No 1515
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 mars 1999.
PROPOSITION DE LOI
tendant à favoriser le développement des soins palliatifs
et l'accompagnement des malades en fin de vie.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par Mme Gilberte MARIN-MOSKOVITZ, MM. Georges SARRE, Pierre CARASSUS, Roland CARRAZ, Jacques DESALLANGRE, Jean-Pierre MICHEL, Gérard SAUMADE et Michel SUCHOD,
Députés.
Santé.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La mort remet en cause l'image que nos sociétés modernes veulent donner d'elles-mêmes. La mort dérange en quelque sorte. On la cache quasiment, on la relègue.
En effet, nos concitoyens meurent de plus en plus souvent à l'hôpital public et pour les personnes très âgées dans les établissements de cure médicale ou de long séjour, parfois sans présence de la famille.
Par ailleurs, l'allongement de l'espérance de vie et l'émergence du quatrième âge rendent nécessaire l'adaptation de notre législation pour créer les conditions d'un meilleur accompagnement de la fin de vie dans les divers établissements concernés.
Curieusement, alors que la médecine n'a cessé de faire de formidables progrès, la fin de vie et la mort se sont éloignées, déshumanisées en quelque sorte. La médecine elle-même a conforté ce travers en traitant la maladie plutôt que la personne malade.
Trop longtemps dans notre pays, la douleur était tabou. Aujourd'hui, notre société prend conscience qu'il est un devoir des professionnels de santé de prendre en compte la douleur, de la soulager, d'apaiser les souffrances psychiques et de préserver la qualité de vie de chaque personne malade adulte ou enfant. Il est évident que le problème de la douleur, notamment celle des enfants, est encore loin d'être résolu.
L'Histoire de l'accompagnement de fin de vie est marquée par l'engagement militant de quelques-uns. Nos voisins anglais ont pris conscience de cette nécessité dès 1967, avec l'ouverture à Londres du St Christopher's Hospice, premier hôpital moderne consacré aux soins palliatifs. En France, malgré la création de la maison Jeanne-Garnier en 1842, l'introduction des soins palliatifs s'est faite progressivement, et souvent à l'initiative des bénévoles, à partir de la circulaire du 26 août 1986. Le rapport du Dr Henri Delbecque en janvier 1993 en a précisé les contours.
L'offre de soins palliatifs est notoirement insuffisante et inégalement répartie sur notre territoire. En 1997, on comptait 54 unités de soins palliatifs regroupant un total de 576 lits et équipes mobiles.
Le Gouvernement a mis en place, dès le premier semestre 1998, un plan triennal de développement des soins palliatifs. Ce plan comporte des actions de nature variée :
- établissement et publication de l'offre de soins palliatifs et des associations de bénévoles qui l'ont soutenue ;
- prise en compte des soins palliatifs dans l'accréditation des établissements de santé ;
- amélioration de la formation initiale et continue des professionnels de santé ;
- étude des mesures permettant de favoriser la prise en charge à domicile des personnes en fin de vie.
Ce plan triennal s'accompagne d'un effort financier important. Une enveloppe de 150 millions de francs est consacrée à la création de nouvelles unités et équipes mobiles dans la dotation hospitalière pour 1999. Cette enveloppe permettra, dès cette année, de doubler l'offre de soins palliatifs.
Pour sa part, le Fonds national d'action sociale et la CNAMTS ont décidé de consacrer 50 millions de francs à la formation des bénévoles, au financement des gardes-malades et à la prise en charge de fournitures diverses non remboursables.
Ces financements doivent être rattachés à des dispositions législatives afin que soit réellement améliorée la situation des soins palliatifs en France.
Les Etats généraux de la santé ont montré que les conditions de fin de vie de nos concitoyens sont au centre de leurs préoccupations. La principale demande porte sur le soulagement de la douleur, sur la nécessité de briser les résistances du corps médical concernant la distribution d'antalgiques majeurs et sur la nécessité de promouvoir la communication médecin-malade et la qualité de la relation.
Ils souhaitent, notamment, que la famille du malade trouve sa place, qu'elle soit associée, écoutée et soutenue.
C'est notamment ce que préconise le Conseil économique et social, sollicité par le Premier ministre, concernant l'accompagnement des personnes en fin de vie. Dans son avis, rendu le 23 février 1999, le Conseil économique et social appelle des réponses cohérentes et de qualité conformes aux attentes des Français.
Le développement des soins palliatifs répond à un triple enjeu. Il s'agit, à la fois, de prendre en charge et d'assurer la continuité des soins d'accompagnement, médicaux et psychologiques de toute personne, quels que soient le lieu, sa maladie et son âge, jusqu'à sa mort et de lutter contre l'inégalité des conditions de cette mort sur notre territoire. Enfin, la généralisation des soins palliatifs et la solidarité humaine qu'ils expriment, l'expérience acquise et le respect de la dignité des mourants entraîneront progressivement une transformation des conditions de fin de vie dans notre société.
Tel est l'objet de la présente proposition.
Toutefois, cette proposition de loi tendant à réglementer les soins palliatifs ne peut évacuer le nécessaire débat de société sur notamment la limitation ou l'arrêt de thérapeutiques en réanimation médicale et plus globalement sur l'euthanasie.
L'article 1er crée un livre préliminaire dans le code de la santé publique relatif aux droits de la personne malade et des usagers du système de santé.
Il est en effet essentiel de consacrer, à l'occasion d'une proposition de loi relative aux soins palliatifs, que les personnes malades ont des droits et que le code de la santé publique débute par ces droits. Les soins palliatifs, de même que la prise en charge de la douleur, font partie intégrante des droits des personnes malades.
L'article L. 1-1 pose le principe du droit d'accès aux soins palliatifs pour toute personne atteinte d'une maladie qui ne répond plus de façon satisfaisante aux thérapeutiques curatives.
L'article L. 1-2 définit les soins palliatifs. La définition proposée reprend celle des experts de la question et insiste notamment sur le caractère pluridisciplinaire des soins palliatifs : soulager la douleur, apaiser la souffrance psychique, préserver la qualité de la vie, la dignité de la personne malade à soutenir et réconforter son entourage. Cette disposition n'est pas compatible avec l'acharnement thérapeutique.
L'article 2 étend les missions précédemment confiées au seul service public hospitalier par l'article L. 711-4 en matière de soins palliatifs à l'ensemble des établissements de santé et médico-sociaux. Ceux-ci doivent définir dans leur projet d'établissement les actions qu'ils vont conduire dans ce domaine. Cette disposition répond à une des demandes du Conseil économique et social.
Les centres hospitaliers et universitaires deviennent chargés de la formation de l'ensemble du personnel soignant en matière de soins palliatifs. Ils peuvent organiser la formation continue en liaison avec les autres établissements de santé publics ou privés participant au service public hospitalier.
Les établissements sociaux et médico-sociaux peuvent passer convention avec les établissements hospitaliers pour l'organisation des soins palliatifs des personnes dont ils ont la charge.
L'article 3 reconnaît l'action importante des bénévoles dans le cadre des soins palliatifs, comme l'a demandé le Conseil économique et social. Les bénévoles ne peuvent intervenir qu'avec l'accord de la personne malade ou de son entourage.
Les associations de bénévoles doivent être dotées d'une charte garantissant le respect des opinions philosophiques et religieuses de la personne accompagnée. Le respect de son intimité, de sa dignité, la discrétion, la confidentialité et l'absence d'interférence dans les soins.
Ces associations doivent avoir des liens conventionnels avec les établissements de santé et médico-sociaux au sein desquels elles interviennent. Cette convention doit être conforme à une convention type fixée par un décret en Conseil d'Etat. Seules les associations ayant des liens conventionnels avec les établissements peuvent intervenir au domicile des personnes malades.
L'article 4 demande au Haut Comité de santé publique d'établir un rapport annuel sur les soins palliatifs; ce rapport, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, ne peut être annexé au projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il sera donc transmis séparément au parlement le 30 septembre de chaque année civile.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Il est inséré, avant le livre Ier du code de la santé publique, deux intitulés et deux articles ainsi rédigés : un livre préliminaire " Droits de la personne malade et des usagers du système de santé " et un titre Ier " Droits de la personne malade".
" Art. L. 1-1. - Toute personne atteinte d'une maladie grave a accès à des soins palliatifs.
" Art. L. 1-2. - Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe pluridisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade ou soutenir son entourage.
"La personne malade peut s'opposer à toute investigation ou thérapeutique."
Article 2
Les deux premiers alinéas de l'article L. 710-3-1 du code de la santé publique sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
" Les établissements de santé publics ou privés et les établissements médico-sociaux mettent en _uvre les moyens propres à prendre en charge la douleur des patients qu'ils accueillent, et à assurer les soins palliatifs que leur état requiert, quelles que soient l'unité, la structure de soins dans laquelle ils sont accueillis. Pour les établissements de santé publics, ces moyens sont définis par le projet d'établissement visé à l'article L. 714-11.
" Les centres hospitaliers et universitaires assurent, à cet égard, la formation initiale des médecins et diffusent en liaison avec les autres établissements de santé publics ou privés participant au service public hospitalier les connaissances acquises, y compris aux équipes soignantes, en vue de permettre la réalisation de ces objectifs en ville comme dans les établissements. Ils favorisent le développement de la recherche.
" Les établissements de santé et les établissements et services sociaux et médico-sociaux peuvent passer convention entre eux pour assurer ces missions. "
Article 3
Des bénévoles formés à l'accompagnement et appartenant à des associations qui les sélectionnent peuvent compléter, avec l'accord de la personne malade ou de ses proches, l'action des équipes soignantes pluridisciplinaires.
Les associations qui organisent l'intervention des bénévoles se dotent d'une charte qui définit les principes qu'ils doivent respecter dans leur action. Ces principes comportent notamment le respect des opinions philosophiques et religieuses de la personne accompagnée, le respect de sa dignité et de son intimité, la discrétion, la confidentialité, l'absence d'interférence dans les soins.
Les associations qui organisent l'intervention des bénévoles dans des établissements de santé publics ou privés et des établissements sociaux et médico-sociaux doivent conclure, avec les établissements concernés, une convention conforme à une convention type définie par décret en Conseil d'Etat. A défaut d'une telle convention ou lorsqu'il est constaté des manquements au respect des dispositions de la convention, le directeur de l'établissement, ou à défaut le préfet de région, en accord avec le directeur régional de l'action sanitaire et sociale, interdit l'accès de l'établissement aux membres de cette association.
Seules les associations ayant conclu une convention type mentionnée à l'alinéa précédent peuvent organiser l'intervention des bénévoles au domicile des personnes malades.
Article 4
Le Haut Comité de la santé publique est chargé d'élaborer un rapport annuel sur le développement des soins palliatifs. Le Gouvernement transmet ce rapport au parlement avant le 30 septembre de l'année en cours.
Article 5
Les dépenses nouvelles résultant de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
N°1515. - PROPOSITION DE LOI de Mme Gilberte MARIN-MOSKOVITZ tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et l'accompagnement des malades en fin de vie (renvoyée à la commission des affaires culturelles)
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