N° 2091
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 janvier 2000
PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer l'application du principe de non-discrimination entre les différents salariés et à limiter le recours abusif à certaines formes précaires d'emploi.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Georges SARRE,
Député.

Travail.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Nos concitoyens travaillent chaque jour davantage sous le signe de l'extrême précarité. Nous assistons, depuis quelques années, à un développement sans précédent des contrats précaires et de l'intérim. Plus qu'aux chiffres absolus, c'est à la tendance qu'il faut s'attacher, et, de ce point de vue, elle ne fait pas de doute. Dans le secteur privé et semi-public, le nombre d'intérimaires a été multiplié par 3,6 entre 1983 et 1998 et celui des contrats à durée déterminée (CDD) par 3,4. L'entrée sur le marché du travail, notamment, se fait de plus en plus sous des formes particulières d'emploi. Notre pays est en outre de ceux, selon une étude de l'OCDE (Perspective de l'emploi en 1997), où le sentiment de la précarité de l'emploi est l'un des plus forts.
Malgré la reprise économique, 12 % des entreprises, notamment dans l'agro-alimentaire, le bâtiment et la métallurgie, persistent à utiliser de manière permanente 20 % de CDD ou de salariés intérimaires. Ces chiffres confirment une dérive inquiétante : le recours aux formes d'emplois précaires tend à devenir une composante structurelle du marché du travail.
Nous ne pouvons durablement accepter que la précarité s'étende ainsi à la société française.
D'une part, de plus en plus de chercheurs soulignent aujourd'hui les dangers à retardement du recours à la flexibilité externe pour les entreprises elles-mêmes. La précarisation systématique du contrat de travail pose des problèmes évidents d'adaptation des qualifications, de motivation et de fiabilité individuelle et collective des salariés. Finalement à trop gérer de l'emploi, les entreprises finissent par s'interdire de gérer des compétences.
Surtout, le recours grandissant à ces formes d'emploi condamne notre pays à compter de plus en plus de salariés pauvres. Ces contrats étant bien souvent de véritables " tickets d'entrée " pour l'exclusion. Selon l'enquête sur l'emploi de l'INSEE (mars 1998), en effet, il y aurait désormais dans les Français pauvres plus de salariés que de chômeurs. Le seuil de pauvreté s'élevant à 3 800 F par mois pour une personne seule et à 7 900 F pour un couple avec deux enfants, sur les 5,5 millions de personnes pauvres, 1,5 million, soit 29 %, se situent dans une famille de salariés contre 1,3 million, soit 24 %, dans une famille de chômeurs. Il est de plus en plus fréquent que la personne de référence d'un ménage n'occupe que des emplois instables ou à temps partiel et ne parvienne pas à gagner en douze mois un salaire suffisant pour atteindre le seuil de pauvreté !
Le Premier ministre, tout comme le ministre de l'Emploi et de la Solidarité, ont fait part, à plusieurs reprises, de la volonté du Gouvernement de légiférer pour lutter contre l'utilisation abusive des formes précaires d'emploi. Dans cette perspective, cette proposition est donc une contribution au débat. Elle vise à restreindre l'utilisation répétée de plusieurs contrats atypiques conduisant à maintenir un travailleur dans une situation de précarité. Elle doit permettre, au passage, de renforcer l'application de la règle de non-discrimination en faveur des personnes connaissant ces formes d'emploi.
Il s'agit d'éviter l'éviction de ces salariés du bénéfice de certains droits ouverts sous conditions d'ancienneté. Rappelons que l'ancienneté, est prise en compte dans bien des domaines dans le Code du travail. C'est vrai en ce qui concerne le licenciement, le droit comme le montant de l'indemnité. C'est le cas également en matière de représentation du personnel (électorat, éligibilité), de droit au congé-formation ou encore de congés payés.
A l'heure actuelle, les périodes de travail qui ont été assurées au profit d'une même entreprise en exécution de contrats différents ne peuvent pas, en principe, être ajoutées les unes aux autres pour constituer une ancienneté du salarié dans l'entreprise. C'est ainsi, par exemple, que l'ancienneté à prendre en compte pour la détermination du préavis en cas licenciement se limite à celle qui a été acquise au titre du dernier contrat.
Le constat qui précède doit nous conduire à décider que le salarié devrait toujours pouvoir invoquer l'ancienneté correspondant à l'ensemble des contrats et stages qu'il a accomplis au service d'une entreprise, quelle que soit leur forme. Cette articulation entre les contrats de travail successifs, outre qu'elle améliorerait les droits des salariés sous contrats précaires, devrait contribuer, au bout du compte, à dissuader les entreprises d'une pratique trop courante : l'emploi récurrent des mêmes salariés, tantôt sous contrat de travail temporaire, tantôt sous CDD.
Dans le même esprit, la durée du contrat à durée déterminée, du contrat de travail temporaire ou encore du stage, doit désormais s'imputer sur la durée de la période d'essai du contrat à durée indéterminée.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Pour la détermination de ses droits, qu'ils soient d'origine légale, conventionnelle ou contractuelle, l'ancienneté du salarié tient compte de l'ensemble des contrats de travail et des stages qu'il a accomplis dans l'entreprise.

Article 2

Lorsque le salarié a accompli un stage dans l'entreprise, la durée de celui-ci s'impute sur celle de la période d'essai.


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