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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 3361).

CRISE DE LA FILIÈRE PORCINE (p. 3361)

MM. Charles Miossec, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

LUTTE CONTRE LA DÉMORALISATION

DES FORCES DE POLICE (p. 3362)

M. Christian Estrosi, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

MOYENS DE LA JUSTICE (p. 3362)

M. Lucien Degauchy, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

KOSOVO (p. 3363)

MM. Alain Madelin, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

SERVICE DE L'EAU (p. 3364)

M mes Chantal Robin-Rodrigo, Dominique Voynet, m inistre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

KOSOVO (p. 3365)

MM. Jean-Claude Viollet, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

PÊCHE (p. 3366)

MM. René Leroux, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

BIOÉTHIQUE (p. 3367)

Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p. 3367)

M. François Loos, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

LICENCIEMENTS (p. 3368)

M. Maxime Gremetz, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL À FRANCE TÉLÉCOM (p. 3369)

MM. Bernard Birsinger, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Suspension et reprise de la séance (p. 3370)

PRESIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

2. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 3370).

3. Pacte civil de solidarité. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'une proposition de loi (p. 3370).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 3373)

MM. Jean-Pierre Blazy, Henri Plagnol, Alain Tourret, Dominique Dord, Bernard Birsinger, Patrick Devedjian.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 3379)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 3379)

4. L oi d'orientation agricole. - Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 3379).

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 3381)

Exception d'irrecevabilité de M. Rossi : MM. Philippe Vasseur, Louis Mexandeau, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Joseph Parrenin, Germain Gengenwin, Christian Jacob, Jean Proriol. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 3390)

Question préalable de M. Douste-Blazy : M. François Sauvadet.

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

MM. François Sauvadet, le ministre, Philippe Vasseur, Mme Béatrice Marre, MM. Christian Jacob, Roger Lestas, Jacques Rebillard, Jean Proriol, Félix Leyzour. Rejet de la question préalable.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 3400).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous indique que je réunirai la conférence des présidents dès la fin de la séance des questions pour décider des modalités d'information de notre assemblée sur la situation au Kosovo au cours des semaines qui viennent.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe du Rassemblement pour la République.

CRISE DE LA FILIE RE PORCINE

M. le président.

La parole est à M. Charles Miossec.

M. Charles Miossec.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, les cours du porc sont au plus bas, environ quatre francs au-dessous du prix de revient moyen. Cela fait maintenant plusieurs mois que la production porcine est en crise. C'est dire si les acquis des années 1996 et 1997 ont aujourd'hui disparu.

Avec un cours frôlant la barre historique des cinq francs, cette crise place l'ensemble des exploitations dans une situation dramatique et fait peser à court terme des risques certains sur la pérennité de la majeure partie d'entre elles mais aussi des entreprises de la filière porc tout entière. Les éleveurs travaillent à perte et la question est désormais de savoir combien de temps ils pourront tenir. Ainsi, dans le seul département du Finistère, plus de 200 éleveurs ont déposé, ou vont le faire sous quelques semaines, leur bilan.

Des mesures ont bien été prises ces derniers mois, mais sans réel effet à ce jour. Vous en avez annoncé un certain nombre aujourd'hui devant la Fédération nationale porcine, pour un montant total d'environ cent millions de francs, si j'en crois les informations qui m'ont été communiquées. Mesurez-vous l'écart qu'il y a entre les efforts accomplis et la réalité de la situation des exploitations ? La profession sollicite très fortement le maintien et le renforcement des restitutions et du stockage privé, ainsi que l'accélération de l'aide alimentaire vers la Russie pour dégager le marché. Il est essentiel que ces mesures aient une ampleur significative et un effet immédiat, et qu'elles tiennent compte des réalités économiques auxquelles sont confrontés les éleveurs, ce qui ne semble malheureusement pas le cas au niveau européen. Je pense aux directives européennes et à la nécessité de les appliquer de façon identique dans chaque Etat membre, notamment en matière environnementale, afin que s'exerce une concurrence normale entre les différents pays européens.

Ces mesures d'exception doivent être l'expression d'une volonté forte de soutenir une filière qui totalise, je tiens à le rappeler, plusieurs centaines de milliers d'emplois dans la production, en amont et en aval, notamment dans l'appareil de transformation.

Au-delà des mesures annoncées aujourd'hui et de leurs effets dans l'avenir, quelles sont les intentions du Gouvernement, monsieur le ministre, sur ce problème extrêmement important ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, j'étais effectivement il y a quelques heures, après le conseil des ministres, devant la Fédération nationale porcine pour dialoguer avec les responsables de cette production, qui est en crise depuis de longs mois, vous avez raison de le souligner.

Comme vous le savez, ce n'est ni le ministre de l'agriculture ni le Gouvernement qui fixe le cours du porc au marché de Plérin.

C'est une crise de surproduction qui frappe l'Europe entière. Pour y faire face, le Gouvernement travaille selon trois axes, que j'ai exposés à nouveau ce matin devant les responsables de la fédération porcine.

Premier axe, rechercher la maîtrise de la production, ce qui ne peut se faire qu'au niveau européen. J'ai donc relancé par courrier cette semaine le commissaire et mes collègues ministres de l'agriculture européens afin que nous puissions travailler dans ce sens. C'est un processus lent et difficile parce que la majorité de nos partenaires ne sont pas convaincus de son bien-fondé. Mais nous travaillons à les convaincre.

Deuxième axe, il convient évidemment d'alléger le poids des charges financières et sociales pour les producteurs, surtout pour les plus petits d'entre eux, qui sont aujourd'hui menacés de faillite, comme vous le disiez à l'instant. Ce matin, j'ai annoncé pour ce faire le déblocage du fonds d'allégement des charges, avec l'aide du C rédit agricole. Cela permettra aussi d'aider à se reconvertir ceux qui le souhaitent, et uniquement ceux-là parce que nous ne voulons pas contribuer à un vaste mouvement de fuite de la profession, qui enclencherait un mécanisme de concentration.

Troisième axe, il faut édifier une véritable interprofession qui manque beaucoup dans la filière porcine et qui serait utile pour mieux maîtriser ce marché.


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Tels sont les trois axes que j'ai développés ce matin avec les responsables de la fédération porcine. Avec elle, nous continuons un travail qui est long et fastidieux mais qui, à terme, finira par porter ses fruits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

LUTTE CONTRE LA DÉMORALISATION

DES FORCES DE POLICE

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La semaine dernière, à Bailleul, dans le Nord, un policier a été abattu par deux voleurs de voitures qui, hélas ! courent toujours. Le week-end dernier, deux policiers ont été agressés et blessés par des délinquants qu'ils tentaient d'interpeller en flagrant délit. Ce sont vingt policiers en 1998 et six déjà en 1999 qui auront payé de leur vie la défense et la protection de nos concitoyens.

Dans le même temps, nous assistons à des mises en cause et des condamnations de policiers, de plus en plus nombreuses qui suscitent une indignation et une émotion légitime, dans leurs rangs. Je ne citerai que les exemples de ce policier renvoyé devant la cour d'assises des AlpesMaritimes pour avoir tenté d'interpeller à la frontière italienne un convoi d'immigrés clandestins,...

M. François d'Aubert.

Scandaleux !

M. Christian Estrosi.

... de cet autre placé sous contrôle judiciaire à Toulouse en décembre dernier alors qu'il accomplissait une mission difficile dans un quartier difficile...

M. Jacques Myard.

Inacceptable !

M. Christian Estrosi.

... ou encore, il y a trois semaines, à Marseille, de ce policier qui a été placé en garde à vue alors qu'il a tiré, en état de légitime défense face à un voyou qui lui fonçait dessus.

M. Jacques Myard.

Révoltant !

M. Christian Estrosi.

Plus récemment encore, ont été condamnés à Versailles des membres de la police judiciaire qui s'étaient vu confier une mission dans une lourde affaire de trafic de stupéfiants.

Face à la montée inexorable de la délinquance que votre Gouvernement semble bien incapable d'endiguer (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), nous voyons nos policiers de plus en plus confrontés non seulement à des missions périlleuses, mais à une véritable menace juridique !

M. Jacques Floch.

Démagogue !

M. Christian Estrosi.

Alors, monsieur le Premier ministre, si nous ne voulons pas assister à une véritable démobilisation de nos policiers - je vous rappelle que, la semaine dernière, trois cents d'entre eux ont déposé symboliquement les armes -, ne pensez-vous pas que votre Gouvernement doive apporter un soutien plus déterminé et plus courageux à l'action qu'ils mènent au service de la protection de nos honnêtes concitoyens, face au sentiment d'impunité qu'ont, hélas ! trop de voyous et trop de délinquants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Démago !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, il est vrai que les policiers sont chargés d'exécuter, pour le compte de la nation, une mission extrêmement délicate et difficile qui consiste à faire respecter la loi, et que la police et la justice doivent remplir cette mission de concert, comme d'ailleurs le code de procédure pénale, dans ses articles 12 et 13, leur demande de le faire.

C'est une mission évidemment délicate par définition, puisqu'il s'agit précisément, dans des situations difficiles, de contraindre respecter la loi ceux de nos concitoyens qui n'y sont pas disposés.

C'est parce que nous sommes dans un Etat de droit que nous devons tous veiller à faire en sorte que la police et la justice puissent exercer ces missions dans les meilleures conditions possible. Leurs fonctionnaires étant dépositaires de l'autorité publique, ils doivent au premier chef, et avant tout, respecter eux-mêmes la loi, eux qui sont chargés de la faire appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Vannson.

Ce n'est pas la question !

Mme la garde des sceaux.

Personne, dans notre pays, n'est à l'abri de l'application de la loi, monsieur Estrosi ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

D'ailleurs, sur le très grand nombre d'interpellations et sur les 300 000 gardes à vue réalisées chaque année, il y a heureusement très peu de cas comme ceux que nous avons vu jugés par le tribunal de Versailles la semaine dernière.

Je voudrais ici rendre hommage à la très grande majorité des policiers (« Ah ! tout de même ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) qui ont une très haute conscience de la mission qui leur est confiée par la République.

Monsieur le député, vous-même, étant élu de la nation, chargé ici de faire les lois, vous devriez avoir pour première préoccupation de les faire appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Pas de leçon !

MOYENS DE LA JUSTICE

M. le président.

La parole est à M. Lucien Degauchy.

M. Lucien Degauchy.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.

Madame la ministre, sachez d'abord que nous ne sommes pas du tout satisfaits de la réponse que vous avez formulée à la question de notre collègue Estrosi. Ce n'est pas ce que nous attendions, loin de là ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Madame la ministre, en dépit des promesses, les tribunaux restent les parents pauvres en matière de moyens et d'effectifs. A Beauvais notamment, mais aussi dans


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d'autres tribunaux, les avocats sont réquisitionnés pour parer à la carence des magistrats, afin d'éviter que les affaires ne soient renvoyées à de longs mois. Procédure légale, certes, mais sûrement pas souhaitable dans la durée. Et Dieu sait si cela dure, à Beauvais ! J'ai là, madame la ministre, et j'en tiens une photocopie à votre disposition, la motion qui a été rédigée par les avocats du barreau de Beauvais. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle dénonce les pratiques consistant à faire d'eux des juges un jour et des arbitres le lendemain, ce qui est à leurs yeux inacceptable. Selon eux, c'est la démonstration de la défaillance du service public de la justice. En effet, l'effectif de ce tribunal, qui est de seize, en théorie, est réduit à neuf - pratiquement la moitié.

Madame la ministre, vous avez parlé de grandes réformes, réformes d'ailleurs initiées par le Président de la République. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Tous les Français les attendent. Mais à quoi bon tout cela si, sur le terrain, les moyens ne sont pas mis en oeuvre pour les appliquer ? Vos pratiques, madame la ministre, me font penser à celles de votre collègue de l'éducation nationale.

Pouvez-vous me dire ce que vous envisagez de faire pour régler ces situations tout à fait inacceptables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je me propose de faire exactement le contraire de ce qu'avait fait mon prédécesseur ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Parce que nous sommes aujourd'hui obligés de gérer la pénurie organisée par M. Toubon ! (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Comme vous le savez, il faut deux ans et demi pour former un magistrat et un an et demi pour former un greffier. La situation que nous subissons actuellement dans les tribunaux résulte donc, compte tenu de ce décalage, de l'absence de recrutement fin 1996 et début 1997.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pour le reste, la réforme que le Gouvernement a voul ue avec, c'est vrai, l'accord du Président de la République avance. Nous achevons l'examen des deux textes sur la justice au quotidien et nous avons commencé celui du projet de loi sur la présomption d'innocence.

L'amélioration de la justice au quotidien avance et ses moyens augmentent.

L'année dernière, nous avons recruté 70 magistrats et 230 fonctionnaires, cette année, nous en recruterons respectivement 140 et 230, ce qui constitue le record depuis quinze ans.

Pour lutter contre la délinquance juvénile, nous allons recruter 1 000 éducateurs en deux ans, alors que nous n'en avons que 3 000 en tout et que nous nous trouvions à cet égard, fin 1997, au même niveau qu'en 1983.

Monsieur le député, avant de prétendre donner des leçons, vous auriez dû regarder la réalité.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mais, rassurez-vous : les moyens suivent, la réforme avance, et le service public de la justice continuera à s'améliorer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Alain Madelin.

M. Alain Madelin.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur le drame du Kosovo.

Elle me fournit l'occasion de rappeler que nous sommes totalement solidaires de l'action engagée par la France aux côtés de ses alliés. Nous ne pouvions pas accepter plus longtemps que des Européens massacrent d'autres Européens sur le sol européen. C'eût été nous rendre coupables de non-assistance à peuple européen en danger.

Et j'ai même ajouté que nous considérons comme une sorte de progrès de la conscience européenne que de placer les droits de l'homme au-dessus de la sacro-sainte souveraineté des Etats et qu'il eût sans doute été mieux pour l'Europe, car cela eût pu lui permettre d'exister davantage, qu'elle affirme très tôt sa volonté de déployer le cas échéant - je dis bien : le cas échéant - une force terrestre.

Mais ma question, à cette heure, ne porte pas sur la question militaire ou sur la solution politique, elle porte sur le drame humanitaire.

Monsieur le Premier ministre, aviez-vous prévu l'afflux massif de réfugiés ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Et si la réponse est oui, car on n'ose craindre une autre réponse, n'était-on pas capable d'organiser à temps les ponts aériens, les accords diplomatiques et financiers et de négocier avec les pays concernés la libre circulation de l'aide humanitaire (Exclamations sur les mêmes bancs) ... pour faire en sorte que les Français aient le sentiment que tout a été prévu et que tout est engagé pour mettre fin le plus tôt possible à un tel drame ? Enfin, monsieur le Premier ministre, l'Union européenne - et pourquoi pas à l'initiative de la France ? - ne pourrait-elle pas délivrer un titre d'identité aux réfugiés qui ont perdu leur identité en franchissant la frontière ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

M. le président.

Mes chers collègues, laissez l'orateur s'exprimer, c'est la règle ici.

Monsieur Madelin, concluez.

M. Alain Madelin.

L'Union européenne, disais-je, monsieur le Premier ministre, ne pourrait-elle pas leur délivrer un titre d'identité et reconnaître leur situation de réfugié ?

M. Didier Boulaud.

Qu'en pense M. Debré ?

M. Alain Madelin.

Même si, à l'évidence, la solution de ces problèmes ne passe pas par l'exil et par la dispersion en France ou en Europe de ces réfugiés du Kosovo, mais


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par leur retour dans leur pays, ce serait un geste de solidarité européenne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Démago !

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, vous nous interrogez sur notre capacité à prévoir ce qui allait se passer.

Le Premier ministre, dans la réponse qu'il a faite hier à la représentation nationale, a déjà rappelé qu'il était tout de même difficile d'aider M. Milosevic dans le travail d'épuration ethnique auquel il se livre en organisant par avance les camps vers lesquels il aurait dû envoyer les réfugiés.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Pouvions-nous faire plus vite ? Le problème est de grande ampleur ; il y a probablement un peu plus de 500 000 réfugiés actuellement, quelques dizaines de milliers vers le Monténégro et la Hongrie, 220 000 à 250 000 vers l'Albanie et autant vers la Macédoine, à une différence près, qui est essentielle : l'Albanie accueille et veut accueillir les Albanais du Kosovo, les Macédoniens craignent que leur arrivée massive ne vienne déséquilibrer une situation ethnique au demeurant fragile et qu'une crise politique ne vienne se doubler d'une crise humanitaire, mais aussi économique, surtout en Macédoine, qui dépend pour presque les trois quarts de l'économie yougoslave.

Il faut d'abord agir en urgence pour sauver ces malheureux. La France a été l'un des tout premiers pays à s'y employer avec l'Italie. Actuellement, un pont aérien achemine chaque jour environ 50 tonnes de matériel : des tentes, de la nourriture, des kits sanitaires, des couvertures, des vêtements. Nous organisons l'envoi de colis familiaux, destinés à permettre à la générosité qui s'exprime chez nos concitoyens de s'employer efficacement.

L'acheminement de l'aide au plus près des réfugiés a été très difficile dans les premières heures, car il fallait des moyens héliportés. Actuellement, les moyens sont acheminés, chaque jour, au plus près. Là encore, une différence : si l'Albanie a laissé entrer les réfugiés, c'est seulement depuis quelques heures qu'on les laisse passer en Macédoine. Pendant plusieurs jours, ils ont été concentrés à la frontière, déjà déportés par Milosevic, pas encore accueillis par les Macédoniens, mais la situation est en train de se détendre un peu.

S'agissant des moyens financiers, 75 millions ont été mobilisés dans un premier temps, qui s'ajoutaient aux 50 millions de l'aide que nous apportons au travers des instances européennes. Le Premier ministre a annoncé hier que nous allions tripler cette somme, portant à 225 millions de francs cette aide bilatérale.

La protection civile, la cellule d'urgence du quai d'Orsay, qui coordonne, le SAMU international, les ONG jouent un rôle, mais aussi les militaires français, notamment ceux qui, autour de Skopje, réceptionnent et acheminent l'aide en question et vont pouvoir sécuriser les camps, ce qui correspond à une seconde étape : accueillir les réfugiés dans des camps organisés en attendant qu'ils puissent retourner dans leur pays. L'objectif - le Premier ministre a centré son intervention sur ce point, et c'est aussi l'analyse à laquelle s'est livré le Président de la République hier soir -, c'est de permettre aux réfugiés de rentrer chez eux. Pour les avoir rencontrés directement, je peux vous dire que c'est ce qu'ils veulent, et non pas être dispersés aux quatre coins de monde.

Il est vrai que leur identification pose problème, puisqu'on les a dépouillés de leurs papiers d'identité. On va jusqu'à enlever les plaques minéralogiques des voitures, de façon qu'aucune preuve d'appartenance au Kosovo ne puisse ensuite être présentée.

L'identification, c'est une procédure juridique qui est de la responsabilité normale des pays qui accueillent. Elle peut également être effectuée par le Haut Commissariat aux réfugiés, en vertu du mandat qu'il détient de l'ONU.

Nous n'avons pas, nous, à donner aux réfugiés une identité, mais nous pouvons leur appliquer les dispositions que prévoit la loi française et en particulier leur donner un certificat de séjour provisoire.

La France ne se fermera pas aux réfugiés. Les situations particulières que nos ambassades sont déjà chargées d'examiner pourront nous amener à en accueillir un certain nombre, ceux, par exemple, qui auraient des attaches familiales avec la France, ou dont la santé ou le handicap physique justifierait un rapatriement spécifique.

Bref, la France est très présente sur place, son action très appréciée, j'ai pu le vérifier, et je veux moi aussi rendre hommage à ceux qui se battent pour mettre en oeuvre cette solidarité, et surtout aux familles de Macédoine et d'Albanie qui ont été les premières à accueillir des réfugiés et qui ont déjà fait un effort considérable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur de nombreux bancs et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

SERVICE DE L'EAU

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Ma question s'adresse à

M. le Premier ministre.

L'eau est aujourd'hui l'objet de toutes les convoitises.

La libéralisation de ce service essentiel ne bénéficie pas toujours à nos concitoyens, qui ne sont donc, de ce fait, pas égaux devant le prix et la qualité de l'eau.

Je suis souvent amenée à rencontrer des gens démunis auxquels on vient de couper l'eau parce qu'ils n'ont pu régler leurs factures successives. La loi de lutte contre les exclusions règle en partie ce problème en leur permettant de bénéficier d'une prestation minimale. Pour autant, il y a lieu de s'interroger sur ce qu'est devenue la gestion de l'eau en France.

L'actualité récente démontre que les grands groupes tels que Suez, Lyonnaise des Eaux ou Vivendi, pour ne citer que les principaux, se sont fixé pour objectif le contrôle de la gestion et de la distribution de l'eau à l'échelle internationale, sans que les intérêts des usagers soient pris en compte.

Puisqu'il n'est certainement plus l'heure de songer à la création d'un grand service public de l'eau, ce que je regrette vivement, n'a-t-on pas intérêt aujourd'hui à encourager, face à cette dérive, les municipalités qui le souhaitent à revenir à une gestion en régie ? Le prix de l'eau serait alors sûrement inférieur à celui pratiqué par les grands groupes privés.

Quelle action le Gouvernement compte-t-il mener afin de limiter les abus dans ce domaine et de garantir l'accès égalitaire de tous les citoyens au service de l'eau ?


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De même, ne serait-il pas souhaitable d'encourager, voire d'obliger les grandes multinationales à réinvestir une grande partie de leurs bénéfices afin, au moins, d'améliorer la qualité de l'eau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la députée, des scandales au cours des années passées ont mis en évidence la grande hétérogénéité du prix de l'eau sur le territoire national. En moyenne, il est aujourd'hui de 16,50 francs du mètre cube, avec de grandes distorsions liées au choix qui a été fait il y a des décennies. L'eau paie l'eau et, selon la proximité et la qualité de la ressource et la qualité du service rendu aux usagers, il peut exister de grandes différences.

La hausse annuelle moyenne du prix du mètre cube entre 1993 et 1997 a été de 8 % par an. Elle s'est ralentie depuis : 4 % par an en moyenne. Cela correspond, bien sûr, à une stabilisation du montant des travaux engagés par les collectivités locales, mais aussi à une stabilisation de la redevance perçue par les agences de l'eau.

La différence entre le prix de l'eau selon le système de gestion reste notable. En gestion déléguée, il est en général supérieur de 20 % à ce qu'il est en régie directe. Cette différence tend à s'estomper. Elle était de 20 % à 22 % en 1995, 1996 et 1997 et de 15 % seulement en 1998.

Des efforts ont été réalisés ces dernières années pour améliorer la transparence du prix de l'eau et aider les élus et les collectivités locales à s'y retrouver dans le maquis des dispositifs. Je pense, bien sûr, au rapport annuel sur la qualité et le financement de l'eau. Je pense aux efforts faits pour clarifier la facture d'eau, aux dispositions de la loi du 29 juillet 1993 relative à la prévention de la corruption, qui donne un cadre légal pour les procédures de délégation. Je pense encore à la commission consultative des services publics locaux mise en place par la loi du 6 février 1992.

Cet arsenal nous paraît encore insuffisant et, lors d'une communication au conseil des ministres au mois de mai dernier, j'ai annoncé la mise en place prochaine d'un haut conseil du service public de l'eau et de l'assainissement. Le décret est pratiquement prêt aujourd'hui. Ce haut conseil devrait non seulement émettre des avis sur l'évolution du prix de l'eau, sur les composantes de la facture d'eau et notamment sur la part qu'y prend de plus en plus souvent la part fixe, ce qui est un élément essentiel si l'on veut une approche sociale du prix de l'eau, mais aussi formuler des propositions pour améliorer encore la transparence dans ce secteur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet.

M. le ministre délégué à la coopération ayant répondu à une partie de la question que je souhaitais poser, je m'adresserai à M. le ministre des affaires étrangères pour reprendre une partie de cette question et la poursuivre.

Monsieur le ministre, hier, devant la représentation nationale, M. le Premier ministre indiquait les modalités de notre participation financière et matérielle à l'aide humanitaire d'urgence apportée aux réfugiés fuyant le climat de haine et de terreur du régime de Slobodan Milosevic. Cette mobilisation de nos forces militaires, des organisations humanitaires et des opinions publiques traduit notre attachement aux valeurs de liberté et d'humanisme.

M. le ministre délégué à la coopération est revenu à l'instant sur les mesures mises en oeuvre afin de prévoir d es structures adaptées à des conditions d'accueil décentes, respectant les normes sanitaires pour ces milliers d'hommes, de femmes et d'enfants exposés tant aux aléas climatiques qu'aux risques épidémiques.

Au-delà, et conformément à notre volonté de ne pas éloigner la population kosovar de sa terre natale, afin de prévenir tout risque de déstabilisation de cette région, il me semble qu'il est de notre devoir d'assurer à l'Albanie, à la Macédoine et au Monténégro une première aide économique d'urgence et, plus encore, de leur proposer, dans un cadre européen, un engagement structuré sur le plan de la coopération économique et du développement.

Enfin, nos concitoyens ne sont pas restés insensibles au drame qui se déroule dans les Balkans. A côté de l'engagement sur place des autorités publiques et des ONG, les collectes de fonds, de denrées, de vêtements se multiplient et sont une autre expression de cette chaîne humanitaire et de solidarité entre les peuples.

Hier, M. le Premier ministre a donné son accord pour l'accueil temporaire sur notre sol d'un certain nombre de personnes déplacées qui en feraient la demande, évoquant une action particulière en faveur des blessés, des personnes malades et des handicapés. Aujourd'hui, nombreux sont les Français disposés à les recevoir, et il apparaît opportun que le Gouvernement définisse rapidement un cadre.

Pouvez-vous nous indiquer, au-delà de la mise en oeuvre de l'aide humanitaire sur le terrain et des perspectives de son développement pour les jours qui viennent, les mesures concrètes déjà prises en matière d'aide économique d'urgence à l'Albanie, à la Macédoine, au Monténégro, ainsi que, à plus long terme, les mesures qui pourraient être envisagées en matière de coopération et d'aide au développement de ces pays ? Pouvez-vous nous donner des détails sur la mise en oeuvre concrète de l'accueil de réfugiés sur notre territoire ? Enfin, au-delà des perspectives humanitaires, militaires et diplomatiques de ce conflit, pouvez-vous nous expliquer comment vous analysez aujourd'hui les récentes déclarations des autorités yougoslaves appelant à un cessez-le-feu unilatéral ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

En ce qui concerne l'aide humanitaire, monsieur le député, comme l'a annoncé le Premier ministre et répété M. Josselin, la France a été au premier plan, à la fois sur le terrain - la situation étant différente en Albanie et en Macédoine, les problèmes et les demandes des gouvernements n'étant pas les mêmes, et même contraires -, à Genève et à Bruxelles, pour que s'organisent très rapidement la concentration, l'acheminement et la coordination des secours et pour que les déportés - puisque le terme de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

réfugiés est impropre - trouvent au plus tôt une issue à leur situation. Cet effort est engagé. Il y a demain une réunion importante à Bruxelles, au cours de laquelle nous allons répondre aux questions que vous posiez et notamment décider de la forme la plus adéquate de l'aide à apporter à l'Albanie, à la Macédoine, mais aussi, ne l'oublions pas, au Monténégro. Je viens d'avoir il y a quelques minutes au téléphone le président du Monténégro.

Il m'a demandé un soutien politique et concret. Nous le lui apporterons.

Nous avons hier appris que, d'une façon unilatérale, les autorités de Belgrade annonçaient qu'elles cessaient un feu qu'elles n'auraient jamais dû ouvrir sur les habitants de Kosovo. C'est ce qui a fait partir les habitants du Kosovo, et pas autre chose ! Logiquement, nous avons répondu par un certain nombre de questions, tout en prenant acte naturellement de cette annonce dont nous voudrions savoir si elle est concrétisée sur le terrain.

Il appartient aux autorités de Belgrade de nous prouver tout de suite que c'est une réalité et que toutes les actions menées pour terroriser la population ont été immédiatement stoppées. Sont-elles prêtes à ce que l'on vérifie l'arrêt immédiat de toute action offensive, de toute action de répression ? Au-delà, parce que cela forme un tout, sont-elles prêtes à un retrait des troupes militaires, paramilitaires et de police dans le Kosovo, au minimum au niveau fixé en octobre dernier ? Sont-elles prêtes à proclamer immédiatement le droit au retour des réfugiés, qui ne demandent que cela, qui ne veulent pas être dispersés, qui veulent aujourd'hui rester proches du Kosovo et y revenir dès que possible, mais en sécurité, et commencer à le mettre en oeuvre ? Les autorités de Belgrade acceptent-elles de revenir dans un cadre politique, notamment à partir des accords de Rambouillet, ce à quoi nous travaillons en ce moment pour préparer l'avenir avec les autres diplomaties occidentales et en liaison étroite avec nos partenaires russes ? Sont-elles prêtes à accompagner cette démarche politique du rétablissement de la sécurité sur le sol, dont on voit bien, plus encore qu'il y a quelques jours, après cette démonstration par l'absurde, le tragique et l'horreur, qu'elle est inséparable de tout accord politique ? Telles sont les questions que nous avons posées en réponse à ce qui est pour le moment une seule annonce, partielle. Qui pourrait contester de telles interrogations ? Nous attendons les réponses.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) PÊCHE

M. le président.

La parole est à M. René Leroux.

M. René Leroux.

Monsieur Glavany, vous êtes régulièrement interrogé dans cet hémicycle en votre qualité de ministre de l'agriculture, mais vous êtes aussi chargé de la politique de la pêche, et c'est à ce titre que je vous interrogerai aujourd'hui.

Le 30 mars dernier, un conseil des ministres non décisionnel s'est tenu à Bruxelles. Divers thèmes ont été abordés, portant notamment sur les actions structurelles en faveur de la pêche sur l'IFOP, l'instrument financier d'orientation de la pêche, comme instrument unique de financement - question dont nous avons débattu ici -, sur la conservation de la ressource et sur l'organisation commune des marchés.

Cette rencontre préfigure le conseil du 10 juin prochain. Puis, nous entrerons dans le processus de révision de la politique commune des pêches pour les cinq années à venir.

Monsieur le ministre, quelles conclusions tirez-vous du conseil du 30 mars et quelles orientations entendez-vous prendre afin de mettre en place une politique durable de la pêche au niveau national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, le 30 mars dernier s'est tenu en effet un conseil « pêche » à Bruxelles, avec deux points essentiels à l'ordre du jour : les actions structurelles et la réforme de l'organisation commune des marchés.

En ce qui concerne les actions structurelles, je me suis élevé avec force, au nom du gouvernement français, contre un texte qui anticipe sur l'existence même des futurs plans d'orientation pluriannuels, les POP, alors que le POP IV n'en est qu'à mi-parcours. Ce faisant, nous pourrions remettre en cause une décision qui a été prise en juin 1997 par le conseil « agriculture ». J'ai contesté la forme, mais aussi le fond de ces propositions : à mon avis, elles ne font pas droit à l'essentiel des revendications françaises, tant en ce qui concerne la subsidiarité que le renchérissement des navires d'occasion ou la concentration des armements. De même, je n'ai pas voulu accepter les conditions imposées pour l'attribution des aides publiques aux constructions de navires. J'ai donc repoussé la très grande majorité de ces propositions.

Cela dit, je suis plutôt optimiste, puisque, je me suis trouvé d'accord avec onze de mes collègues européens sur cette position. Par conséquent, dans le cadre de la préparation du conseil du mois de juin auquel vous faites allusion, j'ai le sentiment que la Commission sera obligée de revoir sa copie compte tenu de cette majorité assez large qui s'est exprimée le 30 mars dernier.

Quant à la réforme de l'organisation commune des marchés, je suis plus optimiste, puisque la proposition de règlement avancée par la Commission va dans le bon sens et préserve l'ensemble des revendications que la France a été amenée à avancer ces dernières années, et ces derniers mois en particulier. Nous avons un peu plus de temps devant nous, puisque la réforme de l'OCM doit intervenir en 2002. C'est d'ailleurs pourquoi, lors de la première réunion du CSO pêche, le Conseil supérieur d'orientation des activités de la pêche, que j'ai installé il y a quelques semaines, j'ai proposé aux professionnels de l'amont et de l'aval de bien vouloir travailler avec mess ervices, afin que puisse être définie une position commune, qui soit celle de la France, celle des professionnels comme des pouvoirs publics, pour préparer cette négociation qui, je le pense très sincèrement, se présente bien. Mais il faut encore travailler un certain nombre de points, et il va de soi que je vous en tiendrai scrupuleusement informé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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BIOÉTHIQUE

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Monsieur le Premier ministre, le moment est venu de réviser la loi du 29 juillet 1994 relative à la bioéthique. Vous avez annoncé la semaine dernière, à Lyon, au cours du forum mondial des sciences de la vie - la manifestation Biovision -, les grands principes qui guident votre politique en la matière : soutien au développement des biotechnologies et maîtrise des risques qu'elles suscitent, prévention des risques de discrimination en ce qui concerne l'emploi des tests génétiques.

Par ailleurs, une mission interministérielle de dialogue avec l'ensemble des acteurs concernés par le développement des biotechnologies végétales va être mise sur pied.

Pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, nous donner des précisions sur les objectifs qui vont guider le Gouvernement dans le travail de révision de la loi, notamment en ce qui concerne le statut de l'embryon et le clonage ? J'aimerais également connaître les mesures que vous envisagez d'ores et déjà de prendre afin de garantir dans ce domaine les principes humains fondamentaux auxquels nous sommes attachés et qui, en aucun cas, ne doivent être sacrifiés sur l'autel de la loi du marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la députée, vous avez fait allusion à la manifestation Biovision qui a réuni, pendant trois jours, à Lyon (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Sourires), les meilleurs spécialistes des sciences de la vie. Je tiens d'ailleurs à féliciter la municipalité de Lyon, et les organisateurs de cette manifestation, car c'était la première fois qu'un tel aréopage scientifique était réuni sur notre territoire.

Vous avez évoqué la révision des lois relatives à la bioéthique. Nous nous sommes aperçus, lors de cette réunion de Lyon, combien les attentes étaient grandes, combien les sciences de la vie étaient développées mais aussi combien les craintes étaient nombreuses.

Dans leur sagesse, les membres du Parlement avaient demandé la révision des lois sur la biothique tous les cinq a ns. Nous y sommes. Le travail interministériel a commencé. La rédaction d'un premier projet sera confiée au Conseil d'Etat, avant que ce texte ne soit examiné ici.

Notre pays s'est doté, en 1984, d'un comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie. Puis, en 1988, en 1992 et en 1994, ont été adoptées les lois sur la bioéthique, lesquelles ont servi de modèles. En particulier, n otre pays a proposé au monde, à la conférence d'Oviedo, une rédaction qui semblait satisfaire tout le monde.

Cela dit, dans les deux domaines que vous avez cités, le clonage et la recherche sur l'embryon, les choses et les esprits ont beaucoup évolué en cinq ans.

En ce qui concerne le clonage, qui fait déjà l'objet d'une consultation interministérielle, un sondage révèle que les trois quarts de nos concitoyens y sont opposés quand il s'agit de reproduction à l'identique, mais, en revanche, que près de la moitié d'entre eux y sont favorables lorsqu'il s'effectue dans le cadre d'une démarche médicale destinée à lutter contre les maladies rares.

Un débat sur le clonage devra forcément avoir lieu, d'autant que la position des Anglo-Saxons, en particulier des Américains, est extrêmement différente de la nôtre.

Comme nous l'avons d'ailleurs dit dans une déclaration à l'UNESCO, nous sommes hostiles au clonage reproductif et au clonage humain.

S'agissant de la recherche sur l'embryon, les choses ont également évolué. Des encadrements seront nécessaires.

En tout cas, nous ne pouvons pas nous contenter d'opposer un refus, notamment lorsque l'encadrement est assuré par une équipe médicale ou lorsque les projets médicaux proposés sont précis. Quoi qu'il en soit, la discussion sera intéressante. Nous devrons reconsidérer le dispositif proposé, il y a cinq ans, car il est sans doute un peu trop limitatif et un peu trop figé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. le président.

La parole est à M. François Loos.

M. François Loos.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, lors de la discussion de la loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire, vous nous avez fait de grandes déclarations sur « l'exercice renouvelé de la démocratie, qui est une grande aspiration des citoyens ». (Exclamations sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et indépendants.) En ce moment, les systèmes d'aide à l'aménagement du territoire font l'objet de négociations avec les partenaires européens, et le sommet de Berlin vient de fixer les enveloppes globales. C'est donc l'heure de faire jouer l'exercice renouvelé de la démocratie, et nous sommes ici les premiers concernés. (Mêmes mouvements.)

Or que constatons-nous ? La consultation que vous avez lancée est purement formelle ; le Conseil national de l'aménagement du territoire reçoit des cartes qu'il est censé rendre avec ses observations en fin de réunion ; le Gouvernement ne répond à aucune demande...

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. François Loos.

... sauf pour dire que ce qui se passe à Bruxelles l'embarrasse ou que la DATAR élabore des scénarios.

Je vous rappelle qu'en 1993, dans une situation identique, les ministres chargés de la négociation avaient régulièrement tenu les commissions compétentes et les régions informées de l'état d'avancement des négociations.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ma question est simple : avez-vous une politique d'aménagement du territoire ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Etes-vous prête à en débattre avec les régions et avec nous ? (« Non ! » sur les mêmes bancs.)

Voulez-vous donner à l'équilibre des territoires toutes ses chances ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Qu'attendez-vous pour nous fournir les éléments d'information que vous avez pour recueillir nos suggestions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, qui chercherait à faire oeuvre d'historien en examinant dans les archives de la DATAR les conditions dans lesquelles avait été mené l'exercice précédent ne pourrait que conclure qu'il n'y avait eu pratiquement aucune concertation (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Bernard Roman.

Eh oui ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... mais tout au plus une information.

Ce n'est pas la démarche que j'ai choisie : je me suis rendue, chaque fois que j'en ai eu l'occasion, devant les commissions parlementaires concernées pour exposer la politique du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) De même, j'ai animé avec Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, plusieurs réunions de concertation avec des élus et des représentants des collectivités territoriales pour les informer de l'avancée des discussions, des difficultés auxquelles nous étions confrontés et des solutions que nous préconisons pour y répondre.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Francis Delattre.

C'est faux ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Quant au CNADT mis en place par la loi du 4 février 1995 - loi à laquelle vous sembliez très attaché lors du débat parlementaire -, je voudrais vous rappeler qu'il est composé pour moitié de parlementaires et de représentants élus des collectivités territoriales et de leurs groupements. Je me réjouis d'ailleurs de voir que les membres du CNADT sont en général très présents et qu'ils contribuent de façon très utile à notre réflexion.

Venons-en au fait. Le cadre est désormais un peu mieux connu depuis le sommet de Berlin. En effet, les grandes lignes de l'Agenda 2000 ont été arrêtées. Nous savons que nous disposerons pour la prochaine génération des fonds structurels d'une enveloppe de 213 milliards d'euros seront mobilisés un peu plus des deux tiers dont au titre de l'objectif 1 et 11,5 % au titre de l'objectif 2.

Il est vrai que c'est moins que nous l'avions espéré. Mais nous sommes confrontés à une volonté européenne de concentrer les moyens sur les zones qui en ont le plus besoin, - mais telle est la vocation d'une politique destinée à corriger les inégalités territoriales. Nous devrons présenter des cartes qui tiendront compte de ces difficultés.

Par ailleurs, si la tradition française était de faire appel en priorité aux fonds mobilisés au titre des anciens objectifs 2 et 5 b , bien d'autres moyens peuvent être mobilisés sur les territoires : je pense, par exemple, aux 14 milliards d'euros qui sont inscrits sous la ligne directrice agricole au titre du développement rural et qui ne sont pas zonés ; au fonds social à l'emploi, qui, lui non plus, n'est pas zoné et qui est singulièrement renforcé pour la prochaine génération ; aux zonages nationaux et aux politiques qui y sont liées, politiques que nous sommes en train de réexaminer pour les rendre le plus efficace et le plus près possible de la réalité des territoires.

M. Richard Cazenave.

Charabia ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La politique d'aménagement du territoire, ce n'est pas seulement le zonage des territoires, c'est aussi la mobilisation de ceux-ci autour des objectifs prioritaires que sont l'emploi et la solidarité territoriale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Philippe Vasseur.

Vous ne répondez jamais aux questions !

M. René André.

Des mots !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

LICENCIEMENTS

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, dans la Somme, les restructurations, les délocalisations et les licenciements se multiplient : c'est un véritable drame économique et humain.

La sucrerie de Beauchamp, qui fait 20 millions de francs de profits et emploie 158 salariés, annonce la fermeture de l'entreprise.

Yoplait, dont les profits sont en augmentation de 26 millions de francs et qui emploie 120 salariés, annonce aussi sa fermeture.

Massias dépose son bilan, provoquant ainsi le licenciement de 110 personnes.

La fusion de Goodyear et de Dunlop s'accompagne de mesures de chômage partiel, de 120 licenciements et de graves menaces sur l'avenir du site.

Curver délocalise après avoir perçu des dizaines de millions d'aides publiques.

AD, grande surface multinationale dont les profits sont considérables, licencie.

Partout, en Picardie comme dans le reste du territoire, il en est de même. Qu'on en juge.

Renault : 8,8 milliards de profits - soit un bénéfice en augmentation de 63 % - 8 500 licenciements dont 1 200 à Chausson !

M. Richard Cazenave.

Les 35 heures, ça marche !

M. Maxime Gremetz.

Sony : 8 milliards de profits, 12 000 licenciements ! Elf Aquitaine : 7,8 milliards de profits, 2 000 licenciements !

M. François Vannson.

Bravo la gauche plurielle !

M. Maxime Gremetz.

Alcatel : 15 milliards de profits, soit trois fois plus que l'an passé, 12 000 licenciements ! Levis Strauss : 500 salariés, fermeture de l'entreprise !

M. Yves Nicolin.

Que font les ministres communistes ?

M. Maxime Gremetz.

Seita : malgré des profits, fermeture des sites de Tonneins, de Nantes et de Morlaix en partie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Dans les grands groupes, les profits explosent de 32,5 % et les licenciements aussi : 10 000 par mois !

M. Dominique Dord.

Vive les 35 heures !

M. Maxime Gremetz.

Ne nous étonnons pas si, en dépit des dizaines de milliards de fonds publics destinés aux emplois jeunes et aux 35 heures, la courbe du chômage repart à la hausse ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plus que jamais la question du moratoire sur les licenciements dans les grands groupes qui font des profits, moratoire proposé par le groupe communiste, est d'actualité.

Nous avons déposé, par ailleurs une proposition de loi relative aux licenciements pour motif économique tendant à renforcer les dispositifs mis en place par la loi du 27 janvier 1993.

Madame la ministre, l'urgence et la nécessité de procéder à une réforme législative de la procédure des licenciem ents économiques apparaît évidente. Il n'est plus contestable qu'existe, en la matière, une responsabilité publique impérieuse. Que compte entreprendre le Gouvernement en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, même si, tout comme vous, je ne méconnais pas la situation de certains départements, notamment celui de la Somme, qui voient se multiplier les licenciements, je tiens tout de même à rappeler que la meilleure façon de lutter contre les licenciements, c'est de faire ce que nous faisons depuis deux ans, c'est-à-dire de relancer l'économie, de relancer la croissance (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Yves Nicolin.

La preuve !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... ce qui a permis de réduire le nombre des licenciement de 20 % par rapport à 1997 et de 29 % par rapport à 1996.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cela dit, j'estime comme vous qu'il est inacceptable que des entreprises ayant reçu des crédits publics licencient ou même se délocalisent sans qu'un contrôle de l'utilisation de ces crédits ait été réalisé. Il apparaît également inacceptable que des entreprises réalisant des bénéfices n'engagent pas, lorsqu'elles sont amenées à restructurer tel ou tel secteur - ce que l'on peut comprendre -, les m oyens nécessaires pour réindustrialiser les régions concernées ou pour reclasser les salariés qui sont confrontés à des difficultés.

M. Jean-Luc Warsmann.

La faute à qui ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la raison pour laquelle, dès notre arrivée aux affaires, en 1997, nous avons demandé aux inspecteurs du travail qu'ils refusent les plans sociaux dépourvus de mesures significatives de reclassement des salariés.

La réduction de la durée du travail, en tant qu'élément défensif, a d'ores et déjà permis d'éviter 15 000 licenciements. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Par ailleurs, un certain nombre de plans sociaux ont pu être améliorés grâce à l'intervention de l'inspection du travail.

Toutefois, il est évident qu'il faut aller plus loin, pour accroître la prévention des licenciements, pour rendre plus coûteux les plans sociaux opérés par les entreprises ayant les moyens de réindustrialiser et d'aider à la reconversion des effectifs - et nous y travaillons -, pour prévenir les licenciements grâce à une meilleure formation des salariés et des chômeurs - Mme Nicole Péry intègre fortement cette donnée dans la réforme sur la formation professionnelle qu'elle met en oeuvre - et pour mieux indemniser les salariés concernés lorsque, par malheur, des licenciements sont inévitables.

Nous travaillons actuellement sur l'ensemble de ces chantiers. Mais sachez bien que la situation de la Somme me préoccupe particulièrement. J'ai eu, comme vous et comme les élus du Nord, la même réaction lors de la fermeture de l'usine Levis à La Bassée, dont le président de Levis USA disait il y a à peine un an qu'elle était compétitive. Cette entreprise a fermé car la fabrication est aujourd'hui sous-traitée à une entreprise turque, ce qui a provoqué 600 licenciements.

M. Richard Cazenave.

Que fait le Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout cela doit nous amener à demander des mesures compensatoires en matière de réindustrialisation. Croyez bien que c'est ce que nous avons fait et que c'est ce que nous continuerons à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Richard Cazenave.

Ça patine un peu ! Le discours commence à dater ! RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL À FRANCE TÉLÉCOM

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, je voudrais appeler votre attention sur la situation sociale à France Télécom, dont je rappelle qu'une partie de ses salariés a fait grève et a manifesté la semaine dernière, à l'appel de plusieurs syndicats, contre un très mauvais projet d'application de la réduction du temps de travail à l'appel de plusieurs syndicats.

Alors même que la majorité de cette assemblée a voté un texte de loi pour une réduction du temps de travail créatrice d'emplois, le projet proposé dans cette entreprise envisage de recuter 11 500 salariés sur quatre ans, tout en supprimant, pendant la même période, 23 700 emplois.

On le voit, le solde pour l'emploi est très négatif.

Alors même que la majorité de cette assemblée a voté le plan emplois-jeunes, rompant ainsi avec la logique des petits boulots sous-payés et celle de la précarité, la part des salariés en contrats à durée déterminée par rapport à l'ensemble du personnel de France Télécom est passée de près de 5 % en 1995 à près de 10 % en 1997.

Outre la réduction des effectifs et la précarité de l'emploi, mon ami Claude Billard avait déjà souligné, le 2 mars dernier, l'inquiétude des personnels concernant la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

modification du régime indemnitaire de 44 000 agents techniques. Ce sont les personnels qui gagnent les plus petits salaires de France Télécom qui se voient déjà amputés d'une part importante de leur pouvoir d'achat.

Dans votre réponse, vous indiquiez que cette décision avait fait l'objet d'une large discussion avec les organisations syndicales. Or elles ne sont pas de cet avis et attendent toujours qu'une négociation soit ouverte à ce sujet.

Les quinze milliards de francs de bénéfices réalisés en 1998 par France Télécom ne profitent donc pas aux salariés. Ils ne profitent pas non plus aux usagers. En effet, l'abonnement a augmenté de dix francs au 1er mars, les tarifs des communications locales, de la carte téléphonique de cinquante unités et des renseignements ont augmenté, et, dans de nombreux quartiers populaires, on supprime des cabines téléphoniques.

Que compte faire le Gouvernement - je rappelle que l'Etat est actionnaire majoritaire - pour favoriser la création d'emplois stables dans le cadre de la réduction du temps de travail, pour arrêter les suppressions d'emplois, maintenir le pouvoir d'achat des salariés et assurer un service public de qualité aux usagers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, vous avez raison, le climat social à France Télécom n'est pas satisfaisant. Le Gouvernement avait demandé dès l'automne 1997 à l'entreprise de mettre en oeuvre une véritable politique de ressources humaines et une politique de relations sociales renouvelée pour donner au personnel une vision claire de son avenir, tenant compte de l'évolution mondiale de l'entreprise, pour répondre aux orientations générales souhaitées par le Gouvernement dès son accession au pouvoir, et, enfin, pour associer les collaborateurs de France Télécom aux grandes orientations et aux grandes décisions concernant l'entreprise.

Le Gouvernement souhaite comme vous que les questions actuellement soulevées, tels l'aménagement et la réduction du temps de travail, l'évolution de ce que l'on appelle le coutumier, c'est-à-dire le régime indemnitaire spécial d'un certain nombre d'agents ou encore les problèmes soulevés par la réorganisation de la restauration collective fassent l'objet d'une vraie négociation entre la direction générale et les organisations syndicales représentatives.

Cette négociation doit s'organiser autour de quelques principes : d'abord, la reconnaissance des efforts accomplis par le personnel, 30 000 personnes ayant en effet changé de métier au cours des dernières années pour adapter l'entreprise à la nouvelle donne concurrentielle, européenne et mondiale ; ensuite, un dialogue social véritable, avec la volonté de négocier sérieusement ; enfin, une concertation préalable sur tous les sujets que vous avez évoqués.

Des discussions sont en cours. A mes yeux, elles doivent aboutir rapidement, dans un esprit innovant, volontariste et constructif. Il n'y a aucune raison pour que, à France Télécom comme à Electricité de France, à Gaz de France ou à La Poste, on ne parvienne pas, par un dialogue social fondé sur la volonté mutuelle d'aboutir, à un véritable aménagement-réduction du temps de travail, à un recul de la précarité de l'emploi, bref, qu'on ne parvienne pas à atteindre le but que s'est toujours fixé le Gouvernement, c'est-à-dire une entreprise à la pointe de la technologie une entreprise qui réussisse, mais parce que le social va de pair avec le progrès économique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Je vais suspendre la séance pour permettre à la conférence des présidents de se réunir.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Arthur Paecht.)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

Mes chers collègues, compte tenu de la situation au Kosovo, M. le Président a proposé à la conférence des présidents qui vient de se réunir que, malgré l'interruption de nos travaux, l'Assemblée tienne le mardi 13 avril, à quinze heures, une séance de questions au Gouvernement.

Cette proposition, commandée par les circonstances, répond au souci légitime d'information de l'ensemble de la représentation nationale.

Il en est donc ainsi décidé.

3 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Explications de vote et vote sur l'ensemble d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, en deuxième lecture (nos 1479, 1482).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, à l'occasion du vote solennel de ce texte en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

deuxième lecture par votre assemblée, je voudrais d'abord remercier les deux rapporteurs de la proposition de loi relative au pacte civile de solidarité, remercier votre commission des lois pour le travail accompli ainsi que votre assemblée tout entière pour le souci d'apaisement qu'elle a manifesté et les progrès qu'elle a réalisés lors de cette deuxième lecture.

Nous avons, avec ce texte, franchi une étape importante.

On se souvient qu'au départ nombreux étaient ceux, ici même, qui niaient la nécessité de légiférer. Heureusement, cette position intenable a assez vite disparu, mais les mêmes ont alors plaidé qu'au lieu d'élaborer un texte u nique il suffisait de modifier successivement, par tranches, nos lois sociales ou fiscales.

Vous avez refusé, et vous avez bien fait, de procéder ainsi en catimini, sans vision d'ensemble. Vous avez préféré, et le Gouvernement avec vous, la voie de la clarté et de la reconnaissance des droits des couples non mariés, qui représentent, je le rappelle, près de cinq millions de personnes dans notre pays.

Bien entendu, d'importantes différences d'appréciation subsistent. Cependant, le débat a montré la pertinence d'une démarche qui permet de mieux épouser les évolutions de la société. Surtout, il a permis de faire évoluer les esprits, non seulement vers une plus grande tolérancee nvers les couples homosexuels, mais aussi vers la reconnaissance des droits des couples non mariés.

Le pacte civil de solidarité, qui permet de donner des droits à des personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier est un contrat qui a toute sa place entre l'institution du mariage et l'union libre. Il ne s'agit pas d'une institution obéissant à un modèle déterminé par l'Etat et s'imposant à tous. Il ne s'agit pas non plus d'un simple constat car le pacte constitue une possibilité d'organisation nouvelle de la vie en couple qui allie responsabilité et solidarité dans la vie quotidienne.

Vous avez apporté, au cours de la deuxième lecture, des améliorations techniques significatives, notamment sur la nature, le mode de déclaration et la conclusion du pacte, ainsi que sur le régime des biens et l'attribution préférentielle.

En ce qui concerne les fratries, question importante qui doit faire l'objet d'une réflexion spécifique, il était important de clarifier le débat...

M. Renaud Dutreil.

Vous êtes bien embarrassée !

Mme la garde des sceaux.

C'est bien du couple qu'il s'agit, même si le respect des personnes dans leur vie privée justifie que le pacte civil de solidarité puisse s'adresser à deux personnes liées, non pas forcément par des liens charnels, mais par l'affection, l'amitié ou le souhait de faire face ensemble à l'avenir.

A cet stade du débat, personne ne peut plus ignorer que le pacte civil de solidarité est neutre vis-à-vis de la famille,...

M. Charles Cova.

C'est faux !

Mme la garde des sceaux.

... non pas que les couples non mariés ne puissent constituer une famille puisqu'une grande partie d'entre eux élève les enfants qu'ils ont eus, mais parce que la situation de ces enfants ne peut dépendre de la conclusion par leurs parents d'un contrat.

Enfin, et c'est par là que j'en terminerai, vous avez souhaité, suivant en cela une proposition des sénateurs socialistes du Sénat, introduire dans le code civil une définition du concubinage pour que cesse la discrimination dont les couples homosexuels étaient victimes. Vous le savez, ce gouvernement a toujours été opposé, dès lors qu'il ne s'agissait pas de la filiation, à toute discrimination fondée sur le sexe. Puisqu'un doute subsistait sur l'évolution de la jurisprudence, je crois qu'il était en effet utile de clarifier notre démarche.

Le texte relatif au pacte civil de solidarité fait progresser l'harmonie entre les pratiques sociales, d'une part, et le droit, d'autre part. Lorsque l'on cherche à réconcilier ainsi l'évolution de la société et le droit, on fait oeuvre utile, et c'est la raison pour laquelle je vous demande, mesdames, messieurs les députés, de voter ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois, saisie dès juin 1997, son rapporteur Jean-Pierre Michel ainsi que le rapporteur pour avis, Patrick Bloche, ont pleinement rempli leur tâche d'écoute, d'analyse juridique et de proposition. Mais il a fallu consacrer beaucoup de temps et d'énergie à réfuter les critiques portées le plus souvent à la marge du texte, et même sur des sujets dont il ne prétendait pas traiter et que d'ailleurs il ne change en rien : le mariage, l'adoption, le droit des enfants.

Au terme de la deuxième lecture, je souhaite revenir sur le sens positif du texte et sur la nature du débat qu'il a suscité.

Le sens de ce texte est clair. Le PACS sera un vrai contrat moderne pour tous les couples qui, ne voulant ou ne pouvant se marier, souhaitent ne pas rester dans l'union de fait, veulent « sécuriser » leur relation et consacrer leur engagement mutuel.

Pour répondre à leur attente, nous n'avons voulu ni d'une solution communautariste ni d'une succession de petits arrangements juridiques et fiscaux. Au contraire, le PACS offrira un nouveau cadre juridique global et ouvert à tous, hétérosexuels comme homosexuels. Là est la condition de son efficacité juridique et pratique et, ce qui est aussi important, la condition de sa portée symbolique.

En effet, ce pacte assurera aux couples qui le choisiront une vraie reconnaissance par notre république laïque. Il aura, notamment pour les couples homosexuels, une signification décisive qui mettra fin à l'opprobre ou à l'indifférence, en un mot à la discrimination qui n'en finit pas de perdurer malgré les protestations de « tolérance » qui fusent ici ou là, occasionnellement. De toute façon, ce n'est pas de tolérance dont ces couples ont besoin - Jean Cocteau disait : « Je n'accepte pas qu'on me tolère » -, mais bien d'une reconnaissance.

Au-delà du texte lui-même, comment ne pas souligner l'évolution du débat ? Aujourd'hui, presque plus personne ne nie l'évolution des formes de vie et la nécessité d'y apporter des réponses juridiques. La cause de quelques-uns est ainsi devenue la cause de presque tous. Depuis de nombreuses années, l'action militante résolue d'associations d'homosexuels que certains ont sans cesse voulu présenter comme un petit lobby - a rencontré l'écoute et la détermination de quelques parlementaires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Aujourd'hui, et je m'en réjouis, c'est la volonté du Gouvernement de Lionel Jospin et de sa majorité tout entière qui va permettre de mener à bien une réforme de droit et de justice sociale très attendue.

De ces convergences est né dans le pays un débat d'une ampleur peut-être inattendue. Mais c'est à cette ampleur que nous mesurons mieux aujourd'hui, dans la société tout entière, les enjeux de cette réforme.

Nous entendons, certes, les résistances bien repérables qu'elle suscite, mais aussi l'adhésion profonde et paisible qu'elle rencontre chez une grande majorité de nos concitoyens. Cette adhésion tranquille a, de semaines en semaines, de plus en plus la force de l'évidence, malgré toutes les tentatives d'affolement et tous les pronostics de bouleversement de notre société.

Mme Christine Boutin.

C'est la méthode Coué !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Le PACS n'est pas une révolution, et les Français le savent : il n'est qu'une évolution de notre droit, trop longtemps attendue.

Réformer est bien la mission de notre majorité.

Comme l'ont si justement écrit deux sénateurs socialistes, Dinah Derycke et Jean-Pierre Bel, si « la loi n'a pas vocation à faire le bonheur des individus, elle doit contribuer à le permettre et à le protéger ».

Le PACS n'obligera ni ne privera personne. Il représentera pour celles et ceux qui s'en saisiront librement un vrai progrès de la justice, de la solidarité et de la dignité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Charles Cova.

Fermez le ban !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, après la deuxième lecture, faire le point, ce qui permettra à ceux de nos collègues qui n'ont pas assisté à nos débats de savoir sur quoi ils vont voter.

Le Sénat a profondément modifié le texte que l'Assemblée avait adopté à une très large majorité en première lecture, puisqu'il a, en quelque sorte, supprimé le PACS.

M. Francis Delattre.

Il a bien fait !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Il a cru se tirer d'affaire en introduisant dans la loi la reconnaissance du concubinage, lui ouvrant par là même un certain nombre de droits.

En deuxième lecture, nous avons suivi le Sénat dans ce qu'il avait voté de positif. Nous avons donc introduit dans la loi une définition de concubinage, mais en précisant, ce que le Sénat n'avait pas fait malgré les déclarations en séance publique de nombreux sénateurs et de leur rapporteur, qu'il est ouvert aux couples hétérosexuels et homosexuels.

Le Sénat a supprimé l'article que l'Assemblée avait voté en première lecture et qui étendait certaines dispositions du PACS aux fratries. Sur ce point, nous avons également suivi la sagesse du Sénat et nous n'avons pas rétabli cet article en deuxième lecture. Notre texte ne contient donc plus de dispositions relatives aux fratries. Au Sénat, Mme la ministre s'est engagée, au nom du Gouvernement, à ce que les problèmes que posent les fratries soient réglés dans des textes ultérieurs.

Le PACS est donc rétabli, mais avec des améliorations substantielles, notamment grâce à l'adoption d'amendements de vos rapporteurs, du Gouvernement, qu'il faut remercier encore pour les contributions qu'il a apportées tout au long de nos débats, et du groupe communiste.

C es améliorations reprennent des suggestions qui avaient été faites en première lecture, parfois d'ailleurs par l'opposition, ou ont été inspirées par les discussions, que nous avons eues entre les deux lectures au cours de séances de travail avec le Gouvernement, et par les auditions auxquelles nous avons procédé, notamment celles du professeur Hauser et de Irène Théry.

Ces améliorations portent d'abord sur la définition de la nature même du PACS. Il est en effet indiqué dans le texte qu'il s'agit bien d'un contrat. En outre, la procédure de conclusion du PACS est mieux précisée. Je vous rappelle à cet égard que le PACS sera enregistré au greffe du tribunal d'instance.

Ces améliorations portent également sur les modalités de la rupture, de la rupture unilatérale notamment. Le texte précise en effet que le juge du contrat pourra allouer des dommages et intérêts à celui ou celle qui aura été lésé par une rupture qu'il n'aurait pas voulue. Cela avait été dit au cours des débats, mais il est préférable que cela figure dans la loi.

Grâce à un amendement du Gouvernement créant une distinction entre les meubles meublants et les biens immobiliers, le régime des biens de l'indivision a aussi été amélioré.

Mais l'amélioration la plus sensible, celle qui sera la plus relevée par celles et ceux qui attendent le PACS, est la suppression des délais pour obtenir le bénéfice des dispositions relatives aux droits de succession. Le Gouvernement, il faut le souligner, ne s'est pas opposé à cet amendement de suppression. Il a même accepté de lever le gage.

Enfin, autre amélioration, la possibilité de rapprochement ouverte aux fonctionnaires grâce à l'adoption, avec l'accord du Gouvernement, d'un amendement du groupe communiste qui avait déjà été déposé en première lectu re. Il pourra ainsi y avoir non seulement un changement d'affectation, mais également un changement de corps.

Au total, on peut le dire, le texte que vous allez voter en deuxième lecture est donc supérieur à celui issu de la première lecture. Il est meilleur sur les plans technique et juridique. Il est beaucoup plus lisible politiquement, puisqu'il insère deux chapitres dans le code civil : l'un relatif au pacte civil de solidarité, l'autre sur le concubinage qui est un état de fait et qui sera ouvert à tout le monde.

Enfin, on a exclu les fratries du dispositif, ce qui contribue aussi à rendre l'ensemble plus lisible.

De mon point de vue, la navette parlementaire a correctement fonctionné. En tant que rapporteur de la commission des lois, je souhaite que cela continue, que le Sénat prenne acte du fait que l'Assemblée nationale va vraisemblablement approuver, à une très grande majorité, le texte issu de ses travaux de deuxième lecture et qu'il utilise ses talents juridiques et sa sagesse pour l'améliorer encore sur quelques points qui mériteraient de l'être.

Ainsi le Sénat justifiera-t-il le bicamérisme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour une brève intervention.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je n'abuserai pas, monsieur le président, de la possibilité de m'exprimer que vous me donnez.

En quelques mots et pour compléter les propos de Mme la ministre, de Catherine Tasca et de Jean-Pierre Michel, je souhaite simplement rappeler que la proposition de loi adoptée par le Sénat en première lecture présentait deux avantages et trois inconvénients.

Le premier avantage, c'est que le Sénat nous a dit clairement qu'il était nécessaire de légiférer en ce domaine.

M. Michel Hunault.

Mais c'est une explication de vote !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Le deuxième avantage, c'est que le Sénat - cela a été dit, répété et écrit à plusieurs reprises - a souhaité faire entrer le concubinage dans le code civil, ce qui n'a guère contribué à la cohésion de l'opposition, c'est le moins que l'on puisse dire ! La proposition de loi adoptée par le Sénat avait trois inconvénients.

Premier inconvénient : une définition du concubinage qui s'est arrêtée en chemin et qui, curieusement, dans un rapport exclusif et négatif au mariage, a plutôt confirmé la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui exclut du concubinage les couples homosexuels. Afin d'éviter que cette rédaction un peu « légère », comme l'a souligné lui-même le rapporteur de la commission des lois du Sénat, ne nous oblige ultérieurement à engager un débat interprétatif avec la Cour de cassation, nous avons fait oeuvre de clarté dans les termes qu'a rappelés JeanPierre Michel.

Deuxième inconvénient : le fait que le Sénat n'ait pas été jusqu'au bout de la logique qu'il avait lui-même choisie. Je m'étonne encore qu'il ait supprimé tous les droits que nous avions ouverts à partir du pacte civil de solidarité, alors qu'il aurait très bien pu, dans sa logique, ouvrir les mêmes droits à partir de la définition qu'il donnait du concubinage.

M. Robert Pandraud et M. Michel Hunault.

C'est une explication de vote !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Enfin, troisième et dernier inconvénient : la suppression, par le Sénat, du pacte civil de solidarité, que nous vous proposons aujourd'hui de rétablir. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a apporté sa contribution en présentant des amendements dont certains visent à rappeler que le pacte civil de solidarité est un lien social moderne. Jean-Pierre Michel a rappelé que le PACS était un contrat prenant naturellement place entre l'union instituée qu'est le mariage et l'union de fait qu'est le concubinage.

Le PACS ouvre des droits en contrepartie de devoirs de nature légale et protège, de ce fait, le plus faible, contrairement au concubinage, puisque là rien n'est form alisé. Nous avons réécrit le texte proposé pour l'article 515-7 du code civil. Le PACS est désormais plus lisible parce que centré principalement sur le couple, même si nous ne l'avons pas sexualisé. De ce fait, nous n'avons pas rétabli les fratries dans le dispositif puisqu'un groupe de travail présidé par l'un de nos collègues sera chargé de mener une réflexion sur ce problème particulier.

Enfin, le PACS ouvre droit à un barème et à un abattement spécifiques en matière de droits de succession et la deuxième lecture nous a permis de supprimer tout délai. Jean-Pierre Michel a eu raison de saluer l'extraordinaire compréhension de Mme la garde des sceaux à l'égard des propositions de la majorité parlementaire.

Le débat, en deuxième lecture, et je terminerai sur ces mots (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Robert Pandraud.

Enfin, ce n'est pas une explication de vote !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Je n'ai guère abusé !

M. le président.

Monsieur Bloche, concluez, s'il vous plaît !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Le débat en deuxième lecture a donc permis tous ces enrichissements.

Il s'est déroulé, il est vrai, dans des conditions bien différentes de ce que nous avions vécu à l'automne dernier.

Le contexte international a naturellement pesé sur nos échanges et sur la manière dont l'opposition a abordé cette lecture. Nous lui savons ainsi gré de ne pas avoir défendu l'intégralité de ses 600 amendements. Il est vrai que, comme souvent, le temps a fait son oeuvre. Nos concitoyens intègrent l'existence du PACS jusqu'à utiliser ce mot dans le langage courant. Comme l'a d'ailleurs souligné Jean-Pierre Michel, les médias et les notaires ont anticipé notre vote définitif, ce qui est plus qu'un signe.

Oui, plus que jamais, le PACS est une proposition raisonnable, certains ont même écrit : bien-pensante !

Mme Christine Boutin.

Faites attention ! L'ordre moral n'est pas loin, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Je ne sais pas trop ce qui signifie aujourd'hui « bien penser ». Est-ce penser moral, penser unique, penser majoritaire ? Ce que sais, en tout cas, et ce sera ma dernière phrase, c'est que le PACS est bien pensé pour répondre aux aspirations légitimes de nos concitoyens à une plus grande égalité des droits, pour moderniser notre droit qui en a parfois bien besoin. Mais n'est-ce pas là notre raison d'être ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Explications de vote

M. le président.

Nous en arrivons aux explications de vote.

Je vous rappelle qu'un orateur par groupe peut s'exprimer et que le temps de parole est limité à cinq minutes, en application de l'article 54, alinéa 3, du règlement.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le président, Mme la garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, sur laquelle nous a llons nous prononcer dans quelques instants en deuxième lecture, est le texte de la maturité, plus cohérent et plus signifiant. En effet, le PACS apparaît désormais comme le cadre intermédiaire de la vie en commun, entre la situation de fait qu'est le concubinage et l'institution qu'est le mariage.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Le PACS est destiné à régir les relations de deux personnes vivant en couple et qui ne peuvent pas, ne veulent pas ou ne veulent plus se marier, mais qui désirent obtenir une reconnaissance sociale et citoyenne de leur engagement commun.

La reconstruction du lien social que nous souhaitons tous impose un texte clair,...

Mme Christine Boutin.

Il n'est pas clair du tout !

M. Jean-Pierre Blazy.

... qui, respectant la neutralité de l'Etat dans les rapports de la vie privée, se refuse à prendre en compte des considérations ayant trait à la configuration du couple visé par le pacte civil de solidarité. Ce contrat est neutre au regard du droit de la filiation, de l'adoption, de la procréation médicalement assistée et de l'autorité parentale. Il ne constitue donc pas une alternative à la famille.

Le rétablissement du PACS en deuxième lecture n'a pas été le fait d'un réflexe majoritaire qui consiste à voter à l'identique le texte adopté en première lecture. Notre démarche fut celle de l'écoute, du dialogue et de la volonté d'améliorer ce texte qui va concerner quelque 5 millions de nos concitoyens. Ainsi avons-nous accepté la reconnaissance du concubinage homosexuel comme état de fait. Nous nous sommes également refusés à traiter la question difficile des fratries dans ce texte, question qui sera examinée séparément.

En somme, grâce à l'excellent travail des rapporteurs Patrick Bloche et Jean-Pierre Michel, la majorité plurielle, appuyée par le Gouvernement, tient ses engagements.

D'aucuns auraient pu penser qu'un tel débat de société aurait échappé au clivage gauche-droite, comme cela avait été le cas lors du débat sur l'IVG, il y a vingt-cinq ans, où la gauche alors minoritaire a su apporter son soutien à un texte de progrès social proposé par le gouvernement de l'époque.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy.

D'aucuns auraient pu penser que, dans une démocratie comme la nôtre, l'opposition traditionnelle entre l'ordre et le mouvement aurait pu s'effacer un instant et, que, au centre de nos débats, seule la prise en compte de l'intérêt général aurait prévalu.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

D'aucuns auraient pu penser qu'une certaine unanimité aurait pu se faire jour sur le constat que la nature de la relation entre deux adultes consentants ayant un projet de vie commune devait rester du domaine strictement privé. Nous avons été au regret de constater que tel n'était pas le cas.

Il est beaucoup plus facile d'utiliser la peur de l'autre, d'attiser la haine que d'affronter la réalité d'une société en mutation, c'est-à-dire d'une société qui vit.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

N'importe quoi !

M. Jean-Pierre Blazy.

La défense de la famille, dont l'opposition ne peut en aucun cas s'attribuer le monopole,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Blazy.

... ne justifie pas la mauvaise foi qui s'est manifestée sur les bancs de l'opposition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mesdames et messieurs de la droite, s'agissant des couples homosexuels, en utilisant le PACS comme un prétexte à la dénonciation d'un choix de vie et de sexualité, vous portez un jugement moral, certains diraient sectaire ou intégriste (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est vous qui êtes sectaire !

M. Jean-Pierre Blazy.

... indigne de représentants du peuple souverain dans un Etat laïc (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Zéro pointé !

M. Jean-Pierre Blazy.

En outre, vous mentez sciemment à nos concitoyens, car nous avons refusé d'entrer dans une logique communautariste et de créer un statut particulier pour les personnes homosexuelles, ce qui aurait par là même légitimé des processus d'exclusion intolérables dans un Etat de droit moderne.

M. Charles Cova.

Vous êtes les fossoyeurs de la famille !

M. Jean-Pierre Blazy.

Enfin, votre objectif politicien de ne pas vous laisser déborder par l'extrême droite sur cette question (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) a conduit certains d'entre vous à reproduire son discours homophobe.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Provocateur !

M. Jean-Pierre Blazy.

En deuxième lecture, votre croisade a fini par se réduire au discours d'un quarteron de députés dont l'archaïsme n'a pas su convaincre (Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. le président.

Mes chers collègues, laissez M. Blazy finir son explication. Quant à vous, monsieur Blazy, ne provoquez pas les réactions que vous entendez actuellement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Outin.

Ils ne sont pas obligés de réagir !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Blazy !

M. Jean-Pierre Blazy.

Je ne provoque pas, je dis ce qui est ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et je disais que, en deuxième


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

lecture, votre croisade, mesdames, messieurs de l'opposition, a fini par se réduire au discours d'un quarteron de députés dont l'archaïsme n'a pas su convaincre, y compris dans vos rangs, et qui brandit la troisième lecture comme ultime rempart.

Mes chers collègues, le caractère républicain et social du PACS est indéniable, car il tend à une plus grande égalité de droit entre tous les citoyens et leur ouvre la possibilité d'un choix réel quant à leur mode de vie à deux. Il n'y a pas de contradiction entre la politique familiale ambitieuse et rénovatrice que nous conduisons (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et le PACS. Le PACS comble un vide et répond à une aspiration profonde des Français : la liberté pour l'individu d'assurer et d'assumer ses choix de vie, notamment de vie amoureuse.

M. Patrick Ollier.

Il a dépassé les cinq minutes, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Blazy.

Notre société y aspire, et c'est pour cela que le groupe socialiste votera la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, la parole est à M. Henri Plagnol, et à lui seul !

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat en deuxième lecture a malheureusement révélé la vraie nature du PACS. Je ne parle pas de sa nature juridique, puisque désormais ce sera un sujet de dissertation classique pour étudiants en droit : « Qu'est-ce que le PACS ? » A cela, nous n'avons jamais eu le moindre élément de réponse.

Pour la majorité et pour le Gouvernement, le PACS n'a jamais été et ne sera jamais une réponse pragmatique et raisonnable aux problèmes soulevés par les nouvelles formes de vie en couple ou par les évolutions nécessaires du droit de la famille. Il ne s'agit absolument pas de préparer les esprits à une réforme de société qui puisse réunir l'immense majorité d'entre nous. Il s'agit, comme vient de l'illustrer M. Blazy, d'agiter le drapeau de l'idéologie pour diviser artificiellement les Français sur la famille en deux camps.

M. Gérard Gouzes.

Mais non !

M. Henri Plagnol.

D'un côté, le camp de ceux qui sont les héritiers des Lumières, qui sont acquis à la modernité (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), qui lutteraient contre toutes les formes de discrimination et, de l'autre côté, ceux qui sont prisonniers de la nuit et du conservatisme le plus archaïque.

(Mêmes mouvements.) Monsieur Blazy, je fais partie de ce quarteron de députés qui a continué à ferrailler inlassablement contre le projet de PACS. Nous considérons en effet que celui-ci est une très mauvaise réponse à la légitime volonté de résoudre les problèmes de la vie en commun des couples, quels que soient les choix de vie privée.

Je veux pour preuve de la nature idéologique du PACS qu'à aucun moment de notre débat vous n'avez montré un quelconque souci de concertation, que ce soit avec les associations familiales, avec les différentes familles de pensée de notre pays ou, bien entendu, avec l'opposition.

J'en veux pour preuve l'arrogance et l'inconséquence avec laquelle vous avez prétendu utiliser le travail du Sénat en le transformant à tel point que vous l'avez totalement vidé de sa signification.

Nos collègues du Sénat, à l'issue d'une démarche de concertation approfondie sur laquelle vous auriez dû prendre exemple, avaient proposé une alternative raisonnable au PACS, organisée autour de deux principes qui pouvaient tous nous rassembler : d'une part, la reconnaissance solennelle dans le code civil de la possibilité pour chacun d'organiser sa vie privée comme il l'entend, et, d'autre part, la réaffirmation du mariage républicain comme seul pilier de la famille et de la société.

Au lieu de vous inspirer de cette proposition du Sénat, de cette main tendue par l'opposition, afin d'aboutir à un consensus qui aurait pu nous rassembler, vous avez préféré empiler le PACS au-dessus des propositions du Sénat, sans rien changer à son esprit initial, de sorte que nous aboutissons à cette absurdité : le concubinage plus le PACS ! Etrange millefeuille juridique et social (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) puisque toutes les personnes seront confrontées à trois régimes juridiques : le concubinage, le PACS et le mariage. Comme s'il y avait de la place pour un régime hybride, intermédiaire entre le concubinage, l'union libre et le mariage ! Comme si le PACS ne devenait pas inutile une fois définitivement réglées les revendications légitimes des couples homosexuels, c'est-à-dire, je le rappelle, essentiellement le droit à l'assurance maladie du compagnon en cas de personne à charge et le droit au transfert ou à la continuation du bail ! Et si vous n'avez accordé aucun crédit au travail du Sénat, c'est parce qu'il démontre, comme nous n'avons cessé de le faire au cours de ces soixante-quinze heures de débat, que le PACS est totalement inutile, qu'il aurait suffit d'introduire quelques modifications dans la législation fiscale et sociale pour mettre définitivement fin à toutes ces formes de discrimination.

Mais le PACS n'est pas seulement inutile. Avec le système que vous avez retenu, il est dangereux, parce qu'il consacre le règne de la confusion et de l'irresponsabilité en multipliant les possibilités de fraudes et d'abus.

Il est dangereux parce qu'il va encore aggraver la décomposition de la famille, avec la précarité croissante de couples qui seront désormais à géométrie variable.

Il est dangereux parce qu'il ne dit pas un seul mot du sort du conjoint le plus faible. Celui-ci est protégé par le mariage, mais il ne l'est pas par ce contrat en trompel'oeil qui permettra l'exploitation du plus faible par le plus fort.

Il est dangereux enfin parce qu'il ne dit pas un mot des enfants, qui sont les grands oubliés de votre texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous avez même refusé de préciser qu'il ne puisse pas ouvrir droit à l'adoption par les couples homosexuels ou à la procréation médicalement assistée. Même ces gardefous, vous n'en avez pas voulu !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Il a dépassé son temps de parole, monsieur le président !

M. Henri Plagnol.

Votre acharnement idéologique a abouti à instituer une fracture qui n'existait pas dans la conception que les Français se font de la famille.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Vous avez voulu faire en 1999, sur le plan des moeurs, ce que vous ne pouvez plus faire, comme en 1981, sur le plan de l'économie : bouleverser la société et la famille à partir d'une réforme bâclée, aux fondements exclusivement idéologiques.

Il nous appartiendra, en nous inspirant du travail effectué par le Sénat, de proposer une vraie modernisation de la famille, avec, comme principal fondement, l'accueil et l'épanouissement de l'enfant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe Radical, Citoyen et Vert, la parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le calme est quand même revenu sur les bancs de cette assemblée après les fureurs que nous avons connues...

M. François Vannson.

A la suite de vos provocations !

M. Alain Tourret.

... lors de la première lecture de ce grand projet de société. La droite s'était arc-boutée sur des positions les plus extrêmes,...

M. Gérard Gouzes.

Crispée !

M. Alain Tourret.

... caricaturant à l'excès, au-delà de toute raison, l'une des grandes réformes de notre temps.

(Exclamations sur les bancs du groupe Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais, finalement, l'extrémisme s'est délité.

Tout d'abord par certaines propositions du Sénat qui, en l'espèce, a perdu un peu de sa proverbiale « ringardise ».

Et puis aussi par les contradictions internes de l'opposition résumées par ce sarcasme, ô combien mordant, de l'un des siens, que je vois là-bas : le parti de Simone Veil est devenu celui de Christine Boutin!

(Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Le texte qui nous est aujourd'hui présenté a gagné en cohérence, en quelque sorte il a pris de l'épaisseur. Pour l'essentiel, il rappelle que le PACS est un contrat conclu entre deux personnes de sexes différents ou de même sexe pour organiser leur vie commune. Le PACS impose des droits et des devoirs. Il implique une résidence commune et, de ce fait, ne peut s'appliquer aux fratries, comme nous le demandions avec force en première lecture. Ainsi sont supprimés les risques de rupture de l'interdit de l'inceste, fondement même de notre société occidentale. Et, soulignons avec force que le mariage reste, pour ceux qui le souhaitent, l'institution de référence.

Le PACS n'est qu'une convention, le mariage est une institution. Le PACS n'influe en rien sur le droit de la famille, et certainement pas sur les rapports entre les parents et les enfants.

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

M. Jean-Yves Besselat.

C'est vous qui le dites !

M. Alain Tourret.

Il n'a aucune incidence sur l'adoption,...

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

M. Alain Tourret.

... aucune incidence sur l'autorité parentale, sur la transmission du nom et sur la procréation médicalement assistée.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendant.)

M. Jean-Yves Besselat.

C'est très dangereux !

M. Alain Tourret.

En revanche, il nous paraît excellent d'avoir introduit des dispositions relatives au concubinage, lequel est désormais reconnu, comme nous le demandions, là aussi, comme une union de fait caractérisée par une vie commune stable et continue entre deux personnes de sexes différents ou de même sexe. Et voilà enfin le Rubicon passé ! La reconnaissance du concubinage homosexuel est une avancée du droit, attendue, elle aussi, depuis longtemps.

Ce texte a désormais trouvé sa cohérence. Nous sommes fiers d'avoir créé un nouvel espace de liberté (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie et Indépendants), d'avoir démontré que la gauche, toute la gauche, savait se retrouver sur les problèmes de société...

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

M. Alain Tourret.

... et savait porter les projets d'une société en mouvement.

Le groupe RCV, les Radicaux de gauche sauront permettre les mutations de notre temps. Nous sommes des humanistes, épris de liberté. Nous voterons donc ce texte de liberté qui renforce le pacte républicain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Regrettant sans doute de n'avoir pas été entendus ou d'avoir été trop souvent caricaturés en première lecture, nous avions choisi résolument - vous l'aviez d'ailleurs souligné, madame le garde des sceaux - la voie du dialogue et de l'ouverture. Hélas, trois jours et deux nuits plus tard, je ne peux pas vous retourner le compliment. Votre salut n'était sans doute que de pure forme et votre hommage empreint de pas mal d'hypocrisie.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

En effet, mes chers collègues, de dialogue, il n'y en a pas eu. A l'issue des débats, le texte n'a donné lieu à aucune modification de principe. Vous n'avez retenu aucun des 600 amendements que nous avons proposés.

Vous avez retiré du texte les fratries, forme de solidarité familiale, à laquelle un certain nombre d'entre nous sont attachés. Et vous avez tenté de nous diviser et de nous mettre en porte-à-faux par rapport à nos collègues du Sénat par une grossière manoeuvre politicienne visant à intégrer dans votre texte, pour partie, la définition du concubinage que les sénateurs avaient imaginée.

Pourtant, mes chers collègues, les conditions du dialogue, n'en déplaise à M. Blazy, étaient réunies, et les bases d'une plate-forme commune pouvaient se dégager.

Sur un texte qui modifie l'organisation sociale, la recherche du consensus dans la société française - nous avions la naïveté de le penser - n'aurait pas été inutile.

Nous avions même la certitude, pour ne rien vous cacher, qu'un large consensus était possible dans le pays, en privilégiant simplement une approche pragmatique et non dogmatique. Mais nous aurons, grâce à la troisième lecture, une nouvelle occasion à saisir.

Mes chers collègues, nous partageons votre volonté - exprimée depuis longtemps, contrairement à ce que vous tentez de faire croire, depuis le 16 septembre dernier, date à laquelle nous avons signé une première tribune dans un journal du matin - de mettre fin à certaines injustices.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Vous nous proposez de modifier la loi de 1989 pour donner un droit de suite dans le logement ? Nous y sommes favorables et personne sur ces bancs ne s'y est opposé ! Vous nous proposez de modifier la loi de 1995 pour que la qualité d'ayant droit à l'assurance maladie soit reconnue à ceux qui vivent en couple hors mariage ? Mais nous y sommes favorables, mes chers collègues, et nous l'avons dit dès le début du mois de septembre ! Vous nous proposez un certain nombre de modifications de la fiscalité sur les successions. Mais nous en sommes d'accord, mes chers collègues !

M. Yann Galut.

Votez donc le texte !

M. Dominique Dord.

A l'exception des modalités qui font du PACS un élément d'appréciation pour accorder la nationalité française et auxquelles nous sommes opposés, sur l'approche pragmatique que, me semblait-il, vouse ntendiez privilégier, les conditions d'un très large consensus étaient réunies.

Par ailleurs, madame le garde des sceaux, nous n'avons jamais dit que nous souhaitions mettre en oeuvre successivement ces modifications. Il était tout à fait possible - ainsi que vous souhaitez d'ailleurs le faire - de les mettre en oeuvre de manière concomitante.

Il ne restait donc plus, si je puis dire, qu'à nous mettre d'accord sur l'outil, c'est-à-dire sur le véhicule juridique qui ouvrirait l'ensemble de ces droits.

Vous proposiez un contrat, après avoir d'ailleurs hésité entre contrat et nouveau statut. Vous l'appeliez le PACS.

Le Sénat proposait une définition du concubinage dans le code civil. Nous privilégiions, quant à nous, une simple attestation prenant en compte la réalité des situations de vie commune. Cela présentait les mêmes avantages sans ouvrir aucune des perspectives qui nous paraissent difficilement défendables.

Hélas, alors que tout semblait possible, vous avez fermé la discussion.

Etait-ce simplement, monsieur le rapporteur, parce que le PACS était déjà passé dans le langage courant ? Vous nous avez même dit qu'il était déjà apparu sur un écran de cinéma. Bien sûr que non ! L'argument est un peu pauvre, même si je conviens que vous n'en faisiez pas un argument essentiel. C'est qu'en réalité les modalités du PACS, auxquelles vous aviez pourtant attaché beaucoup de prix en première lecture, étaient devenues secondaires.

Les difficultés des concubins passaient après les difficultés de la majorité plurielle, qui, après tous les atermoiements et fausses manoeuvres de première lecture, avait à coeur de régler très vite le problème et de sortir de ce texte qui ressemblait de plus en plus, pour vous, mes chers collègues, à un bourbier politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) L'objectif n'était donc pas de dialoguer, de rassembler, de réunir. Au contraire, il convenait, si possible, d'opposer, de caricaturer les conformistes, d'un côté, et les modernes, de l'autre, l'ombre et la lumière, les égoïsmes et les générosités, les arrière-pensées, qui seraient bien s ûr notre apanage, et la bonne foi, qui serait le vôtre.

Bref, pour les besoins de la cause, vous avez feint de croire et tenté de nous faire croire que tout était devenu simple et que les arguments ou les inquiétudes légitimes de millions de Français étaient à balayer d'un revers de la main ! Bien sûr, pour vous, M. Tourret vient encore de le dire, le PACS était neutre du point de vue de la famille.

Il n'avait rien à voir avec le statut de la famille. Aucune concurrence n'existait entre les situations d'union libre, de PACS et de mariage. Rien à voir, alors que c'est vousmême qui avez choisi de le placer dans le code civil, à l'endroit où vous l'avez placé. Honte, d'ailleurs, à ceux qui pouvaient penser le contraire : des sociologues, des philosophes, des psychiatres, des juristes, des fiscalistes, l'ensemble des associations familiales, l'ensemble des confessions religieuses, quelques millions de Français et quelques malheureux députés réactionnaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Conclusion !

M. Dominique Dord.

Non, mes chers collègues, le PACS n'est pas une étape vers l'adoption ou la procréation médicalement assistée. M. Jean-Pierre Michel ne l'a jamais dit ! Les associations homosexuelles ne le revendiquent pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elles feraient d'ailleurs mieux, ces ingrates, de taire leur satisfaction... Et on verra comment, plus tard, quand les pacsés hétérosexuels demanderont à bénéficier du droi t à l'adoption et à la procréation médicalement assistée, vous pourrez, alors qu'ils ont le même statut, le refuser aux pacsés homosexuels. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Oui, mes chers collègues, la rupture unilatérale d'un contrat de vie commune est une avancée sociale et elle n'a rien à voir avec la répudiation. (Mêmes mouvements.)

Même si, tout au long de ces débats, personne n'a été capable de nous expliquer le contraire.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ça suffit !

M. Dominique Dord.

Non, madame le garde des sceaux, le Gouvernement ne subit pas la pression de je ne sais quel lobby ! D'ailleurs, à vous entendre, on finit même par se demander si ces lobbies existent ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et claquements de pupitres.)

M. le président.

Mes chers collègues, j'ai donné tout à l'heure la parole à M. Bloche sans que le règlement le prévoie et je n'ai mesuré le temps à aucun des orateurs.

Je vous prie donc de bien vouloir laisser M. Dord conclure.

M. Dominique Dord.

Non, il n'y a naturellement aucune corrélation - et aucune raison d'en être choqué entre les les économies que vous avez faites sur la politique familiale et les dépenses que vous vous apprêtez à faire pour le PACS.

Bref, chers collègues, toute question est superflue par définition, infondée par vocation, il n'y a qu'à circuler puisqu'il n'y a rien à voir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vos arguments sont les bons, puisque ce sont les vôtres, et, puisque vous les répétez souvent, ils deviennent forcément la vérité !

M adame le garde des sceaux, vous avez choisi d'emprunter sans détours une voie très étroite. Vous avez choisi d'asséner plutôt que de démontrer, d'imposer plutôt que de convaincre, de diviser plutôt que de réunir.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, je concluerai en disant, même si je sais que cela vous fait du mal (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

vous resterez, madame le garde des sceaux, avec vos certitudes ; M. Blazy restera, quant à lui, avec ses insultes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et sa vision du monde en noir et blanc ; nous resterons, quant à nous, avec nos regrets, nos doutes et nos inquiétudes sur un dispositif inutile qui ouvre des perspectives que nous ne pouvons pas accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, le scrutin d'aujourd'hui nous permet d'avancer encore un peu plus vers une loi, dont le débat qu'elle a suscité dans tout le pays d epuis six mois a montré la portée juridique et symbolique.

Bien entendu, lors de cette deuxième lecture, les députés communistes voteront pour le pacte civil de solidarité.

Ils le voteront d'autant plus volontiers que, comparativement à celui adopté le 9 décembre dernier, le texte qui nous est soumis aujourd'hui porte la marque de plusieurs améliorations.

Pour en avoir été demandeurs, parmi d'autres, nous ne pouvons qu'accueillir favorablement de telles améliorations.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Très bien !

M. Bernard Birsinger.

Depuis le début des débats, à l'automne, les députés communistes n'ont pas compté leurs efforts pour que le pacte civil de solidarité ouvre un maximum de droits nouveaux. Ils l'ont fait en étroite concertation avec de très nombreuses associations et particulièrement les associations homosexuelles. Ce parti pris s'est avéré payant, puisqu'un certain nombre de propositions sont venues enrichir le texte.

Pour ce qui concerne cette deuxième lecture, je pense à l'abandon de l'ouverture de certaines dispositions du PACS aux fratries ; je pense aussi à la suppression des délais avant de pouvoir bénéficier des abattements sur la succession du partenaire décédé ; je pense également à l'amendement que nous avions déposé et que l'Assemblée a retenu visant à accroître encore les possibilités de mutation dans la fonction publique. Enfin - et c'est peut-être le principal apport de cette lecture - comment ne pas dire la satisfaction des députés communistes devant l'inscription dans le code civil de la notion de concubinage sans distinction de sexe ? Nous affirmons ainsi avec plus de force encore notre refus des discriminations.

Lors de la première lecture, nous avions déjà contribué à des améliorations sensibles du texte proposé : suppression des délais avant la reprise du bail du partenaire décédé ; ouverture de la qualité d'ayant droit d'assuré social au partenaire lié par un PACS et qui ne pourrait y prétendre à un autre titre ; précision, dans le texte, que le PACS est ouvert à deux personnes « de même sexe »...

A chaque fois qu'elle s'est prononcée, notre assemblée a amélioré le texte. Je ne doute pas que nous saurons poursuivre sur cette voie lors de la dernière lecture. Aussi, je me permets de faire ici quelques suggestions sur ce que nous pourrions encore améliorer par rapport au texte que nous allons voter aujourd'hui.

En premier lieu, je pense aux étrangers liés par un PACS et dont la stabilité administrative n'est pas encore assurée, puisque, dans l'état actuel du texte, il appartiendra aux préfets d'apprécier la nature des liens personnels et familiaux de l'étranger lié par un PACS avant de lui délivrer un titre de séjour. C'est là une porte ouverte à l'arbitraire et aux différences de traitement. Nous souhaiterions la voir se refermer.

Il convient aussi de faire parler le bon sens au sujet des délais prévus avant de pouvoir prétendre à l'imposition commune. Je pense qu'une telle disposition ouvre la porte à la suspicion vis-à-vis des personnes qui s'engagent par un PACS. Mais, au-delà de cette position de principe, nous ne trouvons pas justifié de faire attendre jusqu'à l'année 2003 les personnes qui vivent de longue date ensemble et qui vont « pacser » dès l'entrée en vigueur de cette loi. De même, nous pensons que les couples « pacsés » qui ont un enfant doivent pouvoir bénéficier immédiatement de l'imposition commune.

Enfin, nous demeurons convaincus que la mairie demeure l'endroit le plus approprié pour la signature du PACS. D'une part, il y va d'une pleine reconnaissance sociale de ces couples. D'autre part, la mairie est l'institution la plus proche, la plus accessible pour nos concitoyens.

La droite a annoncé sa volonté de poursuivre son combat rétrograde et son obstruction systématique en dernière lecture. Le groupe communiste, avec toute la gauche plurielle, sera à nouveau présent pour défendre le PACS et profitera de cette nouvelle occasion pour améliorer encore le texte. Je suis sûr que c'est possible, au vu de l'excellent climat de travail et d'écoute qui a prévalu au sein de la gauche plurielle et avec le Gouvernement depuis le début des débats.

En attendant, les députés communistes voteront à nouveau pour le PACS, se plaçant ainsi résolument du côté de la modernité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit dans les explications de vote, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Patrick Devedjian.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la version du PACS qui nous est présentée aujourd'hui est la septième et, en écoutant M. Birsinger, j'ai eu le sentiment que ce n'était pas la dernière. Vous auriez souhaité, monsieur Blazy, que l'unanimité se fasse sur ce texte, mais sur laquelle de ces sept ou huit versions ? A moins, monsieur Blazy, que vous ne considériez que l'opposition aurait dû vous suivre dans vos hésitations, vos contradictions, vos repentirs, vos réserves, vos réticences, vos retournements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'était assez difficile tout de même ! A moins, monsieur Blazy, que vous ne considériez que la majorité, qui a une si haute opinion d'elle-même et qui est pourvue de tant de qualités, devrait faire l'objet d'un blanc-seing de la part de l'opposition, qui, aveuglément, devrait la suivre dans tous ses détours.

Mais voyez-vous, monsieur Blazy, dans la lutte contre les discriminations, il vous reste encore une chose à apprendre : le respect à l'égard des gens qui ne pensent


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

pas la même chose que vous. Cela commence par là ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la d émocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Montebourg.

Occident !

M. Patrick Devedjian.

Oui, ce texte a beaucoup varié, et ce n'est pas que le débat ait enrichi la version initiale.

Pas du tout ! C'est que vous avez sans arrêt changé d'avis sur la signification même de votre projet.

Pour ne donner que quelques exemples, on est passé de l'institution au contrat pour le régime juridique. Pour le dépôt des actes, on a varié entre la mairie, la préfecture et le greffe du tribunal d'instance, en passant d'ailleurs rapidement par celui du tribunal de grande instance. On a vu apparaître puis disparaître le concept de fratrie. On voit s'intercaler soudainement et concurremment le statut du concubinage. Après avoir nié la possibilité de l'adoption par les homosexuels, on a finalement reconnu que seule l'interdiction de l'adoption conjointe était prévue par le texte. La vie commune, longtemps inutile, trouve aujourd'hui la nécessité d'une même résidence. Les délais de dissolution du PACS et d'ouverture de droits n'ont cessé d'être modifiés.

Le moins que l'on puisse dire est que vous n'êtes assurés ni de la qualité juridique ni même de l'intention sociale de la version que vous proposez aujourd'hui. Il n'y a guère que la politique, la petite politique...

M. Jean-Pierre Kucheida.

C'est de la grande politique !

M. Patrick Devedjian.

... qui ait pu vous conduire à persévérer dans la plus extrême confusion intellectuelle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le Gouvernement, qui n'a jamais eu le courage de prendre cette proposition de loi à son compte parce qu'il redoute l'examen du Conseil constitutionnel, est conduit par la logique de parti à proclamer hautement son soutien, mais en le justifiant avec prudence par la valeur symbolique du texte. Comme on le comprend ! Il est difficile de dire autre chose face à la désarticulation du code civil que représente la juxtaposition inorganisée de trois régimes juridiques pour cinq situations différentes.

Il est vrai aussi que les buts recherchés par la majorité sont souvent contradictoires. Les uns espèrent ingénument quelque chose qui ressemble au mariage des homo-s exuels, tout en expliquant paradoxalement que le mariage classique est un archaïsme ; les autres sont soucieux de ne pas porter préjudice à leur image, comme le leur a conseillé M. Michel. Les uns se contentent de suivre discrètement les consignes impérieuses du parti en espérant naïvement mettre fin à d'odieuses discriminations ; les autres recherchent purement et simplement la destruction de l'institution familiale (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), comme ils l'écrivaient dans la presse du Parti socialiste le 29 janvier dernier.

M. Jean-Pierre Kucheida.

N'importe quoi !

M. Yann Galut.

Scandaleux !

M. Patrick Devedjian.

Dans l'opposition, nous ne pensons pas, comme il est écrit dans la presse socialiste, que

« la famille est un instrument de perpétuation des hiérarchies sociales et des inégalités ».

(« Ouh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous estimons au contraire que la famille est un instrument d'amour, c'està-dire de solidarité, de progrès et de lien social.

Cet aveu dans votre propre presse, mesdames et messieurs les socialistes, n'est pour nous qu'une raison de plus de voter contre, durablement contre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vote sur l'ensemble

M. le président.

Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

554 Nombre de suffrages exprimés .................

553 Majorité absolue .......................................

277 Pour l'adoption .........................

300 Contre .......................................

253 L'Assemblée nationale a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président.

La séance est reprise.

4

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 4 mars 1999.

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation agricole.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte que je vous ai transmis le 2 février 1999.

« Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi (nos 1360, 1481).

La parole est à M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture, mes chers collègues, lorsque nous avons commencé l'examen de ce projet de loi au mois d'octobre dernier, nous avions précisé notre a mbition. Nous voulions une agriculture riche en hommes, accrochée au territoire, capable de produire des biens alimentaires et non alimentaires de qualité, une agriculture permettant de maintenir sur l'ensemble du territoire, surtout dans les zones difficiles, un nombre suffisant d'agriculteurs tirant davantage de plus-values de produits adossés à des signes de qualité.

Nous avons ainsi mieux organisé les filières, en reconnaissant les syndicats de producteurs, en organisant la concertation, en respectant le pluralisme, en renforçant les outils de gestion des marchés qui existent aujourd'hui.

Nous avons défini et organisé un contrat territorial d'exploitation entre l'Etat et l'agriculteur de nature à permettre la mise en oeuvre de la multifonctionnalité de l'agriculture, à en définir les moyens, à fixer les objectifs et, par là même, à redonner un sens à l'agriculture en tempérant le productivisme.

Monsieur le ministre, lorsque, il y a quinze jours, nous parlions de la PAC, je vous ai parlé de la LOA. Aujourd'hui, nous parlons de la LOA, mais je vous parlerai de la PAC pour montrer que nous avons toutes les raisons de voter à nouveau ce texte en nouvelle lecture par nécessité, par cohérence et pour éviter un faux débat.

En effet, cette PAC n'est pas la nôtre, collectivement ici. Cette PAC, qui prolonge les effets de celle de 1992, laquelle n'a pas été maléfique pour tout le monde - elle a même été bénéfique pour certains dans ce pays - favorise le productivisme en encourageant la course à l'agrandissement,...

M. Aloyse Warhouver.

Exact !

M. François Patriat, rapporteur.

... et une productivité maximalisée, au détriment des produits de qualité, ce qui a provoqué la disparition de nombreux agriculteurs en France.

M. Aloyse Warhouver.

Hélas !

M. François Patriat, rapporteur.

Or, monsieur le ministre, ce paquet Santer, cet Agenda 2000, était philosophiquement et dans les faits accepté par dix Etats sur quinze en Europe. Arrivé aux affaires à la fin du mois d'octobre, votre tâche a été rude pour défendre la position de la France, qui s'est exprimée d'une seule voix au cours de ces six derniers mois, et pour souligner que ce schéma, qui vise à produire toujours plus de produits agricoles à des prix toujours plus bas, n'était pas bénéfique pour l'agriculture française.

La logique étant ce qu'elle était, la majorité étant ce qu'elle était, il était difficile d'obtenir le maximum. Je peux donc affimer ici, au nom de mes collègues et, aussi, au nom de nombreux agriculteurs français, que vous avez bien combattu.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

Le Président de la République aussi !

M. François Sauvadet.

Heureusement qu'il était là.

M. François Patriat, rapporteur.

J'y viens ! J'ai déjà souligné que la France avait parlé d'une seule voix.

Lors du premier compromis du 11 mars, les trois quarts du chemin avaient déjà été accomplis : refus du cofinancement, prise en compte du troupeau allaitant ce qui n'était pas la moindre des gageures au départ - OCM vitivinicole satisfaisante pour l'ensemble de la production française.

M. Christian Jacob.

C'est sans doute pourquoi il y avait 30 000 viticulteurs à Montpellier !

M. François Patriat, rapporteur.

Des réserves avaient ainsi été émises, empêchant qu'un accord intervienne le 11 mars. Cela a permis au chef du Gouvernement et au chef de l'Etat (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Cela va mieux !

M. François Patriat, rapporteur.

... d'obtenir, ensemble, de meilleurs résultats dans les domaines où l'accord n'avait pas été entériné. Je pense à la baisse du prix des céréales, à la maîtrise de la production pour la viande bovine et au recul à 2006 de la négociation sur la production laitière.

Pourquoi faut-il donc aujourd'hui, par cohérence et par exigence, voter la LOA ?

M. Patrick Ollier.

On met la charrue avant les boeufs !

M. François Patriat, rapporteur.

Parce que la PAC de 1997 oblige les exploitants, pour compenser les pertes financières, à accroître la productivité et les surfaces cultivées.

Que nous le voulions ou non, cette PAC inscrit dans le marbre de nouvelles disparitions d'agriculteurs. Or la loi d'orientation a pour objet de dépasser l'objectif 20052006 et de déterminer, pour les vingt ans qui viennent, l'agriculture que nous souhaitons.

Nous voulons que les agriculteurs des zones défavorisées, des zones de montagne, des zones de piémont, les petits agriculteurs des zones plus riches puissent bénéficier des revenus décents au travers de multiples services rendus à la collectivité ; nous voulons que le contrôle des structures permette d'installer davantage de jeunes ; nous voulons que les filières soient renforcées. Tels sont les objectifs du texte.

Si le Sénat a peaufiné la rédaction de certaines dispositions que nous n'avions sans doute pas suffisamment travaillées, il a dénaturé le contrat territorial d'exploitation, refusé le pluralisme et il est revenu sur les avancées sociales que nous avions votées.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Pas du tout !

M. Patrick Ollier.

C'est l'inverse !

M. François Patriat, rapporteur.

Mais si ! C'est bien sur la question du pluralisme que la CMP a échoué !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. Patrick Ollier.

Pas à cause de cela !

M. François Sauvadet.

C'est sur les seuils !

M. François Patriat, rapporteur.

Par ailleurs, sur les indications géographiques protégées, sur les signes de qualité, sur le contrôle des structures, le Sénat a refusé la logique du texte et en a fait des points durs sur lesquels la majorité de cette assemblée ne pouvait pas céder.

Il est indispensable que le CTE puisse concerner toutes les activités, s'inscrire dans toute démarche tant collective qu'individuelle, autour d'un projet particulier, prendre en compte l'environnement, l'agro-tourisme, la maîtrise des intrants ou le développement de microprojets. Le CTE, à l'égard duquel l'opposition avait émis des doutes, doit être conforté.

Je sais bien, monsieur le ministre, que vous vous êtes battu pour la dégressivité et pour le maintien de la partie de la PAC relative au financement rural, mais vous n'avez pas obtenu satisfaction. Il est donc temps aujourd'hui, au travers de la modulation, du plafonnement, de la réorientation des aides, de relégitimer les financements publics afin de permettre aux agriculteurs d'avoir des revenus décents.

S'agissant du contrôle des structures, j'ai reçu, ce matin, une délégation d'un grand syndicat agricole représentatif.

M. Christian Jacob.

Un « très grand » syndicat !

M. François Patriat, rapporteur.

Ses membres m'ont demandé de rester très ferme à ce sujet, de traiter les sociétés comme les cas individuels, de ne pas forcément tenir compte des liens de parenté,...

M. Christian Jacob.

Vous n'aimez toujours pas la famille !

M. François Patriat, rapporteur.

Mais si, je suis d'une famille d'agriculteurs, vous le savez bien, monsieur Jacob ! ... de ne pas laisser disparaître des unités viables, en un mot de favoriser l'existence d'une agriculture durable au sens tant matériel qu'humain du terme, surtout par l'installation des jeunes, qu'ils soient issus de l'agriculture ou qu'ils ne viennent pas du cadre familial. A cet égard, nous savons que la demande est forte et que l'arrivée de la prochaine génération ne suffira pas à assurer le renouvellement du nombre des agriculteurs en France.

En ce qui concerne les signes de qualité, le Sénat a sans doute voulu faire plaisir à tel ou tel lobby. Nous, avons au contraire tenté d'opérer une clarification.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Oh non !

M. Christian Jacob.

Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !

M. François Patriat, rapporteur.

Je vous proposerai donc plusieurs amendements sur ce sujet.

S'il est normal que l'INAO détermine la démarche à suivre pour tout ce qui touche aux appellations d'origine.

Si nous ne voulons, ni les uns ni les autres, d'IGP au rabais, nous ne céderons pas pour autant à la volonté hégémonique d'une seule partie qui voudrait faire des IGP son affaire. En la matière, une action cohérente est indispensable.

Certes, l'INAO a prouvé l'efficacité de son action, dont peuvent témoigner les 100 000 viticulteurs répartis sur tout le territoire français, parfois dans des zones difficiles, même en Franche-Comté, mon cher collègue. On peut donc lui confier la mission d'instruire les dossiers relatifs aux IGP, qui resteraient néanmoins réservées aux produits bénéficiant d'un label ou d'une certification délivré par la CNCL. Toutefois, les deux organismes, l'INAO et la CNCL, doivent conserver leur place et leurs fonctions spécifiques tout en travaillant à la reconnaissance de la qualité des produits afin qu'ils soient plus faciles à vendre.

Nous avons aussi un différend avec le Sénat à propos de l'enseignement supérieur. Nous devons cependant dépasser ce clivage et faire en sorte que, dès l'année prochaine, une réforme des études de troisième cycle traite du problème.

Il est donc indispensable de voter ce texte, sans céder au chantage qui voudrait qu'il compense toutes les insuffisances de la PAC, qu'il s'agisse de fiscalité, d'investissement, de transmission d'entreprises, de compensation pour les régions difficiles, en particulier pour le règlement oléagineux. Non, cette loi n'a pas vocation à devenir le rattrapage de la PAC. Elle a vocation à conforter l'agriculture, à redynamiser les régions difficiles. Les outils qu'elle prévoit nous permettront de le faire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Philippe Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi d'orientation agricole. Reconnaissez, monsieur Patriat, que, depuis la première lecture, il s'est passé beaucoup de choses : d'abord, nous avons un nouveau ministre puis, est intervenu l'accord sur la réforme de la politique agricole commune, auquel vous venez de faire allusion, mais nous n'avons probablement pas la même vision de ce résultat au regard de la politique agricole commune.

Je crois, pour être tout à fait honnête, qu'il aurait incontestablement pu être plus mauvais pour notre pays et je vous donne acte, monsieur le ministre, de votre combativité. Vous vous êtes bien battu et il faut reconnaître à chacun ses mérites, qu'il siège au sein du Gouvernement ou qu'il soit à la tête de l'Etat. Le moindre d'entre eux n'a pas été de lutter pour arracher un accord qui devrait permettre de sauvegarder certains secteurs de notre agriculture. Vous avez donc parfaitement tenu votre place au Conseil des ministres de l'agriculture, et le Président de la République à pris le relais lors du Sommet de Berlin. Vous n'avez pas à rougir du résultat obtenu.

Néanmoins, s'il aurait pu être pire, il aurait aussi pu être meilleur. En fait, vous avez hérité d'un dossier mal préparé. Or il est évident que, dans une négociation européenne de cette ampleur, ce n'est pas dans la dernière ligne droite que l'on gagne la course. Il faut savoir quelquefois sortir en tête, négocier pendant des mois, notamment avec ses partenaires les plus solides, et formuler des propositions précises. De ce point de vue, je n'ai pas le sentiment que la France ait accompli le bon parcours.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Je dirai même que la discussion du projet de loi d'orientation avait plutôt affaibli notre position par rapport à l'Europe.

A mon avis, la discussion d'un tel texte survenant dans un tel contexte devait être l'occasion de donner un signe fort à l'Europe quant à la volonté de la France et à l'ambition qu'elle avait, qu'elle a toujours, pour son agriculture. Or il me semble que nous n'avons pas clairement montré à nos partenaires ce que nous voulions faire pour obtenir d'eux qu'ils se calent sur les positions françaises.

A cet égard, je vais prendre un exemple quasiment obligé, sur lequel il faut insister, celui du contrat territorial d'exploitation. Ainsi que cela a été souligné lors de la première lecture, il est l'élément essentiel de la loi, son ossature. En effet, si vous en faites abstraction, le texte ne comprend plus grand-chose, en tout cas certainement pas de quoi parler d'une loi d'orientation.

Je l'ai dit, et je le répète, je n'ai rien contre le principe du contrat territorial d'exploitation. Je considère qu'il peut même être un bon outil, mais pas autre chose, surtout pas l'élément moteur d'une très grande politique.

Même s'il s'agit d'un outil que l'on pourra utiliser pour favoriser tel ou tel type d'agriculture dans certaines régions, ou pour préserver, lorsque le besoin s'en fera sentir, certaines exploitations agricoles, cela ne fait pas une grande politique. Je crains même que le contrat territorial d'exploitation n'apparaisse comme un leurre.

Lors de la première lecture, nous avions été plusieurs à nous interroger à son sujet. Nous avions notamment indiqué au ministre de l'époque que, s'il était bien de lancer des idées, il fallait aussi savoir comment les appliquer par la suite.

En particulier, nous n'avions pas eu à l'époque - et nous n'avons toujours pas obtenu - de réponse satisfaisante sur le financement des CTE. Il nous avait été dit que l'on procéderait par redéploiement, c'est-à-dire que l'on prendrait dans le budget de l'agriculture certains crédits pour les affecter aux CTE, et, surtout, que l'on comptait sur l'Europe pour financer cette politique.

A ce propos, me revient la réflexion d'un ami allemand, que j'avais fréquenté lorsque j'exerçais vos fonctions, monsieur le ministre, et qui figurait parmi lesr eprésentants d'un autre gouvernement allemand. Il m'avait indiqué que les Allemands commençaient à en avoir assez - de ce point de vue, nous avons vu quel a été le résultat - de payer pour les autres, de payer trop pour l'agriculture.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cela n'a pas changé !

M. Philippe Vasseur.

Bien sûr ! Il ajoutait que s'il était concevable, au nom de l'Europe et de la politique agricole commune, que l'Allem agne apporte sa contribution à une politique d'ensemble, il était hors de question qu'elle finance ce qui était considéré comme une politique d'aménagement du territoire de la France.

Aujourd'hui, nous n'avons toujours pas la réponse, mais peut-être avons-nous tort de vous demander l'impossible, car vous pouviez en effet difficilement revenir avec un accord sur le financement européen des contrats territoriaux d'exploitation. Certes, il vous reste quelques possibilités, telles la modulation des primes et la négociation sur le développement rural au sein de l'Europe. Pour autant - mais vous nous rassurerez peut-être -, je n'ai pas le sentiment que le financement européen des contrats territoriaux d'exploitation soit assuré.

Il ne vous resterait alors que les crédits nationaux, que vous pourrez utiliser par redéploiement. Dans cette hypothèse, se poserait une question à laquelle nous aimerions obtenir une réponse, même si nous avons constaté, en début de séance, sur un autre sujet, que certains membres du Gouvernement éludaient des questions, notamment en ce qui concerne la prime d'aménagement du territoire.

Comme vous n'êtes pas homme à éluder les questions, monsieur le ministre, j'espère que vous nous apporterez les réponses que nous attendons. Où prendrez-vous l'argent dans les crédits nationaux ? Nous le savons, M. Le Pensec nous l'avait dit, le FGER et le FIDIL seront supprimés. Il nous avait dit aussi que l'on prendrait sur les crédits d'intervention des offices et cela nous avait mis la puce à l'oreille - sur les crédits consacrés à l'installation des jeunes. Cela figure au Journal officiel de la République française. Au moment où l'on nous parle du maintien des exploitations sur le territoire, on ne peut que s'interroger sur une politique qui consiste à réduire les crédits consacrés à l'installation des jeunes agriculteurs.

De toute façon, peut-on se contenter de dire à des jeunes que leur avenir est inscrit dans les contrats territoriaux d'exploitation ? Toujours selon votre prédécesseur, un contrat territorial d'exploitation va représenter en moyenne 30 000 à 40 000 francs par an de produit - et non pas de revenu ; à ce sujet, régnait une certaine confusion. Donc, si au cours de cette première année, on peut en conclure une dizaine de milliers - c'était le chiffre avancé -, il faut trouver entre 300 et 400 millions de francs. Si l'on continue l'année prochaine au même rythme, en ajoutant les contrats de cette année à ceux de la deuxième, il faudra 800 millions de francs, l'année suivante, 1,2 milliard de francs, et ainsi de suite. Et pour 1,2 milliard de francs, on n'arrive qu'à 30 000 contrats territoriaux d'exploitation. Si on veut vraiment conduire u ne politique qui fasse du contrat territorial d'exploitation l'élément clé de notre agriculture, on ne peut pas se contenter d'un petit nombre d'exploitations.

La procédure doit donc être accessible au plus grand nombre. Or, 10 000 contrats territoriaux d'exploitation, cela ne représente que cent contrats par an...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et par département !

M. Philippe Vasseur.

En effet ! ...

car cent fois cent égale dix mille. Et le choix sera difficile.

Je le répète, j'aimerais que l'on dise très clairement à la collectivité agricole et à la nation comment sera assuré le financement de ces contrats territoriaux d'exploitation. Ils ne seront probablement pas financés. D'ailleurs, ils ne répondront que partiellement aux besoins et certainement pas aux défis que nous pose la politique agricole commune.

Nous n'avons pas encore mesuré toutes les conséquences des résultats que nous avons obtenus. Au cours des prochaines années, nous serons probablement amenés à certains constats désagréables.

Ainsi, dans le courant de l'année prochaine, quelles tensions résulteront, sur le marché laitier, de l'augmentation des quotas alloués à l'Espagne et à l'Italie ? Nous savons bien que nous devrons affronter des situations un peu délicates. La loi d'orientation, telle que l'on nous la présente aujourd'hui, va-t-elle nous le permettre, comme vous le disiez, monsieur Patriat ? Tolérez que, sur ce point, je sois en désaccord profond avec vous.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est plutôt rassurant !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. Philippe Vasseur.

En effet, car à certains moments, j'ai cru comprendre que la majorité présidentielle et la majorité gouvernementale et parlementaire avaient les mêmes conceptions en matière agricole. Je vous remercie de me donner acte d'une divergence d'appréciation entre la majorité présidentielle qui se réclame de Jacques Chirac et le gouvernement de M. Lionel Jospin. Elle n'a pas toujours paru évidente pour tout le monde. A moins que ce ne fût une posture de politique politicienne !

M. François Loncle.

C'était pour défendre les intérêts de la France !

M. Philippe Vasseur.

Certes, et c'est une autre affaire, monsieur Loncle ! Il est évident que lorsque l'on se présente - et nous en faisons la démonstration tous les jours en ce moment - à l'étranger pour une négociation internationale, la moindre des choses, effectivement, est de faire front commun. Pour autant, il ne faut pas en déduire que, sur des sujets aussi fondamentaux que la politique agricole, il y ait une totale indentité de vue entre nous.

M. Joseph Parrenin.

Cela vous rassure !

M. Philippe Vasseur.

Bien sûr ! Et cela méritait d'être souligné. Il faut dire les choses avec simplicité. Il ne faut pas les cacher. On aurait pu croire que la majorité socialiste, verte, radicale et communiste se réclamait de la m ême politique agricole que le Président de la République !

M. Pierre Forgues.

Mais non !

M. Philippe Vasseur.

Je suis heureux de vous l'entendre dire. Vous me donnez acte de ce qui, dans ma déclaration, avait tant scandalisé M. Glavany !

M. Pierre Forgues.

Ça n'a rien à voir !

M. Christian Jacob.

C'est un bel aveu !

M. Joseph Parrenin.

Nous n'en avions jamais douté, quant à nous !

M. Philippe Vasseur.

Cela montre bien qu'il y a au sein de la majorité plurielle matière à débat !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mais oui, c'est là notre richesse !

M. Philippe Vasseur.

Ce que nous attendons aujourd'hui d'une loi d'orientation, c'est qu'elle puisse à la fois répondre aux grands défis qui nous sont lancés par la réforme de la politique agricole commune et nous mettre, pour entamer les discussions dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, dans une situation plus solide que celle dans laquelle nous nous sommes présentés à la négociation européenne. Ce ne sera pas une partie facile car l'Europe, malheureusement, n'est pas toujours capable de parler d'une seule voix face aux Etats-Unis. Nous subissons des pressions très fortes s'agissant, par exemple, des viandes aux hormones - mais vous avez sur ce point, monsieur le ministre, répondu très clairement à l'Assemblée hier - ou des organismes génétiquement modifiés.

Dans un tel contexte, notre souhait, notre volonté est de renforcer notre agriculture d'une façon générale et de maintenir - c'est un objectif sur lequel tout le monde s'accorde je crois, en tout cas dans son principe - des structures familiales, des structures personnelles.

Or la réforme de la politique agricole commune de 1992 avait eu des effets dévastateurs sur l'évolution du nombre d'exploitations en France. C'était d'ailleurs très clairement programmé. Cette réforme avait été décidée au m otif qu'il fallait restructurer l'agriculture et, par conséquent, faire disparaître un certain nombre d'exploitations. Si bien qu'on avait instauré un système de préretraites, non pas, comme certains l'ont cru, pour installer des jeunes agriculteurs, mais pour restructurer les outils agricoles et ainsi parvenir à l'agrandissement de certaines surfaces. Cela a abouti à la disparition, entre 1992 et aujourd'hui, de plus de 200 000 exploitations agricoles.

M. Pierre Forgues.

C'est faux !

M. Philippe Vasseur.

Pas du tout ! Voudriez-vous faire des effets de tribune ?

M. Pierre Forgues.

Pour le moment, c'est vous qui êtes à la tribune !

M. Patrick Ollier.

Ne l'interrompez pas, monsieur Forgues !

M. Philippe Vasseur.

J'ai eu à négocier la prolongation du système des préretraites, que nous voulions lier à l'installation des jeunes agriculteurs. Aussi, je peux vous confirmer que, en 1992, quand on a instauré en Europe ce dispositif, c'était pour restructurer, pas pour installer.

J'en prends le pari : vérifiez !

M. Pierre Forgues.

Ce qui m'intéresse, ce sont les faits sur le terrain !

M. Philippe Vasseur.

Précisément, sur le terrain, que se passait-il ? La disparition de 40 000 à 50 000 exploitations par an tandis que nous avions environ 8 000 à 9 000 installations de jeunes. Voilà la réalité ! Les chiffres sont là.

M. François Loncle.

M. Guyau a reconnu que M. Bérégovoy avait baissé les charges !

M. Philippe Vasseur.

Ne vous entêtez donc pas quand vous avez tort !

M. Pierre Forgues.

Si votre raisonnement était exact, elles auraient disparu cinq ans plus tôt !

M. Philippe Vasseur.

Ne refaites pas l'histoire ! C'est bien ainsi qu'avait été élaborée la politique de 1992.

Vous pouvez le regretter. Je le regrette deux fois plus. Ou plutôt, c'est vous qui devriez le regretter deux fois plus que moi, puisque c'est un gouvernement que vous souteniez qui avait accepté cette politique ! La réforme de la politique agricole commune de 1999 est dans le même esprit que celle de 1992. Elle en est le prolongement. Nous allons dans le même sens, et l'Europe doit subir -mais je ne mets en cause ni le gouvernement français ni vous-même, monsieur le ministre ce qu'on appelle la mondialisation et qui n'est, en fait, qu'une conception américaine du monde.

Plutôt que mondialisation, il faudrait sans doute n'en déplaise à certains de mes amis - employer le terme d'américanisation du monde, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit : dénier à l'Europe le droit d'avoir sa propre politique et de défendre ses propres intérêts à sa façon. Il arrive même que des « chevaux de Troie », au sein même des Conseils des ministres, au lieu de servir les intérêts européens, invoquent, entre autres, certaine communauté linguistique avec les Etats-Unis d'Amérique...

Je n'ai rien contre les Américains. A titre individuel, je les aime beaucoup et j'aime beaucoup leur musique, mais j'estime que nous avons le droit d'avoir notre propre culture et notre propre façon de voir les choses.

M. Pierre Forgues.

C'est juste !

M. Christian Jacob.

Tout ce qu'il dit est juste, mais vous ne voulez pas l'écouter !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. Philippe Vasseur.

Nous allons devoir réagir, essayer d'accompagner, de corriger ou de conforter notre agriculture face aux effets de ce qui est aujourd'hui devenu la règle, notre règle à tous, pour l'agriculture européenne et pour l'agriculture française.

Il nous faut donc une réponse nationale ambitieuse, et nous devons la trouver dans une loi d'orientation, dont l'objectif, nous l'avons dit, les uns et les autres, même si nous ne plaçons pas les priorités exactement dans le même ordre, doit correspondre à la double vocation de notre agriculture.

Les agriculteurs ont à occuper le territoire, bien entendu, à entretenir le paysage et à respecter la nature, ce qui doit se traduire par le maintien d'exploitations en nombre, ainsi que par l'installation de jeunes agriculteurs, par des modes de production respectant davantage l'environnement, nous en sommes d'accord. Mais nous ne devons jamais perdre de vue que l'agriculteur est, d'abord et avant tout, un acteur économique, qu'il est là pour produire des produits de qualité, bien entendu, répondant aux attentes des consommateurs. C'est d'ailleurs, selon moi, la première des priorités ; le reste doit en découler.

Pour répondre à ce double objectif, pour nous mettre en ordre de bataille, si je puis dire, au milieu du décor qui a été dressé par la politique agricole commune, nous devons mettre en oeuvre de grands moyens.

Ainsi, nous devons mener une politique nouvelle en matière de charges agricoles. Je ne méconnais pas les impératifs dans ce domaine et les fortes pressions que vous subissez de la part du ministère des finances. Mais nous ne pourrons pas longtemps faire l'économie d'un allégement des charges sur l'exploitation agricole.

Nous devons également renforcer l'organisation économique de notre agriculture et de notre secteur agroalimentaire, en promouvant les filières. N'avait-on pas envisagé un moment la création d'un plan d'épargne agricole, sur le modèle d'autres plans d'épargne, qui devait permettre aux agriculteurs de s'investir davantage en aval, de ne pas rester passifs devant ce qui s'y fait et qui pèse sur leur activité.

A ce propos, et s'agissant des partenaires de la filière agroalimentaire, je ne peux pas ne pas évoquer le problème de la grande distribution. Il n'est pas question d'en faire le bouc émissaire, le seul responsable des maux de notre agriculture. La grande distribution a des mérites, mais aussi des travers et des torts. Peut-être suffirait-il de revoir la législation pour remédier à un certain nombre de situations qui sont aberrantes. Là encore, je sais par expérience que ce n'est pas toujours simple, mais les moyens existent. En tout cas, nous savons bien quels garde-fous mettre en place pour éviter certaines difficultés.

J'ai cru comprendre, monsieur Patriat, que, sur la notion de prix, nous partagions la même analyse : il faut que l'agriculteur soit payé au juste prix, il faut qu'on le rémunère pour le travail qu'il fournit. Et c'est possible.

D'ailleurs, c'est le cas pour un certain nombre de productions.

Cependant, on ne peut que s'interroger quand on sait que, en vingt-cinq ans, le prix des denrées alimentaires payées par le consommateur a été multiplié par cinq, tandis que le prix des produits agricoles payés à l'exploitant n'a été multiplié que par deux et demi. Si seulement le second avait suivi la même évolution que le premier ! Je sais que la réponse n'est pas simple et qu'on ne saurait, sauf encore à vouloir des effets de tribune, accuser simplement la grande distribution de s'être mis la différence dans la poche. Il n'en reste pas moins que se pose un vrai problème, celui du partage de la valeur ajoutée entre les différents éléments de la chaîne alimentaire.

Ainsi, la crise porcine, qui est tout à fait d'actualité crise qu'on pouvait voir venir, mais ce n'est pas le débat - suscite l'incompréhension tant des producteurs de porc que des consommateurs, lesquels s'étonnent que, bien que les cours s'effondrent, ils ne payent pas moins cher leur jambon. Nous ne ferons pas l'économie d'une réflexion sur ces sujets.

Et ne venez pas me dire que mon raisonnement n'est pas libéral ! Je n'en ai rien à cirer, comme aurait dit un ancien ministre de l'agriculture !

M. Germain Gengenwin.

Et ancien Premier ministre !

M. Philippe Vasseur.

Ce n'est pas mon problème ! Ce qui importe, c'est que la filière agricole et la filière agroalimentaire fonctionnent mieux.

Il n'y a pas si longtemps, dans un colloque à l'Assemb lée nationale auquel vous participiez, monsieur le ministre, un de vos prédécesseurs socialistes, M. Henri Nallet, disait qu'il était plus libéral que moi. Cela ne l'a pas gêné... et moi non plus !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Moi, si !

M. Philippe Vasseur.

Pour prendre un autre exemple, qu'y a-t-il de plus emblématique, dans notre pays, que la baguette de pain ?

M. Arthur Dehaine.

Le béret !

M. Philippe Vasseur.

Dans ma ville, elle coûte 4 francs et, dans certaines boulangeries parisiennes, de 4,20 francs à 4,40 francs. Sur ces quelque 4 francs, le prix du blé payé au producteur représente au mieux 20 centimes. Si on baissait le prix du blé payé au producteur de 15 %, ça ne réduirait que de 3 centimes le prix de la baguette.

Pensez-vous que je vais la payer 3,97 francs ? Bien sûr que non ! C'est dire combien il est illusoire de s'imaginer qu'une baisse des prix à la production procurerait des avantages considérables au consommateur.

Selon moi, il vaudrait mieux, et ce serait la solution la plus simple - je regrette que nous n'ayons pas pu faire triompher ce point de vue en Europe - que les agriculteurs reçoivent une juste rémunération plutôt que des subventions et des primes. Je pense que, sur ce point, nous pourrions nous retrouver.

On paye de moins en moins l'agriculteur tout en lui demandant de plus en plus. On exige de lui - ce qui est normal et nous ne saurions remettre cela en question d'être plus respectueux de l'environnement et de faire des efforts en ce sens. On a raison, et il serait grand temps d'ailleurs que toute la collectivité agricole le comprenne.

Dieu merci, de très grands progrès ont été accomplis.

Aussi, je souffre quand j'entends des gens qui n'y connaissent pas grand-chose accuser stupidement l'agriculture de tous les maux. Tout le monde est responsable du respect de l'environnement et de la lutte contre la pollution. Certes, les agriculteurs ont des torts, mais ils ont fait des efforts considérables. Il faut leur en donner acte.

On demande à l'agriculteur de faire des efforts dans la qualité des produits. Le consommateur est de plus en plus exigeant pour la qualité gustative, organoleptique, comme on dit dans un langage de technocrate, des produits agricoles et alimentaires. Ce n'est d'ailleurs que justice.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

On demande aussi aux agriculteurs d'apporter de plus en plus de garanties sur la sécurité des denrées alimentaires. Là encore, c'est normal.

On lui demande de plus en plus pour le payer de moins en moins ! J'aimerais m'attarder quelques instants sur la sécurité alimentaire.

M. Louis Mexandeau.

Non ! Non !

M. Philippe Vasseur.

Vous avez tort, monsieur Mexandeau. Plutôt que de lire votre journal, vous devriez profiter d'un débat comme celui-ci. Il n'y a rien de polémique dans mes propos.

M. Louis Mexandeau.

Je sais bien.

M. Philippe Vasseur.

C'est une interprétation de la réalité que vous ne partagez pas. Il est tout à l'honneur du Parlement et d'une démocratie que nous sachions nous écouter les uns les autres. Vous n'avez d'ailleurs pas écouté ce que j'ai dit, vous étiez en train de lire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Je voudrais m'attarder quelques minutes sur ce grave sujet qu'est la sécurité alimentaire des produits.

Se développe actuellement une sorte de psychose, qui remet en cause notre combat pour le fromage au lait cru, grande tradition française, grande tradition gastronomique. Je crois que vous êtes élu de Normandie, monsieur Mexandeau, et ce que je vais dire ne devrait pas vous laisser indifférent.

M. Louis Mexandeau.

Non.

M. Philippe Vasseur.

Nous voyons se développer brutalement aujourd'hui dans notre pays des attaques, comme si nous avions une flambée de listériose. C'est tout de même curieux.

M. Pierre Forgues.

Ce sont les Américains qui ont ensemencé les fromages ! (Sourires.)

M. Philippe Vasseur.

Non, les Américains ont suffisamment de torts et je crois que, dans ce domaine, il faut chercher un peu plus en Europe, et peut-être même à l'intérieur de notre pays.

Il est tout de même surprenant que, du jour au lendemain, on assiste à un tel flamboiement de constats de présence de listeria. D'ailleurs, on se garde bien de nous apporter les précisions que nous sommes en droit de demander ! De la listeria, il y en a partout, et pas seulement dans les fromages au lait cru. Ce qui est important, c'est de savoir dans quelle proportion. Aujourd'hui, nous avons des flous artistiques, belges d'ailleurs, et des contreexpertises qui viennent jeter le doute sur ce qui a été décidé.

Ce n'est pas vous qui êtes responsable, monsieur le ministre, mais il faudrait peut-être dire à notre administration qu'il n'y a aucune raison en ce domaine de jouer la guerre des polices. Il n'y a aucune raison de vouloir démontrer que tel ou tel service lave plus blanc qu'un autre simplement parce qu'il y a un conflit de compétences ou de pouvoirs.

M. Louis Mexandeau.

Là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec vous ! (Exclamations sur divers bancs.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous voyez qu'il vous écoute !

M. Philippe Vasseur.

Vous voyez que vous avez raison de m'écouter, monsieur Mexandeau !

M. Louis Mexandeau.

Il est temps d'arrêter l'inquisition ! La listeria n'a jamais tué que des morts !

M. Philippe Vasseur.

Aux pires moments, la listeria a fait moins de morts en une année que la route lors du dernier week-end pascal.

M. François Loncle.

C'est une mauvaise comparaison !

M. Philippe Vasseur.

Il faut être prudent, bien évidemment, et diminuer le risque au minimum, mais nous savons pertinemment que les choses sont un peu moins simples que ce que l'on veut bien dire et qu'un certain nombre de toxi-infections alimentaires ne se développenet pas au moment de la fabrication des produits mais dans des phases ultérieures.

Ce qui nous importe en tout cas, ce n'est pas de savoir si c'est un service du ministère de l'agriculture ou un autre qui a mis à jour un problème, c'est de l'éviter au public. La seule chose qui doit compter aujourd'hui, c'est le respect du consommateur et la santé publique.

(« Eh oui ! » sur divers bancs.)

Or j'ai le sentiment que, dans ce qui s'est passé ces d erniers temps, tout le monde n'était pas exempt d'arrière-pensées. Je le regrette. Dans ce domaine, ceux qui ont la charge de servir le public doivent avoir la notion de l'intérêt public.

M. Pierre Forgues.

Le vin rouge tue la listeria !

M. Philippe Vasseur.

Le calvados aussi !

M. Louis Mexandeau.

Monsieur Vasseur, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Philippe Vasseur.

Je vous en prie.

M. le président.

La parole est à M. Louis Mexandeau, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Louis Mexandeau.

Sur ce point, monsieur Vasseur, je voudrais exprimer mon accord total.

M. Patrick Ollier.

C'est le consensus.

M. Louis Mexandeau.

Je n'en connais pas les causes, mais je crois qu'il y a en ce moment en France, de la part des services dits compétents, vétérinaires, une sorte d'acharnement, et pas seulement pour les fromages à lait cru, une sorte de minutie qui tourne à la tendance maniaque dans certains secteurs. Ici c'est le poisson. Ailleurs c'est la viande ! Par exemple, il faut reconstruire un abattoir qui ne serait pas aux normes ! Je crains que nous ne soyons en train de subir les conséquences d'une offensive qui n'est peut-être pas volontaire, mais qui l'est peut-être, qui aurait en tout cas des conséquences très négatives sur nos produits,...

M. Patrick Ollier.

C'est une charge terrible contre le Gouvernement !

M. Christian Jacob.

Que fait le Gouvernement ?

M. Louis Mexandeau.

... d'une politique qui nous vient d'Europe du Nord - pourquoi ne pas le dire ? -...

M. Christian Jacob.

Soyez plus précis !

M. Louis Mexandeau.

... où l'on a l'habitude depuis longtemps de manger des choses sans goût ou sans grand goût, du fromage à souris, comme disait un ancien ministre de l'agriculture que j'ai bien connu. La reine de Hollande proposa un jour au Président de la République


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François Mitterrand : « Reprenez un peu de ce fromage à souris, comme le dit Mme Cresson. » Je crois qu'elle avait

raison, et ce sont ces produits insipides que l'on voudrait nous imposer ! Il y a là une sorte de lente contamination, une lente montée d'influences contre lesquelles il faut défendre l'authenticité de nos produits.

Mme Sylvia Bassot, M. Patrick Ollier et M. Christian Jacob.

Bravo !

M. Louis Mexandeau.

Que je sache, jamais un saucisson, jamais un camembert ou un maroilles n'a tué quelqu'un dans ce pays, à condition qu'il soit bien portant.

M. Patrick Ollier et M. Christian Jacob.

Très bien !

Mme Sylvia Bassot.

Vive l'andouille de Vire ! (Sourires.)

M. le président.

Merci, monsieur Mexandeau. Monsieur Vasseur, vous apprécierez l'appui à votre motion de procédure. Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Philippe Vasseur.

« Comment voulez-vous gouverner un pays dans lequel il y a 350 ou 400 sortes de fromages ? », disait le général de Gaulle.

Mme Sylvia Bassot.

750 !

M. Philippe Vasseur.

Il y en a plus aujourd'hui. La diversité de nos fromages ne nous empêche pas de nous rassembler sur la défense de nos traditions et de la qualité de nos produits alimentaires français.

Mme Sylvia Bassot.

Très bien !

M. Philippe Vasseur.

Il y a, de temps en temps, des points sur lesquels on peut se retrouver. Je sais de quel département vous êtes originaire, monsieur Mexandeau, c'est le mien. Peut-être pourrions-nous nous retrouver pour comparer les mérites respectifs du camembert et du maroilles au lait cru, ce qui nous permettrait de contribuer à redresser une profession qui a quelques difficultés.

Sérieusement, monsieur le ministre, il y a des choses que vous ne pouvez peut-être pas dire mais d'autres peuvent le faire à la tribune de cette assemblée. Bien entendu, il faut veiller à la sécurité alimentaire et être très prudent, mais certains comportements ont parfois été un peu légers.

Mme Sylvia Bassot.

Irresponsables !

M. Philippe Vasseur.

C'est tout ce que je voulais dire, mais je pense que nous sommes un certain nombre à nous être compris, ici, dans cet hémicycle.

C'est vrai que la qualité fait partie d'une loi d'orientation, M. Patriat l'a évoqué tout à l'heure.

Je ne vais pas évoquer tout ce qui manque. J'aurais aimé y trouver davantage de dispositions concernant les personnes. Le problème de la retraite est important parce que du départ des anciens et de la situation qui leur est faite dépendent aussi un certain nombre d'installations.

Vous avez évoqué l'enseignement, monsieur Patriat. Je suis tout de même un peu soucieux. Je crois que ce qui fait la force de l'enseignement agricole, c'est précisément son enracinement au sein du ministère de l'agriculture et de la profession agricole. Je sais que, très régulièrement, il y a contre cette exception agricole quelques velléités. Je pense que ce serait une erreur profonde de ne pas prolonger ce qui a si bien réussi, que ce soit dans l'enseignement initial ou dans l'enseignement supérieur. On devrait peut-être même s'inspirer de ce qui s'est passé dans le monde agricole pour faire en sorte que cela se passe autrement. En tout cas, là encore, toute manoeuvre visant à priver le ministre de l'agriculture d'une partie, même toute petite, de ses prérogatives et de ses responsabilités en la matière me paraîtrait aller dans le mauvais sens.

Bref, il y a dans cette loi d'orientation - je n'ai pas dit

« votre loi d'orientation », monsieur le ministre - un certain nombre de lacunes. Le Sénat a tenté d'y remédier partiellement. Il a apporté un certain nombre d'améliorations - je les juge comme telles en tout cas. Nous devons au moins tenir compte de son travail, reprendre les amendements essentiels qu'il a votés et même en ajouter, mais, même ainsi, nous ne serons pas au bout de nos peines, nous ne ferons pas la loi que nous devons faire, pour une raison très simple, c'est que nous travaillons à contretemps, la loi d'orientation et la réforme de la politique agricole commune étant venues malencontreusement se chevaucher.

Nous avons adopté la politique agricole commune alors que nous sommes au milieu du gué en ce qui concerne la loi d'orientation. Celle-ci vient trop tard ou trop tôt : trop tard pour imprimer sa marque à l'Europe, parce que la France aurait pu se doter d'une loi d'orientation au moment où démarrait la négociation européenne, montrant très clairement la direction qu'elle entendait suivre pour assurer l'avenir de son agriculture, ou trop tôt, parce que, une fois la politique agricole commune adoptée et toutes ses conséquences mesurées, il faut adapter notre cadre national.

J'en prends donc le pari : quelle que soit la majorité et quel que soit le gouvernement, il nous faudra, dans les toutes prochaines années, prendre de nouvelles dispositions législatives en faveur de l'agriculture française.

J'ai donc tendance à dire que la loi actuelle est déjà dépassée et qu'il nous faut une autre loi. Dans ces conditions, on peut considérer que celle-ci est « irrecevable ».

Je sais, monsieur le ministre, que vous allez me répondre que vous n'avez pas trouvé dans mon propos de motif constitutionnel d'irrecevabilité.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Philippe Vasseur.

Je vous en donne acte, là encore, bien volontiers, mais, dans l'esprit (Sourires) , on peut penser que cette loi est irrecevable.

Le plus raisonnable, ce serait de travailler tout de suite sur une vraie, une grande loi d'orientation agricole, reprenant, bien entendu, un certain nombre de dispositions qui figurent dans celle qui nous est soumise aujourd'hui mais allant beaucoup plus loin. On peut le faire vite et dans la concertation.

A propos de concertation, monsieur Patriat, j'ai une interprétation un peu différente de la vôtre sur ce qui s'est passé en commission mixte paritaire. L'opposition n'a pas refusé la démocratie. Les critères de représentativité en vigueur ont été fixés par un décret de M. Nallet, et, même s'il est libéral, on ne peut pas considérer que ce soit le plus grand héraut de l'opposition. Ce que nous souhaitions, ce que souhaitait le Sénat, c'est qu'on les inscrive dans la loi pour éviter qu'on puisse les modifier en fonction de paramètres pouvant échapper à l'intérêt professionnel mais avoir un lien avec des visées plus ou moins politiques. Ce n'est certainement pas un refus du pluralisme ! Le pluralisme est nécessaire, bien entendu, mais le mieux, monsieur le ministre, puisque vous êtes un homme de dialogue, serait de renouer avec ce qui était une tradition mais qui m'apparaît plutôt comme un


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grand rendez-vous utile pour l'agriculture : la conférence annuelle agricole. Faites en sorte d'organiser ce rendezvous important, qui vous engage, bien entendu, mais qui engage aussi l'ensemble du Gouvernement. Croyez-moi, cet exercice pourrait beaucoup vous aider et apporter énormément à l'agriculture française.

S'il s'agit d'ouvrir un nouveau champ, de faire en sorte que nous ayons une grande loi d'orientation, marquez votre volonté de renouer avec les conférences annuelles agricoles en réunissant une grande conférence d'orientation pour jeter avec l'ensemble des partenaires les nouvelles bases d'une politique agricole et agroalimentaire ambitieuse.

Ce serait là vraiment faire oeuvre utile et positive. Vous nous mettriez d'ailleurs dans l'embarras parce que c'est une critique que l'on ne pourrait plus vous adresser.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai déposé cette exception d'irrecevabilité : cette loi est déjà obsolète, et il nous faut penser à la suite ; il nous faut remettre l'ouvrage sur le métier avant qu'il ne soit trop tard.

Pour finir, monsieur le ministre, je voudrais soumettre à votre réflexion ce qu'on dit chez moi, dans mon département : il ne faut pas attendre de bonnes moissons d'une terre mal labourée et de mauvaises semailles. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Vasseur, je tiens d'abord à vous remercier sincèrement de la courtoisie de votre intervention et de sa tonalité générale qui honore le dialogue républicain qui doit être le nôtre. Si je devais avouer un seul trouble, ce serait le nombre d'amabilités que vous avez proférées à mon égard, qui me gênent. Je ne voudrais pas que cela nous compromette, vous ou moi. (Sourires.)

Cela dit, j'ai un gros reproche à vous faire, mais vous l'avez deviné. Vous savez à quel point je suis attaché à cette maison, à sa grande tradition, notamment pour avoir exercé les fonctions du président Paecht. Je suis donc attaché à son règlement, et en particulier à l'article 91, alinéa 4, que je relis régulièrement, qui touche aux exceptions d'irrecevabilité : il s'agit d'expliquer que le texte en discussion est irrecevable, car contraire à une ou plusieurs dispositions de la Constitution. Comme vous l'avez souligné vous-même, on ne trouve dans votre propos aucune trace d'argument d'ordre constitutionnel, ce qui prouve bien que c'est un détournement de procédure. Je pense que cela n'honore pas cette maison et qu'on perd du temps.

M. Christian Jacob.

D'autant que vous ne l'avez jamais fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non, jamais ! Il m'est arrivé de défendre des exceptions d'irrecevabilité, mais en me référant systématiquement à la Constitution.

M. Philippe Vasseur.

Vous peut-être, mais pas d'autres !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je parle de ce qui me concerne, monsieur Vasseur.

Mme Sylvia Bassot.

Vous êtes solidaires !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Surtout en deuxième lecture, quand notre Parlement doit avancer dans ses travaux, présenter à la fois une exception d'irrecevabilité, une question préalable et une motion de renvoi en commission, c'est de la diversion, mais tant pis.

Je me contenterai de répondre brièvement à certains de vos propos liés à l'actualité, et en particulier à la négoci ation sur la PAC et à l'accord qui vient d'être trouvé.

D'abord, je passe sur le petit jeu consistant à chercher qui aurait fait du mauvais travail et qui en aurait fait du très bon. Quand il s'agit de l'intérêt général de notre pays, les deux parties de l'exécutif peuvent se retrouver pour le défendre, et ça a été le cas. Je me suis publiquement réjoui qu'à Berlin, on ait amélioré un texte que j'avais laissé le 11 mars dans un état qui ne me satisfaisait pas, bien que le Conseil de l'agriculture ait apporté un certain nombre d'améliorations. J'ai rendu hommage au travail réalisé à Berlin par le Président de la République et le Premier ministre pour aboutir à quelque chose de

« moins pire », pour reprendre votre expression, que ce qui était proposé à l'origine. Je ne me livre pas à un petit jeu d'évaluation sur ce qui serait dû aux uns et aux autres. Il faudrait alors expliquer, et je pense que certains dans cette Assemblée ont été tentés de le faire, que, le 11 mars, c'était la nuit, et à Berlin, la lumière. On serait passé de la nuit à la lumière grâce à une diminution de 5 % de la baisse des céréales et à un délai supplémentaire de deux ans sur le lait. Les choses sont un petit peu plus complexes, vous en conviendrez.

Par ailleurs, selon vous, ce qui est regrettable dans la PAC de 1999, c'est qu'elle est la suite logique de 1992.

J'aurais tendance à vous suivre, monsieur Vasseur, si ce n'est qu'il me semble que vous oubliez qu'entre 1992 et 1999, il y a eu 1996, époque à laquelle vous étiez aux responsabilités. Et, en 1996, il y a eu, notamment à Cork et à Dublin, des discussions engagées sous l'égide de la C ommission européenne pour essayer justement de mettre en oeuvre une réforme différente, pour provoquer notamment le renforcement de ce deuxième pilier de la PAC qu'est le développement rural. Il me semble que vous vous y êtes opposé, au nom du Gouvernement français de l'époque.

M. Philippe Vasseur.

Non, je n'étais pas à Cork !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'est peut-être pas vous personnellement, mais les représentants du gouvernement français de l'époque - et les fonctionnaires représentent tout de même leur ministre - se sont opposés à Cork comme à Dublin, ainsi qu'en témoignent l es archives, à l'évolution de la politique agricole commune souhaitée par la Commission, évolution qui était destinée à renforcer le pilier développement rural. Et c'est ce que je regrette aujourd'hui.

Vous voyez que les choses sont un peu plus compliquées que vous ne le dites et que nous payons aujourd'hui un peu le prix de l'erreur d'appréciation commise en 1996. Je mesure mes mots pour montrer que, moi aussi, je veux rester dans le cadre courtois du dialogue républicain.

Je tire de la négociation des jugements qui sont équilibrés et sereins. Je pense que le résultat global n'est pas le résultat idéal que l'on pouvait espérer, mais qu'il est bien moins pire que ce que l'on pouvait craindre, car il a permis de limiter les risques que l'on courait dans cette négociation.

En tout cas, j'en éprouve deux grands regrets, que j'ai exprimés publiquement.


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Le premier tient au traitement fait, hélas ! aux oléoprotéagineux...

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et à ces cultures qui, malheureusement, vont perdre en trois ans leur régime spécifique, malgré la bataille que nous avons menée.

M. François Sauvadet.

C'est dramatique !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quoi qu'il en soit, je me suis engagé, devant les professionnels concernés, mais aussi déjà devant la représentation nationale, à travailler pour trouver une solution palliative qui permette, au plan national, de combler ce manque criant et déplorable.

Mon deuxième regret, c'est que le deuxième pilier de la PAC, celui du développement rural, n'ait pas été mieux pris en compte. En tout cas, je regrette de ne pas disposer d'un système qui aurait permis de réorienter progressivement les aides directes vers ce développement rural, comme le souhaitaient quatorze pays sur quinze : une grosse moitié de ces pays désirait que cela se fasse par la dégressivité et une petite moitié voulait que cela se fasse par plafonnement. Tous les pays, sauf l'Allemagne, étaient décidés à réorienter les aides sur le développeme nt rural et à lancer un message politique aux agriculteurs, et, au-delà, aux opinions européennes, pour montrer que la leçon de 1992 avait été tirée.

Nous n'avons pas pu le faire. Et, comme nous ne l'avons pas fait, vous me dites, monsieur Vasseur, que tout mon édifice chancelle. Selon vous, comme la pierre angulaire de la loi d'orientation, le contrat territorial d'exploitation, exige pour être crédible un financement et que la partie de celui-ci qui devait provenir des fonds européens ne vient pas, tout capote, la loi s'écroule ! Pas du tout, monsieur Vasseur, tout ne capote pas et la loi ne s'écroule pas ! D'ailleurs, à votre manière, vous avez déjà apporté l'ébauche d'une réponse qui me satisfait, même si elle demande à être travaillée, discutée et négociée : celle de la modulation. La modulation des aides, qui est prévue par l'accord passé au plan européen, doit nous permettre de mettre en place un plafonnement des aides, lequel, je le pense, est attendu par la grande majorité des agriculteurs.

M. François Sauvadet.

On verra !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

On verra ! Mais c'est un débat, monsieur Sauvadet, que je suis prêt à aborder d'une manière extrêmement sereine, parce que le débat sur la redistribution des aides est un très beau débat politique.

M. François Sauvadet.

C'est un vrai débat !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous l'aurons d'ailleurs à plusieurs reprises lors de la discussion.

Bref, cette modulation, je compte la mettre en place pour financer le CTE, et je le ferai avec beaucoup de détermination. Pour tout vous dire, je compte non seulement mettre cette modulation en place en France, mais je compte aussi convaincre le plus grand nombre possible de mes collègues ministres de l'agriculture de la mettre en place dans leur propre pays. Vous verrez, monsieur Sauvadet, que nous serons plus nombreux que vous ne le croyez. Je le répète, quand nous avons parlé de réorientation pour le développement rural - qui par le plafonnement, qui par la dégressivité -, quatorze pays sur quinze y étaient favorables. Voilà mon programme de travail.

Faisons cela. Et à défaut de la faire de manière obligatoire par le biais de la réforme de la PAC, et puisqu'on nous en laisse l'instrument à travers la modulation, faisons-le tous ensemble, d'une manière concomitante, pour que ce message attendu soit, malgré tout, délivré dans le plus grand nombre possible de pays européens. J'ai bien la conviction que nous pouvons y parvenir.

Il y aura des financements européens et des financements nationaux. Nous sommes là dans le cadre du développement rural, pour lequel nous avons accepté le cofinancement après avoir refusé le principe des aides directes - qui, lui, aurait contribué à démanteler le caractère communautaire de la PAC. Il s'agira d'un système qui, je l'espère bien - et j'y contibuerai de toutes mes forces -, fonctionnera et permettra de mettre en place un CTE efficace dans les années qui viennent.

Selon votre conclusion, la loi serait irrecevable, car déjà dépassée. Pourquoi dépassée, monsieur Vasseur ? Les dispositions que nous voulons prendre en matière de pluralisme sont-elles déjà dépassées ? Les dispositions que nous voulons prendre pour renforcer le système d'installation des jeunes sont-elles déjà dépassées ? L es dispositions que nous voulons prendre pour contrôler les structures sont-elles déjà dépassées ? Les dispositions que nous voulons prendre pour améliorer le système des retraites sont-elles déjà dépassées ? Les dispositions que nous voulons prendre pour renforcer le contrôle de la qualité alimentaire sont-elles déjà dépassées ?

M. Philippe Vasseur.

Elles sont dépassées !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai, quant à moi, une conviction tout à fait différente de la vôtre, monsieur Vasseur. Je pense, au contraire, que ce projet de loi, qui, sur certains points, a été amélioré par le Sénat et qui sera de nouveau amélioré par l'Assemblée, est, en dépit de ses lacunes - il en a -, profondément attendu car il répond à un véritable besoin. C'est pourquoi, bien entendu, le Gouvernement ne peut pas être favorable à votre exception d'irrecevabilité, mais cela vous l'aviez deviné. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur. Moi aussi, monsieur Vasseur, j'ai apprécié la teneur de vos propos, et je me serais presque laissé prendre au jeu.

Cela dit, vous avez bénéficié d'un avantage par rapport à moi pour présenter vos arguments, puisque la défense des motions de procédure n'est soumise à aucune limitation dans le temps. Du reste, vous avez tenté de répondre aux quelques points que j'avais évoqués dans mon propros.

Cela dit, quand vous parlez de capacité exportatrice de la France et de compétitivité, vous ne parlez pas de la même chose que moi. Vous avez parlé de produits typiques et vous avez défendu - et nous les défendons tous avec vous - les produits de qualité : fromages, vins, charcuterie, viande, fruits, légumes, produits transformés.

Mais, pour nous, ce qui fait la capacité exportatrice de la France, c'est la valeur ajoutée donnée au produit et non la recherche de la quantité au plus bas prix possible.

M. Philippe Vasseur.

Je n'ai jamais dit cela !

M. François Patriat, rapporteur.

J'avais tout de même cru comprendre dans vos propos, quand vous étiez ministre, que vous étiez favorable à une agriculture


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compétitive pour aborder les marchés mondiaux, c'est-àdire une agriculture du type de celle du quart nord-est de la France, laquelle sait accéder aux marchés et enregistre des gains de productivité.

M. Philippe Vasseur.

Je n'ai pas dit cela ! M. François Patriat , rapporteur. Vous ne l'avez pas dit, mais j'avais cru le comprendre d'après vos propos antérieurs.

D'ailleurs, votre première réaction en commission a été de demander si cette loi n'allait pas empêcher la modernisation de l'agriculture française.

M. Christian Jacob.

Bien sûr que si ! M. Vasseur a raison !

M. François Patriat, rapporteur.

Pour ma part, je considère que ce texte est recevable, et pas seulement en termes constitutionnels, dans la mesure où il va permettre de développer la spécificité de nos terroirs et la valeur ajoutée de nos produits. Et vous savez bien que les 60 milliards d'excédents de la balance agroalimentaire - 43 milliards pour les produits viti-vinicoles - proviennent des produits transformés.

Vous dites également que c'est mal préparé.

M. Philippe Vasseur.

Je parlais de la négociation sur la PAC, et non du texte !

M. François Patriat, rapporteur.

Eh bien, que disait M. Le Pensec - le prédécesseur de M. Glavany - de la PAC ? Il se demandait, pour la critiquer, si la logique de la PAC c'est d'avoir des prix de plus en plus bas, pour obtenir des subventions de plus en plus élevées ?

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. François Patriat, rapporteur.

Notre démarche n'a pas changé : il ne s'agit pas d'avoir des prix éternellement plus bas pour obtenir des compensations financières coûteuses, mais de se battre pour faire en sorte que les prix baissent le moins possible, que les compensations diminuent, que la maîtrise budgétaire soit accrue et que la valeur ajoutée augmente.

Que nous nous rejoignons sur le fait que les centrales d'achats ne répercutent jamais les baisses sur la distribution, c'est bien évident. Cela fera peut-être l'objet de mesures ultérieures.

M. Philippe Vasseur.

Je l'espère !

M. François Patriat, rapporteur.

Sur les préretraites, rendons à César ce qui est à César !

M. Pierre Forgues.

Parfaitement !

M. François Patriat, rapporteur. Les préretraites, nous les devons à François Mitterrand,...

M. Christian Jacob.

A Pierre Bérégovoy !

M. François Patriat, rapporteur.

... qui, en 1992, avant même la négociation de la PAC, et après avoir reçu à Paris une délégation d'agriculteurs - et pas seulement ceux de la Nièvre, chers à notre ami Christian Paul - avait demandé que des mesures sociales soient prises pour venir en aide aux agriculteurs en fin de carrière et qui n'ont plus de quoi subsister. Ce n'était pas conçu comme une mesure de restructuration, mais elle l'est devenue dans les faits.

M. Philippe Vasseur.

Elle a été acceptée par l'Europe !

M. François Patriat, rapporteur.

De même, c'est le Président de la République qui, en 1984, lors d'un autre sommet européen, a imposé les quotas laitiers contre l'avis des agriculteurs français, afin de maîtriser la production de lait et de la garantir un jour.

Je crois qu'il faut rappeler de temps en temps ce qu'est la réalité.

Vous nous dites, monsieur Vasseur, que d'autres lois sont nécessaires. Je suis d'accord. En tout cas, il faut des réformes fiscales.

Oui, il faut que l'on examine demain les conditions d'une fiscalité qui soit en harmonie avec les besoins de la profession.

Oui, il faudra d'autres lois. Au demeurant, il y en aura une l'année prochaine, je l'ai dit, sur l'enseignement supérieur. Cela dit, il ne faut pas rompre l'équilibre des lois de 1984.

Enfin, vous dites qu'il faut organiser une conférence annuelle. Je vois très bien l'intérêt des conférences annuelles organisées à grand renfort médiatique, mais uniquement pour faire un peu de clientélisme !

M. François Sauvadet.

Oh !

M. François Patriat, rapporteur.

Ce dont le monde agricole a besoin, c'est avant tout de perspectives et de décisions. Il faut, comme vous l'avez demandé, et je vous suis sur ce point, renforcer l'organisation économique, et c'est bien ce à quoi tend ce projet de loi en renforçant les syndicats de producteurs, les filières et les groupements i nterprofessionnels pour leur permettre d'exercer un contre-pouvoir face à la distribution. Il faut permettre à l'agriculture de se regrouper et de dynamiser sa production par la qualité.

Je pense, contrairement à vous, monsieur Vasseur, que ce texte permet tout cela, et c'est pourquoi nous sommes en désaccord ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Joseph Parrenin, pour le groupe socialiste.

M. Joseph Parrenin.

Je ne suis pas un spécialiste de la Constitution, mais où est l'irrecevabilité ? On peut se le demander. D'ailleurs, ce n'est pas le sujet que vous avez abordé, monsieur Vasseur.

Pour ma part, je ne tomberai pas dans le piège de l'amabilité. En dépit du ton très courtois que vous avez utilisé, j'ai cru discerner dans votre propos un certain nombre de choses désobligeantes qui relevaient du procès d'intention. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous avez parlé de l'enseignement agricole alors que rien dans ce texte ne remet en cause sa spécificité.

Mme Sylvia Bassot.

Vous avez mal compris !

M. Patrick Ollier.

M. Vasseur a parlé de l'enseignement privé !

M. Joseph Parrenin.

Vous avez évoqué les amendements essentiels adoptés par le Sénat et qui auraient été rejetés par la commission. Mais vous ne savez pas quels sont ceux qu'elle a retenus - d'ailleurs, je ne vous ai pas vu beaucoup en commission.

M. Patrick Ollier.

Peu d'amendements votés par le Sénat ont été retenus !

M. Joseph Parrenin.

Il y en a ! Un certain nombre d'amendements adoptés par le Sénat ont été acceptés par la commission.

Mme Sylvia Bassot.

Il n'y en a pas beaucoup !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. Joseph Parrenin.

Vous avez abordé ensuite le problème de la qualité des produits. Sur ce point, je suis d'accord avec vous. Je vais même vous faire une révélation. Quand des accidents mortels provoqués par la listeria ont été évoqués pour la première fois, c'était en Suisse ; or les vacherins responsables de ces drames - le vacherin suisse est l'équivalent du Mont d'Or français avaient été fabriqués avec des laits pasteurisés. Et cela, on ne l'a jamais suffisamment mis en avant. Pourtant, les chercheurs et les spécialistes vous expliqueront très bien que la listeria risque plus de faire des ravages dans un lait pasteurisé que dans un fromage au lait cru ! Vous avez parlé de la conférence annuelle. Dans mon département, le président du conseil général en organise une, au cours de laquelle il distribue 800 000 francs aux agriculteurs sur le budget du département, après quoi tout se termine à midi et demi par un repas. Comme cela a été dit tout à l'heure, c'est du clientélisme pur et simple ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous avez terminé votre intervention, monsieur Vasseur, en disant qu'il fallait bien labourer et bien semer.

Sous-entendu, vous - c'est-à-dire la majorité -, vous n'êtes pas capables de le faire. La droite veut toujours accréditer l'idée que les gens de gauche ne connaissent rien à l'agriculture, qu'ils ne savent ni labourer ni semer.

M. Patrick Ollier.

Ils ne savent pas aimer l'agriculture !

M. Joseph Parrenin.

Je rappellerai tout de même deux grands rendez-vous de l'histoire où seule la gauche était présente : le statut du fermage et la mise en place des quotas. On n'y a pas vu la droite, laquelle n'a su que critiquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le président, je voudrais manifester la solidarité de l'opposition en signalant que le groupe UDF votera l'exception d'irrecevabilité.

J'ajoute que, dans quelques instants, François Sauvadet opposera, lui, la question préalable, car certains points du projet de loi mériteraient d'être davantage approfondis.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Christian Jacob.

Bien entendu, je soutiendrai l'exception d'irrecevabilité présentée par notre collègue Philippe Vasseur.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit - et M. Philippe Vasseur l'a reconnu lui-même - que, sur le plan juridique, il n'y avait peut-être pas matière à soulever l'exception d'irrecevabilité.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Sûrement pas !

M. Christian Jacob.

Soit, mais il sera intéressant de voir ce qu'il adviendra notamment des atteintes portées au droit de propriété.

Toutefois, sur le fond, ce texte est irrecevable pour toutes les raisons évoquées par M. Philippe Vasseur.

Après la réforme de la politique agricole commune, nous avions en effet besoin d'une loi d'adaptation agricole qui prenne en compte la nécessité de modifier le statut juridique, social et fiscal de l'entreprise agricole, d'engager une véritable politique incitative en matière d'installation et d'entrer dans une véritable logique de baisse des charges qui pèsent sur les exploitations agricoles. Ce n'est pas le cas. Par conséquent, ce projet de loi me paraît irrecevable.

Cela dit, ne négligez pas les points juridiques, car je pense qu'il y aura vraiment matière à discussion, notamment sur l'article 16. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Jean Proriol.

Bien entendu, le groupe Démocratie libérale et Indépendants apportera son soutien à l'exception d'irrecevabilité qu'a brillamment présentée Philippe Vasseur.

Il a su, grâce à son charme et à sa connaissance parfaite du sujet, captiver l'ensemble de son auditoire, et il a même rallié à un moment à son suffrage notre collègue M. Mexandeau - et il avait quelque mérite à le faire compte tenu de l'heure tardive.

(Sourires.)

Monsieur le ministre, des sujets d'interrogation forts, que Philippe Vasseur a bien exposés, demeurent.

Ainsi, s'agissant du financement des CTE, votre explication de texte et les chiffres que vous avez cités ne nous ont pas convaincus, pas plus que ne nous avait convaincus d'ailleurs votre prédécesseur. Nous vous reposerons donc les questions que nous lui avions posées.

Philippe Vasseur a eu raison d'insister sur les personnes, qui sont un élément fondamental en agriculture, ainsi que sur leurs qualités.

Quant à la question de l'enseignement, contrairement à ce qu'a dit M. Parrenin, je crois qu'elle a tout de même été un peu mise sous le boisseau.

Je crois que le Sénat a beaucoup amélioré le texte. Et si la commission a retenu un certain nombre des amendements de la Haute Assemblée, elle en fait passer beaucoup trop à la trappe.

Enfin, il y a des oublis. Philippe Vasseur a bien noté que le problème de l'aval, c'est-à-dire de la négociation des prix, n'était pas du tout abordé, alors que cela fait aussi partie des revenus agricoles.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocratie libérale et Indépendants, s'appuyant sur la démonstration de M. Vasseur, votera l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Sauvadet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, je ne prendrai pas le risque de vous gêner par une trop grande amabilité. D'ailleurs, vous-même avez manqué d'amabilité à l'égard de Philippe Vasseur qui a évoqué un certain nombre de problèmes dont je reprendrai plusieurs en défendant la question préalable.

Cette loi d'orientation nous est soumise en deuxième lecture alors que l'urgence a été déclarée mais que le contexte est complètement nouveau. En effet, comme l'ont rappelé un certain nombre de nos collègues et le rapporteur lui-même, un accord est intervenu à Berline ntre les chefs d'Etat et de gouvernement sur l'Agenda 2000.

Vous avez fait preuve dans cette affaire d'une grande habileté de présentation. Vous avez dit dès le départ qu'il s'agissait d'une négociation difficile, et vous ne vous êtes pas trompé. Vous vous êtes sans cesse référé, habilement, au chef de l'Etat et je me souviens que, le 17 mars dernier, lors du débat sur la réforme de la PAC, nous avez souligné le rôle majeur qu'auraient les chefs d'Etat et le gouvernement à Berlin.

Je tiens à rendre hommage, devant la représentation nationale, à l'action qu'a conduite le Président de la République, une action, je le répète, et vous l'avez vousmême noté, qui a été tout à fait déterminante pour l'issue de la négociation.

Car cette négociation, nous l'avions dit avec les professionnels, avait été mal engagée parce que votre prédécesseur, dès la loi d'orientation, avait joué un jeu dangereux en ouvrant la boîte de Pandore de la renationalisation de la politique agricole commune. Vous vous souvenez des débats que nous avons eus en première lecture pour essayer de savoir comment le Gouvernement envisageait de financer le CTE, dont on voyait au demeurant mal les contours. Nous avons demandé si ce financement aurait lieu par redéploiement du fonds d'installation agricole.

On nous a dit à l'époque : « Non, nous ne toucherons pas à l'installation. » Nous avons parlé des fonds structu-

rels et de l'ICHN. Vous nous avez assuré qu'on n'y toucherait pas non plus. Lorsque nous avons demandé quelle part de la politique agricole commune pourrait revenir à chaque nation, nous n'avons pas obtenu de réponse claire. Vous avez fait preuve, je le répète, de beaucoup d'habileté pour inscrire cette politique dans des contours plus acceptables, mais nos inquiétudes subsistent et j'y reviendrai.

Mais le contexte est également nouveau parce que nous n'allons pas seulement avoir une discussion technique et essayer de faire adopter quelques amendements. Ce sera la première fois, monsieur le ministre, que vous allez répondre, au nom du Gouvernement, sur cette loi d'orientation qui a été préparée pour l'essentiel par votre prédécesseur, M. Le Pensec, mais qui portera sans doute aussi votre marque et qui intervient dans un contexte d'incertitudes.

En effet, le premier débat européen que nous venons d'avoir sera suivi d'une autre rencontre, tout aussi inquiétante, tout aussi difficile, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Nous serons extrêmement attentifs à ce qu'elle n'ait pas des conséquences trop graves pour notre agriculture. Tout cela vous renvoie à votre responsabilité de ministre, au sein d'un gouvernement qui va devoir apporter des réponses concrètes, franco-françaises celles-là, visant à permettre l'adaptation de notre agriculture, mais aussi à favoriser, comme vous l'avez rappelé, ainsi que le rapporteur, l'emploi, la recherche, la promotion, la valorisation de nos productions et de nos terroirs.

En fait, il serait préférable pour la France et pour son agriculture de reprendre cette loi d'orientation, qui n'est pas une loi ordinaire puisque le rapporteur a fixé son horizon à vingt ans, afin de lui donner une portée et un sens plus affirmés, notamment dans des domaines qui sont de la responsabilité du Gouvernement.

(M. Patrick Ollier remplace M. Arthur Paecht au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, nous ne pensons cependant pas un instant que vous allez rester vingt ans aux responsabilités.

Mme Béatrice Marre.

Ah bon ?

M. Joseph Parrenin.

On se contentera de dix-neuf !

M. François Sauvadet.

Nous prenons cette affaire très au sérieux parce que c'est le premier rendez-vous entre la nation et son agriculture ; il était d'ailleurs voulu par le Président de la République et par Philippe Vasseur.

Nous aurions souhaité que vous repreniez cette loi et que des signes soient donnés à la profession en matière fiscale, en matière sociale, en ce qui concerne les charges, la transmission des exploitations, l'installation et l'investissement. J'espère d'ailleurs que les avancées en faveur des coopératives seront maintenues et élargies au cours du débat, afin qu'elles puissent s'adapter au contour qui a été dessiné à Berlin pour les six années à venir mais qui devra, je le répète, subir l'épreuve de l'Organisation mondiale du commerce.

Ce sens nouveau, plus large, donné au texte aurait mieux répondu à l'attente exprimée qu'un renvoi à des rapports ultérieurs qui permettent surtout de remettre à demain une réflexion qui devrait être menée aujourd'hui.

Vous renvoyez également le dossier des retraites agricoles à un rapport, même si je salue votre effort, qui se situe dans le droit-fil de celui de Philippe Vasseur.

Vous avez aussi renvoyé à un rapport le mécanisme d'assurance récolte, de même que le problème de la fiscalité agricole et la dimension de la pluriactivité, ainsi que l'équilibre auquel nous devrons parvenir entre la nécessité d'ouvrir de nouveaux espaces à l'agriculture et le respect des équilibres avec le monde artisanal, qui est lui aussi un des acteurs fondamentaux du monde rural.

Nous n'attendons pas seulement de vous des rapports, nous attendons des propositions ; d'ailleurs, nous avons essayé d'apporter notre contribution, mais vous ne nous avez pas suffisamment écoutés ! Certains orateurs ont critiqué le magistère de votre administration mais je n'aurai pas cette sévérité car je la juge de grande qualité. Mais passez aux actes ! Car l'urgence que vous avez déclarée ne permettra pas de donner une dimension de priorité à cette loi d'orientation telle que la commission de la production et des échanges de l'Assemblée l'a fait évoluer, ni de répondre aux interrogations et d'afficher une vraie ambition pour l'avenir de notre agriculture.

Ce point de vue n'est d'ailleurs pas seulement celui du groupe UDF, c'est celui de toutes les organisations professionnelles, qui ont salué, comme nous, les avancées substantielles de l'accord de Berlin, permises, je le répète, grâce à la détermination du Président de la République, auquel vous vous êtes sans cesse référé. Il y a eu un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

report de la réforme laitière, une baisse moins affirmée du prix des céréales, un maintien des majorations mensuelles, une amélioration des mécanismes du marché de la viande bovine. Mais des inquiétudes subsistent concernant certaines productions, en particulier les oléo-protéagineux, et j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur les difficultés des régions dites intermédiaires, qui auront des possibilités alternatives très limitées, ainsi que sur l'avenir de certaines régions défavorisées, car nous sommes très inquiets quant à l'avenir des fonds structurels européens.

Nous avons interrogé Mme Voynet cet après-midi à ce sujet ; le moins qu'on puisse dire est que sa réponse n'a pas été à la hauteur de la préoccupation exprimée.

Nous sommes également inquiets, comme le monde agricole, devant la baisse des prix à laquelle nous assistons. Elle est certes compensée par un système de primes, mais nous sommes malheureusement une nouvelle fois dans la logique que vous-même avez dénoncée, de la PAC de 1992.

L es organisations professionnelles, en particulier la FNSEA, se retournent donc vers vous et vous disent qu'« il appartient au Gouvernement de réparer les erreurs liées à une négociation mal entamée et insuffisamment p réparée ». C'est également ce que demandent les chambres d'agriculture.

M. Joseph Parrenin.

Ce n'est pas gentil pour M. Vasseur !

M. François Sauvadet.

M. Vasseur et moi sommes sur l a même longueur d'onde, nous débattons souvent ensemble et nous nous écoutons réciproquement. D'ailleurs vous auriez tout avantage à écouter les avis que nous pouvons formuler : je crois que nous ferions une meilleure loi.

Les chambres d'agriculture, disais-je, souhaitent des engagements de votre part, pour que l'environnement économique, fiscal et social permette à l'agriculture française de s'adapter à la nouvelle donne.

J'insiste sur le fait que le rendez-vous de l'Organisation mondiale du commerce, qui débutera en septembre, ne sera pas mineur. Je vous renvoie à cet égard au rapport annuel sur les barrières commerciales établi par les services de la représentation américaine pour le commerce ; il indique qu'il faut s'attendre à de « fortes querelles » lors des prochaines négociations multilatérales.

D'où ma question : comment allez-vous préparer l'agriculture française à passer ce cap ? Il faut d'abord manifester la volonté de diminuer les charges, mais vous n'avez fait aucune allusion à cette nécessité dans la loi d'orientation. Quelle est, dans ce contexte, la portée réelle du projet que nous examinons aujourd'hui, après les propositions de la commission de la production et des échanges, qui ont remis en cause les nombreux apports du Sénat et de l'Assemblée ? Cette loi, et c'est tout a fait paradoxal, a une portée très limitée, mais elle fixe en même temps certaines orientations qui ne seront pas sans conséquences, je pense à la politique des structures ainsi qu'au financement des contrats territoriaux d'exploitation. J'ai le sentiment que, sur ces deux dossiers, la loi d'orientation est à contretemps. Nous avons attendu un an la mouture initiale, dont chacun, même dans les rangs de la majorité, a reconnu le caractère administré et centralisateur. C'était le préfet, et lui seul, qui devait concevoir et signer ce contrat, dans un rapport singulier et administré entre l'Etat et l'agriculture.

Cette loi d'orientation est également arrivée trop tard pour favoriser le modèle que nous souhaitions promouvoir lors des négociations européennes de l'Agenda 2000, modèle fondé sur la qualité et le territoire, ainsi que monsieur Patriat, sur l'ambition exportatrice.

M. François Patriat, rapporteur.

Tout à fait !

M. François Sauvadet.

Car nous sommes une grande puissance agricole et devons le rester. Mais, monsieur le rapporteur, vous avez continué à opposer entre elles les vocations agricoles, à opposer les gros aux petits, les fermiers aux propriétaires, les territoires entre eux. Vous avez oublié que, ce qui est important, c'est la dimension économique inscrite dans un projet respectueux de l'environnement, répondant à l'aspiration à la qualité, à la confiance que le consommateur doit avoir dans les produits qui lui sont offerts ; cela pose le problème de la norme, mais je reviendrai sur ce point.

C'est autour de telles préoccupations que peut se construire un véritable projet, sans oublier sa dimension économique.

Je le répète : ne tombez pas dans le piège qui consiste à opposer les professionnels entre eux ; cela n'a jamais fait une bonne politique agricole. C'est au contraire en reconnaissant la diversité des situations comme une chance, en cherchant de nouveaux équilibres entre prod uction, environnement, espace et qualité, présence d'hommes et de femmes sur le territoire qu'on avancera vers la définition d'un nouveau modèle agricole. Celui-ci devra concilier performances, valeur ajoutée, respect des territoires, emploi, aménagement de l'espace et organisation. Croyez-vous atteindre cet objectif avec le CTE, qui est le coeur de votre loi ? Nous ne le pensons pas. Notre ambition suppose non pas une recentralisation, une renationalisation, des contrats individuels passés avec l'Etat, une suradministration, elle suppose de vrais projets de territoires, de vrais projets d'entreprises et de filières.

Les différentes vocations de l'agriculteur ne vont pas les unes sans les autres, il faut avoir une réflexion d'ensemble sur l'approche économique des territoires.

L'échec de la commission mixte paritaire et le retour au texte initial du projet de loi d'orientation montrent bien que votre intention n'était pas d'aller dans le sens d'un dialogue réaffirmé, nouveau, mais au contraire de revenir à la dimension la plus étroite, la plus dogmatique du texte. Vous avez voulu l'échec de la CMP pour revenir au texte initial et ne pas tenir compte des propositions de l'Assemblée et du Sénat, qui répondaient pourtant davantage aux attentes des professionnels.

Mme Béatrice Marre.

C'est faux, et vous le savez très bien !

M. François Sauvadet.

Toutes les avancées du Sénat en matière fiscale, après celles de l'Assemblée nationale, ainsi que la volonté d'avoir une vision plus pragmatique de notre agriculture ont été balayées, et le goût d'inachevé que nous avions ressenti d'emblée s'est mué aujourd'hui en un sentiment de regret devant un rendez-vous manqué qui ne sera pas sans conséquences. Cela est sans doute dû à un excès de votre part, mais surtout à l'absence de volonté de rechercher les voies d'un équilibre en dehors duquel il n'y aura pas de développement durable pour notre agriculture et ses territoires.

Oui, il y a des désaccords de fond entre nous. Pour nous, la France est un grand pays producteur agricole,...

M. Christian Paul.

Pour nous aussi !

M. François Sauvadet.

... elle doit rester un grand pays exportateur et elle est aux tout premiers rangs mondiaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Pour nous, les industries agro-alimentaires, les PME et les PMI, contribuent aussi à l'aménagement du territoire et constituent un grand secteur industriel dont je ne rappellerai pas le chiffre d'affaires. Elles doivent rester présentes sur les marchés. La France est un grand pays, qui doit retrouver de nouveaux équilibres territoriaux. Or je ne pense pas que cette loi permettra de faire coïncider ces exigences commerciales et territoriales avec la gestion d'un espace où tous les acteurs du monde rural doivent trouver leur place. Vous avez d'ailleurs renvoyé à un nouveau rapport le soin de proposer un équilibre entre tous les acteurs du monde rural.

Songez que c'est grâce à un amendement de l'opposition que nous avons reconnu dans cette loi la capacité exportatrice de la France...

M. Germain Gengenwin.

Tout à fait !

M. François Sauvadet.

... et que celle-ci a été considérée comme une ambition, avec le soutien, au demeurant, d'un certain nombre de membres de la majorité.

M. Jacques Fleury.

Ça allait de soi ! Vous enfoncez des portes ouvertes !

M. François Sauvadet.

Et c'est au détour d'un amendement gouvernemental que nous avons abordé le prob lème des organismes génétiquement modifiés. Ne croyez-vous pas que ce sujet aurait mérité à lui seul un vrai débat dans une loi d'orientation agricole, qui doit indiquer le chemin que nous entendons suivre ? Eh bien non : cela s'est fait un soir, un amendement a été distribué à la hâte et examiné de même par la commission. La première version du texte devait beaucoup à l'action du rapporteur, mais j'ai l'impression que c'est aujourd'hui l'aile dure de la majorité qui a repris le dessus. Je ne veux pas y voir le signe de votre influence, monsieur le ministre, mais la suite du débat nous le dira.

Il y a également un sujet à propos duquel nous avons l'impression d'un retour aux vieux démons : la politique des structures. Nous aussi, nous voulons limiter les agrandissements exagérés, nous aussi nous voulons favoriser l'installation. Mais en mettant en place un système trop contraignant, trop rigide, dans la définition de l'unité de référence et du seuil de déclenchement, vous prenez le risque de démanteler un certain nombre d'exploitations.

En ne reconnaisant pas clairement la spécificité des structures familiales, qui constituent pourtant le fondement de notre agriculture, vous risquez d'affaiblir un dispositif dont vous souhaitiez, comme nous, renforcer l'efficacité.

Nous le regrettons d'autant plus que rien n'est fait pour encourager fiscalement les transmissions.

L'échec des discussions lors de la commission mixte paritaire - je me tourne vers mon collègue François Patriat - a porté sur des sujets lourds, importants. Je citerai d'abord les critères de représentativité syndicale.

Sans faire de démagogie, nous souhaitons bien sûr que toutes les sensibilités puissent s'exprimer dans ce pays.

Mais nous souhaitons aussi que l'exercice des responsabilités soit assuré par ceux-là mêmes qui représentent une majorité d'agriculteurs, à l'instar de ce qui existe dans notre assemblée. N'avez-vous pas, tout à l'heure, fait un rappel à notre Constitution ? Cet équilibre existait au travers des critères de représentativité, que nous souhaitions inscrire dans la loi pour leur donner un caractère de stabilité. Mais vous ne l'avez pas voulu.

Je m'interroge donc sur le sens et la portée des mesures proposées.

Savez-vous bien vers où vous engagez l'agriculture, notamment par la gestion d'un certain nombre d'organismes et d'organisations paritaires ? Nous étions également en désaccord sur le financement des CTE, au-delà de leurs contours. Nous vous avons demandé de nous préciser ce qu'ils devaient être. Se pose la question de l'avenir des politiques territoriales et sectorielles, puisqu'on renvoie l'essentiel des moyens vers un contrat individuel.

Lorsque nous avions évoqué la question en première lecture, on avait balayé notre argument d'un revers de la main, en nous affirmant que l'on nous expliquerait plus tard. Mais figurez-vous qu'en nouvelle lecture - je le dis à l'adresse de Leyzour et d'autres collègues qui sont ici un amendement a été déposé pour précisément faire en sorte que l'ICHN, notamment - mais des politiques territoriales sont également concernées - n'entre pas dans le CTE et reste une politique territorialisée. Je me réjouis, mes chers collègues, que nous nous soyons retrouvés pour garantir l'avenir des politiques sectorielles, et je me tourne en disant cela vers les bancs de la majorité gouvernementale.

Nous aimerions avoir un débat sur le CTE, d'autant que nous avons un nouveau ministre sous la main.

(Sourires.) Nous aimerions avoir un débat sur les aides spécifiques à l'installation, sur leur destinée. Allez-vous faire en sorte que le fonds d'installation agricole, qui a été amputé l'année même de sa création pour alimenter des CTE qui, d'ailleurs, n'existent pas encore, rejoigne effectivement le financement des ces CTE ? Les jeunes agriculteurs de ce pays seraient très intéressés de le savoir.

Je suis assez partisan de l'idée du contrat, que je trouve plutôt moderne. J'apprécie les contrats de territoire et j'aime bien que tous les partenaires soient autour de la table - et pas seulement le représentant de l'Etat. Mais je crains que le CTE ne devienne une sorte d'outil « fourretout » et un nouvel élément contribuant à de nouvelles complexités et à une sorte de sur-administration sur fond de redéploiements de crédits, qui ont d'ailleurs été opérés - je ne reviendrai pas sur la suppression du fonds de gestion de l'espace rural ou des OGAF, ni sur tout ce qui a alimenté les CTE dans un budget que vous avez vousmême présenté, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'est pas moi qui ai vidé le FGER de sa substance !

M. François Sauvadet.

Soit ! Mais nous nous sommes battus avec Philippe Vasseur pour qu'il soit réalimenté.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Qui l'avait vidé ?

M. François Sauvadet.

Je vous rappelle qu'ici même, à cette tribune, M. Vasseur avait pris un engagement, également à la demande d'une partie de l'opposition de l'époque. Vous y étiez, monsieur Glavany...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En effet !

M. François Sauvadet.

Vous étiez de ce côté-ci, et moi de ce côté-là.

(Sourires.)

C'est au Sénat que le fonds de gestion de l'espace rural, M. Vasseur pourra en témoigner, a été rétabli dans sa totalité.

M. Philippe Vasseur.

Oui ! A hauteur de 150 millions !

M. François Sauvadet.

Aujourd'hui, il n'existe plus. Et c'est vous qui l'avez supprimé ! (M. le ministre de l'agriculture et de la pêche fait un geste de dénégation.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais j'étais présent lors de la discussion du budget. Je crois même que j'étais porte-parole de mon groupe. J'essaie de suivre ! Nous aimerions savoir, et la profession attend la précision, comment vous allez utiliser les possibilités nouvelles offertes par la modulation acceptée par les Quinze à Berlin, et qui peut porter sur 20 % des crédits. Vous avez d'ailleurs été honnête dans votre présentation des choses.

Bien sûr, les aides, les primes directes - je préférerais que l'on parle de compensations - ne doivent pas être un facteur de course à l'hectare. Je ne suis pas hostile à l'idée d'un plafonnement. Encore faudrait-il se mettre d'accord sur les modalités pratiques. Pour autant, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire avec une certaine solennité et en forme de rendez-vous la chose suivante : la volonté d'équité que vous affichez ne doit pas conduire au nivellement, pas plus qu'elle ne doit devenir source de nouveaux déséquilibres avec nos partenaires européens.

J'ai pris note de votre réponse à M. Vasseur : un certain nombre de partenaires - quatorze - seraient favorables à un accord. Je prends date.

Mais il ne faudrait pas non plus créer de nouveaux déséquilibres territoriaux en introduisant des conditions différentes d'appui direct selon la prospérité globale d'une région donnée comme je l'ai lu récemment. Cela serait d'une extrême gravité pour certaines régions et de nouveaux déséquilibres territoriaux apparaîtraient assurément.

J'appelle votre attention sur ce point, sur lequel M. Gengenwin et M. de Courson reviendront.

Je ne souhaite pas que les 20 % de crédits qui peuvent être modulés soient demain la première étape d'une renationalisation dont nous combattons l'idée même parce qu'elle est contraire à la conception que nous avons de l'Europe et de la politique agricole commune, seule politique européenne.

L'agriculture a besoin d'Europe. J'oserai même répéter ce que j'ai dit le 17 mars : elle a besoin de plus d'Europe ! L'agriculture a également besoin d'une politique française de l'agriculture qui lui permette d'affronter les défis, y compris celui de l'emploi. Mais la copie est blanche sur les leviers fiscaux, sur les leviers sociaux comme sur l'allégement des charges, qui constituent pourtant ce que l'on appelle des « fondamentaux ».

La CMP, monsieur Patriat, a aussi échoué parce que la majorité n'a accepté aucune - ou si peu - des dispositions fiscales proposées par l'opposition, notamment en ce qui concerne la transmission des exploitations agricoles.

S'agissant du système de préretraite, je partage les craintes qui ont été exprimées à cette tribune. Il demeure qu'il peut constituer un outil de gestion, en particulier si on le lie directement à l'installation des jeunes. Ce dispositif, que nous avions défendu en commission, a lui aussi, été balayé.

J'ai parlé des critères du contrôle de structure, mais on pourrait aussi évoquer un sujet auquel nous sommes extrêmement attachés à l'UDF : l'égalité d'accès aux formations supérieures de l'enseignement public et privé. Ce qui doit primer, et j'appelle votre attention sur ce point, ce n'est pas l'intérêt de tel groupe ou de tel syndicat : c'est l'intérêt de nos jeunes, de tous ceux qui se doivent d'être formés pour assumer demain un métier dans un environnement fluctuant.

L'enseignement privé comme l'enseignement public doivent y prendre chacun toute leur place, ensemble.

C'est un sujet sur lequel je souhaite que nous avancions. Je vous rappelle d'ailleurs que votre prédécesseur avait pris des engagements que vous n'avez pas encore tenus. Il est temps pour vous, puisque nous évoquons le sujet à la faveur de cette loi d'orientation agricole, d'honorer, conformément à la tradition républicaine à laquelle vous avez réitéré votre attachement, ces engagements, concernant l'équité entre l'enseignement public et l'enseignement privé supérieurs.

Ce qu'attendent aujourd'hui les agriculteurs de notre pays, à l'occasion de cette nouvelle lecture de la loi d'orientation, c'est que le Gouvernement dise et que vous disiez en tant que nouveau ministre de l'agriculture ce que vous entendez mettre en oeuvre sur les plans fiscal, social, financier et budgétaire pour rétablir l'équilibre de notre agriculture, qui sera inévitablement mise à mal dans certaines régions. Je pense aux régions fragiles, aux zones de montagne ou du bassin allaitant, ainsi qu'aux régions intermédiaires.

Je ne reviendrai pas sur les conditions faites aux oléoprotéagineux car vous en avez parlé.

Tout le sens de cette question préalable, monsieur le ministre, qui vise à souligner combien la loi d'orientation que l'on nous propose est faible, est de faire valoir que le débat, notoirement enrichi par le Sénat et l'Assemblée nationale, devrait l'être davantage encore, et que vous devriez prendre tout le temps nécessaire.

Puisqu'il s'agit d'une loi d'orientation, il n'y a aucune urgence, si ce n'est celle de répondre aux attentes des agriculteurs. Je crains que vous ne les engagiez dans une sorte de marché de dupes en n'éclairant pas vraiment la représentation nationale et, au-delà, le monde agricole sur vos intentions.

Quel est l'enjeu ? C'est de permettre à notre pays, qui est une grande puissance agricole et agroalimentaire, d'aborder de manière conquérante les marchés, en assurant une valeur ajoutée, en garantissant la qualité des produits, pilier essentiel sur lequel nous aurons à réfléchir, qu'il s'agisse du contrôle de cette qualité ou de l'évolution de la norme qui évolue et dont les retentissements sont grands.

On a parlé tout à l'heure de certains fromages. Je pourrais à mon tour parler de l'époisse.

Derrière tout cela, ce sont des emplois qui sont fragilisés et des filières qui sont désorganisées. Je vous demande de réfléchir à la création d'un fonds de soutien pour les entreprises qui se retrouvent dans des situations de très grande fragilité, en ménageant peut être un système d'avances remboursables. Nous devons apporter une réponse aux entreprises qui jouent le jeu de la qualité et qui se retrouvent fragilisées du fait même que certaines ne l'ont pas joué ! Je vous refais cette proposition, monsieur le ministre, à cette tribune. J'espère qu'elle sera examinée.

Il faudra donc une agriculture plus équilibrée, avec des actifs bien formés. On ne parle pas suffisamment de l'enseignement agricole, de la formation, du fait que nos jeunes doivent voir sur les marchés comment ils devront se situer. Cette agriculture devra également être respectueuse de l'environnement.

A cet égard, monsieur le ministre, vous devrez mettre en adéquation les volontés affichées et les moyens dégagés. Depuis deux ans, vous mettez la pression - si ce n'est vous, c'est Mme Voynet - sur les mises aux normes et la protection de nos espaces. Or je m'aperçois d'une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

chose : pas un franc de plus n'a été prévu dans le budget pour les plans de maîtrise des pollutions d'origine agricole, par exemple.

Pour faire de la bonne politique, on doit mettre en adéquation les moyens que l'on se donne et les objectifs que l'on se fixe.

Je ne crois pas un seul instant que la loi d'orientation que votre majorité a, en commission, ramené à un texte qui se résume au CTE, dont nous avons dénoncé les insuffisances, répondra à tous ces défis alors que va s'engager la négociation dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

La négociation européenne a permis d'éviter le pire.

Mais vous n'avez pas aujourd'hui l'appui du Président de la République pour la politique que veut conduire le Gouvernement. C'est donc maintenant à vous de prendre en main la réponse française.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Comment vais-je faire ? Quelle angoisse ! (Sourires.)

M. François Sauvadet.

Je suis, en tout cas, sinon plus angoissé, du moins plus inquiet que vous si j'en crois le grand sourire que vous affichez. En effet, tout cela se traduira sur le terrain, dans les fermes, par des détresses quotidiennes, des inquiétudes, des comptes en banque qu'il faudra regarder de très près, des filières qu'il faudra réorganiser, des aides qui seront nécessaires dans certains secteurs. Tous ces sujets méritent de notre part un grand intérêt.

Votre responsabilité, et j'en terminerai par là, sera de donner les moyens de concilier les impératifs de performance, d'emploi et de territoires, comme l'a rappelé

M. Jean-François Hervieu, le président de l'APCA.

L'agriculture ne sera présente sur les territoires que si elle est présente sur les marchés, sur tous les marchés : l'un ne va pas sans l'autre, l'un ne va pas contre l'autre.

Cette volonté délibérée et manifeste d'opposer vocation de production et présence territoriale, exigence de qualité et préservation de nos paysages, producteurs à producteurs, les uns ayant vocation à être présents sur les marchés, les autres à être jardiniers de notre espace, risque de nous faire perdre une chance pour notre avenir collectif.

On ne gagne pas à opposer - je vous le dis comme je l'ai dit à certains de la majorité qui se sont livrés à cette opposition - les vocations agricoles et les producteurs entre eux, on ne gagne pas en opposant les territoires ! Comment gagne-t-on ? En faisant coïncider les exigences de l'agriculture, sous toutes ses formes, sur le territoire. On gagne en donnant, à chacun, de la plus petite f erme à l'entreprise agricole et agroalimentaire, les chances de vivre de son métier et d'être présent dans les filières, ce qui suppose un renforcement de nos organisations économiques. On gagne aussi en permettant un meilleur partage de la valeur ajoutée.

Parce que notre agriculture est diversifiée, ce qui est une chance pour notre pays, nous devons, monsieur le ministre, permettre à tous d'atteindre une nouvelle forme de compétitivité au travers de la multifonctionnalité, fondée non seulement sur les micro-filières, mais aussi sur la production et la spécialisation.

Je souhaiterais que vous sortiez d'une vision dogmatique pour entrer dans une vision, dans une logique de projet. Avons-nous vraiment saisi, avec cette loi, l'occasion qui nous est offerte de ce grand rendez-vous entre l'agriculture et la nation ? Non, et je le regrette.

S'il y a aujourd'hui une urgence, monsieur le ministre, c'est celle de reprendre ce texte et d'y travailler hardiment, pour qu'il devienne le signe qu'attend le monde agricole, un vrai signe qui marque la direction que nous voulons faire prendre à un grand pays agricole dans les vingt prochaines années.

C'est pourquoi, mesdames, messieurs, je vous demande de voter la question péalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, je souhaiterais apporter quelques éléments de réponse à M. Sauvadet, tout en étant moins long que lui car nos intérêts sont, en la matière, divergeants.

(Sourires.)

Monsieur Sauvadet, vous avez d'abord expliqué que votre question préalable pouvait avoir un fondement juridique.

Si l'on en croit l'article 91, alinéa 4, du règlement, l'objet d'une question préalable est de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer.

M. François Sauvadet.

Pas dans ce contexte !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais vous êtes pris au piège de votre propre contradiction puisque, pendant un long moment, vous nous avez exposé toutes les réponses que la profession attendait d'urgence, en faisant évidemment valoir qu'elles méritaient qu'on les traite. Cela prouve bien qu'il y a lieu à débattre.

Connaissez-vous les réactions de la profession ? Après l'échec de la CMP, sur lequel je dirai quelques mots, les organisations ont considéré que cet échec se solderait par une perte de temps. Elles n'ont pas dit qu'elles ne voulaient pas du texte, mais regretté que, faute de nous être mis d'accord, nous perdions du temps.

M. François Sauvadet.

C'était avant Berlin !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En ce qui me concerne, je pense qu'il y a lieu à débattre...

M. François Sauvadet.

Bien sûr !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... de tous ces sujets, qui sont d'importance et qui appellent des réponses. Il n'y a donc pas lieu d'adopter votre question préalable.

Vous m'avez dit que je devais assumer mes responsabilités. Cela ne me fera pas peur. Vous vous souvenez sans doute des conditions politiques dans lesquelles j'ai succédé à mon prédécesseur et ami Louis Le Pensec : ce ne fut pas à la faveur d'une alternance politique. Je n'avais donc pas de raisons objectives de diverger du texte qu'il avait proposé en première lecture à l'Assemblée nationale et qui avait fait l'objet d'arbitrages du Premier ministre.

En prenant sa place, je n'avais aucune raison, ni objective ni politique, de me démarquer de son texte.

Et, puisque vous aimez vous référer au passé, je vous rappellerai que j'avais voté le texte en tant que député. Je ne vois pas pourquoi, devenu ministre, je chercherais à m'en démarquer à tout prix.

Cela dit, les débats sont les débats. Il m'arrivera peutêtre, sans avoir l'obsession d'imprimer ma marque, car ce n'est pas mon souci majeur, de m'en différencier sur tel ou tel point. Je pense, par exemple, à l'article 6. Si nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur une définition d'activité, cet énorme projet très ambitieux sera abandonné, mais cet abandon n'aura aucune vertu normative.


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J'essaierai en revanche d'imprimer ma marque, comme j'avais tenté de le faire, mais en vain, en première lecture, sur cette IGP autonome, à laquelle je ne suis pas particulièrement attaché, comme d'autres d'ailleurs, sur divers bancs. Nous avons trouvé une solution qui est à mon avis plus conforme à l'exigence de qualité que nous recherchons tous. Sur ce point, nous pourrons donc avancer.

« Nous aurions fait une meilleure loi », avez-vous dit.

M. Vasseur demandait tout à l'heure : que reste-t-il de ce texte si l'on retire les CTE ? Je n'aurai pas la cruauté de vous ramener deux ou trois ans en arrière mais, puisque nous devisons agréablement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), aimablement, dans le cadre d'un dialogue courtois et républicain, je vous rappelle qu'un certain Président de la République, auquel vous faites souvent allusion et auquel vous m'accusez de faire, peut-être, trop allusion,...

M. Christian Jacob.

Ce n'est pas un « certain » Pré-s ident de la République, c'est le Président de la République !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... ce qui n'est pas mon genre, vous avait renvoyé dans les cordes, monsieur Vasseur, en reprochant au projet de loi que vous présentiez alors l'absence d'un volet fiscal. Cela figure au compte rendu du conseil des ministres.

M. Philippe Vasseur.

Me permettez-vous de vous interrompre ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Vasseur, je continue à vous rendre hommage ! Il est vrai qu'à la dernière minute un arbitrage de Bercy vous a permis de l'obtenir, mais la dissolution est alors intervenue.

Vous posez cette question, monsieur Vasseur : que reste-t-il de cette loi si l'on retire son pilier central, le

CTE ? Mais que serait-il resté du projet Vasseur si le Président de la République n'avait pas imposé ce volet fiscal qui, finalement, n'est même pas venu devant le Parlement puisqu'il a préféré dissoudre ? C'est la loi du genre ! Le CTE sera le pilier de la loi. Il va voir le jour et je compte bien lui donner toute la crédibilité nécessaire. Mais je suis bien entendu tout à fait prêt à vous entendre, monsieur Vasseur !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Vasseur, avec l'autorisation de M. le ministre.

M. Philippe Vasseur.

Merci, monsieur le ministre. Je vais peut-être trahir un secret, mais après tout aujourd'hui je peux le faire. Vous savez comme moi ce que sont les arbitrages interministériels et quel est le poids du ministère des finances. Dans le premier projet que j'avais présenté figuraient un volet fiscal, un volet mettant un peu d'ordre dans la grande distribution, un volet sur les retraites, etc. Mais, au fur et à mesure du passage du texte à la moulinette interministérielle, ces volets ont été supprimés, je suis au regret de devoir le dire.

M. François Patriat, rapporteur.

Eh oui !

M. Philippe Vasseur.

Il se trouve qu'ayant une certaine complicité avec le Président de la République, nous avions fait en sorte que l'autorité présidentielle s'exerce au conseil des ministres pour que le ministre de l'économie et des finances soit obligé d'accepter de réintégrer ce qui figurait préalablement dans le texte. Voilà comment les choses se sont passées ! Reconnaissez qu'il est parfois utile, dans l'exercice de l'activité politique, que le Président de la République intervienne pour prendre le dessus sur le ministère de finances. Vous savez très bien de quoi je veux parler ! Le reste appartient à l'histoire. Je n'ai pas été consulté sur la dissolution. J'aurais préféré que nous gagnions les élections législatives, cela nous aurait au moins permis d'inclure dans notre loi d'orientation agricole ce qui manque aujourd'hui à la vôtre, non pas en raison d'une déficience de votre volonté, mais simplement parce que l'histoire se répète. Les gouvernements changent, l'administration reste. Il vous faudra fairer encore preuve de beaucoup de pugnacité, peut-être même vous faudra-t-il, sait-on jamais - mais là je doute fort qu'il ait les mêmes possibilités - l'appui du Président de la République (Sourires) , pour qu'enfin soient réintégrées ces nécessaires dispositions fiscales. Voilà ce que je souhaitais dire pour rétablir une certaine vérité historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Monsieur le ministre, veuillez poursuivre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Donc, vous n'avez pas été consulté sur la dissolution et l'Assemblée n'a pas été consultée sur votre texte ! C'est la fin monentanée de l'histoire.

(Sourires.)

L'un de vos arguments les plus forts, monsieur Sauvadet, que vous avez répété à plusieurs reprises, est celui selon lequel je chercherais à opposer les gros et les petits agriculteurs. Il n'en est rien. Je cherche seulement à prendre en compte la diversité de l'agriculture française.

Il y a d'ailleurs beaucoup plus que deux agricultures. Il y a des agriculteurs, et non les agriculteurs. Et rien ne ressemble moins à un agriculteur de Seine-et-Marne, comme chez M. Jacob, qu'un agriculteur de montagne, comme chez M. le président ! Rien ne ressemble moins à un viticulteur de chez vous qu'un céréalier de chez moi...

Mme Sylvia Bassot.

Ou un agriculteur du bocage !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous apportez de l'eau à mon moulin, si je puis dire ! Mais il est vrai qu'il existe deux grandes tendances dans l'agriculture française : une agriculture compétitive, productive, exportatrice, qui se bat sur les marchés mondiaux, et une agriculture familiale, de petite taille, qui se bat pour boucler ses fins de mois. Or mon souci est justement de prendre en compte la diversité de cette agriculture et de faire en sorte que les soutiens aux agriculteurs soient eux aussi diversifiés, que l'aide ne soit pas simplement proportionnelle à la quantité et à l'hectare, mais qu'elle soit attribuée en fonction de la spécificité des agriculteurs. Il faut aider plus ceux qui en ont le plus besoin.

M. François Colcombet.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et je considère que ceux qui se battent sur les marchés mondiaux ont moins besoin d'aide que ceux qui se battent pour boucler leurs fins de mois. Si nous ne prenions pas en compte ces petites exploitations qui participent à l'animation du tissu rural, à l'entretien du territoire et permettront d'enrayer l'exode rural, nous faillirions à notre mission. Je ne veux opposer personne, je cherche simplement à prendre en compte cette diversité de l'agriculture.

Quant à l'échec de la CMP, je n'ai pas pu le vouloir, je n'y étais pas ! Cela étant, je ne le regrette pas, car il m'aura parmis d'avoir le plaisir de vous entendre, tous (Sourires),...


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M. Germain Gengenwin.

N'exagérez pas !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... aussi bien vous, monsieur Sauvadet, que ceux qui vont s'exprim er. Simplement, monsieur Sauvadet, lorsque deux groupes ayant des idées politiques contraires ou différentes s'opposent et n'arrivent pas à se mettre d'accord, bien malin qui peut dire de quel côté se trouve le dogmatisme ! C'est la démocratie qui veut cela. Les points de désaccord qui se sont fait jour en CMP - un seul a suffi pour le constater - n'ont fait que révéler des divergences de caractère politique, et il est bien naturel qu'elles s'expriment. Je ne vois pas de raison de regretter qu'il en soit ainsi dans un débat démocratique.

J'en viens, pour finir, au financement du CTE. Je ne vois pas en quoi la mise en oeuvre d'une modulation ferait courir un risque de « renationalisation », car, modulation ou pas, des crédits européens restent des crédits européens. Et des crédits européens modulés resteront des crédits européens. Ce sera l'Europe autrement. Vous parliez de « plus d'Europe », moi je dis que, avec des crédits européens modulés, ce sera « mieux d'Europe ».

M. François Sauvadet.

C'est spécieux !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pas du tout ! Les crédits resteront européens et il n'y a pas de risque de renationalisation de la PAC. Il y en a même beaucoup moins qu'avec le cofinancement des aides directes, que nous avons réussi à éviter dans cette négociation.

Voilà, monsieur Sauvadet, ce que je tenais à vous répondre brièvement. Nous aurons l'occasion de revenir sur tous ces points d'une manière plus détaillée. J'aurai également l'occasion de revenir en détail sur la question de la qualité alimentaire, pour poursuivre le débat ébauché par M. Vasseur et M. Mexandeau, parce que c'est là un sujet sérieux qui mérite qu'on le traite sérieusement, comme vous avez commencé à le faire. Je mettrai donc mon grain de sel dans les discussions pendant ces deux jours, parce que cela me paraît important et parce que vous m'avez interrogé. Des réponses sont attendues, donc il y a lieu de débattre, donc de ne pas adopter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à Mme Béatrice Marre, pour le groupe socialiste.

Mme Béatrice Marre.

Le groupe socialiste, évidemment, ne votera pas la question préalable, mais je voudrais dire à M. Sauvadet qu'il m'a beaucoup déçue.

L'absence d'amabilité ne veut pas forcément dire pertinence. La preuve en est que vous avez été à la fois moins aimable que M. Vasseur, monsieur Sauvadet, et beaucoup moins pertinent.

En vous entendant parler, j'ai eu le sentiment de me retrouver le 6 octobre dernier, quand vous nous disiez qu'il ne fallait pas faire la loi d'orientation agricole avant la réforme de la PAC, ni les deux avant la réforme de l'OMC, etc. On en a déjà débattu, mais je persiste à penser que la réforme de la PAC, la négociation de Berlin, sur laquelle je ne vais pas revenir,...

M. François Sauvadet.

Vous avez été meilleure, madame !

Mme Béatrice Marre.

... aurait peut-être été beaucoup plus difficile si l'on n'avait pas engagé la discussion de ce projet de loi à l'Assemblée et au Sénat. Je dis bien « et au Sénat », car la première lecture au Sénat a été très importante, on en parlera lors de la discussion des articles, et vous vous aperceverez, si vous ne le savez déjà, que beaucoup de ses amendements ont été retenus.

Je persiste donc à penser que la renégociation de la PAC aurait peut-être été différente et que le ministre d'abord, le Président de la République ensuite, auraient peut-être été moins à l'aise pour défendre la politique agricole française si nous n'avions pas auparavant procédé à cette première lecture.

Ensuite, vous avez parlé de l'OMC. Effectivement, c'est le grand débat. Mais, là aussi, je vous rappelle que nous avons en face de nous des concurrents, des adversaires. Je n'irai pas jusqu'à reprendre les formules de M. Vasseur. Toutefois, il y a en effet une américanisation, contre laquelle nous devons lutter. Mais les Américains, monsieur Sauvadet, ils ont le Fair Act, et c'est un solide point d'appui pour eux dans cette négociation. Or, il me semble que la loi d'orientation agricole nous fournira un instrument comparable. C'est la raison pour laquelle il est si important de ne pas reporter ce débat après la négociation de l'OMC.

Par ailleurs, je ne releverai pas toutes les expressions traduisant votre langue de bois et votre mauvaise foi.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Cela n'est pas acceptable !

Mme Béatrice Marre.

Je n'en prendrai que deux exemples.

S'agissant de la vocation exportatrice, vous avez voulu faire croire que certains, dans la majorité actuelle, seraient contre les exportateurs. Je suis élue du département de l'Oise, qui fournit un gros contingent de ces agriculteurs exportateurs, et j'y tiens énormément. Nous avons simplement voulu dire que nous ne voulions pas de l'exportation à n'importe quel prix et M. François Patriat, notre rapporteur, l'a excellemment précisé. Mais vous avez fait l'impasse sur toute cette partie de l'explication.

Sur la qualité, ne nous faites pas l'injure de dire que le Gouvernement a déposé un amendement en catimini sur les questions de sécurité alimentaire. Nous étions presque tous présents dans cet hémicycle en première lecture et vous savez très bien pourquoi cela a été fait.

M. François Sauvadet.

J'ai parlé des OGM, ce n'est pas la même chose !

Mme Béatrice Marre.

Cela a été fait parce que le Gouvernement attendait une réponse de Bruxelles.

Monsieur Vasseur, vous venez de nous expliquer comment vous aviez failli vous faire refuser un volet fiscal. Si votre raisonnement était juste et si nous n'avions pas l'intention de faire le volet fiscal, je vous dirais : « Eh bien, au moins, faisons le reste ! » Mais nous mettrons en place ce volet fiscal. C'est l'article 65 du projet de loi que nous allons voter et je viens d'être désignée par la commission des finances pour faire un travail sur cette question. Cela dit, cette loi d'orientation contient des dispositions attendues dans des domaines qui me paraissent essentiels.

Enfin, s'agissant de la politique des structures, vous nous reprochez, monsieur Sauvadet, d'être trop rigides.

J'ai reçu ce matin un appel téléphonique du CNJA qui nous demande de revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale, et je ne suis pas sûr que la totalité de la profession agricole partage vos positions.


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Je ne veux pas allonger le débat puisque M. le ministre a donné d'autres réponses, mais je pense qu'il est urgent de voter cette loi. Elle est très attendue. Nous en avons besoin aussi bien sur le plan national, eu égard à la diversité de notre agriculture, que pour les négociations internationales à venir. Je demande donc le rejet de la quest ion préalable défendue par M. Sauvadet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Je vous pensais plus solide, madame Marre.

Mme Béatrice Marre.

Ça, c'est facile !

M. Christian Jacob.

J'ai été surpris de votre réaction agressive. Je vous ai même sentie un peu fragile et vous êtes presque tombée dans le ridicule. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Comme si le Président de la République avait eu le CTE en tête au moment du sommet de Berlin et comme si c'était grâce à cela qu'il avait réussi à obtenir des avancées importantes lors de ces négociations ! Il faut raison garder et savoir prendre les choses avec un peu de recul. Le Président de la République connaît depuis bien longtemps les questions agricoles et il n'avait vraiment pas besoin de cette loi d'orientation pour négocier.

Le problème, monsieur le ministre, c'est que vous n'avez pas répondu aux questions que François Sauvadet vous a posées. Il vous a demandé quand vous alliez mettre en place une véritable politique de réduction des charges. Vous n'avez pas répondu ! Mme Marre a essayé de le faire à votre place, mais ce que le texte prévoit c'est un énième rapport, comme si on ne savait pas où se posent les problèmes, tant en ce qui concerne les cotisations sociales que la fiscalité et le reste.

Quant à la modulation pour le financement du CTE, j'aurai l'occasion d'y revenir dans mon intervention, puis au cours des débats, mais c'est un point qui me paraît relativement grave, monsieur le ministre. Financer les CTE par la modulation, cela signifie affecter les compensations économiques mises en place avec le concours de l'un de vos prédécesseurs, Louis Mermaz, à tout autre chose. Et ces aides seront distribuées par les associations de défense de l'environnement, les consommateurs, les artisans, commerçants, tous ces gens que vous avez mis dans les CDOA !

M. Joseph Parrenin.

M. Jacob a sorti la hache !

M. Christian Jacob.

Pas encore, attendez !

M. Joseph Parrenin.

La tronçonneuse alors !

Mme Béatrice Marre.

Il s'échauffe !

M. Christian Jacob.

Mme Marre a fait référence à cette modulation. Effectivement, l'Oise est l'un des grands départements céréaliers, voisin du mien, et il n'y a d'ailleurs pas que des céréaliers. Mais quand vous allez expliquer à vos agriculteurs de l'Oise, madame Marre, que vous allez utiliser la modulation pour financer le CTE, croyez-moi, cela va les rendre heureux ! Je vous invite à les rencontrer rapidement,...

Mme Béatrice Marre.

Mais je ne vous ai pas attendu ! Cela fait six mois que je le fais !

M. Christian Jacob.

... parce que, jusqu'à maintenant, M. le ministre ne nous en avait pas parlé. De même, c'est au détour du débat que nous avions appris de M. Le Pensec qu'il faudrait avoir signé un CTE pour bénéficier des aides aux jeunes agriculteurs - prêts JA et DJA - ou des ICHN, indemnités compensatoires de handicaps naturels.

Ce débat est vraiment intéressant parce qu'on y apprend beaucoup de choses qui ne sont pas inscrites dans la loi, mais qui sont dans vos esprits. Et, au fur et à mesure des révélations, des discussions que nous aurons cette nuit et demain, on verra les réactions des agriculteurs. Certaines organisations qui étaient très favorables au CTE vont sans doute faire marche arrière dans les heures qui viennent.

Pour toutes ces raisons, j'appelle bien entendu à voter la question préalable présentée par mon excellent collègue François Sauvadet. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, la parole est à M. Roger Lestas.

M. Roger Lestas.

Le groupe UDF considère que ce projet de loi d'orientation manque d'ambition, pour les raisons suivantes : vocation économique de l'agriculture insuffisamment encouragée, absence quasi totale de dispositions fiscales, volet consacré à la qualité sanitaire des produits nettement insuffisant et confus.

En outre, le texte propose un contrat entre les agriculteurs et la société à l'avenir incertain, notamment en raison du flou des dispositions relatives au CTE et à son financement. Quant au renforcement excessif du contrôle des structures, il risque de se révéler contre-productif.

Tout à l'heure, notre collègue Jacob parlait de ces CTE. Imaginez le jeune qui devra en souscrire un pour profiter de la DJA. Il sera enfoncé dans un couloir pendant cinq ans et ne pourra pas changer de production, d'orientation, alors que les jeunes s'aperçoivent fréquemment, au bout de deux ans d'installation, qu'ils ne sont pas tout à fait sur la bonne voie et en changent. Là, ils devront continuer droit dans le mur ! Enfin, la dimension stratégique fait défaut dans la mesure où le projet de loi ne prend pas assez en compte la composante internationale et communautaire de la politique agricole.

J'ajouterai une remarque personnelle, monsieur le ministre. Vous prévoyez le renouvellement des agriculteurs dans les années à venir par des personnes extérieures à ce secteur. Pour certaines agricultures - vous avez dit qu'il y en avait plusieurs - ce sera peut-être possible, mais en matière d'élevage, par exemple, ce sera difficile. J'ai en effet rarement vu réussir des éleveurs qui n'étaient pas nés dans ce milieu. C'est une profession qui oblige à ma présence vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, et qui n'attire pas les jeunes habitués à un autre mode de vie.

Je déplore aussi que le propriétaire foncier ne soit pas suffisamment favorisé. Le preneur pourra faire des CTE ou autres, de la rénovation ou de la mise aux normes des bâtiments d'élevage, pratiquement sans avoir à consulter son propriétaire. Or les propriétaires de petites exploitations doivent louer leurs fermes dans de bonnes conditions pour que les agriculteurs soient heureux et préfèrent leurs terres plutôt que les acquérir lors de l'installation.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera la question préalable de M. François Sauvadet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. le président.

Pour le groupe Radical, Citoyen et Vert, la parole est à M. Jacques Rebillard.

M. Jacques Rebillard.

L'intervention de M. Sauvadet a été longue.

M. Christian Jacob.

Et brillante !

M. Jacques Rebillard.

J'ai été étonné d'entendre celui-ci évoquer le rôle du Président de la République et, pendant plus de la moitié de son temps de parole, la réforme de la PAC. Cette intervention était pour lui tout autant l'occasion d'une tribune politique que d'une critique de fond de la loi d'orientation agricole. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais il y a aussi un problème de fond, monsieur Sauvadet : vous n'avez pas le courage de déplaire à une profession que vous estimez vous soutenir politiquement.

Vous voulez satisfaire tout le monde ! Vous ne voulez pas opposer les agriculteurs. Vous ne voulez pas opposer les régions. Et c'est malheureusement au nom de cet unanimisme que vous accroissez les disparités entre régions et entre agriculteurs.

Nous, nous avons le courage de prendre les bonnes décisions en cherchant à rééquilibrer les financements vers les exploitations qui souffrent le plus de handicaps de production. Il nous paraît normal, en termes d'aménagement du territoire, de chercher à compenser les handicaps.

Vous nous avez dit que vous auriez fait une meilleure loi ou que cette loi intervenait trop tard. Je vous rappelle, monsieur Sauvadet, que vous avez été au pouvoir de 1993 à 1997, soit quatre ans. Nous, en deux ans, de 1997 à 1999, avons trouvé le moyen de faire voter une loi d'orientation agricole. Cela démontre en tout cas que c'était bien une priorité gouvernementale - ce qui n'était pas le cas avec vous. Deux ans, quatre ans : nous sommes allés deux fois plus vite, nous avons donc fait deux fois mieux...

Vous nous avez parlé des baisses de charges. Je remarque que c'est un slogan trop fréquemment employé.

D'une part, la baisse des impôts fonciers a été largement réalisée jusqu'à présent.

D'autre part, la baisse des charges sociales mérite de votre part quelques précisions. Il faudra que vous nous expliquiez comment vous financerez le déficit supplémentaire qu'elle entraînerait.

En ce qui concerne les exportations, il y a entre nous une véritable opposition. En effet, nous visons les exportations à forte valeur ajoutée, et en particulier les exportations de produits transformés. Tandis que vous visez, vous, les exportations de produits de base, céréales, carcasses, celles qui s'appuient sur une diminution des prix et donc une accélération de l'exode rural et sur l'agrandissement des exploitations agricoles.

Vous doutez du CTE. Eh bien, tant mieux ! Les choix sont clairs entre la majorité et l'opposition. Je considère que le CTE s'apparente à la démarche ISO, utilisée dans l'industrie. On ne permettra pas à tout le monde de conclure un CTE, seulement à ceux qui s'engagent dans un véritable effort de qualité.

En ce qui concerne la CMP, il me semble que derrière son échec se cachait la volonté de l'opposition de gêner le Gouvernement avant la conclusion des négociations de la PAC et de fragiliser les négociateurs français face à leurs partenaires européens.

M. Joseph Parrenin.

C'est bien vu !

M. Jacques Rebillard.

Voilà ce que je souhaitais vous dire, monsieur Sauvadet.

Si j'ai souvent le sentiment que nous avons une analyse commune sur les maux de notre agriculture, nous différons totalement sur les remèdes.

(« C'est vrai ! » sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Voilà pourquoi le groupe RCV repoussera la question préalable.

Enfin, j'ai noté, monsieur Jacob, que vous avez une fois de plus utilisé la tribune de l'Assemblée nationale pour appeler au soulèvement des campagnes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Monsieur le président, pour faire court, je dirai que le groupe Démocratie libérale votera la question préalable de M. Sauvadet.

Nous avons entendu un premier journaliste, devenu député et ministre. Nous avons entendu un deuxième journaliste, devenu député. L'un et l'autre nous ont montré leur parfaite maîtrise du sujet.

Pour ma part, j'ai été frappé par deux aspects de l'intervention de M. Sauvadet. Celui-ci a retracé les ambitions économiques que nous devions avoir pour notre agriculture. Tout au long de la première lecture, d'ailleurs, nous avions dénoncé le fait que l'aspect environnemental prenait le pas sur l'aspect économique. J'ai également apprécié l'aspect territorial qu'il a bien développé.

Monsieur le ministre, j'aurais aimé entendre de votre bouche des réponses aux questions suivantes : est-ce que les aides à l'installation vont être utilisées ou dérivées pour financer les CTE ? Vous aurez peut-être l'occasion de nous le dire tout à l'heure.

M. Sauvadet vous a interrogé à propos de la copie blanche que constitue votre projet en matière sociale, financière, fiscale et en matière de préretraite.

Il a souligné - sans obtenir de réponse à ce propos qu'il n'y avait pas de crédits supplémentaires, notamment pour contrer les pollutions d'origine animale. C'était bien pourtant l'un des objectifs de cette loi, dite d'orientation, de préserver notre environnement.

Pour toutes ces raisons, et pour d'autres que nous aurons l'occasion de reprendre tout au long de la soirée et de la journée de demain, nous voterons cette question préalable.

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le président, je serai très bref, dans la mesure où je m'exprimerai tout à l'heure dans le débat général.

Pour le moment, le groupe communiste votera contre la question préalable.

M. Philippe Vasseur.

Vous êtes sûr ? (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, deuxième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi (no 1360) d'orientation agricole.

M. François Patriat, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1481).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR (Réunion de la conférence des présidents du mercredi 7 avril 1999) L'ordre du jour établi en conférence des présidents le mardi 6 avril 1999 est ainsi modifié : Mardi 13 avril 1999 : L'après-midi, à 15 heures : Questions au Gouvernement.