No 1136
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1998.
PROPOSITION DE LOI
tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
parMM.Jean-PierreBRARD,François ASENSI,AlainBELVISO, GilbertBIESSY,Claude BILLARD,BernardBIRSINGER,Alain BOCQUET,JacquesBRUNHUES,PatriceCARVALHO,AlainCLARY,ChristianCUVILLIEZ,RenéDUTIN,DanielFEURTET,MmeJacquelineFRAYSSE,MM.AndréGERIN,Pierre GOLDBERG,MaximeGREMETZ,GeorgesHAGE,Guy HERMIER, Robert HUE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU,MM.AndréLAJOINIE,Jean-ClaudeLEFORT,Patrick LEROY,FélixLEYZOUR,FrançoisLIBERTI,Patrick MALAVIEILLE, Roger MEÏ, Ernest MOUTOUSSAMY, Bernard OUTIN, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÈS et Jean VILA (1).
Députés.
(1) Constituant le groupe communiste et apparentés.
Enseignement.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 29 juin 1998, le Sénat a adopté à l'unanimité une proposition de loi faisant suite à celle de M. Serge Mathieu n° 391 sur "l'obligation de scolarité" et à celle de M. Nicolas About n°260 "tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire".
En effet, concernant l'éducation et l'instruction des enfants hébergés dans les sectes, de grandes incertitudes existent sur la nature des enseignements qui leur sont dispensés. Il est difficilement concevable dans une république laïque où la scolarité est obligatoire qu'un certain nombre d'enfants, qui se comptent par milliers, voient leur avenir et leur insertion professionnelle dramatiquement compromis par des enseignements dogmatiques qui leur sont dispensés au sein des sectes et qui conduisent à stigmatiser la société extérieure.
Pourtant, la mise en _uvre d'un contrôle effectif de l'obligation scolaire se heurte à plusieurs obstacles.
Tout d'abord, les maires sont confrontés à des difficultés pratiques pour répertorier les enfants scolarisés à domicile dès lors que les parents se soustraient à l'obligation de déclaration qui leur est imposée par la loi de 1882, elle-même difficile à mettre en place dans les grandes communes.
Ensuite, les contrôles effectués en application de la loi du 28 mars 1882 ne sont assurés que jusqu'à l'âge de douze ans et ne concernent que les "notions élémentaires de lecture, d'écriture et de calcul" visées par la loi, ce qui ne permet pas de s'assurer de la bonne santé psychologique de l'enfant.
De plus, les sanctions pénales à l'encontre des parents négligeant l'instruction de leurs enfants sont peu dissuasives et la suspension du versement des allocations familiales ne semble pas efficace.
Enfin, aucun contrôle des connaissances élémentaires des enfants scolarisés dans des établissements privés hors contrat n'est prévu.
L'objet de cette proposition de loi est ainsi d'instaurer un contrôle annuel systématique de tous les enfants instruits dans leur famille qui porterait sur le niveau de leur connaissance et sur les conditions de leur épanouissement personnel et social.
D'autre part, elle prévoit un contrôle éventuel de l'enseignement dispensé dans les établissements hors contrat, en fonction de l'appréciation de l'inspecteur d'académie.
Par ailleurs, des sanctions de six mois d'emprisonnement et de 50000 F d'amende pour les parents et directeur d'école seraient prévus, l'établissement pouvant même être fermé.
En plus de ces éléments déjà contenu dans la proposition sénatoriale, l'article 5 vise à permettre aux associations luttant pour le respect des droits de l'enfant de se porter partie civile dans les procès ayant trait à la question de l'obligation scolaire en se substituant aux ex-adeptes, pour lesquels les démarches auprès de la justice sont particulièrement difficiles.
SOUS LE BÉNÉFICE DE CES OBSERVATIONS, NOUS VOUS DEMANDONS, MESDAMES ET MESSIEURS, D'ADOPTER LA PROPOSITION DE LOI SUIVANTE.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er A
Le droit de l'enfant à l'instruction a pour objet de lui garantir, d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d'autre part, l'éducation lui permettant de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle et d'exercer sa citoyenneté.
Cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d'enseignement.
Article 1er B
Les deux premiers alinéas de l'article 7 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
"Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article 1er de l'ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé, ou bien déclarer au maire et à l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, qu'elles lui feront donner l'instruction dans la famille. Dans ce cas, il est exigé une déclaration annuelle.
"Les mêmes formalités doivent être accomplies dans les huit jours qui suivent tout changement de résidence ou de choix d'instruction.
"La présente obligation s'applique à compter de la rentrée scolaire de l'année civile où l'enfant atteint l'âge de six ans."
Article 1er
L'article 16 de la loi du 28 mars 1882 précitée est ainsi rédigé :
"Art. 16. - Les enfants soumis à l'obligation scolaire qui reçoivent l'instruction dans leur famille sont dès la première année, et tous les deux ans, l'objet d'une enquête de la mairie compétente, uniquement aux fins d'établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables, et s'il leur est donné une instruction dans la mesure compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette enquête est communiqué à l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale.
"Lorsque l'enquête n'a pas été effectuée, elle est diligentée par le représentant de l'Etat dans le département.
"L'inspecteur d'académie doit au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d'instruction par la famille, faire vérifier que l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction tel que défini à l'article 1er A de la loi tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire.
"Ce contrôle prescrit par l'inspecteur d'académie a lieu notamment au domicile des parents de l'enfant.
"Ce contrôle est effectué sans délai en cas de défaut de déclaration d'instruction par la famille, sans préjudice de l'application des sanctions pénales.
"Le contenu des connaissances requis des élèves est fixé par décret.
"Les résultats de ce contrôle sont notifiés aux personnes responsables avec l'indication du délai dans lequel elles devront fournir leurs explications ou améliorer la situation et des sanctions dont elles seraient l'objet dans le cas contraire.
"Si, au terme d'un nouveau délai fixé par l'inspecteur d'académie, les résultats du contrôle sont jugés insuffisants, les parents sont mis en demeure, dans les quinze jours suivant la notification, d'inscrire leur enfant dans un établissement d'enseignement public ou privé et de faire connaître au maire, qui en informe l'inspecteur d'académie, l'école ou l'établissement qu'ils auront choisi."
Article 2
I. - Dans l'article 2 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés, après les mots : "à l'obligation scolaire,", sont insérés les mots : "à l'instruction obligatoire".
II. - L'article 2 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 précitée est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
"L'inspecteur d'académie peut prescrire chaque année un contrôle des classes hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l'article 2 de l'ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article 1er de la loi d'orientation n° 89-486 du 10 juillet 1989 sur l'éducation.
"Ce contrôle a lieu dans l'établissement d'enseignement privé dont relèvent ces classes hors contrat.
"Les résultats de ce contrôle sont notifiés au directeur de l'établissement avec l'indication du délai dans lequel il sera mis en demeure de fournir ses explications ou d'améliorer la situation et des sanctions dont il serait l'objet dans le cas contraire.
"En cas de refus de sa part d'améliorer la situation et notamment de dispenser, malgré la mise en demeure de l'inspecteur d'académie, un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini par l'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, l'autorité académique avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale.
"Dans cette hypothèse, les parents des élèves concernés sont mis en demeure d'inscrire leur enfant dans un autre établissement."
III. - A. - Dans la dernière phrase du onzième alinéa de l'article9 de la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire, les mots : "et aux lois" sont remplacés par les mots : ", aux lois et notamment à l'instruction obligatoire".
B. - Après le mot : "livres", la fin de l'article 35 de la loi du 30 octobre 1886 précitée est ainsi rédigée : "..., sous réserve de respecter l'objet de l'instruction obligatoire tel que celui-ci est défini par l'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire."
Article 3
Il est inséré, après l'article L. 227-17 du code pénal, deux articles L. 227-17-1 et L.227-17-2 ainsi rédigés :
"Art. L. 227-17-1 (nouveau). - Le fait, par les parents d'un enfant ou toute personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, de ne pas l'inscrire dans un établissement d'enseignement, sans excuse valable, en dépit d'une mise en demeure de l'inspecteur d'académie, est puni de six mois d'emprisonnement et de 50000 F d'amende.
"Le fait, par un directeur d'établissement privé accueillant des classes hors contrat, de n'avoir pas pris, malgré la mise en demeure de l'inspecteur d'académie, les dispositions nécessaires pour que l'enseignement qui y est dispensé soit conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini par l'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, et de n'avoir pas procédé à la fermeture de ces classes est puni de six mois d'emprisonnement et de 50000 F d'amende. En outre, le tribunal peut ordonner à l'encontre de celui-ci l'interdiction de diriger ou d'enseigner ainsi que la fermeture de l'établissement.
"Art. L. 227-17-2 (nouveau). - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction définie au second alinéa de l'article L. 227-17-1.
"Les peines encourues par les personnes morales sont :
"1. L'amende suivant les modalités prévues par l'article L.131-38 ;
"2. Les peines mentionnées aux 1°, 2°, 4°, 8° et 9° de l'article L.131-39."
Article 4
Le fait, par les parents d'un enfant ou toute personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, de ne pas déclarer en mairie qu'il sera instruit dans sa famille ou dans un établissement privé hors contrat est puni d'une amende de 10000 F.
Article 5
Toute association qui se propose, par ses statuts, de défendre les droits des enfants peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits prévus aux articles L.227-17-1 et L. 227-17-2.
N° 1136. - PROPOSITION DE LOI de M. Jean-Pierre BRARD tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire. (renvoyée à la commission des affaires culturelles)
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