Document
mis en distribution
le 10 mai 1999

N° 1575

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 mai 1999.

PROJET DE LOI

relatif à l'archéologie préventive,

(Renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,

PAR Mme CATHERINE TRAUTMANN,
ministre de la culture et de la communication.

Patrimoine culturel.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'archéologie préventive, qui s'est développée ces vingt-cinq dernières années au rythme des grands chantiers d'aménagement, occupe aujourd'hui une place prépondérante dans le secteur de la recherche archéologique.
Le développement de cette activité de recherche s'est opéré de façon pragmatique, sans accompagnement législatif et sans politique des pouvoirs publics au regard de la diffusion de ses résultats. Cette situation a conduit à un état de crise préjudiciable à ce secteur d'activité scientifique.
Le Gouvernement a décidé de clarifier le cadre d'intervention des archéologues quand ils agissent à titre préventif, sur des terrains faisant l'objet d'opérations d'aménagement susceptibles de détruire des vestiges ou des traces archéologiques significatives.
Le présent projet de loi vise ainsi à concilier les exigences de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social.

I- LE CONSTAT
L'archéologie préventive s'est développée sans cadre juridique spécifique. Comme dans la plupart des pays européens, la législation sur la préservation du patrimoine archéologique (loi du 27 septembre 1941, dite loi Carcopino, portant réglementation des fouilles archéologiques, validée par l'ordonnance n° 45-2092 du 13 septembre 1945) a en effet été adoptée avant le développement de cette activité scientifique et patrimoniale, née de l'essor des grands chantiers et des opérations d'aménagement en centre ville.
Pour permettre la réalisation des opérations dans des conditions compatibles avec les attentes des aménageurs, l'État a créé, en 1973, l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), placée sous son contrôle. Aujourd'hui, le financement de cette association est assuré par les aménageurs, à hauteur de 400 MF par an, pour un total de 1300 opérations.

Mais, faute d'assise juridique claire et d'une organisation cohérente avec le développement de l'activité, le système a atteint ses limites, qu'il s'agisse du dispositif mis en place pour permettre la couverture financière des opérations de terrain par les aménageurs, de la nature et du contenu des prescriptions scientifiques et techniques établies par les services, ou enfin de la réalisation des études postérieures aux fouilles et de la diffusion des résultats scientifiques.
Face à la nécessité de répondre à la fois aux souhaits des aménageurs, qui très légitimement demandent que leur terrain soit libéré le plus rapidement possible de la contrainte archéologique, et aux impératifs publics qui exigent que soit assurée dans de bonnes conditions l'étude de traces du passé vouées à la disparition, l'État se devait d'intervenir pour " protéger le patrimoine archéologique en tant que source de la mémoire collective européenne et comme instrument d'étude historique et scientifique " (Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, signée à Malte le 16 janvier 1992, ratifiée par la France).

II- LES MESURES PROPOSÉES
Le projet de loi fixe les prérogatives de l'État. Prescripteurs des opérations archéologiques, ses services approuvent la désignation du responsable scientifique et assurent le contrôle et l'évaluation scientifique des opérations. Ils dressent la carte archéologique nationale.
Le projet crée ensuite un établissement public national à caractère administratif chargé de la recherche en archéologie préventive. Doté de droits exclusifs en matière de réalisation de sondages, de diagnostics et d'opérations de fouilles préventives, cet établissement sera placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la culture et du ministre chargé de la recherche. Il devra assurer, en tout temps et en tout lieu, les sondages, diagnostics et fouilles préalables aux opérations d'aménagement, en toute indépendance, et sans que la qualité de la prestation fournie soit subordonnée à la capacité financière de l'aménageur.
Pour la réalisation des opérations de terrain et des études, l'établissement public s'appuiera, chaque fois que cela apparaîtra nécessaire pour des raisons scientifiques ou d'efficacité, sur le réseau institutionnel que constituent le Centre national de la recherche scientifique et les universités, mais également sur les services archéologiques des collectivités territoriales, les associations et autres structures de droit privé qualifiées. Les représentants des principales catégories d'acteurs concernés par l'archéologie préventive participeront à la gestion administrative et scientifique de l'établissement au travers de leur représentation au sein de son conseil d'administration ou de son conseil scientifique.
Le financement de l'établissement sera assuré :
1° Par voie de redevances dues par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter des travaux soumis à autorisation préalable en application du code de l'urbanisme ou donnant lieu à étude d'impact en application de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, et pour lesquels les prescriptions émises par l'État dans le cadre des prérogatives qui lui sont confiées par le présent projet de loi rendent nécessaire l'intervention de l'établissement public.
Ces redevances d'archéologie préventive entrent dans la catégorie des impositions de toute nature au sens de l'article 34 de la Constitution. Le projet de loi en précise donc l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement. Un décret en Conseil d'État en explicitera la mise en _uvre, en fixant notamment les modalités de calcul des coefficients s'appliquant aux taux de redevance retenus pour les opérations de diagnostics et de fouilles archéologiques.
Le projet de loi exonère du paiement de la redevance les logements à usage locatif construits ou améliorés avec le concours de l'État en application des 3° et 5° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les constructions d'une surface hors d'_uvre nette inférieure à 5000 m². Ces exonérations n'ont évidemment pas pour effet de libérer les aménageurs des prescriptions archéologiques établies par l'État.
2° Par voie de subventions de l'État et des autres collectivités publiques.
Les emplois de l'établissement seront pourvus par des agents contractuels de droit public. Les obligations résultant des contrats individuels de travail des salariés de l'Association pour les fouilles archéologiques nationales seront, à la demande des intéressés, transférées à l'établissement public.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la ministre de la culture et de la communication,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à l'archéologie préventive, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté à l'Assemblée nationale par la ministre de la culture et de la communication qui est chargée d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article 1er

L'archéologie préventive a pour objet d'assurer, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique, des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d'être affectés par les travaux publics ou privés d'aménagement. Elle a également pour objet la diffusion des résultats obtenus.
L'État veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il dresse la carte archéologique nationale. Il prescrit les mesures visant à la conservation ou à la sauvegarde scientifique du patrimoine archéologique, approuve la désignation du responsable scientifique de toute opération de fouilles d'archéologie préventive et assure les missions de contrôle et d'évaluation de ces opérations.

Article 2

Il est créé un établissement public national à caractère administratif, chargé de la recherche en archéologie préventive.
Les sondages, diagnostics et opérations de fouille d'archéologie préventive sont confiés à cet établissement public, qui les exécute conformément aux autorisations délivrées et aux prescriptions imposées par l'État et sous la surveillance de ses représentants, en application des dispositions de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques et de la présente loi. Pour l'exécution de sa mission, l'établissement public peut faire appel, par voie de convention, à d'autres personnes morales dotées de services de recherche archéologique. Il concourt également à la diffusion de ses travaux.
L'établissement public est administré par un conseil d'administration et dirigé par le président du conseil d'administration nommé par décret.
Le conseil d'administration comprend, outre son président, des représentants de l'État, des personnalités qualifiées, des représentants des instances consultatives et des organismes de recherche dans le domaine de la recherche archéologique, des représentants des personnes publiques ou privées concernées par l'archéologie préventive, ainsi que des représentants élus du personnel. Ses attributions, sa composition et son mode de fonctionnement sont précisés par décret.
Les emplois permanents de l'établissement public sont pourvus par des agents contractuels. Les obligations résultant des contrats individuels de travail des salariés de l'Association pour les fouilles archéologiques nationales sont, à la demande des intéressés, transférées à l'établissement public dans les conditions fixées par décret.

Article 3

Le financement de l'établissement public est assuré notamment :
1° Par les redevances d'archéologie préventive prévues à l'article 4 ;
2° Par les subventions de l'État ou de toute autre personne publique ou privée.

Article 4

I.- Les redevances d'archéologie préventive sont dues par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter des travaux qui sont soumis à autorisation préalable en application du code de l'urbanisme ou donnent lieu à étude d'impact en application de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et pour lesquels les prescriptions prévues au deuxième alinéa de l'article 1er rendent nécessaire l'intervention de l'établissement public afin de détecter, conserver et sauvegarder le patrimoine archéologique dans les conditions définies par la présente loi.
Sont exonérés de la redevance d'archéologie préventive les travaux relatifs aux logements à usage locatif construits ou améliorés avec le concours financier de l'État en application des 3° et 5° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les constructions d'une surface hors _uvre nette inférieure à 5000 m². En cas de réalisation fractionnée, la surface à retenir est celle du programme général de travaux.
II.- Le montant de la redevance due est arrêté par l'établissement public :
1° Pour les opérations de sondages et de diagnostics archéologiques, sur la base d'un taux d'un franc par mètre carré soumis à l'emprise au sol des travaux ou aménagements projetés, affecté d'un coefficient de 1 à 5 traduisant le degré de complexité des opérations ;
2° Pour les opérations de fouilles archéologiques, sur la base d'un taux par mètre carré soumis à l'emprise des fouilles, échelonné en cinq niveaux de 100 F, 500 F, 2 000 F, 5 000 F et 8 000 F en fonction du degré de complexité des opérations.
Le degré de complexité mentionné au 1° et au 2° est établi en fonction, notamment, de la profondeur, de la nature du terrain, de la localisation géographique, des moyens techniques mis en _uvre et de la durée des opérations archéologiques.
III.- Les redevances sont recouvrées par l'agent comptable de l'établissement public selon les modalités de recouvrement des créances de l'État étrangères à l'impôt, au domaine, aux amendes et autres condamnations pécuniaires.
IV.- Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article et définit notamment les niveaux de complexité mentionnés au II.

Article 5

Il est ajouté à l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme la disposition suivante :
4° Le versement de la redevance d'archéologie préventive prévue à l'article 4 de la loi n° ... du ... relative à l'archéologie préventive. "

Fait à Paris, le 5 mai 1999.

Signé : LIONEL JOSPIN

Par le Premier ministre :

La ministre de la culture et
de la communication,
Signé : CATHERINE TRAUTMANN

N°1575. - PROJET DE LOI présenté par Mme la ministre de la culture et de la communication relatif à l'archéologie préventive (renvoyé à la commission des affaires culturelles)


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