page 06664page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Couverture maladie universelle. - Discussion, en lecture définitive, d'un projet de loi (p. 6665).

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour les titres Ier , II, III et V.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour le titre IV.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 6666)

E xception d'irrecevabilité de M. Jean-Louis Debré : MM. Bernard Accoyer, le président.

Rappel au règlement (p. 6673)

M. Yves Bur.

Suspension et reprise de la séance (p. 6674)

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 6674)

Mme Muguette Jacquaint, MM. François Goulard, Yves Bur, Thierry Mariani, le président, Marcel Rogemont, André Aschieri, Mme Martine Aubry, ministe de l'emploi et de la solidarité. - Rejet de l'exception d'irrecevabilité.

Rappel au règlement (p. 6679)

MM. Bernard Accoyer, le président, Mme la ministre.

QUESTION PRÉALABLE (p. 6680)

Question préalable de M. José Rossi : MM. François Goulard, le président, Bernard Accoyer. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6685).


page précédente page 06665page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE Discussion, en lecture définitive, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 29 juin 1999

«Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint le texte du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture dans sa séance du 16 juin 1999 et modifié par le Sénat dans sa séance du 29 juin 1999.

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir statuer définitivement.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, de ce projet de loi (no 1747).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les titres I, II, III et V.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, mes chers collègues, j'interviendrai très brièvement.

Nous examinons, en dernière lecture, le texte relatif à la CMU. La commission, qui s'est réunie avant la séance, s'est prononcée en faveur du maintien du texte que l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture, pour des motifs que tout le monde a présents à l'esprit et qu'il n'est donc pas nécessaire de rappeler.

Toutefois, la commission a adopté certains amendements qui, votés par le Sénat avec l'accord du Gouvernement, portent essentiellement sur l'article 13, notamment sur sa partie qui traite des contingents d'aide sociale.

Trois modifications ont été acceptées.

La première tend à rendre éligibles à l'écrêtement les communes bénéficiaires de la DSR, afin d'établir un parallèle avec les communes bénéficiaires de la DSU.

La deuxième modification acceptée vise à étaler la réforme sur deux ans. C'est effectivement plus prudent.

La troisième modification a pour objet d'intégrer dans le dispositif les établissements publics qui, sans en posséder la compétence légale, avaient pris en charge des contingents d'aide sociale. Il s'agit, par cette disposition, de faire preuve de réalisme.

La commission s'est prononcée en faveur du maintien du texte que l'Assemblée nationale avait adopté en deuxième lecture, compte tenu de ces trois modifications.

Je souhaite que ce texte, très attendu par nos concitoyens, puisse être maintenant adopté dans des délais raisonnables. Un retard serait mal compris, puisque, au-delà de certaines divergences quant aux modalités, tout le monde a indiqué que, dans sa finalité, ce projet constituait une priorité.

M. Bernard Accoyer.

C'est vraiment expéditif !

M. le président.

Monsieur Accoyer, ne plaisantez pas dès le matin ! Attendez un peu, la journée sera longue !

Mme Odette Grzegrzulka.

Attendez demain ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le titre IV.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je souhaite, en introduction de mon propos, souligner la qualité du travail réalisé par Jean-Claude Boulard sur les titres I, II, III et V du projet relatif à la couverture maladie universelle.

Ce texte très important pour 6 millions de nos concitoyens permettra de régler certaines situations qui, jusqu'à présent, restaient sans solution.

En ce qui concerne le titre IV plus précisément, nous avons adopté des dispositions très importantes, soit qui figuraient dès le départ dans le projet, soit qui y ont été introduites avec l'accord du Gouvernement. Je pense en particulier aux dispositions concernant les médecins titulaires de diplômes étrangers ou la caisse des cultes.

Nous avons fort bien compris que, dans le cadre de cette dernière lecture, nous ne pourrions guère aller plus loin en ce qui concerne les médecins titulaires de diplômes étrangers. Je rappelle toutefois que nous avons souhaité, en deuxième lecture, que l'on s'oriente vers une harmonisation des rémunérations des praticiens à l'hôpital, qu'ils soient PAC ou PH.

M. Bernard Accoyer.

Le rapporteur a raison !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Sachant que la plupart de ces problèmes peuvent être réglés dans le cadre réglementaire, mais pas dans le cadre législatif, nous vous demandons, madame la ministre, de prendre les dispositions permettant l'harmonisation souhaitée par le Parlement.

En ce qui concerne les seuils de créations de pharmacies, nos collègues du Sénat ont bien travaillé.


page précédente page 06666page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

Comme nous l'avons fait en deuxième lecture, nous pourrons peut-être reprendre certaines dispositions adoptées dans la nuit par le Sénat, montrant ainsi que les navettes peuvent avoir un intérêt sur le plan législatif.

M. Yves Bur.

Si peu !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Comme Jean-Claude Boulard, je n'ai pas abusé du temps de parole imparti aux rapporteurs. Je regrette donc que nous devions maintenant subir, pour la troisième fois sur ce texte, trois motions de procédure : exception d'irrecevabilité, question préalable et motion de renvoi en commission. Mais, respectueux de la démocratie, je laisse très volontiers la parole à nos collègues pour qu'ils puissent en abuser.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jacques Weber.

M. Recours est un humoriste !

M. le président.

Madame la ministre, souhaitez-vous intervenir dès à présent ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, j'interviendrai plus tard.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'un des deux rapporteurs vient de regretter que l'opposition use des moyens de la procédure,...

Mme Odette Casanova.

Abuse !

M. Bernard Accoyer.

... des moyens que le Gouvernement essaye d'ailleurs de limiter en faisant modifier notre règlement. Quoi qu'il en soit, il est du devoir de l'opposition de dénoncer les risques que font courir, en particulier aux plus faibles de nos concitoyens, c'est-à-dire ceux que nous devrions aider en priorité, des dispositions dont nous ne cessons de dénoncer la dangerosité pour la protection sociale et les effets pervers. C'est pour cela que l'opposition revendique l'usage du droit d'exprimer sa conviction.

Je vais donc, une nouvelle fois, évoquer un certain nombre de points qui démontrent l'inconstitutionnalité du texte que le Gouvernement entend soumettre à nos suffrages.

Une nouvelle fois, également, je rappellerai que nous avons, à de multiples reprises, affirmé que nous partagions l'objectif qui consiste à vouloir lever l'obstacle de l'argent qui empêche les plus démunis d'entre nous d'accéder aux soins.

Une nouvelle fois, je préciserai que notre travail ici, à l'Assemblée, comme celui de nos collègues du Sénat, n'a pas pour but d'entraver une action dont l'objectif est également le nôtre.

Et, une fois pour toutes, je dirai que, selon nous, les choix du Gouvernement ne sont pas les bons, car ils opèrent une recentralisation de l'aide médicale gratuite, laquelle a jusqu'à présent donné satisfaction dans un grand nombre de départements. Demain, ce type d'aide sera en régression en raison des seuils retenus pour déclencher les effets de la couverture maladie universelle, c'est-à-dire la prise en charge totale de toutes les dépenses de santé, y compris celles relevant du ticket modérateur.

Nous avons en effet répété que la bonne solution consistait en un dispositif plus simple, plus harmonieux, permettant aux plus démunis de rester dans le régime droit commun, et donc d'avoir accès aux mêmes soins, de recevoir les mêmes prestations et de bénéficier des mêmes biens de santé, des mêmes médicaments ou des mêmes prothèses que les affiliés à ce régime. Or ce n'est pas ce que prévoit le texte qui nous est proposé.

C'est pour cette raison que ce texte représente selon nous un recul, et ce recul est historique car il instaure une sécurité sociale à deux vitesses. Il y aura, d'une part, la CMU, sorte de medicaid français, dont le niveau des prestations sera inférieur à l'autre système, celui de 90 % de nos concitoyens, qui devront, comme c'est, hélas ! le cas depuis de nombreuses années, payer sans cesse davantage de leur poche, probablement par couverture complémentaire interposée, pour accéder à des soins et à des prestations de qualité.

C'est ce drame que constitue la création d'une sécurité sociale à deux vitesses que nous entendons dénoncer et contre lequel nous entendons continuer à nous opposer.

Car il existe une autre solution, une solution qui, de surcroît, a déjà été mise en oeuvre dans un certain nombre de départements. L'opposition l'avait développée en première lecture et le Sénat a décliné l'idée. Il a ré digé un contre-projet, fondé sur l'aide personnalisée à la santé, qui est tout à fait valable, et il aurait été particulièrement heureux que le Parlement, avec l'aval du Gouvernement, se mette d'accord sur un texte de cette nature. Il aurait sans doute abouti dans ce cas à un vote unanime. Cela aurait été un grand moment du travail parlementaire et, madame la ministre, l'objectif était à votre mesure et à votre portée.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous me surestimez ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

Je regrette que vous ne l'ayez pas fait vôtre, d'autant que notre rapporteur, Jean-Claude Boulard, avait, à la demande du Premier ministre, réalisé un travail de concertation fouillé, et rédigé un rapport de grande qualité dans lequel il avait exposé le consensus auquel il était parvenu lors de ses échanges avec ceux qui ont aujourd'hui la charge de la protection complémentaire, c'est-à-dire les mutuelles, les institutions de prévoyance et les assurances. Ce dispositif, qui s'inscrivait dans une mécanique partenariale, respectait la dignité de nos concitoyens les plus démunis et solvabilisait leur besoin d'être couverts par une complémentaire. C'est d'ailleurs déjà le cas dans un certain nombre de départements où, en complément de l'aide médicale gratuite, le département, faisant jouer sa compétence en matière d'aide médicale et d'aide sociale, finance, éventuellement en tiers payant, ces assurances complémentaires. Les personnes et les familles en situation de difficulté restent ainsi dans le droit commun et l'on respecte totalement leur dignité.

Les opérateurs du secteur médico-social ne s'y sont pas trompés qui ont dénoncé, pratiquement unanimement, le choix fait par le Gouvernement, dont nous considérons avec eux qu'il n'est pas le bon. Les opérateurs ont ainsi signé un protocole où ils s'élèvent contre la confusion des rôles, qui sera désormais illustrée par l'intervention du


page précédente page 06667page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

régime obligatoire dans le domaine de la protection complémentaire, ce qui conduira immanquablement les opérateurs du secteur complémentaire, c'est-à-dire les assurances privées, à revendiquer la couverture et le remboursement du risque principal au premier franc, et un jour à le faire.

Après la distinction entre les deux populations, les deux niveaux d'assurance maladie que vous créez, cette situation, qui remet en cause le principe fondamental de la sécurité sociale et son monopole, et qui, n'en doutons pas, mettra, dans un délai probablement assez court, un terme à l'assurance maladie telle qu'elle a été conçue par le général de Gaulle il y a maintenant plus de cinquante ans,...

M. Bernard Outin.

Avec Ambroise Croizat !

M. Bernard Accoyer.

... cette deuxième défaillance, dis-je, conséquence majeure de votre texte, nous conduit à nous opposer avec vigueur à son adoption.

Je ne reviendrai pas sur d'autres effets pervers, tel l'effet de seuil créé par la CMU au niveau de 3 500 francs, que je développerai ultérieurement. Là encore, le texte que vous nous proposez aura des effets redoutables, en particulier sur les familles les plus modestes. Est-on riche avec 3 501 francs par mois ? Peut-on accéder au paiement facile du ticket modérateur, c'est-à-dire aux soins, avec un tel revenu ? La réponse est évidemment non. Avec le texte du Gouvernement, ces populations seront dans la plus grande difficulté.

J'entends bien que les fonds de solidarité des caisses devraient intervenir en leur faveur, et que les municipalités et les départements devraient à nouveau intervenir.

Mais, dès lors que leurs moyens sont amputés par les dispositions du texte, comment pouvons-nous accepter cette explication ? En réalité, on voit poindre une autre défaillance derrière ce texte. Lorsque les dispositions de la CMU auront été exploitées, il y aura à nouveau besoin d'une intervention communale, par le biais des centres communaux d'action sociale, et d'une intervention départementale, par le biais d'une sorte de nouvelle aide médicale gratuite.

Finalement, nous aurons fait, avec la CMU, une opération qui n'aura pas du tout atteint son objectif ; au contraire, elle aura tout remis en cause.

Je développerai maintenant les points qui prouvent l'inconstitutionnalité de la CMU.

La couverture maladie universelle institue, je l'ai dit, de graves inégalités entre les assurés sociaux. La présente loi précise en effet que les personnes ayant la qualité de résident et dont les revenus sont inférieurs à un seuil que vous avez arbitrairement fixé à 3 500 francs, c'est-à-dire en dessous du seuil de pauvreté et du niveau de l'allocation pour adulte handicapé, bénéficieront de la couverture maladie universelle, la CMU.

Si le montant de ce seuil n'est pas expressément fixé par la loi, il ressort cependant clairement des déclarations du Gouvernement devant l'Assemblée et devant la Haute assemblée que le seuil de 3 500 francs a été retenu.

Le dispositif de la CMU établit donc un seuil qui est un véritable couperet. En dessous de ce revenu, tout sera gratuit : pas de cotisation pour le régime obligatoire, pas de cotisation pour la couverture complémentaire, intervention en tiers payant des organismes sociaux ; donc gratuité intégrale.

A u-dessus, avec un franc de plus, c'est-à-dire 3 501 francs, tout changera. Il faudra que ces familles s'acquittent d'une cotisation au régime principal et qu'elles se payent une mutuelle. Et encore, elles n'auront probablement pas accès à des mutuelles ou à des complémentaires offrant des prestations de haut niveau. Par conséquent, même si elles font un effort et parviennent à se payer cette couverture complémentaire, elles ne seront pas dans des conditions équitables d'accès aux soins.

Or l'article 1er de notre Constitution dispose que la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens ».

De même, l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 proclame : « La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. »

Ce principe d'égalité est d'autant plus important en matière de couverture maladie que l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 affirme quant à lui : « La nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé. »

Ce droit constitutionnel à l'égalité d'accès aux soins a d'ailleurs été reconnu par le Conseil dans sa décision no 75-54 DC du 15 janvier 1975, et confirmé depuis à plusieurs reprises.

Je rappelle par ailleurs que, selon une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel considère, depuis sa décision 78-101 DC du 17 janvier 1979 que « le principe d'égalité devant la loi énoncé par l'article 6 de la déclara tion de 1789, s'il implique qu'à des situations semblables il soit fait application de règles semblables, n'interdit aucunement qu'à des situations différentes soient appliquées des règles différentes ».

D'autre part, depuis sa décision 87-232 DC du 7 janvier 1988, il admet également que « le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi ».

Il convient donc de déterminer si les inégalités manifestes créées par l'effet de seuil de la CMU sont justifiées soit par une différence de situation réelle entre les assurés sociaux, soit par un motif d'intérêt général en rapport avec l'objet visé par la loi. Nous avons vu que l'effet de seuil, effet de couperet, répondait par la négative à cette interrogation.

Y a-t-il une réelle différence de situation entre les bénéficiaires de la CMU et les autres assurés sociaux à faibles revenus ? Du fait de l'effet de seuil, une personne dont les revenus mensuels sont de cent, deux cents ou trois cents francs supérieurs au seuil de 3 500 francs ne bénéficiera pas de la CMU. Il faut rappeler à cet égard que, dans plus de trente départements, des seuils supérieurs à 3 500 francs déclenchent l'aide médicale gratuite.

Faut-il rappeler aussi que, pour ce qui concerne Paris et la carte Paris-santé, le seuil est à plus de 4 000 francs en 1999 ? Il a été souligné lors du débat qu'une personne âgée allocataire du minimum vieillesse, dont le montant est aujourd'hui de 3 540 francs, ne bénéficiera pas de la CMU. De même, une personne handicapée qui perçoit l'allocation pour adulte handicapé, dite AAH, dont le montant est aujourd'hui de 3 541 francs par mois, ne bénéficiera pas non plus de la CMU. Ces points évoqués en commission par nos collègues communistes, et qu'ils ont rappelé en séance publique lors des deux précédentes lectures, sont extrêmement importants. Il convient de dénoncer cette nouvelle inégalité, cette nouvelle ségrégations par rapport au revenu qu'introduit le seuil de la


page précédente page 06668page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

CMU. Il apparaît pourtant difficile d'affirmer que les quarante francs de revenu supplémentaire dont bénéficient ces personnes par rapport aux bénéficiaires de la CMU permettent de considérer qu'elles ne sont pas défavorisées et que leur situation est différente quant à l'accès aux soins.

C'est d'autant plus évident que, selon les statistiques de l'INSEE, le seuil de pauvreté est fixé en France à 3 800 francs de revenu par mois, soit 300 francs de plus que le seuil d'accès à la couverture maladie universelle.

Certes, le Gouvernement a rappelé que les études de l'INSEE situent ce seuil dans une fourchette allant de 3 200 à 3 800 francs.

Cependant, cet argument ne permet pas de justifier le bien-fondé du seuil de 3 500 francs, d'autant que le titre même de la loi aurait dû conduire le Gouvernement à retenir le seuil le plus élevé, comme l'avaient d'ailleurs demandé nos collègues membres de la commission des affaires sociales en adoptant en première lecture un amendement fixant le seuil d'accès à la CMU à 3 800 francs par mois.

Certes, le Gouvernement a indiqué, lors des débats, que l'effet de seuil pourrait dans une certaine mesure être limité par les systèmes d'aide sociale, les fonds d'action sociale des caisses et la création d'un fonds à l'initiative des organismes privés de prestations complémentaires.

Il convient cependant de noter que les financements des systèmes d'aide sociale vont en grande partie être utilisés pour mettre en place la CMU elle-même, et que ces mécanismes de prétendu lissage de l'effet de seuil sont laissés à l'entière initiative des collectivités, des partenair es sociaux et des acteurs de la protection sociale.

La loi ne fixe en conséquence aucun dispositif réel permettant de remettre en cause les effets négatifs du seuil couperet fixé à l'article 3 et qui concerne de nombreuses personnes et familles défavorisées.

De plus, il convient de signaler que l'instauration de la couverture maladie universelle ne permettra pas de résoudre les différences de couverture sociale, notamment d e couverture maladie, existant entre les différents régimes de sécurité sociale. Ainsi, du fait de l'affiliation obligatoire à certains régimes, certaines personnes vont continuer à cotiser pour un régime de base, alors que leurs revenus seront inférieurs au seuil d'accès à la CMU.

Il en est ainsi des agriculteurs gagnant moins de 3 500 francs par mois mais disposant d'une certaine surface pour leur exploitation agricole. Ils devront en conséquence, comme l'a fait remarquer à plusieurs reprises la mutualité sociale agricole, continuer à cotiser à la MSA, contrairement à celui qui n'est pas agriculteur ou à celui qui, ayant les mêmes revenus, disposerait de surfaces d'exploitation moindres.

Le même type de situation concernera également les étudiants, qui ne sont pas éligibles à la CMU. A cette objection, le Gouvernement s'est contenté de répondre lors des débats que la présente loi ne modifie pas les régimes professionnels. Il paraît donc évident que l'inégalité créée par l'instauration de la CMU entre les personnes défavorisées ayant un niveau de revenu voisin ne peut être justifiée par une différence réelle de situation.

Je rappelle que le projet qui avait été élaboré à l'occasion de la publication des ordonnances de 1996 portant réforme de la sécurité sociale prévoyait la création de l'assurance maladie universelle, qui est une réforme structurelle de fond d'une tout autre ampleur que la couverture maladie universelle, cette dernière n'étant qu'une recentralisation de l'aide médicale gratuite, alors que l'assurance maladie universelle avait pour but de réformer tous nos régimes et d'unifier les différents régimes, notamment professionnels, qui sont la cause d'inégalités en matière de cotisations comme en matière de prestations et de niveau des remboursements.

Cette réforme structurelle profonde et audacieuse, qui nécessitait beaucoup de courage, aurait permis un progrès considérable, notamment dans la gestion, au-delà de l'amélioration de l'équité de notre système de protection sociale, qui aurait, n'en doutons pas, permis des économies substantielles dans la gestion de l'assurance maladie et, par là-même, de remédier à l'insuffisance dramatique du remboursement effectué par le régime obligatoire, insuffisance, redisons-le, à l'origine du débat d'aujourd'hui.

Faut-il rappeler que, en raison de l'interruption des réformes de structures et de la lente dégradation progressive de la branche maladie, la France est désormais le pays dont le régime obligatoire assure la plus mauvaise couverture à ses bénéficiaires,...

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. François Goulard.

C'est un échec collectif !

M. Bernard Accoyer.

... alors même que les cotisations sont les plus élevées ? Cherchez l'erreur : elle est dans l'absence de réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Cherchez les responsables !

M. Bernard Accoyer.

Les inégalités créées par l'instauration de la couverture maladie universelle sont-elles alors liées à la poursuite d'un motif d'intérêt général conforme à l'objet poursuivi par la présente loi ? A de nombreuses reprises, lors des débats, il a en effet été affirmé que l'instauration de la couverture maladie universelle répondait à une lacune de notre système de protection sociale et à un impératif de solidarité envers les plus pauvres. Ainsi peut-on lire dès les premières phrases de l'exposé des motifs du projet de loi : « L'inégalité devant la prévention et les soins est l'une des injustices les plus criantes. Il n'est pas acceptable que certains ne puissent bénéficier ou faire bénéficier leurs enfants de soins dont ils ont besoin. Devant la maladie et la douleur le niveau de revenu ne doit pas introduire de discrimination. » Le motif d'intérêt général qui sous-tend la couver-

ture maladie universelle semblait donc clair. Il s'agissait d'assurer l'égalité d'accès aux soins des plus démunis de nos concitoyens.

Nous nous rallions à cet objectif, mais nous avons, hélas, démontré que cette égalité était au contraire remi se en cause par les effets même du seuil d'accès à la CMU.

L'objectif poursuivi par la CMU et la présente loi est donc remis en cause par le caractère non objectif du seuil choisi, qui porte d'ailleurs atteinte au niveau de protection sociale dont bénéficiaient des personnes défavorisées dans au moins trente départements où l'aide sociale gratuite est aujourd'hui ouverte à des personnes ayant des revenus supérieurs à 3 500 francs par mois.

En conséquence, au nom d'une solidarité aveugle, la CMU va remettre en cause des droits acquis en matière sociale pour certains de nos concitoyens. Il paraît donc difficile de considérer que les inégalités créées par l'effe t de seuil de la CMU sont justifiées par l'objectif d'intérêt général poursuivi par la loi. La réelle justification du seuil de 3 500 francs a d'ailleurs été clairement précisée lors


page précédente page 06669page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

des débats parlementaires par le Gouvernement. La ministre de l'emploi et de la solidarité, ici présente, a ainsi répondu, lors de la première lecture de cette loi ici même, à l'Assemblée nationale - deuxième séance du 28 avril 1999 -, à la question « Faut-il relever le seuil à 3 800 francs ? » : « Nous toucherions deux millions de personnes de plus et la dépense serait de deux millions multipliés par 1 500 francs, soit trois milliards de francs. »

Il est clair que l'inégalité entre des personnes défavorisées établie par le seuil de 3 500 francs ne peut être justifiée par un objectif d'intérêt général en rapport avec l'objet même de la loi et que le dispositif CMU doit, en conséquence, être déclaré contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la loi affirmé selon une jurisprudence constante par le Conseil depuis sa décision 7351 DC du 27 décembre 1973. Cette rupture d'égalité est d'autant plus inadmissible qu'elle entraîne des conséquences financières très importantes pour les personnes concernées du fait de la très grande différence de couverture maladie ainsi instaurée entre ces personnes découlant de la prise en charge à 100 %, sans avance de frais, des bénéficiaires de la CMU.

La couverture maladie universelle crée par ailleurs d'importantes inégalités entre les organismes de protection sociale complémentaire et les caisses primaires d'assurance maladie. Ainsi, la CMU place les caisses d'assurance maladie dans une situation privilégiée pour présenter aux bénéficiaires de la loi une couverture complémentaire. Le dispositif CMU réaffirme en effet le monopole des caisses primaires d'assurance maladie sur la prestation de base.

En revanche, il autorise les caisses à distribuer la prestation complémentaire au même titre que les organismes traditionnels de protection complémentaire volontaire. En conséquence, sur le volet complémentaire de la CMU, la loi instaure une concurrence entre les caisses primaires d'assurance maladie et ces organismes complémentaires.

Mais il faut le dire clairement. Cela mériterait au moins que l'on en débatte. C'est peut-être l'une des voies pour sauver la protection maladie en France, mais tout cela nous est présenté d'une façon tout à fait inverse.

Les modalités de mise en oeuvre de la CMU rendent cette concurrence déloyale du fait même du monopole reconnu aux caisses concernant l'instruction des dossiers de demande de couverture maladie universelle, ainsi que l'ouverture des droits. En effet, il paraît évident que les bénéficiaires de la CMU, par pure commodité, se tourneront tout naturellement vers les caisses pour leur couverture complémentaire.

M. Thierry Mariani.

C'est logique !

M. Bernard Accoyer.

Il s'agit en effet, par définition, de populations en détresse dont les capacités à s'y retrouver dans les dédales administratifs sont évidemment réduites. Ces populations vont donc se tourner prioritairement vers les caisses d'assurance maladie, ce qui créera une rupture d'égalité avec les autres institutions.

Les accords signés, ces dernières années, entre les mutuelles et les organismes de sécurité sociale pour permettre la transmission directe des feuilles de remboursement sans intervention de l'assurance prouvent, s'il en était besoin, le souhait des assurés de n'avoir qu'un seul interlocuteur.

Par ailleurs, il apparaît tout aussi évident que, lors de l'instruction de la demande de CMU, l'agent de la caisse primaire fera part au futur bénéficiaire de l'offre de prestation complémentaire de sa caisse. Ce sera même son devoir. Le choix du bénéficiaire sera donc biaisé du fait même de l'organisation légale de la CMU, créant ainsi une concurrence déloyale entre des organismes placés dans la même situation et cela sans qu'un motif d'intérêt général ne le justifie. J'ajoute que ce dispositif aura, pour les caisses, un coût de gestion sur lequel j'aurai l'occasion de revenir tout à l'heure.

Certes, le protocole d'accord relatif à la CMU, signé entre la caisse nationale d'assurance maladie, les mutuelles et les assureurs, précise que « les caisses, en application du principe de subsidiarité, n'offrent une telle prestation qu'en cas de carence constatée des organismes complémentaires. » Cependant, il ne s'agit que d'un engagement

contractuel qui peut à tout moment être remis en cause et qui prouve d'ailleurs que le dispositif de cette loi présente bien des risques de concurrence déloyale entre les organismes chargés de distribuer la prestation complémentaire de la couverture maladie universelle.

Cette inégalité ne peut par ailleurs être justifiée par l'argument selon lequel l'intervention des caisses dans le secteur de la prestation complémentaire a pour objectif, comme l'a indiqué la ministre de l'emploi et de la solidarité lors de son audition devant notre commission des affaires sociales, « de ne pas courir le risque d'une carence dans l'application de la loi en cas d'engagement insuffisant des organismes complémentaires. » En effet, dans le

même compte rendu de la commission, la ministre affirmait que « les assureurs, les mutuelles et les institutions de prévoyance ne pourront pas choisir ou refuser les assurés. » Comment pourraient-elles alors ne pas s'engager

? Cette différence de situation entre les organismes chargés de la prestation complémentaire est enfin aggravée par les modalités de compensation des dépenses engagées au titre de la couverture maladie complémentaire.

M. le président.

Monsieur Accoyer, vous parlez depuis maintenant trente-deux minutes !

M. Patrick Leroy.

C'est trop !

M. le président.

Nous sommes en troisième lecture.

M. Jean Bardet.

Mais c'est très intéressant ce que dit M. Accoyer !

M. le président.

Bien entendu, personne ici ne pourrait admettre qu'il y ait détournement de procédure. Selon l'alinéa 5 de l'article 54 de notre règlement : « Quand le président juge l'Assemblée suffisamment informée, il peut inviter l'orateur à conclure. »

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est à présent ce que je vous demande de faire, monsieur Accoyer, vous accordant une dizaine de minutes pour conclure, ce qui me paraît amplement suffisant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) J'estime en effet que vos arguments ont déjà été entendus et retenus par l'Assemblée. Je vous demande donc de bien vouloir conclure. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je suis particulièrement choqué de vous voir appliquer cet article du règlement sur un texte aussi important.

M. Germain Gengenwin.

Exactement !

M. Bernard Accoyer.

Contrairement à ce que vous venez de dire, les arguments que j'avance n'ont pas tous déjà été énoncés...


page précédente page 06670page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

M. Bernard Outin.

Si !

M. Thierry Mariani.

Vous ne savez pas la suite !

M. Bernard Accoyer.

... et, contrairement encore à ce que vous venez de dire, ils n'ont pas été retenus par le Gouvernement.

M. Jean-Noël Kerdraon.

C'est de l'obstruction !

M. Bernard Accoyer.

Je suis en train d'exposer des arguments qui tendent à démontrer que ce texe remet en cause la protection sociale à laquelle, je crois, nous sommes tous ici particulièrement attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Accoyer, je vous ai prévenu ! Dans dix minutes, c'est-à-dire à onze heures trente, je vous retirerai la parole. Ne vous en étonnez pas ! Dix minutes, c'est amplement suffisant pour vous permettre de conclure dans de bonnes conditions.

M. Thierry Mariani.

Non, ce n'est pas admissible !

M. le président.

Je ne souhaite pas amputer votre intervention, mais à onze heures trente, je vous retirerai la parole. Les choses sont assez simples ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Myard.

C'est vraiment incroyable !

M. Thierry Mariani.

Hier, vous nous avez réduit le droit de parole pour l'avenir et votre attitude procède de la même logique ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Charles Cova.

C'est une honte !

M. le président.

Monsieur Mariani, ne prenez pas le président de séance pour plus naïf qu'il ne l'est ! Monsieur Accoyer, poursuivez, sinon je considérerai que vous en avez terminé avec votre argumentation !

M. Michel Terrot.

Jamais Pierre Mazeaud n'aurait fait ça sur un texte aussi important !

M. Bernard Accoyer.

Les acteurs de la protection sociale et les mutualistes, qui vont en réalité payer la CMU par leurs cotisations, seront certainement préoccupés de voir que le libre jeu démocratique n'a pu ici se dérouler comme il se doit.

M. Charles Cova.

Cela devient la règle maintenant !

M. Bernard Accoyer.

Ce texte présente de nombreuses anomalies. Surtout il est porteur de graves dangers pour n otre protection sociale et j'entends poursuivre la démonstration dans laquelle je me suis lancé. Bien entendu, monsieur le président, vous prendrez les décisions qui vous sembleront bonnes et je m'y conformerai.

Néanmoins, il est important pour moi d'exprimer les convictions de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Bernard Accoyer.

... qui m'a chargé de le faire, avec toute la force qui nous caractérise, s'agissant de la couverture maladie et de l'accès aux soins des plus faibles.

Ce dispositif est purement gesticulatoire alors que nous aurions pu aboutir à un consensus si vous aviez repris le mécanisme proposé par le Sénat. Au lieu de cela, le Gouvernement essaie aujourd'hui de passer en force. Nous v oudrions être certains, monsieur le président, que d'autres dispositions de même nature tendant à restreindre une fois de plus les droits du Parlement ne nous serons pas soumises au cours de cette journée. Mais puisque mon temps est désormais compté (« Non ! » sur les mêmes bancs) et qu'il est décidé d'appliquer une sorte de censure à l'opposition, je vais rappeler à nos collègues de la majorité, qui auraient dû regarder ce texte de plus près,...

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Jacques Myard.

Ils ne l'ont pas lu !

M. Bernard Accoyer.

... certaines conséquences dont ils devront demain assumer la responsabilité.

Ainsi, ce texte prévoit que la CMU sera financée en grande partie par un prélèvement de 1,75 % sur les mutuelles, les organismes de prévoyance et les assurances.

P ermettez-moi de revenir quelques instants sur le chiffrage, réalisé d'ailleurs de façon « inobjective » par le Gouvernement...

M. Thierry Mariani.

C'est un pléonasme !

M. Bernard Accoyer.

... et qui a été l'objet d'une manoeuvre de sémantique de la part de notre rapporteur.

Celui-ci a dit que le coût résiduel de la CMU serait, pour l'Etat, de 1,7 milliard de francs. Monsieur le rapporteur, vous avez menti à la représentation nationale et au peuple ! (Applaudissements sur les mêmes bancs . - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est une insulte, monsieur le président ! Cela mérite un rappel au règlement ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Schreiner.

Vous êtes mal placée pour nous donner des leçons !

M. Bernard Accoyer.

Et je vais démontrer que le coût de la couverture maladie universelle est loin d'être celui que vous avez arrêté.

Ainsi, le chiffrage à 1,7 milliard pour l'Etat s'appuie sur l'hypothèse erronée selon laquelle les dépenses de couverture complémentaire pour 6 millions de personnes s'élèveraient à 9 milliards de francs, le coût annuel retenu par personne étant de 1 500 francs. Or cette dernière somme - tout le monde le sait et vous particulièrement, monsieur le rapporteur - a été...

M. Thierry Mariani.

Sous-évaluée !

M. Bernard Accoyer.

... convenue avec les acteurs mutualistes sur la base d'un panier de soins qui ne figure pas dans ce texte. Il y a donc là, à l'évidence, une manipulation des chiffres.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Bernard Accoyer.

La sous-évaluation est majeure. A titre d'exemple, dans le département dont je suis l'élu la dépense au titre du ticket modérateur et des prestations supplémentaires s'établissait, en 1998, à 1 920 francs pour les bénéficiaires de l'aide médicale gratuite et à 2 200 francs pour les bénéficiaires de la carte de solidarité.


page précédente page 06671page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

M. François Goulard.

La démonstration est faite !

M. Bernard Accoyer.

La sous-évaluation est de plus de 50 %.

M. Jacques Myard.

Répétez ces chiffres importants !

M. Bernard Accoyer.

Or, la population de ce département, la Haute-Savoie, est particulièrement jeune et c'est la moins consommatrice de soins en France.

M. Thierry Mariani.

En tout cas, elle élit de bons députés !

M. Bernard Accoyer.

Cela corrobore les évaluations de l a Fédération française des sociétés d'assurance qui tournent autour de 3 000 francs, et non de 2 500 francs.

Dans ce cas, c'est une sous-évaluation de 100 %. Il faut en effet parler non pas de 9 milliards, mais de 18 milliards de francs !

M. le président.

Mes chers collègues, il m'arrive de m'informer ! M. Accoyer est intervenu en première lecture sur l'exception d'irrecevabilité et en deuxième lecture sur la motion de renvoi en commission. (« Et alors ? » sur les mêmes bancs.)

Et son intervention d'aujourd'hui reprend très exactement les précédentes. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jacques Myard.

C'est son droit !

M. Jean Bardet.

Un président ne doit pas être un militant !

M. le président.

Je considère par conséquent que l'Assemblée est informée. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Marcel Rogemont.

C'est vraiment la division à droite ! Vous empêchez M. Accoyer de parler !

M. le président.

Monsieur Accoyer, veuillez conclure, s'il vous plaît !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, il y a là une atteinte au droit (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert),...

Un député du groupe socialiste.

Quel droit ?

M. Bernard Accoyer.

... car et les chiffres de 1998 dans mon département n'ont pas changé entre la première et la dernière lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais puisque la censure s'exerce sur notre droit d'expression (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Jean Bardet.

C'est scandaleux !

M. Bernard Accoyer.

... et puisque vous me contraignez, monsieur le président, à m'exprimer sur les comptes sans pouvoir me référer à mes papiers, je soulignerai que les conséquences financières de ce texte seront particulièrement graves pour l'assurance maladie. Malgré les allégations du Gouvernement, pour ce qui concerne la branche maladie les comptes n'ont pas été équilibrés et, évidemment, ils ne le seront pas davantage avec l'application de la CMU, ce qui constitue déjà un danger pour la protection sociale. Mais, de plus, les mutuelles et les mutualistes devront payer le surcroît de dépenses occasionné par la CMU qui ira bien au-delà des 1 500 francs alloués à cet effet. Or, le code de la mutualité n'autorisant pas les mutuelles à avoir des comptes déséquilibrés, ce sont évidemment les mutualistes qui devront payer une grande partie de ces charges supplémentaires - ce sera particulièrement difficile pour les plus faibles d'entre eux - et plus généralement les Français au travers de leurs cotisations et de leurs impôts.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, puisque le temps m'est compté (« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et puisque vous avez décidé de me couper la parole avant que je puisse développer de nouveaux arguments devant le Gouvernement, qui n'a pas tenu compte de ma précédente démonstration,...

M. Jacques Myard.

Il faut répéter pour qu'ils comprennent !

M. Gilbert Meyer.

Et encore, ce n'est pas sûr !

M. Bernard Accoyer.

... j'évoquerai dès maintenant le c aractère fondamentalement inconstitutionnel de la démarche qui consiste à oser mettre dans le même texte deux projets de loi différents : la couverture maladie universelle et un DMOS qui compte maintenant une trentaine d'articles...

M. Jacques Myard.

Mais oui ! Ce sont des cavaliers !

M. Bernard Accoyer.

... et vise à modifier notre système de santé de façon considérable. Je vais vous énumérer ces modifications dans le désordre, car si je les citais dans l'ordre, monsieur le président, vous m'accuseriez de relire mon discours. (Rires sur les mêmes bancs.)

A l'envers, cela vous conviendra peut-être !

M. Bernard Outin.

C'est de l'autocensure !

M. Bernard Accoyer.

Le Gouvernement lui-même, par la voix de la ministre de l'emploi et de la solidarité, le p résident de la commission des affaires sociales,

M. Le Garrec, les rapporteurs, même les plus compétents, les plus technocrates d'entre eux, ont estimé inacceptable que le Premier ministre n'ait pas décidé d'inscrire un DMOS à notre ordre du jour alors que tant de questions pressantes sont en attente et doivent être tranchées par la voie législative.

Encore, en deuxième lecture, le Gouvernement a-t-il ajouté des dispositions extrêmement importantes. Peutêtre me permettrez-vous de les évoquer - ce n'est pas aller au-delà du droit strict de l'opposition. Il s'agit de l'interdiction de prendre en compte les résultats des é tudes génétiques par les organismes de protection complémentaire ; de l'obligation pour les praticiens libéraux de percevoir leurs honoraires par l'intermédiaire de l'administration hospitalière lorsqu'ils exercent à l'hôpital ; de la création d'un GIP pour la modernisation dus ystème d'information hospitalier ; des pouvoirs des agences régionales d'hospitalisation pour les transferts des cliniques privées ; de la création des établisssements publics de santé interhospitaliers ; de l'étiquetage des produits alimentaires afin de réduire le risque d'accidents allergiques mortels ; des congés de formation professionnelle dans la fonction publique hospitalière, dont on se demande d'ailleurs quel est le rapport avec la couverture maladie universelle...

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est la santé publique !

M. Jacques Myard.

Du galimatias plutôt !

M. Bernard Accoyer.

... de l'action sociale au bénéfice de la fonction publique hospitalière,...


page précédente page 06672page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est la santé publique !

M. Robert Lamy.

Laissez parler l'orateur !

M. Bernard Accoyer.

... des conditions de régularisation des médecins et des pharmaciens titulaires d'un diplôme extra-européen ; des restrictions à la diffusion et au traitement des données personnelles de santé, atteinte sans précédent au droit d'information des malades,...

M. Alfred Recours, rapporteur.

N'importe quoi !

M. Bernard Accoyer.

... qui, avec l'article 37, seront privés de l'accès à des informations - rappelées récemment dans la revue Science et Avenir - permettant, notamment aux moins priviligiés de nos concitoyens, de connaître la qualité de tel ou tel établissement hospitalier ;...

M. le président.

Monsieur Accoyer, je vous invite à conclure vraiment. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

... des conventions entre pharmaciens ; de la régularisation des installations d'officines ; des quotas d'officines (Exclamations sur les mêmes bancs)...

M. Jacques Myard.

Regardez, les socialistes ont peur, et ils arrivent !

M. Jean Ueberschlag.

Pas pour la plaidoirie intéressante de Bernard Accoyer, pour le vote. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

... du volet santé de la carte informatique d'assurance maladie qui porte atteinte, bien entendu, au droit fondamental de la confidentialité ; des consultations de dépistage du VIH... Autant de dispositions, et je ne les ai pas toutes citées, tant s'en faut, qui démontrent que la CMU contient un second projet de loi, ce qui constitue un motif évident d'inconstitutionnalité.

M. le président.

Monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

Le ministre, lui-même, avait pourtant dit que les amendements d'origine parlementaire pouvaient être considérés comme des cavaliers. Ne doutons pas qu'il y a là, et cela constitue bien entendu une atteinte au droit d'amendement, une insuffisance !

M. Thierry Mariani.

Attendez, ils arrivent à gauche ! Au moins, qu'ils s'assoient ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je ne peux pas poursuivre dans ces conditions ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

En effet, c'est scandaleux !

M. Thierry Mariani.

Notre collègue ne peut pas s'exprimer !

M. le président.

Mes chers collègues, veuillez, je vous prie, vous asseoir. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. André Angot.

Recommencez, monsieur Accoyer ! Votre discours est si intéressant qu'ils viennent tous l'écouter !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, j'aimerais au moins pouvoir m'exprimer dans le calme ! Voulez-vous le décompter de mon temps de parole - que vous avez d écidé, contrairement au règlement, de restreindre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Angot.

Recommencez, recommencez !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Qui décide ici, monsieur le président ?

M. le président.

Poursuivez, monsieur Accoyer, et concluez !

M. Bernard Accoyer.

Je ne peux pas m'exprimer dans un tel brouhaha ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Alors taisez-vous !

M. Marcel Rogemont.

Vous êtes jaloux à droite parce que vous n'êtes pas assez nombreux !

M. le président.

Mes chers collègues, voulez-vous vous taire, s'il vous plaît ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Monsieur Accoyer, poursuivez et terminez !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Qu'il soit mis un terme à ce détournement de procédure !

M. Bernard Accoyer.

Visiblement, nos collègues du groupe socialiste ont été convoqués à une heure précise (Applaudissements sur les mêmes bancs. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et alors ?

M. Marcel Rogemont.

Ils sont là pour faire leur travail !

M. le président.

Tenons-nous-en au sujet, je vous prie !

M. Bernard Accoyer.

... et leur arrivée en masse témoigne de leur peu d'intérêt pour ce texte dont ils ignorent, du coup, les effets pervers - ils auront à en répondre devant la nation !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est la conviction qui nous anime, non l'esprit d'obstruction !

M. Bernard Accoyer.

Le mode de financement de la CMU crée une inégalité devant les charges publiques, au détriment des organismes de prestations complémentaires privés, ainsi d'ailleurs que de leurs adhérents.

L'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 stipule en effet que « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses de l'administration, une contribution commune est indispensable.

Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Selon une jurisprudence constante, depuis sa décision no 81-133 DC du 30 décembre 1981, le Conseil se fonde sur cet article pour vérifier le respect par la loi de l'égalité devant les charges fiscales ou devant les contributions sociales obligatoires.

I l a, par ailleurs, précisé dans sa décision du 18 décembre 1997 que si le législateur est libre de déterminer les redevables, l'assiette et le taux d'une nouvelle contribution obligatoire, il doit le faire « sous réserve des principes et règles de valeur constitutionnelle » et que, particulièrement en ce qui concerne l'établissement d'une contribution chargée d'assurer l'équilibre financier de la sécurité sociale, « la détermination des redevables ne saurait aboutir à une rupture caractérisée de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ».

En l'espèce, le Conseil avait vérifié que le régime différencié d'une contribution sociale spéciale de 2,5 %, selon que le redevable était un laboratoire pharmaceu-


page précédente page 06673page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

tique ou un grossiste de médicaments, était justifié par l'existence d'obligations de service public ne s'imposant qu'aux premiers.

De plus, dans sa décision du 19 novembre 1997 relative à l'institution d'une contribution de solidarité instituée par l'assemblée territoriale de la Polynésie française, le Conseil a rappelé que, pour assurer le respect du principe d'égalité en ce domaine, le législateur doit « fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de cette contribution et les facultés contributives des redevables. » Or le fonds de finance-

ment de la couverture maladie universelle est alimenté par une contribution d'Etat et par un prélèvement de 1,75 % du chiffre d'affaires santé des organismes complémentaires - mutuelles, institutions de prévoyance, sociétés d'assurance.

M. le président.

En avez-vous terminé, monsieur Accoyer ? (« Non ! » et vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Les caisses primaires d'assurance maladie ne sont donc pas assujetties à cette nouvelle taxe.

Or aucun critère objectif ne peut justifier leur exonération.

M. Michel Terrot.

Et c'est bien la première fois que nous entendons cet argument !

M. Bernard Accoyer.

Cette inégalité est d'autant plus importante que ces mêmes caisses verront leurs dépenses de prestation complémentaire totalement couvertes par ce fonds alors que les organismes privés cotisants ne bénéficient, quant à eux, que d'un remboursement forfaitaire.

Ainsi, contrairement à la logique partenariale affichée par le Gouvernement, et dont la pertinence a été démontrée par Jean-Claude Boulard, les organismes complémentaires interviennent à titre principal au niveau du financement de la CMU alors qu'ils ne jouent qu'un rôle subsidiaire dans sa gestion. Cette intervention est directe grâce à la nouvelle cotisation de solidarité de 1,75 % et indirecte puisque, en toute logique, le forfait de 1 500 francs par allocataire serait largement insuffisant pour compenser les dépenses engagées par les bénéficiaires de la CMU au titre de leur prestation complémentaire.

Bref, il y a un chiffrage insuffisant et un double prélèvement qui vise à équilibrer ces comptes.

Une telle inégalité de traitement ne pourra pas être compensée uniquement par une augmentation des cotisations des adhérents qui, en conséquence, vont assumer, eux aussi, deux fois le coût de la CMU : par l'impôt, au titre de la solidarité et par leurs cotisations complémentaires - s'ils veulent continuer à avoir un accès suffisant aux soins.

M. Michel Terrot.

C'est irréfutable !

M. Bernard Accoyer.

La CMU risque d'ailleurs d'entraîner, du fait de l'augmentation inévitable des cotisations, l'exclusion de certaines personnes à revenus modestes du champ de la couverture complémentaire.

C'est-à-dire que ce texte, chers collègues qui venez d'arriver et qui le connaissez donc pas très bien (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), risque d'aboutir exactement à l'inverse de l'objectif annoncé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Bon, monsieur Accoyer, je vous remercie. Je vous avais accordé dix minutes, vous en avez terminé. Normalement, vous n'avez plus la parole.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Scandaleux ! (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mais je vous accorde deux minutes...

M. Bernard Accoyer.

Pour conclure donc en quelques mots, je dirai que si nous sommes d'accord sur l'objectif, nous pensons que la méthode n'est pas bonne. En tout état de cause, nous voudrions être absolument certains qu'il ne s'agit pas là d'un artifice de procédure pour violer en quelque sorte l'Assemblée nationale (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste),...

M. Jean-Louis Fousseret.

Mais c'est du Grand-Guignol !

M. Bernard Accoyer.

... en modifiant son ordre du jour pour la mettre en position d'adopter ce soir, avant la fin de la session, un texte dans lequel nous n'avons jamais trouvé une disposition à laquelle nous aurions pu être favorables et auquel nous nous sommes toujours opposés.

Je veux parler, monsieur le président, vous le savez bien, du PACS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Quel aveu !

M. Bernard Accoyer.

Mépriser la discussion sur la CMU pour faire passer un texte purement politique, ce serait d'une gravité extrême ! (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Vous voyez, monsieur Accoyer, nous finissons par nous rejoindre. J'avais cru comprendre que l'exception d'irrecevabilité n'était pas exclusivement destinée au texte que nous sommes en train d'examiner (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

M. Yves Bur.

Monsieur le président, rappel au règlement !

M. le président.

Fondé sur quelle disposition ?

M. Yves Bur.

Sur l'article 58 qui concerne le déroulement de la séance.

Rappel au règlement

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur, pour un rappel au règlement.

M. Yves Bur.

Monsieur le président, vous avez décidé de bâillonner l'opposition en limitant son temps de parole. (Protestations sur les mêmes bancs. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cela me paraît inacceptable ! J'ai besoin de réunir mon groupe pour déterminer notre position dans la suite du débat. C'est pourquoi je demande une suspension de séance d'une heure.


page précédente page 06674page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Explications de vote Dans les explications de vote, limitées, je le rappelle, à cinq minutes, la parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Madame la ministre, nous en sommes à la lecture définitive du texte qui va créer la couverture maladie universelle. Au cours de ses trois examens successifs, l'opposition, malgré ses beaux discours du genre : « Il faut améliorer la protection sociale, nous avons le souci des plus défavorisés, etc., » n'a pas cessé de dire qu'elle était contre.

M. Jacques Myard.

Non ! Nous sommes pour d'autres mesures, ce n'est pas la même chose !

M. Bernard Accoyer.

Nous critiquons de mauvais choix techniques !

Mme Muguette Jacquaint.

Les 6 millions de personnes qui attendent cette mesure d'urgence pour avoir droit aux soins jugeront.

Et ne venez pas dire que vous avez été censurés...

M. Thierry Mariani.

Si !

Mme Muguette Jacquaint.

... que vous n'avez pas eu droit à la parole !

M. Bernard Accoyer.

C'est pourtant vrai !

Mme Muguette Jacquaint.

Rien qu'en motions de procédure : exceptions d'irrecevabilité, questions préalables et renvois en commission, vous avez parlé plus de dix heures ! (« Et alors ? » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Dix heures juste pour dire que vous êtes contre. Voilà ce que nous avons retenu : vous êtes contre ! Affirmer que cette mesure d'urgence va régler tous les problèmes concernant la couverture maladie et la protection sociale : non. Mais ce sera un tremplin pour que d'autres mesures soient prises de manière à avancer dans ce domaine. Monsieur Accoyer, vous dites que c'est une question politique. Eh bien, si faire de la politique, c'est répondre à l'urgence, c'est répondre aux demandes de nos concitoyens, qui veulent plus de social pour faire face à leurs besoins, c'est de la bonne politique.

M. Robert Lamy.

Il faut y répondre, mais intelligemment !

M. Patrick Delnatte.

Et vous, vous avalez des couleuvres !

M. Michel Terrot.

Rendez-nous Marchais !

Mme Muguette Jacquaint.

Je souhaite et je demande que, dans l'ensemble de notre pays, la politique réponde aux besoins sociaux. Puisque ce texte commence à répondre à cette exigence, nous le voterons et nous nous opposerons à la question d'irrecevabilité, comme à la question préalable, comme au renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je prends la parole au nom du groupe Démocratie libérale pour affirmer à nouveau que nous sommes naturellement favorables à l'adoption de l'exception d'irrecevabilité, comme nous l'étions lors des lectures précédentes.

Madame Jacquaint, nous sommes les premiers à souhaiter que puisse se mettre en place le plus rapidement possible une couverture maladie universelle pour tous ceux de nos compatriotes qui n'ont pas droit à un accès suffisant aux soins pour des raisons financières.

Mme Muguette Jacquaint.

Hypocrite !

M. François Goulard.

Nous l'avons dit à chaque examen de ce texte et j'aurai l'occasion de le redire dans un instant.

Cependant, nous préférerions que ce texte ne comportât point de risques d'annulation par le Conseil constitutionnel. Et nous avons de sérieuses raisons de penser qu'il en comporte. Je les évoquerai rapidement puisque le temps qui m'est imparti est de cinq minutes.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Le risque majeur d'annulation par le Conseil constitionnel, c'est la rupture de l'égalité devant la loi. Vous savez, mes chers collègues, que la loi peut traiter différemment certaines catégories de citoyens à condition que leurs situations respectives le justifient. Or les modalités que vous avez retenues pour construire cette couverture maladie universelle établissent une différence de traitement entre des catégories de Français que rien ne sépare du point de vue de leurs ressources. Donc, rien ne la justifie au regard de la loi.

Le problème majeur que pose votre texte tient à l'existence du seuil de 3 500 francs, en dessous duquel on aura droit à la couverture maladie universelle et au-dessus duquel on n'y aura plus droit. Personne, en effet, ne peut prétendre qu'avec 3 550 francs de revenus par mois on n'a pas les mêmes besoins en matière de santé et on ne souffre pas de la même insuffisance de ressources qu'avec 3 450 francs.

M. Jacques Myard.

C'est le bon sens !

M. François Goulard.

L'inégalité de traitement au regard de la loi, c'est d'abord là qu'elle réside. Et elle est sérieuse, car il s'agit non seulement d'une inégalité d'ordre juridique mais également d'une iniquité. Nous pensons que ce seuil est profondément injuste et c'est une des raisons de fond pour lesquelles nous nous opposons à votre texte.

Il y a une autre rupture d'égalité devant la loi que nous voulons dénoncer et que Bernard Accoyer aurait pu développer davantage si le temps lui en avait été laissé.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jacques Myard.

S'il n'avait pas été censuré !

M. François Goulard.

Il s'agit de l'inégalité entre les différents organismes de protection complémentaire qui sont appelés à intervenir dans la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle, c'est-à-dire entre, d'une part, les caisses primaires d'assurance maladie, et, d'autre part, les autres organismes que sont les mutuelles et les assurances complémentaires. Dans les mécanismes que vous projetez de mettre en place, les différences de traitement sont de deux ordres.


page précédente page 06675page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

D'une part, les remboursements seront effectués au franc le franc pour les caisses primaires, alors que les organismes complémentaires n'auront droit qu'à un remboursement forfaitaire limité à 1 500 francs par an.

D'autre part, le prélèvement fiscal particulier égal à 1,75 % du chiffre d'affaires santé des organismes complémentaires n'est opéré que sur ces organismes et n'est pas dû par les caisses primaires d'assurance maladie. Dès lors que ces deux catégories d'organismes sont placées sur le même plan pour assurer la couverture complémentaire dans le cadre de la couverture maladie universelle, il eût été indispensable de leur appliquer le même traitement fiscal. Tel n'est pas le cas et c'est une deuxième rupture de l'égalité devant la loi.

La troisième raison qui justifie, selon nous, le vote de l'exception d'irrecevabilité, c'est une violation du droit communautaire. Il s'agit d'un sujet technique et complexe dans le détail duquel je ne peux pas entrer ce matin, mais il faut savoir que la Cour de justice européenne risque fort de condamner la France pour une inégalité de traitement entre les assureurs et l'assurance maladie. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour, il y a là un fort motif d'annulation si un assureur quelconque porte ce litige devant elle. Je ne vais pas, dans une explication de vote, détailler les arrêts qui forment cette jurisprudence.

Mais il aurait été intéressant de le faire car c'est une source de faiblesse.

M. Bernard Accoyer.

Je n'en ai pas eu le temps...

M. François Goulard.

Enfin, et j'en aurai terminé, monsieur le président, le deuxième volet de cette loi nous a amenés à la qualifier de « DMOS camouflé » car ses dispositions n'ont strictement rien à voir avec la couverture maladie universelle. Nous pensons que c'est de mauvaise pratique parlementaire, mais également que cela fait courir des risques constitutionnels, en particulier aux amendements d'initiative parlementaire, qui pourraient être considérés comme des « cavaliers ».

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Une annulation serait très dommageable car elle porterait atteinte au droit d'amendement. Or plusieurs articles de cette deuxième partie risquent d'encourir la censure du juge constitutionnel, en particulier, mes chers collègues, les limitations que vous souhaitez apporter au droit d'accès à l'information sur les données strictement médicales et non nominatives émanant des hôpitaux publics. Ce droit fondamental à l'information n'est pas respecté et c'est encore un sérieux motif d'anticonstitutionnalité.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Démocratie libérale votera l'exception d'irrecevabilité que vient de défendre Bernard Accoyer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Mes chers collègues, Bernard Accoyer a mis en exergue les insuffisances de la couverture maladie universelle qui, même si elle permet d'élargir l'accès aux soins à de nombreux Français, n'atteint pas l'objectif d'universalité. Ces insuffisances montrent que le Gouvernement a fait preuve d'une certaine timidité. En réalité, la CMU instaure de nouvelles inégalités en raison de deux choix particulièrement préjudiciables sur lesquels je voudrais insister.

D'abord, le dispositif retenu par le Gouvernement va à l'encontre de la solution partenariale préconisée par le rapporteur à la suite d'un travail très fouillé et de discussions approfondies avec les responsables de l'assurance maladie, mais aussi des mutuelles et du groupement des assurances. Ce choix, opéré pour des raisons de coût, limite forcément le champ de la CMU et laisse de côté de nombreux Français, ceux qui, se situant un peu audessus du seuil de 3 500 francs, ne sont pourtant pas des priviligiés.

Le deuxième choix préjudiciable est justement celui du seuil. L'ensemble des parlementaires ont critiqué le fait que vous l'ayez fixé à 3 500 francs, créant ainsi un nouveau seuil au lieu de s'en tenir au seuil de pauvreté, dont chacun admet qu'il se situe à 3 800 francs. Je comprends bien que ce choix est justifié essentiellement par des raisons financières, puisque vous-même avez dit, madame la ministre, qu'aller jusqu'à 3 800 francs aurait entraîné un coût supplémentaire de 2 milliards.

Il reste que vous ne pouvez pas revendiquer l'objectif d'universalité. C'est une simple couverture maladie partielle qui est proposée aux Français. En effet, le dispositif retenu laisse de côté trois millions de Français sur les neuf millions qui, au jour d'aujourd'hui, ne bénéficient pas d'une couverture maladie complémentaire. Ces trois millions de personnes ne trouveront pas les moyens nécessaires pour financer une couverture complémentaire car, même si elle est d'un coût minime, elle n'en représente pas moins pour chaque foyer, notamment quand il y a présence d'enfants, une dépense non négligeable.

En excluant ces personnes, vous n'atteignez pas l'objectif d'universalité qui était visé. Le dispositif plus ambitieux et donc plus compliqué envisagé par M. Barrot aurait sans doute permis de mieux le réaliser.

Vous allez également créer des situations d'inégalité au sein de différents régimes, notamment la MSA et la CANAM. En effet, même en cas de revenus très faibles se situant au-dessous du seuil de 3 500 francs, les ressortissants de ces régimes resteront assujettis à la cotisation forfaitaire qui est très lourde pour ces petits entrepreneurs, qu'il s'agisse de travailleurs indépendants ou d'agriculteurs.

D'ailleurs, l'instauration d'un seuil à 3 500 francs laissera de côté deux catégories de Français qui connaissent pourtant de grandes difficultés : ceux qui bénéficient du FNS et ceux qui perçoivent l'allocation adulte handicapé.

Pour 40 francs d'indemnités qui font passer leurs revenus au-dessus du seuil de 3 500 francs, ces personnes seront exclues du dispositif de la CMU. Cela constitue une profonde injustice notamment à l'égard des personnes handicapées qui ont bien du mal à trouver des assurances complémentaires à cause tant de leur handicap que de la lourdeur de la prise en charge.

Toutes ces raisons nous laissent donc à penser que la couverture maladie universelle créera de nouvelles inégalités et que l'exception d'irrecevabilité défendue par notre collègue Accoyer est, de ce point de vue, tout à fait justifiée.

Tels sont les motifs essentiels - car je ne veux pas revenir sur ceux évoqués par M. Goulard - qui conduiront le groupe UDF à voter l'exception d'irrecevabilité. Nous aurions préféré pouvoir débattre sur le fond en examinant le dispositif de l'allocation personnalisée santé, proposé par le Sénat, qui aurait permis d'aboutir au même résultat, mais en gommant l'effet de seuil et en englobant tous les Français. Nous aurions pu travailler ensemble à la mise en oeuvre de cette formule, proche de celle de l'allo-


page précédente page 06676page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

cation personnalisée logement qui a donné toute satisfaction et permis de faire face à des situations individuelles très diverses. Nous regrettons vivement que cela n'ait pas été possible, et nous voterons l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, vous prônez la semaine des trente-cinq heures, mais l'Assemblée nationale fait aujourd'hui cruellement l'expérience de l'obligation d'examiner en douze heures trente, si l'on en croit l'ordre du jour, les textes relatifs à la couverture maladie universelle, à l'organisation de la réserve militaire, à la réforme de la justice militaire et, enfin, au PACS.

Pensez-vous vraiment qu'il s'agisse de conditions de travail sérieuses ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est du bâclé !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez parler M. Mariani. Je sais que nous sommes le dernier jour de la session et que tout le monde est fatigué.

M. Jacques Myard.

Ils veulent partir en vacances !

M. le président.

Essayez cependant de vous retenir encore quelques heures.

Poursuivez, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

En douze heures trente, nous aurons donc quatre textes à examiner. Si le Gouvernement nous confirmait que, conformément à des bruits qui circulent, certains d'entre eux seraient retirés, nous pourrions travailler sur les autres dans un climat beaucoup plus serein.

(Applaudissements sur les divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamation sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Chantage !

M. Thierry Mariani.

Dans son excellente intervention qui a été écourtée - mais chacun sait que les oeuvres les plus attachantes sont celles qui ne sont pas achevées, et le discours de notre collègue ne fait pas exception - Bernard Accoyer a détaillé les très nombreux défauts d'un texte dont l'ambition est pourtant généreuse.

M. Jacques Myard.

Il est comme l'enfer !

M. Thierry Mariani.

Il a notamment souligné que les moyens retenus provoqueraient de nombreuses inégalités.

Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons car il ne faut pas caricaturer les positions de l'opposition -, nous poursuivons les mêmes objectifs en la matière. En revanche, nous n'avons pas les mêmes conceptions et nous ne préconisons pas les mêmes méthodes : alors que, pour la gauche, le social c'est l'allocation et la prestation, pour l'opposition républicaine, c'est avant tout l'ascenseur social pour aider ceux qui sont en difficulté à sortir de leur condition.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Vergnier.

Votre ascenseur ne monte jamais ! Il ne fait que descendre et reste bloqué au sous-sol !

M. Thierry Mariani.

Au problème réel de la difficulté d'accéder aux soins pour un grand nombre de nos concitoyens, vous apportez une mauvaise réponse à laquelle nous ne pouvons souscrire.

Vous avez refusé la proposition du Sénat que nous avions également évoquée dans cette assemblée et qui avait pour avantage de gommer les effets de seuil. Pourtant vous savez tous, mes chers collègues, que les seuils ont toujours des effets pervers et désastreux. Même au sein de la majorité vous n'étiez pas d'accord sur le seuil de 3 500 francs et chacun admet qu'il aura des effets catastrophiques.

M. Jacques Myard.

La discipline de fer a joué !

M. Thierry Mariani.

L'exposé de Bernard Accoyer a démontré que la couverture maladie universelle, telle que vous la concevez, provoquera de graves inégalités entre les assurés sociaux. Mais elle en créera également entre les organismes de protection sociale complémentaire et les caisses primaires d'assurance maladie. Il y aura, en effet, une inégalité devant les charges publiques, au détriment des organismes de prestations complémentaires qui seront privés de leurs adhérents.

C e projet traduit une autre dérive et non des moindres, puisque nous sommes, en réalité saisis de deux textes en un.

Ainsi que l'ont souligné à la fois Bernard Accoyer et François Goulard, la deuxième partie du projet est un véritable texte portant diverses mesures d'ordre social.

Pour le démontrer, il me suffit de citer les intitulés de quelques chapitres : définition du volet de santé de la caisse d'assurance maladie, vérification des compétences des aides opératoires, traitement des données personnelles de santé à des fins d'évaluation ou d'analyse des activités de soins et de prévention, création d'un groupement d'intérêt public pour la modernisation du système d'information hospitalier, définition des objectifs respectifs des schémas d'organisation sanitaire, adhésion des établissements sociaux syndicats interhospitaliers, fixation du régime de prestations supplémentaires de la CNAM et j'en passe. Tout cela est fort loin de la CMU, sans parler d'un amendement de sept pages relatif à la création, au transfert et au regroupement d'officines de pharmacie.

Dans l'attente de la réponse du ministre sur l'ordre du jour de l'Assemblée, je vous fais grâce du reste de cet inventaire à la Prévert qui n'en a pas la poésie.

Bref, à elle seule, la deuxième partie du projet aurait mérité de faire l'objet d'un texte spécifique portant diverses mesures d'ordre social.

Conscient qu'une partie de la population est en grande difficulté et que le Parlement doit chercher à résoudre le problème, mais convaincu que les moyens que vous nous proposez ne sont pas les mieux adaptés, seront très coûteux et provoqueront des effets pervers pour notre système de protection sociale, le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendant.)

M. le président.

Monsieur Mariani, permettez-moi de corriger une petite inexactitude que j'ai relevée dans vos propos.

Participant à la conférence des présidents, je sais quels sont les textes inscrits à l'ordre du jour. Je peux donc vous assurer que le texte relatif au pacte civil de solidarité ne fait pas partie de ceux que l'Assemblée doit examiner aujourd'hui.

M. Alain Barrau.

Il n'est pas mentionné dans le feuilleton !

M. Thierry Mariani.

On lit le contraire dans la presse !


page précédente page 06677page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

M. Jacques Myard.

On informe la presse, mais pas le Parlement !

M. le président.

Je tenais à corriger un propos qui m'a paru inexact.

M. Bernard Accoyer.

Je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. le président.

Monsieur Accoyer, il n'y a pas de possibilité de faire un rappel au règlement pendant les explications de vote.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ayant déjà été dites, je me bornerai à revenir rapidement sur deux points de l'intervention de M. Accoyer.

D'abord, selon lui, l'accès aux soins ne serait pas garanti à tous dans les mêmes termes. Curieuse assertion, alors que tel est précisément l'objectif visé par la couverture maladie universelle !

M. Thierry Mariani.

Et les seuils ?

M. Bernard Accoyer.

Et les trente départements ?

M. Marcel Rogemont.

Mes chers collègues, c'est aujourd'hui que ce droit n'existe pas et c'est après le vote de la couverture maladie universelle qu'il existera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), notamment pour les 150 000 personnes qui ne bénéficient pas du tout du droit à la santé et pour les six millions de personnes qui ne peuvent pas se soigner normalement.

M. Yves Bur.

C'est faux ! Ce n'est pas, mes chers collègues de l'opposition, parce que, à la va-vite, vous proposez de façon lapidaire une amorce d'alternative au projet de couverture maladie universelle, que notre projet deviendrait nécessairement irrecevable, sauf à faire du droit une lecture surprenante selon laquelle un texte serait irrecevable au seul motif qu'il serait présenté par la majorité ! Est-ce cela l'esprit de la démocratie ?

M. Bernard Accoyer.

Nous, nous ne sommes pas sectaires ! (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Marcel Rogemont.

Nous serions sectaires, alors que nous vous avons écouté trois fois présenter une exception d'irrecevabilité ?

M. Jacques Myard.

Et vous n'avez toujours pas compris !

M. Marcel Rogemont.

Est-ce donc cela l'esprit de la démocratie ?

M. Thierry Mariani.

C'est la tolérance !

M. Marcel Rogemont.

Cette question est d'autant plus forte que vous ajoutez, à cette vision unidimensionnelle de la démocratie, une sorte de raisonnement perfide.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Celui-ci sera d'ailleurs le deuxième point que j'aborderai.

En effet, vous laissez entendre que le projet de loi viserait à ouvrir l'assurance maladie au secteur privé.

M. Yves Bur.

C'est évident !

M. Bernard Accoyer.

C'est ce qui se passe déjà aujourd'hui ! Tout est en place !

M. Marcel Rogemont.

Il s'agit d'un détournement évident du sens de notre action alors que les faits montrent que telle n'est pas notre volonté. En fait vous accusez la gauche de vouloir le faire afin de pouvoir l'autoriser plus tard en toute innocence. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous voulez entretenir un débat en alignant les contrevérités pour faire le lit de vos actes futurs.

Mes chers collègues, nous devons donc rejeter cette exception d'irrecevabilité car elle n'est pas fondée. Je dirai même qu'elle est irrecevable car la droite, prêtant perfidement ses propres intentions à la gauche, ...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Cela suffit !

M. Marcel Rogemont.

... veut ouvrir le champ des coups bas futurs contre la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit dans les explications de vote, j'informe l'Assemblée que je suis saisi par le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance d'une demande de scrutin public.

M. Alain Barrau.

Tant mieux, les responsables seront démasqués.

M. le président.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. André Asdrieri.

M. André Aschieri.

La rapidité avec laquelle le projet de la loi relatif à la CMU a été inscrit à notre ordre du jour est à la mesure de son urgence. Aujourd'hui, l'exception d'irrecevabilité, comme la question préalable et la motion de renvoi en commission, a pour but, non seulement de faire en sorte que la loi ne soit pas adoptée mais, surtout, de la retarder. C'est la règle du débat public et j'y souscris.

Cependant, mes chers collègues, n'oublions pas que les heures perdues s'ajoutent aux heures perdues et qu'elles représenteront, en fin de mandat, des séances entières qui auraient pu être employées à élaborer des lois que la population attend.

M. Charles Cova.

Encore des lois, toujours des lois !

M. André Aschieri.

Il y a encore tant à faire dans les domaines du travail, de la santé, du social, de l'environnement ! Il est donc temps que nous accélérions nos travaux pour être fidèles au mandat qu'ont donné nos concitoyens, à la majorité comme à l'opposition.

Il faut faire vite. C'est pourquoi le groupe RCV ne votera pas l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry.

ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je conçois volontiers qu'en ce dernier jour de la session parlementaire la fatigue se fasse


page précédente page 06678page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

sentir. Je mets donc sur son compte les quelques excès que nous avons relevés depuis ce matin, pour ne pas parler de vociférations.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je constate que cela persiste et que la fatigue continue à peser fortement sur vos épaules. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Vous aussi, vous êtes fatiguée !

Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vais très bien, merci. Je suis en forme et je vais vous répondre aussi bien sur l'ordre du jour que sur la couverture maladie universelle. Encore faudrait-il que vous écoutiez mes réponses ! En ce qui concerne l'ordre du jour, j'ai bien compris que votre opposition forcenée à la CMU visait à écarter toute possibilité d'examiner le texte relatif au PACS aujourd'hui. Or, ainsi que vient de le rappeler M. le président, ce dernier n'a jamais été inscrit au programme des travaux de la journée.

Le Gouvernement a toujours souhaité que le PACS soit voté au plus tard à l'automne prochain. Certes, il lui avait semblé, ces derniers jours, qu'il pouvait être envisageable de l'adopter en dernière lecture aujourd'hui même, car les conditions semblaient réunies grâce à l'avancement des discussions parlementaires. Mais ce qui s'est passé cette nuit au Sénat, avec le retard pris à la fois sur la CMU et sur le PACS, a rendu impossible l'inscription de ce dernier texte à l'ordre du jour de l'Assemblée aujourd'hui.

Manifestement, je le dis très simplement, l'opposition n'a pas compris la nécessié de certaines évolutions pour répondre aux besoins de la société. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Nous nous battons pour une égalité des droits, car nous pensons qu'il faut aider chacun à vivre mieux, quel que soit le choix qu'il a fait. Il ne nous appartient pas de dire comment on doit aimer. Nous devons aider les Français à aimer comme ils l'entendent.

M. Gilbert Meyer.

Ne jugez pas les autres !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Peutêtre cela aussi vous est-il étranger ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Puisque c'est cela que vous voulez savoir, je répète que le PACS ne sera pas inscrit à votre ordre du jour d'aujourd'hui. Cela calmera peut-être vos ardeurs sur les autres textes, notamment sur celui relatif à la CMU auquel je viens.

Vous prétendez partager les objectifs visés par la couverture maladie universelle mais ne pas approuver les modalités proposées. Les six millions de Français qui l'attendent apprécieront ces paroles sur la théorie, alors que nous mettons en place des dispositifs concrets.

Vous dites - mais à qui le ferez-vous croire ? - que couvrir six millions de personnes demain par des soins gratuits au lieu de deux millions aujourd'hui serait un recul social.

Vous dites que fixer un seuil, comme cela est déjà le cas pour le RMI que vous avez voté à l'unanimité et comme cela est le cas dans chacun de vos départements, provoquerait une rupture d'égalité. A qui le ferez-vous croire ? Vous faites aussi référence à un texte, celui du Sénat, qualifié par un commentateur d'objet social non identifié, tant il est peu sérieux de présenter un contre-texte qui n'est pas chiffré, qui ne détermine pas le nombre des bénéficiaires, qui ne précise pas à quoi ils auraient droit.

En fait, il montre tout simplement que l'opposition se refuse, en cette fin de XXe siècle, à protéger ceux qui en ont le plus besoin et à leur permettre un accès aux soins gratuit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En vérité, vous ne vous retrouvez que dans l'opposition, et, contrairement au Gouvernement et à sa majorité plurielle, vous ne faites pas de la lutte contre l'exclusion et contre le chômage un objectif majeur. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Alors, sur ce point, comme sur d'autres, prenez vos responsabilités !

M. Bernard Accoyer.

Vous aussi avez besoin des 35 heures, madame la ministre ! Vous êtes fatiguée ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce soir, non seulement, les six millions de Français concernés, mais aussi, au-delà, les 70 % de Français qui se sont déclarés très favorables à la couverture maladie universelle apprécieront, une fois de plus, de voir l'opposition, faute d'idées, pousser des cris. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical Citoyen et Vert).

En tout cas, ils constateront qu'elle ne partage pas nos valeurs qui tendent à instaurer une plus grande solidarité et une société plus douce.

Monsieur Accoyer, je vous saurais gré d'éviter les signes désagréables. Je ne me permettrai pas d'y faire écho mais cela montre que votre fatigue atteint plus que votre corps aujourd'hui. Mais, je vous pardonne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Vous vous méprenez, madame la ministre. C'est mon oreille que je montrais ! On ne vous entendait pas.

M. le président.

Mes chers collègues, la fatigue n'autorise pas à présenter un spectacle Grand-Guignol à l'opinion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe social iste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.


page précédente page 06679page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

...........................................................................

................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

260 Nombre de suffrages exprimés .................

260 Majorité absolue .......................................

131 Pour l'adoption .........................

77 Contre .......................................

183 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Rappel au règlement

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 de notre règlement et a trait au déroulement de la séance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Tout d'abord, je tiens à préciser que ce que Mme la ministre a pris pour un geste déplacé n'en était pas un. Je montrais simplement mon oreille car nous n'entendions absolument rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Outin.

Il faut mettre des piles dans un sonotone !

M. Bernard Accoyer.

En ce qui concerne le déroulement de nos travaux, j'évoquerai deux points.

Premièrement, les conditions de travail sont inhumaines du fait des horaires qui nous sont imposés. Nous avons siégé hier jusqu'à deux heures du matin. La commission a commencé ses travaux à huit heures et demie ce matin.

Mme Martine David.

Si vous êtes fatigué, allez vous coucher !

M. Jean-Noël Kerdraon.

Nous, nous allons très bien !

M. Daniel Marcovitch.

Vous ne ferez pas croire aux Français que vous travaillez trop !

M. Bernard Accoyer.

Nous n'avions pas encore le texte que le Sénat avait lui-même adopté dans la nuit. Nous ne pouvons pas travailler dans des conditions satisfaisantes.

Deuxièmement, nos collègues montrent des signes de fatigue, tout comme Mme la ministre, qui l'a manifesté tout à l'heure en nous invectivant. Les baisses de vision, auxquelles elle est sujette, puisqu'elle ne voit pas les gestes exacts que je fais, témoigne de son épuisement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est vrai que c'est aujourd'hui le dernier jour de la session ! Plus sérieusement, monsieur le président, nous avons, comme vous, assisté au spectacle affligeant de la Gay Pride dimanche qui n'était que provocations. Et, à cette occasion, a été évoquée l'adoption du PACS, en dernière lecture avant la fin de la session.

Mme Odette Grzegrzulka.

Parlez-en à Mme Roselyne Bachelot !

M. le président.

Monsieur Accoyer, voulez-vous en venir à vote rappel au règlement, s'il vous plaît !

M. Bernard Accoyer.

Il en a été fait état également dans la presse aujourd'hui et de nombreuses personnalités de la majorité ont évoqué cette possibilité.

Vous savez très bien, monsieur le président, que, par une simple réunion de la conférence des présidents, le Gouvernement peut solliciter le changement de l'ordre du jour. Vous savez très bien également que c'était ce qui était prévu si le texte sur la CMU et le texte PACS avaient été discutés plus rapidement au Sénat.

N ous avons entendu la déclaration de Mme la ministre, qui a employé les termes : « Il semble », « probablement ». Nous vous avons entendu, monsieur le président, dans les couloirs nous dire : « Nous pourrons vous dire cela cet après-midi. » Nous avons pris connaissance

de la dépêche de l'AFP que vous avez bien voulu nous faire porter...

M. Jacques Myard.

On informe l'AFP et pas le Parlement !

M. Bernard Accoyer.

... et qui laisse entendre que le PACS ne sera pas, à coup sûr, inscrit à l'ordre du jour de notre Assemblée.

Cependant, monsieur le président, nous sommes prêts à accorder du crédit à ces déclarations si M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, dont c'est de surcroît la mission, voulait bien venir devant l'Assemblée...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il ne faut pas exagérer !

M. Bernard Accoyer.

... affirmer que le PACS ne sera pas examiné avant la fin de la session. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Avant de donner la parole à Mme la ministre, je vous indique, monsieur Accoyer, au risque de me répéter, que le Gouvernement est un.

M. Rudy Salles.

Je croyais qu'il était pluriel ?

M. le président.

... et qu'il suffit qu'un ministre déclare devant l'Assemblée qu'aucune inscription du PACS n'est prévue pour la journée d'aujourd'hui pour que cela suffise à votre information.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le fait que M. le président ait indiqué tout à l'heure que le PACS n'était pas inscrit à l'ordre du jour, suffisait déjà à l'information de l'assemblée.

M. Thierry Mariani.

L'ordre du jour peut être modifié.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quant à moi, j'ai dit qu'il avait semblé qu'il eût pu être inscrit aujourd'hui. (Sourires.) Mais le retard pris cette nuit nous laisse penser que ce n'est pas possible.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement inscrira donc ce texte à l'automne. Mais je veux là aussi vous rassurer : non seulement ce texte sera inscrit, mais il sera adopté et nous verrons alors ceux qui sont pour le progrès et ceux qui ne le sont pas. (Applau-


page précédente page 06680page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

dissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants u ne question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à ce qui a été dit à l'instant, je ne me sens pas fatigué pour l'examen en troisième lecture du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle.

M. Marcel Rogemont.

Nous non plus. Nous étions là à huit heures et demie.

M. François Goulard.

Monsieur le président, vous avez pris la décision que, naturellement, nous respectons les uns et les autres, d'interrompre notre collègue Accoyer dans son exposé de l'exception d'irrecevabilité.

M. Alain Cacheux.

Le président a bien fait. M. Accoyer était trop long.

M. François Goulard.

Nous débattions hier soir, dans cette enceinte, d'une proposition de résolution visant à limiter le temps de parole pour les motions de procédure et, singulièrement, pour les deuxièmes lectures et suivantes. J'ai indiqué que, à mon sens et au sens du groupe que je représente, c'était une erreur de ne pas laisser l'opposition disposer de tout le temps qu'elle souhaite pour exprimer son opinion sur des textes qui, généralement, ont une grande importance et où la patience est nécessaire pour que les débats se déroulent dans le calme et dans l'ordre. Il est important de donner à chacun la possibilité de s'exprimer aussi longtemps qu'il le souhaite.

C'est l'essence même de la démocratie.

En cet instant et en ce dernier jour de la session, je ne crois pas du tout que c'est en parlant longtemps que nous donnons une mauvaise image du Parlement, mais bien plutôt en vociférant et certains de nos collègues devraient méditer cela. C'est également en tenant des propos provocateurs et agressifs - et je ne citerai personne - que l'on crée un mauvais climat dans cette Assemblée alors même que je pense que nous pouvons discuter sereinement et sérieusement, à la condition, bien sûr, qu'on laisse à chacun la possibilité de s'exprimer complètement.

M. Jean-Noël Kerdraon.

Dites-le à vos collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

C'est la première fois que vous parlez et c'est pour provoquer !

M. Thierry Mariani.

Nous étions calmes !

M. François Goulard.

Eh voilà ! Je suis immédiatement contredit par le mauvais exemple donné par l'un d'entre vous. Je ne vais pas répéter que je le regrette. Voilà comment le bon climat de nos travaux peut être détérioré.

Voilà l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Une simple phrase suffit.

M. le président.

Monsieur Goulard, poursuivez, s'il vous plaît.

M. François Goulard.

Je reprends avec tout le calme dont je crois être capable.

M. Yves Fromion.

Et porteur !

M. François Goulard.

Contrairement à ce que vous pensez, mes chers collègues de la majorité, le débat sur la couverture maladie universelle n'a pas été suffisamment porté sur la place publique et votre volonté de l'écourter n'est pas de nature à le permettre. J'en veux pour preuve les articles parus très récemment dans la presse à votre sujet, madame la ministre. Ils n'étaient d'ailleurs pas toujours fort agréables à votre égard. Toujours est-il qu'on citait de nombreux textes relevant de votre responsabilité : les 35 heures bien sûr, la loi de financement de la sécurité sociale dont nous avons débattu l'automne dernier. Et ce qui m'a frappé, c'est qu'on n'y parlait pas du tout de la couverture maladie universelle.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas moi qui écris les articles.

M. François Goulard.

C'est très dommage, et cela prouve bien que nous devons encore parler de ce projet de loi extrêmement important.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

C'est aux journaux où sont publiés ces articles qu'il faut dire cela !

M. François Goulard.

Non, monsieur le président Le Garrec, nous ne pouvons rien dire aux journaux. Les journalistes entendent ou n'entendent pas ce que nous disons.

Pour ma part, je crois que le projet de loi que vous nous présentez mérite mieux que l'invective et mérite davantage d'audience dans le public, car c'est un texte important reposant sur une idée importante.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je vous l'accorde.

M. François Goulard.

Le droit aux soins est un droit fondamental, un droit absolu de chacun de nos compatriotes, quel que soit son niveau de revenus.

Si vous me le permettez, j'évoquerai quelques souvenirs personnels. Quand j'étais jeune,...

M. Alain Cacheux.

C'était hier !

M. François Goulard.

... en Bretagne, toute une catégorie de la population n'avait aucune couverture maladie et je me souviens qu'à l'école primaire, certains de mes camarades étaient mal soignés ou pas soignés du tout, parce que leurs parents, agriculteurs, n'avaient pas d'assurance maladie.

M me Odette Grzegrzulka.

C'est toujours le cas aujourd'hui !

M. François Goulard.

J'ai eu à m'occuper, en tant qu'élu local, dans les années 80, de ce que l'on appelait à l'époque les nouveaux pauvres, qui eux aussi étaient privés du minimum de protection sociale sans lequel on ne devrait pas vivre dans le monde d'aujourd'hui.

Chacun d'entre nous pourrait apporter le même témoignage. Nous sommes, les uns et les autres, sur tous les bancs de cette assemblée sans exception, intimement persuadés que le droit aux soins doit être assuré indépendamment du revenu des personnes.

C'est pourquoi, sur l'objectif de la création d'une couverture maladie universelle, nous sommes tous absolument d'accord. Nous pensons que c'est un droit fondamental et qu'il doit impérativement être assuré.


page précédente page 06681page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

La situation d'aujourd'hui est absolument inacceptable : une part croissante des Françaises et des Français ne peut se soigner convenablement faute de revenus.

C'est un échec collectif, un échec à porter au passif de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis plusieurs années, quels qu'ils aient été, que de n'avoir pas su réformer à temps notre sécurité sociale pour lui donner le caractère d'universalité qui devrait aujourd'hui être le sien. Je n'hésite pas à le dire.

Depuis la création de la sécurité sociale, à la Libération, par le général de Gaulle, nous avons vu un double mouvement se produire, que chacun connaît.

D'une part, et cela a été un mouvement extrêmement heureux, il y a eu la généralisation de la sécurité sociale : réservée d'abord aux seuls salariés, elle a été étendue à d'autres catégories d'actifs, pour couvrir, finalement, une très large part de notre population.

D'autre part, s'est manifestée une tendance, malheureusement confirmée année après année, au moins bon remboursement des soins par notre assurance maladie. C'est précisément là que se situe le problème que nous avons à résoudre.

La nécessité d'instaurer une couverture maladie universelle ne résulte pas, ou très peu, du nombre - certes encore trop important - mais heureusement faible de nos concitoyens qui n'ont aucune assurance maladie - on l'estime aujourd'hui à 150 000 -, mais du trop faible taux de remboursement, à peine supérieur à 50 %, du régime de base de notre protection sociale.

Les conseils généraux ont pris le relais et ont instauré l'aide médicale, pour offrir à ceux qui n'avaient pas de couverture de base une couverture généralement assez satisfaisante. Hommage doit leur en être rendu parce qu'ils ont fait leur devoir dans des conditions quelquefois financièrement difficiles, et que leur action ne s'est pas bornée au simple remboursement des soins, mais s'est accompagnée - ce qui est souvent nécessaire - d'une aide sociale au sens le plus large du terme, en portant beaucoup d'attention à ceux de nos concitoyens qui en ont le plus besoin.

Le problème qui est devant nous, la nécessité à laquelle nous devons répondre, est de permettre à ceux qui en sont privés aujourd'hui d'avoir une couverture complémentaire.

Vous avez - et c'est de bonne méthode - demandé à l'un de nos collègues, en l'occurrence Jean-Claude Boulard, qui est particulièrement compétent pour le faire, un rapport. Il vous a été remis il y a maintenant plusieurs mois et il fait un tour très complet des solutions possibles, procédant à une analyse exacte de la situation.

Votre choix, à notre avis, n'a pas été le bon dans la palette de ceux qui vous étaient proposés, et c'est tout l'objet de cette question préalable.

L'alternative était assez simple : une solution était très conservatrice mais satisfaisante, et l'autre beaucoup plus audacieuse et difficile à mettre en oeuvre, présentait l'avantage de résoudre sur le fond les problèmes d'ensemble de notre assurance maladie.

La solution la plus simple, celle qui est rapide et juste, est la solution mise en avant par le Sénat. Madame la ministre, vous avez caricaturé la proposition des sénateurs en faisant observer qu'elle n'était pas chiffrée et ne mentionnait pas le nombre des bénéficiaires.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. François Goulard.

Ce n'est pas tout à fait exact.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si, cela a été reconnu par le rapporteur.

M. François Goulard.

Admettez, madame la ministre, que les assemblées parlementaires n'ont pas les moyens du Gouvernement pour élaborer des projets.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Le Sénat si !

M. François Goulard.

Le Sénat pas plus que l'Assemblée nationale.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Le Sénat a trop de moyens !

M. François Goulard.

C'est d'ailleurs un des problèmes de notre République que les assemblées parlementaires ne soient pas à égalité de moyens quand il s'agit de faire preuve d'initiative et de présenter des propositions. C'est une autre question. Mais l'attaque était mal portée et le reproche mal fondé.

Il suffisait de conserver l'architecture actuelle de notre protection sociale : l'aide médicale pour ceux qui ne sont pas couverts, la couverture de base assurée par la sécurité sociale et les couvertures complémentaires offertes aussi bien par les mutuelles que par les assureurs pour les autres. Ce dispositif a fait ses preuves pour tous ceux qui ont la chance d'en bénéficier. A côté, il fallait créer une allocation qui aurait été, naturellement, à la charge de la collectivité et aurait permis de « solvabiliser » une clientèle qui ne l'est pas aujourd'hui ou, pour parler en termes plus humains, d'offrir à ceux qui ne les ont pas les moyens de payer le prix d'une couverture complémentaire.

Cette solution extrêmement simple aurait pu être mise en oeuvre rapidement et facilement et elle aurait présenté de nombreux avantages.

Elle aurait présenté d'abord l'incontestable intérêt de ne pas créer de discrimination entre les Français, de permettre à ceux qui n'en ont pas les moyens d'avoir le même système de protection sociale que ceux qui bénéficient actuellement d'une couverture complémentaire et, ainsi - et c'était un avantage considérable - de ne pas créer une sécurité sociale à deux vitesses.

Le deuxième intérêt de cette formule - que je qualifie de sénatoriale mais dont les sénateurs n'ont, bien sûr, pas le monopole - était de supprimer l'effet de seuil que nous avons dénoncé tout à l'heure en défendant l'exception d'irrecevabilité. Ce seuil, fixé à 3 500 francs, présente en effet des inconvénients extrêmement sérieux. Certains des orateurs de la majorité et vous-même, madame la ministre, avez fait remarquer que notre législation, et en particulier notre législation sociale, comportait de très nombreux seuils. Certes ! Mais aucun d'entre eux n'a l'effet couperet qu'aura celui des 3 500 francs si ce texte est adopté.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le

RMI !

M. François Goulard.

Ce n'est pas vrai ! Le RMI garantit un minimum de revenu. Celui qui a un revenu supérieur au RMI n'est pas dépourvu de ressources.

M. Yves Fromion.

Exactement !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'aide médicale.

M. François Goulard.

Dans le cas qui nous occupe, la situation est totalement différente. En effet, celui dont le revenu est inférieur à 3 500 francs bénéficie d'une couverture complémentaire gratuite payée par la collectivité, et


page précédente page 06682page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

c'est heureux. Mais celui dont le revenu est de 3 510 francs n'a pas droit à cette couverture et nous savons bien, les uns et les autres, qu'il n'a pas les moyens de la payer.

M. Michel Terrot.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Vous créez donc une véritable inégalité qui frappe brutalement ceux qui se situent audelà de ce seuil. C'est un inconvénient majeur du mécanisme que vous nous proposez d'adopter.

M. Yves Fromion.

Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

M. François Goulard.

Le mécanisme d'allocation personnalisée pour la santé permettait, grâce à la dégressivité de cette aide de la collectivité, de gommer totalement l'effet de seuil et d'éviter l'inconvénient de la brutalité que j'évoquais à l'instant. C'était donc une réponse technique infiniment plus adaptée de ce point de vue.

Le dispositif que vous avez imaginé permettra peut-être de régler quelques-uns des problèmes de certains de nos compatriotes dont les revenus sont proches de ce seuil, et il est vrai que, lorsqu'il s'agit de faire preuve d'imagination technocratique, vous n'êtes jamais en reste, mais je persiste à penser que ce n'est pas une bonne solution et qu'un bon mécanisme n'ayant pas ces inconvénients est meilleur qu'un mécanisme corrigé par les usines à gaz que vous avez maintenant coutume de nous proposer.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pas d'agressivité !

M. François Goulard.

L'autre branche de l'alternative dans cette recherche d'une solution pour la couverture maladie universelle était évidemment beaucoup plus ambitieuse.

Si la première solution permettait de répondre dans l'urgence, et cela aurait dû être votre choix, il est indispensable de mettre en chantier une réforme qui n'a même pas été esquissée par la majorité et le Gouvernement, à savoir une profonde réforme de l'assurance maladie. Outre le fait qu'elle a perdu son caractère de couverture maladie correcte et qu'elle requiert l'intervention de c ouvertures complémentaires, ce qui est un grave inconvénient, notre assurance maladie nécessite aujourd'hui une réforme absolument radicale. L'on doit prendre les problèmes à bras-le-corps et traiter le mal à la racine.

Le déficit de notre assurance maladie est en train de réapparaître.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Réapparaître ?

M. Marcel Rogemont.

C'est Bernadette Soubirou !

M. François Goulard.

Vous nous aviez promis la disparition de ce déficit, madame la ministre. Il est vrai qu'il est facile de se référer à des périodes relativement proches où il était sensiblement plus important...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà une vérité !

M. François Goulard.

... mais je ne vais pas polémiquer sur le fait que le déficit était de tel montant à telle époque, sous tel ministre, et un peu plus faible ou beaucoup plus faible à tel autre moment. Je veux simplement rappeler qu'il est aujourd'hui important et qu'on n'en connaît peut-être pas encore toute l'ampleur.

Mme Odette Grzegrzulka.

Hors sujet !

M. Yves Fromion.

Pourquoi ? Parce que ça gêne ?

M. François Goulard.

Non, madame, ce n'est pas hors sujet, parce que l'on ne peut pas dissocier la couverture maladie universelle de la crise que va rencontrer demain notre assurance maladie. S'il n'y a plus de couverture maladie de base satisfaisante, il n'y aura pas de couverture maladie universelle et, s'il est urgent d'entamer une profonde réforme de la sécurité sociale et en particulier de l'assurance maladie, c'est précisément parce que la pérennnité de notre assurance maladie est la condition essentielle de l'existence d'une couverture maladie universelle dans notre pays.

Je disais donc que le déficit réapparaît, en dépit de vos engagements et de vos promesses, alors même qu'il y a eu une forte hausse des recettes de l'assurance maladie que vous passez volontiers sous silence en annonçant que les cotisations n'ont pas augmenté. Bien sûr, puisque, il y a un peu moins de deux ans, les cotisations d'assurance maladie ont été massivement transférées vers la CSG, avec un élargissement considérable de l'assiette de prélèvement. Ce passage d'une cotisation assise sur les salaires à la CSG a apporté un surplus de recettes de plusieurs dizaines de milliards de francs à l'assurance maladie, ce qui a naturellement permis, mathématiquement, financièrement, de réduire le déficit.

Toujours est-il que, par rapport à vos propres prévisions, nous avons bien à nouveau une tendance très négative qui se fait jour, et cela pour une raison extrêmement simple et qui est au coeur du sujet, c'est que vous n'avez pas su inventer un mécanisme de contrôle, en particulier pour la médecine de ville.

Vous avez tenté, on doit vous rendre cet hommage, d'instaurer un mécanisme de contrôle des dépenses de médecine de ville, mais le Conseil constitutionnel, dans une décision de la fin de l'année dernière, a considéré que le caractère de sanction collective que vous donniez à ce mécanisme n'était pas admissible au regard de notre loi fondamentale, si bien qu'aujourd'hui vous n'avez pas les moyens d'imposer un contingentement global des soins dispensés à titre libéral.

Une baisse des tarifs de remboursement que vous avez envisagée à certains moments n'est pas non plus possible.

Vous n'en parlez d'ailleurs plus depuis quelque temps. Il y aurait à l'évidence un détournement de pouvoir et vous risqueriez d'encourir la sanction du juge.

Pour les dépenses d'hospitalisation, qui constituent le premier poste des dépenses de l'assurance maladie, il y a un contingentement mais cette baisse tarifaire que vous êtes en train d'imposer à l'hospitalisation privée n'est absolument pas tenable car, en n'augmentant pas ou en baissant relativement les tarifs des cliniques privées, vous allez très rapidement condamner un bon nombre d'entree lles à la faillite. Leur situation financière, dans l'ensemble, n'est pas brillante. Elles ont des coûts très nettement inférieurs à ceux de l'hospitalisation publique pour des pathologies totalement comparables. Toutes les études de tous les spécialistes, quels qu'ils soient, l'établissent.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas vrai !

M. François Goulard.

C'est établi également par des experts qui travaillent pour le Gouvernement, je pourrais vous en citer, et c'est de mauvaise politique de condamner à la faillite la partie la moins coûteuse de notre hospitalisation !


page précédente page 06683page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

Quant à l'hôpital public où le contingentement est inscrit dans les mécanismes de fixation du budget, nous nous heurtons aujourd'hui, dans un certain nombre d'établissements, à des pénuries extrêmement graves qui ne pourront pas durer.

En ce qui nous concerne, nous ne croyons pas qu'un contingentement de la santé décidé d'en haut, au niveau ministériel, au niveau de la Caisse nationale d'assurance maladie, soit une voie efficace. Ou bien vous instaurez des pénuries localisées, et c'est très rapidement insupportable, ou bien vous mettez fin à cette pénurie en relâchant la pression que vous exercez et vous avez un dérapage des dépenses. Vous êtes ainsi condamnée à un stop and go perpétuel : ou bien il y a dérive, ou bien il y a blocage, et qui dit blocage dit rationnement, dit pénurie, et vous êtes obligée, comme n'importe quel gouvernement, de relâcher tôt ou tard votre pression.

Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, mais seule une décentralisation poussée des décisions en matière de santé, passant par une diversification des acteurs, est la voie d'avenir pour réformer profondément notre assurance maladie. Nous en reparlerons à l'automne à propos du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre projet a néanmoins un immense mérite et, je le dis à ceux des orateurs de la majorité qui nous critiquaient tout à l'heure, je salue la décision de ce Gouvernement d'instaurer une couverture maladie universelle.

Quelles que soient les critiques que j'ai apportées à ce texte, c'est une bonne chose de créer aujourd'hui une couverture maladie universelle dans notre pays.

J'en viens aux inconvénients que nous voyons aux solutions retenues. J'en ai donné quelques-uns déjà négativement en présentant les autres solutions.

C'est d'abord la division de la sécurité sociale en deux, avec, d'une part, les six millions de Français qui relèveront de la couverture maladie universelle et, d'autre part, tous les autres qui resteront dans l'organisation actuelle. Il est dommage d'avoir deux systèmes différents. Nous aurons deux catégories de Français. Ils seront inégaux face à la sécurité sociale et ce n'est pas, en soi, une bonne chose.

Deuxième reproche que je vais faire à votre texte : votre projet de loi est en définitive dirigé contre les mutuelles et les assureurs complémentaires. C'est en particulier la solution du guichet unique à la caisse primaire d'assurence maladie qui me paraît très critiquable. Nous savons bien, en effet, que, quelles que soient les conventions adoptées entre les uns et les autres, les personnes qui s'adresseront à la caisse primaire d'assurances maladie ne seront évidemment pas portées à s'adresser à d'autres organismes pour obtenir une assurance complémentaire.

Votre loi est donc en fait dirigée contre les mutuelles et contre les assureurs complémentaires, et cela nous paraît extrêmement regrettable d'autant plus, et c'est l'une des raisons qui justifiaient l'exception d'irrecevabilité, qu'il y a une différence de traitement sur le plan financier entre les caisses primaires d'assurance maladie et les mutuelles et les assurances.

Cette différence de traitement s'exerce à deux points de vue. D'abord, les caisses primaires d'assurance maladie seront remboursées intégralement de toutes les dépenses que leur occasionnera la couverture maladie universelle alors que, pour les mutuelles et les assureurs, c'est un forfait qui a été retenu, et fixé, chacun le sait, à un niveau très bas. Par ailleurs, seuls les organismes autres que les caisses primaires d'assurances maladie supporteront la taxe de 1,75 % assise sur le chiffre d'affaires santé. C'est donc une double inégalité financière qui est instaurée dans votre projet entre les caisses primaires et les autres organismes. Nous y voyons un vice de construction.

Nous avons aussi une très grande incertitude et de nombreuses craintes sur la politique qui sera suivie par vous-même et par la CNAM si le projet est voté. Je voudrais en particulier souligner deux risques.

Le premier risque, c'est que vous déterminiez un

« panier de soins » trop limité, c'est-à-dire que les remboursements soient trop faibles, que trop peu de prestations soient couvertes par ces remboursements complémentaires. On pense évidemment aux soins les plus coûteux et les plus mal remboursés aujourd'hui.

Cette crainte, je l'exprime bien sûr en mon nom, mais un grand nombre de mes collègues conseillers généraux redoutent d'avoir demain, si le panier de soins est trop faible, et alors même que les moyens de financement auront été retirés aux conseils généraux pour l'aide médi cale, à intervenir à nouveau pour compléter un remboursement trop faible au titre de la couverture maladie universelle,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Vous gâchez votre talent, monsieur Goulard !

M. François Goulard...

une charge nouvelle étant à nouveau transférée vers les conseils généraux. Ce n'est pas une crainte hypothétique, elle est partagée par nombre de mes collègues conseillers généraux.

M. le président.

Monsieur Goulard, voulez-vous vous acheminer vers votre conclusion ? Je considère, en effet, qu'au bout d'une demi-heure et en troisième lecture, l'Assemblée est suffisamment informée.

M. François Goulard.

Monsieur le président, c'est votre choix souverain.

M. le président.

Tout à fait et, dans cinq minutes, je considérerai que vous en avez terminé.

M. François Goulard.

C'est votre choix souverain et, naturellement, je le respecte.

M. le président.

Merci.

M. François Goulard.

Je n'ai pas terminé mon exposé et je ne pense pas m'être écarté de mon sujet.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez vous-même dit que la sécu, ce n'était pas le sujet !

M. François Goulard.

Vous ne pouvez pas m'accuser, monsieur le président, de relire un texte que j'aurai prononcé à une autre occasion comme l'a fait l'orateur précédent, pour l'excellente raison que, vous pouvez le constater du haut de votre tribune, je ne lis pas.

M. Alain Barrau.

Vous poignardez M. Accoyer !

Mme Odette Grzegrzulka.

Vive l'Alliance !

M. François Goulard.

Je prends donc acte de votre décision mais je ne peux que la déplorer.

M. le président.

Disons que j'ai quelques réminiscences de l'exception d'irrecevabilité que vous avez soutenue en deuxième lecture !

M. François Goulard.

Si je n'étais pas en accord avec ce que j'ai dit lors de lectures précédentes, je pense que je serais critiqué...

M. le président.

... et incohérent mais...

M. François Goulard.

... ce n'est pas mon cas généralement.


page précédente page 06684page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

M. le président.

... ce n'est pas ce que je vous reproche.

M. François Goulard.

Merci, monsieur le président.

L'autre risque, et je vous prie de me laisser m'exprimer quelques instants, c'est, pour une population importante, six millions de personnes, une mise sous tutelle étroite de l'assurance maladie par les autorités ministérielles et par la CNAM et une mise sous tutelle de l'offre de soins. Je crains vraiment, et je le répète à chaque lecture, que vous ne mettiez en place pour les personnes qui seront demain les ressortissants de la couverture maladie universelle un système beaucoup plus contraignant que notre assurance maladie d'aujourd'hui, avec un certain contingentement des soins, une tutelle étroite sur les professionnels de santé et sur leurs pratiques médicales, au nom précisément du caractère très social de la couverture maladie universelle qui légitimerait une intervention plus forte que pour le reste de l'assurance maladie.

Se dessinerait alors une véritable sécurité sociale à deux vitesses avec une base qui serait une médecine, une offre de soins, des remboursements, certes à peu près satisfaisants, mais de médiocre qualité, et qui laisserait la place à une assurance privée réservée aux catégories socialement les plus aisées de la population.

C'est à peu près le système anglais, que les Anglais essaient d'ailleurs de changer, c'est-à-dire une sécurité sociale et un système de soins à deux vitesses, avec des soins plutôt insatisfaisants pour la grande masse et des soins payants et chers pour les plus aisés. C'est précisément ce que nous refusons.

J'ai parlé tout à l'heure de l'effet de seuil, et de l'inégalité qu'il engendre, je n'y reviens pas.

Je voudrais aussi dire un mot du problème de transition qui va exister. Ce n'est pas une critique, c'est un appel à l'attention des responsables qui seront chargés de mettre en oeuvre la couverture maladie universelle. Qu'ils ne perdent pas de vue que nos départements ont aujourd'hui une action sociale étroitement associée à la dispensiation de l'aide médicale. En confiant à la CPAM le soin de rembourser au lieu et place du département, il ne s'agit pas de perdre l'action sociale mise en oeuvre par les départements. Si tel était le cas, ce serait une forte régression sociale dans notre pays. Je ne veux pas croire que ce soit votre objectif, et c'est pourquoi je me permets d'insister sur ce point même si je suis peu écouté.

Le deuxième grand volet extrêmement critiquable de ce projet, c'est naturellement sa seconde partie, et vous me permettrez d'y consacrer les quelques minutes qui me restent. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Je n'ai vraiment que quelques mots à dire pour critiquer la méthode.

M. le président.

Sans être directif, monsieur Goulard, je fais appel à votre raison.

M. François Goulard.

Monsieur le président, pouvezvous m'accuser de m'être répété ?

M. le président.

Vous allez finir par lasser, monsieur Goulard.

Mme Hélène Mignon.

Cela fait trois fois qu'il dit la même chose !

M. François Goulard.

Je voudrais simplement dire en quelques mots que la méthode qui a consisté à mettre un quasi DMOS en seconde partie de ce projet de loi est de mauvaise méthode parlementaire.

M. le président.

Nous l'avons déjà entendu, monsieur Goulard ! Alors, concluez, je vous en prie.

M. François Goulard.

Il est de mon droit, puisque notre Constitution prévoit qu'il y a une troisième lecture, de le souligner à nouveau...

M. Bernard Accoyer.

Très bien.

M. François Goulard.

... même si je prends peu de temps pour le dire. J'estime qu'il est de mon devoir de membre de l'opposition de dire qu'il y a un vice dans la préparation de ce projet de loi qui comporte deux parties sur deux sujets extrêmement différents, et vous ne m'empêcherez pas de le dire.

S'agissant de ce DMOS, il y a un certain nombre d'articles qui sont regrettables. Je me bornerai à citer le plus critiquable, celui qui limite l'accès à l'information en la soumettant à une autorisation ministérielle. Il s'agit de données qui ne sont pas nominatives, qui sont purement médicales. Il est nécessaire que la transparence soit faite sur les performances de tous les établissements de soins quel que soit leur statut. C'est un impératif de notre époque que les gens sachent comment ils sont soignés, dans quel établissement ils sont susceptibles de rentrer, et l'article 37 que vous souhaitez faire voter n'est pas de nature à garantir cette transparence. C'est parfaitement regrettable.

Et je voudrais encore ajouter, d'un mot, qu'il est très heureux que l'Assemblée nationale ait adopté, quasiment à l'unanimité, un amendement permettant aux aidesinstrumentistes et aides-opératoires de continuer à exercer leur métier.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. François Goulard.

Je veux ici fustiger l'acharnement que met l'administration à tenter de s'opposer à l'immense majorité de cette assemblée, qui a à plusieurs reprises clairement et résolument manifesté sa volonté de garantir leur emploi à des gens qui, à aucun point de vue, n'ont démérité.

Je m'arrêterai là, même si j'avais beaucoup d'autres choses à dire, mais je persiste à penser qu'il est de mauvaise politique de limiter le temps de parole de l'opposition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Si j'avais cette tentation, monsieur Goulard, je me garderai bien d'y céder.

Le Gouvernement souhaite-t-il intervenir ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, monsieur le président.

M. le président.

La commission souhaite-t-elle ajouter quelque chose ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission. Non, monsieur le président.

M. le président.

Pas d'explication de vote ?

M. Bernard Accoyer.

Si, je souhaite dire un mot, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, à qui je demanderai d'être bref.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je connais votre attachement à la libre expression de l'opposition. Je vais donc essayer de vous donner satisfaction. (Sourires.)

M. le président.

Je vous en remercie, monsieur Accoyer. Venant de vous, l'hommage me touche.


page précédente page 06685page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

M. Bernard Accoyer.

Mon excellent collègue François Goulard a, comme d'habitude, brillamment défendu cette question préalable. Il a choisi d'improviser, ce qui lui a permis de prendre un peu de distance. Vous avez compris que ma méthode était plus analytique, puisque je me suis référé à des textes et à des décisions que j'ai eu plaisi r à citer et à rappeler au Gouvernement.

Cette question préalable s'impose. Car, le Sénat a brillamment proposé une solution alternative, que d'ailleurs notre collègue Boulard, le techno-rapporteur réputé, désormais célèbre dans notre hémicycle (Sourires.)

, avait réussi à mettre au point. Il avait en effet multiplié les contacts avec ses amis du mouvement mutualiste et obtenu une sorte de consensus, ce dont je le félicite. Ce scénario partenarial était satisfaisant, même si M. Boulard a aujourd'hui quelque peu tendance à le maquiller, en expliquant que ce qui a été retenu, c'est une « déclinaison partenariale ».

Ce sont là des chemins bien compliqués, dans lesquels j'ai du mal à le suivre. Je rappellerai que ce scénario partenarial, c'est celui que nous avions évoqué ici, c'est celui que Jacques Barrot avait, avant nous, fort bien décrit, c'est celui que le Sénat a eu la sagesse de retenir dans sa rédaction du projet de loi. Il est particulièrement dommageable que le Gouvernement ne se soit pas référé à ce travail constructif.

Madame la ministre, vous êtes une personnalité importante dans ce Gouvernement. Vous êtes une personnalité dominante de la vie politique française. Vous êtes appelée à participer aux compétitions les plus élevées de la République,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ah ! C'est le meilleur moment de la matinée ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

... et nous en sommes heureux.

Vous auriez pu, en retenant les propositions du Sénat, ajouter à votre stature une dimension qui vous manque encore, celle du consensus national.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je n'en suis pas capable : vous me surestimez, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Vous n'avez pas fait ce choix.

C'est dommage, et je le regrette d'autant plus que, à force de débattre avec vous, je finis par vous trouver un côté attachant. (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Un mouchoir, un mouchoir ! L'émotion me gagne ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

On voit bien que c'est la fin de la session !

M. Bernard Accoyer.

Oui, un côté attachant, parce que vous avez choisi...

M. le président.

Il serait peut-être temps de lever la séance, afin d'éviter que figurent au Journal officiel des déclarations qui pourraient vous compromettre, monsieur Accoyer, aux yeux de vos électeurs.

M. Bernard Accoyer.

C'est bien pour cela qu'il me faut replacer mes propos dans leur contexte.

M. le président.

Mais je pensais que c'était l'essentiel de ce que vous vouliez dire, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Non, monsieur le président.

M. le président.

Ah bon.

M. Bernard Accoyer.

Ce que je voulais souligner, c'est l'extraordinaire énergie de Mme la ministre. Rendez-vous compte, elle plaide les trente-cinq heures pour les autres, mais pour sa part elle doit bien travailler quatre-vingts heures par semaine...

M. François Goulard.

Non, beaucoup plus !

M. Bernard Accoyer.

... comme j'en ai moi-même l'habitude depuis toujours. Je l'en félicite, elle a bien raison. Elle sait bien, elle, que le travail est le seul moyen de la promotion.

(Rires.)

M. François Goulard.

Elle est en bonne voie, d'ailleurs !

M. Bernard Accoyer.

Aussi aurait-elle dû se référer au travail du Sénat. Voilà pourquoi nous voterons la question préalable.

M. Yves Bur.

Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président.

Non, vous n'étiez pas inscrit, monsieur Bur.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur Bur, allons...

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Allocution de M. le président ; Suite de la discussion, en lecture définitive, du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1618, portant organisation de réserve militaire et du service de défense : M. Michel Dasseux, rapporteur au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (rapport no 1736) ; Discussion en deuxième lecture, du projet de loi, no 1413, portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale : M. Jean Michel, rapporteur au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (rapport no 1732).

(Procédure d'examen simplifiée.)

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Je vous fais remarquer que le PACS n'est pas inscrit à notre ordre du jour. (Sourires.)

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


page précédente page 06686

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 JUIN 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du mercredi 30 juin 1999 SCRUTIN (no 175) sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Jean-Louis Debré a u projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle (lecture définitive).

Nombre de votants .....................................

260 Nombre de suffrages exprimés ....................

260 Majorité absolue ..........................................

131 Pour l'adoption ...................

77 Contre ..................................

183 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 2. - MM. Robert Gaïa et Jacques Guyard

Contre : 169 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non votant(s) : MM. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale) et Raymond Forni (président de séance).

Groupe R.P.R. (137) : Pour : 46 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 21 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Pour : 2. - MM. François Liberti et Roger Meï

Contre : 11 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (34) : Pour : 1. - M. André Aschieri Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non inscrits (6).

Mises au point au sujet du présent scrutin (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale) MM. André Aschieri, Robert Gaïa, Jacques Guyard, François Liberti et Roger Meï, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».