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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Couverture maladie universelle. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 3659).

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour les titres préliminaire, Ier , II, III, et V.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour le titre IV.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 3663)

Exception d'irrecevabilité de M. Debré : MM. Bernard Accoyer, Jean-Michel Dubernard, Yves Bur, Maxime Gremetz, Alfred Recours, Denis Jacquat. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 3675)

Q uestion préalable de M. Rossi : MM. Jean-François Mattei, le rapporteur, Jean Bardet, Jean-Pierre Foucher, Maxime Gremetz, Pascal Terrasse. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt d'une lettre rectificative (p. 3686).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 3686).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle (nos 1419, 1518).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les titres préliminaire, Ier , II, III et V.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les titres préliminaire, Ier , II, III et V.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, mes chers collègues, je commencerai en citant un texte qui me paraît peu contestable et qui est susceptible de nous rassembler, le préambule de la Constitution de 1946 : la nation « garantit à tous [...] la protection de la santé ».

Le rappel de ce droit juridiquement proclamé permet de mesurer l'écart entre les principes et la réalité ! Or, il me semble que la couverture maladie universelle a comme premier objectif de résorber cet écart et de mettre nos pratiques, nos droits réels en accord avec le Préambule de la Constitution de 1946. Il s'agit en effet de lutter contre une inégalité grave, l'une des plus graves peutêtre, l'inégalité devant la santé et, par voie de conséquence, l'inégalité devant la vie.

Il semble que, jusque-là, chacun, sur ces bancs, partage cet objectif. Aussi ai-je un peu de mal à comprendre ce qui justifie les motions de procédure qui ont été déposées. Quand on est d'accord sur les principes, on accepte, pour le moins, d'engager le débat sur les modalités.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout à fait.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Chers collègues de l'opposition, j'ai peur que vous ne laissiez passer cette occasion de clore un siècle de législation sociale par cette grande loi de solidarité.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cette loi touche aux deux niveaux de la protection maladie, la base et les complémentaires. Je ne m'étendrai pas sur ce dispositif, que Mme la ministre a présenté tout à l'heure avec talent. Je dirai cependant quelques mots pour indiquer la différence entre l'assurance maladie universelle et la couverture maladie universelle.

On a beaucoup parlé de l'AMU dans les rangs de l'opposition. Or le dossier était presque vide : l'AMU en était restée au stade des discours. Il y avait à cela une raison très simple, un préalable : l'harmonisation des régimes d'assurance maladie, sujet compliqué qui présentait en outre le risque de mettre en cause l'autonomie de ces régimes à laquelle les partenaires sociaux étaient très attachés. C'est pourquoi la démarche d'extension, qui est celle de la couverture maladie universelle, apparaît objectivement plus pertinente et plus opératoire que la démarche de substitution, qui était celle de l'AMU.

Mme la ministre a rappelé les trois principes sur lesquels se fonde la couverture maladie universelle de base : l'universalité, grâce au critère de résidence et au critère professionnel, l'immédiateté du droit et, il faut le souligner, la continuité du droit. On ne constatera plus de rupture de droit en cas de changement de régime, comme c'est le cas aujourd'hui, et il y aura également déconnexion entre le paiement de la cotisation et l'obtention du droit, sauf, comme le prévoit un amendement, dans les cas de mauvaise foi, c'est-à-dire de refus de payer. La déconnexion est en effet fondée sur l'idée selon laquelle la difficulté à verser une cotisation ne doit pas conduire à la privation d'un droit.

Au bout du compte, 800 000 personnes sont concern ées par cette extension, parmi lesquelles 150 000 n'avaient jusqu'à présent aucun droit et 550 000 n'accédaient à un droit que par l'intermédiaire de l'assurance personnelle.

Il faut saluer cette extension à tous de la sécurité sociale. C'était déjà une idée de ses fondateurs, en 1945.

Il a fallu un demi-siècle pour achever le processus. Cela mériterait d'être salué et, peut-être, d'entraîner un vote unanime. Le principe de l'extension de la sécurité sociale de base à tous les résidents en situation régulière me semblait en effet emporter, au sein de cette assemblée, un large accord.

Cela étant, l'extension des régimes de base, et notamment du régime général, ne suffit pas. Et c'est pourquoi l'AMU, si elle avait existé, eût été insuffisante. Car, pour pouvoir se soigner, il ne suffit pas d'avoir, comme on dit,

« sa » sécurité sociale. En effet, vous le savez, au fil des années, le ticket modérateur - qui, entre parenthèses, n'a jamais rien modéré - s'est transformé en ticket d'exclusion, et l'on a abouti à ce paradoxe : dès lors qu'on n'avait pas de couverture complémentaire - comme 15 % de la population -, on était privé de la possibilité de jouir de ses droits ouverts par le régime de base. Pour assurer l'accès aux soins, il fallait donc également traiter de l'extension de la couverture complémentaire.

Certes, les régimes complémentaires maladie auraient pu se charger de ce travail d'extension - je reviendrai sur ce point - et le législateur n'aurait pas eu à intervenir.

Mais même si, ici et là, dans le monde mutualiste ou dans le monde de la prévoyance, des efforts ont été accomplis en faveur des personnes en difficulté, personne


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ne peut contester que, malheureusement, les régimes complémentaires maladie n'avaient pas assuré l'extension des droits qu'ils offrent à l'ensemble de la population.

La CMU étend donc la couverture complémentaire à 6 millions de personnes, soit par délégation de l'Etat au régime général, soit par adhésion à un régime complémentaire.

J'essaierai peut-être d'éclairer le débat en revenant sur les trois questions qui ont été soulevées à propos de l'extension de la couverture complémentaire : celle du seuil, celle du partenariat et celle de la maîtrise des dépenses de santé.

La question du seuil, tout d'abord, s'accompagne d'un étonnement.

On semble découvrir un problème d'effet de seuil, comme s'il n'y avait pas quatre-vingt-quinze départements où existent des seuils départementaux hétérogènes d'accès à l'aide médicale.

Je me suis fait communiquer des revues de presse récentes portant sur plusieurs départements, mais je n'ai trouvé aucun débat sur les effets de seuil résultant des barèmes instaurés par ces départements. Je m'en étonne car, s'il y a aujourd'hui débat sur un effet de seuil, pourquoi ce débat n'a-t-il pas eu lieu auparavant, alors qu'il y a quatre-vingt-quinze seuils différents dans les départements ? En réalité, la loi n'innove pas sur ce point, elle instaure un barème national. Et l'on sait que celui-ci est justifié ; l'affaire assez douloureuse de la PSD a montré que, pour un certain nombre de droits, nos concitoyens voulaient être traités de la même manière, qu'ils vivent à Rennes, à Limoges, à Paris, en Corrèze ou au Mans. Ils perçoivent en effet les différences comme des inégalités et des discriminations.

Le slogan de l'étatisation est donc tout de même un peu absurde. Il est légitime, pour l'accès à certains droits, de fixer une règle nationale assurant le même traitement en n'importe quel lieu du territoire. L'Etat-nation est un espace de cohésion sociale qu'il convient plutôt d'enrichir. Il n'y a pas, je le répète, d'innovation en ce domaine, et il est vraiment curieux qu'on provoque un débat dès lors que le seuil est national.

Seconde observation : le barème revalorise les seuils actuels. La moyenne des seuils départementaux, c'est le RMI plus 20 %, c'est-à-dire 2 900 francs par mois. Le seuil envisagé, que le décret fixera, est de 3 500 francs pour une personne seule. Cette revalorisation du seuil aboutit à l'extension de la couverture complémentaire : six millions de personnes seront concernées.

Comme il y aura un débat sur la revalorisation du seuil, je ferai plusieurs observations.

Ce n'est pas en revalorisant un seuil qu'on en supprime les effets. On reporte simplement les effets de seuil à un autre niveau. Mais il y a peut-être un danger à tenter de définir une sorte de seuil national de pauvreté et à ouvrir la quasi-totalité des droits sociaux à partir de ce seuil, on risque en effet d'aboutir à deux systèmes sociaux : un au-dessous du seuil national de pauvreté et un autre au-dessus.

M. Maxime Gremetz.

Ce seuil existe ! L'INSEE l'a déterminé !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Il y a là, je le répète, un danger. Chaque loi sociale a un seuil lié à une dynamique, à une problématique propres.

M. Maxime Gremetz.

Le seuil dont vous parlez est de 3 500 francs ! Le rapporteur, solidement appuyé par la commission, estime qu'il y a une autre réponse à l'effet de seuil que la revalorisation ce ce seuil.

Plusieurs pistes ont été dessinées.

Première piste : la loi prévoit que les personnes qui bénéficieront de la CMU dans le cadre d'une adhésion à un régime complémentaire conserveront, en cas de franchissement du seuil, leur régime complémentaire, avec un système de cotisations modulées.

Deuxième piste : l'extension du tiers payant au-dessus du seuil ; au-dessous, le tiers payant est automatique.

Cette extension serait bien entendu liée à la maîtrise des dépenses de santé, donc à la notion de médecin référent et de correspondant spécialiste des médecins référents.

Par ailleurs, un amendement propose de créer un fonds d'accompagnement de la couverture complémentaire, financé par les acteurs complémentaires. Pourquoi est-il légitime de proposer la création d'un tel fonds ? Les régimes complémentaires revendiquent le monopole de la couverture complémentaire au-dessus du seuil. Si ce monopole est revendiqué, il faut étendre la couverture à toute la population. On ne peut, en effet, prétendre être le seul intervenant pour mettre en place une couverture complémentaire et ne pas intervenir au profit de tous.

Il faut avoir ce débat avec les régimes complémentaires maladie. J'observe du reste qu'il y a un précédent. Certains régimes complémentaires vieillesse se sont progressivement étendus à l'ensemble de la population et ne sont plus contestés aujourd'hui, précisément parce qu'ils se sont généralisés.

L'idée de créer un tel fonds a donc été lancée. Les régimes complémentaires évalueront ce qu'ils veulent faire mais, je le répète, la contrepartie du monopole, c'est l'extension de la couverture.

Quatrième piste : l'utilisation, rappelée par Mme la ministre de ceux des fonds sociaux, notamment de la CNAM. Cette mobilisation est possible et il y a une articulation entre le fonds d'accompagnement de la couverture complémentaire et les fonds sociaux.

T elles sont, pour la commission, les voies qu'il convient de suivre si l'on veut traiter durablement l'effet de seuil sans se contenter d'une simple revalorisation.

M. le président.

Monsieur Boulard, il faut conclure : vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

C'est l'inconvénient de ne pas écrire ses discours.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est un plaisir d'entendre le rapporteur !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Il ne faut pas abuser des plaisirs ! Autre problème évoqué : le partenariat. Il faut à la fois souligner qu'il n'y a ni concurrence entre le régime de base et le régime complémentaire ni instauration d'une sécurité sociale privée ; les régimes de base conservent le monopole de la couverture.

Mais, c'est vrai, le rapporteur et la commission souhaitent une application partenariale de cette loi, parce que c'est le droit commun et parce que nous avons intérêt à ce que les personnes en difficulté ne soient pas prises en charge par des dispositifs spécifiques qui seraient stigmatisants.

Le droit commun, ce sont les couvertures complémentaires. Chacun doit pouvoir dire : j'ai la sécurité sociale et j'ai ma couverture complémentaire.


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Par ailleurs, il ne faut pas dissocier la maîtrise des dépenses de santé et l'extension de la couverture. Il faut mieux maîtriser pour mieux rembourser ; c'est ce que prévoit l'article 23 de la loi.

Pour terminer, j'exprimerai une crainte et je formulerai un souhait.

Nous traitons aujourd'hui de la cause financière de l'exclusion. C'est important et décisif. Mais on voit se profiler un autre risque d'exclusion, très largement lié à l'allongement de la vie : la sélection des risques. Ni le code de l'assurance ni le code de la mutualité ne la prohibent.

La couverture maladie universelle marque de ce point de vue deux avancées. Elle interdit toute forme de sélection du risque à l'égard des bénéficiaires de la CMU, de même que l'utilisation de tests génétiques pour décider d'octroyer une couverture complémentaire.

L'universalité à l'égard des personnes et à l'égard des soins, qui est au coeur du dispositif de ce texte, justifie l'avis favorable de la commission. Il n'y aura probablement pas de plus belle manière de saluer le 1er janvier 2000 que d'en faire la date d'application d'une grande loi de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, il serait souhaitable que chacun respecte le temps de parole qui lui a été imparti car quelque 400 amendements ont été déposés sur ce texte, trois motions de procédure seront défendues, et les échanges seront nombreux, sans parler du risque de répétition.

Je profite de l'occasion, tout en reconnaissant l'importance du débat, pour demander aux orateurs qui défendront les motions de procédure d'être aussi brefs que possible.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le titre IV sur la modernisation sanitaire et sociale.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le titre IV.

Monsieur le président, j'essaierai, afin de le remercier, de regagner un peu du temps que Jean-Claude Boulard a pris au-delà de celui qui lui était imparti.

Sur la deuxième partie de ce projet de loi, portant modernisation sanitaire et sociale,...

M. Jean-Michel Dubernard.

La cohérence est parfaite avec la CMU !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

J'allais y venir, mon cher collègue.

... je voulais préciser que tout est dans tout, et réciproquement. (Rires et applaudissements sur divers bancs.)

M. Maxime Gremetz.

Ça, c'est de la dialectique !

M. Bernard Accoyer.

Ça ne vaut pas Camus !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Nous cherchons la cohérence - qui peut exister ou ne pas exister - entre le titre IV et la CMU. Néanmoins, si l'on cherche bien, eu égard aux effets interactifs et dialectiques...

M. Maxime Gremetz.

Franchement, moi, je n'ai pas trouvé !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

... on peut trouver des exemples montrant qu'il y a tout de même une certaine cohérence. Qui peut prétendre, par exemple, que la possibilité de dépistage du sida généreusement ouverte par l'article 32 ne concerne pas la couverture maladie universelle ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Personne !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Personne, sur aucun banc ! Si l'on considère, comme je l'ai dit, que tout est dans tout et réciproquement, nous pouvons prétendre qu'il y a une cohérence entre les différentes parties du projet.

Néanmoins, madame la ministre, je voudrais, sinon lancer l'appel de Cochin (Rires), du moins en appeler à un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social.

Cela me semble absolument indispensable, et je sais que vous vous ferez notre interprète auprès du Gouvernement. Un tel projet de loi est nécessaire sur toute une série de sujets plus ou moins urgents que nous devons aborder, comme l'avait d'ailleurs souligné en son temps le président de notre commission, Jean Le Garrec.

M. Jean Bardet.

Visiblement, il a été entendu !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Je ne parlerai pas longuement maintenant car j'ai l'intention d'intervenir sur les articles 32, 33, 34, 35, 36 et 37, ainsi que sur les articles additionnels.

Je ne répéterai pas ce qu'a dit Bernard Kouchner à la fin de la séance précédente. La commission a adopté un certain nombre d'amendements, qui nous paraissent très importants, afin d'améliorer le texte du Gouvernement et de progresser dans d'autres domaines. Certains de ces amendements ont été proposés par le rapporteur, d'autres par des membres de la commission. Ils permettront, au fil des différentes lectures - j'insiste sur ce point -, de revenir sur des sujets importants : infirmiers psychiatriques, médecins titulaires de diplômes étrangers, liberté et déontologie - je pense en particulier aux articles 33 et 37.

Nous avons un grand travail devant nous. Je n'ai pas souhaité - et je m'en excuse auprès de certains de nos collègues, qui voulaient en rajouter - que ce débat soit pollué...

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est du cynisme !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

... par un débat trop long, du type DMOS qui nous aurait éloigné du débat principal, lequel porte sur la couverture maladie universelle.

Je tiens à souligner le travail remarquable de JeanClaude Boulard, en amont aussi bien qu'en aval de ce texte.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Et un coup de brosse à reluire !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

C'est un vieux complice avec lequel je travaille depuis des années ! Tout en me réservant, je le répète, d'intervenir à nouveau aussi bien sur la CMU que sur les motions de procédure, je conclurai en disant que j'ai le sentiment que la commission a bien travaillé, et que nous vous sommes reconnaissants, madame la ministre, du travail accompli à l'occasion de ces amendements.

Nous espérons pouvoir revenir ultérieurement sur certains sujets qui, bien que n'étant pas aussi symboliques que la couverture maladie universelle, n'en ont pas moins une importance déterminante à nos yeux pour toute une série de personnes impliquées dans le système sanitaire et social.


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Je vous remercie, mes chers collègues, de votre attention, et je conclurai comme j'ai commencé : tout est dans tout, et réciproquement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand on parle d'un texte qui concerne 6 millions de personnes, on le fait avec une certaine retenue. On s'exprime avec une grande modestie, mais aussi avec beaucoup de force.

Plutôt que de porter un jugement sur ce texte que certains d'entre vous considèrent à tort comme partiel, je préfère l'expression de M. Jacky Mamou, président de Médecins du monde, qui, lors de son audition, a qualifié ce projet de « fondamental ». Le compte rendu de cette audition figure dans l'excellent rapport de notre excellent rapporteur, Jean-Claude Boulard.

Nous le savons tous, l'accès aux soins est inéquitable et l'est chaque année un peu plus. Ce projet s'inscrit dans le droit-fil du Préambule de la Constitution de 1946, comme l'a rappelé M. Jean-Claude Boulard.

Nous répondons ainsi au relatif échec de l'assurance personnelle et à l'hétérogénéité des règles en vigueur sur le territoire en ce qui concerne l'aide médicale, même si je reconnais et si je salue l'action incontestable d'un certain nombre de départements.

Avec ce texte, nous prolongeons les mesures de lutte contre l'exclusion - vous avez eu raison, madame la ministre, de les rappeler -, qu'il s'agisse des programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies, les PRAPS, ou des permanences d'accès aux soins de santé, les PASS. Et tout compte fait, la nécessité de cette action a été largement reconnue. Ce que M. Jacques Barrot ou M. Xavier Emmanuelli ont dit, nous le faisons, tout simplement !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très juste !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il faut le reconnaître. Nous faisons ce qui avait été reconnu par d'autres comme étant une action indispensable.

Je voudrais m'arrêter sur un mot qui a été employé par Mme la ministre et par Jean-Claude Boulard, le mot

« universel », dont la charge est formidable. Il implique l'existence d'une extraordinaire volonté collective ainsi que d'un souci de simplification, car on sait très bien que la complexité se retourne toujours contre les plus démunis. A cet égard, j'attire votre attention, madame la ministre, sur l'importance de l'accord signé par la CNAM avec les organismes complémentaires. On peut néanmoins s'interroger sur sa mise en application, s'agissant du tiers payant, par exemple, qui ne doit pas devenir complexe, ou sur la signification d'une expression usuelle que je n'aime pas beaucoup : le « panier des biens et services ».

Ce sont des questions que nous devrons poser à la CNAM tout en saluant cet accord qui vise à instaurer une forme de partenariat.

Voilà quelques remarques introductives que j'ai voulu simples parce que ce que nous faisons tous ensemble est suffisamment important pour qu'il ne soit pas nécessaire de gloser sur la dimension du débat que nous engageons.

Je me contenterai maintenant d'une remarque liminaire et de cinq remarques sur le fond.

La remarque liminaire concerne le titre IV. J'ai beaucoup apprécié la subtilité dialectique de mon collègue et ami Alfred Recours, dialectique d'ailleurs très appréciée aussi par M. Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais il est vrai - il faut dire les choses comme elles sont - que nous n'étions pas favorables à l'ajout à ce texte sur la CMU d'un bout de DMOS.

M. Maxime Gremetz.

Vous aviez raison !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous l'avons dit clairement. Toutefois, le Gouvernement, maître de l'ordre du jour, ne pouvant déposer rapidement ce DMOS dont nous avions besoin, nécessité faisant projet de loi, nous avons accepté d'avoir un débat limité, maîtrisé sur le titre IV qui permet d'ailleurs de répondre à des problèmes d'urgence concernant chacun d'entre nous. Je pense, par exemple, à celui des médecins étrangers travaillant dans les hôpitaux. Je rappelle néanmoins, comme l'a fait M. Recours - je ne sais pas si cela deviendra l'appel du 27 avril ! - qu'un DMOS doit être examiné le plus rapidement possible. Cette remarque liminaire faite, j'en viens rapidement aux cinq remarques de fond.

Lors des dernières campagnes électorales, des mots très forts ont été utilisés : « lutte contre l'exclusion », « fracture sociale ». Derrière ces mots, s'impose une réalité à laquelle est très étroitement liée la couverture maladie universelle. A cet égard, je veux souligner la cohérence d'ensemble des projets que nous a soumis le Gouvernement : priorité à l'emploi, effort pour rapprocher de l'emploi ceux qui en sont le plus éloignés - lutte contre l'exclusion, TRACE, enfin, effort pour assurer l'égalité des droits - nous en avons parlé à l'occasion de la lutte contre les exclusions - en matière de logement, d'énergie, d'eau et de santé, droit aujourd'hui fondamental.

Deuxième remarque : la couverture maladie universelle s'inscrit dans la volonté de définir une politique de la santé reposant sur le tiers-payant, la mise en réseau. Selon le président de la Fédération des mutuelles de France, il s'agit d'affirmer la spécificité du risque santé, la priorité d'une politique de prévention. Et lors de nos auditions, l'un des intervenants a dit, à juste titre, que les inégalités d'accès à la prévention étaient encore plus fortes que les inégalités d'accès aux soins.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il y a donc là un champ nouveau qui correspond tout à fait au développement de la politique de maîtrise médicale et de la prévention que nous sommes en train de mettre en place.

Ma troisième remarque est relative au développement d'une capacité d'accueil. C'est un point sur lequel il faut beaucoup insister car, sur le terrain, les choses sont toujours difficiles. Un effort supplémentaire va être demandé aux personnels des CPAM et je souhaite qu'il s'opère dans le cadre d'un travail en réseau avec le tissu des complémentaires, avec le milieu associatif et avec l'appui des CCAS. Nous retrouvons d'ailleurs là un débat que nous avons eu lors de l'examen du titre Ier de la loi de lutte contre les exclusions. Il n'y a pas une seule réponse.

La complémentarité est indispensable en la matière.

Ma quatrième remarque m'amène à quelques réflexions sur le mot « partenariat ». J'ai noté, lors des auditions ou dans les déclarations, quelques inquiétudes, réelles ou


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feintes. J'entends parler d'étatisation. Certains évoquent une politique d'assistance, d'autres le risque de faire entrer le loup dans la bergerie - on voit de quoi je parle ! Mais toutes ces argumentations se retournent contre ceux qui les développent. Il s'agit en effet tout simplement de créer une émulation, pour plus de solidarité, entre les caisses de la sécurité sociale et les organismes d'assurance complémentaire. Et tout compte fait, si cette mise en émulation peut réveiller, animer le tissu social et répondre à des préoccupations, je ne vois pas en quoi elle peut être g ênante. D'ailleurs, la signature d'un accord entre la CNAMTS et les différents partenaires montre bien qu'il y a une volonté de maintenir les champs de compétence, d'une synergie forte entre les régimes, d'intervention coordonnée et complémentaire de prise en charge.

Regardons ce qui se fait, ce qui se négocie et ne craignons pas une émulation qui peut apporter une réponse précise aux situations que chacun d'entre nous vit ! Cinquième et dernière remarque, lors des débats en commission nous avons eu une discussion parfaitement légitime sur le problème du seuil et je n'ai pas souhaité que cette discussion soit sanctionnée par l'article 40, estimant qu'il s'agissait d'un débat politique de fond. Le texte prévoit bien un seuil, mais il renvoie à un décret le soin d'en fixer le niveau et je remercie Mme la ministre d'avoir joué le jeu et de nous avoir clairement fait connaître sa conception du seuil. Je souhaite néanmoins poser quelques questions.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous en prie !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout seuil pose un problème, cela a été dit par vous, madame, par Jean-Claude Boulard, et je n'y reviendrai pas. Mais l'objectif est de mener une politique qui conduise progressivement les citoyens vivant une situation que je considère comme à risques vers le plein exercice de la totalité de leurs droits. C'est cela la véritable réponse et, à ce titre, le rôle d'accompagnement des organismes d'assurance complémentaire, en liaison avec les collectivités locales, m'apparaît fondamental. La véritable réponse à ce problème, que je comprends, qui ne me choque pas, consiste à aller progressivement vers une politique de plein exercice des droits. Il faut raisonner en termes de dynamique et non de façon statique. Admettre une fois pour toutes, que la population concernée par le dispositif est de l'ordre de 6 millions serait, d'une certaine manière, un échec de notre projet global. Nous devons donc renforcer cette volonté, illustrée par les amendements proposés par notre rapporteur et adoptés en commission, d'instaurer une dynamique permettant à un citoyen d'exercer pleinement tous ses droits, ce qui est une situation normale. Voilà comment le débat devra être mené. J'ai conscience de la difficulté, elle ne me fait pas peur. Il faut l'assumer avec un projet de société.

M. Bouchet a parlé de texte historique. Je dirai simplement que nous poursuivons un travail politique engagé avec certains textes qui ont leur cohérence et que nous le faisons en bons artisans, mettant et remettant l'ouvrage sur le métier. C'est la plus grande satisfaction que l'on peut avoir. Le prix à payer par nos sociétés avancées pour les richesses qu'elles produisent en quantité considérable est-il l'élargissement des zones d'exclusion ? C'est le débat que nous affrontons. Il y faut volonté politique - nous l'avons -, volonté de soutenir un gouvernement - nous le faisons - et simplicité dans l'expression de ce qu'est notre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Qui pourrait contester le bienfondé du souhait de lever l'obstacle que représente l'argent dans l'accès aux soins ? Personne. Alors pourquoi la plupart des acteurs médico-sociaux sont-ils pour le moins réservés,...

Mme Odette Grzegrzulka.

La droite est la seule à l'être !

M. Bernard Accoyer.

... préoccupés, voire opposés à ce projet de loi dont le titre « Couverture maladie universelle » paraît présenter un intérêt incontestable ? La réponse est hélas simple ! Si l'objectif affiché est généreuxe t consensuel, les moyens choisis pour l'atteindre marquent, de l'aveu de la plupart des acteurs de la protection sociale, l'étape initiale d'un processus de mutation de notre système d'assurance maladie, processus qui n'est autre que son délitement.

Comment en est-on arrivé là ? Après un demi-siècle d'existence, l'assurance maladie telle qu'elle est demeurée ne répond plus de façon satisfaisante à ses missions et trop de nos concitoyens en souffrent. Il n'y a rien de surprenant à ce que cette branche essentielle de la sécurité sociale, dont la place et les dépenses sont aujourd'hui sans commune mesure avec celles qui prévalaient il y a cinquante ans lors de sa création, se trouve en situation précaire. C'est précisément pour sauver la sécurité sociale et retrouver une efficacité sociale que le gouvernement d'Alain Juppé...

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est à rire, ou à pleurer !

M. Bernard Accoyer.

... et les ordonnances du 24 avril 1996 avaient engagé une réforme refondatrice et courageuse. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Malheureusement pour l'institution,...

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Malheureusement pour vous, Chirac a décidé de dissoudre !

M. Bernard Accoyer.

... le gouvernement socialiste, qui n'avait pas de mots assez durs pour condamner la réforme, en ayant évalué les conséquences politiques pour le précédent gouvernement, l'a arrêtée dès son arrivée, pour l'hôpital,...

M. Alain Barrau.

On a bien fait !

M. Bernard Accoyer.

... les soins ambulatoires, et pour les relations entre le Gouvernement et les caisses, avant d'en détourner la logique.

Cet arrêt a été désastreux, car il a brisé la dynamique de mutation qui s'avérait déjà indispensable à l'époque.

Le retour de la croissance a temporairement masqué, grâce à des recettes imprévues, la dégradation de la situation. Les remboursements ont en effet continué de diminuer, sans pour autant que les comptes et surtout les dépenses soient stabilisés. Prenant la mesure de la situation après dix-huit mois d'immobilisme, le Gouvernement a définitivement mis de côté la réforme la plus pressante, celle de l'hospitalisation, ...

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous parlez du gouvernement Juppé ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

M. Bernard Accoyer.

... pour vider la réforme de sa logique contractuelle, de la maîtrise médicalisée des dépenses et de son volet évaluatif au profit d'un dirigisme étatique, administratif et financier. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Si l'accès aux soins est devenu très problématique pour une partie grandissante de notre communauté nationale, c'est parce que le remboursement par la sécurité sociale d es soins ambulatoires n'atteint même plus aujourd'hui 55 %, ...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Qui a augmenté le forfait hospitalier ?

M. Bernard Accoyer.

... alors que nous enregistrons le plus haut niveau de cotisations en Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est la droite qui les a augmentées !

M. Bernard Accoyer.

La couverture maladie universelle prétend résoudre ce problème d'accès aux soins. En réalité, loin de répondre à cette ambition que nous partageons tous, le texte tel qu'il est crée de nouvelles inégalités ainsi qu'un recul dans vingt-neuf départements.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Avant, c'était dans tous !

M. Bernard Accoyer.

A terme, il remet en cause las écurité sociale elle-même en tournant le dos aux réformes de structures. La réforme structurelle de la sécurité sociale avait pour but de conforter l'institution en distinguant contractuellement le rôle des pouvoirs publics et des caisses. Elle avait aussi pour objectif d'améliorer les remboursements pour tous en rendant le système de soins plus efficient, en offrant à tous des conditions équivalentes d'accès à des soins d'égale qualité.

L'assurance maladie universelle, telle qu'elle était prévue par la réforme de 1996, visait l'harmonisation des régimes.

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

C'était un projet vide !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Il n'y avait rien dedans !

M. Bernard Accoyer.

Elle était porteuse de rationalisation et d'équité !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Des mots !

M. Bernard Accoyer.

Une aide personnalisée maladie aurait apporté à chacun une couverture complémentaire donnant accès au droit commun, sans effet de seuil et dans le respect de la dignité des personnes.

M. Alfred Recours, rapporteur pour le livre IV.

Pour 150 000 personnes seulement !

M. Bernard Accoyer.

Une loi de ratification des ordonnances aurait, comme nous l'avions annoncé, permis de corriger les dispositions qui, hélas, divisaient les partenaires médico-sociaux. Elle aurait permis aussi l'instauration progressive de l'assurance maladie universelle et de l'aide personnalisée maladie sur le modèle de l'APL, l'aide personnalisée au logement.

En soumettant aujourd'hui ce projet de loi au Parlement, le Gouvernement fait un tout autre choix. Il engage sournoisement l'assurance maladie et toute notre protection sociale sur une autre voie : la voie de l'abandon des réformes de structure et de nouvelles injustices et, à terme, la voie de l'instauration d'une sécurité sociale à deux vitesses. C'est pour cela, mes chers collègues, que l'opposition, et en son sein le groupe RPR, considère que ce projet de loi est irrecevable.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

En premier lieu, il importe de noter que le titre de ce texte, « Couverture maladie universelle », est trompeur. Cette terminologie laisse croire que toute la population sera totalement couverte contre le risque maladie, sans différence ni sur les conditions, ni sur les prestations de cette couverture. Or, telle n'est pas la portée de ce projet.

Etymologiquement « universel » signifie « tout entier ».

Or le dispositif central de ce projet de loi exclut 90 % de la population. Il existe donc bien une différence substantielle entre le titre et le contenu du texte.

A l'inverse, les réformes structurelles de 1996 prévoyaient la création d'une assurance maladie vraiment universelle...

M. Christian Jacob.

Eh oui !

M. Bernard Accoyer.

... car tous les Français et résidents réguliers y auraient été affiliés sans exception et auraient été couverts dans les mêmes conditions par le régime obligatoire.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

C'est bien le cas ici !

M. Bernard Accoyer.

Mais, il est vrai, cela nécessitait du courage pour ouvrir le chantier périlleux de l'harmonisation des régimes et chercher à mettre un terme aux injustices et aux gaspillages.

M. Christian Jacob.

C'est cela le vrai courage !

M. Bernard Accoyer.

Pour les responsables de la gauche, harmoniser les régimes, tant pour la vieillesse que pour la maladie, est tabou. Il suffit de rappeler que les premières protestations contre l'idée de cette harmonisation lancée en 1995 sont venues des bancs de cette gauche et de constater aujourd'hui ses pitoyables et coupables atermoiements, en particulier face aux scandaleuses distorsions existant entre les régimes spéciaux de retraite et le régime général. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob.

C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Alain Barrau.

Vous souriez vous-même de vos excès !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

M. Accoyer se trompe de débat ! Il ment et il le sait !

M. le président.

Mes chers collègues, pourriez-vous modérer vos propos et laisser poursuivre M. Accoyer ! Vous en avez entendu d'autres et vous en entendrez encore d'autres dans cet hémicycle ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

Merci, monsieur le président !

M. le président.

Chacun s'exprime librement ! Monsieur Accoyer, vous avez la parole !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Il a toujours trois mois d'avance ou trois mois de retard !

Mme Odette Grzegrzulka.

On n'a pas de temps à perdre ! On est à l'Assemblée nationale, pas à un meeting du RPR !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Juppé a calé face aux cheminots !

M. Jean-François Mattei.

On décomptera les arrêts de jeu !

M. Bernard Accoyer.

S'il est exact que ce projet de loi instaure, comme l'aurait fait d'ailleurs l'assurance maladie universelle, une affiliation automatique au régime général maladie...

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Ah, vous le reconnaissez tout de même !

M. Bernard Accoyer.

... sous le seul critère de la régularité et de la stabilité de la résidence en France, soit en fait trois mois de présence sur le territoire national, cette disposition concerne tout au plus 120 000 à 150 000 personnes.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Comme l'AMU !

M. Bernard Accoyer.

Nous l'approuvons.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Eh bien voilà !

M. Marcel Rogemont.

Encore un petit progrès !

M. Bernard Accoyer.

Au-delà de cette augmentation du nombre des affiliés, ce texte procède surtout à une recentralisation de l'aide médicale, compétence jusqu'à présent exercée par les conseils généraux et les communes. Cette aide médicale sera confiée aux préfets, qui la délégueront aux directeurs des caisses primaires d'assurance maladie.

L'honnêteté intellectuelle voudrait donc que le titre de ce projet de loi exprime l'idée d'aide médicale gratuite nationale. Mais il est vrai qu'une telle appellation ne dissimulerait pas suffisamment sa ressemblance frappante avec le MEDICAID américain. Pour masquer cela, il fallait un habillage sémantique et médiatique avec une dénomination permettant de faire croire à une avancée sociale décisive.

La ressemblance troublante de la CMU avec le MEDICAID nous conduit à l'essentiel du texte : l'instauration p rogressive d'un système à deux vitesses, système incompatible avec les principes fondateurs de la sécurité sociale.

Plusieurs dispositions méconnaissant le principe d'égalité des droits à la protection de la santé, droit fondamental posé par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

La rupture de ce principe d'égalité est manifeste puisque les prestations sont différemment prises en compte pour les bénéficiaires de la CMU et pour tous les autres dans des situations similaires et ce, selon un panier de soins à prix spécifiques.

En effet, l'instauration de « prix spécifiques » pour certains actes ou biens médicaux ne manque pas de soulever une question essentielle : soit ces prestations et ces biens sont d'une qualité différente, soit il s'agit d'une rupture d'égalité entre assurés sur les prix des mêmes prestations.

En plus de l'inégalité face aux cotisations et au niveau des prestations, c'est aussi l'inégalité de la couverture qu'introduit ce texte.

La prise en charge à 100 % en tiers payant pour toutes les prestations pour les bénéficiaires de la CMU et la prise en charge illimitée du forfait journalier hospitalier introduisent une forte distorsion par rapport au reste de la population, qui ne dispose que d'une couverture de base à 74 % et même à 55 % pour les dépenses de soins ambulatoires, alors qu'elle doit aussi supporter le forfait journalier.

Les assurances volontaires complémentaires, dont le coût est élevé, ne font qu'atténuer le cruel défaut de remboursement et le coût du forfait hospitalier.

Ce texte contrevient à deux autres principes fondamentaux de la sécurité sociale et tout d'abord au principe contributif de l'assurance maladie obligatoire et complémentaire.

Le dispositif de l'aide médicale gratuite prévoyait, avec l'assurance personnelle, la substitution du cotisant pour les personnes à faibles revenus par une collectivité ou une institution. Or l'assurance personnelle est supprimée à l'article 2, l'article 1er ayant posé le principe de la gratuité de la couverture complémentaire pour les bénéficiaires et l'article 3 exonérant de cotisations ces personnes à faibles revenus.

Comme, d'autre part, les articles 9 à 13 organisent le remplacement des cotisations par des transferts financiers indépendants des personnes prises en charge, le principe contributif de l'assurance maladie n'est plus respecté.

De même, la mise sous condition de ressources des p restations maladie, principales et complémentaires, méconnaît un autre principe fondamental de la sécurité sociale qui veut que le remboursement de tous les assurés et de leurs ayants droit s'effectue selon leurs besoins, et non selon leurs revenus.

Le seuil institué pour l'ouverture du droit à la CMU équivaut en effet à une mise sous condition de ressources des prestations maladie. En dessous de ce seuil, les remboursements sont à 100 % et la dispense d'avance de frais est totale. Au-dessus, ces remboursements sont bien moindres et il n'y a pas de dispense d'avance de frais.

Madame la ministre, en 1997, vous aviez déjà exprimé et imposé, pour les allocations familiales, votre décision de placer les prestations sociales sous condition de ressources. Heureusement, vous avez été contrainte de capituler, un an plus tard.

Aujourd'hui, vous recommencez avec les prestations maladie. Cette récidive avait d'ailleurs été annoncée par le président de l'UNAF, M. Hubert Brin. Auditionné par la commission des affaires sociales, il avait estimé inévitable qu'après la mise sous condition de ressources des allocations familiales, les prestations maladie passent à leur tour sous condition de ressources. Voilà qui est fait avec les articles 20, 23 et 24.

Par ailleurs, le principe du monopole pour l'assurance maladie du remboursement au premier franc des dépenses de soins est lui aussi remis en cause par la réciprocité des dispositions contenues à l'alinéa 14 de l'article 20 où il est prévu que les caisses primaires seront compétentes pour gérer les prestations complémentaires jusqu'alors facultatives.

Dès lors, surtout après la décision du 28 avril 1998 de la Cour de justice européenne, relative à la concurrence en matière d'assurance maladie, comment soutenir que les opérateurs complémentaires pourront demeurer exclus du droit de gérer au premier franc la couverture obligatoire ? Le président de la CNAM, Jean-Marie Spaeth luimême, n'a pas mâché ses mots sur cette réciprocité, lors de son audition par la commission des affaires sociales.

C'est là tout le grave problème de la confusion des rôles entre le régime obligatoire et les opérateurs complémentaires introduit par ce texte. Il a conduit les uns et les autres à protester contre le choix centralisateur et dirigiste opéré par le Gouvernement...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oh !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

M. Bernard Accoyer.

... au détriment d'un mécanisme partenarial, pourtant proposé par le rapport Boulard.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Excellent rapport !

M. Bernard Accoyer.

Ce choix est tellement contesté par les partenaires concernés qu'ils ont signé un protocole pour l'exprimer solennellement.

Ainsi, les choix retenus par ce projet de loi remettent en cause l'existence de l'assurance maladie telle qu'elle existe depuis plus de cinquante ans par méconnaissance de ses principes fondateurs, rupture de l'égalité des droits à la protection de la santé, atteinte au principe contributif et remise en cause du monopole de la sécurité sociale pour le remboursement au premier franc.

Mais l'assurance maladie est également menacée par la sous-évaluation financière du coût de la CMU et ses effets sur l'équilibre de ses comptes.

Cette sous-évaluation intervient dans un contexte de déséquilibre structurel et tendanciel des comptes et de suppression du versement de cotisations que les collectivités opéraient jusque-là.

La fiscalisation du financement de l'assurance maladie s'accélère. Cette étatisation progressive développe la plus grande confusion entre la logique assurantielle et la logique de solidarité, dont la différenciation est pourtant essentielle pour l'avenir de la protection sociale.

Il est faux que le coût de la CMU se limite à 1,7 milliard de francs, comme on l'a annoncé. Je vais le démontrer.

Le chiffrage de 1,7 milliard - pour l'Etat - s'appuie sur l'hypothèse erronée selon laquelle les dépenses de couverture complémentaire pour 6 millions de personnes s'élèveront à 9 milliards, le coût par personne annuel retenu dans ce calcul étant de 1 500 francs.

A titre d'exemple, dans le département de la HauteSavoie, la dépense au titre du ticket modérateur et des prestations supplémentaires en 1998 s'établissait pour les bénéficiaires de l'aide médicale gratuite à 1 920 francs et pour les bénéficiaires de la carte Solidarité santé à 2 200 francs.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On est très malade en Haute-Savoie ?

M. Bernard Accoyer.

Or la population de la HauteSavoie est jeune et peu consommatrice de soins ! Cela corrobore les évaluations de la Fédération française des sociétés d'assurance qui se situent à 3 000 francs annuels pour des populations dont la moyenne est plus âgée.

La sous-évaluation serait donc de l'ordre de 30 à 100 %. Le 1,7 milliard présenté par le rapporteur comme le coût de la CMU doit donc être remplacé par une fourchette allant de 4,7 milliards de francs à 6,2 milliards, voire 10,7 milliards de francs, ainsi calculée : pour une sous-évaluation de 30 %, 4,7 milliards ; pour une sousévaluation de 50 %, 6,2 milliards ; pour une sousévaluation de 100 %, 10,7 milliards. Sommes auxquelles il faut ajouter 900 millions de francs, laissés à la charge de la CNAM selon l'étude d'impact du Gouvernement et 830 millions prélevés sur les autres régimes, soit pour ces deux institutions, 1,7 milliard en plus. Nous en sommes donc à une fourchette comprise entre 5,4 et 7,9, voire 11,4 milliards de francs ! Quant à la contribution de 1,75 % sur le chiffre d'affaires santé des complémentaires en France - encore une nouvelle taxe ! - son produit est estimé à 2 milliards de francs et il serait ristourné par une exonération de 1 500 francs par personne couverte.

M. Michel Bouvard.

C'est l'allègement des charges !

M. Bernard Accoyer.

Le dispositif est étrange car, nous l'avons vu, ces 1 500 francs sont sous-évalués.

De surcroît, comme cela est prévisible, les complémentaires gratuites seront fournies surtout par les CPAM, car cela sera plus facile pour ces populations en difficulté.

Dans cette mécanique, les mutuelles, les institutions de prévoyance et les assurances vont payer une bonne part de la CMU. Car soit leur contribution ne leur sera pas ristournée si elles enregistrent peu de bénéficiaires affiliés, soit elle le sera de façon insuffisante.

Dans tous les cas, ce sont les foyers à revenus moyens qui, par leurs cotisations, supporteront au minimum ces 2 milliards de francs.

M. Michel Bouvard.

Comme d'habitude !

M. Bernard Accoyer.

La facture du coût de la CMU passe de 7,4 à 10,1, voire à 13,4 milliards de francs pour les Françaises et les Français.

A ces sommes, il faut ajouter encore le coût de gestion supplémentaire pour les caisses primaires de dossiers particulièrement lourds. Ce coût peut être évalué à 5 % des prestations gérées. En prenant pour hypothèse que la moitié de la CMU serait gérée par les caisses primaires, il serait compris entre 300 et 900 millions de francs.

La fourchette du coût de la CMU passe ainsi de 8,3 à 14,3 milliards de francs.

Il n'est en effet pas raisonnable d'avancer, comme le fait le Gouvernement dans son étude d'impact, que les dépenses supplémentaires des CPAM seront financées par les économies de gestion tirées de la télétransmission des feuilles de soins. On le sait, 0,5 % seulement des cabinets télétransmettent.

Il est également prévisible que la recentralisation qui s'opère avec la CMU, par rapport à la compétence des collectivités territoriales pour l'aide médicale gratuite, n'enlèvera pas à ces dernières la charge de travail social de proximité et la pré-instruction des dossiers de CMU qui va remplacer l'instruction des dossiers d'aide médicale gratuite. Cette charge de travail restera financée par l'impôt local. Il convient de l'intégrer dans le coût total de la CMU.

La fourchette du coût global de la CMU se situe donc, dès le départ, entre 8,3 et 11, voire 14,3 milliards de francs de dépenses supplémentaires. Dans la mesure où la montée en charge et les transferts seront évidemment progressifs, ce coût global ne correspond pas cependant au coût actuariel d'une telle nouvelle charge. En effet, le coût de la CMU nécessite d'être évalué dans le temps.

Plusieurs facteurs conduisent à rendre inéluctable une augmentation de ce coût.

Le premier réside dans la part chaque année plus importante laissée par l'assurance maladie à la charge des familles et des organismes complémentaires. Celle-ci augmente de 9 % par an, ce qui est considérable et ne saurait changer en l'absence des réformes structurelles que la gauche a abandonnées.

Le second facteur est l'évolution du seuil qui sera immanquablement appelé à rejoindre le seuil de pauvreté, en raison des coûts des soins qui évolueront à la hausse.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

Dans tous les cas, les revenus évolueront moins vite que les besoins et le coût des soins démultiplié par l'allongement de la vie et les progrès de la médecine.

Ainsi, le nombre des bénéficiaires potentiels de la CMU ne peut que croître notablement au fil du temps.

Ajoutons que, le tiers payant intégral ne constituant pas un élément de maîtrise des dépenses de soins, ce qui est démontré tant pour les visites à domicile que pour la pharmacie, le coût de la CMU, sous l'angle du montant des prestations individuelles, connaîtra probablement une hausse plus rapide que les autres modes de prise en charge de soins ambulatoires.

Avec un coût supplémentaire pour la nation qu'il faut évaluer dès le départ entre 8 et 14 milliards de francs, la CMU va peser sur les prélèvements obligatoires qui atteignent déjà le triste record de 54 % de notre PIB.

Et ce coût initial est très loin du coût actuariel de la CMU, c'est-à-dire du coût qu'elle atteindra en quelques années et qui a été évalué par la Fédération frança ise des sociétés d'assurances à quelque 100 milliards de francs.

En prenant pour hypothèse la simple poursuite à l'identique de la hausse annuelle de 9 % des dépenses laissées à la charge des complémentaires, et une augmentation annuelle d'environ 10 % des populations bénéf iciaires, une simple évaluation actuarielle grossière conduit à un coût annuel de la CMU allant de 15 à 30 milliards de francs dans cinq ans...

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Pourquoi pas 150 milliards ?

M. Bernard Accoyer.

... et de 45 à 75 milliards de francs dans dix ans. Si le nombre des bénéficiaires devait évoluer comme celui des RMIstes, ces chiffres seraient très largement dépassés.

Malheureusement, cette hypothèse est loin d'être irréaliste. Encore une fois, à titre d'exemple, le nombre des bénéficiaires de l'aide médicale gratuite en Haute-Savoie a augmenté de 122 % en quatre ans, entre 1994 et 1998.

Pourtant, ce département est l'un des moins touchés de France par le chômage.

L'assurance maladie ne pourra pas supporter cette lourde charge supplémentaire, car l'Etat ne compensera pas cette dérive qui, partant, selon notre rapporteur

« d'un coût résiduel pour l'Etat de 1,7 milliard de francs », aboutit en réalité à un coût annuel pour les Français qu'il faut évaluer entre 45 et 75 milliards de francs dans dix ans, voire davantage.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Qui dit mieux ?

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

150 milliards !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Seulement ?

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, vous dites que ce n'est pas beaucoup. Je pense que, dans dix ans, nous en reparlerons. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est ainsi que la CMU crée la sécurité sociale à deux vitesses. Elle est inéluctablement appelée à devenir la sécurité sociale spécifique des Français à faibles revenus, l'aide médicale gratuite nationale, une sorte de MEDICAID français. Cela, l'opposition le refuse et le considère comme irrecevable tant du point de vue social, éthique que constitutionnel.

Après avoir développé les motifs d'irrecevabilité de ce texte liées à la remise en cause des fondements de la sécurité sociale, j'en arrive aux nombreuses injustices qu'il recèle.

L'effet de seuil instauré par l'article 3 est la plus flagrante des ruptures d'égalité de droits entre citoyens.

J'ai bien entendu tout à l'heure notre rapporteur s'exprimer sur les seuils qui existent dans les départements.

Cela me permet de lui dire que le coût de la vie et les charges pour les familles sont loin d'être égales selon les départements. Cela me permet également de lui rappeler combien l'action sociale de proximité, dont ce texte fait fi, est irremplaçable et combien, dans les CCAS comme dans les conseils généraux, ce travail qui est fait individuellement permet d'apporter, avec l'aide sociale facultative, ces suppléments qui, par exemple, permettaient jusqu'à présent de payer des mutuelles à ceux qui sont visés par ce texte.

Lorsque vous soulignez que les seuils qui existaient - et qui peuvent être effectivement discutés, voire critiqués devaient être à tout prix unifiés, vous balayez d'un revers de main le travail social de proximité, le « microsocial » dont vous ne pouvez que reconnaître le caractère indispensable, mais auquel vous enlevez tout moyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Quelle est l'injustice liée à la brutalité du mécanisme ? Jusqu'au seuil, il n'est pas nécessaire de cotiser pour disposer de soins et de dispositifs de santé totalement gratuits. Mais dès le seuil franchi, il faut payer les cotisations au régime obligatoire, l'adhésion à un régime complémentaire, le ticket modérateur, les suppléments au-delà des tarifs conventionnels opposables ou de responsabilité.

Les familles les plus modestes et moyennes seront ainsi les plus lésées.

Le mécanisme est non seulement brutal, mais le niveau choisi, 3 500 francs mensuels, est arbitraire. Il ne couvre même pas les bénéficiaires du revenu minimum vieillesse ou de l'allocation adulte handicapé, qui disposeront d'à peine 40 francs de plus par mois que les bénéficiaires de la CMU.

M. Marcel Rogemont.

Ce sont des seuils !

M. Bernard Accoyer.

Ce seuil ne correspond pas non plus au seuil de pauvreté, soit 3 800 francs, comme l'a fait remarquer, dans un souci de cohérence, une majorité à la commission des affaires sociales.

L'effet de seuil sera considérable, combiné avec la diminution annoncée des remboursements par l'assurance maladie, puisque Mme la ministre a d'ores et déjà indiqué qu'après examen de la liste des médicaments remboursés certains remboursements pourraient ne plus bénéficier que d'un taux symbolique de 10 %.

En clair, cela signifie que soit l'assuré est pris en charge à 100 % grâce à la CMU, soit il dispose des capacités f inancières nécessaires pour financer sa couverture complémentaire qui devient absolument indispensable pour accéder aux soins, soit il ne dispose pas de ces capacités et ne peut se soigner, car il présente la caractéristique majoritairement partagée par les Français de n'être ni assez riche, ni assez pauvre.

Cette dernière hypothèse est bien celle qui correspondra à la situation de millions de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle cet effet de seuil est aussi inacceptable qu'irrecevable, au regard de l'égalité des droits à la protection de la santé garantie par notre droit constitutionnel. Le système de protection maladie à deux vitesses que ce texte met sournoisement en place sera très pénalisant pour les nombreuses familles aux revenus modestes


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

et moyens. C'est d'autant plus inacceptable que c'était évitable, avec l'aide personnalisée maladie et sa gestion partenariale refusée par le Gouvernement.

Ce texte revient aussi sur des droits acquis. S'il est un principe auquel on aurait pu croire la gauche particulièrement attachée, c'est pourtant bien celui-là.

Dans vingt-neuf départements, soit pour près du tiers des populations les plus pauvres, ce projet de loi va se traduire par une forte régression de la couverture maladie.

En effet, vingt-neuf départements ont retenu un seuil de déclenchement de l'aide médicale gratuite supérieur à 3 500 francs.

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Qu'est-ce qui empêche ces départements de poursuivre leur action ?

M. Bernard Accoyer.

Tel est le cas de Paris avec la carte Paris-santé, dont le seuil est de 4 004 francs en 1999, soit le montant du RMI augmenté de 60 %.

Pour les quelque 25 000 Parisiens dont les revenus sont situés entre 3 500 francs et le seuil de la carte Paris-santé comme pour les habitants ayant des revenus comparables de vingt-huit autres départements, la remise en cause de leurs acquis sociaux sera douloureuse. Ce texte aura pour effet de les enfoncer davantage dans la précarité.

Cette régression est inacceptable : l'intangibilité des droits acquis habituellement revendiquée par la gauche n'aurait-elle pas la même force pour tous ? A moins que les droits acquis ne s'appliquent en fait, selon la majorité de gauche, qu'aux population privilégiées et surprotégées grâce aux cotisations et impôts des salariés du secteur privé...

Le mécanisme de financement retenu pour la CMU prélèvera des recettes sur les dotations de ces vingt-neuf départements, sans tenir compte de leurs spécificités et en leur interdisant ainsi d'apporter une aide particulière en compensation des effets pervers de ce texte.

Par ailleurs, tous les assurés ne seront pas, en pratique, dans une situation égale pour la définition des seuils.

Ceux qui auront des revenus non déclarés au-delà de 3 500 francs pourront bénéficier intégralement de la CMU. On voit bien là un nouveau mécanisme redoutable d'encouragement au travail clandestin et à la fraude, alors que jusqu'à présent la logique était inverse. L'ouverture des droits à l'assurance maladie dépendait d'un nombre minimum d'heures travaillées : soixante heures par mois ou cent vingt heures par trimestre.

La remarque vaut aussi pour les étrangers séjournant régulièrement depuis plus de trois mois en France. Ce ne sera plus le travail qui leur permettra d'avoir accès aux prestations maladie. On peut même dire que ce sera l'inverse.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Bernard Accoyer.

De même, le texte pose le problème de l'inégalité des citoyens devant le principe de l'obligation alimentaire et de la récupération sur succession. Les populations âgées, spécialement en milieu rural, se trouveront en situation d'inégalité par rapport aux autres catégories de bénéficiaires de la CMU. Elles seront incitées à renoncer à la CMU, comme c'est déjà le cas pour l'aide médicale gratuite. Cela tient à leur crainte de voir leur patrimoine, destiné à leurs enfants et constituant souvent leur outil de travail, récupéré par la collectivité.

En l'état actuel, ce texte maintient cette injustice.

De plus, le risque d'arbitraire n'est pas négligeable, dans la mesure où, en l'absence de dispositions nationales applicables dans toutes les caisses, la récupération sera laissée au bon vouloir des directeurs de caisse primaire.

Attribuer aux caisses primaires, la compétence de gérer l a couverture complémentaire créera de nombreuses autres injustices.

Ainsi en est-il de l'irruption d'une institution publique de sécurité sociale dans le domaine des services marchands que représente la couverture complémentaire.

Ainsi en est-il également des distorsions de concurrence entre la sécurité sociale et les prestataires complémentaires, dont les logiques de fonctionnement ne souffrent aucune comparaison, ces derniers étant soumis à l'impôt et à des régimes fiscaux différents qui sont déjà à l'ori gine de distorsions de concurrence au regard des directives européennes.

Une autre rupture d'égalité est introduite pour le financement des prestations et la gestion de la CMU. La distorsion est là totale entre, d'une part, le régime général et les caisses primaires et, d'autre part, les opérateurs du secteur complémentaire. Pour les CPAM, ces charges sont nécessairement compensées par des dotations d'équilibre de l'Etat et de l'ACOSS, c'est-à-dire, in fine, payées par les contribuables et les cotisants. Pour les opérateurs complémentaires, le code de la mutualité et le code des assurances sont très clairs : les charges et éventuels déficits sont supportés par les institutions, c'est-à-dire par leurs sociétaires ou par les entreprises elles-mêmes, ce qui se traduit au final par une répercussion des coûts sur leurs adhérents. Ce sont donc bien les seuls titulaires d'une couverture complémentaire à titre onéreux qui supporteront le coût de la CMU pour leur propre prestataire. Ce prestataire pourrait de surcroît payer des prestations d'un meilleur niveau aux bénéficiaires de la CMU affiliés gratuitement qu'aux sociétaires cotisants. Il y a là une inégalité devant l'impôt entre opérateurs et une inégalité devant l'accès aux soins entre citoyens.

Notons que la hausse des cotisations mutualistes et la hausse des prix des assurances complémentaires pourront conduire certaines familles - c'est paradoxal - à renoncer à se couvrir, sans pour autant qu'elles puissent bénéficier de la CMU qu'elles financeront en partie.

Le projet de loi crée des inégalités d'accès aux soins en menaçant particulièrement certains régimes obligatoires professionnels ainsi que certaines mutuelles professionnelles. Tel est le cas de la Mutualité sociale agricole et de la plus importante mutuelle de travailleurs agricoles, Groupama. Avec le seuil de 3 500 francs, 1,5 des 4,5 millions d'assujettis à la MSA seront concernés par la CMU, tant sont modestes les retraites et pensions de réversion agricoles.

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

L'agriculture n'est donc pas oubliée !

M. Bernard Accoyer.

Qu'adviendra-t-il de ces organismes une fois la CMU instaurée ? La question se pose avec d'autant plus d'acuité qu'il s'agit de personnes âgées ayant besoin de soins importants.

La Mutualité sociale agricole a d'ailleurs alerté individuellement tous les députés, par lettre du 2 avril dernier, sur ces menaces : « La vraie question est celle de la dégradation continue des conditions de remboursement par les régimes obligatoires, qui met la France quasiment en dernier rang des pays européens. » Concernant la couverture

complémentaire, la MSA « souhaite également pouvoir


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maintenir les dispositifs mis en place sous les différentes formes existantes dans le régime agricole. En l'état actuel, le texte ne répond pas à cette attente. »

Entre les organismes complémentaires, des distorsions sérieuses de concurrence sont introduites. Ainsi en est-il de la taxe sur le chiffre d'affaires maladie des opérateurs c omplémentaires en France. Evidemment l'opérateur étranger, qui n'a qu'une partie de ses clients dans l'Hexagone, sera avantagé par rapport à l'opérateur national, peu présent à l'étranger.

Mais la plus grave irrecevabilité dont souffre dans ce texte a trait à la mise en place d'une assurance maladie à deux niveaux. Un premier niveau pour les plus pauvres : c'est la CMU, l'aide médicale gratuite nationale, le MEDICAID « à la française » ; un second niveau pour tous les autres, particulièrement cruel pour les familles ayant des ressources modestes.

Quatre points illustrent cette régression des droits sociaux et cette dualité : un panier de soins et des prestations spécifiques ; un double niveau de remboursement ; un double système de paiement ; le détournement de la réforme de 1996.

Le panier de soins spécifique aux bénéficiaires de la CMU est mis en place par les articles 22, 23 et 24.

Certes, il ne concerne que certains biens médicaux et les soins bucco-dentaires mais, comme je l'ai déjà souligné, comment peut-on concevoir que des prix différents puissent s'appliquer durablement à des biens identiques ? De plus, ce panier de soins se complétera inévitablement pour couvrir à terme l'ensemble du champ de la santé. La seule incertitude, c'est le calendrier.

Le double niveau de remboursement se concrétisera par un premier niveau de 100 % et une prise en charge illimitée du forfait hospitalier spécifique aux bénéficiaires de la CMU, principes également définis aux articles 22, 23 et 24. Le second niveau, applicable aux non-bénéficiaires de la CMU, sera de 74 % tous secteurs confondus, et même de moins de 55 % pour le secteur ambulatoire, le forfait hospitalier restant à leur charge. Il existera de plus un système de remboursement spécifique pour les bénéficiaires de la CMU : la gratuité totale avec dispense totale d'avance de frais.

Le détournement de la réforme de 1996 est patent dans cinq domaines : les relations entre le Gouvernement et les caisses ; la réforme de l'hospitalisation ; le médecin référent ; les médicaments génériques ; l'informatisation des cabinets.

Les relations contractuelles entre pouvoirs publics et caisses constituaient une disposition cardinale des ordonnances de 1996. La responsabilité politique était clairement différenciée de la responsabilité gestionnaire des caisses et régie par des contrats d'objectifs et de gestion.

Sur ce plan, le Gouvernement tourne aussi le dos à la réforme, au point d'être en conflit ouvert avec le directeur de la CNAM, qu'il a pourtant nommé. Le Gouvernement impose sa volonté politique sur tout, négociant directement avec les professionnels de santé au-dessus du conseil d'administration de la CNAM et de son directeur, qui n'a plus comme solution que de rappeler dans son plan de redressement ce qu'il avait pourtant publié avant sa nomination, à savoir que sans une réforme immédiate et drastique, en particulier de l'hospitalisation publique, l'assurance maladie est en danger mortel et laissera la place à un double système de soins où les opérateurs privés auront toute leur place. On ne saurait être plus clair ni plus réaliste.

La réforme de l'hospitalisation, inscrite dans les ordonnances de 1996 et qui en formait l'un des axes principaux, était fondée sur l'évaluation, l'accréditation et la contractualisation. Au lieu d'activer cette réforme du secteur le plus décisif pour la qualité des soins et les comptes de l'assurance maladie, le gouvernement socialiste l'a mise en panne. Il a préféré, pour détourner l'attention, lancer de nouveaux SROSS, dits « démocratiques », et les Etats généraux de la santé, dont il ne sort strictement rien.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Tant il y a à sortir !

M. Bernard Accoyer.

L'hôpital public, pendant ces deux années, a sombré dans des difficultés humaines et matérielles engendrant le malaise social et provoquant le transfert d'activités, d'examens et de soins vers le secteur privé.

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est vrai !

M. Bernard Accoyer.

Le Gouvernement a pourvu de nombreux postes vacants en faisant appel à des professionnels n'ayant pas les mêmes qualifications que ceux qui les précédaient, alors que c'est le statut des praticiens hospitaliers qu'il convient de revoir pour adapter l'offre à la demande en qualité et en quantité.

Dans l'hospitalisation aussi, le détournement de la réforme conduit droit à deux niveaux de santé.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mais non !

M. Bernard Accoyer.

Alors que l'hospitalisation privée s'était montrée exemplaire dans ses efforts pour se restructurer et contenir contractuellement ses coûts durant huit années d'accords conventionnels, cette année, après un p remier dépassement d'objectifs, d'ailleurs discutable compte tenu de l'incapacité des caisses à fournir des statistiques fiables, elle se voit dotée d'un objectif quantifié national négatif de 1,95 %. Tous ses représentants estiment que ce taux est suceptible de faire disparaître à court terme 30 % à 50 % des lits du secteur privé.

M. Pascal Terrasse.

Bonne nouvelle !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur Terrasse, les malades hospitalisés dans les établissements privés apprécieront.

M. Pascal Terrasse.

Et le public ? Il est ouvert !

M. Bernard Accoyer.

Tous les représentants de l'hospitalisation privée ont attiré l'attention du Gouvernement sur cette catastrophe qui menace à court terme le secteur libre.

M. Dominique Dupilet.

Lamentable !

M. Bernard Accoyer.

Il faut dire que le taux de - 1,95 % ne peut permettre d'absorber ni la hausse des charges de 3,5 % due aux contraintes techniques et sanitaires ni le coût des 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Il y avait longtemps !

M. Bernard Accoyer.

... imposées par le Gouvernement, qui en dispense pourtant l'hôpital public.

Or, avec 130 000 salariés et 35 000 médecins, l'hospitalisation privée assure 63 % de la chirurgie,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La moins difficile !

M. Bernard Accoyer.

... 50 % des accouchements, et cela pour des coûts nettement moins élevés que ceux de l'hospitalisation publique,...


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Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Eh oui !

M. Bernard Accoyer.

... compte tenu pour cette dernière des missions autres que les soins qu'elle assure.

Cet objectif quantifié national négatif fera refluer vers l'hôpital public en crise activités et besoins de financement. Surtout, il va contraindre les établissements privés à facturer des prestations supplémentaires. Des listes d'attente risquent d'apparaître, et le choix des malades se fera par l'argent. C'est donc bien un système à deux niveaux que le dévoiement de la réforme instaure là aussi.

Le dispositif du médecin référent était également prévu dans les ordonnances, mais à titre expérimental, avec l'encadrement strict de l'agrément par la commission Soubie et avec une évaluation médicale et financière.

Désormais, on voit bien que la volonté du Gouvernement et de membres éminents de sa majorité est d'imposer coûte que coûte et définitivement le système du médecin référent avec un paiement forfaitaire direct par les caisses.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est le plan Juppé !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Ils n'en veulent plus !

M. Bernard Accoyer.

Cet activisme quasi dogmatique contre la médecine libérale donne au médecin référent généraliste toutes les caractéristiques des médecins géné ralistes anglais du National Health Service, lequel a suscité un second système totalement privé et extrêmement cher parfaitement inéquitable.

J'entends le rapporteur me dire que nous renierions le principe du médecin référent introduit dans les ordonnances de 1996.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Eh oui !

M. Bernard Accoyer.

Il n'en est rien, car la différence entre les ordonnances de 1996 et les textes que vous nous proposez sur le médecin référent est fondamentale. Notre dispositif était exclusivement expérimental et rigoureusement évalué alors que vous entendez imposer le vôtre et le généraliser.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Si l'expérience est bonne, pourquoi ne pas la généraliser ?

M. Bernard Accoyer.

Pour ce qui est des médicaments génériques, cette autre innovation contenue dans les ordonnances de 1996 a été, elle aussi, détournée dans des conditions préoccupantes pour la qualité des soins.

En deux ans, le Gouvernement socialiste n'a strictement rien fait pour le médicament, de sorte que cette industrie nationale se trouve dans la plus grande inquiétude.

Pire, pour les génériques, du fait du refus des amendements de l'opposition présentés lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, les assurés sociaux français n'auront plus la même sécurité théra peutique. C'est ce qui ressort d'une très récente communication des professeurs Meunier et Thuillier devant l'Académie nationale de pharmacie, document dont les conclusions définissent clairement les imperfections et les risques de la substitution anonyme et passive telle que l'a voulue le Gouvernement : « La bioéquivalence entre deux génériques du même princeps ne découle pas obligatoirement de la bioéquivalence de chacun d'entre eux vis-à-vis de la spécificité de référence. »

M. Marcel Rogemont.

Rien à voir avec la CMU.

M. Bernard Accoyer.

Ainsi, de graves questions se posent sur la valeur thérapeutique des génériques tels qu'ils ont été définis. Sachant que le médecin référent devra les prescrire assez largement, comment ne pas déceler un niveau de soins dévalorisé dans le premier des deux niveaux que la CMU engage ? Ne dites donc pas, cher collègue socialiste, que cela n'a rien à voir avec la CMU. La CMU, c'est la santé des Français, ou alors j'ai mal compris le discours de Mme la ministre.

M. Pascal Terrasse.

C'est exactement ça !

M. Bernard Accoyer.

Enfin, l'informatisation du système de santé, elle aussi inscrite dans les ordonnances, a été totalement dévoyée. Dispositif central des outils de la maîtrise médicalisée, l'informatisation des cabinets, avec le codage des actes et des pathologies permettant enfin l'avènement de la gestion du risque, a été complètement mise en panne sous cet angle, au profit d'un détournement exclusif vers la télétransmission des feuilles de soins.

Pour faire passer ce détournement strictement administratif et financier, le Gouvernement tente de faire croire qu'après la carte Sésam-Vitale I, la carte Sésam-Vitale II et son volet santé représenteraient une avancée décisive.

Cela n'est pas vraisemblable. Comment un support électronique, par définition complexe à manipuler et opaque pour son propriétaire, serait-il mieux adopté par les usagers que le carnet papier ? Et tout cela a un coût. Plusieurs milliards de francs ont été engagés pour la télétransmission des feuilles de soins par 0,5 % des praticiens ! Qui répondra des errances et du gâchis incroyable de ce dossier ? Les gestionnaires de la CNAM ? Le Gouvernement ? En réalité personne, car on ne sait toujours pas qui décide.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Le carnet de santé, c'est encore Juppé !

M. Bernard Accoyer.

Oui, le carnet de santé a été proposé dans les ordonnances de 1996, mais il n'a pas été adopté par les usagers. Vous leur proposez maintenant un dispositif plus complexe, plus lourd et moins transparent.

Le bon sens démontre qu'il ne sera pas mieux adopté.

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Accoyer ou le bon sens incarné !

M. Bernard Accoyer.

Quant au programme médicalisé des systèmes d'information, dont la mise en place dans les hôpitaux a coûté plusieurs milliards, il a été lui aussi détourné de son objectif principal, à savoir l'évaluation des établissements dans la transparence. Après le détournement, le Gouvernement en vient à la censure par l'article 37 pour encadrer le débat public sur les hôpitaux et éviter d'être conduit à restructurer des établissements aux performances insuffisantes en qualité.

Ce faisant, le Gouvernement évite les turbulences sociales et politiques locales mais laisse le système courir vers la faillite et son remplacement par un autre.

Après avoir démontré que ce projet de loi porte atteinte aux principes d'égal accès des citoyens à la santé, a insi qu'aux principes fondamentaux de la sécurité sociale, il reste à souligner qu'il est également entaché de motifs d'inconstitutionnalité plus éloignés du champ social.

M. Marcel Rogemont.

C'est faux !

M. Bernard Accoyer.

Avec le titre IV portant modernisation sanitaire et sociale, le Gouvernement use d'une procédure nouvelle, celle d'un même texte qui traite de projets d'objet très différent, restreignant de ce fait les droits du Parlement.


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Alors que notre ordre du jour a été élaboré pour l'examen d'un seul projet de loi, le Parlement doit en réalité travailler sur deux projets de loi distincts : l'un portant création de la couverture maladie universelle qui n'entrera en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2000, l'autre prévoyant diverses mesures d'ordre social qui, lui, entrera en vigueur dès la publication de la présente loi. Ces deux textes sont d'ailleurs rapporté au nom de la même commission saisie au fond par deux collègues différents.

Le titre IV a, de surcroît, une grande portée. L'hétérogénéité et le nombre des domaines concernés par ce titre et par les amendements acceptés par la commission le d émontrent. Il nous est demandé de légiférer sur seize domaines sans rapport les uns avec les autres.

M. Marcel Rogemont.

Il s'agit de santé !

M. Bernard Accoyer.

J'énumère : les consultations pour le dépistage du VIH, ...

M. Marcel Rogemont.

C'est la santé !

M. Bernard Accoyer.

... le volet santé de la carte informatique d'assurance-maladie, le statut des infirmiers du secteur psychiatrique, ...

M. Marcel Rogemont.

C'est la santé !

M. Bernard Accoyer.

... les conventions entre les pharmaciens et l'assurance maladie, les validations des conventions médicales nationales partiellement annulées par le Conseil d'Etat, les restrictions à la diffusion et au traitement des données personnelles de santé, ...

M. Marcel Rogemont.

Toujours la santé !

M. Bernard Accoyer.

... les conditions de régularisation des médecins titulaires d'un diplôme extra-européen, l'action sociale au bénéfice de la fonction publique hospitalière, le congé de formation professionnelle dans la fonction publique hospitalière, ...

M. Marcel Rogemont.

Encore la santé !

M. Bernard Accoyer.

... le régime juridique des syndic ats interhospitaliers, la création des établissements publics de santé interhospitaliers, la création de fédérations médicales interhospitalières, les pouvoirs des ARH pour les transferts de cliniques privées, ...

M. Marcel Rogemont.

Encore la santé !

M. Bernard Accoyer.

... la création d'un GIP pour la m odernisation du système d'information hospitalier, l'obligation pour les praticiens libéraux de percevoir leurs honoraires par l'intermédiaire de l'administration hospitalière, l'interdiction de prise en compte des résultats des é tudes génétiques par les organismes de protection complémentaire.

M. Marcel Rogemont.

Toujours la santé !

M. Bernard Accoyer.

Tous ces sujets sont lourds de conséquences pour la santé et la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Ils auraient mérité les conditions de travail et les garanties liées à l'examen d'un DMOS en bonne et due forme ainsi que l'ont réclamé, à l'unanimité, la commission des affaires sociales et vous, madame la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour une fois, nous sommes d'accord !

M. Bernard Accoyer.

Cette dualité du texte comporte un grand risque d'inconstitutionnalité.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Non !

M. Bernard Accoyer.

Dans la mesure où le titre du projet de loi porte sur la création de la CMU, on peut s'interroger sur la recevabilité des amendements d'origine parlementaire qui ne traitent pas du sujet annoncé, notamment au regard de la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 1998 sur la loi portant DDOEF.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Bernard Accoyer.

Cette décision indique que les dispositions d'initiative parlementaire qui n'ont pas de

« lien » avec le texte sont vouées à la censure du juge constitutionnel.

M. Michel Bouvard.

C'est la jurisprudence du fonds neige !

M. Bernard Accoyer.

C'est d'ailleurs Mme la ministre qui l'a rappelé devant la commission des affaires sociales le 10 mars dernier, en déclarant :

« S'agissant du titre IV, il s'agit de mesures de santé publique et la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant les cavaliers législatifs ne s'applique qu'aux amendements. »

Par ce texte à objectifs multiples, il est porté atteinte aux droits du Parlement en raison du risque de rendre de facto tous les amendements parlementaires irrecevables.

Au-delà des enjeux liés au respect de la procédure parlementaire, cette technique a pour conséquence de brouiller la lisibilité de la législation que, pourtant, nul citoyen n'est censé ignorer.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

La procédure retenue n'est pas le dernier point d'inconstitutionnalité qu'il m'incombe de souligner. Trois articles de ce projet de loi paraissent particulièrement irrecevables car portant atteinte à des droits fondamentaux : l'article 14 car il porte atteinte aux droits de la défense, l'article 33 parce qu'il menace le droit au respect de la vie privée, l'article 37 qui porte atteinte à la liberté de la presse et au droit des citoyens à l'information.

Je ne m'attarderai pas sur d'autres aspects plus ponctuels d'irrecevabilité, tel l'article 18 qui résilie certains contrats d'assurance privée en méconnaissant une jurisprudence du Conseil d'Etat constante depuis 1938 et qui veut que tout préjudice grave et certain du fait de la loi donne lieu à indemnisation.

Revenons à l'article 14, qui porte sur l'exécution des recouvrements forcés des cotisations des travailleurs indépendants agricoles et non agricoles et qui a suscité les plus vives réserves de la part de la Confédération nationale des avocats. Je me contenterai de citer l'exposé des motifs de l'amendement de suppression no 33, déposé par notre collègue Gérard Gouzes : « Il n'y a pas lieu d'étendre une procédure très dérogatoire au droit commun, permettant d'appliquer l'avis à tiers détenteur aux cotisations, alors que jusqu'ici cette procédure ne s'applique qu'aux impôts. Le nouveau système proposé offrira moins de garanties aux débiteurs... Rien ne justifie l'instauration d'une procédure aussi brutale qui est, au surplus, contraire à l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Dans sa décision du 20 janvier 1981, le Conseil constitutionnel a affirmé que le respect des droits de la défense est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. De même, dans une décision du 28 juillet 1989, il précisait que ce droit implique l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties.


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Tel ne sera pas le cas de la procédure instituée par l'article 14 puisque le débiteur ne pourra exposer ses griefs avant la sanction, et qu'il se trouvera dans l'obligation de déclencher à ses frais une procédure pour faire reconnaître ses droits.

M. Michel Bouvard.

C'est scandaleux !

M. Bernard Accoyer.

L'article 33, relatif au volet santé de la carte d'assurance maladie, suscite également de très sérieuses réserves.

Ainsi, pour la première fois, le Collectif inter-associatif sur la santé, créé il y a trois ans, a décidé d'alerter l'op inion publique sur le dossier de l'informatisation du système de santé.

Ce collectif regroupe dix-huit grandes associations d'usagers, de malades et de consommateurs parmi lesquelles l'UNAF, L'UNAPEI, l'Association française contre la myopathie, l'Association française des hémophiles, l'Association des paralysés de France. Ce collectif à vigoureusement dénoncé la « menace sur les droits des patients » que représente la carte Vitale 2 et son absence de transparence, de confidentialité et de respect des droits de l'usager.

M. Michel Bouvard.

On a juste le droit de payer des impôts !

M. Bernard Accoyer.

Il a émis de vives réserves sur l'utilisation du numéro d'identification du registre de l'INSEE en tant qu'identifiant permanent du patient et s'interroge sur la sécurité des transmissions de données transitant par le réseau santé social.

Si l'on ajoute les prises de position extrêmement fermes du Collectif pour les droits des citoyens face à l'informatisation de l'action sociale, collectif composé notamment par la Ligue des droits de l'homme, le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature, qui a alerté les parlementaires le 7 avril dernier, il est légitime que nous nous interrogions sur le respect, par cet article 33, de la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel sur le droit de chaque citoyen au respect de sa vie privée.

Par l'article 37 qui vise à resteindre la diffusion et le traitement des données personnelles de santé, c'est la liberté de la presse qui est visée et, de ce fait, le droit des patients à être informés sur la qualité des soins.

Avec l'article 37, le numéro de Sciences et Avenir qui publie un classement des hôpitaux ne pourrait plus être réalisé, ni diffusé.

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

C'est faux !

M. Bernard Accoyer.

Il n'est pourtant pas choquant que, grâce à la presse, tous les patients aient la possibilité de connaître les performances des hôpitaux et pas seulement les patients privilégiés auxquels il suffit de consulter leurs carnets d'adresses pour se renseigner sur la qualité des établissements et des équipes.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est la CNIL qui ne veut pas !

M. Bernard Accoyer.

Au prétexte que le programme de médicalisation des systèmes d'information, le PMSI, pourrait présenter un risque théorique dans l'hypothèse où des personnes mal intentionnées parviendraient à lever l'anonymat des données, il faudrait instituer un filtre ministériel.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Voilà !

M. Bernard Accoyer.

Cela est manifestement disproportionné lorsque l'on sait que cette base de données ne contient ni noms, ni prénoms, ni numéros identificateurs et que la sécurisation totale n'existe nulle part et en aucun autre domaine.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est le regroupement des données qui est dangereux.

M. Bernard Accoyer.

La commission d'accès aux documents administratifs a d'ailleurs toujours considéré les données issues du PMSI comme des données publiques pouvant faire l'objet de communication. Et la Commission nationale de l'informatique et des libertés a rendu, le 18 février dernier, un avis défavorable sur cette disposition.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision des 10 et 11 octobre 1984, a indiqué que le législateur, en matière de liberté de communication, ne peut intervenir que pour rendre la réglementation plus favorable à cette liberté. Tel n'est manifestement pas l'objet de cet article.

En s'attaquant au PMSI, le Gouvernement neutralise un système qui fonctionne enfin après quinze ans. Il constitue un moyen majeur pour l'évaluation et la libre information des professionnels et des consommateurs.

Cet article est en outre contraire à la directive européenne du 24 octobre 1995. Celle-ci opte, en effet, pour un contrôle de l'utilisation des données a posteriori , et non a priori, et prévoit des dérogations indispensables pour la presse et les réseaux de médecine préventive.

Pour conclure, mes chers collègues, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) parce qu'à partir d'un objectif partagé, celui de faciliter l'accès aux soins pour les plus démunis, le Gouvernement, loin d'apporter la bonne réponse menace la sécurité sociale elle-même en créant de nouvelles injustices ce qui conduira à une sécurité sociale à deux vitesses, et parce qu'il méconnaît plusieurs principes fondamentaux de notre droit constitutionnel, je vous appelle à voter cette exception d'irrecevabilité que j'ai eu l'honneur de soutenir devant vous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Le Gouvernement souhaite-t-il intervenir à ce stade du débat ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non.

M. le président.

La commission souhaite-t-elle intervenir ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Non.

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Jean-Michel Dubernard, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean-Michel Dubernard.

Je serai bref, Bernard Accoyer ayant indiqué dans le détail ce que nous pensions.

Au-delà des arguments techniques, je dirai que ce projet est injuste. Les effets de seuil seront particulièrement pénalisants pour les bas salaires. Il témoigne également d'un grave défaut de dialogue social. Il risque aussi de favoriser le travail au noir et la dissimulation des revenus pour ne citer que deux des nombreux effets pervers qu'il engendrera.

Par ailleurs, en partant des bases actuelles et actuarielles, l'explosion financiaire du système est prévisible.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

Mme Odette Grzegrzulka.

Caricature !

M. Jean-Michel Dubernard.

Enfin, ce texe ouvre la voie à des relations avec les assurances privées, les mutuelles. On peut se demander si ce n'est pas un premier pas vers une privatisation de l'assurance maladie.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Les premiers pas sont parfois timides...

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Yves Bur.

Au moment ou nous engageons ce débat fort important sur la création de la couverture maladie universelle, je voudrais d'abord réaffirmer au nom du groupe UDF que le droit à la santé pour tous est inséparable de la dignité humaine, et que nous avons tous le souci dans cet hémicycle de faire en sorte que l'exercice de ce droit soit non pas à créer, car nous ne partons pas de rien, Dieu merci, mais à améliorer.

En écoutant votre exposé introductif, nous avons eu l'impression, madame la ministre, de revenir à la fin du siècle dernier tant le tableau dressé était sombre et les responsabilités mal assurées par les collectivités locales.

Mme Odette Grzegrzulka.

Pas vous, pas ça !

M. Yves Bur.

Bien sûr, notre système de santé présente des insuffisances, qui ont été aggravées par la crise économique. Mais nous n'approuvons pas les solutions que vous proposez avec la CMU.

La réponse devait à notre sens assurer davantage d'égalité dans l'accès aux soins. Or, comme l'a indiqué Bernard Accoyer, si l'on peut considérer que la CMU constituera un progrès pour les publics en très grande difficulté, ce projet, qui s'inscrit dans une logique d'assistance, ne permettra pas de mettre fin aux difficultés d'accès aux soins pour de nombreuses personnes et familles. Parce qu'elles se situeront juste au-dessus du seuil, celles-ci resteront confrontées aux difficultés d'accès à notre système de santé en dépit de revenus du travail très faibles.

Par ailleurs, l'instauration d'un panier de soins spécifique à la couverture maladie universelle risque d'engendrer des soins à coûts variables en fonction des ressources des patients et, à terme, peut-être, un système de soins à deux vitesses.

C'est parce que ce projet, qui se veut généreux, je ne le nie pas, ne répond pas à toutes les situations d'injustice en matière d'accès aux soins et risque de créer d'autres injustices et inconvénients que le groupe UDF votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe communiste.

M. Maxime Gremetz.

Une nouvelle fois la droite prétend non conforme à la Constitution une loi sociale qui tend à répondre à une situation d'urgence.

Aujourd'hui, 8 millions de personnes au moins n'ont pas accès aux soins. Or cette situation est la conséquence accablante - vous n'en avez pas parlé et pour cause - des politiques libérales ...

M. Yves Bur.

Et socialistes !

M. Maxime Gremetz.

... menées pendant des années.

Elles ont engendré chômage, précarité et exclusion des soins de santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Qu'a fait M. Ralite ?

M. Maxime Gremetz.

C'est la politique que la droite a conduite pendant des décennies, qui a abouti à cette situation. L'instauration de la CMU, à laquelle je suis profondément favorable, est un révélateur. Actuellement, 8 millions de gens ne sont pas en mesure d'accéder à la santé.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

10 millions !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Non, 6 millions !

M. Maxime Gremetz.

C'est la preuve que cette société est profondément à réformer. Dans un pays comme le nôtre, chaque citoyen devrait pouvoir accéder à une protection sociale de qualité. Il y a urgence à permettre l'accès aux soins pour tous. Les associations humanitaires et caritatives, les professionnels de santé, les travailleurss ociaux nous demandent d'apporter des réponses concrètes aux situations qu'ils rencontrent.

Nous entendons bien les remarques faites sur le titre IV visant à ajouter divers articles sans lien avec le projet de loi portant création de la CMU. La méthode employée, je le dis clairement, ne nous satisfait pas, c'est le moins que l'on puisse dire. C'est pourquoi d'ailleurs nous demanderons un vote séparé sur les deux textes.

M. Jean-François Mattei.

Très bien !

M. Maxime Gremetz.

Mais cela ne doit en aucun cas occulter le débat de fond que nous devons avoir sur la CMU et la situation de ces millions de personnes pour témoigner de notre solidarité.

En commission, mesdames et messieurs les députés de droite, vous avez beaucoup parlé de solidarité, mais pour mieux l'empêcher. Par exemple, vous avez souligné le coût « insupportable » pour le budget de l'Etat de ce projet de loi, alors que, vous le savez bien, l'investissement de l'Etat qu'il prévoit n'est que de 1,7 milliard.

M. Yves Bur.

Oh !

M. Maxime Gremetz.

Vous vous êtes opposés, mesdames et messieurs de la droite, avec véhémence - et vous allez encore le faire, sans doute, pendant le débat à nos amendements, en particulier ceux qui visent à corriger un oubli magistral de ce projet : les contribuables vont payer, l'Etat va payer, les organisations complémentaires vont payer, mais vous pouvez chercher partout, zéro franc sur les profits des grandes sociétés capitalistes.

(

« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

« Ah ! », dites-vous, mais vous devriez être contents : vous avez repoussé nos propositions.

M. Yves Bur et M. Denis Jacquat.

Nous n'étions pas les seuls !

M. Maxime Gremetz.

Zéro franc sur des revenus financiers qui ont augmenté de 32,5 % ! C'est ça, la réalité. Et vous ne voulez pas qu'on y touche. Eh bien, raison de plus, mesdames et messieurs, pour discuter.

La droite, je vous le rappelle, avait eu exactement la même attitude lors du débat sur le projet de loi de lutte contre les exclusions. La solidarité, vous en parlez, vous en parlez, mais quand il faut passer aux actes, vous êtes aux abonnés absents.

M. Jean-Michel Dubernard.

Allez donc dire cela à Xavier Emmanuelli !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

M. Maxime Gremetz.

Il est véritablement indécent de recommencer sur ce texte un an après. Il est de la responsabilité de la représentation nationale de prendre des mesures en direction des plus démunis, particulièrement en matière de droit à la santé. C'est pourquoi nous considérons qu'il convient d'ouvrir la discussion dès maintenant, et nous voterons évidemment votre exception d'ir-r ecevabilité. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Merci ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Contre !

M. Maxime Gremetz.

Nous voterons contre (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) l'exception d'irrecevabilité. Je pense que vous ne vous attendiez pas à autre chose venant de moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Merci, monsieur Gremetz. Pour que le geste fût positif, vous auriez pu dire : nous ne voterons pas l'exception d'irrecevabilité.

M. Maxime Gremetz.

Non, je préfère dire : je vote contre ! (Sourires.)

M. le président.

Vous faites comme vous voulez.

La parole est à M. Alfred Recours, pour le groupe socialiste.

M. Alfred Recours.

Notre collègue Bur évoquait tout à l'heure une prétendue nostalgie de l'époque des combats contre la pauvreté. Je lui répondrai que non, ce n'était pas au temps où Bruxelles chantait, - ne serait-ce que parce qu'ici le cinéma est rarement muet (Sourires)...

M. Hervé Gaymard.

C'était au temps où Bruxelles bruxellait...

M. Alfred Recours.

... mais c'était au temps, bien plus récent, de la fracture sociale (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Sourires sur les bancs du groupe socialiste) que les chevau-légers - dont notre collègue Accoyer, probablement,...

M. Gérard Gouzes.

Et Séguin aussi ! (Sourires.)

M. Alfred Recours.

... et Séguin aussi - partaient à l'assaut de cette fracture sociale, précisément.

M. Roland Vuillaume.

Au fait !

M. Alfred Recours.

C'était un sujet tellement important que deux projets de loi finirent par naître. On eut l'AMU (Sourires), l'assurance maladie universelle, et on eut un premier projet de loi contre l'exclusion. Le sujet é tait tellement important que le Président de la République décida, comme chacun s'en souvient, de dissoudre l'Assemblée nationale, qui n'avait pas encore voté sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Il fallait le rappeler !

M. Alfred Recours.

Que faisons-nous aujourd'hui ?

M. Jean-Michel Dubernard.

Deux ans après ! Il vous a fallu deux ans avant de le reprendre !

M. Alfred Recours.

Que faisons-nous depuis de début de la législature, avec patience, avec opiniâtreté ?

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Oui !

M. Alfred Recours.

Ce gouvernement et cette majorité ont déjà, dans toute une série de domaines, largement engagé la lutte contre l'exclusion - c'est la loi contre les exclusions -,...

M. André Angot.

Et pour les retraites aussi ?

M. Alfred Recours.

... la lutte contre tout ce qui peut s'opposer à l'exercice d'un certain nombre de droits.

Aujourd'hui, avec la couverture maladie universelle, nous défendons l'accès aux soins. Depuis un peu moins de deux ans, en effet, nous n'avons cessé, au fil des mois et au fil des sessions parlementaires, de remettre sur le chantier un certain nombre de travaux...

M. Maxime Gremetz.

Sur le métier !

M. Alfred Recours.

Sur le métier ? Mais le métier, c'est l'artisanat et je pensais que le chantier te plairait davantage, au nom de l'idéologie ouvriériste. Enfin, je veux bien passer un compromis sur ce point. (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vraiment n'importe quoi, ce soir !

M. Alfred Recours.

Nous n'avons cessé, disais-je, d'avancer sur ce terrain. Et à chaque fois, je dis bien à chaque fois, lutter contre la pauvreté, lutter contre les exclusions, lutter pour l'accès aux soins serait anticonstitutionnel ! (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, ce n'est pas parce que la Constitution remonte à 1958 et au général de Gaulle qu'il faudrait que tout ce que nous tentons, tout ce que nous fai-s ons contre l'exclusion devienne ipso facto anticonstitutionnel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Bouvard.

C'est pitoyable.

M. Alfred Recours.

Regardez-vous donc un peu, mesdames et messieurs de l'opposition ! Depuis que nous travaillons dans ces domaines, ou bien vous boudez, ou bien vous râlez en catimini, ou bien vous vous chagrinez, ou bien vous ratiocinez, coupez les cheveux en quatre, retardez par des motions de procédure et autres moyens.

M. Yves Bur.

Mais vous avez fait la même chose il y a deux ans !

M. Alfred Recours.

Cher collègue, je vous le concède, mais nous ne le faisions pas sur les projets sociaux,...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Si !

M. Alfred Recours.

... sauf quand vos projets étaient vides, comme dans le cas de l'assurance maladie universelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Puisque nous devons, maintenant, dire ce que nous pensons de la motion d'irrecevabilité qui nous est proposée, je dois dire que je n'ai rien entendu qui remette en cause les fondements même des propositions qui sont faites tant par le Gouvernement que par notre rapporteur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

M. Michel Bouvard.

Il fallait écouter !

M. Alfred Recours.

Mes chers collègues, souvenez-vous d'une chose : nous avons créé le RMI et vous ne l'avez pas changé quand vous êtes revenus au pouvoir ; nous avons fait la loi contre l'exclusion, et dès 1992, garanti l'accès aux soins pour les RMIstes. Aujourd'hui, nous fai-s ons encore plus. Chers collègues, je prends les paris : quand la loi sera votée - parce que nous aurons repoussé votre motion de procédure - vous ne la changerez pas non plus le jour, le plus lointain possible, où vous aurez droit dans ce pays à l'alternance. (Sourires.) Mais grâce à vous, qui vous opposez systématiquement à tout progrès social dans ce pays (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), cette alternance n'est pas près de voir le jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Denis Jacquat.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, j'avoue être très étonné par les propos qu'Alfred Recours vient de tenir.

La démocratie n'implique pas automatiquement des positions contradictoires, mais quand même ! Je dois rappeler que j'étais présent ici lors du débat sur le projet de loi contre les exclusions présenté par Xavier Emmanuelli et que j'avais été extrêmement choqué par le fait que toutes les voies de procédure avaient été utilisées par l'opposition de l'époque. C'étaient des suspensions de séance à répétition ! Je me souviens en particulier d'un jour où il y avait dans l'hémicycle un seul député socialiste présent, lequel avait demandé une heure de suspension de séance pour réunir son groupe... (Exclamations sur divers bancs.)

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Il n'y avait pas assez de députés socialistes à l'épopque ! (Sourires.)

M. Denis Jacquat.

Alors, ne parlons plus du passé, ne regardons pas dans le rétroviseur.

M. Alfred Recours.

Jacquat va chanter l'Internationale ! Du passé, faisons table rase !

M. Denis Jacquat.

J'étais constamment présent lors de la discussion, j'étais même présent le jour de la dissolution. Nous étions douze, comme les apôtres. (Sourires.)

Mais arrêtons de parler du passé, regardons devant nous, la CMU est un texte extrêmement sérieux,...

M. Alfred Recours.

Et vous allez le repousser ?

M. Denis Jacquat.

... sur lequel des divergences existent. Le groupe Démocratie libérale et Indépendants est solidaire de Bernard Accoyer, mais je tiens à le répéter, regardons devant nous et cessons de parler du passé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.).

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée).

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants u ne question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole et à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, vous nous proposez aujourd'hui de débattre de l'organisation de la couverture maladie universelle. Il s'agit d'un projet correspondant à une véritable préoccupation de notre temps devant l'augmentation de la précarité et de l'exclusion. Personne ne peut rester insensible à la souffrance de l'autre et l'observer sans réagir.

M. Alain Barrau.

Cela semble un meilleur début que le discours d'Accoyer.

M. Jean-François Mattei.

Je voudrais vous dire pourquoi, étant d'accord sur l'esprit de solidarité qui anime la démarche, nous ne pouvons l'être sur le fond de votre projet. Je vous indiquerai enfin les solutions qui nous paraissent les plus adaptées.

S'agissant des bons sentiments, nous adhérons, naturellement, à l'objectif. « Je donnerai mes soins gratuits à l'indigent et ne demanderai jamais un salaire au-dessus de mon travail ! » Le responsable politique que je suis ne peut évidemment oublier le serment qu'il a prononcé au moment de devenir médecin, et qui correspond à une aspiration profonde.

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Alors faites en sorte qu'il soit respecté dans la France tout entière, tous les jours !

M. Jean-François Mattei.

Je me demande parfois si les évolutions sociales qui ont fini par dénaturer l'essence même du serment d'Hippocrate ont constitué un réel progrès. Nous prétendons avoir développé la solidarité alors que les hôpitaux publics ont peu à peu abandonné leur rôle premier d'accueil des malheureux. Il a fallu une circulaire pour leur rappeler leurs devoirs premiers. Pour rappeler la charité d'autrefois - mais le mot est-il encore prononçable ? -, il ne reste que des symboles en forme d'appellations telles que « Hôtel-Dieu » « hospices civils » ou « assistance publique ». Nos hôpitaux sont certes devenus plus modernes, mais les pauvres n'y ont pas toujours leur place ! Si la résonance magnétique nucléaire s'est imposée, la misère, elle, est souvent restée à la porte.

M. Alain Néri.

Oui, mais ce n'est pas la charité que nous voulons, c'est la justice !

M me Paulette Guinchard-Kunstler.

Très bonne remarque.

M. Jean-François Mattei.

Ce désir de soulager le « malheureux », c'est-à-dire celui qui lutte ou s'abandonne à la souffrance physique ou morale, n'est d'ailleurs pas l'exclusivité des médecins ou des professionnels de santé. Il n'est que de voir les formidables élans de solidarité qui s'expriment lorsque le drame s'abat sur des êtres humains blessés dans leurs corps et dans leurs âmes. L'exemple si présent de la catastrophe humanitaire du Kosovo atteste bien, n'en déplaise aux pessimistes professionnels, que l'homme recèle en lui des trésors de générosité et qu'il est prompt à s'émouvoir.

M. Maxime Gremetz.

C'est juste.

M. Jean-François Mattei.

C'est cette même part de générosité de l'homme qui s'exprime à longueur d'année au travers de l'action des associations humanitaires et caritatives.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est vrai.

M. Jean-François Mattei.

Sur des modes différents et dans un monde qui a changé, elles agissent, jour et nuit, pour soigner, nourrir et accueillir les plus déshérités. Elles


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

d onnent réalité à cette facette admirable de l'âme humaine, et il faut leur en être reconnaissant. Lorsqu'elles protestent contre l'insuffisance des moyens, réclament davantage, fustigent les égoïsmes, dénoncent le frein économique et l'injustice, elles ont raison. Elles sont dans leur rôle lorsqu'elles s'engagent, s'indignent, apostrophent et se révoltent. Il faut les en remercier car elles participent de la conscience du monde. Si elles n'existaient pas, je suis persuadé que chacun serait plus oublieux des difficultés de l'autre.

Je ne suis pas excessif en observant qu'en définitive, elles se conforment, les premières, au principe de solidarité nationale affirmé dans le préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. »

M. Maxime Gremetz.

Le projet est donc constitutionnel !

M. Jean-François Mattei.

Ce même principe de solidarité est encore exprimé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 : « Toute personne, en tant que membre de la société a droit à la sécurité sociale », « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse. »

A l'évidence, ce souci de répondre à la maladie sans oublier personne s'impose à tous et nul ne peut prétendre détenir le monopole du coeur.

M. Denis Jacquat.

Exact.

M. Jean-François Mattei.

La volonté de créer une assurance maladie universelle était déjà l'un des soucis principaux du vaste plan de réforme de la sécurité sociale abordé par le précédent gouvernement.

Mme Odette Grzegrzulka.

Le précédent gouvernement qui a été débordé, débarqué !

M. Jean-François Mattei.

Ce besoin s'impose d'autant plus que notre système de sécurité sociale, dont il faut redire avec fierté qu'il restera comme un des plus grands progrès de notre société du XXe siècle, se trouve désormais en situation d'échec.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

En partie.

M. Jean-François Mattei.

A mon sens, trois raisons rendent compte de cet échec. Non seulement la sécurité sociale ne correspond plus à l'esprit d'universalité du système qui était pourtant, et M. le rapporteur l'a rappelé, l'objectif initial de ses fondateurs en 1945, mais en outre elle génère des inégalités et creuse des déficits.

D'abord, la généralisation du système a été ratée !

M. Maxime Gremetz.

Oh !

M. Jean-François Mattei.

Au départ, le système français devait bien englober la totalité de la population active et inactive.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait.

M. Jean-François Mattei.

Si le régime résultant de l'ordonnance du 4 octobre 1945 assurait dans l'immédiat une protection aux travailleurs salariés et à leur famille, il se voyait, aux termes de la même ordonnance, reconnaître une vocation à extension progressive.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait.

M. Jean-François Mattei.

La généralisation de la sécurité sociale fut même prévue par une loi datant du 22 mai 1946, prescrivant l'assujettissement obligatoire aux assurances sociales de tout Français résidant sur le territoire national. Son application était cependant subordonnée au rétablissement de la situation économique et à la consultation des organisations représentatives des catégories intéressées.

M. Denis Jacquat.

En effet.

M. Jean-François Mattei.

L'application de cette loi fut abandonnée devant l'hostilité des classes moyennes.

M. Alain Néri.

Eh oui !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Absolument.

M. Jean-François Mattei.

Mais oui, je le dis. Nous le disons ensemble.

M. Denis Jacquat.

Ce n'est pas nous, pour une fois ! (Sourires.)

M. Jean-François Mattei.

L'échec de la généralisation de la sécurité sociale n'a cependant pas empêché l'extension de son champ d'application par le rattachement au régime général de nouvelles catégories de cotisants - écrivains non salariés, artistes du spectacle, bénéficiair es de l'allocation adulte handicapé -, par la création de régimes spéciaux professionnels et par l'institution d'assurances facultatives - volontaires ou personnelles, ces dernières ayant été créées, je le rappelle, en 1978.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait.

M. Jean-François Mattei.

Ainsi, 550 000 personnes sont affiliées par le régime de l'assurance personnelle, dont 50 000 acquittent elles-mêmes une cotisation et 500 000 voient leurs cotisations prises en charge soit par la Caisse nationale d'allocations familiales, soit par l'aide sociale, soit par le fonds de solidarité vieillesse.

En outre, les départements prennent en charge au titre de l'aide médicale les soins couverts par l'assurance maladie, les frais de déplacements pour ces soins, le forfait hospitalier, les cotisations d'assurance personnelle, pour tous les résidents en France sous certaines conditions de revenus.

Pourtant, notre système est loin d'assurer l'égalité dans l'accès aux soins. D'une part, malgré l'assurance personnelle, 150 000 personnes ne bénéficient d'aucune couverture de base, essentiellement d'ailleurs en raison de situations de rupture, le plus souvent transitoires. D'autre part, et surtout, parce que les inégalités s'accroissent.

Oui, les inégalités se creusent.

Le fait que plus de 99 % de la population française bénéficient aujourd'hui de l'assurance maladie alors que seulement 0,3 % demeure sans sécurité sociale ni aide médicale masque en réalité des inégalités très fortes qui ne cessent de s'accroître.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai.

M. Jean-François Mattei.

Ces inégalités sont une conséquence de la baisse de la prise en charge des dépenses de santé et donc de l'augmentation progressive du ticket modérateur.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

M. Jean-François Mattei.

En quelques années - de 1980 à 1996 -, le financement des dépenses de soins et de biens médicaux par les pouvoirs publics - sécurité sociale,

Etat, collectivités territoriales - est passé de 79 % à 74 %. C'est donc le quart des dépenses de soins qui reste à la charge des ménages ou, le cas échéant, des assurances complémentaires. Cette fraction importante des dépenses de soins non socialisées a permis l'émergence du marché de l'assurance complémentaire, qui finance désormais 12 % des dépenses de santé. Mais si 80 % de la population bénéficient d'une assurance complémentaire prenant en charge le ticket modérateur, le taux de souscription à une assurance complémentaire varie fortement en fonction des revenus.

Selon le CREDES - et je cite le même chiffre que vous, madame la ministre - un Français sur quatre a, à un moment donné, renoncé à se soigner pour des motifs financiers, en raison de l'insuffisance du taux de remboursement. Ce phénomène est d'autant plus grave que le système est en faillite.

M. Maxime Gremetz.

Mais non, il n'est pas en faillite !

M. Jean-François Mattei.

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale il y a quelques mois.

Je ne vais naturellement pas, rassurez-vous, vu l'heure tardive, reprendre l'ensemble des arguments.

J'avais, dans un souci d'objectivité, rappelé que la situation se détériorait depuis plus de vingt ans et que tous les gouvernements qui se sont succédé, quelles que soient les majorités, avaient dû conjuguer, à des degrés divers, la diminution des remboursements, la hausse des cotisations et les contrôles comptables, opportunément baptisés maîtrise médicalisée. Rien n'y a fait.

M. Maxime Gremetz.

C'est ça la politique libérale !

M. Jean-François Mattei.

Notre situation est désormais fort peu enviable dans le concert des nations comparables : des dépenses supérieures à la moyenne pour des résultats insuffisants.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Jean-François Mattei.

Le plan d'ensemble prévu par le précédent gouvernement avait pour la première fois dessiné les contours d'une réforme profonde et affiché une grande ambition. Il n'a pas, c'est le moins qu'on puisse dire, recueilli l'assentiment général ni donc pu faire ses preuves.

M. Maxime Gremetz.

On le saurait !

M. Jean-François Mattei.

Point n'est besoin d'épiloguer.

Désormais en charge de cette responsabilité, vous avez, madame la ministre, souhaité conserver les recettes qui ont échoué jusqu'à présent en forçant davantage encore le trait. Je ne pense pas - je donne mon opinion ! -, malgré les mesures prises ou annoncées, que vous parveniez à équilibrer cette année les comptes de l'assurance maladie.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous jouez les Cassandre !

M. Jean-François Mattei.

Des désaccords subsistent entre tous les partenaires et, après les décisions du Conseil constitutionnel il ne reste plus grand-chose du dispositif conventionnel. Le directeur de la Caisse nationale se voit donc conduit à proposer un nouveau plan de sauvetage pour économiser quelque 62 milliards de francs. C'est dire, en toute objectivité, la gravité de la situation.

Il s'agit donc d'un véritable défi à relever. Nous avons aussi cette volonté d'instaurer une couverture semblable pour tous et de supprimer les dispositifs stigmatisants pour les populations concernées. Nous avons aussi la volonté d'aider les plus démunis. Nous avons les mêmes objectifs qui s'inscrivent dans la volonté d'améliorer le système de soins. C'est dans ce contexte que vous nous proposez votre projet de couverture maladie universelle.

La différence entre l'assurance maladie universelle et votre projet n'aurait pu être que sémantique et nous souhaitions véritablement un consensus sur ce projet. Et même, pour ne pas vous gêner dans vos hésitations, d'ailleurs compréhensibles, à la recherche de la meilleure solution, nous avons pris le temps avant de nous exprimer. Il était bien irritant parfois de vous voir user et abuser des bons sentiments et promettre des avancées considérables dont on ne discernait pas bien la réalité. Mais il nous a semblé longtemps que le projet pouvait aller dans le bon sens ! Hélas ! l'intention ne vaut pas l'action. Une intervention publique, au nom de la contribution des services publics à l'exercice des droits fondamentaux des personnes, ou au nom de la correction d'inefficacités du marché, ou au nom de la cohésion sociale, n'est légitime qu'autant qu'elle met en oeuvre des moyens qui soient adaptés aux objectifs poursuivis et dont les coûts soient maîtrisés. Les meilleurs sentiments ne sont pas toujours couronnés de succès, et ce, d'autant moins quand on ne s'est pas donné les moyens de réussir. Je suis convaincu, madame la ministre, que vos choix ne sont pas les bons et que, malheureusement, vous n'allez pas réussir. Je ne veux pas discourir sur le ton de la polémique mais, ne partageant pas votre avis, et dans le cadre du dialogue normal en démocratie, je veux vous dire maintenant pourquoi nous sommes en désaccord sur le fond de votre projet.

Hippolyte Taine avait raison d'écrire : « Presque toujours, lorsque les gouvernements mettent la main sur une institution [...] ils en détraquent le mécanisme ; ils font d'elle un engin fiscal, électoral ou doctrinal, un instrument de règne ou de secte ». Naturellement il n'avait pas écrit ce texte pour vous...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ça c'est sûr !

M. Marcel Rogemont.

Pour le maire de Paris !

M. Jean-François Mattei.

... mais je dois dire que je n'ai pu m'empêcher de faire la relation en recensant les raisons de mon désaccord profond. Il y en a quatre essentiellement qui touchent à la philosophie, aux chiffres, aux effets et aux conséquences.

La philosophie d'abord. Celle de votre texte m'apparaît manifestement fondée sur une philosophie d'assistance.

M. Marcel Rogemont.

Il vaut mieux être assisté qu'exclu !

M. Jean-François Mattei.

Je sais que vous avez commencé d'y répondre par anticipation, mais permettez quand même que je vous expose le pourquoi de cette opinion.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien sûr !

M. Jean-François Mattei.

Cette prestation de solidarité est financée pour partie par la couverture santé existante.

Par l'affiliation obligatoire au régime général, celui-ci devient le régime « balai » de la sécurité sociale, à la charge principale des salariés du secteur privé marchand, mais sans bénéficier, pour la couverture de base, des financements de compensation correspondants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

Ainsi, une confusion grave est introduite entre la notion d'assurance débouchant sur des prestations de nature contributive et la notion d'assistance ouvrant droit à des prestations de nature redistributive.

Dans votre texte, tel qu'il nous est proposé, la suppression du lien entre la cotisation et la garantie maladie, assortie de la gratuité totale et systématique des soins avec dispense de l'avance de frais, sans contrepartie d'une participation - fût-elle symbolique - des nouveaux « assurés » installe ces bénéficiaires de la solidarité dans une situation d'assistés. Cela va à l'encontre de leur responsabilisation et de ce fait ne peut qu'entraver la nécessaire maîtrise des dépenses de santé.

Il est assez significatif d'ailleurs que des désaccords soient survenus à ce propos entre le Gouvernement et le rapporteur durant l'élaboration du texte. Le rapporteur souhaitait la suspension du versement des prestations en nature de l'assurance maladie si la mauvaise foi de l'assuré était avérée. Mme la ministre lui a opposé que subordonner le versement des prestations au paiement préalable des cotisations serait contraire à l'esprit même de la CMU.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. Jean-François Mattei.

Je dois rendre hommage au rapporteur. Pour ce qui concerne le régime complémentaire, il a plaidé pour le versement d'une cotisation, si minime soit-elle,...

M. Maxime Gremetz.

Il n'a pas été bon là !

M. Jean-François Mattei.

... ne serait-ce que vis-à-vis de ceux qui sont juste au-dessus du seuil, pour leur permettre de mieux comprendre l'extension de la solidarité.

Bien que très modeste et insuffisant, sans doute parce que nous sommes dans le domaine du symbole, un amendement a été adopté sur ce sujet. Mais cela n'enlève rien à la philosophie du texte du Gouvernement.

En passant d'une logique normative et égalitaire de redistribution des ressources à une logique de maintenance sociale et de discrimination positive à l'égard des groupes sociaux en situation d'exclusion sociale forte, se recompose progressivement un nouveau modèle social.

On peut même se demander dans quelle mesure le politique, par des législations comme celle-ci, ne vient pas conforter un nouveau contrat social, fondé sur l'acceptation tacite qu'un nombre toujours plus élevé de citoyens vont demeurer confinés dans un statut de second rang, consacré par des dispositifs spécifiques et dérogatoires du droit commun en matière d'accès à l'emploi, au logement et à la santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Il y a donc dans ce texte une philosophie qui comporte une dangereuse confusion entre assistance et assurance.

D'ailleurs, le projet n'est pas gagé sur une économie mais sur une dépense supplémentaire, financée par le recours aux fonds publics, et donc par les contribuables, et par une nouvelle taxation des contrats d'assurance complémentaire souscrits par les particuliers et les entreprises.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui ! C'est bien là où ça coince !

M. Jean-François Mattei.

Notre deuxième désaccord porte sur les fondements chiffrés de votre projet, qui ne paraissent pas correspondre à la réalité. Je ne discuterai que trois chiffres pour m'en tenir à l'essentiel : 9 milliards, 6 millions, 1 500 francs.

Le financement estimé de la CMU est de l'ordre de 9 milliards. Qui peut croire que, avec 9 milliards, comparés aux 900 milliards consacrés aux dépenses de santé, remboursables et non remboursables, c'est-à-dire 1 %, on peut changer radicalement la face des choses ?

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Jean-François Mattei.

D'autant que, sur ces 9 milliards, 5 existent déjà puisqu'ils proviennent des départements !

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean-François Mattei.

Il est impossible d'entrer dans le détail des rouages que seule une forte culture technocratique est capable d'inventer. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Ce qu'on comprend, néanmoins, c'est que l'Etat va payer 1,7 milliard et que tout le mécanisme aboutit à une augmentation des prélèvements obligatoires alors même que le chiffre de 9 milliards est manifestement sousestimé. Il est sous-évalué parce qu'on a simplement oublié dans ce chiffrage les 150 000 personnes ne bénéficiant d'aucune couverture de base.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais non !

M. Jean-François Mattei.

Le coût de leur prise en charge serait - il suffit de multiplier 12 000 francs par 150 000 - de près de 2 milliards de francs. Or il n'en est nulle part question dans ces 9 milliards.

Je prends date. Il en sera sans doute - je ne le souhaite pas, mais je le redoute - de la CMU comme du RMI.

La population concernée - deuxième chiffre que j'ai cité -, si l'on excepte les quelque 150 000 personnes non couvertes aujourd'hui, sera de 6 millions.

Or, si l'on se souvient que, selon le CREDES, et vous avez vous-même cité ce chiffre, 25 % de la population renoncent, à un moment ou à un autre, à se soigner pour des raisons économiques, ce sont - prenons 25 % de 60 millions - 15 millions de personnes qui devraient être concernées. 6 millions d'entre elles sont prises en charge.

Il reste donc 9 millions de personnes qui sont laissées de côté et qui, du fait de la nouvelle situation qui résultera de l'adoption de votre texte, vont se trouver dans un état de précarité aggravée. En effet, on ne fait que déplacer le curseur.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est un raisonnement difficile à tenir !

M. Jean-François Mattei.

Le panier de soins, quant à lui, est estimé à 1 500 francs. On retrouve d'ailleurs là les éléments du chiffrage du coût de la CMU par le Gouvernement. Il faut le dire d'une façon extrêmement simple : 1 500 francs multipliés par 6 millions de bénéficiaires font 9 milliards. On comprend alors pourquoi avaient été oubliés les quelque 150 000 laissés pour compte qu'il faut réintégrer.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais non ! Il y a 5 milliards en plus ! M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

On va vous donner les chiffres !

M. Jean-François Mattei.

Mais surtout, c'est admettre comme bon le chiffrage selon lequel une couverture maladie complémentaire de « qualité » à destination des populations concernées pourrait représenter un coût annuel moyen de 1 500 francs. Cette évaluation, quelle que soit son origine, devient pour le moins étrange lorsque l'on veut lui faire dire des choses qu'elle ne voulait pas dire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

D'une part, elle comporte certaines limitations - notamment en matière de prothèses ou de temps de séjour en psychiatrie - que Mme la ministre n'a pas acceptées. D'une part, il est difficile de chiffrer un

« panier » dont on n'a cessé d'augmenter le contenu et qui ne sera précisé par arrêté qu'après le vote du texte.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, il a déjà été signé !

M. Jean-François Mattei.

En fait, devant la commission des affaires sociales, tous les représentants de la mutualité ont exprimé la crainte que le montant de 1 500 francs se révèle insuffisant. A ce titre je vous renvoie, monsieur le président de la commission, au compte rendu no 141 de la séance du 24 mars. Des estimations beaucoup plus réalistes conduisent à penser que le « vrai » coût moyen - toutes populations concernées, quelles que soient les tranches d'âge - se situe plutôt autour de 3 000 francs.

Il n'est pas possible d'entrer dans le détail de la discussion puisque le contenu du panier n'est pas clairement défini et qu'il ne sera fixé qu'après le vote de la loi. Mais, à supposer que le panier corresponde réellement au but affiché, il devrait représenter 25 % des dépenses de soins qui ne sont pas remboursés par la couverture de base.

M. Bernard Accoyer.

Evidemment !

M. Jean-François Mattei.

Une estimation à 1 500 francs d u panier équivaut donc à une dépense annuelle moyenne individuelle de 6 000 francs.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais non !

M. Jean-François Mattei.

Or on sait que cette dépense est de l'ordre de 12 000 francs.

M. Bernard Accoyer.

Voilà !

M. Jean-François Mattei.

On retrouve ainsi, en prenant 25 % de 12 000 francs, la somme obtenue par ailleurs de 3 000 francs. Le montant du panier de soins est donc considérablement sous-estimé.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Personne, d'ailleurs, ne conteste cette somme de 3 000 francs...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si !

M. Jean-François Mattei.

... que M. Davant a luimême avancée.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Non !

M. Jean-François Mattei.

Mais d'aucuns, il est vrai, suggèrent que les « vieux qui coûtent cher » pourraient ne pas se retrouver dans les organismes complémentaires et que les jeunes « CMUistes », eux, coûtant moins que 1 500 francs, y seraient.

Au-delà de ces questions de chiffrage, certains experts, et non des moindres, indiquent que les vraies solutions à la prise en charge des « exclus » ou marginalisés passent par d'autres voies que le financement à 100 % du profil de dépenses habituel d'une personne lambda.

En troisième lieu, j'évoquerai pour expliquer notre désaccord les effets intrinsèquement pervers du dispositif : je veux surtout parler de l'effet de seuil et de la concurrence déloyale entre caisses, mutuelles et assurances.

L'effet de seuil, à lui seul, est effrayant eu égard au sujet traité. Toutes les dispositions financières, il est vrai, et vous l'avez souligné, se heurtent au redoutable effet de seuil mais, dans toute la mesure du possible, il est nécessaire, surtout lorsqu'on est instruit de ce qui s'est passé dans les départements et quand on sait que les personnes concernées se trouvent dans une situation particulièrement grave, de remplacer le système à seuil par un système en biseau qui vient atténuer très progressivement de tels effets. J'avoue ne pas comprendre que cela n'ait pas été davantage pris en compte dans de telles situations.

C'est d'ailleurs tellement évident que le Gouvernement, pour des impératifs budgétaires, n'a pas accédé au souhait de sa majorité de rehausser le seuil. Deux votes ont eu lieu à un jour d'intervalle sur le même amendement. On voit bien que cet aspect vient terriblement amoindrir la générosité affichée. D'ailleurs, cet aprèsmidi, l'association Médecins du monde a fait savoir - il faut quand même se référer à eux et, d'ailleurs, vous l'avez fait - qu'elle souhaitait un relèvement du seuil.

Certaines personnes situées juste au-dessus du seuil n'auront que le souci, paradoxal, de gagner moins pour passer au-dessous, quitte à renoncer à quelques revenus très modestes.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

D'autres, situées juste au-dessous, seront évidemment préoccupées de ne pas échapper au dispositif protecteur, même pour quelques francs de plus. Et il est assez invraisemblable qu'à l'intérieur d'une entreprise, les salariés à temps partiel pourront avoir la couverture complémentaire « sans cotisations », alors que les salariés à plein temps la paieront complètement.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Le seuil étant fixé à 3 500 francs, on ne peut s'empêcher de frémir en réalisant que le montant de l'allocation adulte handicapé est de 3 540 francs, que le seuil de pauvreté est considéré aller jusqu'à 3 800 francs. Ces personnes déjà en difficulté non seulement ne vont pas bénéficier du dispositif, mais plus encore risquent d'être parmi les plus pénalisées.

(« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Par ailleurs, madame la ministre et monsieur le rapporteur, vous avez expliqué le dispositif de sortie prévu pour un an. Mais comment ne pas craindre qu'une personne ayant des revenus d'assistance inférieurs à 3 500 francs et trouvant un petit travail rétribué pour un peu plus ne préfère continuer à être assistée plutôt que de travailler ?

M. Maxime Gremetz.

Monsieur Mattei, soyez sérieux !

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Les pauvres sont des fainéants !

M. Jean-François Mattei.

Un tel dispositif est dissuasif au regard de l'emploi et du travail dans bien des cas (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) et d'ailleurs souligne le rétrécissement de l'écart entre le revenu disponible de certains bénéficiaires de minima sociaux et celui perçu par des salariés les plus faiblement qualifiés ainsi que ceux qui travaillent à temps partiel.

Le retour à l'emploi ne se traduit pas nécessairement par un gain net de pouvoir d'achat compte tenu des pertes possibles de prestations sociales sous conditions de ressources et de l'augmentation des prélèvements induits.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

D'après les calculs du service de la prévision de Bercy...

M. Maxime Gremetz.

Eux, ce sont des technocrates !

M. Jean-François Mattei.

... pour un RMIste, le gain marginal de retour à l'emploi immédiat est de 9 francs par heure. Il apparaît bien faible au regard de la tentation que représente le travail clandestin. Prendre un emploi, même faiblement rémunéré, c'est perdre des prestations attribuées sous conditions de ressources, verser des cotisations sociales, voire être imposable, et, dans certains cas, enregistrer une diminution du revenu disponible.

Cet effet de seuil est particulièrement marqué au sein du régime des professions indépendantes où les ressources déclarées sont particulièrement faibles et le coût de la couverture complémentaire plus élevé en raison du taux de remboursement moindre du régime de base.

Un dispositif tel que la CMU constitue donc une véritable trappe à pauvreté et vient accroître encore la philosophie d'assistance qui sous-tend le texte. Comment ne pas parler d'une nouvelle forme d'injustice quand les actifs sont parfois plus mal traités que les inactifs, ...

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Jean-François Mattei.

... quand, par exemple, un salarié au SMIC sera demain moins remboursé qu'un inactif ! Comment ne pas regretter que les actions ne soient davantage axées vers l'incitation à l'activité plutôt que vers l'assistance ? J'ajoute, et M. le rapporteur dont j'ai suffisamment souligné l'implication dans le projet me le pardonnera, que je suis proprement stupéfait par l'idée qu'il a émise au travers d'un amendement destiné à gommer pour partie l'effet seuil. Nous approfondirons la question au moment de la discussion des articles, mais d'ores et déjà je note qu'il a écrit : « Au sein de ce fonds, les organismes peuvent créer un fonds d'accompagnement... Les modalités d'intervention de ce fonds sont déterminées par le conseil d'administration prévu à l'alinéa précédent. »

M. Bernard Accoyer.

C'est du techno-délire !

M. Jean-François Mattei.

Je commente maintenant cette phrase.

Implicitement, ce « fonds du fonds » alimenté par les c ontributions volontaires des organismes d'assurance complémentaires devrait prendre en charge les dépenses découlant du relèvement du seuil que le Gouvernement a refusé d'accepter. Il serait - le fonds du fonds, toujours utilisé selon les directives données par le conseil d'administration de l'établissement public dont la majorité appartient à l'Etat. Inconscience ou humour, le rapporteur soutient que cet amendement contribue à conforter ce qu'il appelle la « lecture partenariale » du projet de loi.

M. Bernard Accoyer.

C'est du pipeau ! En fait, au-delà de la lettre, cet amendement se rattache, et de façon quelque peu étrange, à deux autres questions.

D'une part, il viserait à gommer, en intégrant le dispositif dans le fonds volontaire, l'illégalité que représente l'obligation de vente à perte figurant aujourd'hui dans le texte, s'agissant de la couverture obligatoire, à un prix fixé par l'Etat, pendant un an, des personnes ne relevant plus de la loi.

M. Bernard Accoyer.

C'est exactement cela !

M. Jean-François Mattei.

D'autre part, il aurait aussi pour objectif de créer une fausse symétrie entre l'effort réalisé par les complémentaires pour corriger les effets de seuil et ceux que les caisses primaires se prépareraient à effectuer de leur côté pour « fidéliser », si l'on peut dire, leur nouvelle population à partir notamment des quelque 500 millions de francs prélevés sur leurs crédits d'action sociale.

Au total, il me semble véritablement ahurissant, même si cela a déjà été critiqué et même si l'on ne veut pas reprendre le modèle du MEDICAID, que ce soit une majorité de gauche qui installe en France un système que nous avons toujours, et nous les premiers, critiqué et condamné aux Etats-Unis : ...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pourquoi alors avoir fait des assurances payantes ?

M. Jean-François Mattei.

... des soins gratuits pour la catégorie des exclus, des assurances payantes pour ceux qui pourraient se les offrir et, entre les deux, des classes moyennes, parfois à revenu bas, les classes laborieuses - je serais tenté de dire des travailleurs, ...

M. Maxime Gremetz.

Mais oui, il y en a encore !

M. Jean-François Mattei.

... pour reprendre un vocabulaire bien connu de certains - précarisées et mal assurées. Médecins sans frontières lui-même estime que le texte actuel fabriquera de nouveaux types d'exclus à la marge du système de soins.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Qu'avez-vous fait dans votre département ?

M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV.

Comment cela se passe dans les Bouches-du-Rhône ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Décevant !

M. Jean-François Mattei.

La concurrence déloyale introduite par différents mécanismes entre les différents acteurs est un autre effet pervers.

Il repose d'abord sur la confusion des genres entre l'assurance de base et l'assurance complémentaire.

Imaginez-vous qu'au début, nous avions pensé que vous franchissiez enfin le pas et que vous alliez établir une véritable concurrence entre les différents secteurs, public, mutualiste et assurantiel, placés devant les mêmes tâches. Pas du tout ! Il nous a fallu déchanter - et comment ! - devant l'accumulation des partis pris et des règles tronquées. La Caisse nationale garderait l'exclusivité de la couverture de base, mais entrerait en concurrence pour l'assurance complémentaire - concurrence que je qualifie de déloyale pour plusieurs raisons.

La première tient au guichet unique. Il représente, c'est vrai - vous avez beaucoup insisté sur cet aspect -, un réel avantage pour ceux qui, dans la difficulté, souhaitent échapper aux contraintes et aux dédales administratifs ainsi que pour tous ceux qui aident, comme les travailleurs sociaux ou les associations. Ils y voient, on les comprend, une simplification bien venue des formalités.

Mais le guichet unique étant celui de la Caisse d'assurance maladie, on voit mal celle-ci orienter les gens vers les mutuelles ou les assurances privées, bien que celles-ci soient en principe partie intégrante du système. Il y a là une sorte de concurrence déloyale évidente, dans la mesure où deux des concurrents dépendent pratiquement du bon vouloir du premier...

Cette concurrence déloyale est aggravée et sera de ce fait, Bernard Accoyer l'a justement souligné, probablement jugée non conforme à la Constitution, du fait que les dépenses excédant le montant des 1 500 francs du panier seront remboursées aux caisses au franc le franc


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

par l'Etat, alors que mutuelle et assurances devront en assumer le coût par leurs propres moyens et donc le répercuter sur leurs cotisants. Cette disposition atteint davantage encore les mutuelles dont l'activité est exclusive dans le champ concerné.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean-François Mattei.

Cette concurrence déloyale est encore accentuée par le prélèvement de 1,75 % effectué sur les chiffres d'affaires des mutuelles et assurances, ce qui conduit les mutualistes ou assurés à payer deux fois : une fois comme contribuables et une autre comme cotisants. Lequel prélèvement sera, naturellement, répercuté lui aussi sur les cotisations.

Ce faisant, vous créez un véritable effet pervers sur l'emploi du fait de l'alourdissement des charges des entreprises et des effets de seuil.

M. Maxime Gremetz.

Il y a longtemps qu'on avait entendu cela !

M. Jean-François Mattei.

L'alourdissement du coût des contrats entraîne une aggravation des prélèvements qui agit contre l'emploi et, paradoxalement, favorise l'exclusion en effet boomerang ! Il y a donc bien là une rupture d'égalité dans la concurrence entre les différents partenaires.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est vraiment une loi dégoûtante ! (Sourires.)

M. Jean-François Mattei.

J'en arrive aux conséquences politiques à craindre. Pour commencer, votre projet aura u n véritable effet « d'éviction » au détriment des mutuelles.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ah !

M. Jean-François Mattei.

A cet égard, il est manifeste que le Gouvernement a complètement sous-estimé, pour ne pas dire méconnu, une réalité constatée et dûment vérifiée sur le terrain : nombre de bénéficiaires de la CMU cotisent aujourd'hui à une mutuelle et bénéficient, souvent à des tarifs adaptés, d'une couverture à titre payant.

Certes, il est vraisemblable que ce phénomène concerne p eu les mutuelles de fonctionnaires, interlocuteurs souvent privilégiés des responsables de la rédaction du texte de loi,...

M. Jean Le Garrec président de la commission.

Comment ?

M. Jean-François Mattei.

... mais il est avéré chez les mutuelles interprofessionnelles à implantations locales.

Sans que l'on puisse citer des chiffres totalement précis - puisque, à la différence des mutuelles de fonctionnaires, les tarifs de ces dernières ne sont pas toujours fonction du revenu -, il semble que, du fait essentiellement des personnes dont l'emploi est précaire, une proportion de leurs mutualistes supérieure à 20 % pourrait être concernée par ce phénomène.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean-François Mattei.

Parallèlement, le cas des mutuelles gérant le régime étudiant de la sécurité sociale et offrant également des garanties complémentaires apparaît extrêmement préoccupant. On ne saurait, en effet, exclure que le jeu combiné des conditions de ressources de droit commun au sens de la CMU, applicables, dans le projet, directement aux étudiants, ne conduisent à une t ransformation totale des mutuelles étudiants en

« CMUistes » complémentaires.

Une telle évolution serait à la fois choquante, absurde et lourde de risques. Elle aboutirait, comme le redoutent certains - et non des moindres, tel le directeur de la CNAM lui-même -, à ce que le régime de base soit soumis demain à des conditions de ressources. En effet, en faisant peser sur le budget de la santé une dépense incontrôlée, on risque de déstabiliser davantage encore un système déjà fragilisé.

Dans un premier temps, l'Etat, en raison même des effets pervers que je viens d'évoquer, va se retrouver en situation de devoir assumer de plus en plus la charge de l'assurance maladie, l'assurance de base bien sûr, mais de surcroît l'assurance complémentaire. Il aura en effet inventé un système qui conduit inéluctablement à la diminution progressive du rôle des mutuelles.

Mais je considérerais que je n'ai pas rempli ma tâche si je m'en tenais à la seule critique d'un projet dont vous voyez bien qu'il ne convient pas.

Je veux donc à présent vous indiquer les solutions qui emportent notre préférence...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah !

M. Jean-François Mattei.

... et les pistes que nous suivrons si nous sommes amenés à décider des choix et à en assumer les responsabilités.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je crains que ce ne soit pas pour tout de suite !

M. Jean-François Mattei.

En effet, la réforme de la sécurité sociale est urgente. Elle est exigeante. Michel Mougeot, dans son rapport sur la régulation du système de santé réalisé pour le conseil d'analyse économique en 1999, résume parfaitement les objectifs d'un système de santé : « Un système de santé poursuit trois objectifs parfois difficilement conciliables. Il se doit, tout d'abord, de fournir des soins de qualité. Les soins doivent être accessibles à tous, quelle que soit leur situation du risque maladie. Enfin, et il s'agit d'un objectif relativement nouveau, il doit être le moins coûteux possible. » J'ajouterai

que la réforme de la sécurité sociale doit aussi concilier liberté et responsabilité.

Si le Gouvernement n'était pas prêt, ce que j'aurais pu comprendre, pour une réforme d'ensemble, et pour traiter le seul problème de la précarité, il avait au moins deux manières simples de procéder, et nous l'aurions probablement suivi sur ces chemins : solvabiliser la demande et préférer le contrat à la loi.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Solvabiliser la demande tout d'abord : si l'Etat veut aider ceux qui n'ont pas les moyens d'accéder à une couverture santé complémentaire, pourquoi ne se contente-t-il pas de contribuer à leur solvabilisation en prenant à sa charge tout ou partie de leur cotisation à un contrat mutualiste ou d'assurance ? C'est par exemple ce que le gouvernement de Raymond Barre avait fait en matière de logement, en créant en 1977 l'aide personnalisée au logement qui n'a jamais été remise en cause depuis. L'Etat, alors, ne s'est pas mis en tête de réglementer le « panier de logement » ni d'en fixer le prix.

Pourquoi faudrait-il, en santé, réglementer tout à la fois l'offre de services, son prix et son financement ? Cela conduit inévitablement à cloisonner l'offre de soins. Une

« aide personnalisée à la santé », une APS sur le modèle de l'APL, fonction des revenus et des charges de famille, aurait facilité la généralisation de la couverture complémentaire sans créer d'effets de seuil - elle aurait pu être


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dégressive - et sans cloisonner.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Elle n'aurait pas non plus été discriminante, comme l'est votre dispositif, entre les CMUistes et les autres !

M. Denis Jacquat.

Très juste !

M. Edouard Landrain.

C'est clair !

M. Jean-François Mattei.

La deuxième manière simple de procéder aurait été de préférer le contrat à la loi.

La concertation préparatoire fort bien menée par JeanClaude Boulard, avait abouti à une solution contractuelle et consensuelle : la fameuse « solution no 3 », qui avaitr ecueilli l'adhésion des trois familles d'organismes complémentaires, mutualité, assureurs et institutions de prévoyance.

La solution proposée au Parlement s'écarte radicalement de cette approche partenariale, puisqu'elle met en concurrence les organismes complémentaires avec les caisse qui ne prendront aucun risque, puisque les prestations leur seront intégralement remboursées par le fonds créé par la loi. Lorque des organismes qui assument un risque sont en concurrence avec d'autres qui n'en prennent aucun, on ne peut parler de solution équilibrée ou de logique partenariale.

M. Gilbert Gantier.

C'est l'évidence même !

M. Jean-François Mattei.

Puisqu'un accord partenarial avait été trouvé fin février entre la CNAM, les mutuelles et les assureurs privés pour ne pas se livrer à une surenchère sur le marché de l'assurance complémentaire, pourquoi fallait-il une loi ? Le Gouvernement n'a finalement pas tenu compte de cet accord, bien qu'il en ait, je crois le savoir, été tenté un moment. C'est dommage. Il a finalement choisi une conception plus dirigiste qui augure mal d'autres dossiers. Certes, une partie des familles d'organismes complémentaires, qui représente peut-être un secteur plus sensible à la protection de l'emploi qu'au social, aurait paraît-il pris ses distances avec le consensus en place. Mais était-ce une raison pour tout changer ?

Vous n'avez retenu ni la solvabilisation ni le contrat ; nous vous proposons donc une troisième solution, celle d'un régime universel d'assurance maladie qui serait plus juste, plus efficace et plus économe.

Cette solution s'inscrit dans une réforme plus vaste dont la logique serait moins étatique et compliquée que la vôtre, sur la base d'un premier principe simple : l'assurance maladie doit devenir universelle, donc obligatoire, et son affiliation repose sur un critère de résidence.

Premièrement, l'Etat créerait un régime universel d'assurance maladie fondé sur la solidarité nationale. Son financement serait assuré par la CSG, qui est fonction de l'ensemble des ressources des ménages, et les taxes spécifiques. Ce faisant, on associerait les avantages de la simplicité, de la justice et de la non-discrimination. Deuxièmement, l'Etat fixerait les objectifs sanitaires, définirait les obligations, apprécierait les coûts et déterminerait le budget. En clair, il définirait une véritable politique de santé pour le pays.

T roisièmement, l'Etat garantirait encore le devoir d'égalité et l'exigence de qualité. Pour le devoir d'égalité , il fixerait un cahier des charges précisant les contraintes du service public et notamment le caractère obligatoire de l'assurance maladie, la non-sélection des risques, la nondiscrimination des patients, le remboursement au premier franc et l'égalité devant les soins.

Pour l'exigence de qualité, il accréditerait les organismes et évaluerait leur action.

Au total, l'Etat garantirait la solidarité, collecterait les fonds de manière équitable, se comporterait comme un acheteur de soins, répartirait les sommes aux différents opérateurs et veillerait au bon fonctionnement du système.

Quatrièmement, les assurés, quant à eux, auraient le libre choix de leur organisme qui pourrait être public, mutualiste ou assurantiel.

L'introduction de cette concurrence apparaît indispensable pour améliorer l'efficacité de la production des soins. La concurrence serait double, entre les offreurs de soins, d'une part, et entre les assureurs eux-mêmes, d'autre part.

Où serait l'impossibilité d'admettre un tel système ? Le principe constitutionnel selon lequel la Nation garantit à tous la protection de la santé n'oblige nullement à une gestion monopolistique du système de santé ; il impose seulement un accès aux soins qui ne doit pas dépendre de la capacité financière des individus. Il faut bien distinguer le droit à la santé, qui est un droit aux soins, les formes de financement, qui doivent permettre d'assurer ce droit, et enfin la gestion de ces sommes ! Cinquièmement, un tel régime assurerait la couverture d'un « panier de soins » défini par l'Etat et garanti par le budget prélevé via la CSG.

Au-delà, l'Etat devrait, pour les plus démunis, assurer la prise en charge du ticket modérateur ou, mieux encore, supprimer les effets de seuil et la discrimination en accordant une aide personnalisée à la santé à titre complémentaire.

Vous l'aurez compris : il s'agit pour nous de saisir l'occasion de repenser plus complètement le rôle de l'assurance maladie qui devrait répondre aux trois critères de Michel Mougeot : fournir des soins de qualité - la concurrence y contribue et l'Etat y veille -, soigner tout le monde dans des conditions équitables - la concurrence y contribue encore et l'Etat l'assure -, soigner au moindre coût à qualité égale - la concurrence y contribue toujours, l'Etat fixe le budget.

Un tel projet placerait l'Etat dans son rôle de garant et non plus de gestionnaire. Il irait dans le sens de l'histoire et serait conforme à l'évolution des règles européennes.

Alors que le système actuel est en échec, pourquoi n'accepteriez-vous pas au moins l'idée d'expérimenter un autre système, ne serait-ce que pour vous faire une idée grandeur nature de ce qu'il peut apporter à l'épreuve des faits ? Pourquoi refuser une expérience localisée d'une délégation de gestion du risque s'inscrivant dans le cadre du service public de la sécurité sociale, respectant la solidarité entre les cotisants et le cadre légal des prestations fixées par l'Etat ? J'avoue ne pas comprendre. Nous saurions alors si un opérateur autre que l'Etat, peut gérer une capitation représentative des dépenses d'assurance maladie d'une population donnée.

Je ne veux pas aller plus loin dans le détail, me réservant d'en discuter lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'automne. Ma conviction a été longue à se forger, mais elle est maintenant faite : il nous faut désormais changer de système.

Certaines expériences européennes plaident en tous cas en faveur d'une telle proposition. En Suisse, la loi fédérale sur l'assurance maladie du 18 mars 1994 - je vous fais grâce de ses dispositions - correspond très exactement à ce schéma. Aux Pays-Bas, à la suite du plan Dekker,


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l'intervention de l'Etat consiste à séparer la collecte des p rimes et l'activité d'assurance. En Allemagne, les réformes menées ont tenté d'apporter des réformes structurelles ; chacun peut choisir sa caisse selon les prestations et les cotisations. L'autonomie des caisses a également été renforcée.

Ces divers pays, qui ne sont pas connus pour être des thuriféraires d'un libéralisme à tout crin, ont déjà engagé des réformes structurelles profondes. La France, au moment où l'Europe franchit une nouvelle étape, ne peut être la dernière à camper sur des positions qui ont eu leur heure de gloire mais qui apparaissent aujourd'hui dépassées.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il est temps de redéfinir les rôles de chacun des acteurs.

L'Etat doit être recentré sur ses missions régaliennes : politique de santé publique, prévention et sécurité sanitaire, définition des objectifs sanitaires et actions prioritaires, qualité de la formation des professionnels de santé, normes d'équipement, accréditation et évaluation, justice et solidarité.

Les citoyens doivent être responsabilisés. Pour cela, ils doivent avoir la liberté de choix dans un cadre contractuel.

Les professionnels de santé doivent se concentrer sur l'exercice de leur métier sans se sentir contraints par une autorité immédiate de l'Etat. Ils doivent aussi avoir le c hoix des obligations contractuelles auxquelles ils consentent librement.

Les organismes offreurs de soins doivent enfin veiller à satisfaire les obligations fixées par l'Etat et à répondre à la demande des citoyens.

Votre projet de couverture maladie universelle est animé par de bonnes intentions que nous approuvons totalement parce qu'elles sont aussi les nôtres. Malheureusement, il se fonde, de notre point de vue - l'avenir dira qui de vous ou de nous a raison, je ne cherche pas la polémique systématique -, ...

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'est pas la peine !

M. Jean-François Mattei.

... sur une philosophie qui n'est pas la nôtre, sur des estimations chiffrées que nous ne comprenons pas et sur des mécanismes à effets pervers. Si l'intention est généreuse, je ne crois pas qu'on puisse dire que la réalisation soit prometteuse. Nous ne pouvons pas l'accepter et c'est pourquoi je vous demande, chers collègues, d'adopter cette question préalable car ce texte ne répondant pas aux objectifs qu'il s'était fixé, il n'y a pas lieu de délibérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance).

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

La représentation nationale, me pardonnera d'intervenir à cette heure, mais

M. Mattei a été quelque peu confus dans les chiffres, ...

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est ridicule !

M. Edouard Landrain.

Quel humour !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'était le serment hypocrite plus que le serment d'Hippocrate !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

... ou tout au moins incertaine. Il ne faut pas confondre le coût pour l'Etat et le coût pour le régime général. Pour l'Etat, le coût brut est de 10,9 milliards. Encore faut-il calculer le coût net ; or deux éléments viennent en atténuation de dépenses, à savoir 8,7 milliards d'imputation sur la DGD en contrepartie de la remontée de l'enveloppe des départements, et 0,4 d'économies d'aides médicales accordées par l'Etat aux SDF, desormais intégrés dans la CMU.

M. Bernard Accoyer.

Vous savez très bien que ces 9 milliards sont sous-évalués ! C'est de la manipulation !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Au total, le coût net pour l'Etat sera de 1,7 milliard.

Pour ce qui est du coût pour le régime général, on trouve 900 millions qui se décomposent en 600 millions de francs pour les 150 000 personnes aujourd'hui sans couverture, et 300 millions de francs pour la baisse des cotisations.

Le chiffre de 1 500 francs, coût moyen des complémentaires, n'est pas une invention technique ou technocratique, encore qu'il ne soit pas forcément inutile de s'appuyer de temps en temps sur des techniciens plutôt que sur des slogans. Il est issu d'une évaluation réalisée par un des grands partenaires mutualistes - la FNMF -, sur la base d'un panier de soins qui comportait...

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas ce qu'elle a dit !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Je vous confirme que c'est bien la FNMF qui, dans le cadre de la concertation, a donné cette évaluation à 1 500 francs, sans les frais de gestion qui, a elle admis, représentent un coût marginal. Ce chiffre comprend la prise en charge du ticket modérateur et le forfait hospitalier, ce qui correspond en moyenne, pour les bénéficiaires du régime général, à 1 200 francs - je vous renvoie sur ce point aux comptes de la sécurité sociale -, auxquels s'ajoutent 300 francs pour l'amélioration du remboursement des soins aujourd'hui mal pris en charge, l'optique et les soins buccodentaires.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les assurances l'ont accepté.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Ce montant a été accepté par les assurances et figure dans un protocole d'accord qui a failli être signé au moment de la concertation.

J'entends dire que l'on va faire payer les régimes complémentaires.

M. Jean-François Mattei.

C'est vrai !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Les régimes complémentaires ont accepté cette contribution. Certains documents montrent même qu'ils acceptent une contribution supérieure à 1,75 %. Ne parlez donc pas de mesures imposées, alors qu'elles sont acceptées. A partir du moment où les régimes complémentaires prétendent au monopole de la couverture complémentaire, il va bien falloir traiter de l'extension de cette couverture avec eux.

Des fonds de compensation entre ces acteurs devront intervenir, comme cela s'est passé dans le cas des régimes complémentaires retraite. C'est l'une des voies qu'ouvre un amendement adopté par la commission.

Tels sont les éléments que je voulais rappeler, en vous priant de m'excuser d'avoir abusé des chiffres à cette heure tardive, dont nous ne sommes d'ailleurs pas responsables.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

M. le président.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Jean Bardet, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean Bardet.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, comme à son habitude, Jean-François Mattei a défendu la question préalable avec talent, et je n'aurai pas grandchose à ajouter. Je voudrais cependant insister sur quelques points qui incitent le groupe RPR à voter cette motion.

On nous dit que, grâce à la CMU, 150 000 à 200 000 personnes qui en étaient privées auront désormais accès aux soins. Ceux qui connaissent le terrain le savent, le problème n'est pas la prise en charge financière de l'accès aux soins, mais sa prise en charge technique. Il suffit d'avoir fréquenté un peu les CLI dans les départements pour savoir que les gens qui sont au RMI et qui, bien souvent, doivent suivre un programme d'insertion consistant à apprendre à respecter un horaire, sont incapables, en raison de leur marginalisation extrême, de respecter un traitement. Il est impossible de donner certains médicaments à certains malades : les anti-vitamines K par exemple, que les médecins ici présents connaissent bien.

Mme Odette Grzegrzulka.

Il n'y a pas de médecins ici, il n'y a que des députés ! Et on a le droit d'être député sans être médecin !

M. Jean Bardet.

Le problème n'est donc pas uniquement financier, mais technique.

Jean-François Mattei a également insisté sur la question des seuils. Je suis surpris que les divers orateurs de la majorité aient justifié la nécessité des seuils en disant qu'ils existaient déjà. Cette argumentation me semble un peu courte.

Mme Odette Grzegrzulka.

Que proposez-vous ?

M. Jean Bardet.

M. Le Garrec a même pris comme exemple le département de M. Barrot.

M. Pascal Terrasse.

Mauvais exemple !

M. Jean Bardet.

J'ai beaucoup d'amitié et d'estime pour M. Barrot (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais, s'il est le maître à penser de la majorité en matière sociale, j'aurais préféré qu'elle reprenne son projet d'AMU...

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce projet, il n'y avait rien dedans !

M. Jean Bardet.

... au lieu de nous proposer ce projet de CMU.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Heureusement, Jean-François Mattei vous a suggéré quelques pistes pour éviter ce phénomène de seuil, car vous ne nous avez rien proposé.

Un troisième argument concerne l'aspect financier du projet de loi. Chacun a ses chiffres. Le Gouvernement et la majorité parlent de 9 milliards de francs, assurant que cette somme ne sera pas dépassée. Je ne suis pas un technicien et n'ai pas de chiffres particuliers à avancer. Mais comme vous, je lis la presse, où il est question de 9 à 15 milliards de francs. Certains même, qui ne sont pas les moins compétents, parlent de 25 milliards de francs.

En outre, dans sa grande honnêteté, mais avec peutêtre un peu de naïveté, Mme la ministre nous a dit tout à l'heure que le processus risquait malheureusement de s'accélérer dans les années à venir : ainsi, quand bien même ce chiffre de 9 milliards de francs serait juste, il sera vite dépassé.

Enfin, le Gouvernement a introduit dans ce projet de loi un cavalier législatif - même si, sur le plan constitutionnel, ce n'en est pas un -, qu'il a pompeusement intitulé « Modernisation sanitaire et sociale ». Je voudrais savoir en quoi l'on modernise en introduisant dans ce texte des dispositions comme celles concernant la convention médicale, qui ont été annulées par le Conseil d'Etat...

M. Odette Grzegrzulka.

Tous les lobbies en réclament davantage. Soyez cohérent avec ceux qui vous soutiennent !

M. Jean Bardet.

... celles sur la carte Sésam Vitale, également annulées, ou en empêchant les hôpitaux de donner aux populations, qui ont le droit de les exiger, des renseignements sur leur activité ? Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Jean-Pierre Foucher.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Jean-François Mattei a été très brillant.

Bien sûr, nous sommes pour l'objectif de ce projet de loi.

M. Gérard Gouzes.

Alors, votez-le !

M. Jean-Pierre Foucher.

De même, nous sommes pour le principe de la santé pour tous par la solidarité. Mais le projet de loi qui nous est proposé ne remplit pas cette mission. Je crois, au contraire, qu'il va aggraver les inégalités.

Nous contestons la notion d'assistance systématique.

Nous contestons les chiffres qui nous sont proposés et la façon dont ils sont présentés.

M. Gérard Gouzes.

C'est un prétexte !

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous donnez un spectacle surréaliste !

M. Jean-Pierre Foucher.

Nous contestons les effets pervers que ce projet va entraîner, notamment en raison des effets de seuil : pour quelques centaines de francs de revenus supplémentaires, certaines personnes devront cotiser plusieurs milliers de francs en plus pour bénéficier des mêmes droits.

Nous contestons enfin la déstabilisation des mutuelles que ce projet de loi risque d'entraîner.

M. Alain Fabre-Pujol.

Quelle hypocrisie !

M. Jean-Pierre Foucher.

Nous approuvons donc tout à fait la position de Jean-François Mattei, et le groupe UDF votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe communiste.

M. Maxime Gremetz.

J'ai écouté avec une grande attention l'exposé de M. Mattei, et j'ai pris beaucoup de notes. Il a défendu la question préalable avec passion et talent. Cela n'empêche pas que j'aie, avec lui, des divergences de fond et de philosophie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

M. Jean Bardet.

Heureusement !

M. Maxime Gremetz.

Pourquoi « heureusement » ?

Qu'en savez-vous ? Rien du tout ! Tant que je ne l'aurai pas dit, vous ne le saurez pas. Monsieur Mattei, n'avonsn ous pas défendu quelquefois des projets de loi ensemble ?

M. Jean-François Mattei.

C'est vrai.

M. Maxime Gremetz.

Il ne faut jamais établir de clivages aussi nets.

Nos divergences portent sur la philosophie que vous avez développée. Vous parlez beaucoup de dignité. Je suis pour la dignité, mais cela ne s'achète pas avec dix francs, ni avec vingt, ni avec trente.

M. Marcel Rogemont.

Ce n'est pas la charité !

M. Maxime Gremetz.

La dignité, c'est le droit au travail, au savoir, à la culture, et c'est le droit de ne pas vivre à genoux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous parlez d'assistance. Quand on prend des dispositions pour permettre à chacun d'avoir accès aux soins, ce n'est pas une question d'assistance.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien sûr !

M. Maxime Gremetz.

Si nous ne le faisons pas, qui le fera ? On voit des gens qui ne peuvent pas se soigner et qui vont perdre leur dignité. Là est la question.

M. Gérard Gouzes.

Ils ne sont même pas charitables !

M. Maxime Gremetz.

Je veux insister sur un autre aspect, la question des seuils. Ce problème finit toujours par se poser, c'est évident. Pour ma part, je préfère que le seuil soit plus élevé. Comme l'a reconnu l'INSEE, le seuil de pauvreté, c'est 3 800 francs par mois. Voilà un critère incontestable.

Par ailleurs, je trouverais gênant que les bénéficiaires de la CMU ne touchent pas une allocation du même montant, au moins, que celle perçue par les adultes handicapés. Sinon, ou crée une nouvelle discrimination. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça n'a rien à voir !

M. Maxime Gremetz.

Il y a là quelque chose qui ne va pas. Vous me direz que ça coûte cher : 2 milliards, paraît-il. Je propose de prendre 0,5 % sur les revenus financiers. Ce n'est pas beaucoup. Ce n'est pas 14,5 % et cela permettrait de régler cette question des seuils. Jacqueline Fraysse, qui interviendra au nom de notre groupe, vous soumettra d'ailleurs une proposition pour atténuer les effets de seuil.

Nous pensons, nous aussi, qu'il faut réformer et moderniser la sécurité sociale. Mais nous divergeons quand il s'agit de savoir qui paiera et quelle sera l'assiette des cotisations. Vous proposez d'élargir la CSG, que les retraités et les chômeurs paient. Mais que paient les revenus financiers des entreprises ? Rien du tout ! Nous sommes d'accord pour une réforme de la sécu, mais nous divergeons sur son financement. Nous aurons l'occasion d'y revenir, et ce sera un débat passionnant.

Pour l'heure, monsieur Mattei, le groupe communiste s'oppose à votre question préalable.

M. le président.

La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste.

M. Pascal Terrasse.

Nous avons écouté avec beaucoup d'attention la question préalable défendue par le groupe Démocratie libérale. Notre collègue, Jean-François Mattei, loin de nous convaincre, semble lui-même peu convaincu, je le pense, de l'exercice auquel il vient de se livrer. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Si je devais résumer son intervention en quelques mots, je dirai qu'il y a un fossé de plus en plus large entre sa conception de la protection sociale et la réalité sociale d'aujourd'hui.

Il ne suffit pas de se cacher derrière de belles intentions, comme vous venez de le faire, cher collègue, pour refuser toute avancée sociale concrète en direction des plus faibles.

Aujourd'hui, l'exclusion de la santé et l'inégalité d'accès aux soins touchent un nombre croissant de personnes : quatre personnes sur dix ressentent un fort sentiment d'insécurité sociale.

Selon une étude du CREDES, vous l'avez rappelé, monsieur Mattei, près d'un Français sur quatre reconnaît avoir déjà renoncé à se soigner, faute de moyens financiers.

Près de 15 % de la population ne sont plus protégés par une couverture complémentaire maladie. Vous le savez, la première des économies pratiquées par les familles modestes est de renoncer à l'adhésion à une complémentaire maladie. Peut-on rester insensible à cette dure réalité ? Loin de constituer un système discriminatoire, la CMU relève de la volonté de favoriser l'accès de tous aux droits de tous, c'est-à-dire de garantir à tous une prise en charge des soins par un régime d'assurance maladie obligatoire, afin que plus personne ne puisse être sans droit, de garantir aux personnes dont les ressources sont les plus faibles une protection sociale complémentaire de qualité et la dispense d'avance de frais, afin qu'elles puissent accéder concrètement à la prévention et aux soins.

Comme il n'existe pas d'autres voies vers la solidarité que la recherche et le respect de la dignité humaine, c'est le principe fondamental de l'accès de tous aux droits de tous, du droit commun pour tous, qui doit prévaloir.

La suppression de l'aide médicale départementale et de l'assurance personnelle s'inscrit dans cette perspective.

Nous ne serons plus, comme dans le passé, dans une logique d'assistance.

Naturellement, dans cet esprit, on doit souhaiter que la mise en oeuvre de la protection sociale complémentaire évolue elle-même dans le sens du droit commun, c'est-àdire qu'elle ne relève que de la responsabilité des organismes complémentaires.

Notons que c'est l'intérêt même des bénéficiaires de la CMU, leur dignité et leur autonomie, qui commandent cette évolution et non des intérêts de boutique qui opposeraient régimes obligatoires de sécurité sociale et organismes complémentaires.

S'il revient bien à chacun de jouer son rôle propre, l'argument selon lequel la CMU modifierait les frontières des territoires respectifs des uns et des autres n'est guère recevable, dans la mesure où les caisses d'assurance maladie géreront la couverture complémentaire par délégation de l'Etat, comme elles gèrent déjà aujourd'hui l'aide médicale départementale par délégation des départements qui l'ont souhaité, et l'aide médicale d'Etat par délégation de l'Etat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

M. Germain Gengenwin.

Vous ne répondez pas aux arguments de M. Mattei.

M. Pascal Terrasse.

Il y aura d'autant moins modification des frontières entre la sécurité sociale et les organismes complémentaires que ces derniers, et notamment la mutualité, dont c'est la mission originelle, s'engageront concrètement à aller à la rencontre des populations les plus démunies, favoriseront leur prise en charge globale, sanitaire et sociale, les accompagneront afin que les personnes concernées deviennent acteurs de leur santé.

Il y a là un enjeu essentiel pour la mutualité et il dépend d'elle d'y faire face avec succès. Mais si, avec l'engagement des acteurs les plus concernés du monde sanitaire et social, la CMU permet d'améliorer tout de suite la condition des personnes les plus fragilisées, elle peut davantage encore, en enclenchant une dynamique sociale, favoriser non pas un régime d'exception supplémentaire, non pas une nouvelle loi pour les pauvres, mais une amélioration pour tous de la protection obligatoire et complémentaire maladie.

Vous avez évoqué, monsieur Mattei, le système MEDICAID. Il n'est pas dans la vocation de la CMU de déboucher sur un deuxième niveau de sécurité sociale, destiné à s'appauvrir dans le temps et à bloquer toute possibilité d'amélioration concrète de la protection sociale pour tous. Les services pour les pauvres deviennent toujours de pauvres services, disent les Anglais ou les Américains, qui ont une certaine expérience en la matière.

Vouloir résoudre, dans le cadre de la seule CMU, l'ensemble des problèmes d'accès à la prévention et aux soins reviendrait à ignorer la nécessité et l'urgence d'améliorer, en niveau et en qualité, la protection maladie pour tous les assurés sociaux -, et je réponds là à mon collèg ue Gremetz.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il ne vous écoute pas !

M. Pascal Terrasse.

De ce point de vue, la CMU doit s'accompagner de mesures d'égalité. C'est le sens de nos propositions actuelles concernant l'élargissement de la dispense d'avance de frais ou la généralisation de la nonsélection des personnes et des risques, ou de celles que nous formulerons, je l'espère, dans le cadre de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, concernant l'amélioration de certaines prestations et la modification de l'assiette patronale des cotisations de sécurité sociale.

Ces mesures d'égalité sont le plus sûr moyen de conforter le système de solidarité et de combattre les effets de seuil auxquels vous avez fait allusion, et qui sont inhérents d'ailleurs à tout dispositif mis en place sous condition de ressources.

Par contre, accroître le nombre de personnes susceptibles d'être concernées par la CMU en relevant le plafond de ressources au-delà de 3 500 francs, d'une part ne résoudrait pas les effets de seuil et ne ferait que reporter le problème et, d'autre part, risquerait de bloquer toute évolution d'ensemble de la protection sociale maladie.

C'est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Bardet.

Quelle surprise !

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UNE LETTRE RECTIFICATIVE

M. le président.

J'ai reçu, le 21 avril 1999, de M. le Premier ministre, une lettre rectificative au projet de loi portant modification du titre III de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle et transposant diverses dispositions de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 modifiée par la directive 97/36/CE du 30 juin 1997.

La lettre rectificative sera imprimée sous le no 1541, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 782, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements : M. Pierre Brana, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1521) ; (Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 788, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements : M. Joseph Tyrode, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1475) ; (Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 917, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres) : Mme Michèle Alliot-Marie, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1473) ; (Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1193, autorisant la ratification d'une convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif : M. Marc Reymann, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1520) ; (Procédure d'examen simplifiée.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 AVRIL 1999

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1305, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Hong Kong : M. Guy Lengagne, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1522) ; (Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1320, autorisant la ratification du traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la République de Géorgie : M. Paul Dhaille, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1533) ; (Procédure d'examen simplifiée.)

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1419, portant création d'une couverture maladie universelle : MM. Jean-Claude Boulard et Alfred Recours, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1518, tomes I et II).

A vingt et une heure, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 28 avril 1999 à zéro heure trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

MODIFICATIONS À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel, Lois et décrets, du 14 avril 1999)

GROUPE SOCIALISTE (242 membres au lieu de 241) Ajouter le nom de M. Maxime Bono.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (5 au lieu de 6) Supprimer le nom de M. Maxime Bono.

CONVOCATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 27 avril 1999, à 10 heures, au 4e bureau.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants : Communication du 13 avril 1999 No E 1240. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne, d'une part, et la République d'Islande, d'autre part, concernant le protocole no 2 de l'accord entre la Communauté économique européenne et la République d'Islande (COM [99] 132 final).

Communication du 23 avril 1999 No E 1241. Proposition de règlement du Conseil interdisant la vente et la livraison de pétrole et de certains produits pétroliers à la République fédérale de Yougoslavie.

Communication du 26 avril 1999 No E 1242. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord de coopération entre la Communauté européenne et la République populaire du Bangladesh (COM [99] 155 final).

NOTIFICATION D'ADOPTIONS DÉFINITIVES Il résulte de lettres de M. le Premier ministre qu'ont été adoptés définitivement par les instances communautaires les textes suivants : Communications du 14 avril 1999 No E 1159. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté, de la convention sur la Commission internationale pour la protection de l'Oder. (Décision du Conseil du 29 mars 1999) (COM [98] 528 final).

No E 1164. - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à une politique de capacité des flottes communautaires dans la navigation intérieure en vue de promouvoir le transport par voie d'eau. (Décision de Conseil du 28 mars 1999) (COM [98] 541 final).

No E 1186. - Les priorités politiques : programme de travail de la commission pour 1999. (Décision du Conseil du 30 mars 1999) (COM [98] 604 final).

No E 1187. - Les initiatives législatives nouvelles : programme de travail de la Commission pour 1999. (Décision du Conseil du 30 mars 1999) (COM [98] 609 final).

No E 1188. - Programme de travail de la Commission pour 1999. Liste indicative des actions envisagées. (Décision du Conseil du 30 mars 1999) (SEC [98] 1901).

No E 1199. - Proposition de décision du Conseil autorisant la République française à appliquer ou à continuer à appliquer des réductions ou des exonérations concernant les droits d'accises sur les huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE.

(Taux d'accise différencié à un nouveau carburant).

(Décision du Conseil au 30 mars 1999) (COM [98] 748 final).

No 1201. - Proposition de décision du Conseil autorisant cert ains Etats membres, conformément à la directive 92/81/CEE, à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales des réductions de taux d'accise ou des exonérations d'accises, et portant modification de la décision 97/425/CE. (Décision du Conseil du 30 mars 1999) (COM [98] 793 final).

No 1206. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un protocole visant l'extension de la période durant laquelle les fonds disponibles dans le 4e protocole relatif à la coopération financière et technique entre la Communauté européenne et la République de Chypre peuvent être engagés. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un protocole visant à l'extension de la période durant laquelle les fonds disponibles dans le 4e protocole relatif à la coopération financière et technique entre la Communauté européenne et la République de Malte peuvent être engagés. (Décision du Conseil du 30 mars 1999) (SEC [99] 26 final).