N° 1353
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 janvier 1999.
PROPOSITION DE LOI
tendant à créer un congé d'accompagnement
des personnes en
fin de vie.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. Bernard PERRUT, Jean-Claude ABRIOUX, René ANDRÉ, Jean AUCLAIR, Gautier AUDINOT, Mme Martine AURILLAC, M. Jacques BARROT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Jean-Louis BERNARD, Léon BERTRAND, Jacques BLANC, Émile BLESSIG, Roland BLUM, Mmes Marie-Thérèse BOISSEAU, Christine BOUTIN, MM. Victor BRIAL, Jean BRIANE, Dominique CAILLAUD, Pierre CARDO, Jean-Marc CHAVANNE, Jean-François CHOSSY, Georges COLOMBIER, Charles de COURSON, Jean-Claude DECAGNY, Léonce DEPREZ, Jean-Michel DUBERNARD, Charles EHRMANN, Jean-Claude ÉTIENNE, Jean-Michel FERRAND, Claude GAILLARD, Claude GATIGNOL, Germain GENGENWIN, Michel GIRAUD, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Hubert GRIMAULT, Louis GUÉDON, Jean-Jacques GUILLET, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Denis JACQUAT, Aimé KERGUERIS, Robert LAMY, Édouard LANDRAIN, Pierre LASBORDES, Maurice LEROY, Lionnel LUCA, Franck MARLIN, Jean MARSAUDON, Christian MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jean-François MATTEI, Yves NICOLIN, Dominique PAILLÉ, Jacques PÉLISSARD, Jean-Luc PRÉEL, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, Jean-Luc REITZER, Marc REYMANN, Jean RIGAUD, Gilles de ROBIEN, Jean ROATTA, François ROCHEBLOINE, Michel TERROT, Guy TEISSIER, Philippe VASSEUR, Gérard VOISIN, Michel VOISIN, Jean-Jacques WEBER et Pierre-André WILTZER,

Députés.

Travail.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Depuis un demi-siècle, la médecine a connu une véritable révolution technique, et en milieu hospitalier tous les efforts ont été orientés principalement vers les soins curatifs.
Cependant, depuis quelques années, un intérêt croissant est porté aux besoins des personnes en fin de vie, pour lesquelles la médecine est arrivée au bout de toutes ses ressources thérapeutiques. L'amélioration de leur confort et le soulagement de leur douleur sont davantage pris en compte. Officiellement, la loi hospitalière comporte la mission d'accompagnement des mourants, mais cette activité nouvelle qui s'ajoute à celle habituelle des soins, exige une augmentation de personnels. Cette demande reste encore à pourvoir, le malade en fin de vie réclamant de fortes disponibilités aussi bien physiques qu'affectives de la part des personnels soignants.
D'autre part, la création des unités de soins palliatifs reste encore très modeste. Ces structures médicalisées orientées vers l'accompagnement des personnes en fin de vie et leur famille sont inégalement réparties sur le territoire national et les moyens qui leur sont alloués sont très insuffisants.
En 1993, le docteur Henri Delbecque déposait auprès du ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville un rapport dressant le bilan des réalisations et dénonçait les insuffisances des soins palliatifs et de l'accompagnement des malades en fin de vie dans les services hospitaliers français.
Parmi les propositions du Dr Delbecque figuraient l'aide et le soutien à la famille, en raison de son rôle nécessaire et irremplaçable auprès des personnes en fin de vie, tant pour assurer les soins à domicile que pour relayer et soutenir les efforts des équipes soignantes à l'hôpital.
En effet, il est important de rappeler que l'amour et la veille attentive et patiente d'un être proche est certainement l'aide la plus précieuse et la plus réconfortante que l'on puisse offrir à une personne au terme de sa vie.
A l'heure où des groupes de pression essayent de s'imposer pour obtenir l'acceptation légale de la pratique de l'euthanasie, il est particulièrement important de proposer des mesures concrètes pour lutter contre la solitude, l'angoisse et l'exclusion de nombreux mourants et les aider à vivre dans la dignité les derniers instants de leur vie auprès de leur famille.
La place de la famille à l'hôpital doit être reconnue et encouragée. Toutefois, les nécessités de la vie quotidienne, les contraintes liées aux horaires de travail, l'éloignement géographique, ne peuvent pas toujours permettre à ceux qui le désireraient d'accompagner les personnes qui leur sont chères et qui n'ont plus que quelques mois à vivre.
Ainsi, la présente proposition de loi tend à répondre à ce problème. Elle vise à créer un congé d'accompagnement des personnes en fin de vie, limité à un mois, ou à accorder une possibilité de travail à temps partiel pendant trois mois non renouvelable, pour tout salarié ou fonctionnaire dont un ascendant, un descendant ou une personne vivant avec lui, fait l'objet de soins palliatifs, soit à domicile, soit dans une structure médicalisée.
Pour toutes ces raisons, il vous est demandé, Mesdames, Messieurs de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Après l'article L.226-1 du code du travail, sont insérés des articles L.226-2 à L.226-8 ainsi rédigés :
«Art. L.226-2. - Tout salarié, dont un ascendant, un descendant ou une personne partageant son domicile, fait l'objet de soins palliatifs a le droit, soit de bénéficier d'un congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie, soit de réduire sa durée du travail dans des proportions définies par décret, s'il justifie d'une ancienneté minimale d'un an à la date de sa demande de congé.
«Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, le choix du congé ou de l'activité à temps partiel appartient à l'employeur.
«Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie et la période d'activité à temps partiel ont des durées respectives d'un mois et de trois mois maximum. Ils prennent fin au plus tard à l'expiration de ces durées ou, avec l'accord de l'employeur, dans les trois jours suivant le décès de la personne accompagnée.
«Un mois avant le point de départ de son congé ou de son travail à temps partiel, le salarié doit informer son employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de sa volonté d'accompagner une des personnes définies à l'alinéa premier du présent article; il doit également lui transmettre un certificat médical attestant que la personne accompagnée fait effectivement l'objet de soins palliatifs.
«Art. L.226-3. - Le salarié en congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ou qui travaille à temps partiel ne peut exercer par ailleurs aucune activité professionnelle.
«Art. L.226-4. - A l'issue du congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ou de sa période d'activité à «temps partiel», le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.
«Art. L.226-5. - La duré du congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie n'est pas prise en compte dans la détermination des avantages liés à l'ancienneté. Le salarié toutefois conserve le bénéfice de tous les avantages qu'il avait acquis avant le début de ce congé.
«Art. L.226-6. - Toute convention contraire aux articles L.226-2, L.226-4 et L.226-5 est nulle de plein droit.
«Art. L.226-7. - L'inobservation par l'employeur des arti cles L. 226-2 à L.226-6 peut donner lieu à l'attribution de dommages-intérêts au profit du bénéficiaire, en sus de l'indemnité de licenciement.
«En outre, lorsque, en application des dispositions précitées, le licenciement est nul, l'employeur est tenu de verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité.»

Article 2

Après l'article 54 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, il est inséré une section VII ainsi rédigée :

«Section 7
«Congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie

«Art. 54-1. - Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie est la position du fonctionnaire qui est placé hors de son administration ou service d'origine pour accompagner un ascendant, un descendant ou une personne partageant son domicile dont un certificat médical atteste qu'il fait l'objet de soins palliatifs.
«Ce congé prend fin au plus tard à l'expiration d'un délai d'un mois maximum à compter de la mise en congé. Dans cette position, le fonctionnaire n'acquiert pas de droit à la retraite; il conserve ses droits à l'avancement d'échelon, réduits de moitié, ainsi que la qualité d'électeur lors de l'élection des représentants du personnel au sein de la commission administrative paritaire. A l'expiration de son congé, il est réintégré de plein droit, au besoin en surnombre, dans son corps d'origine. Il est réaffecté dans son emploi. Dans le cas où celui-ci ne peut lui être proposé, le fonctionnaire est affecté dans un emploi le plus proche de son dernier lieu de travail. S'il le demande, il peut également être affecté dans un emploi le plus proche de son domicile sous réserve de l'application de l'article 60 ci-dessous.
«Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie est accordé de droit dans les conditions prévues ci-dessus, sur simple demande du fonctionnaire intéressé.
«Ce dernier peut demander d'écourter la durée de ce congé en cas de motif grave.»

Article 3

Après l'article 74 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il est inséré une section 5bis ainsi rédigée :

«Section 5bis
«Congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie

«Art. 75-1. - Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie est la position du fonctionnaire qui est placé hors de son administration ou service d'origine pour accompagner un ascendant, un descendant ou une personne partageant son domicile dont un certificat médical atteste qu'il fait l'objet de soins palliatifs.
«Ce congé prend fin au plus tard à l'expiration d'un délai d'un mois maximum à compter de la mise en congé. Dans cette position, le fonctionnaire n'acquiert pas de droit à la retraite; il conserve ses droits à l'avancement d'échelon, réduits de moitié, ainsi que la qualité d'électeur lors de l'élection des représentants du personnel au sein de la commission administrative paritaire. A l'expiration de son congé, il est réintégré de plein droit, au besoin en surnombre, dans sa collectivité ou son établissement d'origine, sur sa demande et à son choix dans son ancien emploi ou dans un emploi le plus proche de son dernier lieu de travail ou de son domicile lors de sa réintégration lorsque celui-ci a changé pour assurer l'unité de sa famille.
«Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie est accordé de droit dans les conditions prévues ci-dessus, sur simple demande du fonctionnaire intéressé.
«Ce dernier peut demander d'écourter la durée de ce congé en cas de motif grave.»

Article 4

Après l'article 64 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, il est inséré une section 7 ainsi rédigée :

«Section 7
«Congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie

«Art. 64-1. - Le congé d'accompagnement de personne en fin de vie est la position du fonctionnaire qui est placé hors de son établissement d'origine pour accompagner un ascendant, un descendant ou une personne partageant son domicile dont un certificat médical atteste qu'il fait l'objet de soins palliatifs.
«Ce congé prend fin au plus tard à l'expiration d'un délai d'un mois maximum à compter de la mise en congé. Dans cette position, le fonctionnaire n'acquiert pas de droit à la retraite; il conserve ses droits à l'avancement d'échelon, réduits de moitié, ainsi que la qualité d'électeur lors de l'élection des représentants du personnel au sein de la commission administrative paritaire. A l'expiration de son congé, il est réintégré de plein droit, au besoin en surnombre, dans son établissement d'origine.
«Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie est accordé de droit dans les conditions prévues ci-dessus, sur simple demande du fonctionnaire intéressé.
«Ce dernier peut demander d'écourter la durée de ce congé en cas de motif grave.»

Article 5

Après l'article 65-1 de la loi 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, il est inséré un article 65-2 ainsi rédigé :
«Art. 65-2. - Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie est la situation du militaire qui est admis à cesser temporairement de servir dans les armées pour accompagner un ascendant, un descendant ou une personne partageant son domicile dont un certificat médical atteste qu'il fait l'objet de soins palliatifs.
«Ce congé prend fin au plus tard à l'expiration d'un délai d'un mois maximum à compter de la mise en congé.
«Dans cette situation, le militaire n'acquiert pas le droit à la retraite : il conserve ses droits à l'avancement d'échelon réduits de moitié. A l'expiration de son congé, il est réintégré de plein droit, au besoin en surnombre, dans son corps d'origine. Il peut, sur sa demande, être réaffecté dans un poste le plus proche possible de sa résidence, sous réserve des nécessités du service.
«Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie est accordé de droit dans les conditions prévues ci-dessus, sur simple demande du militaire.
«Ce dernier peut demander d'écourter la durée de ce congé en cas de motif grave.»

Article 6

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application de la présente loi ainsi que le régime des sanctions applicables à l'employeur qui en a méconnu les dispositions.

Article 7

Les charges et les pertes de recettes résultant pour l'Etat et les organismes de sécurité sociale des dispositions de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par une cotisation additionnelle aux droits prévus à ces mêmes articles.
N°1353. - PROPOSITION DE LOI de M. Bernard PERRUT tendant à créer un congé d'accompagnement des personnes en fin de vie (renvoyée à la commission des affaires culturelles)


© Assemblée nationale