mais, s'ils souhaitent mieux organiser leur vie commune et être plus protégés que dans le concubinage, ils peuvent signer un pacte civil de solidarité.

Le pacte civil de solidarité est un contrat conclu entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe pour organiser leur vie commune. Que les choses soient claires : la déclaration au greffe est sans rapport avec la solennité de la célébration du mariage. En revanche, elle constate que, ce jour là, les deux personnes signataires du PACS ont voulu s'engager, dans la durée, aux yeux de la société. C'est une bonne chose.

Parce que le pacte civil de solidarité génère un certain nombre de droits subordonnés notamment à une certaine durée de vie commune comme en matière fiscale, il importe qu'aucune contestation ne puisse être élevée quant à la date de conclusion du pacte, en évitant, par ailleurs, toute démarche superflue aux intéressés. La déclaration au greffe du tribunal d'instance répond pleinement à cette préoccupation.

Destiné à régir les relations du couple lui-même, entre ses membres comme à l'égard des tiers, le pacte civil de solidarité est étranger au droit de la famille auquel il ne porte aucune atteinte.

Parce que le pacte civil de solidarité s'adresse avant tout à les couples qui entendent partager non seulement une communauté de toit mais aussi une communauté de lit, le texte que vous avez voté en première lecture et que votre commission s'apprête à rétablir comporte certaines prohibitions tenant à l'interdiction de l'inceste, mais il est non moins clair qu'aucun contrôle sur les modalités de vie des intéressés ne saurait être opéré sous peine de violation de la vie privée. Il pourra donc y avoir des situations, vraisemblablement limitées, où le pacte civil de solidarité sera conclu entre des personnes que n'unit aucun lien charnel. Le dispositif mis en oeuvre est pragmatique en ce qu'il recouvre les aspects fondamentaux de la cohabitation, et je tiens à cet égard, à être claire : le pacte civil de solidarité implique une résidence commune.

M. Thierry Mariani.

C'est nouveau ! C'est ce que l'on avait demandé en première lecture.

Mme la garde des sceaux.

C'est ainsi que seront concernés les actes de la vie courante, avec, au premier chef, les dépenses ménagères, le logement,...

Mme Christine Boutin.

Il ne faut pas être au chômage !

Mme la garde des sceaux.

... y compris son sort en cas de dissolution du couple, le sort des biens acquis au cours de la vie commune, l'imposition sur le revenu, les modalités d'exercice des congés payés, les affectations géographiques dans la fonction publique ou encore les congés exceptionnels pour événements familiaux.

Il n'y a dans ce panorama nulle idéologie. Bien sûr, des aménagements techniques sont possibles et votre commission en a proposé un grand nombre. Des amendements ont été déposés en ce sens. Le texte voté en pre-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

mière lecture est certainement perfectible et je souscris aux propos tenus par votre rapporteur qui remarquait que la navette parlementaire avait pour principal intérêt d'améliorer les textes pour remédier aux imprécisions qui pourraient subsister.

M. Thierry Mariani.

Cela permet de corriger !

Mme la garde des sceaux.

Mais aucune des dispositions votées par l'Assemblée nationale n'est en son principe critiquable.

Aucune ne constitue une faveur sans contrepartie : si les signataires d'un pacte bénéficient de certains droits économiques et sociaux, ce n'est généralement qu'après une certaine durée de cohabitation attestant de la réalité de la vie commune et en contrepartie d'obligations : le régime des dettes de la vie courante et celui de la solidarité, par exemple.

Aucune des dispositions du PACS ne porte atteinte à la famille ou au mariage.

M. Dominique Dord.

Il ne suffit pas de le dire !

Mme la garde des sceaux.

J'ai entendu certains députés et sénateurs prétendre que le PACS va détourner un certain nombre de couples du mariage.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Au contraire !

M. Bernard Roman.

C'est de la mauvaise foi.

Mme la garde des sceaux.

On fait évidemment dire au PACS ce qu'il ne dit pas pour faire peur.

Faudrait-il croire que l'on se marie uniquement pour obtenir des avantages sociaux et fiscaux reconnus par la loi...

M. Yann Galut.

C'est leur conception ! Mme la garde des sceaux. ... et qu'on ne se mariera plus quand une nouvelle loi aura reconnu certains avantages au couple non marié ?

M. Jacques Floch.

Et l'amour ?

Mme la garde des sceaux.

Et l'amour dans tout ça ? La famille n'a-t-elle pour vous, mesdames et messieurs de l'opposition, aucune valeur morale en soi ?

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas une argumentation !

M. Michel Hunault.

C'est de la provocation ! Ce n'est pas à la hauteur du débat !

Mme la garde des sceaux.

Ne présente-t-elle aucune signification spirituelle ? Et ceux qui s'en font les apologistes doutent-ils qu'elle puisse être attirante lorsqu'elle n'aura plus l'exclusivité de l'imposition commune, de la sécurité sociale, du droit au bail, des droits de mutation en cas de décès ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Yann Galut.

C'est une conception notariale de l'amour !

M. Michel Hunault.

Pourquoi de telles provocations.

Mme la garde des sceaux.

Allons donc ! La famille, comme le mariage sont des idéaux enracinés et fort heureusement plébiscités par notre société.

M. Thierry Mariani.

C'est nouveau dans votre bouche.

M. Dominique Dord.

Vous n'avez pas dit cela en première lecture !

Mme la garde des sceaux.

Et c'est parce que j'ai confiance, et que la majorité a confiance dans la famille et dans le mariage que je ne crains pas de les affaiblir par une initiative qui est neutre vis-à-vis de ces deux institutions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Delnatte.

Rien n'est neutre dans la vie.

Mme la garde des sceaux.

Comme le dit excellemment Dominique Fernandez dans son livre Le Loup et le chien,

« c'est parce que j'ai cette idée bien plus haute d'un couple uni par des affinités de coeur, d'esprit, de sexe, et par le soin des enfants, que je ne vois pas dans le PACS un rival du mariage, encore moins un rival séduisant.

Solution pratique, destinée à ceux qui préfèrent une autre formule, il sera même peut-être, pour les concubins hétérosexuels, un premier pas vers le mariage ».

M. Yann Galut.

Une première étape !

M. Bernard Roman.

Très bien !

M. Thierry Mariani.

Avant, il y avait des fiançailles !

Mme la garde des sceaux.

Alors, quelles améliorations la commission a-t-elle apportées au texte ? Des modifications techniques d'abord. L'intérêt du travail parlementaire, comme je l'ai dit, est qu'il peut profiter de la navette pour améliorer les textes. En général, d'ailleurs, nous en bénéficions tous.

Il est apparu nécessaire, en premier lieu, de bien préciser que le PACS est un contrat, afin que les juges sachent à quel système juridique global se référer en cas de conflit.

M. Thierry Mariani.

C'est ce que l'on avait demandé, et on nous l'a refusé en première lecture.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Eh bien voilà, vous l'avez !

Mme la garde des sceaux.

En deuxième lieu, il est apparu nécessaire de bien distinguer la déclaration de PACS, enregistrée par le greffier, et la convention que les signataires du PACS passent entre eux, que le greffier vise et remet à chaque partenaire. Il sera ainsi plus facile aux signataires d'apporter des modifications ultérieures à la convention.

En troisième lieu, il vous est apparu nécessaire d'inclure dans la solidarité les dépenses liées au logement, compte tenu de l'obligation de résidence commune.

En quatrième lieu, il vous a semblé que l'application du régime de l'attribution préférentielle de l'article 832 du code civil était trop large, et que la spécificité du régime des exploitations agricoles conduisait à ne pas le rendre applicable en cas de dissolution du PACS.

En cinquième lieu, il convenait de préciser que les conséquences de la rupture du PACS portent exclusivem ent sur la liquidation des droits et obligations pécuniaires des signataires, avec la possibilité donnée au juge, s'il est amené à intervenir, d'allouer des dommages et intérêts. Cette disposition me paraît bonne dans un souci de protection.

Enfin, vous avez souhaité qu'il soit interdit à un majeur placé sous tutelle de conclure un PACS.

Ces aménagements techniques sont importants pour la bonne mise en oeuvre du contrat et le Gouvernement y souscrit, je tiens à le dire, sans réserve.

Vous souhaitez également, comme les sénateurs socialistes de la gauche plurielle...

M. Patrick Delnatte.

Elle n'est plus plurielle, mais composite !

Mme la garde des sceaux.

... lever dans ce texte les discriminations qui frappent les concubins homosexuels.

Comme l'a remarqué Jean-Pierre Michel, votre rapporteur, la première lecture au Sénat de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité a eu au moins le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

mérite de poser la question de la reconnaissance de l'existence des couples homosexuels et de la nécessité de leur accorder des droits.

Mme Christine Boutin.

Enfin, vous le reconnaissez !

Mme la garde des sceaux.

Car, pour supprimer le PACS, le Sénat s'est vu contraint de traiter du concubinage tant il sentait qu'il ne pouvait revenir au simple statu quo. Pour supprimer toute discrimination dans une situation de fait, jusqu'ici définie par la jurisprudence comme la cohabitation stable et durable entre deux personnes ayant l'apparence du mariage, et donc entre un homme et une femme, le Sénat a seulement prévu de définir le concubinage comme : « le fait pour deux personnes de vivre en couple sans être unies par les liens du mariage ».

Cette rédaction brillait par ce qu'elle se gardait bien de préciser.

Elle n'apportait pas grand-chose par rapport aux définitions jurisprudentielles et législatives, notamment celle de l'article 304-4 actuel du code civil qui indique que le concubinage implique, « à défaut de communauté de vie, des relations stables ou continues,... ». Par rapport à cela,

pas de grands changements.

Mais, surtout, avec sa définition, le Sénat refusait de préciser que le concubinage était possible, quel que soit le sexe des partenaires.

Un amendement dans ce sens avait été présenté par les sénateurs socialistes et soutenu par une partie de la majorité du Sénat, mais il a été rejeté.

M. Eric Doligé.

Il était mauvais !

Mme la garde des sceaux.

Dès lors, la suppression de la discrimination en considération du sexe des partenaires n'était plus proposée par le Sénat.

Vous savez très bien que ce Gouvernement et, au-delà, l'ensemble des parlementaires de la majorité ont toujours été opposés à toute discrimination en considération du sexe, dès lors que le mariage et la filiation ne sont pas en cause.

Quant au but poursuivi, le Gouvernement est non seulement d'accord, mais les partis de la majorité plurielle ont toujours été précurseurs. C'est d'ailleurs le débat sur le PACS qui a amené à une prise de conscience généralisée du caractère intolérable de ces discriminations.

Quant à la forme, je voudrais rappeler que la jurisprudence s'appuie, pour définir le concubinage, sur des critères objectifs, tel que la cohabitation, la continuité des relations et leur notoriété, trois éléments qui sont absents de la définition proposée par le Sénat.

C'est la raison pour laquelle je souscris à la définition que vous proposez d'introduire dans le code civil à l'article 515-8 en disant que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe qui vivent en couple ».

Avec cette définition, il ne s'agit nullement de faire du concubinage un statut puisqu'il s'agit d'un état de fait qui peut se prouver par tout moyen. La jurisprudence et le droit social ont d'ailleurs déjà reconnu les droits afférents à ce type d'union.

Bien évidemment, la disposition sur la non-discrimination entre concubins ne se substitue pas au PACS, elle s'y ajoute. Seul le PACS, qui a la force d'un engagement contractuel qui crée des droits et des obligations, est en mesure de conférer des droits plus étendus que ceux du concubinage, notamment les droits fiscaux et les droits de mutation en cas de décès.

M. Eric Doligé.

C'est le catalogue de La Redoute !

Mme la garde des sceaux.

La reconnaissance du concubinage homosexuel me paraît, par conséquent, non seulement une bonne chose, mais le point d'aboutissement d'un long processus qui efface les discriminations.

C'est, en effet, le 29 avril 1981 - je le rappelle - que le candidat François Mitterrand déclarait que l'homosexualité devait cesser d'être un délit. A cette époque, elle figurait encore dans le code pénal, et c'est Robert Badinter qui la fit disparaître.

M. Jacques Floch.

Exactement !

Mme la garde des sceaux.

Je tiens à lui en rendre hommage comme à Jean-Pierre Michel qui fit voter, en 1985, un amendement qui étendait aux moeurs les lois antiracistes.

Au terme de l'examen du texte auquel vous allez procéder aujourd'hui, il me semble ainsi que vous aboutirez à un ensemble cohérent de dispositions juridiques qui faciliteront la vie de centaines de milliers, peut-être de millions de nos concitoyens.

L'union libre est un état de fait entre personnes qui vivent en couple, mais qui ne contractent aucun engagement. Au regard du droit social qui a toujours pris en considération les situations de fait, il ne peut y avoir aucune discrimination entre les couples selon leur orientation sexuelle.

Le pacte civil de solidarité, en revanche, est un contrat par lequel un couple qui ne veut ni ne peut se marier, s'engage dans la durée. Parce que la société souhaite encourager ces modes de vie à deux, ces personnes entrent dans le domaine du droit fiscal et successoral.

Elles entrent également dans la sphère symbolique parce qu'une France moderne ne peut pas rester à l'écart des évolutions et parce que nous avons tout intérêt à encourager ceux qui s'efforcent de lutter contre la solitude et la dissolution des liens sociaux.

Enfin, le mariage, parce qu'il est le mode de vie qui assure la plus grande stabilité aux liens entre un homme et une femme, parce qu'il ouvre à la procréation et au pari sur l'avenir, est la forme d'union que la société prend le plus en considération en lui reconnaissant les droits les plus étendus.

La discussion parlementaire engagée depuis le 9 octobre dernier aura eu au moins le mérite de clarifier les enjeux.

Dans un premier temps, le PACS s'est fait une place à côté du mariage en dissipant les ambiguïtés que la mauvaise foi voulait entretenir.

M. Dominique Dord.

Oh, là là !

M. Jean Michel.

C'est vrai.

Mme la garde des sceaux.

Dans un second temps, il s'est fait une place à côté de l'union libre à laquelle un certain nombre de nos concitoyens ne sont pas prêts à renoncer.

Je crois qu'il s'agit là d'une bonne chose, que les Françaises et les Français sont plus débarrassés des préjugés et des faux-semblants qu'on ne le pense sur certains bancs, qu'ils approuvent ces dispositions et qu'ils savent qu'elles ne fragilisent en rien notre attachement à la famille et au mariage.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis pour discuter en deuxième lecture d'une proposition de loi dont le titre a pu en surprendre plus d'un :

« Proposition de loi relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité ». Tel est le titre que lui a donné le Sénat. Mais soyez rassurés, nous rétablirons très rapidement le titre originel : « Proposition de loi relative au pacte civil de solidarité ».

M. Eric Doligé.

C'est à voir !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Le Sénat a rejeté le PACS. Mais je considère que sur le point le plus important de notre débat, le point fondamental, nos deux assemblées sont d'accord. Car le plus important, ce n'est ni le lieu où le PACS est conclu ni les droits qui en découleront - car ils évolueront vraisemblablement mais de savoir ce qui, dans notre droit positif, sera constitué comme un couple.

M. Yann Galut.

Exactement !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Sur ce point, après de longs débats, le Sénat a dit très clairement que le couple, c'était non seulement un homme et une femme, mais aussi deux hommes ou deux femmes.

Et tout au long des débats, cela a été dit et redit. Je ne ferai qu'une seule citation, celle de mon collègue rapporteur Patrice Gélard, qui a dit : « Le Sénat tient à donner, dans le code civil, au chapitre des droits de la personne, une définition du concubinage qui permette d'assimiler totalement les couples d'homosexuels aux couples d'hétérosexuels dans ce domaine, et donc d'inverser la jurisprudence de la Cour de cassation. »

Mme Christine Lazerges.

Très bien.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je ne peux donc que remercier et féliciter nos collègues sénateurs.

M. Patrick Devedjian.

Le Sénat est moderne !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Certes, la majorité sénatoriale n'est pas allée jusqu'au bout de cette logique, puisque sa partie la plus frileuse, pour ne pas employer d'autres termes, n'a pas voulu écrire noir sur blanc ce qui avait été dit pendant les débats, et qu'elle s'est contentée d'inscrire dans la loi le concubinage, sans préciser que celui-ci était possible pour les couples homosexuels. Mais, d'après le rapporteur, c'était implicite.

Comme Mme la garde des sceaux a bien voulu le relever, je suis maintenant un vieux parlementaire, très attaché à la navette et aux améliorations qu'elle peut apporter. Je crois donc qu'il faut faire droit à la proposition du Sénat. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à votre commission des lois, qui m'a bien entendu suivi, d'introduire dans la loi, et dans le code civil, un chapitre spéc ial, qui s'appellera « Du concubinage ». De cette manière, on ne pourra plus ergoter, comme on l'a fait en première lecture, pour savoir si la jurisprudence de la Cour de cassation évoluera ou n'évoluera pas. Avec ce chapitre nouveau, il sera clair que le concubinage est possible pour les couples hétérosexuels comme pour les couples homosexuels. Cependant, cette question ne règle pas tous les problèmes, car le concubinage est une situation de pur fait, qui n'ouvre pas beaucoup de droits.

C'est pourquoi j'ai proposé à votre commission des lois, qui m'a suivi, de rétablir les dispositions concernant le PACS, ce qui sera l'objet des principaux amendements que nous examinerons au cours des séances à venir, et de supprimer les dispositions sénatoriales qui introduisaient une certaine confusion en ouvrant des droits pour les couples mariés, non mariés, concubins, non concubins - j'avoue avoir eu du mal à m'y retrouver, mais je ne suis pas professeur de droit, je ne suis qu'un modeste parlementaire - ainsi que d'autres dispositions qui, placées avant l'article 1er , étaient de pures tautologies. Mais nous en reparlerons au moment de l'examen des articles.

Votre commission des lois vous propose de maintenir le dispositif adopté en première lecture sans le remettre en cause, mais d'y apporter des clarifications ou des améliorations techniques, comme l'a relevé il y a quelques instants Mme la garde des sceaux, et qui répondent à un certain nombre d'interrogations juridiques soulevées en première lecture, notamment sur les bancs de l'opposition. J'ai dit en commission des lois à M. Goasguen, que, lorsque l'opposition formule des propositions pertinentes, la navette parlementaire donne le temps de les étudier afin qu'elles puissent éventuellement être transcrites dans le droit positif au cours de la deuxième lecture. C'est ce que nous avons essayé de faire sur un certain nombre de points.

M. Claude Goasguen.

Merci.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pour ne pas contribuer à allonger démesurément les débats - d'autres s'en chargeront peut-être -, je me limiterai à évoquer quelques points qui me paraissent importants dans les amendements que la commission des lois vous propose d'adopter.

Tout d'abord, nous disons expressément, au tout début, que le PACS est bien un contrat régi par les articles 1101 et suivants du code civil, afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté à cet égard. Nous nous sommes exprimés longuement à ce sujet en première lecture. C'est un contrat certes un peu spécial, une convention solennelle, mais c'est un contrat.

M. Thierry Mariani.

Vous étiez contre en première lecture !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Deuxièmement, le Sénat a supprimé la disposition sur les fratries. Le Gouvernement a pris des engagements à cet égard.

M. Daniel Marcovitch.

Très bien !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois ne vous propose pas de reprendre ces dispositions.

Cela rend le texte beaucoup plus clair.

Le Gouvernement a déposé des amendements, auxquels la commission des lois s'est ralliée, qui améliorent, simplifient et rendent plus applicables les dispositions relatives aux biens, c'est-à-dire le système de l'indivision. Nous y reviendrons de façon plus technique lors de la discussion des amendements.

En ce qui concerne les droits de succession, la commission des lois, sur la proposition de son rapporteur, et la commission des affaires sociales, sur la proposition de Patrick Bloche, vous proposent de supprimer le délai de deux ans pour bénéficier des dispositions relatives aux droits de succession ouvertes aux signataires du PACS.

En première lecture, nous avions dit que ce délai de deux ans serait supprimé uniquement lorsque l'un des deux partenaires serait atteint d'une maladie grave au sens de la liste figurant dans le code de la santé publique.

Cette disposition nous est apparue à la limite de la


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constitutionnalité, car nous mettions les personnes en état d'inégalité en face de la mort. En effet, on peut décéder nous le savons malheureusement bien dans cette assemblée - d'une mort subite, d'un arrêt cardiaque, par exemple, ou accidentelle. Pourquoi, dans ces conditions, imposer un délai de deux ans pour bénéficier des dispositions du texte ? Nous proposons donc de supprimer ce délai.

Enfin - je m'étais exprimé sur ce point également et j'avais exprimé mon accord, monsieur Mariani - en cas de rupture, si le juge est appelé à statuer sur ses conséquences patrimoniales, il est dit expressément dans le texte qu'il le fera sans préjudice de la réparation éventuelle des dommages subis. Cela précise bien que le juge p ourra accorder des dommages lorsqu'il considérera qu'une partie aura subi un préjudice du fait de la rupture.

Il est donc très clair que le PACS se démarque en tous points du mariage : il n'y a pas de célébration, ce n'est pas une institution, mais une convention collective ; il peut être conclu par deux personnes de même sexe, contrairement au mariage ; il n'y a pas de devoir de fidélité. Il se distingue du concubinage, car il permet de contractualiser la vie commune par un contrat solennel dont découlent des droits, des devoirs et une solidarité durable.

Contrairement à ce que voulaient faire croire les amalgames qui ont été faits sur ces bancs comme sur ceux du Sénat, le PACS n'a aucune influence sur le droit de la famille et il n'interfère en rien sur les relations parentsenfants. Il concerne exclusivement les relations au sein du couple et il est donc sans influence sur la filiation, les partenaires se voyant appliquer les règles en vigueur pour les personnes non mariées. Ceux-ci ne pourront pas adopter conjointement et ils ne pourront recourir à la procréation médicalement assistée que si le douple se compose d'un homme et d'une femme, ce qui est la loi actuelle. Le PACS n'aura pas non plus d'incidence sur les règles de l'autorité parentale ni sur la transmission du nom. Tout cela résultera d'autres textes qui s'appliqueront en l'espèce.

Le PACS n'est pas encore voté définitivement - il le sera le plus rapidement possible, comme l'espèrent en tout cas vos rapporteurs, mais il est déjà entré dans les moeurs. Je passe sur les nombreuses thèses et les nombreux mémoires universitaires qui sont publiés sur le sujet. Je passe encore sur les ouvrages littéraires qui lui sont consacrés. Je passe aussi sur les émissions, y compris humoristiques, de télévision ou de radio, qui parlent à tout propos du PACS - l'expression « se pacser » fait maintenant partie de la vie courante. Je passe enfin sur les films, dont le récent Belle Maman, où, à la fin, on fait allusion au PACS.

(Sourires.)

Plus sérieusement, je ferai observer que, pour les notaires, le PACS est déjà en vigueur. Dans le dernier numéro de La Semaine juridique notariale et immobilière on peut lire, en effet : « La proposition de loi relative au PACS est en discussion au Parlement, ce nouveau contrat fera bientôt partie de notre droit positif. » Vers qui se

retourneront les impétrants ? Vers les notaires, qui ont déjà tout prévu puisque l'on envoie dans les études un contrat type qui permettra aux parties de présenter au greffier du tribunal d'instance une convention bien préparée.

Le PACS est donc déjà là ! Ne résistons pas trop, mes chers collègues ! Evoquons des arguments juridiques sérieux dont nous pourrons, pour une commission mixte paritaire ou une lecture ultérieure, nous servir efficacement. Ne résistons pas trop, car ce serait dommageable pour le visage que vous donneriez de vous-mêmes ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Eric Doligé.

Cela suffit !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Au terme de cette rapide intervention, je vous demande donc, mes chers collègues, de voter les amendements adoptés par votre commission des lois, ainsi que l'ensemble du texte qui résulte de ces amendements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Eric Doligé.

Quelle suffisance !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Thierry Mariani.

Ça va être pire !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen par le Sénat de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité aura eu un avantage et un seul, celui de nous confirmer très clairement que, dans le domaine qui nous intéresse, il est nécessaire de légiférer.

Ainsi, un coup fatal a été porté à l'un des principaux arguments développés par l'opposition dans cet hémicycle lHors de la première lecture.

Hormis ce constat, qui ne nous permettra pas pour autant d'échapper à trois nouvelles motions de procédure, j'ai le regret de devoir tirer un bilan négatif du travail réalisé par la Haute assemblée, qui n'a pas su, tant s'en faut, réaliser son ambition affichée, à savoir construire une alternative au PACS. Pour ce faire, j'aurai la pudeur de ne pas utiliser les mots choisis par le rapporteur de la commission des lois du Sénat, qui a qualifié le PACS de texte « indéfendable, inamendable, inapplicable, incorrigible, dangereux, s'inscrivant dans une logique inadaptée et perverse ».

M. Eric Doligé.

Et M. Charasse, qu'a-t-il dit ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Si nos collègues de l'opposition - je pense tout particulièrement à M. Mariani - souhaitent relayer ce jugement à l'occasion de cette deuxième lecture, je les invite à retenir prioritairement le fait que le PACS serait inamendable, ce qui aura pour conséquence de donner une durée raisonnable à notre présente discussion. (Sourires.)

De la même façon, je préférerai ne pas m'attarder excessivement sur la présentation toute en nuances, faite par la majorité sénatoriale, du PACS comme « monstruosité juridique » créée par un législateur qui « n'est plus très sûr de ne pas pouvoir changer un homme en femme » et profitant « aux vieux messieurs de SaintGermain-des-Prés », dont « l'un ira bricoler pendant que l'autre fera la vaisselle ».

M. Bernard Roman.

Tout ce qui est exagéré est insignifiant !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Cette présentation ne renouvelle pas complètement le genre de l'esprit gaulois, mais on doit lui reconnaître le mérite de ne pas trop dissimuler l'appréciation que porte une partie des membres de la Haute assemblée sur des couples qui n'aspirent qu'au respect de leurs choix amoureux.

Plus sérieusement, je regrette que le président et le rapporteur de la commission des lois du Sénat aient cru utile de porter un regard extrêmement désobligeant sur le tra-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

vail préparatoire à la première lecture de l'Assemblée nationale, que Jean-Pierre Michel et moi-même avons conduit.

M. Jacques Floch.

Cela devient une habitude !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Cette attitude n'a rien apporté au débat de fond, notre système bicaméral invitant, en général, à une certaine retenue quant aux jugements portés entre rapporteurs sur les travaux respectifs menés dans chacune des deux assemblées.

Ainsi, la modernité, pour une fois, se serait trouvée au Sénat. Je crains, malheureusement, que cette première fois ne soit pas encore la bonne. En effet, si l'on va à l'essentiel, il ressort de l'examen en première lecture par la Haute assemblée une suppression pure et simple du pacte civil de solidarité et une définition du concubinage qui s'est, de façon regrettable, arrêtée en chemin.

Passons sur le fait que les sénateurs n'aient pas trouvé d'autre solution que de définir le concubinage dans un rapport négatif et exclusif au mariage. Nous n'aurions pas osé, et les premières victimes de cette rédaction sont sans doute Mme Boutin et les évêques de France, qui viennent d'ailleurs de nous confirmer qu'il était selon eux

« inquiétant d'inscrire le concubinage dans le code civil ».

A l'arrivée, nous nous trouvons donc dans la situation apparemment paradoxale qui a conduit la majorité sénatoriale, refusant d'adopter l'amendement présenté par les sénateurs du groupe socialiste et soutenu par certains centristes, à conforter la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui exclut du concubinage les couples homosexuels. Avec le texte dont nous nous saisissons aujourd'hui, le concubinage concerne, plus que jamais et de manière exclusive, un homme et une femme. Mais le rapporteur de la commission des lois du Sénat a réponse à tout ! N'a-t-il pas, en effet, tenu en séance les propos suivants : « Si jamais la rédaction que nous allons adopter s'avère trop légère, nous pourrons toujours, nous fondant sur nos débats, intervenir, dans l'intérêt de la loi, auprès de la Cour de cassation pour exiger » - je dis bien - « exiger » que le texte que nous avons rédigé soit appliqué dans l'esprit qui a été le nôtre » ? Sincèrement, est-il nécessaire d'insister sur cette légèreté, avouée avant tant de candeur, alors que nous avons collectivement le souci, que l'on siège sur les bancs de la majorité ou sur ceux de l'opposition, d'exprimer le plus clairement possible la volonté du législateur au moment même où nous écrivons le droit ? Aussi, comme vous pourrez le constater au cours de nos débats, la définition du concubinage que nous ajoutons au dispositif concernant le pacte civil de solidarité exprime, sans aucune ambiguïté, qu'il s'agit d'une union de fait entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.

Il y a aussi de l'ingénuité dans les déclarations du rapporteur du Sénat, lorsqu'il affirme par ailleurs : « Nous avons tout de même souhaité donner une définition du mariage dans le code civil qui bizarrement n'en contient aucune. »

L'examen de l'amendement de suppression que nous vous proposons nous donnera l'occasion, au cours de cette deuxième lecture, de rassurer notre assemblée sur le fait que, fort heureusement, depuis le 30 ventôse de l'an XII, nulle bizarrerie n'a entaché notre code civil en ce domaine, et qu'il n'y a jamais eu le moindre doute sur le fait que seuls une femme et un homme peuvent être unis par les liens du mariage.

Plus surprenant sans doute est le fait que le Sénat n'ait pas été jusqu'au bout de la logique qu'il avait lui-même choisie, comme l'a d'ailleurs souligné Mme Irène Théry lors de son audition.

Ainsi, comment ne pas s'étonner qu'à partir de la définition du concubinage qu'il a souhaité inscrire dans le code civil - et même si nous la contestons - le Sénat n'ait pas attribué aux couples non mariés les droits que nous leur proposons à travers le pacte civil de solidarité ? Pour ne parler que des droits sociaux, le transfert de la qualité d'assuré social ou la continuation du droit au bail ont été ainsi supprimés alors même qu'ils étaient l'expression d'une solidarité active et qu'ils sont à la base du combat mené depuis huit ans par les initiateurs du PACS - je pense tout particulièrement à Jan-Paul Pouliquen et à Gérard Bach-Ignasse.

Je souhaiterais maintenant, mes chers collègues, aborder les divers motifs qui nous conduisent, en accord total avec le Gouvernement, à vous proposer de rétablir le texte que nous avons adopté le 9 décembre dernier, avec quelques ajustements techniques opportunément suggérés par le professeur Jean Hauser, ou politiques - je pense ainsi au non-rétablissement de ce qu'on appelle « les fratries », puisqu'un groupe de travail présidé par l'un de nos collègues sera prochainement chargé de mener une réflexion parallèle sur la question.

M. Thierry Mariani.

Recul salutaire !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

A cette fin, je partirai du postulat de base de la majorité sénatoriale, qu'a rappelé Mme la garde des sceaux et selon lequel il n'y aurait pas de place, dans notre droit, entre le concubinage et le mariage. Même si je prends la mesure du caractère plus évolutif de cette assertion au regard de ce que nous avons entendu dans cet hémicycle à l'automne dernier, à savoir qu'entre l'individu et la famille il n'y aurait rien, je suis frappé par ce blocage à l'égard d'une innovation juridique qui, pourtant, selon nous, est seule à même de répondre aux discriminations existantes.

Revenons donc à l'essentiel, c'est-à-dire au pacte civil de solidarité, à un PACS dans le texte, tant les commentaires dont il a fait l'objet ont eu une tendance générale à se développer, non pas à partir de ce que nous avons adopté en première lecture mais plutôt sur des problématiques périphériques que nous n'avons pas voulu traduire dans la loi.

On peut d'ailleurs regretter que le débat intellectuel autour du PACS ait été si pauvre, à moins d'admettre, comme me le confiait récemment un sociologue, que ceux qui contrôlent le jeu n'aient en fait pas voulu que ce débat ait lieu.

Qu'avons-nous donc voté le 9 décembre dernier et que nous vous proposons de rétablir ? Une proposition de loi qui ne lèse personne, qui ne revient sur aucun droit existant et qui tend vers une plus grande égalité des droits.

Il est à cet égard encore et toujours nécessaire de rappeler le caractère d'abord républicain de notre démarche, qui vise à créer un cadre global et unifiant pour les couples de sexe différent ou de même sexe. C'est le principe d'universalité des droits qui nous a conduits à rejeter toute dérive communautariste de type anglo-saxon et à ne pas faire le choix d'un statut spécifique pour les couples homosexuels.

De même, notre tradition de neutralité de l'Etat et de nette séparation entre la sphère privée et la sphère publique ne nous autorise toujours pas à sexualiser le PACS dans son écriture juridique, même si la lecture


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politique que nous en donnons reste centrée, par souci de clarté, sur l'émergence d'un statut pour les couples non mariés.

Le PACS fait pour la première fois du couple un sujet de droit. Il propose ainsi à deux personnes physiques majeures qui le souhaitent d'organiser leur vie commune sur une base contractuelle.

Le PACS est donc un contrat - l'un des amendements que nous vous soumettons le précise - qui prend naturellement place entre l'union instituée qu'est le mariage et l'union libre qui reste le choix de celles et ceux qui refusent tout formalisme.

Le PACS, c'est aussi un lien social moderne. Cette dimension ne semble pas toujours perçue par ceux qui, de discussions de salon en dîners en ville, ont trouvé d'autres méthodes pour régler les difficultés qu'ils pourraient rencontrer pour transmettre leur patrimoine ou assurer à leurs proches des conditions de vie satisfaisantes.

Pouvait-on faire autrement, c'est-à-dire donner certains des droits dont disposent les couples mariés à ceux qui ne peuvent ou qui ne veulent pas se marier, à partir de l'union de fait qu'est le concubinage ? Le Gouvernement a estimé, avec nous, que cette solution, a priori simple et pratique, était en fait incertaine et précaire.

Ainsi, l'ouverture des droits fiscaux, que nous vous proposons désormais sans délai pour les successions, pour ne pas être contestée par l'administration ni faire l'objet de détournements ou de fraudes ne peut s'établir que sur la seule base d'une déclaration de concubinage. J'insiste sur ce point.

De la même façon, le plus faible est particulièrement vulnérable dans l'union libre puisque, par nature, celle-ci ne comporte pas de devoirs réciproques et que la rupture ne peut être formalisée.

A contrario, le PACS ouvre des droits en contrepartie de devoirs de nature légale et « à défaut d'accord, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi », pour reprendre la nouvelle rédaction de l'article 515-7 du code civil, que nos deux commissions ont approuvée.

Madame la ministre, mes chers collègues, c'est sans doute parce que le PACS est une proposition plus que jamais raisonnable que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné un avis favorable à l'adoption de l'ensemble de la proposition de loi sous réserve, naturellement, des amendements qu'elle a adoptés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous aurions pu aborder ce débat avec un très mauvais moral, puisque la majorité du Sénat a clairement et radicalement éliminé le PACS pour lui substituer un texte hétéroclite, aux objectifs peu clairs et qui traite, dans le désordre, des questions qui sont tout à fait à la marge de notre projet : prétention à définir le mariage, qui n'en demandait pas tant et ne se porte pas si mal depuis qu'il existe ; surprenante légitimation du concubinage par une chambre qui, hier encore, ne voulait connaître que le mariage - mais sans doute a-t-elle pensé : tout plutôt que le PACS ! ; et enfin, distribution hasardeuse d'avantages fiscaux tous azimuts à des gens que ne lierait aucun engagement.

M. Thierry Mariani.

Mesure d'équité !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Pourtant, je pense comme vous, madame la ministre, que nous pouvons aborder cette deuxième lecture avec confiance car, malgré tout, l'évolution du débat a, en quelques mois, confirmé ce que nous avons toujours défendu.

Il s'agit, premièrement, de la légitimité des questions que nous posons depuis des années.

Il s'agit, deuxièmement, de la nécessité réelle de légifé rer pour apporter enfin à ces questions des réponses juridiques claires.

Il s'agit, troisièmement, du droit de cité enfin reconnu aux homosexuels dans notre République.

Il s'agit, en un mot, de la justesse de notre projet de pacte civil de solidarité et de la très large adhésion de l'opinion à ce nouveau contrat.

Le PACS apportera, quand le Parlement aura mené à bien ce travail, une solution responsable, moderne et digne pour tous les couples qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas se marier. Ce sera la fierté de notre majorité d'avoir porté ce projet. Il n'est pas interdit d'espérer qu'ici ou là d'autres parlementaires la rejoignent. Car il n'est jamais trop tard pour bien faire, mes chers collègues ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Nicole Catala.

M. Yann Galut.

Exception d'irrecevabilité sur le texte du Sénat ?

Mme Nicole Catala.

Tout à fait ! Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs, notre assemblée a déjà consacré de longues heures au pacte civil de solidarité, de longues heures dont je ne suis pas certaine que l'opinion publique ait retiré l'impression que nous menions ici avec méthode et avec sérénité le débat approfondi qu'appelle l'évolution de notre société.

A l'inverse, nos collègues du Sénat ont conduit une réflexion dépassionnée et constructive, à laquelle je tiens à rendre hommage.

Notre collègue Jean-François Mattei, défendant ici même une exception d'irrecevabilité le 9 octobre dernier, soulignait que, lorsqu'il s'agit de déplacer des repères, d'ouvrir de nouveaux espaces de liberté comme de rappeler la force des interdits, la confrontation démocratique des points de vue est particulièrement nécessaire.

Le Sénat a, quant à lui, mené cette confrontation. Ici, non seulement vous n'avez pas voulu de cette confrontation, mais vous avez tout fait pour l'esquiver.

Vous avez commencé par éluder le contrôle du Conseil d'Etat en prenant le détour de propositions de loi, c'està-dire de textes d'origine parlementaire non soumis au contrôle préalable de ce conseil, de manière à éviter les critiques bien prévisibles de celui-ci.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Vous avez poursuivi le processus en présentant un ensemble de propositions de loi, qui était confus car ces propositions concurrentes portaient sur des sujets similaires : le contrat d'union civile, le contrat d'union sociale, les droits des couples non mariés. Finalement, le débat, déjà confus, a failli être escamoté puisque inscrite à l'ordre du jour de la commission des lois le 23 septembre, la proposition de loi « principale », si je puis dire, à savoir celle de M. Jean-Pierre Michel, a été examinée en séance publique le 9 octobre, soit seulement quinze jours plus tard.

Quinze jours plus tard ! On pouvait difficilement imaginer plus grande et plus fâcheuse précipitation, s'agissant d'un sujet présenté pourtant comme essentiel pour l'avenir de notre société. Or cette précipitation qui visait à nous empêcher de débattre d'un texte, à juste titre controversé, s'est retournée contre vous et vous a conduits à l'échec.

En effet, ce 9 octobre, du fait même des réserves d'un grand nombre de députés socialistes qui étaient délibérément absents ce jour-là. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Floch.

C'est une interprétation abusive !

Mme Nicole Catala.

... l'Assemblée repoussa cette proposition de loi en adoptant l'exception d'irrecevabilité que présentait notre collègue Jean-François Mattei en application de l'article 91, alinéa 4, de notre règlement.

M. Daniel Marcovitch.

C'est votre seul titre de gloire !

Mme Nicole Catala.

Et ce malgré des artifices de procédures inadmissibles : suspensions de séance pendant les explications de vote, convocation opportune de la conférence des présidents qui nous obligea, contre toute attente, à siéger l'après-midi alors que nous aurions pu voter dès le matin.

Vous n'avez pas, pour autant, compris les motifs de l'absentéisme de votre majorité.

M. Yann Galut.

C'est hors sujet !

Mme Nicole Catala.

Et vous n'avez pas davantage admis la légitimité de notre opposition à ce projet. (Protestations sur les bancs groupe socialiste.) En effet, le Gouvernement a refusé le verdict de la représentation nationale et a choisi de passer en force en réinscrivant rapidement, très rapidement même, à notre ordre du jour la proposition qui venait d'être repoussée.

Le fait d'inscrire à un autre ordre du jour un texte qui venait d'être rejeté par notre Assemblée dans des conditions parfaitement régulières constitue un grief d'inconstitutionnalité, un grief technique, certes, mais qui s'ajoute à d'autres motifs de fond que je développerai en second lieu.

Le premier motif qui commande d'adopter aujourd'hui l'exception d'irrecevabilité que nous vous présentons tient à la méconnaissance des règles impératives qui gouvernent la procédure parlementaire. La règle méconnue, en l'espèce, est l'article 84, alinéa 3, de notre règlement, selon lequel : « Les propositions repoussées par l'Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d'un an. »

Le texte repoussé le 9 octobre 1998 ne pouvait donc pas être réinscrit à l'ordre du jour avant le 9 octobre 1999. Or, dès les 13 et 14 octobre, cinq propositions de loi relatives au pacte civil de solidarité étaient à nouveau déposées, dont deux signées respectivement par M. JeanPierre Michel - on peut rendre hommage à la continuité de son combat- et l'autre par M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste. Ainsi donc, cinq jours après notre vote négatif, la commission des lois adopta une nouvelle proposition quasiment identique à celle qu'avait rejetée trois jours avant notre Assemblée. Exception faite de quelques retouches de minime importance, aucun changement de fond, aucun changement significatif ne distingue la proposition de loi du 14 octobre de celle qui avait été rejetée le 9.

Il y a donc bien eu ce jour-là violation délibérée de l'article 84, alinéa 3, du règlement de l'Assemblée.

On va m'objecter que notre règlement n'a pas en luimême valeur constitutionnelle. Sans doute, mais il revêt la même autorité qu'une règle constitutionnelle lorsqu'il transcrit et tend à mettre en oeuvre une règle ayant cette valeur constitutionnelle. Le contrôle exercé à ce titre par le Conseil constitutionnel sur la procédure législative a pris au fil du temps une consistance qui permet d'évoquer une véritable théorie des vices de procédure.

Cette « théorie des vices de procédure » concerne en fait le contrôle de plusieurs types d'atteintes à la procédure parlementaire. Parfois, c'est le respect de l'article 40 de la Constitution qui est en cause - d'assez nombreuses décisions portent sur ce sujet. Parfois, c'est l'exercice du droit d'amendement et ses limites qui sont examinés par le Conseil, comme dans le cadre de la décision bien connue du 23 janvier 1987. Parfois, enfin, c'est l'inobservation d'une disposition particulière du règlement qui est alléguée par les auteurs de la saisine. Le Conseil accepte alors, ce fut le cas dans maintes décisions, d'apprécier la régularité de la loi qui lui est déférée au regard des prescriptions du règlement si celle-ci constitue la mise en oeuvre de règles constitutionnelles. C'est exactement dans cette hypothèse que nous nous trouvons.

La disposition interdisant à l'Assemblée de se saisir, durant un délai d'un an, d'un texte qu'elle vient de repousser n'est pas autre chose qu'une illustration des exigences constitutionnelles du bon fonctionnement des pouvoirs publics. Ce bon fonctionnement implique que le Parlement ne soit pas encombré de propositions ou projets législatifs qu'on lui présenterait de façon répétiti ve alors qu'il les a déjà repoussés. Le pouvoir législatif ne fonctionnerait pas correctement si le Parlement était ainsi encombré.

La disposition de notre règlement qui tend à éviter ce dysfonctionnement est donc la traduction d'une exigence constitutionnelle dont il appartient au Conseil de sanctionner l'inobservation. C'est ce qu'il ne manquera pas de faire en l'espèce. En effet, madame la ministre, le nonrespect d'un vote régulièrement émis par la représentation nationale, du fait de l'utilisation du droit que vous confère la Constitution de fixer notre ordre du jour, a constitué un véritable détournement de procédure, pour ne pas dire un détournement de pouvoir.

Enfin, dernière remarque concernant la procédure, vous avez refusé, sans doute délibérément, de consulter, préalablement à notre discussion les assemblées de nos territoires d'outre-mer, alors que les principes de spécificité et de particularisme attachés à leur statut - d'ailleurs très largement interprétés par le Conseil constitutionnel du PACS au greffe du tribunal d'instance va, en effet, avoir des conséquences sur l'organisation judiciaire dans les territoires d'outre-mer.

Le Conseil affirme, selon une jurisprudence constante, que les assemblées des territoires d'outre-mer doivent être saisies au préalable des projets de loi entraînant des conséquences pour leur statut et que l'avis rendu par ces institutions « doit être remis par écrit au législateur avant l'adoption de la première lecture ». Tel n'a, manifestement, pas été le cas en l'espèce.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Il y a donc là un deuxième grief d'inconstitutionnalité, que nous soumettrons au Conseil.

Mais ce sont aussi, et peut-être avant tout, des raisons de fond qui conduisent à juger non constitutionnelle la proposition de loi dont nous allons débattre. Je ne parle point, bien sûr, du texte qui nous est revenu du Sénat et qui, qu'on l'approuve ou non, sur le fond, n'appelle pas, à mes yeux, d'observation sur le terrain constitutionnel, mais de la proposition de loi qui a été approuvée par la commission des lois et qui nous ramène, à peu de choses près, au texte d'origine.

Le plus puissant de ces griefs d'inconstitutionnalité est la contradiction flagrante existant entre l'alinéa 10 du préambule de la Constitution de 1946, qui a valeur constitutionnelle, et les dispositifs que vous entendez instaurer.

L'alinéa 10 stipule que « la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Il érige ainsi en devoir constitutionnel la protection juridique, morale et matérielle de la famille.

Pourquoi une telle protection, parallèle mais distincte de celle que la nation, d'après le même texte, doit procurer aux individus ? Parce que la famille dépasse les destins individuels. La famille n'exprime pas seulement le choix de deux personnes de vivre ensemble, situation que l'on désigne maintenant, non sans ambiguïté, par le terme de couple. Elle répond à des exigences majeures de toutes les sociétés humaines.

Elle fournit le cadre nécessaire à la perpétuation de l'espèce. Au-delà de la réalité biologique, car on peut être père ou mère sans avoir eu vraiment la volonté de fonder une famille, la famille véritable, fondée sur la durée, intéresse la société, parce qu'elle assure l'éducation de l'enfant. C'est en son sein que l'enfant grandit, s'épanouit, apprend à distinguer le bien du mal, forme son esprit, se prépare à sa vie d'homme et de citoyen.

Nulle école, quelle qu'en soit la qualité, ne peut jouer ce rôle à sa place. Tout simplement parce que la famille mêle l'amour et la contrainte. C'est parce qu'il est aimé que l'enfant, l'adolescent freine ses pulsions et devient un être social.

Cette maturation ne s'opère pas dans l'instant. uvre de devoir et d'amour, elle ne se conçoit que dans la durée et, parfois aussi, dans la douleur, car il y a des conflits entre générations et des adolescences douloureuses.

Cette maturation ne s'accomplit que dans la stabilité.

La qualité et la stabilité de la cellule familiale ont un impact déterminant sur le comportement des adolescents.

Je ne m'éloigne pas de notre sujet, car dans la mesure où les dispositifs que vous proposez vont introduire, multiplier dans notre société des unions précaires, ils vont exactement à l'encontre de cet impératif de stabilité de la cellule familiale que nous défendons.

Une étude du comité français d'éducation pour la santé, rendue publique en novembre 1998, témoigne justement de l'importancce de la famille. Menée auprès de 4 000 adolescents de douze à dix-neuf ans, elle relève que les problèmes rencontrés par les jeunes sont plus nombreux et plus graves lorsque ceux-ci grandissent dans une famille monoparentale, et surtout dans une famille recomposée, que dans une famille classique ou initiale. Il ne suffit pas de dire, en effet, que le PACS n'intéresse pas la famille pour convaincre qu'il n'y aura pas de répercussions sur elle. Les pourcentages suivants me semblent essentiels. Dans les familles classiques, c'est-à-dire avec des parents non divorcés, des parents « d'origine », 3,3 % des jeunes interrogés ont fait une tentative de suicide et 1,9 % ont subi des violences sexuelles. Mais dans les familles recomposées, c'est-à-dire lorsque les parents se sont remariés ou vivent en couple mais pas avec le père ou la mère de l'enfant, ce sont 8 % de ces adolescents qui ont tenté de se suicider et 5,5 % d'entre eux qui ont subi des violences sexuelles.

M. Bernard Outin.

Faut-il interdire le divorce ?

M. Alain Néri.

Hors sujet !

Mme Nicole Catala.

Si on s'attache à la violence et non pas seulement à la violence sexuelle,...

M. Daniel Marcovitch.

Hors sujet !

Mme Nicole Catala.

... on constate que dans les familles initiales, 5 % des jeunes ont subi des violences ou, à l'inverse, se sont montrés violents. Mais ces pourcentages atteignent respectivement 11,9 % et 13,2 % dans les familles recomposées.

Ces indications ne sont pas éloignées de notre débat.

Elles montrent que la cellule familiale est devenue, dans notre société, fragile, instable et qu'il est, de ce fait, du devoir de la puissance publique, du devoir de tous les responsables politiques, non point de la fragiliser plus encore, non point de la remettre en question, mais de la consolider et d'aider les couples à assurer l'éducation des enfants dans la durée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ainsi la stabilité du couple fondateur de la famille apparaît-elle comme un facteur décisif de l'équilibre des enfants, de leur socialisation, de leur épanouissement dans l'âge adulte. A ce seul titre, la puissance publique ne peut pas se désintéresser de la famille. A elle seule, cette considération justifie que la nation assure à la famille les conditions de son développement, comme le prévoit le préambule de 1946.

M. Henri Plagnol.

Bravo !

Mme Nicole Catala.

Mais une autre considération s'ajoute à celle-ci : la fonction de solidarité de la famille.

A une époque où se produisent de grands changements économiques, sociaux, culturels, où l'individu se sent souvent livré à des mutations qui le dépassent et qui rendent parfois tragique son destin, la famille demeure le premier cercle de la solidarité. C'est le premier cercle où l'on vient en aide à celui qui est malade, à celui qui a perdu son emploi, à celui qui se retrouve veuf ou qui divorce ou qui doit élever seul ses enfants, ou encore aux petits-enfants qui « galèrent » pour finir leurs études ou accéder à un premier emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Dominique Gillot.

En quoi va-t-on porter atteinte à cela ?

Mme Nicole Catala.

Cette fonction d'entraide, qui dépasse de loin l'obligation alimentaire prévu par le code civil, est irremplaçable dans notre société.

M. Michel Hunault.

Très bien !

Mme Nicole Catala.

Or, sauf de rarissimes exceptions, elle ne joue que dans les familles au sens classique du terme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), c'est-à-dire dans le groupe de personnes qui se sont unies soit par le mariage, soit par la filiation ou encore par la parenté ou l'alliance qui découlent des mariages ou de la filiation.

M. Alain Néri.

C'est la troisième fois que vous nous le dites !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Michel Vaxès.

Aimez-vous les uns les autres !

Mme Nicole Catala.

Car ce sont seulement le mariage et la filiation qui font entrer chacun dans la famille de l'autre. Sans cela, il n'y a pas de solidarité familiale entre les deux branches des familles, entre les deux familles des personnes qui vivent ensemble. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche.

rapporteur pour avis.

Excessif !

Mme Nicole Catala.

C'est ainsi !

M. Alain Néri.

C'est n'importe quoi !

Mme Nicole Catala.

Ce n'est pas n'importe quoi ! C'est malheureusement une réalité constatée tous les jours.

M. Bernard Outin.

La réalité vue dans un rétroviseur ! (Sourires.)

Mme Nicole Catala.

A ce titre aussi, l'obligation de préserver et d'aider la famille figure parmi les principes c onstitutionnels particulièrement nécessaires à notre temps.

M. Daniel Marcovitch.

Dites-le au maire de Paris, qui a supprimé des subventions à l'UDAF !

Mme Nicole Catala.

Sans doute le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas encore formulé explicitement ce principe. Toutefois, dans sa décision du 13 août 1993, après avoir fait de la liberté matrimoniale un principe de valeur constitutionnelle en tant que composante de la liberté individuelle, il a, en reconnaissant aux étrangers comme aux nationaux le « droit de mener une vie familiale normale », exprimé sa conception - une certaine conception - de la famille. Il a, dans cette décision, relevé que le droit au regroupement familial concernait le conjoint - et non pas le compagnon ou le concubin - et les enfants mineurs. Il a, en l'espèce, approuvé, le législateur d'avoir exclu tout regroupement polygamique. Pour lui, et il le proclame à cette occasion, « les conditions d'une vie familiale normale sont celles qui prévalent en France, pays d'accueil », pays dans lequel les unions sont monogames et étaient, jusqu'à maintenant, hétérosexuelles.

Ainsi, la conception de la famille qu'a consacrée le Conseil constitutionnel a propos du droit des étrangers est-elle une conception institutionnelle : elle repose sur le mariage, et une conception étroite : elle se limite aux époux et à leurs descendants. Mais c'est au sein de cette famille-là, de la famille institutionnalisée, qu'en se référant à l'alinéa 10 du préambule de 1946, il a entendu faire respecter le droit à une vie familiale normale.

Dans sa reconnaissance de la famille et de ses droits, le Conseil constitutionnel n'est certes pas allé aussi loin, dans cette décision, que le pacte international relatif aux droits civils et politiques, signé à New York et entré en vigueur en France en 1981. Ce pacte, en effet, déclare, en son article 23, que « la famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'Etat ».

M. Alain Clary.

Bien sûr !

M. Jacques Floch.

Très bien !

Mme Nicole Catala.

Et il ajoute, au même article, que

« tout enfant, sans discrimination..., a droit, de la part de sa famille, de la société et de l'Etat, aux mesures de protection qu'exige sa condition de mineur ».

M. Jacques Floch.

Encore très bien ! Mais qu'en déduisez-vous ?

Mme Nicole Catala.

De telles dispositions, dont on voit bien comment elles seraient inobservées si le PACS conduisait à l'adoption d'enfants par des couples homosexuels, de telles dispositions, comme celles de la convention de l'ONU sur les droits de l'enfant, ont force juridique dans notre pays : sur le terrain conventionnel, si ce n'est pas ou pas encore sur le terrain constitutionnel.

Mais, sur ce terrain-là, le Conseil constitutionnel a amorcé la prise en compte d'une préoccupation du même ordre dans sa décision du 29 décembre 1998, où il a énoncé que « l'exigence constitutionnelle résultant des dispositions... des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 implique la mise en oeuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur de la famille ». C'est donc bien que la famille a, en tant que telle, droit à la protection de la collectivité.

M. Daniel Marcovitch.

L'individu aussi ! Vous n'avez rien inventé.

Mme Nicole Catala.

L'individu aussi, mais c'est un autre problème.

A quoi bon, me dira-t-on, s'appliquer à démontrer que la protection de la famille est un objectif de valeur constitutionnelle puisque le PACS, on n'a cessé de nous le répéter, ne prétend pas singer la famille, qu'il se veut simple contrat et non institution, que la procréation n'est pas sa finalité et qu'au demeurant, il ignore l'éventuelle survenance, peut-être accidentelle, d'enfants ? Pour une raison simple, c'est que le PACS constitue, par sa nature même, par les traits qui le caractérisent, par la précarité qui le singularise, une menace grave, peut-être même mortelle pour la famille et qu'il est donc en contradiction avec l'exigence constitutionnelle de développement et de protection de la famille.

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. Jacques Floch.

Oh oui ! C'est très fort !

M. Alain Clary.

C'est le nouveau spectre qui hante nos sociétés !

Mme Nicole Catala.

Le PACS est en contradiction avec cette exigence parce qu'il privilégie socialement et fiscalement le choix d'une vie commune sans engagement durable, le souhait d'un couple de vivre à deux dans l'instant, sans contraintes, chacun pouvant reprendre à son gré sa liberté. Semblable précarité, je l'ai dit, ne peut offrir un cadre favorable à l'accueil d'un enfant qui a besoin de durée pour grandir et pour mûrir.

Mme Nicole Bricq.

Le fruit est devenu blet !

Mme Nicole Catala.

Certes, vous nous l'avez suffisamment dit, l'enfant n'est pas une composante du pacte civil de solidarité. Mais alors, s'il n'entre pas en ligne de compte, faut-il vraiment que notre système fiscal et social accorde tant d'avantages aux partenaires qui se réunissent dans ce pacte ?

M. Jacques Floch.

Eh oui !

Mme Nicole Catala.

N'y a-t-il pas rupture d'égalité, à certains égards, entre le couple marié, ceux qui seront demain pacsés et ceux qui ont opté ou opteront pour le concubinage,...

M. Thierry Mariani.

Absolument !

Mme Nicole Catala.

... puisqu'il nous est proposé de donner une consécration législative à la définition du concubinage ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Ce sont vos amis qui le proposent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Mme Nicole Catala.

A quoi, d'ailleurs, rime cette multiplication de formules venant en concurrence avec le mariage, formules qui, inévitablement, affaibliront l'institution matrimoniale ? Chacun de nos concitoyens - c'est une question qui n'est pas mince et je vais là à l'encontre des propos du garde des sceaux - ne va-t-il pas choisir l'organisation de sa vie personnelle en fonction de considérations fiscales ou des commodités particulières que vous allez leur proposer (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Vous ne pensez qu'à ça !

M. Jacques Floch.

C'est la conception notariale du couple !

Mme Raymonde Le Texier.

Lamentable ! Et le mariage d'argent ?

M. Charles Cova.

Si vous protestez tant, c'est que cet argument vous dérange !

Mme Nicole Catala.

... au détriment de l'intérêt général qui est dans la constitution et la protection de familles stables. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Je ne suis pas la seule à penser ainsi. Lors de son audition, Mme Irène Théry, dont vous ne contesterez sûrement pas la compétence et que vous avez longuement consultée a exprimé la même idée.

M. Jacques Floch.

Ce n'est pas elle qui fait la loi !

M. Daniel Marcovitch.

Ni qui apprécie la constitutionnalité d'un texte !

Mme Nicole Catala.

Ecoutez-la, mes chers collègues, vous l'avez souvent appelée en renfort de vos thèses et de vos idées.

Irène Théry a donc déclaré : « L'évolution actuelle en matière de vie privée n'est pas sans danger car, au nom de la liberté, et de la variété des situations, les choix ont été multipliés dans une logique de marché, »...

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Eh oui ! Elle est pourtant intellectuellement assez proche de vous !

« ... alors qu'il importait d'inscrire chaque individu dans des repères communs renforçant l'appartenance à l'ensemble républicain. »

Je m'associe à ce regret exprimé par Mme Théry et je partage largement ses critiques. N'est-il pas dangereux, comme elle le redoute, « d'instituer une hiérarchie en valeur des couples alors que l'union libre mériterait une approche tout à fait neutre » ? Ne peut-on craindre, comme elle, « que la vie commune d'un couple ne soit hiérarchisée entre une première classe qui serait le mariage, une deuxième classe qui serait le pacte civil de solidarité et une troisième classe qui serait l'union libre » ?

Mme Raymonde Le Texier.

Absolument pas !

M me Nicole Catala.

En effet, et sur ce point

Mme Théry a probablement raison, la troisième classe, c'est-à-dire les concubins hétérosexuels (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...

Mme Raymonde Le Texier.

Ce que vous dites est scandaleux !

M. Alain Néri.

Rendez-nous Mme Boutin !

Mme Nicole Catala.

Je vois, mes chers collègues, que vous n'êtes pas aptes à développer une analyse juridique et sociologique ; c'est ennuyeux quand on prétend faire la loi ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

En effet, les concubins hétérosexuels, seuls reconnus, aujourd'hui, par la jurisprudence, risquent d'être les grands perdants de cette réforme. Le concubinage, du moins s'il est notoire ou s'il a été prouvé, a été jusqu'ici traité comme un fait juridique, d'où découlent pour les concubins un certain nombre de conséquences, souvent déduites, d'ailleurs, des règles générales du droit de la responsabilité civile, de la théorie de l'apparence, de l'enrichissement sans cause, ou encore de la notion de société de fait. Mais l'existence du concubinage notoire peut se retourner contre les concubins. Par exemple, quand une personne divorcée se place en situation de concubinage notoire, elle perd son droit à pension alimentaire et son droit au bail. Or, sur ces derniers points, ma proposition de loi concernant le PACS est, sauf erreur de ma part, muette. Quelle sera la situation des pacsés relativement à la perte du droit au bail et du droit à pension alimentaire, cela n'a pas été précisé.

Sur d'autres points, en revanche, la disparité des règles applicables aux personnes mariées, pacsées ou en situation de concubinage notoire, est évidente, et elle conduit à s'interroger sur l'inobservation du principe constitutionnel d'égalité. J'en prendrai quelques exemples. (« Non, non ! Ce n'est pas la peine ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Eh si ! Je suis désolée, mais vous allez faire du droit, au moins un petit peu ! (Exclamations sur les mêmes bancs).

M. Thierry Mariani.

On voit bien qu'ils ont été réquisitionnés par leur groupe !

M. Jacques Floch.

Ici, on ne fait pas du droit, on fait le droit !

Mme Nicole Catala.

Ainsi, alors que les couples mariés sont soumis à une imposition commune pour l'impôt sur le revenu et que les signataires d'un PACS le seront au bout de trois ans, les concubins, eux, vont demeurer assujettis à une imposition séparée. Il y aura donc disparité de régime fiscal, laissée au libre choix des invididus, et donc une inégalité au regard du principe constitutionnel que j'ai rappelé.

Le concubinage fait perdre la demi-part supplémentaire attribuée aux célibataires et divorcés qui élèvent seuls un enfant, alors que la même règle ne semble pas avoir été étendue au PACS.

A l'inverse, si je puis dire, le concubin hétérosexuel survivant bénéficie de l'assurance décès s'il était à la charge effective, totale et permanente de l'assuré, alors que pour le PACS, là encore, sauf erreur de ma part, rien n'est dit.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Si ! Il y a des amendements.

Mme Nicole Catala.

On pourrait trouver d'autres exemples de distorsions surprenantes entre les règles applicables à des situations comparables. Car, au fond, les situations des couples non mariés dans lesquels chacun a choisi de pouvoir reprendre sa liberté à tout instant, qu'il s'agisse du concubinage ou du PACS, sont, au sens du droit constitutionnel, comparables.

Mme Raymonde Le Texier.

Quelle hypocrisie ! Quel jésuitisme !

M. Christian Bataille.

Ce cours de droit n'a aucun intérêt.

M. Charles Cova.

Il vous gêne !

Mme Nicole Catala.

J'ajouterai qu'en matière de donation les concubins ne bénéficient d'aucun abattement fiscal, alors que les personnes pacsées bénéficieront de dis-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

p ositions presque aussi avantageuses que celles qui concernent les couples mariés s'agissant des donations entre époux. Et c'est une distorsion très importante.

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

Mme Nicole Catala.

Un époux ne pourra pas se pacser avec un cousin éloigné ou un arrière petit-neveu pour lui transmettre un bien dans des conditions favorables, alors que le célibataire, le riche célibataire (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Jean-Yves Le Déaut.

C'est le Pérou !

M. Jean Michel.

Tonton Cristobal !

Mme Nicole Catala.

... - il y en a peut-être encore pourra, le temps nécessaire, conclure un PACS avec ce parent éloigné pour lui donner une partie de ses biens, puisque, grâce à l'indivision, il pourra lui transmettre très commodément la moitié de son patrimoine.

M. Daniel Marcovitch.

Vous devriez être contente, puisque vous êtes contre la taxation du patrimoine.

Mme Nicole Catala.

Je sens que je vais prolonger mon intervention, car elle vous paraît distrayante. (« Oui ! Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

On voit bien, avec cet exemple, qu'au-delà d'une disparité difficilement justifiable entre les droits des uns et des autres, le PACS va engendrer d'immenses possibilités de fraude. Sans doute m'objectera-t-on qu'il n'entre pas dans le rôle du Conseil constitutionnel de sanctionner la fraude. Peut-il pour autant approuver sans réserve un texte qui va ouvrir, comme on le dit parfois, un véritable boulevard aux fraudeurs ? Fraude fiscale, d'abord, puisque grâce à une imposition commune, le PACS permettra à certains de diminuer leur impôt sur le revenu et à d'autres de transmettre leurs biens par don ou par legs à un tiers, sans parler de l'indivision, dans des conditions infiniment plus favorables que celles du droit commun.

Ces fraudes fiscales tout à fait prévisibles s'accompagneront parfois, de surcroît, de comportements frauduleux en matière successorale.

M. Thierry Mariani.

Tout à fait !

Mme Nicole Catala.

Ainsi, un ascendant brouillé avec ses enfants ou petits-enfants pourra-t-il, en concluant avec un tiers un PACS accompagné d'une indivision, soustraire la moitié de son patrimoine à la vocation successorale de ses descendants...

M. Daniel Marcovitch.

Non, du patrimoine constitué après le PACS !

Mme Nicole Catala.

... y compris en ce qui concerne le droit à la réserve. Or le droit à la réserve ne revêt-il pas un caractère constitutionnel ?

M. Jean Michel.

Le patrimoine commun est réduit aux acquêts, madame Catala !

Mme Nicole Catala.

Je vois que vous m'approuvez, mon cher collègue, et je m'en réjouis.

M. Jean-Yves Le Déaut.

Et l'amour, dans tout ça ?

Mme Nicole Catala.

La fraude résidera aussi dans le recours au PACS pour obtenir en faveur des étrangers des titres de séjour. La conclusion d'un pacte constituera en effet l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, tel qu'il a été modifié, pour l'obtention d'un titre de séjour.

M. Daniel Marcovitch.

Vous auriez dû lire le texte !

Mme Nicole Catala.

Au-delà des mariages de complaisance, nous verrons apparaître des pactes de complaisance d'autant plus faciles à établir qu'ils ne nécessiteront pas l'adoption d'un domicile commun, mais simplement d'une résidence commune, solution parfaitement laxiste, car si, en matière matrimoniale, une vérification de la régularité du séjour est pratiquée avant la célébration, il n'en ira pas de même pour le PACS...

M. Thierry Mariani.

Il y aura des PACS blancs !

Mme Nicole Catala.

... puisque la loi ne prévoit qu'une déclaration unilatérale de la part des contractants au greffe du tribunal d'instance.

Laxiste sur ce point, votre texte est paradoxalement plus menaçant à un autre égard pour les libertés individuelles. Je reprendrai ici ce qu'a brillamment démontré mon collègue et ami Patrick Devedjian en soulignant, lors de son intervention, il y a quelques mois que les homosexuels ne pourront bénéficier des avantages du PACS que s'ils font une déclaration au greffe du tribunal d'instance, déclaration dont il sera fait mention sur plusieurs registres aux greffes des tribunaux d'instance des lieux de naissance des deux partenaires. Ils seront ainsi fichés, fichés à vie puisque, le PACS étant opposable aux tiers, ces registres pourront être consultés leur vie durant.

Comme l'a également relevé Patrick Devedjian, « votre passion du contrôle de la vie sociale vous conduit à soumettre à l'Etat toute vie privée ».

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ainsi, le PACS risque de ne pas répondre à l'attente des homosexuels.

M. Yann Galut.

D'ailleurs, ils sont contre...

Mme Nicole Catala.

Ils ne sont pas tous pour, monsieur Galut, et je ne suis même pas sûre qu'une majorité le soit ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Marcovitch.

Ils ne sont pas obligés de conclure un PACS !

Mme Nicole Catala.

Encore une fois, beaucoup d'entre eux veulent vivre discrètement et refuseront d'être ainsi répertoriés à vie.

M. Daniel Marcovitch.

Eh bien, ils continueront à vivre comme maintenant, comme si la droite était au pouvoir !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

C'est la droite qui leur impose la discrétion !

Mme Nicole Catala.

En tout cas, il y a là pour les libertés une menace qui ne devrait pas échapper à la censure du Conseil constitutionnel.

Ainsi, à mes yeux, les motifs ne feront pas défaut à notre juge constitutionnel pour exercer sa censure sur une proposition de loi dont l'opposition a souligné, à maintes reprises, le caractère incohérent et lacunaire, voire la nature d'objet juridique non identifié.

Dans le cadre de cet exposé, qui tend à défendre l'exception d'irrecevabilité déposée par mon groupe, je me suis seulement appliquée à montrer sur quels points cette proposition de loi, étonnante, était non conforme à notre Constitution.

Elle n'est pas conforme à notre Constitution pour des raisons touchant à la procédure législative, l'article 84 de notre règlement ayant été violé.

Elle n'est pas conforme non plus à notre Constitution parce que le dispositif du PACS multipliera les situations de précarité des couples, situations néfastes pour les


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enfants et en contradiction avec l'impératif de protection de la famille énoncée à l'alinéa 10 du préambule de la Constitution.

Enfin, elle méconnaît le principe d'égalité entre les citoyens et recèle une menace sérieuse pour les libertés individuelles et le respect de la vie privée.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, j'invite notre Assemblée à adopter l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Madame Catala, nous ne sommes plus le 3 novembre 1998. Depuis cette date, il s'est passé bien des choses, ma chère collègue.

Vous avez indiqué que vous étiez très à cheval sur l'application du règlement et vous en faites un des motifs d'inconstitutionnalité. Mais je vous rappellerai aimablement que, dès le début de votre intervention, vous avez pris quelque distance avec notre règlement. S'il avait été très strict, notre président aurait même pu vous arrêter au bout de cinq minutes, lorsque vous avez déclaré : « Je ne trouve au texte qui nous vient du Sénat aucun motif d'inconstitutionnalité. » Or, c'est de celui-là que nous dis-

cutons aujourd'hui.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Absolument !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Après cette phrase décisive de votre part, il aurait pu juger que l'Assemblée était suffisamment informée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

Et le travail en commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Tout le reste n'est que littérature. Nous en avons déjà débattu lors des débats du 3 novembre et il n'est pas utile d'y revenir.

M. Bernard Accoyer.

M. le rapporteur n'a pas d'argument !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Pour les TOM, rien n'est prévu, en effet. Mais le Gouvernement peut décider de prévoir des dispositions dans le cadre des textes

« balai » que présente périodiquement le ministre chargé de l'outre-mer.

En fait, il vous fallait démontrez que le PACS nuit à la famille.

Mme Nicole Catala.

Eh oui !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Bien sûr, nous sommes d'accord avec tout ce que vous avez dit sur la protection de la famille. Pour autant, vous n'avez pas démontré que le PACS nuit à la famille, ou alors nous n'avons pas la même conception de la famille.

M. Eric Doligé.

Ça, c'est sûr !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

S'agissant de la fin de votre intervention, précisons que le PACS ne fera perdre aucun droit aux concubins. En effet, les pacsés auront les droits des concubins, plus ceux qui seront ouverts par le PACS.

Quant à Irène Théry, il fallait citer l'intégralité de ses propos. Lorsque le concubinage n'était pas inscrit dans la loi, Mme Irène Théry avait effectivement regretté une sorte de discrimination à l'égard des concubins vivant dans une situation de fait. Mais elle se déclare très satisfaite par le texte actuel.

Madame Catala, tous les motifs d'inconstitutionnalité que vous avez soulevés ont donc été très largement repoussées le 3 novembre lors de la première lecture.

Puisque vous n'en apportez aucun de nouveau aujourd'hui, l'Assemblée va très certainement repousser cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je ne reviendrai pas sur les arguments décisifs de votre rapporteur. Ils montrent, une fois de plus, que vous n'êtes pas arrivé à démontrer en quoi le PACS nuit à la famille. Je me contenterai donc de faire quelques remarques plus ponctuelles.

Vous vous êtes insurgée, madame Catala, contre la procédure de la proposition de loi. Je voudrais donc citer, puisque vous parliez d'inconstitutionnalité, l'article 39 de la Constitution selon lequel « l'initiative des lois appartient concurrement au Premier ministre et aux membres du Parlement ». Si l'initiative vient du Premier ministre, il y a une délibération en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. Lorsque l'initiative émane des parlementaires, il y a élaboration au sein de l'Assemblée nationale et du Sénat. A chaque voie sa méthode. A chaque initiative sa procédure. Il n'est nul besoin de vouloir les unifier.

Il me semble aussi que l'absence d'avis du Conseil d'Etat pour une initiative parlementaire est tout à fait banale. Chacun des groupes parlementaires utilise les séances réservées à cet effet. Par conséquent, nous sommes bien dans le cadre de l'application de la Constitution et dans la tradition de la procédure des assemblées.

Vous soutenez ensuite qu'il n'est pas possible de représenter une proposition de loi qui vient d'être repoussée.

Vous oubliez de préciser que cela n'est vrai que s'il s'agit d'une proposition de loi reproduite à l'identique. Or, vous savez bien que cette proposition n'est pas identique à la précédente. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En outre, et malgré le respect que m'inspire le règlement de l'Assemblée, ce n'est pas une norme de valeur constitutionnelle.

Vous vous élevez contre l'extension de la proposition de loi aux territoires d'outre-mer. Mais je crois, madame, qu'il faut que vous relisiez le texte. En effet, l'article d'extension a été supprimé, et il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de le rétablir.

Enfin, nous savons tous ce que le préambule de la Constitution de 1946 apporte à la famille et ce que la nation doit à celle-ci. Mais la famille issue du mariage, celle qui a votre préférence - à la vérité, elle semble même faire l'objet de vos soins exclusifs -...

Mme Nicole Catala.

Non !

Mme la garde des sceaux.

... et qui dispose d'un statut juridique durable, ne sera en aucune façon fragilisée par l'adoption de ce texte qui régit uniquement les relations entre les partenaires du pacte. Si l'adoption du texte permet en outre de réduire les difficultés rencontrées par les familles constituées hors mariage, on ne pourra que se réjouir de la meilleure protection qui est apportée à la famille.

Mais si vos observations visent à faire croire qu'il n'y a d'avenir - et là, je voudrais vraiment que l'Assemblée réfléchisse un instant à la portée de certains des propos


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que vous avez tenus - que pour les enfants nés au sein d'une famille unie par les liens du mariage, sachez que je ne me sens pas le courage d'interdire le divorce ou d'obliger tout le monde au mariage avant de concevoir des enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Caricature ! Vous pouvez faire mieux, madame la ministre !

M. Bernard Accoyer.

Le niveau est pitoyable !

M me Nicole Bricq.

Parce que l'intervention de Mme Catala était brillante, peut-être ?

M me la garde des sceaux.

Vous craignez, madame Catala, la fraude fiscale en cas de PACS. Mais c'est la solution retenue par le Sénat qui ouvre des droits fiscaux aux concubins et permet la fraude ! Le PACS implique un contrat, une date certaine, comme je l'ai souligné dans mon discours introductif. Dans le concubinage, qui n'est qu'une situation de fait, il n'y a, par contre, aucune sécurité de ce point de vue.

Enfin, le PACS ne porte aucune atteinte aux libertés.

Bien au contraire, il assure un choix nouveau pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas se marier. En outre, les conditions dans lesquelles seront conservées et traitées les informations relatives au PACS seront soumises à la CNIL.

Bref, madame, ces quelques observations d'ordre juridique ou constitutionnel montrent que, naturellement, vous n'avez pas pu nous convaincre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Charles Cova.

Vous non plus !

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Mes chers collègues, chacun aura remarqué le calme et l'efficacité avec lesquels Mme Catala a défendu cette exception d'irrecevabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela contrastait avec l'agressivité et l'ironie dont ont fait preuve les deux rapporteurs à l'égard de l'opposition. (

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le groupe du Rassemblement pour la République votera donc en faveur de l'exception d'irrecevabilité, défendue par notre collègue.

M. Daniel Marcovitch.

Vous êtes donc contre le Sénat !

M. Thierry Mariani.

Je souhaiterais revenir très rapidement - la discussion nous permettra de nous expliquer plus amplement - sur quelques points qui me paraissent essentiels et qui justifient que nous adoptions cette motion de procédure.

M. Jacques Floch.

La discussion va donc avoir lieu !

M. Thierry Mariani.

En effet, monsieur Floch ! Il est vrai que vous êtes plus nombreux qu'il y a quelques mois.

Vous étiez moins brillants le 9 octobre dernier. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David.

Vous, vous êtes toujours aussi nuls !

M. le président.

Mes chers collègues, seul M. Mariani a la parole.

M. Thierry Mariani.

J'insisterai, malgré le brouhaha, sur le caractère inacceptable de l'organisation de nos débats et sur le mépris flagrant dont la majorité et le Gouvernement ont fait preuve à l'égard du Parlement.

Comme l'a rappelé Mme Catala, le 9 octobre dernier, notre assemblée s'est prononcée sur une exception d'irrecevabilité défendue par notre collègue Mattei. Elle a rejeté le texte dont nous allons débattre en seconde lecture à compter d'aujourd'hui. C'est vrai que cette proposition n'est pas absolument identique. Mais, soyons sérieux, c'est la septième version de ce texte avec, hélas ! une inspiration et des dispositions absolument identiques.

Dois-je rappeler que le dépôt sur le bureau de notre assemblée les 13 et 14 octobre dernier de cinq nouvelles propositions de loi relative au PACS qui, dans les faits, étaient en tous points identiques à celle rejetée quatre jours plus tôt constitue - le Conseil constitutionnel tranchera - un coup de force totalement inadmissible, en violation manifeste de notre règlement qui dispose que les propositions repoussées par l'Assemblée nationale ne peuvent être reproduites avant un délai d'un an ? Le second point sur lequel je souhaiterais brièvement insister et qui justifie lui aussi que nous adoptions cette exception d'irrecevabilité concerne la rupture manifeste d'égalité devant les charges publiques que ne manquera pas d'entraîner l'adoption de votre texte. En effet, les couples vivant en union libre et les couples ayant contracté un PACS seront placés dans la même situation de fait, mais ne bénéficieront pas des mêmes avantages et des mêmes dispositions. Sans nul doute, cela sera sanctionné par le Conseil constitutionnel.

Rupture d'égalité donc entre couples non pacsés et couples pacsés ; mais aussi rupture d'égalité entre couples pacsés hétérosexuels et homosexuels. Ces derniers, en effet, qui seront placés en tous points dans la même situation juridique que les couples hétérosexuels ayant signé un PACS ne pourront, si l'on en croit le garde des sceaux et le rapporteur, ni bénéficier du droit à adopter des enfants ni avoir recours à la procréation médicalement assistée, alors que les couples hétérosexuels ayant signé un PACS auront, eux, la possibilité de le faire.

Pendant combien de temps la communauté homosexuelle acceptera-t-elle cet état de fait alors qu'un sondage réalisé par Têtu et BSP et publié par Le Monde indique clairement que 45 % de femmes et 36 % des hommes homosexuels désirent avoir un enfant ? Alors que vous vous apprêtez à reconnaître socialement et juridiquement l'homosexualité dans notre pays, comment allezvous longtemps justifier votre refus de reconnaître, de la même manière, un droit à l'enfant ? Madame la ministre, vos belles déclarations n'y feront rien. M. Jean-Pierre Michel avait, malheureusement, juridiquement raison quand il expliquait, avant la première lecture, que le vote du PACS entraînerait, à terme, la reconnaissance pour les homosexuels du droit d'adoption.

Enfin, Mme Catala a souligné les atteintes à la vie privée que ne manquera pas d'engendrer votre texte. En effet, comment deux majeurs homosexuels qui passeront un PACS pourraient-ils considérer sans inquiétude la publicité qui pourra être donnée au registre du greffe ? Le PACS est tout, sauf protecteur du plus faible.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Le PACS n'est pas obligatoire !

M. Thierry Mariani.

Le PACS ne traite pas la situation des enfants, alors qu'il est censé s'adresser aussi à des couples hétérosexuels. De même, il ne contient aucune


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

réelle obligation de secours et d'assistance entre les cocontractants, alors que ces derniers bénéficieront des mêmes avantages que les couples mariés.

Enfin (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe radical, citoyen et vert) écoutez bien la conclusion, car je crois que vous n'avez pas vraiment pris la mesure de ce que vous vous apprêtez à voter ! (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.) Comme Nicole Catala l'a expliqué, le PACS, c'est l'éclatement de la famille...

M me Dominique Gillot.

Elle est déjà éclatée, la famille !

M. Thierry Mariani.

... c'est la précarité des couples et c'est la fraude fiscale.

Mes chers collègues, jusqu'à présent il existait deux possibilités : on était marié ou on était célibataire, le concubinage étant reconnu par la Cour de cassation, mais n'existant pas dans le droit. Avec le vote de ce texte, vous allez créer six possibilités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Désormais, on pourra être ou concubin ou marié et concubin avec une autre personne. (Mêmes mouvements.) Je ne citerai pas d'exemples célèbres.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Mitterrand !

M. Thierry Mariani.

Désormais, on pourra être également célibataire, ou célibataire et pacsé, ou célibataire pacsé et concubin ou encore célibataire et concubin.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Catala a démontré ce que les socialistes essaient de ne pas entendre, d'où leur brouhaha. Effectivement, il y aura désormais six possibilités. Avec cette loi, ce sera comme à la Samaritaine : au rayon du droit de la famille, on trouvera tout ! Voilà une raison de plus d'adopter cette exception d'irrecevabilité que Mme Catala à brillamment défendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Je m'étonne que Mme Catala ne respecte pas le travail fait par nos collègues du Sénat...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ce n'est pas vrai !

M. Jacques Floch.

... appuyée d'ailleurs en cela par M. Mariani. En effet, si les sénateurs ont accepté de débattre, c'est qu'ils reconnaissaient la constitutionnalité de ce texte qu'ils auraient sinon rejeté.

M. Gilbert Meyer.

Vous traitez régulièrement les sénateurs de ringards !

M. Jacques Floch.

IIs ont travaillé sur ce texte qu'ils ont profondément modifié. Et c'est un autre texte qui nous est présenté. J'ai regardé avec attention s'il comportait des motifs d'inconstitutionnalité, ce ne sont pas ceux qui ont été rapportés par Mme Catala qui peuvent nous convaincre en la matière.

En fait, Mme Catala a utilisé, comme on sait le faire dans l'opposition, la motion de procédure pour exposer ses positions, honorables, sur la famille. C'est de bonne guerre ! Les uns et les autres, nous avons su user de cette possibilité. Mais aujourd'hui, le texte qui nous est proposé par le Sénat, et particulièrement par sa commissoin des lois, méritait un peu plus que du dédain. Mme Catala a décidé, quant à elle, qu'il était inapplicable, inacceptable, et qu'il fallait le rejeter.

Certes, nous allons l'amender, mais la base de notre discussion sera le texte de la proposition de loi adopté par le Sénat. Avez-vous donc voulu dire, madame Catala, que M. le président Larché, éminent juriste, serait un mauvais c onstitutionnaliste ? Voudriez-vous prétendre que

M. Gélard, éminent professeur agrégé de droit public, spécialiste du droit des anciens pays de l'Est, a commis une erreur au regard de notre constitution ? Comment p ouvez-vous trouver des motifs d'inconstitutionnalité dans ce texte ? En réalité, vous vous êtes exprimée contre ce que la majorité veut voter et non contre ce qui est proposé par le Sénat.

Mes chers collègues, nous devons passer aux choses sérieuses, c'est-à-dire débattre des dispositions relatives au PACS. Nous avons besoin de ce grand texte de liberté individuelle qui ouvrira de nouveaux droits à nos concitoyens. Je vous demande donc de rejeter la motion d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'admire la naïveté feinte de M. Floch qui fait comme si lui-même et sa famille politique n'avaient jamais utilisé ainsi une motion de procédure quand ils étaient dans l'opposition.

M. Jean-Yves Le Déaut.

Si, il l'a dit !

M. Dominique Dord.

Cher monsieur, mes chers collègues, je suis même certain que, quand vous y serez de nouveau...

M. Alain Néri.

Ce n'est pas pour demain !

M. Charles Cova.

Dans trois ans, après les prochaines législatives !

M. Dominique Dord.

... vous agirez encore ainsi ! Cela dit, la tâche de Mme Catala était difficile. En effet, dès le premier examen de la proposition de loi, M. Jean-François Mattei, en défendant l'exception d'irrecevabilité qui allait être adoptée, avait décelé quatre motifs d'inconstitutionnalité. Puis, Mme Boutin, lors de la première lecture de la nouvelle mouture du texte en avait relevé douze. Bien que vous ayez, depuis, apporté quelques modifications à la proposition de loi, il n'était donc pas facile pour Mme Catala, de trouver de nouveaux motifs d'inconstitutionnalité.

Or elle est parvenue à en découvrir trois autres. Elle nous a ainsi convaincus en les exposant avec conviction, avec sérénité et avec précision, en argumentant très justement sur des questions de procédure. Je n'y reviens pas puisque mon collègue Thierry Mariani a longuement développé les trois motifs d'inconstitutionnalité.

Je me borne donc à souligner, madame la ministre, que j'ai été très déçu par le ton de votre réponse. En effet, vous n'avez pas besoin de caricaturer les propos des orateurs de l'opposition et de les déformer. Vous disposez d'une large majorité dans cette assemblée cet après-midi et votre argumentation n'en aurait que plus de force si vous saviez mieux respecter les membres de l'opposition.

M. Charles Cova.

Elle a ses nerfs !

M. Dominique Dord.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, j'appelle bien entendu de mes voeux le vote de c ette exception d'irrecevabilité par notre assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Le Sénat, en acceptant de reconnaître le concubinage homosexuel en tant qu'union de fait, a certes suivi une évolution dont on ne peut que se réjouir. On aurait d'ailleurs pu imaginer qu'en conséquence les députés de l'opposition allaient avoir, en deuxième lecture, une attitude plus sereine.

M. Charles Cova.

Elle l'est. C'est vous qui en rajoutez !

Mme Muguette Jacquaint.

Nous pouvions donc croire que, cette étape franchie, la droite sénatoriale et vous, mesdames, messieurs de l'opposition, alliez enfin choisir une démarche positive pour améliorer un dispositif dont les objectifs ne sont autres que le respect de la dignité humaine, l'égalité des droits et la reconnaissance des différences. Ne pensez-vous pas, en effet, qu'il est temps de mettre un terme à une discrimination d'un autre âge, liée à l'orientation sexuelle ?

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas le débat ! (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint.

N'est-il pas temps d'en finir avec cette diabolisation du PACS sous le faux prétexte qu'il mettrait à mal la famille ? N'est-il pas temps de légiférer en se souciant des évolutions de la société plutôt que de camper sur des positions qui discréditent le débat et détournent l'opinion du vrai problème ? N'est-il pas temps de permettre à des couples qui ne veulent ou ne peuvent se marier d'avoir enfin une protection et des droits, ce qui leur est dénié jusqu'à présent ? Vous ne le pensez pas et pourtant deux Français sur trois, neuf jeunes sur dix y sont favorables.

M. Thierry Mariani.

Ce sont sans doute des comptes comme à Aubagne !

Mme Muguette Jacquaint.

Nous voterons les propositions de la commission qui ouvrent des droits réels aux couples non mariés et qui reconnaissent explicitement le couple homosexuel. Comme il l'a fait en première lecture, le groupe communiste se prononcera résolument contre cette motion de procédure qui ne traduit qu'une opposition systématique...

M. Charles Cova.

Vous êtes des spécialistes !

Mme Muguette Jacquaint.

... dès qu'il s'agit d'examiner un texte conforme à l'évolution de notre société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Charles Cova.

La majorité se ressoude sur le dos de la famille !

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Pour qui veut faire preuve d'un minimum de bonne foi, l'exposé de Mme Nicole Catala a été parfaitement convaincant pour démontrer l'inconstitutionnalité non pas du texte du Sénat, mais du PACS. A cet égard, je reprendrai trois motifs qui avaient déjà été excellemment développés par nos collègues Jean-François Mattei et Christine Boutin.

Le premier tient à la procédure.

Madame la ministre, je vous ai écoutée très attentivement. Vous avez dit et répété avec beaucoup d'arrogance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Charles Cova.

A chacun son style.

M. Henri Plagnol.

... que le Gouvernement n'avait cessé de persévérer dans la voie ouverte dès le début par la proposition de la loi initiale que vous n'aviez jamais abandonnée et qui, malgré le travail du Sénat, malgré les arguments inlassablement répétés de l'opposition, restait plus que jamais nécessaire. Dans ces conditions, vous ne pouvez pas prétendre que vous l'avez modifiée de façon substantielle, au point de ne pas avoir reproduit le texte auquel nous nous étions opposés solennellement en adoptant l'exception d'irrecevabilité présentée par Jean-François Mattei.

Il vous sera donc très difficile de faire admettre au Conseil constitutionnel, à la fois que le PACS est tellement indispensable que vous maintenez les dispositions prévues à l'origine et que vous l'avez modifié substantiellement. Cela démontre qu'a été utilisée une procédure qui porte atteinte aux prérogatives de notre assemblée.

Le deuxième motif, qui me permettra de répondre à Mme Jacquaint, tient à la nécessité, affirmée dans le préambule de la Constitution, d'assurer la promotion de la famille. Mme Catala n'a, en effet, jamais prétendu qu'il fallait réserver la possibilité d'épanouissement aux enfants nés de personnes mariées. Elle a encore moins mis en cause le droit des personnes à vivre comme elles l'entendent. Simplement, la Constitution nous fait obligation de mettre la famille au centre de l'organisation sociale.

Mme Martine David.

Personne ne le conteste !

M. Henri Plagnol.

Avec le PACS, vous faites le contraire : vous légiférez sur le couple en prétendant, selon Mme le ministre elle-même, que cela n'aura pas la moindre conséquence sur les familles. Or nous, nous affirmons qu'il n'est pas possible de légiférer sur les couples sans poser le problème de la famille, ne serait-ce, par exemple, que parce qu'il faut parler de l'autorité parentale pour les couples qui ont des enfants.

Le troisième motif, à propos duquel vous n'avez apporté aucune réponse, est lié au fait que le PACS rend publics des choix de vie privés. Il met, par conséquent, en cause l'intimité de ces choix.

Mme Véronique Neiertz.

C'est cela qui vous gêne !

M. Henri Plagnol.

Cette publicité n'est pas sans danger pour le secret de la vie des personnes et pour la liberté contractuelle. D'ailleurs, qu'est ce contrat que chacune des deux parties ne peut répudier unilatéralement ? Pour tous ces motifs, le groupe UDF votera sans hésitation l'exception d'irrecevabilité présentée par Nicole Catala.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. le président.

Mes chers collègues, compte tenu de l'heure, il est plus sage d'interrompre maintenant nos travaux et de renvoyer l'examen de la question préalable à la séance de ce soir.

La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

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DIVERSES MESURES

RELATIVES A LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 30 mars 1999.

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (no 1479) relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité ; M. Jean-Pierre Michel, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1482) ; M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1483).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mardi 30 mars 1999 SCRUTIN (no 163) sur l'ensemble du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Nombre de votants .....................................

544 Nombre de suffrages exprimés ....................

411 Majorité absolue ..........................................

206 Pour l'adoption ...................

303 Contre ..................................

108 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (250) : Pour : 233. - MM. Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Léo Andy , Jean-Marie Aubron , J ean-Paul Bacquet , Dominique Baert , Jean-Pierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Jean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Bateux , Jean-Claude Beauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , Jean-Louis Bianco , André Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-

M arie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , Jean-Claude Boulard , Didier Boulaud , Pierre B ourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle B ousquet , MM. Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul Bret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Marcel Cabiddu , Alain Cacheux , Jérôme Cahuzac , Alain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mmes Véronique Carrion-Bastok , Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , Jean-Yves Caullet , Jean-Paul Chanteguet , Guy-Michel Chauveau , Jean-Claude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Mme Marie-Françoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , François Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , J acky Darne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , Jean-Jacques Denis , Mme Monique Denise ,

M M. Bernard Derosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François Dosé , René D osière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Julien Dray , Tony Dreyfus , Pierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Mme Laurence Dumont , MM. JeanLouis Dumont , Dominique Dupilet , Jean-Paul Dupré , Yves Durand , Jean-Paul Durieux , Philippe Duron , Jean Espilondo , Claude Evin , Alain Fabre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt , MM. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Pierre Forgues , Raymond Forni , Jean-Louis Fousseret , Michel Françaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Gérard Fuchs , Robert G aïa , Yann Galut , Roland Garrigues , Jean-Yves Gateaud , Jean Gaubert , Mmes Catherine Génisson , Dominique Gillot , MM. André Godin , Gaëtan Gorce , Alain Gouriou , Gérard Gouzes , Joël Goyheneix , Michel Grégoire , Mmes Odette Grzegrzulka , Paulette Guinchard-Kunstler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques H euclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Maurice Janetti , Serge Janquin , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Bertrand Kern , Jean-Pierre Kucheida , André L abarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François Lamy , Pierre-Claude Lanfranca , Jack Lang , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern , Michel Liebgott , Mme Martine LignièresCassou , MM. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Jean-Paul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Daniel Marsin , Marius Masse , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Jean Michel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon , MM. Gilbert Mitterrand , Yvon

M ontané , Gabriel Montcharmont , Arnaud Montebourg , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri , Michel Pajon , Joseph Parrenin , François Patriat , Christian Paul , Vincent Peillon , Germinal Peiro , Jean-Claude Perez , Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette Peulvast-Bergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard R evol , Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Y ves Rome , Gilbert Roseau , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , Bernard Seux , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mmes Catherine Tasca , Christiane TaubiraD elannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , André Vallini , André Vauchez , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet , Philippe Vuilque et Kofi Yamgnane

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (138) : Pour : 2. - MM. Gautier Audinot et Franck Marlin

Contre : 5. - MM. Philippe Auberger , Edouard Balladur , C hristian Bergelin , François Guillaume et Michel Hunault Abstentions : 126. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Pierre Aubry , Jean Auclair , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc , Michel Bouvard , Victor B rial , Philippe Briand , Michel Buillard , Christian


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Cabal , Gilles Carrez , Mme Nicole Catala , MM. JeanCharles Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , François Cornut-Gentille , Alain Cousin , Jean-Michel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , Arthur Dehaine , J ean-Pierre Delalande , Patrick Delnatte , Jean-Marie D emange , Xavier Deniau , Patrick Devedjian , Eric Doligé , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , Jean-Pierre Dupont , Nicolas Dupont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , François Fillon , Roland Francisci , Pierre Frogier , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , JeanPierre Giran , Michel Giraud , Louis Guédon , JeanClaude Guibal , Lucien Guichon , Jean-Jacques Guillet , Gérard Hamel , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kossowski , Jacques L afleur , Robert Lamy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre Lellouche , Jean-Claude Lemoine , Arnaud L epercq , Jacques Limouzy , Lionnel Luca , Thierry Mariani , Alain Marleix , Jean Marsaudon , Patrice Mart in-Lalande , Mme Jacqueline Mathieu-Obadia , MM. Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , Charles Miossec , Pierre Morange , Renaud Muselier , Jacques Myard , Jean-Marc Nudant , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Pierre Petit , Etienne Pinte , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raimond , Jean-Luc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , Jean-Claude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , François Vannson , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 1. - M. Marc Reymann Contre : 57. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Mme Marie-Thérèse Boisseau , MM. Jean-Louis Borloo , Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Jean Briane , Domin ique Caillaud , Hervé de Charette , Jean-François Chossy , René Couanau , Yves Coussain , Marc-Philippe D aubresse , Jean-Claude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mme Anne-Marie I drac , MM. Jean-Jacques Jégou , Christian Kert , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , Jean-Antoine Leonetti , Maurice Leroy , Roger Lestas , Maurice Ligot , F rançois Loos , Christian Martin , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Hervé Morin , Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Dominique Paillé , Henri Plag nol , Jean-Luc Préel , François Rochebloine , Rudy Salles , Michel Voisin , Jean-Jacques Weber et PierreAndré Wiltzer

Abstentions : 6. - MM. Jacques Barrot , Germain Gengenwin , François Léotard , Pierre Méhaignerie , André Santini et François Sauvadet

Groupe Démocratie Libérale et Indépendants (43) : Contre : 43. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Dominique Dord , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Jean-Claude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madel in , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier , Philippe Vasseur et Gérard Voisin Groupe communiste (35) : Pour : 33. - MM. François Asensi , Gilbert Biessy , Claude B illard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jean-Pierre Brard , Jacques Brunhes , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. André Gerin , Pierre Goldberg , Georges Hage , Guy Hermier , Robert Hue , Mmes Muguette Jacquaint , Janine Jambu , MM. André Lajoinie , Jean-Claude Lefort , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Roger Meï , Ernest Moutoussamy , Bernard Outin , Daniel Paul , Jean-Claude Sandrier , Michel Vaxès et Jean Vila

Groupe Radical, Citoyen et Vert (34) : Pour : 34. - M. André Aschieri , Mmes Marie-Hélène Aubert , Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Roland C arraz , Gérard Charasse , Bernard Charles , Yves Cochet , Jean-Pierre Defontaine , Jacques Desallangre , Roger Franzoni , Guy Hascoët , Claude Hoarau , Elie H oarau , Robert Honde , François Huwart , Guy L engagne , Noël Mamère , Jean-Michel Marchand , Alfred Marie-Jeanne , Mme Gilberte Marin-Moskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pont ier , Jacques Rebillard , Jean Rigal , Mme Chantal Robin-Rodrigo , MM. Georges Sarre , Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret , Emile Vernaudon et Aloyse Warhouver Non inscrits (6).

Contre : 3. - MM. Bernard Deflesselles , Jean-Pierre Soisson et Philippe de Villiers Abstention : 1. - M. Marc Dumoulin