Document
mis en distribution
le 18 janvier 2002
N° 3540
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 janvier 2002.
PROJET DE LOI
modifiant la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion,
(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale
de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
AU NOM DE M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,
PAR M. DANIEL VAILLANT,
ministre de l'intérieur.
Élections et référendums.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'article 11 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion interdit la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage d'opinion ayant un rapport direct ou indirect avec une élection ou un référendum pendant la semaine qui précède chaque tour de scrutin ainsi que pendant le déroulement de celui-ci. Cette interdiction est assortie d'une sanction pénale (une amende de 500 000 francs).
Le juge judiciaire et le juge administratif ont été amenés à plusieurs reprises, au cours des dernières années, à connaître de recours fondés sur l'incompatibilité de ces dispositions avec celles de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit de toute personne à la liberté d'expression, ce droit incluant la liberté de recevoir ou communiquer des informations ou des idées.
Le Conseil d'Etat a jugé, en 1995, que l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 n'était pas incompatible avec l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme (CE, Assemblée, 17 février 1995, Meyet). Il a confirmé sa jurisprudence en 1999, en précisant que l'objectif poursuivi par le législateur se rattachait à la « protection des droits d'autrui », celle-ci faisant partie des motifs qui permettent, aux termes du deuxième paragraphe de l'article 10 de la convention, de soumettre la liberté d'expression à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions (CE, Section, 2 juin 1999, Meyet). Comme le relevait le Conseil d'Etat dans cette dernière décision, « la raison d'être d'une telle restriction repose sur le souci du législateur d'éviter que le choix des citoyens ne soit influencé dans les jours qui précèdent immédiatement un scrutin par une appréciation qui peut être erronée, sans qu'aucune rectification puisse utilement intervenir, des chances respectives des candidats ».
L'analyse du juge administratif rejoignait alors celle du juge judiciaire, puisque la Cour de cassation, par un arrêt rendu en 1996, avait elle aussi jugé l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 compatible avec l'article 10 de la convention, pour le même motif (C. Cass., Crim., 14 mai 1996, Du Roy).
Un récent revirement de jurisprudence de la Cour de cassation est toutefois venu modifier l'état du droit applicable. Par un arrêt rendu le 4 septembre 2001, celle-ci a en effet jugé qu' « en interdisant la publication, la diffusion et le commentaire, par quelque moyen que ce soit, de tout sondage d'opinion en relation avec l'une des consultations visées par l'article 1er de la loi du 19 juillet 1977, les textes fondant la poursuite instaurent une restriction à la liberté de recevoir et de communiquer des informations qui n'est pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes énumérés par l'article 10-2 de la convention ».
Il en résulte que la méconnaissance des dispositions de l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 ne peut plus, aujourd'hui, faire l'objet d'une sanction pénale, quel que soit le moment auquel interviendrait la diffusion du sondage.
Or, comme l'ont relevé tant le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans sa recommandation du 23 octobre 2001 que le Conseil constitutionnel, la diffusion de certains résultats de sondage la veille ou le jour même d'un scrutin pourrait altérer la sincérité de celui-ci, notamment en cas de faible écart de voix, et amener le juge de l'élection à prononcer de ce fait son annulation.
Il est donc indispensable, tout en tirant les conséquences de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, de modifier la loi du 19 juillet 1977 afin de maintenir le principe de l'interdiction de la diffusion des sondages liés à une consultation électorale, dans la stricte mesure nécessitée par la préservation de la sincérité du scrutin.
Le présent projet de loi substitue donc à l'interdiction d'une durée d'une semaine prévue, aujourd'hui, par l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977, une interdiction qui ne commencera à courir qu'à compter de la veille du scrutin, soit le vendredi à minuit.
En outre, il prévoit que l'interdiction s'appliquera à tous les sondages, y compris à ceux qui auraient fait l'objet d'une publication, d'une diffusion ou d'un commentaire avant cette date. Toutefois, cette interdiction ne fera pas obstacle à la poursuite de la diffusion des publications parues ou des données mises en ligne avant le vendredi à minuit. L'objet de la loi n'est en effet ni de contraindre les gestionnaires de sites internet à supprimer de leurs archives accessibles au public des informations relatives à des sondages, ni de faire cesser la mise en vente des publications parues les jours précédents.
Enfin, pour garantir que la commission des sondages pourra exercer efficacement son contrôle, la notice que l'organisme ayant réalisé le sondage doit lui adresser, dans la rédaction actuelle du texte, « à l'occasion » de sa publication ou de sa diffusion, devra lui être désormais transmise « avant » cette publication ou cette diffusion.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'intérieur,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi modifiant la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre de l'intérieur qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article 1er
Au premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion, les mots : « A l'occasion de la publication ou de la diffusion » sont remplacés par les mots : « Avant la publication ou la diffusion ».
Article 2
Le premier alinéa de l'article 11 de la même loi est modifié ainsi qu'il suit :
I.- Les mots : « Pendant la semaine qui précède chaque tour de scrutin ainsi que pendant le déroulement de celui-ci » sont remplacés par les mots : « La veille de chaque tour de scrutin ainsi que le jour de celui-ci » ;
II.- L'alinéa est complété par la phrase suivante :
« Cette interdiction est également applicable aux sondages ayant fait l'objet d'une publication, d'une diffusion ou d'un commentaire avant la veille de chaque tour de scrutin. Elle ne fait pas obstacle à la poursuite de la diffusion des publications parues ou des données mises en ligne avant cette date. »
Article 3
A l'article 14 de la même loi, les mots : « ainsi qu'à celles mentionnées aux livres III et V du code électoral (partie Législative) » sont supprimés.
Article 4
La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
Fait à Paris, le 16 janvier 2002.
Signé : LIONEL JOSPIN
Par le Premier ministre :
Le ministre de l'intérieur,
Signé : DANIEL VAILLANT
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N° 3540.- Projet de loi modifiant la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion (renvoyé à la commission des lois).
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