page 01048page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 1049)

1. R equête en contestation d'opérations électorales (p. 1049).

2. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 1049).

3. Résolution adoptée en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 1049).

4. Mesures d'urgence relatives à la chasse. - Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 1049).

M. Charles de Courson, rapporteur de la commission de la production.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1052)

MM. Jacques Le Nay, François Patriat, Didier Quentin, Gérard Charasse, Antoine Carré, François Liberti, Léonce Deprez, André Vauchez, René André, Stéphane Alaize, Mme Nicole Ameline,

MM. Marc Dolez, Christian Estrosi, Francis Hammel.

Clôture de la discussion générale.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. Alain Bocquet.

Suspension et reprise de la séance (p. 1072)

5. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 1072).

6. Mesures d'urgence relatives à la chasse. - Reprise de la discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 1072).

M. François Patriat.

Suspension et reprise de la séance (p. 1072)

Rappel au règlement (p. 1072)

MM. Philippe Douste-Blazy, le président.

Reprise de la discussion (p. 1073)

M. Charles de Courson, rapporteur de la commission de la production.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 1073)

Motion de renvoi en commission de M. Guy Hascoët : MM. Guy Hascoët, Marc Laffineur, François Liberti, Gilles de Robien, Gérard Charasse, René André, François Patriat. - Adoption par scrutin.

Les conditions de la suite de la discussion seront fixées par la conférence des présidents.

7. Ordre du jour des prochaines séances (p. 1080).


page précédente page 01049page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

(La séance est ouverte à neuf heures.)

M. le président.

La séance est ouverte, mais je la suspends immédiatement.

(La séance, suspendue, est reprise à neuf heures dix.)

M. le président.

La séance est reprise.

1

REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

M. le président.

En application de l'article LO 181 du c ode électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication d'une requête en contestation d'opérations électorales.

C onformément à l'article 3 du règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

2 DÉCLARATION DE L'URGENCE D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif à la chasse (no 2182).

Acte est donné de cette communication.

3 RÉSOLUTION ADOPTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président.

J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du règlement, est considérée comme définitive la résolution, adoptée par la commission des affaires étrangères, sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1488/96 du Conseil du 23 juillet 1996 sur les mesures financières et techniques accompagnant la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat euroméditerranéen (MEDA) (COM [1999] 494 final/no E 1331).

4

MESURES D'URGENCE RELATIVES A LA CHASSE Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse (nos 1734, 2142).

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Charles de Courson, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui a été adoptée par le Sénat à l'unanimité le 22 juin dernier. Elle était cosignée par des parlementaires appartenant à l'ensemble des groupes siégeant au Palais du Luxembourg.

Son dépôt met l'Assemblée nationale dans une situation un peu particulière du fait du refus, en juin 1999, de Mme Voynet et du Gouvernement d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour. Nous examinerons, en effet, dans les semaines qui viennent, un texte dont l'ambition est de réformer l'ensemble du droit de la chasse.

Nos collègues socialistes estiment donc que les questions abordées par la présente proposition de loi - dont ils contestent, comme nous l'a indiqué en commission M. François Patriat, « le calendrier d'examen » et non le

« fond de ses dispositions » - ne présentent pas un caractère d'urgence et qu'elles peuvent être traitées dans le cadre de l'examen à venir du projet de loi. Ils ont en conséquence adopté, lors de la réunion de la commission, une motion de renvoi en commission qui vous sera présentée tout à l'heure. Cette attitude est surprenante car t reize de nos collègues socialistes ont déposé, le 30 juin 1999, une proposition de loi, no 1768, concernant la chasse de nuit, très proche de celle examinée aujourd'hui.

Puisque nous sommes très majoritairement d'accord sur l'essentiel des dispositions de la proposition de loi, je ne les décrirai que brièvement. En revanche, je reviendrai un peu plus longuement sur la nécessité de les voter dès aujourd'hui puisque ce point est contesté.

Quelques mots tout d'abord sur le fond.

Quel est l'objet de la proposition de loi ? Il s'agit simplement de prendre les mesures d'urgence qui s'imposent à la suite de deux décisions juridictionnelles récentes, l'une du Conseil d'Etat, l'autre de la Cour européenne des droits de l'homme, sur trois points précis : la réforme de la loi Verdeille, les modalités d'exercice de la chasse au gibier d'eau aux heures crépusculaires et celles de la chasse au gibier d'eau de nuit.


page précédente page 01050page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

La proposition de loi vise d'abord à réformer la loi Verdeille, laquelle organise la pratique de la chasse sur une partie significative de notre territoire par le biais des associations de chasse agréées qu'elle a instituée. Ces associations ont permis de lutter contre les excès de la chasse banale qui mettait en péril le gibier tout en permettant à la chasse de rester un loisir populaire, ouvert au plus grand nombre.

Je crois que nous sommes tous conscients de l'utilité du dispositif des associations de chasse agréées là où il fonctionne. Il nous faut néanmoins le réformer. Le régime juridique actuel des ACCA n'est en effet plus adapté aux évolutions sociologiques, en particulier à l'arrivée dans les campagnes de citadins peu familiers des traditions rurales, non chasseurs et que la pratique de la chasse sur leurs propriétés dérange même parfois.

A l'heure actuelle, ces propriétaires ne peuvent retirer leurs terrains de ceux soumis à l'action d'une ACCA que si leur surface est supérieure à un seuil variant entre 50 ares et 100 hectares selon la nature du terrain.

La Cour européenne des droits de l'homme a récemment estimé que ce dispositif n'était compatible ni avec le droit de propriété, ni avec la liberté d'association, je devrais plutôt dire, en l'occurrence, le droit de nonassociation. Certes, cette décision ne lie la France que pour l'espèce concernée. Je crois qu'elle nous invite toutefois à légiférer pour reconnaître le droit de non-chasse, aspect du droit de propriété.

Vous connaissez, mes chers collègues, l'attachement des auteurs de cette proposition de loi au droit de propriété et vous ne serez donc pas surpris de nous voir la défendre. Toutefois, nous estimons que la propriété et les droits dont jouit le propriétaire sont indissociables de sa responsabilité. C'est pourquoi la proposition de loi équilibre la reconnaissance du droit de non-chasse par le rappel de la responsabilité du propriétaire pour les éventuels dégâts causés par le gibier issu de son fonds. Pour des raisons pratiques évidentes, elle prévoit en outre la délimitation des terrains concernés par des pancartes.

Il existe un large consensus sur cette question, également abordée par le projet de loi dont je m'étonne toutefois qu'il nous propose une conception quelque peu absol utiste d'un droit de propriété que rien ne vient équilibrer. On savait Daniel Cohn-Bendit « libéral-libertaire » mais je vous avoue, madame la ministre, ma suprise de vous découvrir ultra-libérale. Il est vrai qu'en matière politique les extrêmes se rejoignent parfois ! La deuxième question traitée par la proposition de loie st la définition des heures crépusculaires. Durant celles-ci, la chasse est permise, le législateur n'ayant entendu interdire la chasse que pendant la nuit noire.

Toute la difficulté est de définir le crépuscule, mot dont je rappelle qu'il trouve son origine dans le latin crepusculum lui-même dérivé de creper qui signifie douteux ou incertain.

Longtemps, les tribunaux ont considéré que l'interdiction de la chasse de nuit prenait effet à partir du moment où l'obscurité était telle que l'oeil humain ne pouvait plus discerner les objets. Il en a résulté un grand nombre de contentieux, les prévenus contestant systématiquement avoir été verbalisés de nuit. Pour mettre fin à cette incertitude juridique, il convenait de retenir une définition horaire du crépuscule. C'est ce qu'a fait l'administration, le direction de l'ONC en l'espèce, en prescrivant à ses agents de ne pas verbaliser pendant deux heures après le coucher du soleil et deux heures avant son lever. Cette plage horaire garantissait que la chasse crépusculaire serait effectivement possible, comme l'avait souhaité le législateur, partout sur notre territoire et pendant toute la saison de chasse.

Le Conseil d'Etat a annulé cette règle estimant, d'une manière juridiquement justifiée, qu'il n'appartenait pas à l'administration de la définir, mais à la loi. Cette règle est cependant indispensable et la proposition de loi vous propose de l'édicter.

Là encore, il ne s'agit pas d'une disposition sérieusement contestée au sein de notre assemblée. M. François Patriat nous a indiqué, en commission, au nom du groupe socialiste, qu'il l'estimait nécessaire et seule une poignée de nos collègues - plus précisément, six - et Mme la ministre ne partagent pas cette position de consensus et encore, les divergences s'aplanissent-elles.

Ainsi, en juin, madame la ministre, devant le Sénat, vous recommandiez de limiter la période de chasse à passée à une heure avant le lever du soleil et une heure après son coucher. Or, si le projet que vous nous présenterez bientôt propose de retenir ces plages horaires, vous avez laissé entendre que vous pourriez accepter une demiheure de plus. Encore un petit effort, madame la ministre : acceptez d'accroître d'une autre demi-heure cette période pour la porter à deux heures, et vous serez à l'unisson de la représentation nationale.

Enfin, la proposition de loi tend à autoriser, dans les quarante-deux départements où elle est traditionnelle, la pratique de la chasse de nuit au gibier d'eau à partir de postes fixes.

La nécessité de cette autorisation est, elle aussi, largement reconnue. Elle était même recommandée, toutefois selon des modalités différentes de celles retenues par la proposition de loi, par M. François Patriat. Seul le Gouvernement et une poignée - pardon, six ! - de nos collègues la contestent, le projet envisageant, pour sa part, un curieux dispositif conçu, de toute évidence, pour organiser la disparition de la chasse de la nuit et s'inspirant, comme vous nous l'avez indiqué lors de votre audition, de la loi relative à l'IVG. Ce rappel est troublant quant à vos intentions réelles pour ceux qui veulent défendre la chasse de nuit.

La nécessité d'autoriser, là où elle est coutumière, la pratique de la chasse de nuit est donc largement reconnue et ce n'est pas étonnant. Pourquoi en effet l'interdirait-on alors qu'il s'agit d'une pratique parfaitement légitime qui ne met nullement en péril la conservation des espèces concernées ? D'ailleurs, le droit communautaire n'impose nullement cette interdiction. Il n'existe aucune disposition communautaire interdisant la chasse de nuit. On peut même, au contraire, soutenir que la direction 79-409 autorise implicitement cette pratique qui est d'ailleurs possible dans au moins six autres Etats membres de l'Union européenne.

Certains soutiennent que la chasse de nuit serait contraire à l'interprétation que ferait la Cour de justice des Communautés européennes de certains principes de la directive de 1979. La chasse de nuit serait, selon cette analyse, interdite en raison, d'une part, du risque de confusion entre espèces, d'autre part, du dérangement qu'elle entraînerait pour les oiseaux concernés. Telle est, je crois, madame la ministre, votre position.

Au Sénat, en juin, vous souteniez même que la chasse de nuit était contraire au droit communautaire en évoquant, notamment, à l'appui de votre propos, une réponse du commissaire européen chargé de l'environnement à une question écrite de 1992. Je vous rappelle qu'à ma connaissance, il n'appartient pas à la Commission,


page précédente page 01051page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

mais à la Cour de justice des Communautés de dire le droit. Or la Cour ne s'est jamais prononcée sur la question de la chasse de nuit.

Vous disiez également au Sénat, madame, que, si elle avait à le faire, la Cour condamnerait « probablement » cette pratique. Il est, bien sûr, toujours possible d'extrapoler sur telle ou telle jurisprudence et d'émettre des hypothèses sophistiquées sur ce que pourrait décider dans tel ou tel cas une juridiction. Il s'agit d'un travail fort intéressant auquel se consacrent avocats et professeurs de droit.

Je ne pense toutefois pas qu'il appartienne au législateur français d'anticiper d'hypothétiques décisions de la Cour de justice pour adapter la législation à la conception que la Cour pourrait avoir de tel ou tel principe vague édicté dans une directive d'ailleurs conçue sur la base de connaissances scientifiques périmées et dont tout le monde convient, y compris François Patriat, qu'il faut préciser les modalités d'application. Tenons-nous en aux faits : la Cour de justice des Communautés européennes ne s'est jamais prononcée sur la question de la chasse de nuit. Celle-ci est, en l'état du droit, parfaitement autorisée et toutes les arguties pseudo-juridiques n'y pourront rien changer.

Pourquoi d'ailleurs en serait-il autrement ? Pourquoi la chasse de nuit serait-elle donc interdite ? Revenons tout d'abord sur le risque de confusion. Voilà un argument facile à brandir : selon vous, madame la ministre - je reprends le propos que vous avez tenu au Sénat, le 22 juin -, « la nuit tous les chats sont gris ». Les chasseurs tireraient donc n'importe quelle espèce ! Quelle méconnaissance de la chasse de nuit !

Mme Christine Boutin.

C'est vrai !

M. Charles de Courson, rapporteur.

Un chasseur connaît les espèces qu'il chasse, leurs cris, leurs silhouettes et leurs attitudes. Il voit les oiseaux, bien évidemment, car personne, à ma connaissance, n'a jamais tiré des oiseaux qu'il ne discernait pas. Il a même en général davantage de temps que dans d'autres formes de chasse pour identifier sa cible, puisqu'il tire posé.

Venez, madame la ministre, constater sur le terrain ce qu'il en est : il faut avoir vu comment cette chasse est pratiquée pour cesser de répandre à son sujet des contrevérités.

Il est sans doute inutile d'essayer de vous faire partager cette passion, madame la ministre. En effet, il en est de la chasse de nuit comme de l'amour et ceux qui n'ont jamais été amoureux ne peuvent savoir ce dont il s'agit.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Entre l'amour et la chasse, mon choix est fait, monsieur !

M. Charles de Courson, rapporteur.

Les vrais chasseurs aiment la nature, ils l'admirent, ils la contemplent et parfois font un acte de chasse. Il faut avoir connu la beauté, le soir, des canards venant dans le soleil couchant se poser sur un étang pour comprendre l'attachement viscéral de dizaines de milliers de chasseurs à la chasse crépusculaire et à la chasse de nuit.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Permettez-moi toutefois, madame la ministre, à défaut de parvenir à vous faire partager notre passion, de livrer un élément à votre réflexion quant au risque de confusion. L'éventuelle erreur d'un chasseur n'a, c'est évident, de conséquences que s'il confond un oiseau appartenant à une espèce chassable avec un autre d'une espèce protégée.

Or, dans les zones où se pratique la chasse de nuit du gibier d'eau, l'écrasante majorité des oiseaux rencontrés peuvent être chassés.

Le risque de confusion, même pour le chasseur le plus imprudent, est donc très faible. Il n'est toutefois pas nul, cela est incontestable. Mais, dans quelle activité humaine le risque est-il nul ? Vous même, madame la ministre, vous faites des erreurs. Parfois vous les reconnaissez comme dans l'affaire de l' Erika mais ce n'est pas pour cela que le Premier ministre vous a interdit d'exercice. De la même façon, ce n'est pas parce qu'il existe des erreurs commises par les chasseurs lors de chasses diurnes qu'on interdit la chasse de jour. Et puisqu'il existe des chasseurs qui commettent des erreurs, faut-il en conclure que le droit communautaire interdit la chasse ? Bien entendu, la réponse est négative.

Il en est de même quant au risque de dérangement.

Certes, la chasse de nuit dérange les oiseaux mais c'est également le cas de la chasse diurne et des activités humaines en général. Faut-il supprimer les éoliennes qui vous sont chères, madame la ministre, et les lignes électriques parce qu'elles dérangent les oiseaux ? En outre, et c'est là un point trop souvent négligé, si la chasse de nuit dérange les oiseaux, elle contribue surtout à préserver leurs habitats. Ce sont en effet, dans notre pays, les chasseurs qui sont les principaux défenseurs des zones humides (Applaudissements sur les mêmes bancs) que la France s'est engagée, je le rappelle, à préserver, notamment à travers la convention RAMSAR.

Il n'est donc pas raisonnable de combattre l'autorisation de chasser la nuit. On peut en revanche en discuter.

Il convient à cet égard de répondre à deux questions : dans quels départements et sur quels sites peut-on chasser de nuit ? En premier lieu, la liste des départements concernés doit-elle figurer dans la loi ? Je le crois car, sinon, nous allons au-devant de contentieux interminables pour définir le caractère traditionnel - puisque tel serait alors le critère que fixerait votre projet de loi - de la pratique de la chasse de nuit dans tel ou tel département. Le risque serait donc réel d'annulation du décret concerné, renvoyant à nouveau la pratique de la chasse de nuit dans le non-droit dont nous voulons la sortir. Au fond, c'est peut-être cela que vous cherchez : interdire la chasse de nuit par un recours des chasseurs contestant une liste trop limitative fixée par décret.

La seconde question à laquelle il convient de répondre concerne le nombre de départements concernés. M. François Patriat en évoquait dix-neuf dans son rapport, et, aux dernières nouvelles, vous en retiendriez vingt-deux.

Une étude, réalisée en juin 1999 par vos services, madame la ministre, recense 33 départements sur les 71 ayant répondu au questionnaire de votre ministre - et j'ai en ma possession le rapport de synthèse que vous a remis par M. Schricke. Des départements où cette chasse est notoirement traditionnelle, comme la Charente-Maritime, n'ont pas répondu. L'ONC a, pour sa part, conduit des enquêtes sur le terrain qui ont abouti à en identifier 42.

Ce sont ces 42 départements que retient la proposition qui vous est soumise.

Quant aux installations à partir desquelles on peut chasser, la proposition de loi propose d'imposer leur délaration en mairie mais non d'en geler la liste, contrairement au projet de loi.


page précédente page 01052page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Voilà pour le fond. Pour ce qui concerne la procédure, n os collègues socialistes estiment qu'il est urgent...

d'attendre : d'attendre l'examen du projet de loi qui sera examiné en commission dans un mois.

M. Patrice Martin-Lalande.

Nos collègues ont tort !

M. le président.

Monsieur de Courson, pour vous, il est urgent de conclure. Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Charles de Courson, rapporteur.

J'ai quasiment terminé.

M. René André.

Ce qu'il dit est important, monsieur le

président

!

M. Didier Quentin.

Alors, pas de censure !

M. Charles de Courson, rapporteur.

Mais je dis attention ! Le début de l'examen de ce projet est peut-être proche mais qu'en est-il de son terme ? Nous connaissons tous le calendrier de nos travaux, Qu'annonce-t-on ? Un projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, un collectif budgétaire, un projet de loi sur la forêt, un autre sur l'outre-mer, une réforme d'ensemble du droit de l'urbanisme. Et je ne prends là que quelques exemples.

Dans ces conditions, qui peut assurer que le projet de loi sur la chasse sera définitivement adopté avant la prochaine saison de chasse, c'est-à-dire avant la fin de la présente session ?

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est ça le problème ! (Sourires.)

M. Charles de Courson, rapporteur.

Qui peut nous garantir que l'examen de chacun de ces textes, tous volumineux, ne prendra pas plus de temps que prévu ? Je vous le dis tout net, mes chers collègues, ne pas adopter aujourd'hui cette proposition de loi, c'est prendre le risque de laisser encore longtemps des pratiques dans le non-droit. C'est donc laisser sciemment la loi de la République être bafouée...

M. Patrice Martin-Lalande.

Il a raison !

M. Charles de Courson, rapporteur.

... puisque l'on sait parfaitement que ces chasses continueront d'être pratiquées sans que l'administration, sur ordre du Gouvernement, ne sanctionne. Où est donc l'Etat de droit si la règle de droit est ignorée ?

M. Guy Hascoët.

On chasse illégalement depuis quarante ans. Où est la règle de droit ?

M. Charles de Courson, rapporteur.

Que devient la République lorsque ses lois, inappliquées, sommeillent, bercées par une administration passive du fait des ordres reçus ? Les législateurs républicains peuvent-ils tolérer que cette situation perdure ? Ce sera le cas si nous n'adoptons pas dès aujourd'hui la proposition de loi ? En outre, ne pas adopter aujourd'hui cette proposition de loi, ce serait également prendre le risque qu'une nouvelle saison de chasse ne s'ouvre sans qu'aucune mesure ait été prise pour apaiser les esprits, en confortant les pratiques des chasseurs, d'une part, et en reconnaissant les droits des non-chasseurs, d'autre part. Ne pas adopter aujourd'hui cette proposition de loi, c'est donc prendre le risque d'affrontements, et c'est aussi porter un mauvais coup à la chasse, que certains sont peut-être plus prompts à défendre dans leurs circonscriptions qu'à l'Assemblée nationale. Mais je ne crois pas, mes chers collègues, que l'on puisse tromper les électeurs durablement.

Alors pourquoi ne pas l'adopter dès aujourd'hui ? J'aimerais comprendre le raisonnement de nos collègues socialistes. Que nous disent-ils ? Ils nous tiennent le raisonnement suivant : « Votre proposition est bonne. Nous sommes très largement d'accord avec les dispositions qu'elle prévoit mais nous ne pouvons pas la voter parce que le Gouvernement va présenter sur les mêmes questions un projet de loi, que nous désapprouvons d'ailleurs sur la chasse de nuit et sur la chasse crépusculaire. »

M. Patriat l'a dit. Au fond, mes chers collègues, vous êtes contre notre proposition de loi parce que vous êtes pour et vous êtes pour le projet de loi gouvernemental alors que vous êtres contre. Comprenne qui pourra. J'avoue, pour ma part, ne pas comprendre. Nous voilà vraiment en pleine nuit.

(Sourires.)

Si vous êtes en désaccord sur tel ou tel point de détail, amendez notre texte, mes chers collègues ! Mais quel sens y a-t-il à refuser de le voter ? Préférez-vous donc c ombattre vos idées lorsqu'elles sont proposées par d'autres avant de les réintroduire dans quelques semaines dans un texte dont l'auteur, il est vrai, sera le Gouvernement que vous soutenez ? Si tel est le cas, je m'incline et je renonce, avec mes 31 collègues, à toute paternité sur ce texte. Cosignez donc la proposition de loi, comme l'ont fait des sénateurs de votre groupe. Qu'elle ne soit ainsi plus frappée du péché originel d'avoir été inscrite à l'ordre du jour à l'initiative de l'opposition. Que cette proposition de loi devienne vôtre si tel est ce qui vous importe.

Ne faisons donc pas de la politique politicienne, mes chers collègues.

M. Guy Hascoët.

Non, en effet ! (Sourires.)

M. Charles de Courson, rapporteur.

Si nous sommes d'accord sur ces mesures qui sont nécessaires, votons-les...

M. René André.

Très bien !

M. Charles de Courson, rapporteur.

... et montrons au peuple français en général et aux chasseurs en particulier que le Parlement sert encore à quelque chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la demande d'un certain nombre de collègues, tels Gilles de Robien, Léonce Deprez et Charles de Courson, dont les départements sont directement concernés, le groupe UDF a décidé de présenter dans sa niche parlementaire une proposition de loi portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse. Cette proposition de loi, qui vient d'être présentée avec brio et un argumentaire très convaincant par le rapporteur Charles de Courson, n'a pas pour ambition, nous en convenons, de régler tous les problèmes relatifs à la chasse. Cela étant, elle a le mérite de proposer des solutions à la fois équilibrées et consensuelles sur trois sujets précis : la chasse de nuit, la chasse crépusculaire et le droit de non-chasse.

Quel en est aujourd'hui l'enjeu ? Avant tout, de répondre à un besoin urgent d'apaisement. Il est, en effet, nécessaire de dépassionner un débat rouvert par de récentes décisions juridictionnelles qui ont mis l'accent sur les failles du dispositif législatif français relatif à la chasse.


page précédente page 01053page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Certes, le Gouvernement nous soumettra prochainement un projet de loi plus général visant à refonder l'exercice et l'organisation de la chasse en France. Nous venons d'ailleurs tout juste de prendre connaissance de son contenu, qui ne manquera pas de déclencher de longues discussions dans cet hémicycle. Ce débat doit avoir lieu, nous en sommes tous d'accord. Il devra même se dérouler en dehors de cette enceinte, partout où l'on s'intéresse à la chasse et à l'utilisation de l'espace rural.

Cela dit, nous savons tous qu'il faut du temps pour qu'un projet de loi soit examiné, adopté par notre assemblée et par le Sénat, puis appliqué sur le terrain. C'est pourquoi nous vous proposons, aujourd'hui, d'adopter en termes identiques le texte voté par les sénateurs le 22 juin 1999.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. Jacques Le Nay.

Ce texte, il faut le souligner, a été adopté à l'unanimité, tous les groupes du Sénat, toutes sensibilités confondues, s'y étant déclarés favorables. Cela démontre bien que cette proposition de loi constitue un bon compromis qui s'inscrit bien au-delà des clivages et des considérations politiciennes.

Comme je viens de le préciser, cette proposition de loi ne résoudra pas tout. Elle ne réglera pas notamment les questions relatives à la fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs autour desquelles se cristallisent les passions. Mais elle a au moins le mérite d'apporter des réponses concrètes et immédiates sur l'autorisation de la chasse crépusculaire et de la chasse de nuit, ainsi que d'instaurer le droit de nonchasse dans le cadre de la loi Verdeille. Il se trouve, en effet, que plusieurs décisions juridictionnelles importantes sont intervenues récemment pour rappeler la nécessité d'adapter la législation française à l'organisation des activités cynégétiques.

Je rappellerai chronologiquement ces décisions. Le 7 avril 1999, le Conseil d'Etat a annulé une instruction de l'Office national de la chasse au motif qu'elle méconnaissait l'article L. 224-4 du code rural sur la chasse de nuit. Le Conseil d'Etat interdisait donc ainsi officiellement une pratique de chasse largement répandue et tolérée depuis deux siècles. Et voilà que, quelques jours plus tard, le 29 avril 1999, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé, dans un arrêt, que la loi Verdeille du 10 juillet 1964, dont elle reconnaissait cependant les buts légitimes, ne constituait pas moins une atteinte au droit de propriété et à la liberté d'association, en contraignant des propriétaires, opposant éthique à la chasse, à apporter leur droit de chasse et à adhérer à une association communale de chasse agréée.

Face à cette situation de vide juridique générée par ces deux décisions juridictionnelles, le Sénat a adopté la proposition de loi que nous examinons.

C e texte présente beaucoup d'avantages. Il tient compte à la fois des coutumes et des traditions, mais il reconnaît aussi le droit de chacun de disposer de sa propriété, d'y laisser pratiquer la chasse ou de l'interdire.

Sur le premier point - la chasse de nuit et la chasse crépusculaire - nous sommes tous d'accord sur le fond, y compris vous, madame la ministre. Dans de nombreux départements, une pratique qui date de la Révolution consiste à chasser de nuit le gibier d'eau à partir de postes fixes. Il est également dans les habitudes coutumières d'autoriser la chasse du gibier d'eau à la passée avant le lever et après le coucher du soleil.

Les seuls différends que nous ayons à ce sujet, madame la ministre, portent, dans le premier cas, sur le nombre de départements dans lesquels existe cette coutume et, dans le second cas, sur le fait de savoir s'il faut autoriser la chasse une heure ou deux heures avant le lever et après le coucher du soleil. Or tout le monde s'accorde à dire qu'en fonction des saisons il serait plus sage de retenir les deux heures pour éviter tout contentieux ou interprétation douteuse. D'ailleurs, notre collègue Patriat l'a proposé dans son rapport.

Sur le droit de non-chasse, nous sommes également tous d'accord, madame la ministre : il faut respecter les libertés individuelles et le droit de propriété. Or cette proposition de loi a tout prévu. L'article 2 instaure le droit de non-chasse, c'est-à-dire le droit pour tout propriétaire d'interdire la chasse sur ses terres si telle est sa volonté. Et, comme tout droit entraîne des devoirs, celui-ci devra accepter les contraintes liées à la gestion de la faune sauvage. Quoi de plus naturel ? Il sera également amené, en toute logique, à assumer la responsabilité des dégâts ou des accidents qui pourraient être occasionnés par les animaux provenant de son fonds. C'est d'ailleurs toute la philosophie de la loi Verdeille qui vise à garantir une gestion efficace des territoires cynégétiques dans un souci de bonne gestion, de régulation et de préservation des espèces.

L'article 2 relève donc d'une mesure de bon sens et je ne pense pas que, dans cet hémicycle, il y ait beaucoup de voix pour s'élever contre.

Ainsi, vous le voyez, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne sommes en désaccord ni sur le fond, ni sur l'essentiel. Pourquoi, dans ces conditions, reporter à demain ce que nous pouvons faire le jour même ? Comme nos collègues sénateurs, adoptons ensemble cette proposition de loi. Ainsi, nous apporterons la preuve que les parlementaires savent trouver des solutions équilibrées et consensuelles.

Il nous appartient de créer le climat serein nécessaire au débat plus général que nous aurons sur la chasse dans les mois à venir, à l'initiative du Gouvernement.

M. Patrice Martin-Lalande.

Notre collègue a raison !

M. Jacques Le Nay.

Il n'y a, dans notre démarche d'aujourd'hui, aucune anticipation insidieuse, aucune précipitation législative. Nous avons tout simplement la volonté de nous inscrire dans une procédure cohérente pour régler au plus vite de vrais problèmes : à savoir mettre fin à une situation de non-droit, de nonapplication de la réglementation, situation difficilement acceptable pour les législateurs que nous sommes.

Oui, il est urgent de légiférer. Il ne faut plus attendre.

Oui, il est urgent de prendre nos responsabilités, sans faux-fuyants. Pour l'ensemble de ces raisons, mes chers collègues, je vous demande, au nom du groupe UDF, d'adopter cette proposition de loi.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. Jacques Le Nay.

Vous apporterez ainsi la preuve, comme l'a dit à juste titre le rapporteur Charles de Courson,...

M. Didier Quentin.

Très bon rapporteur !

M. René André.

Excellent même !

M. Jacques Le Nay.

... que les députés servent encore à quelque chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


page précédente page 01054page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. Guy Hascoët.

S'ils ne servent qu'à ça !

M. le président.

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie M. le rapporteur d'avoir fait aussi souvent allusion à mes propos ou à mon rapport.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'était le risque !

M. François Patriat.

Je vais remettre un peu d'ordre dans ce qui a été dit. Beaucoup d'éloges ont été faits d'un rapport qui a peut-être fait beaucoup de bruit mais qui ne mérite pas de susciter aujourd'hui tant d'altercations.

M. René André.

Il n'y a pas d'éloge gratuit !

M. François Patriat.

M. de Courson se demandait si le Parlement sert encore à quelque chose et M. Le Nay vient de déclarer que la proposition de loi en discussion présente tous les avantages.

C'est à ces deux questions que je veux répondre parce que nous allons commencer à seize heures quinze en commission l'étude du vrai projet de loi sur la chasse.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Marc Laffineur.

Qu'est-ce à dire ? C'est une insulte ! Le texte que nous examinons a été adopté par le Sénat !

M. René André.

Mais oui, que signifie « vrai projet » ? Notre texte serait-il un faux ? C'est invraisemblable !

M. François Patriat.

Mes chers collègues, je n'ai pas interrompu les orateurs qui m'ont précédé ! Essayez au moins d'être corrects et de ne pas caricaturer les chasseurs ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. René André.

C'est vous qui caricaturez, en parlant de « vrai projet » !

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas parce que c'est votre texte qu'il est le vrai !

M. René André.

Où est le vrai, où est le faux ? Y a-t-il de vrais députés et de faux députés ?

Mme Christine Boutin.

Qu'est-ce que la démocratie pour vous ?

M. le président.

Je vous en prie, monsieur Patriat, poursuivez !

M. François Patriat.

Monsieur de Courson, vous vous êtes demandé si le Parlement servait à quelque chose.

Oui, le Parlement va servir à voter une loi qui réponde à l'attente des chasseurs, que j'ai rencontrés au cours de quatre mois de périples - et je continue à rencontrer chaque semaine dans les départements français.

Mme Christine Boutin.

Nous aussi !

M. François Patriat.

Ces chasseurs demandent que l'on prenne en compte leurs attentes : à savoir que la chasse soit respectueuse des espaces et des espèces, soucieuse d'une bonne gestion de la faune sauvage et capable de partager le temps et les territoires...

M me Christine Boutin.

C'est ce qu'elle est aujourd'hui !

M. François Patriat.

... et de régénérer la faune afin de pouvoir procéder à des prélèvements sans risques.

Mais un texte voté à la sauvette...

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Oui, bravo !

Mme Christine Boutin.

Comment, à la sauvette ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Cela fait neuf mois qu'il a été voté par les sénateurs !

M. René André.

Vous auriez mieux fait de préparer le vôtre avant d'employer des mots pareils !

M. François Patriat.

... ne serait jamais qu'une victoire à la Pyrrhus et n'arrangerait en tout cas pas les affaires de la chasse. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Ce ne sont pas des arguments sérieux !

M. François Patriat.

J'émets les arguments que je veux, mon cher collègue, comme vous ceux que vous voudrez, et je ne vous interromprai pas !

M. Michel Meylan.

Surtout pour dire des choses pareilles !

M. François Patriat.

Quels sont les arguments qui poussent à ne pas adopter ce texte ?

M. Michel Meylan.

Ce n'est pas le vôtre ! Là est la vraie question !

M. Guy Hascoët.

Mais enfin, laissez-le parler !

M. François Patriat.

Le premier, monsieur Meylan, a tout simplement trait à l'opportunité. Pour ma part en tout cas, je n'ai pas vocation à toujours voter dans l'urgence et sous la pression. J'en dirai un mot lors des explications de vote.

M. Michel Meylan.

Vous avez pourtant l'habitude de l'urgence ! Voilà deux ans que cela dure !

M. François Patriat.

Et si demain nous devons légiférer sur la chasse de nuit et sur la loi Verdeille, nous serons bien obligés de reprendre ces deux éléments en les replaçant dans le contexte global de la chasse.

Deuxièmement, derrière le mot chasse, il y a les mots responsabilité, sécurité, gestion, prélèvement. Or je ne retrouve rien dans cette proposition qui réponde aux attentes des Français, qu'ils soient chasseurs ou nonchasseurs, auxquelles un Parlement responsable se doit de répondre à travers une vraie loi. (Très bien ! sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Patriat.

Or c'est justement le mérite de ce gouvernement, monsieur de Courson, que d'avoir voulu prendre le problème à bras-le-corps, le traiter dans son ensemble, le dépassionner et faire en sorte que, en temps voulu, une loi digne de ce nom soit votée par l'Assemblée nationale. (« On verra ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le texte que vous nous proposez date du mois de juin. Depuis lors, le Gouvernement a affiché ses priorités et sa volonté de dialoguer et de légifé rer tout à la fois dans la paix et dans l'efficacité. Celle détermination, il l'a montrée d'abord en demandant le rapport que j'ai remis au Premier ministre, ensuite en le prenant en compte dans le projet en préparation. Nul ne saurait prétendre que ce texte soit parfait et qu'il n'ait pas besoin d'être amendé ; nous avons un mois pour le faire et c'est ce que nous ferons.

Mais, en l'état actuel des choses, je considère qu'un texe voté au Sénat avant même que le Gouvernement ait pris sa décision et engagé la concertation, est nul, non


page précédente page 01055page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

avenu et ne saurait répondre aux attentes. (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Meylan.

C'est vous qui êtes nul !

M. René André.

Quelle conception de la démocratie !

Mme Christine Boutin.

Merci pour le Sénat !

M. François Patriat.

Ensuite, monsieur de Courson, s'il devient effectivement nécessaire de légiférer sur la loi Verdeille, convenez avec moi que si les chasseurs peuvent revendiquer à juste raison le droit de propriété pour maintenir le droit de chasse, les non-chasseurs peuvent en faire tout autant pour défendre leur droit de non-chasse...

M. Charles de Courson, rapporteur.

Mais c'est ce que j'ai fait !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est ce qu'il a dit !

M. François Patriat.

La propriété n'est pas à sens unique. Il faut aller au-delà en parlant également des droits et des devoirs des propriétaires non chasseurs, ce que vous n'avez pas fait.

S'agissant plus précisément de la chasse de nuit, je maintiens que votre proposition n'est en rien satisfaisante.

Elle ne saurait répondre aux objectifs visés en légalisant une chasse de nuit dans quarante-trois départements dont certains ne comptent pas dix huttes, où il n'existe pas de tradition remontant à plus de quelques années ; à supporter même qu'une tradition y existe, ce serait parfaitement démagogique.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est faux !

M. François Patriat.

Ce n'est pas ce qu'attend le monde de la chasse, ce n'est pas ce que disent les directeurs départementaux de l'agriculture, ce n'est pas ce que disent les responsables. Quelle est la tradition de chasse de nuit dans l'Aveyron, chers collègues, ou encore en Haute-Saône ? Il n'y en a pas !

M. René André.

Parlons de la Manche !

M. Jean-Luc Warsmann.

Et des Ardennes !

M. François Patriat.

Dès lors, comment pouvez-vous vous appuyer sur une prétendue tradition de plus de cent ans dans ces territoires pour légiférer en la matière ? En conclusion, voter ce texte de loi serait rendre un mauvais service à la chasse.

Mme Christine Boutin.

Les chasseurs apprécieront !

M. François Patriat.

Un mauvais service, dis-je, car ce texte voté en l'état, dans la précipitation, occulterait les vrais problèmes de société qui se posent aujourd'hui. Ce que le groupe socialiste et la majorité entendent défendre, c'est la chasse, toutes les chasses, dans des formes qu'il nous reste à déterminer. Or votre proposition fait fi de la réalité de la chasse, de la chasse de nuit en particulier, et n e tient aucun compte du droit à l'objection de conscience (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Si elle était adoptée, elle recréerait de nouveaux contentieux, durcirait le conflit et irait à l'encontre de la volonté d'apaisement que nous affichons. C'est la raison pour laquelle j'invite mes collègues à refuser ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en refusant d'examiner, en commission de la production et des échanges, la proposition de loi portant sur les diverses mesures d'urgence relatives à la chasse, la majorité plurielle nous montre une fois de plus l'esprit partisan dont elle fait preuve sur la question de la chasse de nuit.

La proposition de loi de notre collègue Charles de Courson visait pourtant, avec beaucoup de bon sens et de mesure, à supprimer le « grand méchant flou » réglementaire qui menace l'avenir de cette pratique très ancienne. Alors même que beaucoup dans vos rangs partagent les vues de l'opposition sur ce sujet, vous préférez user et abuser du règlement de l'Assemblée nationale en déposant une motion de procédure, sous le prétexte que le Gouvernement devrait faire venir en discussion à l'Assemblée nationale, les 28 et 29 mars prochain, un projet de loi relatif à la chasse dans sa globalité.

Je note d'ailleurs que ce projet issu du rapport Patriat ne semble pas faire l'unanimité, ni chez les amis de Mme Voynet ni chez les chasseurs. Ainsi, l'association pour la protection des animaux sauvages estime que « ce projet ne règle aucun problème » et que le gouvernement Jospin va réussir « à se mettre à dos et les chasseurs et les écologistes ».

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Didier Quentin.

Qui plus est, beaucoup au sein même de votre propre majorité ont estimé que, en l'état, ce projet de loi n'était pas votable ! Si le texte gouvernemental vise à mettre la législation française en conformité avec le droit européen, la proposition de loi que vous vous refusez ce matin à examiner y p articipe tout autant et permettrait, par un vote conforme à celui du Sénat, de régler immédiatement le lancinant problème de la chasse de nuit.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

M. Didier Quentin.

J'avais d'ailleurs, avec mes collègues Patrice Martin-Lalande et Yves Fromion, déposé en juin 1999 une proposition de loi en des termes identiques, que le Gouvernement n'avait pas jugé bon d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est regrettable !

M. Didier Quentin.

Hier comme aujourd'hui, il s'agissait d'assurer un déroulement harmonieux de la prochaine saison de chasse au gibier d'eau dans les départements où cette pratique est coutumière et de préciser les limites dans lesquelles pourra s'exercer la chasse à la hutte, à la tonne, à la passée et au gabion.

Au vu et au su de tous, la chasse du gibier d'eau la n uit bénéficie d'une tolérance depuis bientôt cent soixante ans.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Didier Quentin.

Cette chasse a déjà fait l'objet de plusieur projets ou propositions de lois, de piles de circulaires et d'une jurisprudence toute en nuances. Elle rassemble plus de 200 000 adeptes assidus et passionnés, ainsi que des occasionnels, plus nombreux encore, désireux de découvrir et de partager cette pratique cynégétique bien particulière. Elle compte 9 000 à 10 000 installations et tout autant de mares, de huttes, de marais, de roselières, de prairies humides entretenues et préservées.

Tel est le bilan qu'il faut aujourd'hui dresser de ce mode de chasse, enraciné comme aucun autre dans les régions où cet usage est immémorial.


page précédente page 01056page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Pourtant se pose encore la question de sa reconnaissance et de sa légalisation, réactualisée le 7 avril 1999 par un arrêt du Conseil d'Etat sur les heures crépusculaires, telles que définies par une circulaire de l'Office national de la chasse, vieille de vingt-deux ans et compilée avec d'autres le 31 juillet 1996. Il revient désormais au législateur de trouver une solution pérenne et d'éteindre le feu qui couve dans nos campagnes, nos marais et le long de nos littoraux.

Le problème de la légalité de la chasse de nuit se pose en fait depuis 1844. En effet, le législateur de cette époque n'avait pas voulu, en instaurant le principe général de la prohibition de la chasse de nuit, faire la moindre exception, tout en reconnaissant, dans le même temps, la nécessité de laisser aux préfets le soin d'en régler l'usage local en ce qui concerne la chasse du gibier d'eau. Il appartient au législateur de l'an 2000 de parachever l'oeuvre commencée voilà cent cinquante-six ans.

La considération particulière accordée à ce mode de chasse a conduit à la naissance et à l'existence inconstestable de ce que chacun appelle communément aujourd'hui - y compris ceux qui s'y opposent dans leurs programmes - une « tolérance ». L'intérêt de maintenir cette pratique cynégétique particulière et de préserver la tolérance dont elle bénéficie s'est traduit par de nombreuses circulaires, notamment celle du 31 juillet 1996. Cette logique et cette constance de l'administration à encadrer la tolérance de la chasse du gibier d'eau la nuit ont même conduit en 1981 au recensement des installations concernées. L'administration a ainsi largement contribué au maintien de cette chasse, à son encadrement et à la consolidation de sa tolérance. Par le ce fait même, les verbalisations sont restées très rares et, par voie de conséquence, la jurisprudence en la matière relativement pauvre. Cette tolérance était bien ancrée, car elle avait supplanté la volonté du législateur.

Or, ainsi que je l'ai rappelé, le Conseil d'Etat, par un arrêt du 7 avril 1999, a annulé une circulaire du 31 juillet 1996 de l'Office national de la chasse, qui, à titre dérogatoire, autorisait à chasser de nuit et notamment à pratiquer la chasse à la tonne et à la passée.

Le Conseil d'Etat a, en l'espèce, comme c'est sa mission, rappelé le droit en soulignant que les premières lueurs du jour comme les derniers éclats du soleil ne peuvent être définis par la règle des deux heures avant et des deux heures après qui, inévitablement, à certaines périodes de l'année, empiètent sur une partie de la nuit, ce qui va à l'encontre de la prohibition générale instaurée par l'article 9 de la loi du 3 mai 1884. Dès lors, seul le législateur peut désormais intervenir.

Cette position du Conseil d'Etat était d'autant plus prévisible que, pas plus le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement que la direction de la nature et des paysages, n'ont soutenu ni cherché à expliquer et à justifier la teneur de ce texte, pourtant empreint du plus grand bon sens et animé du souci de faciliter l'adaptation de la réglementation à des traditions existantes et à des usages coutumiers.

M. Patrice Martin-Lalande.

Le Conseil d'Etat a malheureusement raison !

M. Didier Quentin.

La seule tolérance ayant montré ces limites, il importe donc, et de toute urgence, de légaliser cette pratique.

L'officialisation de la chasse au gibier d'eau la nuit se justifie à de nombreux titres.

Cette pratique tient compte du comportement des oiseaux et de leur activité nocturne qui découle de leur cycle biologique. L'essentiel des migrations se fait la nuit.

Les déplacements quotidiens pour le gagnage - l'alimentation - se font le soir et le matin. Ils rythment la pratique de la passée et, avec l'heure de la marée, marquent les temps forts de la nuit de chasse à la hutte.

Ces aspects biologiques ont très vite conduit les chasseurs de gibier d'eau à jouer un rôle écologique majeur dans l'entretien, la préservation et la conservation des zones humides, en particulier dans mon département de la Charente-Maritime.

C'est grâce à la pratique de ces modes particuliers de chasse de nuit que nos oiseaux d'eau peuvent encore trouver aujourd'hui sur le territoire français de superbes zones d'accueil dont certaines, d'ailleurs, ont été mises en réserve et n'auraient pu l'être sans cette fonction écologique fondamentale.

A ce titre, la législation de la chasse de nuit sera l'une des mesures les plus efficaces et les plus déterminantes pour la conservation des habitats des oiseaux d'eau, sans engagement des finances de l'Etat, ce qui n'est pas négligeable et est à l'opposé des pratiques budgétivores de certains...

M. Patrice Martin-Lalande.

Très juste ! Mais cela, ils ne veulent pas le voir !

M. Didier Quentin.

L'aspect social de cette chasse est un autre argument qui plaide en faveur de sa législation.

A l'opposé d'une organisation cynégétique élitiste, qui ne concernerait qu'une prétendue « vraie » chasse et qu'une poignée de prétendus « vrais » chasseurs, la régularisation de la pratique de la chasse à la tonne et à la passée préserve la chasse la plus populaire et la plus démocratique qui soit, notamment sur le domaine public maritime.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Prendre une autre voie serait un revirement discriminatoire, en totale contradiction avec les motivations du législateur qui a réorganisé, avec succès, toute la chasse maritime en 1968.

Enfin, cette chasse revêt un aspect économique non négligeable, sans parler de son réel impact sur l'aménagem ent du territoire. Plus de 9 000 installations en d omaine terrestre verraient leur valeur immobilière s'effondrer si la chasse de nuit n'était pas légalisée et si on la remettait en cause.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est également vrai !

M. Didier Quentin.

Légaliser la pratique de la chasse au gibier d'eau la nuit impose aussi de s'assurer de sa cohérence avec le droit communautaire que nous devons bien évidemment respecter. Il faut d'abord savoir que, outre la France, au moins cinq Etats de l'Union européenne pratiquent la chasse de nuit du gibier d'eau : la Belgique, l'Espagne, la Finlande, l'Irlande et le Royaume-Uni.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait ! M. Didier Quentin. En effet, contrairement à ce qui est souvent affirmé, aucun texte européen n'interdit la chasse de nuit. La directive 79-409 sur la conservation des oiseaux va même jusqu'à l'autoriser en indiquant les limites à laquelle celle-ci est tenue. Par la prohibition de certains dispositifs de chasse, la directive européenne autorise, dans son annexe IV, sans la moindre ambiguïté, le tir de nuit et conséquemment la chasse de nuit, selon un cadre juridique strict et précis.


page précédente page 01057page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Par ailleurs, le critère de non-sélectivité avancé par certains ne peut pas être retenu ou opposé en ce qui concerne la chasse de nuit au gibier d'eau à la hutte, qui demeure l'une des plus sélectives qui soient.

On peut donc légitimement s'interroger sur la volonté de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement de sortir la chasse de nuit de l'impasse dans laquelle celle-ci se trouve, faute d'une législation claire et cohérente, telle que celle qui nous est proposée par le texte de Charles de Courson.

Cette proposition de loi a enfin le grand mérite de tenter de mettre un terme aux contentieux résultant de l'application de la loi Verdeille.

Il n'est nullement question de remettre en cause l'une des libertés fondamentales : le droit de propriété. On peut admettre un droit de non-chasse sans pour autant négliger l'intérêt général qui impose d'entretenir les parcelles. Les propriétaires refusant la chasse sur leur territoire seraient alors responsables des dégâts causés par le gibier provenant de leurs parcelles. Ils seraient également tenus d'apposer une signalisation pour délimiter leur propriété par des pancartes.

Dans cet esprit, j'ai d'ailleurs déposé une proposition de loi visant à réformer l'indemnisation des dégâts causés par le gibier, en confiant la gestion de cette indemnisation aux fédérations départementales des chasseurs. Je ne manquerai pas, sur cette question, d'amender votre projet de loi, lors de la discussion des 28 et 29 mars prochain.

La proposition de loi de M. de Courson réaffirme par ailleurs, et à juste titre, le rôle des associations communales de chasse agréées, qui restent un lieu privilégié de concertation entre propriétaires, chasseurs et élus locaux.

Les ACCA jouent même, en tant qu'associations, un rôle social non négligeable et demeurent souvent le dernier trait d'union entre les populations des communes rurales. Il y a là un enjeu à ne pas sous-estimer pour l'aménagement durable de nos territoires ruraux et pour la lutte contre la désertification, auxquels vous êtes sans doute, madame la ministre, comme nous-mêmes, très attachée.

Ainsi, grâce à un vote conforme de cette proposition de loi qui a déjà recueilli l'unanimité du Sénat en juin dernier...

M. François Patriat.

C'est-à-dire au siècle dernier ! En somme, vous retardez d'un siècle !

M. Didier Quentin.

... nous avons aujourd'hui la possibilité de légaliser la pratique de la chasse de nuit tout en reconnaissant le droit de non-chasse. C'est pourquoi le groupe RPR a la ferme intention de voter cette proposition de loi, sans attendre l'aboutissement d'une réforme législative plus globale de la chasse, d'autant que les débats dureront à n'en pas douter très longtemps et que le projet gouvernemental n'offre malheureusement aucune garantie pour la pérennité de la chasse de nuit.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il a raison ! M. René André. Patriat dit la même chose ! M. François Patriat. Je ne vote pas sous la pression, moi ! M. Franck Dhersin. Ça change ! M. Didier Quentin. Votre projet de loi, madame la ministre, envisage seulement un « sursis » de cinq ans pour ce type de chasse traditionnelle, sans même fixer les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau. N'est-ce pas là un dernier sursis avant la condamnation définitive ? En refusant ce matin d'examiner cette proposition de loi, vous perdez une occasion de calmer les esprits et d'aborder avec sérénité un toilettage plus large du livre II du code rural, consacré à la chasse.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est bien dommage ! M. Didier Quentin. Une telle attitude, qui reflète bien les déchirements et les tiraillements...

M. Patrice Martin-Lalande. Les incohérences, plutôt ! M. Didier Quentin. ... de la majorité plurielle sur cette question, sera difficilement comprise par les très nombreux chasseurs, pourtant prêts à relever le défi de la responsabilité et à prendre le pari de l'apaisement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà donc réunis pour examiner, dans le cadre d'une « niche » - le vocabulaire parlementaire a parfois de ces ironies -, la proposition de loi adoptée par le Sénat et portant diverses mesures d'urgence relative à la chasse.

C'est un sujet sur lequel nous n'aurons pas travaillé sans matière : un rapport parlementaire, une proposition de loi, un projet de loi, une directive européenne, quelques manifestations au ton bien peu serein et bien peu respectueux de nos institutions, plus quelques milliers de lettres pour défendre telle ou telle position.

Je vais, pour ma part, en défendre deux, très simple.

Ma première question sera de vous et de nous demander l'utilité qu'il y aurait à se prononcer sur un texte de deux articles traitant d'un sujet débattu dans le pays, de problèmes multiformes appelant plusieurs réponses, alors que, dans quelques semaines, le Gouvernement soumettra à notre appréciation un texte d'orientation plus long, plus difficile à débattre, certes, mais qui, au total, pour peu que chacun y mette du sien, peut déboucher sur une nouvelle et bonne législation.

M. Alain Tourret et Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Très bien !

M. Gérard Charasse.

Les articles du texte que nous évoquons aujourd'hui ne se retrouvent-ils pas dans le projet du Gouvernement ? L'article 1er de la proposition que nous examinons peut être mis en concordance avec les articles 11 et 12 du projet à venir, de la même manière que l'article 2 est tout entier contenu et précisé par l'article 6 du texte qui nous sera bientôt soumis.

J'ajoute sur ce point que, à comparer les deux textes, il me semble plus logique d'évoquer des modifications substantielles de notre droit dans un contexte qui amènera à revoir sa portée globale, dans le cadre d'un texte d'ensemble, plutôt qu'aujourd'hui, au détour de deux dispositions isolées sur la chasse de nuit et le droit de nonchasse, qui devront nécessairement être revues avant même de pouvoir être appliquées.

Mon second point a trait à la hiérarchie des normes.

La France appartient à l'Union européenne - qui contestera ici ce choix politique ? Elle a ratifié des traités et se plie donc à un droit qui n'a rien d'un droit d'exception, puisqu'il est voté par nos représentants au Parlement européen, lesquels sont élus au suffrage universel. Dans ce cadre législatif international et communautaire, des décisions ont été prises. La directive 79/409 du 2 avril 1979


page précédente page 01058page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

en est une. De plus récentes, traitant de sujets connexes, ont même parfois recueilli, parmi les représentants français, les votes les plus inattendus.

Nous devons donc nous soumettre à ce droit et la France ne doit pas manquer à sa parole. Nous avons pour mission de rechercher l'équilibre législatif qui nous permettra de conjuguer au plus juste l'envie qu'éprouvent certains de nos compatriotes de faire vivre telle ou telle tradition et le droit commun auquel un Etat ne peut déroger. Cette synthèse est possible. A cet égard, le rapport de notre collègue Patriat et le texte à venir du Gouvernement font preuve de responsabilité.

M. François Patriat.

Merci !

M. Gérard Charasse.

Telles sont, mes chers collègues, les deux raisons pour lesquelles les radicaux de gauche ne voteront pas le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Hervé Morin.

Quel dommage !

M. le président.

La parole est à M. Antoine Carré.

M. Antoine Carré.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, la réglementation relative à l'organisation de la chasse en France fait l'objet de multiples contestations, tant au niveau national qu'à l'échelon européen, sur des thèmes aussi divers que les périodes de chasse du gibier d'eau, la chasse à la passée du gibier d'eau ou de nuit à partir de postes fixes, l'application de la loi Verdeille.

De façon plus immédiate, deux récentes décisions de justice fragilisent la réglementation de la chasse en France. Notre rapporteur les a exposées de manière très claire et brillante.

Ainsi, l'arrêt du Conseil d'Etat, qui juge la loi de 1998 incompatible avec l'objectif de la directive européenne de 1979 - la préservation des espèces - rend la chasse de nuit ou à la passée dépourvue de bases juridiques, alors qu'elle se pratique dans de nombreux départements.

Quant à l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme, il a considéré que, en imposant aux petits propriétaires non-chasseurs de faire apport de leurs terrains à une association communale de chasse agréée, la loi Verdeille portait atteinte de façon disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'association.

C'est pour permettre un déroulement harmonieux de la saison de chasse 1999-2000 que la proposition de loi que nous examinons a été adoptée à l'unanimité le 22 juin dernier par nos collègues sénateurs d'appartenance politique diverse et membres du groupe d'étude sur la chasse.

Ce texte prévoit deux mesures d'urgence : la première concerne la chasse de nuit du gibier d'eau ; la seconde, les règles constitutives des territoires de chasse gérés par les associations communales de chasse agréées.

La chasse de nuit du gibier d'eau dépend d'un régime juridique précaire et incertain, qui repose sur la coutume.

Le principe général est l'interdiction de chasser la nuit.

Cette prohibition tient essentiellement à des raisons de sécurité et de surveillance. Il existe néanmoins une tolé-r ance pour la chasse de nuit du gibier d'eau.

Jusqu'en 1989, s'est instauré un droit parallèle spécifique pour le domaine public maritime incluant la pratique de la chasse en bateau ou à partir des huttes, hutteaux, tonnes et gabions. Ce droit parallèle s'est étendu de fait à toute la chasse au gibier d'eau, même si une réglementation exclusivement maritime trouve difficilement à s'appliquer s'agissant des postes fixes installés sur le domaine terrestre.

En ce qui concerne la chasse au gibier d'eau à la passée, notamment aux heures crépusculaires, la circulaire du 31 juillet 1996 retient la période « en deçà des deux heures avant le lever du soleil et au-delà des deux heures après son coucher ». Quant à la chasse à la hutte, au hutteau, à la tonne ou au gabion, elle est reconnue comme constituant un usage local et, à ce titre, est autorisée dans quarante-deux départements métropolitains.

Au niveau européen, parmi les quinze pays de l'Union, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la Finlande, l'Irlande et le Royaume-Uni interdisent la chasse de nuit mais autorisent des exceptions pour la chasse au gibier d'eau.

La directive européenne de 1979 relative à la conservation des oiseaux sauvages ne contient pas de dispositions spécifiques relatives à la chasse de nuit. Son article 8, relatif à la chasse ou à la capture d'oiseaux, interdit tous les moyens ou méthodes « de capture ou de mise à mort massive ou non sélective », comme les dispositifs de lumière artificielle ou qui éclairent les cibles. Il ne s'agit donc pas d'une interdiction expresse et généralisée de la chasse de nuit, mais plutôt de la condamnation d'un certain nombre de procédés prohibés lorsque la chasse de nuit est pratiquée.

M. Marc Laffineur.

Il a raison !

M. Antoine Carré.

Il est vrai que la Commission européenne soutient une position restrictive d'ensemble à l'encontre de la chasse de nuit en se fondant sur l'application du critère de non-sélectivité. Rappelant que l'article 7 de la directive dispose que la pratique de la chasse doit respecter un objectif de « régulation équilibrée » et de c onservation des espèces d'oiseaux concernées, la Commission européenne souligne que, en raison de son absence de sélectivité, la pratique de la chasse de nuit n'est en principe pas compatible avec les objectifs défendus par la directive.

Mais ce critère ne trouve pas à s'appliquer dans le cas de la chasse du gibier d'eau à la passée ou pratiquée de nuit à partir d'un poste fixe. L'expérience montre en effet que, du fait de leurs connaissances sur l'avifaune, les chasseurs qui pratiquent ce type de chasse sont capables d'identifier « leur gibier et de faire la distinction entre espèces chassables et non chassables ».

L'arrêt du Conseil d'Etat du 7 avril 1999, qui a annulé, pour excès de pouvoir, les dispositions de l'instruction du 31 juillet 1996 relative aux dispositions applicables à la police de la chasse au gibier d'eau, amène à considérer que la pratique de la chasse de nuit ou à la passée du gibier d'eau est désormais dépourvue de base juridique.

C'est pourquoi il est nécessaire de reconnaître légalement la chasse de nuit ou à la passée du gibier d'eau. Tel est l'objet de l'article 1er de la proposition de loi, qui vient compléter l'article L.

224-4 du code rural en autorisant expressément la chasse du gibier d'eau à la passée deux heures après le coucher du soleil et deux heures avant son lever, ainsi que la chasse de nuit à la hutte, au hutteau, à la tonne ou au gabion dans les quarante-deux départements où ce mode de chasse se pratique traditionnellement.

Cet article instaure également deux obligations. Il impose la déclaration en mairie, contre délivrance d'un récépissé, de toutes les installations à partir desquelles la chasse de nuit est autorisée, procédure qui devrait faciliter la mise à jour régulière du recensement des installations effectué par l'administration. Par ailleurs, il prescrit la tenue d'un carnet de prélèvement où seront inscrits les tableaux réalisés pendant ces chasses de nuit, de manière


page précédente page 01059page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

à mesurer l'impact effectif de ce mode de chasse sur le capital cynégétique recensé dans les territoires concernés.

Cette mesure s'inscrit dans les objectifs de la directive européenne qui vise à assurer un niveau suffisant de conservation des espèces.

Une autre source de différend est la remise en cause de la loi Verdeille qui prévoit la constitution, au sein de la commune ou au niveau intercommunal, d'une association de type loi de 1901, une ACCA. Cette association regroupe l'ensemble des chasseurs de la commune et l'ensemble des propriétaires, chasseurs ou non, qui font obligatoirement apport de leur droit de chasse à ladite association dès lors que leur terrain est d'une superficie inférieure à un minimum variant de vingt à soixante hectares. Le but poursuivi par la loi est de protéger le droit des chasseurs locaux en assurant le regroupement des territoires en vue de leur meilleure gestion.

Cette loi n'est pas, cependant, sans mériter quelques reproches. En particulier, elle n'opère aucune distinction entre les propriétaires chasseurs ou non chasseurs qui sont tenus de faire apport de leurs terrains. Ainsi, certaines associations, certains particuliers, opposants de conscience à la chasse, se sont vus contraints d'accepter chez eux le passage des chasseurs. L'évolution rapide de l'opinion publique sur ce sujet et la crispation des comportements au niveau local, tant parmi les opposants que chez les chasseurs, n'a pas permis de dégager de solution de compromis.

L'arrêt de la Cour européenne évoque l'atteinte au droit de propriété, l'atteinte à la liberté d'association pré vue à l'article 11 de la Convention, ainsi que l'existence d'une discrimation fondée sur la différence de traitement entre les petits et les grands propriétaires, contraire à l'article 14 de la Convention.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui reconnaît, dans son article 2, un droit d'opposition à la chasse. Il importe donc de prendre en compte les apirations légitimes des non-chasseurs, tout en évitant une remise en question généralisée du principe de l'apport de terrains institué par la loi Verdeille, qui aboutirait inévitablement à la multiplication de petits territoires de chasse. Ce morcellement serait, en effet, très préjudiciable à la bonne conservation du patrimoine cynégétique et à la protection de la faune en général. Cet article précise également que le propriétaire opposant à la chasse reste personnellement responsable des dégâts de gibier.

Il faut apporter aujourd'hui une solution rapide aux problèmes, certes ponctuels, que je viens d'évoquer. Cette proposition de loi est donc nécessaire, et le groupe Démocratie libérale et Indépendants la votera.

Mais, au-delà, le vote d'une loi d'orientation sur l'organisation générale de la chasse en France apparaît désormais indispensable. Elle aura pour objectif de dégager, à partir d'un consensus entre tous les partenaires concernés - chasseurs, protecteurs et usagers de la nature - un corps de principes rénové, réglementant l'exercice de la chasse.

Il sera probablement nécessaire, aussi, de réviser la directive européenne de 1979. La présidence française pourra nous en donner l'occasion dans quelques mois.

Mais pour cela, madame la ministre, il faudrait que vous vous impliquiez dans ce projet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti.

La chasse, tradition populaire, fait partie, en France et dans plusieurs pays d'Europe, d'un patrimoine culturel ancestral. En ce sens, elle représente une pratique démocratique.

Elle est perçue chez nous comme un acquis culturel, héritage de la Révolution française de 1789, impliquant un droit de chasse inaliénable et déterminant, car participant à la préservation de l'espace rural. Cet espace rural nécessite aujourd'hui une attention croissante pour que l'accès à la nature, sous diverses formes, soit garanti dans le respect des équilibres écologiques.

Depuis des décennies, les chasseurs ont appris à chasser selon les règles strictes intégrant notamment une gestion raisonnable des espèces. Pour cela, ils ont consenti des efforts considérables, notamment en matière de réduction du temps de chasse.

Chacun sait que, depuis l'adoption à Bruxelles de la directive du 2 avril 1979, approuvée par le gouvernement de M. Barre et par son ministre des affaires étrangères, Jean François-Poncet et entérinée par tous les députés f rançais du Parlement européen, à l'exception des communistes, ...

M. Jean-Claude Lefort.

C'est vrai !

M. François Liberti.

... les menaces pèsent pour restreindre et, au final, interdire la chasse.

M. Jean-Claude Lefort.

Pan !

M. François Liberti.

Le débat qui se développe depuis plusieurs années en est la preuve : nous avons l'impérieuse nécessité d'agir tous ensemble, chasseurs et non-chasseurs, pour une protection efficace des chasses populaires et traditionnelles et de l'environnement, y compris en prenant en compte le droit de non-chasse. La nature n'appartient pas plus aux uns qu'aux autres.

Si nous sommes tous responsables, nous avons les mêmes devoirs, mais aussi les mêmes droits. Il serait mal venu d'avoir une image sélective et négative du chasseur ; c'est un utilisateur de la nature au même titre que les autres. Je serais presque tenté de dire : qui a le plus intérêt à protéger la nature, la flore et la faune, sinon le chasseur lui-même ? Nous partageons un bien commun, que nous devons gérer ensemble. Et c'est pourquoi la pratique de la chasse incite le chasseur à s'impliquer toujours plus, car son activité ne peut exister que dans un environnement vivant.

Or, aujourd'hui, cet environnement est mis à mal par des développements anarchiques, qu'ils soient industriels, agricoles, économiques ou urbains, ne répondant qu'à des logiques financières et de spéculation foncière, dont les répercussions sont parfois plus profondes dans le temps et l'espace que la simple activité cynégétique.

La catastrophe écologique occasionnée par le naufrage de l' Erika est un douloureux exemple. Des chiffres ont été avancés : près de 500 000 oiseaux mazoutés et des kilomètres de plage souillés, des conséquences incommensurables pour les fonds marins, la pêche, la conchyliculture et le tourisme.

Il faut agir plus efficacement sur les véritables responsables, ceux qui, sous pavillon de complaisance et au nom de la course aux profits, bradent la sécurité, l'emploi, la protection de l'environnement. Faut-il, pour autant, interdire tout transport maritime de matières dangereuses ? Je ne le pense pas. Il faut réglementer, encadrer, protéger. Il faut sutout éliminer les causes fondamentales, financières, qui engendrent les désastres écologiques.


page précédente page 01060page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Pour en revenir à l'objet du débat qui nous occupe, c'est dans le texte de la directive européenne que se trouve l'origine du principal contentieux entre les tribunaux et le monde de la chasse, à savoir la date de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs.

Ce texte définit des grands principes et non pas des dates obligatoires d'ouverture et de fermeture. Il laisse les

Etats fixer eux-mêmes les règles sur la base de rapports scientifiques. Tous les pays membres de l'Union européenne l'ont fait, obtenant au passage des dérogations consensuelles, pour prendre en compte les pratiques de chasse traditionnelle propres à chaque Etat.

En ce domaine, la France a quelque peu traîné les p ieds. Du coup, dans un double arrêt rendu le 3 décembre dernier, le Conseil d'Etat a estimé que les lois de 1994 et de 1998, qui fixent l'ouverture de la chasse aux oiseaux migrateurs au « troisième samedi de juillet » et sa fermeture au 28 février, étaient dans leur quasi-totalité incompatibles avec la directive communautaire.

Deux autres décisions juridictionnelles d'avril 1999, l'une du Conseil d'Etat, l'autre de la Cour européenne des droits de l'homme, avaient condamné certaines de nos règles de chasse. Déjà condamnée par la Cour de justice européenne le 27 avril 1988, la France se doit de mettre la législation en conformité avec le droit communautaire.

C'est l'objet du projet de loi sur la chasse, présenté en Conseil des ministres la semaine dernière et dont nous aurons l'occasion de débattre dans notre hémicycle en mars prochain.

Je regrette, pour ma part et au nom du groupe communiste, que la France ait tant tardé à chercher à sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouve depuis des années.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. François Liberti.

Les parlementaires communistes et apparentés, après avoir déposé plusieurs propositions de loi tendant à légiférer sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, en tendant à légaliser la chasse de nuit dans les quarante-deux départements pratiquant une chasse traditionnelle reconnue, ont toujours été à l'écoute des chasseurs.

Dernièrement, par mesure d'urgence, avec mes amis et collègues Maxime Gremetz et Alain Bocquet, président de notre groupe, considérant qu'une fermeture de la chasse au gibier d'eau, anticipée au 31 janvier, rendait de l égitimes pratiques cynégétiques totalement illégales durant le mois de février, nous avons, dans un souci d'apaisement, demandé au Premier ministre et à Mme la ministre de la justice et garde des sceaux la mise en place d'un moratoire sur les dates de fermeture.

Aujourd'hui, nous sommes en présence d'une proposition de loi qui reprend un texte déjà voté par le Sénat à l'unanimité, portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse.

M. Jean-Luc Warsmann.

A l'unanimité, en effet !

M. François Liberti.

Cette proposition de loi n'est qu'une partie de la réponse à la situation actuelle.

M. Didier Quentin.

Une bonne partie !

M. François Liberti.

Il convient de trouver une solution plus globale, afin d'éviter que la France ne soit dans l'illégalité par rapport au droit européen, comme il convient qu'elle prenne l'initiative de négociations européennes sur l'interprétation de la directive du 2 avril 1979.

La chasse de nuit au gibier d'eau est traditionnelle, pratiquée depuis de nombreuses décennies dans le respect de la nature et de la sauvegarde des zones humides, initiée par les sociétés de chasse maritime. Sa légalisation nous paraît en mesure d'éviter que cette tolérance séculaire ne soit remise en cause.

Quant aux ACCA, leur utilité est largement prouvée dans la gestion des espèces. Néanmoins, la Cour européenne a estimé que la loi Verdeille portait atteinte tant a u droit de propriété qu'à la liberté d'association.

L'article 2 prend en compte cette condamnation de la France et aménage la loi dans le souci de répondre aux aspirations légitimes des non-chasseurs tout en évitant que le principe de la loi ne soit remis en question Le texte qui nous est soumis aujourd'hui permet d'enrichir notre réflexion et d'alimenter un débat qui doit aujourd'hui dépasser tous les conflits et échapper à l'instrumentalisation politique extrême à laquelle nous assistons depuis des mois et qui ne fait qu'alimenter un fonds de commerce électoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Il faut apporter des solutions durables pour que la chasse traditionnelle puisse continuer d'exister légalement.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. François Liberti.

Comme dans tout débat, il y a toujours le texte et le contexte. Le texte on le connaît. Le c ontexte, c'est la situation conflictuelle qui, hélas ! demeure, et c'est la venue prochaine en discussion du texte du Gouvernement.

Ce projet de loi couvre un champ plus large que la présente proposition. C'est dans ce cadre que nous débattrons de l'ensemble des problèmes. Cela s'impose d'autant plus que le projet qui a été adopté en conseil des ministres n'est pas acceptable en l'état ; il est même en retrait sur le rapport Patriat sur un certain nombre de points.

(« Eh oui ! » sur divers bancs.)

M. François Asensi.

C'est vrai !

M. François Liberti.

Le texte du Gouvernement devra donc être fortement amendé pour que la loi chasse soit une bonne loi.

Je conclurai mon propos par une question qui s'adresse à Mme la ministre et au Gouvernement tout entier (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) : le projet de loi légalisera-t-il la chasse de nuit au gibier d'eau et la chasse à la passée dans tous les départements où elle est pratiquée de manière traditionnelle ?

M. François Deluga.

Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann.

Bonne question !

M. François Liberti.

C'est en fonction de la réponse qui sera apportée à cette question que le groupe communiste déterminera sa position.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste. - « Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue du groupe communiste vient de présenter d'excellentes observations et nous les partageons. Nous souhaitons que, dans quelques instants, lui et son groupe en tirent une conclusion qui rejoigne la nôtre.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


page précédente page 01061page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. François Asensi.

Mais nous ne chassons pas ensemble !

M. François Patriat.

Curieux comme les communistes deviennent soudainement sympathiques à la droite !

M. Léonce Deprez.

Connaissant d'ailleurs l'ardeur manifestée par nos collègues communistes, pour défendre la chasse, notamment dans la Somme, nous ne doutons pas, nous, les inspirateurs de cette proposition de loi, que nous nous retrouverons.

En vérité, mes chers collègues, madame la ministre, il n'y a pas deux France dans cette assemblée. Le problème, c'est qu'il y a actuellement deux France en ce qui concerne la pratique de la chasse. Ce n'est pas tolérable.

Et voilà pourquoi Charles de Courson a fait observer qu'il y avait urgence. Et quand notre collègue parle, vous pouvez être assuré qu'il parle en connaissance de cause, en connaissance des textes.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. Léonce Deprez.

C'est pourquoi nous considérons qu'il est nécessaire de mettre fin au spectacle que l'on observe dans le Nord et que nous a révélé France 3, chaîne télévisuelle qui s'ouvre à la vie : d'un côté de l'Authie, on applique une réglementation ; de l'autre côté, une autre réglementation. Il n'est ni souhaitable ni normal de maintenir ainsi un état de non-droit dans un département par rapport à un autre département. En disant cela, nous exprimons une remarque de bon sens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Cette proposition de loi et ce débat illustrent parfaitement la réalité de certains faux conflits que certains entretiennent soigneusement. Le premier est entre la France et l'Europe. Cela a été dit, je ne reviens pas sur ce point.

Mais nous sommes de ceux qui disent dans cette assemblée et dans la rue : vive la France et vive l'Europe ! Cessons d'opposer, en matière de vie de tous les jours, en matière de sensibilité populaire, ceux qui veulent l'Europe et ceux qui veulent la continuité de la France. Il est essentiel de montrer que l'Europe n'a pas édicté de texte imposant de mettre un terme à l'exercice actuel du droit de chasse en France.

M. François Patriat.

Bien sûr que si !

M. Léonce Deprez.

Cela a été dit et il faut le répéter : aucune directive européenne ne s'oppose à l'exercice du droit de chasse !

M. François Patriat.

Que faites-vous de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes de 1994 ?

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Il ne l'a pas lu !

M. Léonce Deprez.

Quand on parle, au niveau européen, de l'interdiction de mises à mort massives, tous les chasseurs de gibier d'eau, tous les chasseurs aimant la nature sont d'accord, et ils respectent ce principe dans leur pratique de la chasse.

J'insiste aussi sur le fait que cette proposition de loi vous aidera, madame la ministre, dans votre action auprès de la Commission européenne pour qu'elle explicite mieux le principe de protection qu'elle entend faire respecter.

J'entendais tout à l'heure Mme Aubry expliquer, dans une des nombreuses interviews qu'elle accorde chaque semaine, qu'elle allait, avec ses homologues italien et belge, donner l'exemple en matière d'évolution sociale, montrer la nécessité de faire franchir un cap supplémentaire à la construction de l'Europe sociale. Eh bien, madame la ministre, vous avez là une occasion excellente de faire franchir à l'Europe environnementale un cap de plus. La présente proposition de loi permettra d'éclairer l es membres de la Commission européenne et les membres du Conseil des ministres et devrait les inciter à mieux expliciter le sens des directives européennes afin de faciliter le droit de chasse.

Un autre faux conflit a été révélé tout à l'heure par la réaction de nos collègues à certains propos de M. Patriat.

Il n'y a pas, monsieur Patriat, ici, à l'Assemblée - et il suffit de se retrouver en commission pour s'en rendre compte -, ceux qui sont pour l'environnement et ceux qui sont favorables à la chasse. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Patriat.

Je n'ai jamais dit cela !

M. Léonce Deprez.

Nous sommes à la fois pour la chasse et pour l'environnement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

On a parlé d'amour : eh bien, les premiers amoureux de la nature, ce sont ceux qui vivent à son contact.

M. Edouard Landrain.

Et ce ne sont pas les Parisiens !

M. Léonce Deprez.

Ceux qui vivent le plus au contact de la nature, ce sont ceux qui « couchent » avec elle, ceux qui dorment avec elle et qui passent des heures à la protéger, à la surveiller et à l'aimer !

M. François Patriat.

Si je comprends bien, les premiers amoureux des oiseaux, ce sont ceux qui les tuent ?

M. Léonce Deprez.

Il faut cesser de prétendre que, d'un côté, il y a les environnementalistes et, de l'autre, les chasseurs ! Nous sommes à la fois pour l'environnement et pour la chasse. Il suffit d'aller dans la baie de Canche, dans la baie de l'Authie,...

M. Maxime Gremetz.

Et dans la baie de Somme ! (« Ah ! » sur divers bancs.)

M. Léonce Deprez.

... et, bien sûr, dans la baie de Somme, pour se rendre compte que les élus qui siègent ici, quelle que soit leur tendance, ont intégré les zones humides dans les plans d'occupation des sols afin de les protéger. Et quels sont ceux qui nous ont incité à protéger les zones humides, sinon les amoureux de la chasse, et ceux de la chasse au gibier d'eau en particulier ?

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

N'importe quoi !

M. Léonce Deprez.

Telles sont les principales observations que je tenais à présenter en complément de celles de mes collègues. Comme vous tous, mes chers collègues, je ne fais là que mon devoir de député.

M. François Patriat.

Non, vous cédez à la pression !

M. Maurice Leroy.

C'est plutôt vous qui cédez à la pression !

M. François Patriat.

Vous, vous vous couchez !

M. René André.

Vous justifiez à l'avance vos reculs, monsieur Patriat !

M. Léon Deprez.

L'un d'entre nous a dit que le Parlement devait rester utile. Eh bien, le Parlement doit démontrer qu'il est l'expression d'une volonté politique.

Il s'agit d'exprimer, ici, une double volonté : une volonté politique de la part de ceux qui ont la responsabilité de gouverner et une volonté populaire. Et cette volonté


page précédente page 01062page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

populaire, nous en sommes l'expression ici. Il est nécessaire, mes chers collègues - et je m'adresse aussi bien à ceux d'entre vous qui siègent à droite qu'à ceux qui siègent à gauche -, de montrer que l'Assemblée nationale est l'expression de la volonté du peuple ! Et s'il y a une pression qui nous pousse à voter cette proposition de loi, c'est tout simplement celle du peuple et celle-là, elle est très saine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Vauchez.

M. André Vauchez.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous débattons, ce jour, à l'initiative du groupe UDF, d'une proposition de loi votée par le Sénat le 23 juin 1999.

M. Maurice Leroy.

Votée à l'unanimité !

M. André Vauchez.

En effet. Et cette initiative est parfaitement légale et respectable. Je dis « légale et respectable », puisque Mme Boutin n'est plus là.

Toutefois, force est de constater que cette initiative s'inscrit dans un contexte qui n'est pas celui de juin 1998, quand notre assemblée avait adopté - en toute hâte, il est vrai - un texte du Sénat pour partie semblable à celui qui nous est soumis et qui avait d'ailleurs été présenté, lui aussi, par le groupe UDF.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est de la persévérance !

M. André Vauchez.

Vous voyez qu'il n'y a pas de sectarisme !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Merci !

M. André Vauchez.

A cette époque, à la suite des décisions contradictoires des tribunaux administratifs sur les dates d'ouverture et de clôture de la chasse aux migrateurs, en application de la directive de 1979, il était devenu urgent de gagner du temps avant que le dossier chasse ne soit étudié dans sa globalité. D'ailleurs, les faits ultérieurs ont montré la complexité de la situation. En effet, le 23 avril 1999, la Cour européenne des droits de l'homme, saisie par les opposants de la chasse, faisait exploser - permettez-moi l'expression - la loi Verdeille de 1964 instituant les ACCA, selon trois motifs précis qui ont déjà été rappelés ici.

M. Maurice Leroy.

Votez l'article 2 !

M. André Vauchez.

Le 3 décembre 1999, le Conseil d'Etat, juridiction française, annulait les décisions du ministre de l'environnement relatives à la loi de juillet 1998 et confirmait la primauté du droit européen sur le droit national. Toutefois, on peut noter que douze

Etats membres de l'Union sur quinze bénéficient aujourd'hui d'une certaine souplesse pour ce qui est des dates d'ouverture et de clôture de la chasse sur leur territoire national, ce qui, on le comprend, conduit les chasseurs de notre pays à s'interroger.

De plus, un contentieux est latent dans nos campagnes quant à l'utilisation de l'espace naturel par les chasseurs et les autres usagers de la nature. En effet, la chasse souffre d'un lourd handicap : ce sport pour certains, cette passion pour d'autres, se pratique avec des armes qui peuvent s'avérer très dangereuses dans certains cas...

M. René André.

Surtout pour les canards ! (Sourires.)

M. André Vauchez.

... Je ne rappelle pas les statistiques - et dont le bruit même peut susciter des inquiétudes, voire provoquer des peurs chez les personnes qui sont peu habituées.

On voit ainsi, mes chers collègues, que toute nouvelle loi sur la chasse s'attacher à traiter, devra traiter et résoudre plusieurs questions : celle de la conformité de notre droit avec le droit européen relatif à la chasse aux oiseaux migrateurs ;...

M. François Patriat.

Très bien !

M. André Vauchez.

... celle de la vie de fédérations départementales ; celle de la modification des structures supérieures de la chasse en ce qui concerne les compétences et le suivi des espèces ; celle du respect de la propriété privée et du droit de non-chasse ; celle de la sécurité.

C'est un leurre de croire que l'on peut réformer la chasse à la faveur de la présentation de plusieurs propositions de loi.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Pourquoi ?

M. André Vauchez.

Le Gouvernement l'a bien compris, qui a confié en juillet 1999, à notre collègue et ami François Patriat le soin d'élaborer un rapport sur la chasse.

M. Jean-Paul Durieux.

Excellent rapport !

M. André Vauchez.

Ce document capital, équilibré,...

M. Maurice Leroy.

Et que Mme Voynet n'a pas repris !

M. André Vauchez.

... rédigé sans complaisance à l'égard des lobbies, quel que soit le côté où ils se situent, a servi de trame au projet de loi qui sera défendu dans quelques jours par Mme Dominique Voynet. Ce texte, perfectible bien entendu, a l'ambition de répondre globalement aux interrogations et aux attentes des Français sur la chasse, qu'ils soient ou non chasseurs.

Une fois de plus, le Gouvernement de Lionel Jospin a pris le temps de la concertation - mission Patriat -, et de la réflexion, laquelle se poursuit, pour élaborer un texte : c'est un projet cohérent sur l'ensemble du sujet qu'il soumettra démocratiquement au débat parlementaire.

M. René André.

Ce qui paraît tout de même la moindre des choses !

M. André Vauchez.

Certes, mais ce n'est pas ce que j'ai entendu tout à l'heure.

Nul doute que la future loi de 2000 sur la chasse fondera pour longtemps le droit en cette matière. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera le renvoi en commission de ce texte non urgent,...

M. Michel Meylan.

Le peuple jugera !

M. André Vauchez.

... partiel, et qui ne peut être extrait du contexte global de la chasse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. René André.

M. René André.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je présenterai deux observations.

La première est relative à la loi Verdeille. Bien entendu, nous sommes tous sur ces bancs attachés au droit de propriété et il va de soi que nous ne voyons aucun inconvénient à ce que le droit de non-chasse soit affirmé. Cependant, je ferai remarquer que ce droit de


page précédente page 01063page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

non-chasse doit être compatible avec celui du fermier de pouvoir continuer à chasser s'il le veut, droit qu'il a eu beaucoup de difficultés à obtenir par le passé et qui a été confirmé en 1945. Il convient donc que le fermier puisse, s'il le souhaite, continuer à pouvoir chasser.

M. François Patriat.

Personne ne le conteste !

M. René André.

Ensuite, il faut prendre garde à ce que la modification de la loi Verdeille ne soit pas l'occasion d'ouvrir la porte à un processus vidant de leur substance les associations communales. En effet, certains peuvent être tentés d'organiser le schéma suivant : au nom du droit de non-chasse, on retire les terres à l'association communale et puis, au bout d'un certain laps de temps, on reloue à une personne privée, organisant de la sorte un appauvrissement des associations communales, qui sont pourtant l'essence même de la chasse populaire à laquelle nous sommes les uns et les autres très attachés.

Ma deuxième observation concerne la chasse de nuit.

Madame la ministre, nous vous avons encore entendue dire la semaine dernière sur France Inter que vous n'aimez pas la chasse et les chasseurs. Et vous semblez détester tout particulièrement la chasse au gibier d'eau ainsi que les chasseurs qui la pratiquent. Vous avez tort car vous êtes animée par des a priori.

J'étais samedi soir, sans arme, au gabion dans la baie du Mont-Saint-Michel. Je ne connais pas de spectacle plus beau qu'un coucher de soleil - ou un lever de soleil avec en arrière-plan le Mont-Saint-Michel. Eh bien, ceux qui vont au gabion y vont autant pour la beauté du spectacle que pour y pratiquer l'art de la chasse, car c'est bien d'art qu'il s'agit.

M. Didier Quentin.

Très bien !

M. René André.

Ceux qui pratiquent la chasse au marais, ceux qui pratiquent la chasse maritime ne sont pas, madame, les ignares que vous vous plaisez à dépeindre. Bien peu, même parmi vos amis écologistes, connaissent l'avifaune comme eux. Personne n'a fait plus que les chasseurs de gibier d'eau pour la protection et l'extension des zones humides. Personne plus qu'eux n'est soucieux de la préservation et du renouvellement des espèces de gibier d'eau.

La passion antichasse qui vous anime vous conduit à émettre en permanence nombre de contrevérités. J'en reléverai deux qui me paraissent particulièrement choquantes.

Vous dites sans cesse que de nuit, à la tombée de la nuit ou au lever du jour, les chasseurs ne savent pas quelle espèce de gibier ils tirent.

M. Edouard Landrain.

C'est en effet un mauvais argument !

M. René André.

C'est une méconnaissance totale de cette pratique que de prétendre de telles choses.

Par ailleurs, vous êtes allée, jusqu'à affirmer la semaine dernière sur les ondes, à huit heures quinze, que la chasse au gabion ou à la hutte était motivée par un intérêt mercantile.

M. Hubert Grimault.

C'est scandaleux !

M. René André.

Cela m'a beaucoup choqué. Si l'objectivité m'oblige à reconnaître que certaines huttes peuvent se louer, il n'en demeure pas moins que la chasse au gabion, la chasse à la tonne est une chasse essentiellement populaire...

M. Bernard Davoine et M. Marc Dolez.

Très bien !

M. René André.

... où des amis, appartenant souvent à des milieux extrêmement modestes, se rassemblent pour pouvoir vivre leur passion dans la joie. Ce n'est nullement un problème mercantile, contrairement à ce que vous avez indiqué l'autre jour ! J'espère que vous rectifierez votre position sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Marc Dolez.

Très bien !

M. René André.

Mes chers collègues de la majorité plurielle, nombre d'entre vous disent haut et fort dans leurs circonscriptions, lors de réunions de chasse, qu'ils sont partisans de la légalisation - je parle bien de légalisation, c'est-à-dire d'une procédure qui n'est pas prévue par le texte que le Gouvernement va nous soumettre ultérieurement - de la chasse de nuit. Et j'ai d'ailleurs constaté que M. Patriat était, contrairement à vous, madame la ministre, favorable à cette légalisation. Eh bien, mes chers collègues, vous avez aujourd'hui le moyen de mettre vos actes en conformité avec vos paroles en votant ce texte que nous vous proposons. Ainsi, vous répondriez aux attentes non seulement du monde de la chasse, mais aussi de nombreux amoureux de l'avifaune et régleriez cette affaire avec gentillesse et dans la concertation.

Mais je crains qu'il n'en soit pas ainsi. Je crains que, pour des raisons politiciennes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , vous ne suiviez, madame la ministre, je ne sais quelle discipline et que, une fois de plus, vous passiez à côté de la possibilité de régler simplement un problème qui est très largement artificiel et que vous avez pour une grande part contribué à créer. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Patriat.

Monsieur André, voterez-vous la future loi chasse ?

M. le président.

La parole est à M. Stéphane Alaise.

M. Stéphane Alaize.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis une nouvelle fois pour légiférer sur la chasse. Au regard des tensions qui existent à l'heure actuelle autour de cette question, il n'y a là rien d'extraordinaire. Ce qui l'est plus, en revanche, c'est le caractère partiel et inachevé de la présente proposition de loi.

M. Edouard Landrain.

Ben voyons !

M. Stéphane Alaize.

Ne proposer que deux sujets, qui plus est cynégétiquement inacceptables, quand la chasse attend des réponses et des réformes de fond, n'est pas sérieux. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Patriat.

Très bien !

M. Stéphane Alaize.

Comment accepter en effet que soient reconnues à des départements des pratiques cynégétiques qui ne figurent pas dans leur patrimoine...

M. Maurice Leroy.

N'importe quoi !

M. Stéphane Alaize.

... ainsi l'Ardèche, que je représente ici, n'a jamais pratiqué de façon générale la chasse à la hutte - et que rien ne soit proposé qui les concerne directement quand certaines pratiques de chasse aux


page précédente page 01064page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

oiseaux migrateurs sont, elles aussi, menacées injustement ? Pourquoi ne retenir que le gibier d'eau, comme si la chasse aux autres espèces migratrices devait, elle, ne pas retenir notre attention ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Qu'y aura-t-il de mieux dans le futur projet de la loi sur la chasse ?

M. Stéphane Alaize.

Cette approche sélective ne manquera pas de surprendre les chasseurs.

Comment accepter encore l'introduction dans la loi du droit de non-chasse - quelle appellation choquante d'ailleurs pour l'homme tolérant que je m'efforce d'être en tant qu'élu et en tant que citoyen ! - sans l'assortir des obligations sans lesquelles c'est toute la chasse populaire qui peut être durablement déstabilisée ? Et que dire des autres activités dépendantes des espaces naturels qui n'apparaissent pas dans ce texte ? Voilà plusieurs raisons de ne pas voter cette proposition de loi.

Mais, de plus, cette proposition de loi se bornerait, selon les propres termes du rapporteur, à apporter sur deux points précis les réponses urgentes permettant d'apaiser les esprits et de garantir, avant l'ouverture de la prochaine saison, le respect des choix aussi bien des chasseurs que des opposants à la pratique de la chasse sur leur propriété.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est déjà beaucoup !

M. Stéphane Alaize.

Or, à l'inverse, on risque d'opposer non seulement chasseurs et non-chasseurs mais aussi les chasseurs entre eux.

M. François Patriat.

Très juste.

M. Stéphane Alaize.

Les problèmes complexes n'ont jamais trouvé de réponse satisfaisante et durable par l'adoption de solutions simplistes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. François Patriat.

Très bien !

M. Maurice Leroy.

Claude Estier appréciera.

M. Stéphane Alaize.

Ce texte ne traite aucune des importantes questions que sont le statut et le fonctionnement des fédérations de chasseurs, la police de la chasse, le respect des espèces et des espaces, la déspécialisation des instances de gestion et de concertation chargées de la protection de la nature, ou la transposition en droit interne des mesures dérogatoires de la directive 79/409 sur la conservation des oiseaux sauvages.

A ce propos, madame la ministre, il serait regrettable, et maladroit à l'égard de notre Assemblée, d'interdire ces jours prochains la pratique d'activités cynégétiques inscrites dans les usages locaux qui bénéficieront demain, je l'espère en tout cas, de mesures dérogatoires.

M. Maurice Leroy.

Ce n'est pas dans le texte !

M. Stéphane Alaize.

Je pense, par exemple, à la chasse aux pigeons ramiers sur les cols ardéchois mais aussi en d'autres départements du Sud-Ouest.

M. René André.

C'est le grand écart !

M. Stéphane Alaize.

Le projet de loi qui nous sera prochainement soumis, et qui s'inspire largement du rapport Patriat, traite globalement de ces questions, je dis bien globalement parce qu'il faudra l'amender.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il y aura du travail !

M. Stéphane Alaize.

J'espère, mesdames, messieurs, que vous le voterez.

M. Patrice Martin-Lalande.

S'il est amendé, on verra.

M. Stéphane Alaize.

Je vous donne rendez-vous. On pourra alors juger de votre volonté de régler les problèmes cynégétiques dans leur ensemble et non pas ponctuellement pour faire plaisir à tel ou tel. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Dans ces conditions, vous comprendrez que l'adoption du texte qui nous est proposé ce matin serait une grossière erreur sinon une maladresse inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plutôt que de tomber dans le piège d'une démarche précipitée qui ne réglera rien, utilisons la discussion d'aujourd'hui pour lancer des messages clairs : la chasse est une activité légitime et nécessaire.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Votez cette proposition alors !

M. Stéphane Alaize.

La chasse et son organisation, la nature et sa gestion ne sont la propriété d'aucun parti politique.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. René André.

Et sûrement pas des Verts ! M. Stéphane Alaize. La chasse mérite une législation stable et durable, permettant de pérenniser son caractère populaire, aujourd'hui fortement malmené.

M. Renaud Donnedieu de Vabres. Baratin ! M. Stéphane Alaize. Voter ce texte n'est pas servir la chasse. Mais que les choses soient claires : l'apaisement du monde cynégétique souhaité par Mme la ministre ne se fera jamais complètement tant que sera entretenu le climat de suspicion et de vindicte, parfois à peine voilées, à l'égard de la chasse en général et des chasseurs en particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrice Martin-Lalande. Là, nous allons finir par être d'accord.

M. Stéphane Alaize. Vous voyez qu'on peut s'entendre ! M. Renaud Donnedieu de Vabres. Eh oui, mais il faut voter ! M. Stéphane Alaize. Ce que notre assemblée se doit de faire en la circonstance, c'est réconcilier les chasseurs avec l'Europe et l'Etat de droit, c'est réhabiliter le sentiment, a ujourd'hui altéré chez eux, d'appartenance à la République.

M. Renaud Donnedieu de Vabres. C'est pourquoi vous voterez ce texte ! M. Stéphane Alaize. Meurtris par le sort injuste réservé à leur loisir prioritaire, exaspérés par les récupérations e t les exploitations scandaleuses, les chasseurs attendent de nous qu'on leur redonne les moyens d'exercer sereinement leur citoyenneté. C'est aussi sur ce terrain-là, madame la ministre, que nous vous attendons. Nous comptons beaucoup sur un message de compréhension de votre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe socia-


page précédente page 01065page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

liste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je soutiens naturellement cette proposition de loi.

Ce texte a plusieurs mérites - rappelés à cette tribune -, dont le premier est probablement d'apporter enfin des réponses claires, précises et rapides à des situations que les décisions juridictionnelles successives ont privé de bases juridiques.

Sortir la chasse des prétoires, c'est mettre fin à ce double contentieux juridique, interne et externe, qui s'est inscrit, au fil des années, du fait de l'inaction persistante des gouvernements sur ce dossier, dans un contexte de plus en plus conflictuel.

C'est du reste un paradoxe, et pour le moins un échec, de constater que les positions se sont extrémisées, au moment même où les seules solutions viables et durables sont celles de la concertation et d'une vision mieux partagée de l'espace et de sa gestion.

Le texte présenté par Charles de Courson au nom de l'Union pour la démocratie française-Alliance, et voté à l'unanimité par le Sénat, choisit le pragmatisme, en apportant des réponses certes partielles mais fondamentales, en tout état de cause forgées sur des principes clairs : la prise en compte des traditions et des libertés locales, une conception subsidiaire de l'Europe et la confiance dans l'esprit de responsabilité de nos concitoyens.

La reconnaissance de la chasse de nuit et de la chasse à la passée, liées à l'usage et à la tradition, est une affirmation du souci de voir respecter les cultures régionales dans leur diversité. De même, l'aménagement de la loi Verdeille, qui laisse plus de place aux choix individuels, me paraît être un facteur d'évolution positif, associant modernité, droits et devoirs nouveaux.

Le législateur est donc aujourd'hui parfaitement dans son rôle en proposant des solutions neuves, consensuelles, qui permettent de sortir d'une situation inacceptable de non-droit, encore aggravée alors que vous affirmez, madame, souhaiter l'apaisement.

En refusant d'examiner ce texte, la majorité prendrait la grave responsabilité de compromettre les conditions de chasse pour la période à venir, alors que la « vraie loi » - si maladroitement évoquée il y a un instant par M. Patriat et qui sera examinée d'ici quelques semaines, n'a aucune chance d'aboutir dans des délais rapides. L'Assemblée rejetterait aujourd'hui un texte consensuel pour examiner ultérieurement un projet qui ne l'est pas vraiment ? Quel paradoxe ! La politique ne consiste pas seulement dans l'art de gérer les crises. Elle doit également proposer et construire un projet de société. Cette société, madame la ministre, nous la souhaitons plus libre, plus responsable, plus confiante dans l'individu, plus respectueuse des libertés locales.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

Mme Nicole Ameline.

Les conflits ne sauraient être résolus uniquement par davantage de contraintes et de réglementations. Nous risquerions d'aboutir à la négation pure et simple des consciences, individuelles et collectives.

Qui aujourd'hui peut sérieusement prétendre que les fédérations de chasse n'assument pas la gestion raisonnée de l'espace rural et des ressources cynégétiques lorsqu'elles en ont la charge ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

Mme Nicole Ameline.

Qui peut prétendre que la notion de développement durable, à laquelle je vous sais attachée, madame la ministre, ne tend pas à devenir une dimension ordinaire de la vie publique comme de nos actes privés ? Sortons de ce manichéisme stérile qui oppose les défenseurs de la nature et ses destructeurs.

M. Gilles de Robien.

Très bien !

Mme Nicole Ameline.

Notre volonté - et votre devoir, madame - est de dépasser ces conflits. Ecoutez les chasseurs, prenez en compte la réalité, les libertés, les traditions, l'esprit de responsabilité. C'est cela, la modernité ! Rompez avec un mode de gestion qui exacerbe les conflits. Préférez la négociation à la contrainte, et les responsabilités à la réglementation. Prenez en compte cette volonté largement exprimée par le Sénat et par beaucoup de nos collègues ce matin.

Cette reconnaissance des traditions, on le sait, est indissociable du respect des objectifs européens. Nous devons, comme l'a excellemment rappelé Léonce Deprez, sortir de cet autre manichéisme qui consiste à opposer systématiquement la France à l'Europe, les chasseurs aux contraintes européennes. L'environnement, la gestion de la nature, la lutte contre les pollutions sont évidemment du ressort de l'Europe. Or, en l'état actuel de notre droit, la chasse de nuit n'est pas interdite, même si elle est conçue de manière restrictive. Il nous faut donc appliquer, là comme ailleurs, le principe de subsidiarité, principe fondamental, qui est la condition de la flexibilité, de la souplesse, de l'efficacité, en un mot, des institutions européennes.

Madame la ministre, je voudrais, pour finir, et au-delà de ce symbole qu'est la chasse, évoquer la ruralité. Nous avons commis au XXe siècle une erreur économique et humaine qui s'est souvent révélée irréparable. Je veux parler de l'exode rural et de la prééminence de la société urbaine sur le milieu rural. En donnant le sentiment que la modernité ne pouvait être qu'urbaine, que le massif devait toujours l'emporter sur le petit, et que l'avenir appartenait aux villes, on a appauvri la campagne et vidé la civilisation rurale de beaucoup de ses valeurs. Or, malheureusement, ce processus s'accentue encore sous votre gouvernement, par le biais des finances locales, des modes d'élections, ou encore des lois visant à renforcer les communautés urbaines.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Oh !

Mme Nicole Ameline.

Il conviendrait, au contraire, de donner une nouvelle chance aux territoires ruraux.

M. Marc Laffineur.

Très bien !

Mme Nicole Ameline.

Nous souhaitons que l'examen de ce texte soit un signal pour tous ceux - et ils sont nombreux ici - qui pensent que l'esprit rural a largement façonné notre pays et qu'il est un facteur de modernité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez.

Madame la ministre, je souhaiterais, pour commencer, vous parler de la belle vallée de la Sensée dont je suis l'élu,...


page précédente page 01066page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. Alain Bocquet.

Très belle vallée ! (Sourires.)

M. Marc Dolez.

... de ses villages, de ses marais, comme celui de Lécluse ou d'Hamel. La chasse au gibier d'eau y tient une très grande place. Sa pratique est ancestrale et populaire. C'est une passion que les chasseurs tiennent de leur père et de leur grand-père, lesquels la tiennent euxmêmes de leur père et de leur grand-père. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Léonce Deprez.

Depuis la Révolution !

M. Marc Dolez.

Cette chasse est souvent le seul loisir des ouvriers, des gens du peuple (« Ah ! » sur les mêmes bancs) , des personnes de condition très modeste, qui ne partent jamais en vacances.

M. Edouard Landrain.

Eh oui, voilà !

M. Léonce Deprez.

Tout à fait !

M. Marc Dolez.

C'est la chasse des salariés de l'usine Renault, à qui le comité d'entreprise permet, en louant des étangs à proximité, de chasser à des prix très réduit s. Bref, dans la vallée de la Sensée et dans beaucoup de nos régions, la chasse au gibier d'eau est un art de vivre, une passion dans la tradition.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Bien !

M. Marc Dolez.

Madame la ministre, je ne suis pas chasseur mais...

M. Edouard Landrain.

Les électeurs le sont !

M. Marc Dolez.

... cette réalité, je l'ai découverte et apprise au contact de celles et de ceux dont je m'honore d'être le représentant à l'Assemblée nationale. Si les choses ont un sens, quoi de plus normal que je défende ici cet art de vivre des populations que je représente.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste. - « Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Concernant plus particulièrement la chasse de nuit, je reprendrai volontiers à mon compte les propos de François Patriat qui reconnaît avoir découvert au cours de sa mission que cette chasse de nuit au gibier d'eau correspondait à une réalité sociologique - c'est vrai - et qu'elle constituait un patrimoine culturel formant l'identité de plusieurs régions françaises.

Vous comprendrez que nous soyons nombreux au groupe socialiste à souhaiter défendre ce patrimoine culturel.

M. Marc Laffineur.

Alors, vous allez voter ?

M. Marc Dolez.

Pour ce qui me concerne, j'essaie, avec d'autres, d'être cohérent. Je suis signataire avec plusieurs collègues d'une proposition de loi sur la légalisation de la chasse de nuit qui remonte à plusieurs mois et que M. le rapporteur a évoquée. Je n'ai pas l'intention de me renier.

M. Léonce Deprez.

Très bien !

M. Marc Dolez.

Madame la ministre, la question qui se pose aujourd'hui est assez simple. Certes, l'objet de la proposition de loi est limité. Mais chacun ici souhaite, je crois, un règlement définitif de ce dossier sur des bases qui soient acceptables par tous. Il y a donc un point d'équilibre à trouver.

M. François Asensi.

Voilà !

M. Marc Dolez.

Je crois, avec d'autres de mes collègues, que ce point d'équilibre existe dans le rapport de notre collègue Patriat.

M. Gilles de Robien.

Mais c'est un rapport, non une proposition de loi.

M. Marc Dolez.

Nous souhaitons donc le rapport Patriat, mais tout le rapport Patriat.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. Marc Dolez.

La difficulté, madame la ministre, et je vous demande de lever l'ambiguïté, c'est que le projet de loi que le Gouvernement a adopté mercredi dernier en conseil des ministres ne reprend pas tout le rapport Patriat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - « Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Il faut commencer par voter cette proposition de loi !

M. Marc Dolez.

Ma question sera la même que celle que mon collègue Liberti du groupe communiste vous a posée tout à l'heure.

M. François Baroin.

« Que faites-vous ? »

M. Marc Dolez.

Pouvez-vous vous engager très officiellement aujourd'hui à reprendre dans le projet de loi sur la chasse que nous serons amenés à discuter prochainement la législation de la chasse de nuit et la légalisation de la chasse à la passée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Asensi.

C'est le fond de l'affaire !

M. Marc Dolez.

De la réponse à votre question dépendra notre attitude au moment du vote.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Dhersin.

C'est sensé !

M. Hubert Grimault.

Et courageux !

M. Patrice Martin-Lalande.

Mais il n'y a pas de réponse.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons, avec cette proposition de loi, le dossier essentiel de la chasse dans notre pays. Ce texte précède le projet de loi du Gouvernement. C'est une bonne chose, car il manifeste clairement la volonté de défendre la chasse et les chasseurs.

C'est une bonne chose, car il va permettre de lever certaines ambiguïtés et de compter sur les bancs de l'Assemblée, et notamment de la majorité, ceux qui souhaitent sincèrement préserver la chasse dans notre pays.

Mes chers collègues de la majorité, vous aurez à choisir aujourd'hui entre la chasse et Mme Voynet.

M. Jean-Claude Lenoir.

Choix cornélien !

M. Christian Estrosi.

La chasse suscite, plus que tout autre domaine, un débat passionnel. Il faut d'ailleurs reconnaître que les provocations répétées de Mme la ministre de l'environnement auront grandement contribué à l'exacerbation des tensions actuelles.


page précédente page 01067page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

La chasse s'inscrit pourtant au coeur de l'histoire et des traditions de notre pays. Le droit de chasse constitue un des acquis essentiels de la Révolution française.

La chasse a une fonction politique, économique et sociale majeure dans notre pays : une fonction politique car elle contribue à l'aménagement et à la protection d'une grande partie du territoire national victime de l'exode rural ; une fonction sociale car elle est l'expression d'une vie associative riche et intense, qui dessine en milieu rural un cadre privilégié d'échanges et de dialogue ; une fonction économique car les emplois liés directement ou indirectement au secteur de la chasse dans notre pays se comptent en dizaines de milliers.

La chasse participe au premier chef à la défense de l'environnement. En maintes circonstances, les chasseurs ont démontré qu'ils étaient les premiers écologistes de ce pays, et ils l'ont fait en sachant gérer et mesurer les prélèvements comme en sachant aménager les espaces.

C'est dans ce contexte qu'intervient cette proposition de loi, dont l'initiative revient à notre collègue Charles de Courson.

La chasse de nuit ne concerne pas tous les départements français. Cependant, il importe que tous ceux qui se sentent concernés par l'avenir de la chasse soient mobilisés pour la défense de cette pratique traditionnelle. Il ne s'agit pas uniquement de sauvegarder aujourd'hui une chasse spécifique mais aussi, et bien au-delà, de manifester notre attachement à la chasse française dans son ensemble.

Mme Christine Boutin.

Très juste !

M. Christian Estrosi.

S'agissant du point précis des dates et des heures de chasse aux gibiers d'eau, il est important de reconnaître l'aspect traditionnel de cette pratique et de sa très large diffusion sur le territoire national.

Selon les enquêtes réalisées, il apparaît qu'entre trentetrois et quarante-deux départements pratiquent la chasse à la passée ou de nuit. Depuis la Révolution et, en tout état de cause, depuis la loi du 3 mai 1844 relative à la police de la chasse, la chasse est autorisée jusqu'à la tombée de la nuit noire, c'est-à-dire deux heures après le coucher du soleil et deux heures avant son lever.

Les propositions faites me semblent donc à cet égard raisonnables. Les craintes qu'ont certains de voir les populations diminuer ne me semblent pas justifiées.

D'abord, il apparaît que les chasseurs contribuent très largement à la défense des zones humides, habitat indispensable à la reproduction des espèces dont nous parlons aujourd'hui.

Ensuite, en ce qui concerne le risque de confusion entre espèces chassables et protégées du fait de l'obscurité, il est bien évident que cela ne concerne qu'un nombre extrêmement limité de cas et ne peut être considéré comme dangereux pour la préservation d'une espèce.

Enfin, les protecteurs de la nature s'inquiètent de la gêne occasionnée par la chasse de nuit. La chasse ne dérange ni plus ni moins le jour que la nuit, à condition de respecter un certain nombre de règles, notamment les dates de reproduction et de nidification, et les horaires légaux.

Alors, soyons clairs : malgré certaines interprétations hasardeuses, la chasse de nuit n'est aujourd'hui interdite ni par le droit communautaire ni par le droit français.

M. Antoine Carré.

Exact !

M. Christian Estrosi.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je crois que nous devons profiter de l'occasion qui nous est donnée pour clarifier définitivement la situation.

Le texte qui nous est soumis me paraît à la hauteur de ses ambitions et, en tout état de cause, plus opportun que le projet de compromis que vous avez présenté, madame la ministre, devant le conseil des ministres, et qui, lui, semble ne satisfaire aucune des parties.

En définitive, cette proposition de loi est juste et légitime, et nous devons la voter. C'est à ce prix que nous réussirons demain à allier coutumes ancestrales, auxquelles les chasseurs sont attachés, et développement d'activités pour tous au coeur de la nature. Chacun doit désormais prendre ses responsabilités et assumer ses choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Francis Hammel, dernier orateur inscrit.

M. Francis Hammel.

Madame la ministre, je suis l'élu de la quatrième circonscription de la Somme, dans laquelle se trouve Abbeville.

M. Léonce Deprez.

Charmante bourgade !

M. Francis Hammel.

Abbeville est une charmante et tranquille petite ville de province, située à la porte de la baie de Somme.

Mais maintenant, Abbeville est surtout la commune de France où le mouvement CPNT a réalisé un score de plus de 35 % aux dernières élections européennes (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et a envoyé l'un des siens siéger au Parlement européen. C'est encore l'endroit, aujourd'hui bien connu des fédérations de chasse, où se sont réunis il y a un peu plus d'un mois, en présence de leurs leaders, notamment de Jean Saint-Josse, plus de 10 000 chasseurs. Ces chasseurs, d'oiseaux migrateurs en particulier, sont venus des quatre coins de France pour exprimer leur inquiétude et demander des garanties au sujet d'un droit populaire acquis de la Révolution française : le droit de chasse.

Personnellement, je ne suis pas plus chasseur que mon ami Marc Dolez. Mais je vis depuis toujours dans ce territoire de chasse et j'y ai de très nombreux amis chasseurs. Je peux donc témoigner objectivement, et sans doute plus facilement que d'autres, de la réalité de la chasse en baie de Somme.

Plus qu'une passion, plus qu'une tradition, la chasse est un mode de vie. Peu importe le regard que l'on pose sur la chasse, il faut savoir que, dans certaines familles, l'organisation humaine et matérielle s'articule autour d'elle. C'est une affaire de racines, de culture.

La chasse, dans l'arrondissement d'Abbeville, est une activité de loisir profondément ancrée dans les moeurs.

C'est aussi une activité économique non négligeable : les différentes associations de chasse et la Fédération sont employeurs ; l'industrie hôtelière et les commerçants locaux tirent des revenus importants de la chasse, et contribuent à la lutte pour l'emploi et à la vie économique dans cet arrondissement du département durement éprouvé par le chômage, dont le taux dépasse les 20 % dans le bassin d'emplois d'Abbeville.

Outre qu'elle susciterait l'incompréhension des pratiquants, une législation particulièrement dure à l'égard de la chasse aux migrateurs - disparition à court terme de la


page précédente page 01068page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

chasse de nuit, réduction des heures de passée, diminution importante des périodes - porterait un nouveau préjudice à la santé économique du département de la Somme. Et cela, nous ne pouvons l'accepter.

Sans doute m'opposerez-vous la sauvegarde des équilibres écologiques ou le non-respect du droit européen pour ce qui est des dates, alors même que ces questions, si elles ne sont pas à l'ordre du jour, se posent en filigrane. Pour ce qui est de la première, je n'ai pas le sentiment que les chasseurs de la baie de Somme portent atteinte à l'avenir des espèces chassables. Rien n'indique qu'elles soient en péril à cause de la chasse. Les conséquences de la catastrophe provoquée par l' Erika et l'ensablement galopant de la baie de Somme sont des faits qui m'inquiètent bien davantage et qui méritent une attention et une prise en considération à l'échelle des risques courus.

M. Edouard Landrain.

Assurément !

Mme Christine Boutin.

M. Hammel a raison !

M. Francis Hammel.

Quant à l'intégration du droit européen dans le droit français - je pose une nouvelle fois la question même si ce n'est pas l'objet de notre débat -, dites-moi pourquoi, plus de vingt ans après le vote de la directive 79/409, nous en sommes toujours au même point et pourquoi le monde de la chasse connaît une insécurité permanente ? Madame la ministre, j'ai le souci du respect du droit et des équilibres écologiques, mais je désire vivement qu'un nombre important de mes concitoyens puissent exercer sereinement leur loisir favori tout en respectant la nature et la population.

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui par M. de Courson ne me paraît certes pas suffisant pour répondre à mes préoccupations...

M. François Baroin.

Ce n'est qu'un début, camarade ! (Sourires.)

M. Francis Hammel.

Il est à mes yeux trop limité ! Je préférerais une mise à jour plus large des textes et je considère, moi, aussi, que la priorité doit être donnée à la discussion d'un projet issu des propositions de François Patriat.

Je me permettrai toutefois de mettre un bémol à ce que je viens d'affirmer.

Comme tout le monde ici, j'ai pu prendre connaissance du projet que vous avez présenté au conseil des ministres le 16 février dernier.

M. François Baroin.

Avec consternation !

M. René André.

Oui, ce projet est mauvais !

M. Francis Hammel.

Si, sur certains aspects, ce texte marque une légère avancée, il n'en demeure pas moins que ses propositions concernant la chasse de nuit, les durées de la passée et les périodes chassables ne sont pas acceptables et qu'elles ne peuvent être votées en l'état.

(« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est à la condition de pouvoir faire usage du droit d'amender et d'une réelle prise en compte de celui-ci...

M. François Baroin.

Votez donc la proposition de loi !

M. Francis Hammel.

... que je me rangerai, ce matin, à la décision majoritaire de la commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Bernard.

Un tiens vaut mieux pourtant que deux tu l'auras !

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a été adoptée par le Sénat le 22 juin 1999. Ce texte faisait suite à la décision de la Cour européenne des droits de l'homme sur la loi Verdeille et à une décision du Conseil d'Etat annulant une circulaire de l'Office national de la chasse relative à la chasse à la passée. Il traitait également de la chasse de nuit.

Mais, depuis le mois de juin 1999, beaucoup de choses se sont passées. Et aujourd'hui, on ne peut qu'être frappé par le décalage entre la nécessité d'apporter des réponses complètes pour une pratique sereine, pacifiée, de la chasse et la proposition de loi soumise à vos délibérations.

Elaboré dans l'urgence, ce texte ne traite que très partiellement des questions soulevées par les décisions que je viens d'évoquer. Le Gouvernement a préféré privilégier une réflexion d'ensemble, qui prenne en compte toutes les attentes, celles des chasseurs comme celles des nonchasseurs.

La mission confiée par le Premier ministre à François Patriat a donné lieu, cet été, à de multiples rencontres et à des débats féconds.

Un peu partout dans le pays, François Patriat a rencontré des chasseurs et des non-chasseurs. Tous les sujets concernant la chasse ont été abordés, les points de vue contradictoires ont pu s'exprimer, et des solutions de compromis ont été proposées. Vous les avez retrouvées dans le rapport qu'il a présenté au terme de sa mission et dont Gérard Charasse et d'autres ont souligné la qualité et la cohérence.

Le Gouvernement a tiré toutes les conclusions de ce travail...

M. Patrice Martin-Lalande.

Pas toutes ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... en préparant, dans des délais très cours, un projet de loi proposant un ensemble cohérent de réponses aux questions que la société se pose vis-à-vis de la pratique de la chasse. Ce projet a été adopté par le conseil des ministres il y a une semaine et il sera soumis à votre examen à la fin du mois de mars.

Didier Quentin a souligné à juste titre que ce projet ne fait pas l'unanimité, ni chez les chasseurs, ni chez les écologistes. C'est vrai. Il suppose des concessions de part et d'autre entre des positions d'allure irréductible. Je n'ose pas imaginer que les pas faits par les associations en d irection d'une chasse responsable ne trouvent pas d'écho. Je sais que ce n'est pas le cas. Nombreux sont les chasseurs qui, aujourd'hui, attendent avec impatience...

M. René André.

Votre départ ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... la pacification des relations entre eux et les autres composantes de la société.

Dans ce contexte, la proposition de loi ne présente pas seulement le défaut de n'apporter que des réponses partielles et techniques : elle risque aussi d'entretenir la confusion et les polémiques alors même que nous sommes à la veille de trouver des solutions.


page précédente page 01069page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Le débat sur la chasse doit être un débat de fond. Il ne saurait se limiter au fait de savoir si l'on peut ou non chasser avant ou après le lever du soleil. Il doit déboucher sur un nouveau cadre législatif, global et cohérent, qui permette l'adoption dans les textes et dans les pratiques d'une chasse raisonnée plus en phase avec les attentes de notre société.

Qu'est-ce que cela veut dire ? Nous sommes aujourd'hui arrivés à un tournant, à une de ces périodes charnières durant lesquelles les mentalités évoluent, les cultures changent et avec elles les bases juridiques de notre société. Comme toujours, dans de tels moments, certains se raidissent par crainte de tout perdre, par peur du changement, de l'avenir. Aujourd'hui, il nous faut évoluer : la France de l'an 2000 n'est plus celle de 1950.

Mais certains ont encore une approche archaïque de la chasse. Pour eux, la chasse est d'abord l'exercice d'un droit individuel, lié au droit de propriété, qui leur permet de s'approprier le gibier qui séjourne sur leurs terres. Elle est aussi l'expression de leur liberté sur un territoire dont ils croient être les seuls occupants. Cet exercice ne peut pas connaître d'autres limites que celles qui peuvent être rapportées au droit de propriété pour des motifs d'intérêt général ou celles qui tiennent à des motifs de sécurité.

M. Patrice Martin-Lalande.

Caricature ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Et puis, il y a une approche plus moderne de la pratique de la chasse. Pour ceux qui la partagent, la chasse est une pratique individuelle ou collective qui se renouvelle, s'adapte et doit trouver une nouvelle légitimité par le dialogue et la réflexion collective aboutissant à un nouveau contrat entre les chasseurs et le reste de la société. C'est, me semble-t-il, tout le sens du rapport présenté par François Patriat. La volonté du Gouvernement est de traduire l'ambition de ce rapport dans le projet de loi qu'il vous soumettra prochainement.

Quels devraient être les grands chapitres de ce nouveau contrat ? D'abord, l'accès de la nature à tous les usagers.

Ce premier chapitre devrait redéfinir les conditions du partage des espaces naturels et ruraux entre les chasseurs et les autres usagers de la nature. La société française a profondément changé. Majoritairement urbaine, elle n'a plus la même vision, les mêmes attentes vis-à-vis de ces espaces que celles de la France de 1950, même si cela a gace ceux qui se considèrent comme les seuls

« occupants légitimes » du monde rural.

L'occasion nous est aujourd'hui offerte de jeter les bases d'un nouveau contrat qui permette à chacun, chasseur, agriculteur, ornithologue, ramasseur de champignons, randonneur, d'adhérer à un projet commun.

Les attentes diverses et multiples de nos concitoyens constituent une véritable chance de développement pour le monde rural. La France n'oppose plus Paris au désert français, comme le montrent les résultats du dernier recensement. A nous de faire fructifier ces potentialités en valorisant l'ensemble des fonctions que peuvent offrir les espaces naturels et ruraux.

Cette aspiration a été consacrée par la loi d'orientation agricole. Elle traverse aussi la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

Je souhaite que nous soyons capables de la traduire également lorsque nous serons amenés à légiférer sur les questions relatives à la chasse.

Le deuxième chapitre de ce contrat devrait porter sur les conditions d'organisation du dialogue entre les chasseurs et les autres composantes de la société. Dans ce domaine aussi, les choses ont évolué. La vie, heureusement, ne procède plus simplement de l'affirmation de certains droits ou de l'expression des décisions d'une autorité centrale.

Les citoyens inventent chaque jour de nouveaux modes d e concertation, de nouvelles modalités de gestion commune des problèmes auxquels ils sont confrontés, et c'est une bonne chose. Pourquoi n'en serait-il pas de même lorsqu'il s'agit de la chasse ? Il faut pour cela créer les lieux d'un dialogue renouvelé. Cela passe nécessairement par une clarification de l'organisation du monde de la chasse. Les responsabilités de l'Etat, des fédérations de chasseurs, de l'office national de la chasse et des organismes consultatifs doivent être clairement précisées. Ces responsabilités redéfinies, chacun doit les assumer pleinement et présenter régulièrement un bilan de l'action qu'il doit conduire.

Les droits et devoirs en matière de gestion de l'environnement constituent à l'évidence un autre des chapitres que devrait comporter le nouveau contrat.

Je me garderai bien d'opposer les chasseurs et les défenseurs de l'environnement.

M. René André.

C'est pourtant ce que vous faites en permanence ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je sais qu'il existe de nombreux chasseurs passionnés par la nature et soucieux de sa protection. Ceux-là comprennent ce qu'une gestion durable des espèces sauvages veut dire.

Pour autant, il ne faut pas non plus tracer un tableau idyllique de la situation. Les problèmes sont nombreux.

Tous ne relèvent pas de la responsabilité des chasseurs.

Les pratiques agricoles, la construction d'infrastructures et d'équipements contribuent à l'imperméabilisation de surfaces importantes, à l'assèchement de zones humides, à la dégradation des milieux et, par voie de conséquence, à la dégradation de l'état de conservation de certaines espèces.

Mais les responsabilités des uns n'exonèrent pas les autres de celles qui leur reviennent.

Si la bonne volonté et le sens des responsabilités suffisaient, en ce domaine comme dans d'autres, la loi ne serait pas nécessaire. C'est pourquoi le rôle que les chasseurs doivent jouer dans la gestion des espèces sauvages et des milieux naturels doit constituer un élément central de la redéfinition des responsabilités qui leur incombent.

Cet inventaire ne prétend pas être exhaustif. Nous aurons l'occasion de revenir de façon plus approfondie sur tous ces sujets lors du débat sur le projet gouvernemental. Nous serons alors en mesure d'apporter les réponses qui conviennent aux questions que je viens d'évoquer. Nous définirons les termes d'un contrat qui permette aux chasseurs de se livrer à leur loisir tout en participant à la réalisation de l'intérêt général. C'est dans cet équilibre entre droits et responsabilités que la chasse peut trouver une nouvelle légitimité sociale.

Comparée à cela, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi paraît bien mince. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Très juste !


page précédente page 01070page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cela peut se comprendre : elle a été élaborée avant le débat national auquel le travail de François Patriat a donné lieu et un certain nombre de décisions, notamment celle du Conseil d'Etat, sont intervenues après son adoption par le Sénat. Elle est donc aujourd'hui en grande partie sans objet. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Son article 1er mêle de façon inopportune la chasse de nuit et la chasse à la passée. Or les deux sont distinctes.

M. René André.

Mais non justement ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai d'ailleurs noté, monsieur de Courson, que vous déployiez beaucoup d'efforts pour entretenir la confusion et banaliser une pratique qui a toujours été prohibée en plaidant pour une autre qui, elle, est largement tolérée.

La chasse à la passée n'est pas la chasse de nuit.

Concernant essentiellement les canards, elle se situe à la tombée de la nuit quand ils rejoignent les gagnages, c'est-à-dire leur lieu d'alimentation, et le matin, lorsqu'ils en partent. Les oies, les foulques, plus rarement les limicoles, en font aussi l'objet. Ce type de chasse, qui intéresse nombre de chasseurs de gibier d'eau, ne se pratique pas de nuit mais uniquement au crépuscule et à l'aube.

Peu de personnes le contestent et il n'est pas dans les intentions du Gouvernement de le remettre en cause.

(Exclamations sur les mêmes bancs.) Reste à déterminer à partir de quelle heure et jusqu'à quelle heure peut se pratiquer.

M. René André.

Deux heures ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Les pays européens autorisent la chasse à la passée pour une période qui varie de trente minutes à une heure et demie avant le lever et après le coucher du soleil. Cette durée n'est pas neutre.

Des travaux scientifiques ont mis en évidence qu'une pression de chasse forte décale les horaires des vols crépusculaires des canards vers des heures plus tardives, donc plus obscures et moins périlleuses. Les chasseurs interprètent à juste titre ce décalage comme une adaptation des oiseaux aux dérangements qu'ils subissent. Mais cela signifie aussi que les oiseaux ont moins de capacité à stocker l'énergie nécessaire à la poursuite de leur cycle annuel et, à terme, des effets sur la reproduction peuvent être constatés.

Il paraît donc raisonnable, comme c'est actuellement le cas dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, de n'autoriser la chasse au crépuscule et à l'aube qu'une heure avant le lever et après le coucher du soleil. C'est un bon compromis qui s'inscrit d'ailleurs dans la moyenne européenne. Le Gouvernement entend vous présenter cette solution dans le projet qu'il vous soumettra. Je sais que bon nombre de chasseurs partagent cette position. Ils me l'ont fait savoir. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

S'agissant de la chasse de nuit, la proposition de loi et le projet gouvernemental diffèrent sur trois points principaux.

Je n'évoquerai pas - je l'avais fait longuement au Sénat - la délicate question de la définition de la nuit.

M. de Courson a, semble-t-il, éprouvé quelques difficultés dans cette tâche. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Et je lui épargnerai la lecture de quelques phrases de son rapport qui - sorties de leur contexte, je veux bien l'admettre - apparaissent tout à fait curieuses.

La première différence tient au caractère pérenne ou non du dispositif envisagé. La proposition de loi prévoit la légalisation pure et simple de la chasse de nuit, qui fait l'objet d'un principe d'interdiction fort ancien. Le Gouvernement souhaite, quant à lui, bénéficier des enseignements d'une période expérimentale de cinq ans pour évaluer les conséquences d'une chasse de nuit encadrée sur la conservation des espèces, chassées ou non.

M. René André.

Voilà ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Certains d'entre vous ont évoqué le disp ositif analogue qui avait été utilisé pour l'IVG.

Reconnaissez avec moi que la suspension provisoire de l'interdiction avait alors constitué une première étape vers la reconnaissance pérenne et pas l'inverse. On pourrait donc s'attendre à ce que la proposition du Gouvernement suscite d'abord l'ire et l'incompréhension des associations de protection de l'environnement et non de ceux qui nient aujourd'hui que c'est une ouverture.

Ces précautions nous paraissent nécessaires. En effet, si la « directive oiseaux » n'interdit pas la chasse de nuit, elle édicte des principes généraux de conservation des espèces et d'exercice de la chasse dont la Commission européenne a craint qu'ils ne soient pas respectés lorsque la chasse est pratiquée de nuit.

J'ai relevé quelques passages amusants à ce sujet dans votre rapport, monsieur de Courson...

M. Robert Lamy.

Un rien vous amuse ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... celui, par exemple où vous tentez, avec plus ou moins de bonheur, de démontrer par l'absurde que l'Union européenne autorise la chasse de nuit parce qu'elle interdit l'usage des équipements permettant de la pratiquer ! Mais ce qui est moins amusant, c'est que vos informations sont erronées. Vous affirmez que la chasse de nuit est commune chez beaucoup de nos voisins européens en vous appuyant sur des informations de la fédération des associations de chasseurs de l'Union européenne selon lesquelles elle est pratiquée, pour toutes les espèces chassables ou pour certaines d'entre elles, en Allemagne, en Autriche, en Irlande, en Espagne, en Suède, en Finlande, au Royaume-Uni.

Passons sur les références - pour ma part, je n'ai pas pour habitude de confier aux automobiles-clubs le soin de dresser des statistiques de sécurité routière ou aux industries des phytosanitaires celui de mesurer les nitrates et les pesticides dans l'eau de Bretagne - et venons-en aux faits.

En Autriche, la chasse de nuit est interdite. Cependant, dans certaines provinces, comme le Burgenland et le Niedersterreich, le gibier d'eau peut être tiré de soixante à quatre-vingt-dix minutes après le coucher et avant le lever du soleil.

M. Jean Auclair. Ridicule, on ne chasse pas le canard en Autriche ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. On ne chasse pas que le canard la nuit, monsieur.

M. Jean Auclair. On ferait mieux de chasser les écolos ! M. Noël Mamère. Un peu de respect ! Vous n'y connaissez rien du tout. Démagogues ! Clientélistes ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En Belgique, la chasse de nuit est interdite dans les trois régions. En Flandre, le tir de l'oie ber-


page précédente page 01071page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

nache et du canard colvert est autorisé soixante minutes après le coucher et avant le lever du soleil. En Wallonie, le tir du canard colvert est autorisé pendant trente minutes après le coucher et avant le lever du soleil, pour peu qu'une lettre recommandée ait été adressée préalablement au responsable cynégétique administratif du territoire concerné.

En Espagne, la chasse de nuit est interdite. La législation nationale permet aux provinces d'autoriser la chasse aux oiseaux d'eau au maximum une heure après le coucher du soleil ou avant son lever. Il y a deux exceptions : la chasse au gibier d'eau est autorisée, les nuits de pleine lune, deux jours par mois dans le delta de l'Ebre et sept jours par mois dans l'Albufera.

En Finlande, la chasse de nuit n'est pas formellement interdite. Elle ne se pratique pas. De plus, la loi sur la chasse exige l'identification préalable du gibier.

En Irlande, la chasse de nuit est interdite. Quelques gibiers d'eau peuvent toutefois être tirés soixante minutes après le coucher et avant le lever du soleil.

Au Royaume-Uni, la chasse de nuit n'est pas formellement interdite, car elle ne se pratique pas. En revanche, l'usage des appelants de toute sorte est prohibé.

La chasse de nuit est donc, en principe, interdite dans la plupart des pays de l'Union européenne. Cette interdiction ne connaît que des exceptions limitées...

Plusieurs députés du groupe communiste.

Ce n'est pas vrai !

M. Charles de Courson, rapporteur.

Et en Allemagne ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qui ne vont jamais aussi loin que ce que prévoit la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

(Exclamations sur divers bancs.)

M. Patrice Carvalho.

Et sur Mars ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je le répète, la « directive oiseaux » n'interdit pas la chasse de nuit.

M. Maxime Gremetz.

Non ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Elle édicte les principes généraux de conservation des espèces et d'exercice de la chasse. La Commission européenne, M. de Courson l'a rappelé, a été amenée à douter qu'ils puissent être respectés lorsque la chasse est pratiquée de nuit. L'idée d'une suspension de l'interdiction pendant une période limitée et de façon contrôlée doit nous permettre de rassembler des éléments afin d'évaluer précisément l'impact de cette pratique et de plaider notre cause auprès de la Commission européenne s'il s'avère, comme vous le dites presque tous ici, que l'impact de cette chasse sur la conservation des espèces est limité.

La deuxième différence porte sur la question de savoir quels sont les départements où la pratique de la chasse de nuit est traditionnelle. La liste de la proposition de loi en comprend quarante alors que François Patriat, au terme d'un travail précis, n'en recense que dix-neuf dans son rapport.

J'ai entendu, tour à tour, François Liberti et Marc Dolez se réclamer du rapport Patriat, de « tout le rapport Patriat ». Nous aurons l'occasion de revenir en détail sur cette question. En tout état de cause - les exemples qui ont été donnés çà et là par plusieurs d'entre vous le confirment - il ne me paraît pas exact d'affirmer que cette pratique est traditionnelle dans quarante départements français. Je suis hors d'état de dresser un bilan département par département, mais en Haute-Saône, département de ma région que je connais bien, il est pour le moins farfelu de dire que cette pratique est traditionnelle.

La troisième différence concerne l'encadrement des prélèvements de gibier. Les conditions prévues par la proposition de loi sont très insatisfaisantes. L'obligation de tenir des carnets de prélèvement ne saurait être considérée comme suffisante. L'intention du Gouvernement est de fixer des maxima de prélèvement par vingt-quatre heures, par espèce ou par groupe d'espèces, et par installation.

Ces dispositions devront être complétées par les plans de gestion proposés par le rapport de François Patriat.

Tout cela nous conduit à considérer que la proposition de loi, là encore, ne constitue pas une réponse satisfaisante.

Un mot, enfin, sur la loi Verdeille. Nous sommes tous d'accord pour dire que cette loi doit être adaptée, la Cour européenne des droits de l'homme ayant considéré que plusieurs de ses dispositions étaient contraires à certaines libertés fondamentales comme la liberté d'association.

Pour sortir de cette situation, il convient de reconnaître dans notre droit ce qu'il est convenu d'appeler le droit de non-chasse.

Sur ce point, les propositions de votre texte sont également insuffisantes, monsieur le rapporteur, elles sont en retrait par rapport à celles que j'aurai l'occasion de vous présenter dans quelques semaines.

Dans ces conditions, je ne perçois pas bien l'intérêt d'adopter aujourd'hui des dispositions sur lesquelles il nous faudra revenir à la fin du mois de mars pour les compléter alors qu'aucune considération pratique ne justifie leur adoption précipitée.

M. de Courson fait valoir l'urgence pour exhorter les députés à voter un texte dont il reconnaît lui-même le caractère incomplet et provisoire. Or, sur le plan des faits, ce point de vue est difficile à défendre. La saison de chasse se terminant actuellement, on comprend mal quelle est l'urgence d'adopter à la fin du mois de février des dispositions qui ne s'appliqueront qu'à compter de l'été prochain.

M. François Baroin.

Nous n'avons pas choisi la date de ce débat ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En disant cela, je n'entends pas renvoyer aux calendes grecques le règlement de ces questions et de toutes celles que j'ai évoquées au début de mon intervention. Bien au contraire.

Le Gouvernement a travaillé rapidement et efficacement sur ce dossier. Le rapport demandé à François Patriat lui a été remis à la fin du mois d'octobre. Le projet de loi qu'il s'était engagé à préparer a été adopté en conseil des ministres au milieu du mois de février.

M. Christian Estrosi.

Il n'est pas bon ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Et il a demandé le recours à la procédure d'urgence pour l'examen de ce texte afin qu'il soit adopté à la fin du mois de juin.

M. François Baroin.

Je croyais que la saison de chasse se terminait ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je me suis engagée à présenter simultanément les décrets d'application les plus importants,


page précédente page 01072page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

notamment ceux qui seront nécessaires pour que la prochaine saison de chasse s'engage dans de bonnes conditions, avec un cadre juridique clairement fixé.

C'est pourquoi je vous demande, au nom du Gouvernement, de repousser cette proposition de loi. Je vous donne rendez-vous les 28 et 29 mars prochains pour délibérer sur un ensemble cohérent de dispositions...

M. Edouard Landrain.

Vaines promesses ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... apportant au monde de la chasse et à tous nos concitoyens les réponses qu'ils sont en droit d'attendre et qui créeront les conditions d'un consensus social sur la pratique d'une chasse durable et raisonnée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet.

Monsieur le président, le groupe communiste souhaiterait une suspension de séance d'au moins vingt minutes pour examiner les réponses apportées par Mme la ministre.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Pour examiner les non-réponses !

M. Jean-Paul Mariot.

Excellentes réponses ! Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)

M. le président.

La séance est reprise.

5

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 16 mars 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

6

MESURES D'URGENCE RELATIVES À LA CHASSE (suite) Reprise de la discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président.

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse (nos 1734, 2142).

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat.

Monsieur le président, au nom du groupe socialiste, je demande une suspension de séance de dix minutes. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. René André.

Sonnez du cor, rassemblez les troupes !

C'est un aveu !

M. le président.

Mes chers collègues, la suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue pour dix minutes.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures quinze.)

M. le président.

La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Philippe Douste-Blazy.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Philippe DousteBlazy, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Douste-Blazy.

Monsieur le président, vous avez suspendu la séance à onze heures cinquante-cinq, pour dix minutes. Or il est midi et quart. La suspension à donc duré vingt minutes.

Cela pose un problème, non seulement pour cette séance - c'est pourquoi je vous demande de la prolonger jusqu'à treize heures trente (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) - mais aussi, de manière plus générale, pour les niches parlementaires.

En effet, si certains se servent des suspensions de séance pour gagner du temps et faire de l'obstruction...

M. Bernard Accoyer.

Tricheurs !

M. Philippe Douste-Blazy.

... sachant que la niche parlementaire s'arrête à treize heures, cela revient à priver le Parlement du droit de s'exprimer.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Monsieur le président, nous avons été choqués que vous vous prêtiez à ce type d'obstruction.

(Protestation sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Georges Sarre.

On ne met pas en cause la présidence !

M. Philippe Douste-Blazy.

Je tenais à souligner cette dérive avec force.

D'ailleurs, si cette manière d'agir pénalise aujourd'hui l'UDF et l'opposition, elle peut, demain, porter atteinte aux droits d'autres groupes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Douste-Blazy, je vous rappelle que j'ai été d'abord saisi d'une demande de suspension de séance du groupe communiste, suspension accor-


page précédente page 01073page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

dée, puis d'une autre demande émanant du groupe socialiste. Tout cela est conforme au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Douste-Blazy.

Une suspension de dix minutes !

M. le président.

Certes, monsieur Douste-Blazy, et je suis même allé indiquer aux députés socialistes, qui sont en train de revenir en séance, que le délai était écoulé.

M. Gilles de Robien.

Il suffisait de sonner !

M. le président.

En outre, vous savez qu'il n'est pas d'usage, dans cette assemblée, de mettre en cause la présidence. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arthur Paecht.

Parlons-en !

M. le président.

En tout état de cause, la séance est reprise et nous allons poursuivre.

Reprise de la discussion

M. le président.

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles de Courson, rapporteur.

Mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons traite de trois sujets, mais un seul d'entre eux pose une question de principe : il s'agit de la chasse de nuit au gibier d'eau.

Après le discours de Mme la ministre, la situation est claire. Il y a deux solutions : soit celle de Mme Voynet qui implique que la chasse de nuit soit suspendue pendant cinq ans.

(« Non ! non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), ce qui signifie que, à terme, elle disparaîtra (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ; soit la légalisation durable de la chasse de nuit comme le souhaitent de nombreux membres de l'Assemblée, y compris dans la majorité actuelle.

(« Très bien ! » sur les mêmes bancs.)

Telle est la solution retenue par la proposition de loi et voulue par tous ceux qui, y compris dans la majorité, ont dit à Mme Voynet qu'ils ne pouvaient admettre le renvoi en commission si elle n'acceptait pas la légalisation de la chasse de nuit d'une façon durable.

Mes chers collègues, la situation est donc claire : ceux qui voteront pour la motion de renvoi en commission se prononceront contre la chasse de nuit (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) alors que ceux qui sont pour la chasse de nuit voteront contre la motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Guy Hascoët et plusieurs de ses collègues une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si je défends, au nom des députés verts, une motion de renvoi en commission, c'est parce qu'il nous semble nécessaire que la proposition de loi, présentée à l'instant par M. de Courson, ne soit pas adoptée aujourd'hui par notre assemblée. L'examen des articles ne nous paraît pas utile puisqu'un projet de loi global sur la chasse a été adopté en conseil des ministres l a semaine dernière. Le Gouvernement a d'ailleurs confirmé par votre voix, madame la ministre, que ce texte serait examiné dès la fin du mois prochain et, qui plus est, la procédure d'urgence, lui serait appliquée. C'est pourquoi je vous propose de renvoyer ce texte en commission pour un examen conjoint avec celui du Gouvernement.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien ! Il n'y a donc rien à ajouter.

M. Yves Fromion.

Nous avons compris ! Vous pouvez vous arrêter !

M. Bernard Accoyer.

Passons aux explications de vote !

M. Guy Hascoët.

Nos collègues du groupe UDF ont, une fois de plus, jugé utile de reprendre dans la séance qui leur est réservée, la fameuse « niche », un texte adopté par le Sénat. Déjà en juillet 1998, ils avaient fait inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée une proposition de loi du Sénat sur les dates d'ouverture et de fermeture de l a chasse aux oiseaux migrateurs, en contradiction complète avec une directive européenne adoptée pourtant sous présidence française, de surcroît à une époque où le président de la République, le premier ministre, le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'environnement étaient tous membres de l'UDF ! Malgré les condamnations infligées à la France par la Commission européenne, avec cette nouvelle proposition de loi, l'UDF est donc prise en flagrant délit de récidive ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

En 1998, j'avais défendu la question préalable, et ma collègue Marie-Hélène Aubert l'exception d'irrecevabilité.

Les faits ont montré que nous avions raison d'un point de vue constitutionnel et juridique. Mais nous avions été mis en minorité au sein de cette assemblée. Sans doute avions-nous juridiquement tort parce que politiquement minoritaires...

En 1998, il n'a pas fallu attendre longtemps pour que toutes les décisions de justice nous donnent raison.

(Protestations sur les mêmes bancs.) Personne ne peut défaire, quand cela l'arrange, la règle de droit fondamentale, qui veut que les directives européennes s'imposent aux pays qui les ont adoptées au Conseil des ministres européen. Il faudrait d'ailleurs que les députés UDF clarifient leurs engagements. Il ne peuvent pas être proeuropéens au Parlement européen et antieuropéens à l'Assemblée nationale ou au Sénat.

M. René André.

Mais ce n'est pas être antieuropéen que de demander l'adoption de cette proposition de loi !

M. Guy Hascoët.

En 1998, il y a un an et demi, la question préalable et l'exception d'irrecevabilité avaient toutes deux été rejetées par la volonté d'une majorité. Les contorsions parlementaires de certains groupes sur la chasse sont-elles si étonnantes, quand on voit que même


page précédente page 01074page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. Saint-Josse s'est déjà empêtré dans des contradictions, entre ses discours de campagne et ses votes au Parlement européen...

M. Franck Dhersin.

Amalgame !

M. Guy Hascoët.

Si vous continuez à m'interrompre, il nous sera difficile de terminer le débat avant 13 heures !

M. le président.

Laissez parler M. Hascoët, s'il vous plaît.

M. Guy Hascoët.

J'ai pour ma part écouté M. de Courson avec intérêt et sérénité ! Alors que nous pourrions débattre de sujets aussi importants que l'avenir de la protection sociale, du système éducatif, de la sécurité dans le transport maritime, et de bien d'autres encore, certains, sans doute plus intéressés par la chasse aux voix que par la résolution des problèmes liés à la chasse elle-même, ont jugé bon de mettre une fois de plus la chasse à l'ordre du jour à quelques semaines d'un débat général, qui a pour ambition d'apporter un apaisement et de rechercher un compromis véritable dans ce domaine.

Certains députés souhaiteraient-ils se faire les avocats des privilégiés du « système chasse » à la française ? Nous devinons malheureusement que la réponse à cette question est positive. Un mouvement politique a pourtant été créé pour cela.

L'attitude de nos collègues nous semble procéder - osons le mot ! - d'une certaine démagogie électorale.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

Pour la première fois, un gouvernement, sous l'impulsion de son ministre chargé de l'environnement, a décidé de régler sereinement les problèmes liés à la chasse.

M. René André.

Où est la sérénité ?

M. Guy Hascoët.

Constatant, comme les écologistes le disent depuis des décennies, que tous ces problèmes renvoient à l'organisation de la chasse elle-même, le Gouvernement a souhaité présenter au Parlement un projet de loi global. A problème global, réponse globale !

Mme Christine Boutin.

C'est le débat d'aujourd'hui !

M. Guy Hascoët.

Le Premier ministre et la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ont confié une mission à l'un de nos collègues, M. François Patriat. Celui-ci ne peut pas être soupçonné d'être antichasse, puisqu'il est lui-même vice-président d'une fédération de chasse.

M. Franck Dhersin.

Résumez !

M. Guy Hascoët.

Je tiens à rappeler ici que les Verts n'ont jamais souhaité l'interdiction de la chasse en France. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Claude Lenoir.

Vous plaisantez ?

M. Guy Hascoët.

Dans aucun programme et à aucun moment, il n'en a été question.

M. Michel Meylan.

Les Verts qui siègent dans cette assemblée sont favorables à l'interdiction de la chasse !

M. Guy Hascoët.

Ils n'y ont jamais été favorables, et cela n'a jamais fait partie de leur programme politique, à quelque élection que ce soit.

Sans prôner l'interdiction de la chasse, les Verts refusent cependant la banalisation de ce loisir très particulier. Notre sentiment est justement qu'il ne s'agit pas d'un loisir comme les autres. La pratique de la chasse n'est pas sans conséquences.

Même si c'est une évidence, il est bon de rappeler que cette activité suppose le maniement d'armes à feu, et également que le droit des non-chasseurs est inaliénable.

M. Jean Auclair.

Vous ne savez pas ce qu'est la chasse.

Vous ne pouvez pas en parler !

M. Guy Hascoët.

A entendre certains, on a l'impression que la chasse se résume à des promenades bucoliques dans la nature. Si tel est effectivement le cas, nos amis chasseurs peuvent tout simplement troquer leurs fusils pour des jumelles ou des appareils photo.

M. François Baroin.

Ayatollah !

M. Guy Hascoët.

Plus sérieusement, je me dois de rappeler à tous les propagandistes de la chasse que les accidents sont extrêmement fréquents. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Guy Teissier.

Sur la route aussi !

M. Guy Hascoët.

Le problème de la cohabitation entre chasseurs et non-chasseurs dans la nature doit être posé.

Il ne peut pas être occulté.

M. René André.

Les Verts sont des ayatollahs !

M. Guy Hascoët, En fait, ceux qui balaient cette question d'un revers de la main ont tout simplement tendance à considérer que l'environnement, la nature, n'appartiendrait qu'aux chasseurs. C'est tout juste si le promeneur, l'observateur, n'est pas vu comme un gêneur, comme un intrus qui dérangerait la pratique de la chasse !

M. François Vannson.

C'est caricatural !

M. Guy Hascoët.

Quand notre collègue M. Patriat a courageusement proposé que le mercredi soit un jour de non-chasse, certaines voix se sont élevées pour expliquer que c'était inacceptable, inadmissible. M. Saint-Josse, président de Chasse Pêche Nature et Traditions a cru bon d e rétorquer qu'il comptait sur le mercredi pour apprendre la chasse à sa fille ! Il doit comprendre que d'autres parents ambitionnent de faire découvrir autrement la nature à leurs enfants et que cela est tout à fait normal. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues, laissez parler l'orateur !

M. Guy Hascoët.

Chers collègues de l'opposition vous manifestez un manque de respect extraordinaire !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Hascoët.

M. Guy Hascoët.

J'attends que nos collègues se calment. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Christian Jacob.

C'est vous qui présidez, monsieur Hascoët ?

M. le président.

Je vous prie de poursuivre, monsieur Hascoët !

M. Guy Hascoët.

Il y a d'autres manières de découvrir la nature.

Je veux pouvoir expliquer à mon enfant la différence entre le fusain et le cornouiller sanguin, les vertus de

« l'herbe aux femmes battues », les dangers de la morelle douce-amère ou de la belladonne et, a contrario, lui faire goûter les plaisirs des fruits pas défendus.

Je veux lui apprendre à plier la branche du noisetier sans la casser et lui expliquer tranquillement que telle plante est utile pour soigner et telle autre pour teindre. Je


page précédente page 01075page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

veux lui apprendre à observer les oiseaux, à distinguer leurs chants et à reconnaître la rousserolle effarvatte ou le pinson des arbres et bien d'autres choses encore !

M. Jean Auclair.

La culture du pavot et de la marijuana ?

M. Guy Hascoët.

Bref, je voudrais pouvoir lui transmettre le savoir nécessaire pour profiter discrètement des grands spectacles qu'offre la nature.

M. René André et M. François Baroin.

Les chasseurs aussi peuvent faire tout cela !

M. Patrice Martin-Lalande.

Et ils le font !

M. Guy Hascoët.

C'est ce que vous dites. Cependant, il y a 97 % de parents qui n'envisagent pas d'apprendre à leurs enfants à chasser...

M. Jean Auclair.

Personne ne les y oblige !

M. Guy Hascoët.

... et ceux-là ont un droit à la nature que vous ne pouvez leur contester.

M. Patrice Martin-Lalande et M. René André.

Personne ne le leur conteste !

M. Guy Hascoët.

J'ai dit tout à l'heure que nous respections le droit de chasser, même si nous constatons que le nombre des personnes qui s'adonnent à la chasse est en diminution.

Dans une société libre, on doit certes accepter qu'une activité qui heurte les convictions de certains puisse être pratiquée par d'autres, à la condition que personne ne soit obligé de s'y soumettre. Or, avec la loi Verdeille, on était arrivé à une obligation de chasse.

Certains proposent aujourd'hui une réforme de cette loi mais en faisant peser sur ceux qui refuseraient l'accès de leurs terrains aux chasseurs les charges résultant éventuellement des dégâts causés par le gibier. Cela procède toujours de la même logique selon laquelle la chasse et ses besoins doivent primer sur les autres droits et les autres besoins. La liberté de chasser doit s'imposer à tous.

Alors que les écologistes ne plaident pas pour l'interdiction de la chasse, il serait tout de même un comble que les chasseurs refusent le droit de non-chasse. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Si la loi Verdeille viole le droit de propriété, comme l'ae nfin reconnu la Cour européenne des droits de l'homme, il faut rappeler qu'elle ne s'adressait qu'aux petits propriétaires. Les grands propriétaires n'étaient pas soumis à la même obligation.

M. Dominique Dord.

Capitaliste ! (Sourires.)

M. Guy Hascoët.

La démocratie est un tout, qui implique le respect des droits et libertés de chacun et le droit de propriété en fait partie. Mais est-il besoin de rappeler que la liberté est le fruit de la loi, votée démocratiquement dans les parlements ? Elle n'est pas le règne de la loi du plus fort.

M. François Vannson.

Le texte dont nous débattons est d'origine parlementaire !

M. Pierre Cardo.

Votre texte est-il si mal écrit que vous vous arrêtiez, monsieur Hascoët, entre les phrases ?

M. Guy Hascoët.

Non, j'essaie de raccourcir mon propos (« Ah ! » sur les mêmes bancs) afin de satisfaire aux attentes de bon nombre de personnes sur ces bancs.

Comme je l'ai déjà dit, la chasse n'est pas à nos yeux une activité banale. Sur le long terme, elle n'est pas sans conséquences sur les milieux où elle se pratique et force est de constater qu'elle peut porter et même qu'elle porte atteinte à la préservation de certaines espèces animales.

Dans notre attitude, vous devez voir le souci constant de défendre la biodiversité et l'ensemble des écosystèmes.

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous avons le même souci !

M. Guy Hascoët.

Nous ne nous penchons pas simplement sur les conséquences de la chasse. On nous retrouve dans tous les combats, qu'il s'agisse de certains aspects de l'industrie, de l'agriculture ou de l'aménagement des grandes infrastructures. Et j'aimerais que les voix qui s'élèvent aujourd'hui et qui paraissent si soucieuses de défendre l'environnement s'expriment également, à nos côtés, dans tous ces combats-là.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

En portant atteinte à la bio-diversité, c'est à la qualité de vie humaine que l'on porte atteinte. De dégradations en dégradations de l'ecosystème, c'est la survie des êtres humains qui est mise en cause. De nombreuses crises sanitaires ou environnementales l'ont encore récemment montré.

M. François Baroin.

Heureusement que les Verts ne s'en occupent pas !

M. Guy Hascoët.

D'une manière générale, il nous semble dans l'intérêt même des chasseurs de ne pas détruire la « ressource ». Certains l'ont compris, qui prônent une chasse écologiquement responsable.

Il nous paraît curieux que certains veuillent, en levant tout obstacle, généraliser des pratiques qui ont pour conséquence l'appauvrissement de certaines espèces, au point de faire craindre leur disparition avec, finalement, pour risque la disparition de la chasse elle-même.

M. Michel Meylan.

Vous pensez à quelle espèce ?

M. Dominique Dord.

Aux loups !

M. Guy Hascoët.

Si certains parlent de plaisir pour la chasse, pourquoi préférer les frustrations des plaisirs éphémères aux joies d'un plaisir durable sans cesse renouvelé ?

Mme Christine Boutin.

Voeux pieux !

M. Michel Herbillon.

Après le développement durable, le plaisir durable !

M. Guy Hascoët.

Plus généralement, le problème de l'impact de la chasse sur les milieux ne peut pas, lui non plus, être évacué. Il dépasse la simple question de la ressource. Il concerne aussi bien les conséquences des pratiques mêmes de chasse que l'accès à certains espaces fragiles par des moyens motorisés, ou encore la construction d'édifices pour la chasse dans des espaces naturels protégés. On s'est même aperçu que la population piscicole de certains lacs souffrait de saturnisme.

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que les écologistes soient méfiants, pour ne pas dire surpris, quand ils entendent dire que la chasse, avec ses excès, est la meilleure manière de préserver l'environnement.

En matière de gestion et de restauration des milieux, je crois pouvoir dire - et je sais qu'il y a des oreilles attentives qui m'écoutent dans les tribunes - que les Verts ont largement fait leurs preuves. Quand nous avons eu des responsabilités, nous avons su prendre des décisions. Il n'est que de voir le bilan des six années de direction par des Verts du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais.

Vous verrez que notre attitude vis-à-vis du monde de la chasse et de la préservation de la ressource était totalement ouverte.

Le texte qui nous est présenté est introduit « à la va vite » (Exclamations sur les mêmes bancs.)


page précédente page 01076page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. Patrice Martin-Lalande.

La proposition de loi a été adoptée il y a neuf mois par le Sénat !

M. Guy Hascoët.

... et propose une réforme restreinte de la chasse, alors qu'il nous semble nécessaire d'avoir sur ce sujet un débat approfondi.

Un projet de loi a été adopté en conseil des ministres.

Il va être très prochainement examiné par notre assemblée.

Mme Christine Boutin.

La réforme que nous demandons n'est pas prévue dans le texte du Gouvernement !

M. Guy Hascoët.

Un débat important aura donc lieu à cette occasion. C'est pourquoi il nous semble plus judicieux de ne pas séparer les problèmes et d'étudier les questions soulevées par la proposition de loi lors de ce prochain débat afin de traiter l'ensemble des aspects du dossier.

Mme Christine Boutin.

Mme la ministre n'en parle pas dans son texte !

M. Guy Hascoët.

Il y a en effet deux types de recherche : ou trouver un terrain d'entente afin de « séréniser » les choses en trouvant des règles juridiques qui puissent convenir à tout le monde par la recherche d'un vrai compromis ou se prêter à des exercices qui confinent plus à la démagogie politique qu'à la recherche de véritables solutions.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

Puisque l'occasion m'en est donnée, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que les textes qui régissent la chasse ne datent pas de 1997 mais qu'ils ont vingt ans et ont été adoptés à une époque où ceux qui souhaitent aujourd'hui l'adoption de la proposition de loi dont nous débattons étaient au gouvernement.

I l est aujourd'hui nécessaire d'accompagner la démarche du Gouvernement qui consiste à ouvrir un débat global afin de trouver des règles précises sur l'ensemble des problèmes posés par ce dossier.

Certains voudraient ne rien changer ou simplement satisfaire les exigences, pour ne pas dire plus, de certains.

Je crois que le « système-chasse » a besoin d'une vraie réforme. Il faut le ramener dans le droit chemin, c'est-àdire dans le droit commun. Il faut, le démocratiser et le rendre plus transparent. C'est une nécessité.

L'organisation de la chasse en France se caractérise par un système de délégation de service public aux fédérations départementales de chasseurs qui demeurent avant tout des organismes de droit privé. Cela doit entraîner certaines obligations. On peut en effet s'étonner d'une telle organisation. Cette délégation de service public rend les chasseurs juges et parties et est, de surcroît, le prétexte à la délégation de la collecte et de la gestion d'un impôt, ce qui est un cas unique en France.

J'ai été un peu surpris par l'argumentation de notre collègue de Courson : elle consistait finalement à dire que la pratique illégale était tellement généralisée qu'il falla it que le droit s'adapte de manière à rendre légal ce qui était illégal. Ce qui est étonnant dans la bouche de quelqu'un qui nous montre régulièrement dans cet hémicycle sa parfaite connaissance de la fiscalité et se targue de vouloir la faire respecter scrupuleusement.

J'attire simplement son attention sur les conséquences que pourrait avoir un tel raisonnement dans d'autres domaines.

M. de Courson accepterait-il que l'on applique le même principe à la fraude fiscale ? Faudrait-il l'accepter comme règle au motif qu'elle est, malheureusement, une pratique fort répandue dans notre pays ? Faut-il la légaliser, c'est-à-dire supprimer les impôts ou, à tout le moins, les contrôles fiscaux, ce qui revient au même ?

M. Michel Meylan.

Arrêtez-le !

M. Guy Hascoët.

Dans un autre domaine, faut-il supprimer les limitations de vitesse parce que beaucoup d'automobilistes ne les respectent pas ? (Protestations sur les mêmes bancs.)

Mme Christine Boutin.

Vous êtes capable de mieux, monsieur Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Le vrai souci qu'il faut avoir, c'est de rechercher ce qui est juste et ce qui est du ressort de l'intérêt général et de la défense concomitante des différents intérêts en présence afin de permettre à tous les usagers de profiter des espaces naturels de la manière qu'ils veulent.

Un travail de clarification mené par la représentation nationale, toutes tendances confondues, serait une contribution utile au débat sur la chasse. Ce débat a été cadré par le rapport de M. Patriat.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Hascoët est mauvais !

M. Guy Hascoët.

Et vous, très bons ! Je sais (Sourires).

Les Verts sont les premiers à reconnaître qu'il faut parfois modifier ou abroger des lois si elles sont injustes. Mais ils ne peuvent accepter qu'au simple motif que la pratique contourne la loi, on veuille l'adapter pour faire de cette dérogation la règle. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

En bref (Rires et exclamations sur les mêmes bancs), nous ne pouvons accepter que les règles que nous avons à élaborer ensemble ne soient pas le fruit d'un grand débat d émocratique. L'ensemble des problèmes dont nous aurons à discuter et des paramètres que nous avons à prendre en compte d'ici à quelques semaines ont été énoncés. Cela explique le dépôt de cette motion de renvoi en commission.

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est de l'obstruction !

M. Guy Hascoët.

Nous devons prendre le temps d'un débat approfondi, après une large concertation et une discussion avec tous les acteurs concernés. A votre demande, madame la ministre, ce travail a déjà été entamé de façon claire et déterminée par notre collègue Patriat. Vousmême l'avez impulsé dès votre arrivée en 1997. Une première étape peut être franchie avec le projet de loi du Gouvernement.

Ce travail ne doit pas être inutilement entravé par l'adoption précipitée d'une proposition de loi partielle, et également - je le dis - partiale. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Le débat parlementaire sur le projet de loi du Gouvernement, que nous contribuerons, comme d'autres, à alimenter permettra sûrement de progresser encore davantage sur des questions comme la démocratie dans le monde de la chasse lui-même.

Des avancées sont d'ores et déjà acquises et devraient pouvoir faire l'objet d'un large consensus. La transposition de la directive européenne sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs devrait permettre d'en finir avec une question qui a été trop instrumentalisée par certains. De même, la réforme du permis de chasse devrait contribuer à remettre la pratique de la chasse dans le droit commun. Enfin, la reconnaissance d'un jour de non-chasse nous paraît être un premier pas intéressant, même si un débat demeure pour savoir quel serait le ou les jours les plus adaptés.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)


page précédente page 01077page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

En tout état de cause, une première modification de la loi Verdeille est maintenant acquise - elle était devenue, fort heureusement, incontournable.

Il y a fort à parier que ces évolutions en appellent d'autres. Nous sommes déterminés à en accélérer l'avènement. Nous continuons de penser qu'il est et qu'il sera possible de dégager ensemble les principes d'une politique d'intérêt général.

Avec un projet de loi global en mars, il n'est point besoin d'adopter une loi partielle en février. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Marc Laffineur pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Marc Laffineur.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants, tout comme l'ensemble de l'opposition, votera bien entendu contre le renvoi en commission. Je n'insisterai pas sur le rôle primordial des chasseurs...

M. Jean-Pierre Brard.

Chasseurs de voix !

M. Marc Laffineur.

... dans l'entretien des zones humides ou dans la mise en place des plans de chasse ; la remontée du nombre de cervidés notamment dans notre pays en témoigne.

P ermettez-moi d'insister sur un point. A vous entendre, ce serait l'Europe qui nous imposerait ses lois et qui ferait en sorte que la chasse de nuit, en particulier, soit interdite. Faites très attention. Pour commencer, ce n'est pas vrai. Cela ne dépend pas de l'Europe, mais de notre pays et de lui seul.

M. François Goulard.

Des socialistes !

M. Marc Laffineur.

C'est à nous de décider. Mais il y a plus grave : en disant cela, vous mettez à mal l'Europe, vous faites petit à petit monter un sentiment antieuropéen dans nos campagnes. A terme, ce genre d'arguments pourrait bien se retourner contre vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Marc Laffineur.

Voilà pourquoi je crois que cette disposition de loi permettra d'apaiser le climat qui règne actuellement dans nos campagnes. Nous voterons bien évidemment contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. François Liberti, pour le groupe communiste. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Liberti.

Comme j'ai eu l'occasion de l'exprimer au nom du groupe communiste et partenaires, le projet de loi du Gouvernement qui viendra dans quelques jours en discussion - je serai tenté de dire : enfin ! - peut donner l'occasion à la France de prendre ses responsabilités pour assurer une protection efficace des chasses populaires et traditionnelles et de l'environnement, en ouvrant à tout un chacun l'accès à la nature et aux pratiques qui s'y rattachent. Cela, nous le pouvons, mais à deux conditions toutefois. (« Ah ! sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.) La première est de sortir ce débat de l'impasse dans laquelle il se trouve aujourd'hui englué, où prédominent largement des fins politiciennes, où l'anti-chasse en vient à alimenter des positions extrêmes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) que ne partage pourtant pas l'immense majorité des chasseurs. Nous refusons et nous refuserons l'instrumentalisation politicienne de ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. François Liberti.

La deuxième condition, c'est que le projet de loi chasse du Gouvernement soit fortement amendé...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Il ne le sera pas !

M. François Liberti.

... en intégrant tout particulièrement une législation sur la chasse au gibier d'eau de nuit et à la passée. C'est la seule position qui s'impose si l'on veut préserver cette pratique qui marque profondément la culture de nombreux départements dans notre pays.

M me Christine Boutin.

Mme Voynet n'a donné aucune garantie !

M. François Liberti.

Ainsi que je l'ai dit, le texte qui nous est soumis n'apporte à l'évidence qu'une partie de réponse à la situation actuelle ; il intervient de surcroît en fin de période de chasse. Sur le fond, et par souci de cohérence, nous ne souhaitons pas que le débat d'aujourd'hui rende plus difficile encore la discussion du projet de loi qui nous viendra au mois de mars. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

Combien de circonscriptions sont en jeu ?

M. Jean-Louis Debré.

Quel hypocrite !

M. François Liberti.

C'est la raison pour laquelle...

M. Bernard Accoyer.

A la soupe !

M. le président.

Je vous en prie ! Poursuivez, monsieur Liberti.

M. François Liberti.

C'est la raison pour laquelle j'avais conclu mon propos liminaire en posant une question simple au Gouvernement : ...

Mme Christine Boutin.

Une bonne question !

M. François Liberti.

... va-t-on, oui ou non, intégrer une légalisation sur la chasse de nuit et à la passée pour le gibier d'eau dans le projet de loi gouvernemental, dans tous les départements où celle-ci est pratiquée de manière traditionnelle ?

Mme Christine Boutin.

Bonne question, mais pas de réponse !

M. François Liberti.

Or votre réponse, madame la ministre, ne nous satisfait pas.

(« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la démocratie française-


page précédente page 01078page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous ne nous avez donné aucune assurance sur ce point.

Plus grave encore, vous nous avez confirmé que vous en resterez à la dépénalisation pour une période de cinq ans.

Cela ne pourra qu'engendrer de nouveaux contentieux juridiques (« Dans ce cas, votez le texte aujourd'hui ! », sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et c'est à coup sûr le meilleur moyen de structurer mieux encore ce petit jeu politicien qui nourrit les extrêmes. Il faut en sortir par le haut, il faut en sortir sur le fond, il faut en sortir par la loi. (Sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants : « Adoptez donc la proposition » !)

M. François Liberti.

Dans ces conditions, nous ne voterons pas la motion de renvoi en commission. Le groupe communiste et partenaires s'abstiendra sur cette motion et annonce d'ores et déjà qu'il déposera une série d'amendements sur le projet de loi qui viendra en discussion en mars prochain, sur la légalisation de la chasse de nuit, les dates d'ouverture et de fermeture et la journée de nonchasse notamment, ainsi que sur nombre de points plus globaux de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur quelques bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Gilles de Robien, pour le groupe UDF.

M. Gilles de Robien.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les propos laborieux et embarrassés de Guy Hascoët à l'instant montrent bien l'étrange faiblesse des arguments qui plaident en faveur d'un renvoi en commission. Et l'attitude du parti communiste,...

M. Daniel Feurtet et M. Alain Bocquet.

Du groupe communiste, s'il vous plaît ! M. Gilles de Robien. ... du groupe communiste luimême, témoigne de son embarras. Nous n'avons certes pas à nous mêler des divergences qui peuvent exister sur la chasse, que nous comprenons du reste fort bien. Néanm oins, je voudrais reprendre trois arguments pour démontrer que cette demande de renvoi en commission, dans le contexte actuel, n'a rien de logique.

Pour commencer à partir du moment où nous avons gagné, de haute lutte, allais-je dire,...

M. Jean-Pierre Brard. Par la lutte finale ! M. Gilles de Robien. ... des niches parlementaires, comme on les appelle de façon un peu familière, utilisons-les ! Oser répondre qu'un texte gouvernemental doit nous venir dans quelques semaines et doit forcément prendre le pas, laissant une fois de plus toute latitude au Gouvernement, maître de l'ordre du jour prioritaire, alors que nous avons justement l'occasion de nous exprimer en tant que parlementaires, c'est une démission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gilles de Robien. Je le répète : c'est une démission.

Nous n'avons pas à être aux ordres d'un pouvoir exécutif, fût-il en l'occurrence assez autoritaire.

M. Jean-Pierre Brard. C'est révolutionnaire ! M. Gilles de Robien. Mais oui, mon cher collègue ! Après tout, ces niches parlementaires, nous les avons gagnées ! Ensuite, plusieurs orateurs l'ont souligné, ce serait un affront à nos collègues du Sénat, qui ont voté à l'unanimité le texte qui vous est proposé aujourd'hui, toutes sensibilités politiques confondues. (Rires et exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

L'argument selon lequel, au motif que le Gouvernement préparerait un texte, il faudrait stopper la volonté parlementaire n'est donc pas recevable. Je remarque au passage que ceux-là même qui l'invoquent admettent, voire soulignent que le projet gouvernemental est très différent du rapport Patriat, pourtant largement salué ! Mme Christine Boutin. Absolument ! M. Gilles de Robien. Annoncer comme vous l'avez fait, cher collègue Patriat, qu'il faudrait peut-être 500 amendements, c'est par là même reconnaître que ce projet est mauvais. Pourquoi devrions-nous attendre durant un tel délai, et avec autant d'impatience, un texte que nous nous apprêtons à démolir ? Charles de Courson l'a souligné : il y a urgence à ligéférer. Nous ne pouvons prolonger davantage la période de non-droit que nous vivons. Le parti socialiste, par la voix de Henri Sicre, président du groupe d'étude de l'Assemblée sur la chasse, a lui même jugé que le texte était invotable en l'état - je vous renvoie à une dépêche de l'AFP du 16 février. Pour M. Patriat également, le texte gouvernemental ne sera voté que si le dossier « Chasse de nuit » est réglé. Nous avons justement la possibilité de le faire aujourd'hui ! Pour M. Liberti, le projet de loi gouvernemental sur la chasse ne permet pas d'y voir clair. C'est lui-même qui le dit ! France Nature Environnement aussi attaque le projet de loi. Et Les Echos de conclure : « Rarement texte aura fait autant l'unanimité contre lui. » Dans ces conditions,

devons-nous attendre plus longtemps un hypothétique texte gouvernemental ? Non. Il y a urgence.

E nfin, je ne vois aucune contradiction entre la recherche d'une solution globale et des solutions apportées aujourd'hui par notre proposition. Régler dès aujourd'hui les problèmes liés à la chasse de nuit et à la loi Verdeille serait déjà une avancée importante qui ne remettait pas en cause les autres aspects abordés dans le rapport Patriat sur le permis de chasser, l'Office national de la chasse, la Fédération de la chasse, la gestion du gibier, etc.

Les réponses apportées dans notre proposition sont plus proches du rapport Patriat que le texte gouvernemental. Tout est clair depuis votre intervention, madame la ministre : malgré les demandes de la majorité plurielle, vous refusez de pérenniser la chasse traditionnelle de nuit.

Ceux qui, la main sur le coeur, ont déclaré leur soutien aux chasses traditionnelles de nuit ne peuvent donc plus voter le renvoi en commission. Les chasseurs et le monde rural nous regardent. Nous leur apportons notre soutien.

Nous espérons être suivis par une grande partie de la majorité. C'est pourquoi l'UDF votera contre le renvoi, inutile, en commission et a demandé un scrutin public.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe UDF-Alliance et par le groupe RCV d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est d'ores et déjà annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.


page précédente page 01079page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. Gérard Charasse.

Monsieur le président, je voudrais tout d'abord répondre à l'argument de l'orateur précédent selon lequel nous ne respecterions pas nos collègues du Sénat si nous votions pour le renvoi en commission. Rappelons que nos collègues sénateurs, au moment où ils ont d iscuté, puis voté cette proposition, n'avaient pas connaissance du projet de loi gouvernemental. Il n'y a donc pas lieu d'opposer leur vote à celui que nous pourrons émettre aujourd'hui.

Après avoir entendu les divers orateurs, et notamment Mme la ministre et notre collègue Guy Hascoët, je maintiens que l'adoption d'une telle proposition de loi serait à nos yeux non seulement prématurée, mais proprement inutile, puisqu'elle ne reviendrait à traiter que de deux aspects particuliers d'un problème beaucoup plus général.

Dans quelques semaines, un texte gouvernemental sera soumis à notre examen. Il faudra sans doute l'amender et nous pourrons le faire. Mais il devrait nous permettre de répondre à toutes les interrogations que nous nous posons, et particulièrement à celles des chasseurs, et d'apporter des réponses globales, un regard global sur des problèmes eux aussi globaux. C'est pourquoi mes collègues du groupe RCV et moi-même voterons le renvoi en commission de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. René André, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. René André.

Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe du Rassemblement pour la République votera contre le renvoi en commission.

A l'issue de ce débat, une seule question se pose : sommes-nous, oui ou non, favorables à la légalisation de la chasse de nuit pour le gibier d'eau ?

M. Bernard Accoyer.

Voilà qui est clair !

M. René André.

Malgré toutes leurs déclarations contradictoires, ceux qui voteront pour le renvoi en commission ou s'abstiendront se seront en fait bel et bien prononcés contre la légalisation de la chasse de nuit et, à terme, n'en doutez pas, pour la suppression, la fermeture et la destruction des huttes et des gabions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Ce dont on se rappellera en tout cas, c'est que la majorité plurielle se sera en dernière analyse ralliée aux thèses les plus « anti-chasse » de Mme Voynet et opposée à la légalisation de la chasse de nuit.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous confondez Mme Voynet avec Diane ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ou la fée Carabosse !

M. René André.

Et si, malgré tout, un nouveau texte nous est prochainement soumis comme on nous le promet, qui pourrait aboutir in fine à la légalisation de la chasse de nuit et à la préservation des gabions et des huttes - il est permis d'espérer -, ce sera grâce à l'opposi tion dont les différentes propositions de loi et la détermination auront contraint Mme Voynet à plier.

Nous vous donnons rendez-vous les 28 et 29 mars.

Nous verrons alors ce qui sera décidé sur la chasse de nuit ; nous verrons comment tiendront leur parole ceux qui nous ont tenu aujourd'hui des déclarations aussi péremptoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues qui, sur tous ces bancs, m'avez fait l'amabilité de me citer à maintes reprises...

M. Francis Delattre.

C'est dur, hein, d'avaler des couleuvres ?

M. François Patriat..., je voudrais vous expliquer en quoi notre position, qui consiste à renvoyer ce texte de loi en commission, est parfaitement logique. Le groupe socialiste n'entend se tromper ni sur l'objectif, ni sur la démarche, ni sur les moyens.

Notre objectif, c'est une vraie loi chasse et non un texte d'opportunité, voté à la hâte, tronqué, politicien...

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

Ça non, vous n'êtes pas opportuniste !

M. François Patriat.

... et porteur de propositions inadmissibles, telle la législation de la chasse de nuit légalisée en Ardèche, en Ariège, en Haute-Saône, où aucune tradition de ce genre n'a jamais existé.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Notre objectif, chers collègues, c'est le vote d'une vraie loi, qui prenne en compte toutes les questions auxquelles les chasseurs et les non-chasseurs sont en droit d'attendre des réponses. J'ai tenté dans mon rapport d'avancer des propositions qui forment un compromis global, qui supposent des concessions des uns et des autres, mais qui apportent également aux chasseurs des assurances en terme de légitimité et de durabilité.

Mme Christine Boutin.

Mais ce n'est pas le projet de loi !

M. François Patriat.

Ces propositions, mes chers collègues, je les ai voulues dépouillées du lyrisme et des clichés faciles que j'ai entendus ce matin. Oui, la chasse fait partie du patrimoine culturel de la France et de la France rurale. Oui, la chasse en France est une tradition légitime. Mais la France doit aussi savoir s'adapter, s'adapter à une nouvelle citoyenneté, s'adapter aux nouvelles donnes scientifiques ; pour cela, elle doit évoluer.

M. Michel Herbillon.

Mais qu'est-ce qu'il dit ?

M. François Patriat.

Je dis tout simplement que la chasse doit évoluer, mon cher collègue ! Il n'y aura pas de solution durable aux problèmes de la chasse en France si l'on ne prend pas en compte trois paramètres essentiels.

En premier lieu, il faut intégrer la directive européenne dans le droit français. Pendant quatorze ans, vous avez fait croire aux chasseurs français que cette directive n'existait pas. Et depuis six ans, vous leur faites croire qu'on peut la changer alors que nous sommes seuls à le demander ! En deuxième lieu, il faut assurer la gestion et le renouvellement des espèces.

En troisième lieu, il faut permettre le partage des espaces par un dialogue intégrant tout à la fois sécurité, information et écoute mutuelle. Or, dans le texte de loi de M. de Courson, je ne retrouve rien des problèmes essentiels que pose la chasse en France aujourd'hui !


page précédente page 01080page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Contrairement à ce que j'entends ici et là, le texte que nous propose le Gouvernement reprend la plupart de mes propositions.

M. Guy Drut.

Chasseur à la carabine ! Il chasse le gros !

M. Philippe Auberger.

Chasseur de dahu !

M. François Patriat.

Mais nous considérons, chers collègues, que ce texte est perfectible.

M. René André.

Ah !

M. François Patriat.

Aucun texte n'est jamais passé à l'Assemblée nationale sans avoir subi un examen approfondi, sans avoir été accommodé de nombreux amendements. Le groupe socialiste utilisera son droit d'amendement pour l'améliorer, notamment sur les deux points essentiels qui ont été évoqués aujourd'hui. Je pense à la chasse de nuit légalisée, qu'il n'est pas question de légaliser à la hâte et en toute démagogie dans quarante-deux départements... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

C'est scandaleux !

M. François Patriat.

... mais seulement dans les départements où elle est réellement pratiquée depuis plus de cent ans, où elle est devenue une réelle tradition, où elle correspond à une légitimité sociale, historique.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Alors votez la proposition de loi !

M. François Patriat.

Aussi, sur ce dossier comme sur celui de la passée, le groupe socialiste se prononcera dans le sens des propositions que j'ai faites dans mon rapport.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et vert, et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le vrai rendez-vous aura lieu dans un mois. Je vous invite à y participer dès ce soir, à seize heures quinze, en commission.

M. Guy Drut.

Narcisse !

M. François Patriat.

Les vrais défenseurs de la chasse sont ceux qui travailleront à mettre fin aux contentieux.

Or le vote de ce texte en l'état entraînerait, à terme, la c ondamnation de la France et peut-être même la condamnation de la chasse. C'est pourquoi nous ne le voterons pas. Mais nous ne le rejetons pas : nous le renvoyons en commission et dès ce soir...

M. Thierry Mariani.

C'est facile ! Vous bottez en touche !

M. François Patriat.

Il sera examiné dans le mois qui vient. Et surtout, j'en appelle au courage, non à la démagogie : nous ne saurions voter sous la pression. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) J'ai reçu cette semaine des dizaines de textes, de fax et de lettres émanant de certains chasseurs, de jusqu'au-boutistes qui, chaque jour, ont passé à faire pression sur leurs députés durant la semaine où ils ne sont pas au Parlement. Je trouve cela proprement inadmissible ; je ne céderai pas pour ma part aux pressions de l'« extrême-chasse ».

(Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Chers collègues, nous aborderons dès ce soir le débat sur la chasse. Nous avons un mois devant nous. Cette proposition n'est pas rejetée ; elle doit être renvoyée en commission. Telle est la position du groupe socialiste.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de renvoi en commission de M. Guy Hascoët.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur la motion de revoi en commission : Nombre de votants ...................................

335 Nombre de suffrages exprimés .................

309 Majorité absolue .......................................

155 Pour l'adoption .........................

157 Contre .......................................

152 L'assemblée nationale a adopté.

La motion de renvoi en commission étant adoptée, il appartiendra à la conférence des présidents de fixer les conditions de la suite de la discussion.

7

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion du projet de loi, no 2065 et annexes, autorisant la ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale : M. Pierre Brana, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2141) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1306, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hongroise : M. René André, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1956) ; (Procédure d'examen simplifiée. Art. 107 du règlement) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1307, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières ;


page précédente page 01081page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. René André, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1954) ; (Procédure d'examen simplifiée. Art. 107 du règlement) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1308, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières : M. René André, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1955) ; (Procédure d'examen simplifiée. Art. 107 du règlement) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1425, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières : M. François Loncle, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2024) ; Procédure d'examen simplifiée. Art. 107 du règlement) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1659, autorisant la ratification de la convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé : Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2081) ; (Procédure d'examen simplifiée. Art. 107 du règlement) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1424, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud pour la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières : M. Pierre Brana, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2080) ; (Procédure d'examen simplifiée. Art. 107 du règlement) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1432, autorisant l'approbation de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs : M. Georges Sarre, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2111) ; (Procédure d'examen simplifiée. Art. 107 du règlement) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1658, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande : M. Roland Blum, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2112) ; (Procédure d'examen simplifiée. Art. 107 du règlement).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Discussion du projet de loi, no 1575, relatif à l'archéologie préventive : M. Marcel Rogemont, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2167).

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR E TABLI EN CONFE

RENCE DES PRE

SIDENTS (Réunion du mardi 22 février 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 22 février au jeudi 16 mars 2000 inclus a été ainsi fixé : Mardi 22 février 2000 : Le matin, à 9 heures : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse (nos 1734 et 2142).

(Ordre du jour complémentaire) L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement : Discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale (nos 2065 et 2141).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hongroise (nos 1306 et 1956).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (nos 1307 et 1954).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières (nos 1308 et 1955).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (nos 1425 et 2024).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé (nos 1659 et 2081).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud pour la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières (nos 1424 et 2080).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déch ets radioactifs (nos 1432 et 2111).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande (nos 1658 et 2112).

(Ces huit derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.)

Le soir, à 21 heures : Discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive (nos 1575 et 2167).


page précédente page 01082page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Mercredi 23 février 2000, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement : Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi portant abrogation de l'article 78 de la loi no 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle (nos 2117 et 2166).

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)

Eventuellement, suite de la discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive (nos 1575 et 2167).

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (nos 2116 et 2165).

Le soir à 21 heures : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (nos 735, 2114 et 2109).

Jeudi 24 février 2000, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures et, éventuellement, le soir, à 21 heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant création d'une Commission nationale de déontologie de la sécurité (no 2139).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (no 2140).

Mardi 29 février 2000, le matin, à 9 heures : Discussion de la proposition de loi de M. Jean Le Garrec instaurant une Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France (no 1727).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux volontariats civils institués par l'article L.

111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national (no 2176).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et jur idique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (no 1924).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'é tablissement, à Paris, d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) (no 1931).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (no 1932).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (no 1933).

(Ces quatre derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.) Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (no 2121).

Mercredi 1er mars 2000 : L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Eventuellement, suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des d élits non intentionnels (no 2121).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (no 2157).

Discussion de la proposition de loi de M. André Gerin relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire (no 2046).

(Ces deux derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique (no 2158).

Jeudi 2 mars 2000 : L'après-midi, à 15 heures, et, éventuellement, le soir, à 21 heures : Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (nos 2123, 2130).

Discussion du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (nos 2067, 2159).

Mardi 7 mars 2000 : Le matin, à 9 heures : Discussion de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (no 2132).

(Ordre du jour complémentaire.)

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives.

Discussion, en quatrième lecture, du projet de loi organique relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux.

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, interdisant les candidatures multiples aux élections cantonales (no 1948).

Suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson relative à l'égalité professionnelle entre les fe mmes et les hommes (no 2132).

Mercredi 8 mars 2000 : L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures.

Jeudi 9 mars 2000 : L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (no 2131).

Mardi 14 mars 2000 : Le matin, à 9 heures : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures.

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (no 2131).

Mercredi 15 mars 2000 : L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Jeudi 16 mars 2000 : L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (no 2131).


page précédente page 01083

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du mardi 22 février 2000 SCRUTIN (no 226) sur la motion de renvoi en commission, présentée par M. Hascoët, de la proposition de loi portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse.

Nombre de votants .....................................

335 Nombre de suffrages exprimés ....................

309 Majorité absolue ..........................................

155 Pour l'adoption ...................

157 Contre ..................................

152 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 140 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Abstentions : 2. - MM. François Deluga et Jacques Fleury

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (136) : Contre : 64 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (69) : Contre : 52 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 32 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Pour : 1. - M. Jean-Pierre Brard.

Contre : 3. - MM. Patrice Carvalho , Maxime Gremetz et Georges Hage.

Abstentions : 24 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (32) : Pour : 15 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 1. - M. Jacques Desallangre.

Non inscrits (7).

Pour : 1. - M. Marcel Cabiddu.