N° 1072

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 juillet 1998.

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE N° 1072
modifiant l'
article 88-2 de la Constitution,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. JACQUES CHIRAC,
Président de la République,

PAR M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,

ET PAR Mme ÉLISABETH GUIGOU,
garde des sceaux, ministre de la justice.

Union européenne.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le traité modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, signé à Amsterdam le 2 octobre 1997, a inséré dans le traité de Rome un titre III A (titre IV dans la nouvelle numérotation) intitulé " visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes ". Les dispositions de ce titre confèrent à la Communauté européenne des compétences nouvelles en ces matières.
Si, pendant un délai de cinq ans à compter de son entrée en vigueur, la plupart des mesures relevant de ce titre nouveau ont vocation à être adoptées à l'unanimité, l'article 73 O inséré dans le traité instituant la Communauté européenne (article 67 dans la nouvelle numérotation) habilite le Conseil, au-delà de ce délai, à décider à l'unanimité d'appliquer à tout ou partie de ces matières la procédure de codécision définie à l'article 189 B dudit traité (article 251 dans la nouvelle numérotation) : dans ce cadre, les décisions sont prises à la majorité qualifiée. Le quatrième paragraphe de ce même article 73 O prévoit le passage automatique à la procédure de codécision et de majorité qualifiée, au terme de ce délai de cinq ans, pour les conditions de délivrance des visas de court séjour et les règles applicables en matière de visa uniforme.
Saisi conjointement le 4 décembre 1997 par le Président de la République et le Premier ministre, conformément à l'article 54 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a estimé, par sa décision n° 97-394 DC du 31 décembre 1997, que l'autorisation de ratifier le traité d'Amsterdam ne pourrait intervenir qu'après révision de la Constitution.

Il a jugé en effet que l'application éventuelle de la procédure de codécision et de majorité qualifiée aux règles de franchissement des frontières intérieures de la Communauté, aux modalités de contrôle des personnes aux frontières extérieures ainsi qu'aux politiques d'asile et d'immigration affecterait les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté. De même, le Conseil constitutionnel a considéré que l'application de plein droit de la procédure de codécision aux règles relatives aux visas aurait le même effet.
Tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, le présent projet de loi constitutionnelle a pour objet de permettre au législateur de ratifier le traité d'Amsterdam, en modifiant la Constitution pour la rendre compatible avec ce traité. En s'inspirant de la rédaction de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992, il complète l'article 88-2 de la Constitution par un alinéa supplémentaire selon lequel, sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. La référence à la libre circulation des personnes se justifie par la circonstance que les transferts de compétences et les procédures de décision impliquant la révision constitutionnelle figurent dans le titre III A nouveau du traité instituant la Communauté européenne relatif aux visas, à l'asile, à l'immigration et aux autres politiques liées à la libre circulation des personnes.
Afin d'éviter toute redondance entre les deux alinéas que comportera désormais l'article 88-2 de la Constitution, il est proposé de retrancher du premier la mention des transferts de compétences résultant du traité sur l'Union européenne et relatifs au franchissement des frontières extérieures. Ces questions sont en effet exhaustivement traitées dans le second alinéa qu'il est proposé d'adopter.

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Le Président de la République,

Sur proposition du Premier ministre,

Vu l'article 89 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

I.- A l'article 88-2 de la Constitution, les mots : " ainsi qu'à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne " sont supprimés.
II.- Il est ajouté à ce même article un alinéa ainsi rédigé :
" Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. "

Fait à Paris, le 29 juillet 1998.

Signé : JACQUES CHIRAC

Par le Président de la République :

Le Premier ministre,
Signé : LIONEL JOSPIN

Le garde des sceaux,
ministre de la justice,
Signé : ÉLISABETH GUIGOU


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