N° 2431
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 mai 2000.
PROPOSITION DE LOI
permettant l'accès des ressortissants étrangers à la fonction publique.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par MM. NoËl MAMÈRE, André ASCHIERI, Mme Marie-Hélène AUBERT, MM. Yves COCHET et Jean-Michel MARCHAND,
Députés.

Fonction publique de l'Etat.

EXPOSÉ DE MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
L'article 5 du statut de la fonction publique (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) dispose que nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire s'il ne possède pas la nationalité française. Des statuts particuliers peuvent écarter cette règle. C'est le cas, par exemple, pour les enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur (loi du 26 janvier 1984, art. 56). Les naturalisés, jusqu'à une époque récente, ne pouvaient occuper un emploi public moins de cinq ans après leur naturalisation. Cette règle a été supprimée depuis (loi du 17 juillet 1978).
Des problèmes se sont posés à propos des ressortissants de la Communauté économique européenne. Le Traité de Rome, s'il institue la libre circulation des travailleurs, ajoute que le principe n'est pas applicable aux " emplois dans l'administration publique ". La Cour de justice des Communautés européennes a estimé que cette restriction ne concerne que les emplois " qui comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de la puissance publique ainsi que les fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat et des autres collectivités publiques ". Elle a condamné la France qui avait réservé à ses nationaux des emplois d'infirmiers dans les hôpitaux publics.
La France a donc été amenée à modifier sa législation (loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, insérant un article 5 bis dans la loi du 13 juillet 1983) :
" Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, autres que la France, ont accès, dans les conditions prévues au statut général, aux corps, cadres d'emplois et emplois dont les attributions soit sont séparables de l'exercice de la souveraineté, soit ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou des autres collectivités publiques.
" Ils ne peuvent avoir la qualité de fonctionnaires :
" 1° S'ils ne jouissent de leurs droits civiques dans l'Etat dont ils sont ressortissants ;
" 2° S'ils ont subi une condamnation incompatible avec l'exercice des fonctions ;
" 3° S'ils ne se trouvent en position régulière au regard des obligations de service national de l'Etat dont ils sont ressortissants ;
" 4° S'ils ne remplissent les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction... "
Si l'on excepte les ressortissants de l'Union européenne, les articles 5 et 5 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne permettent donc pas actuellement le recrutement d'étrangers dans la fonction publique en France.
Les enjeux sont de première importance : chaque jour apparaît un peu plus l'écart qui existe entre l'égalité, au c_ur de notre pacte républicain, et les discriminations faites aux étrangers.
Un premier pas a été fait le mercredi 3 mai 2000 avec le vote de la proposition de loi des députés Verts donnant aux étrangers non communautaires, le droit de vote au niveau local.
Mais il est un droit fondamental qui n'est pas respecté : le droit au travail.
Le rapport Bruhnes sur les emplois fermés aux étrangers avait déjà recensé près de 1 200 000 emplois fermés aux étrangers, dans le secteur privé, pour des conditions de nationalités ou de diplômes. Mais ces restrictions se dénombrent avant tout dans le secteur public : les emplois de titulaires dans les trois fonctions publiques sont interdits aux étrangers non communautaires, soit près de 5,2 millions.
De plus, les entreprises sous statut gérant des services publics tels que La Poste, EDF-GDF, Air France et les établissements publics industriels et commerciaux, qui comptent plus de 1 million de salariés, ne peuvent recruter des agents statutaires que de nationalité française ou des ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne.
Au total, près de 7 millions d'emplois sont interdits, partiellement ou entièrement, aux étrangers extracommunautaires, soit environ 30 % de l'ensemble des emplois.
Cette situation est pour le moins paradoxale et interroge de fait les fondements qui prévalent à la fermeture d'emplois de titulaires aux étrangers.
Ces mesures, contraires au principe d'égalité, ont été adoptées au coup par coup, souvent dans des périodes de crise économique, en privilégiant les nationaux contre la concurrence étrangère. Elles doivent être aujourd'hui rediscutées.
Aussi proposons-nous de compléter la loi du 13 juillet 1983 afin de permettre aux étrangers extracommunautaires qui ont été autorisés à résider sur le sol français et à y travailler d'intégrer, dans les mêmes conditions que les citoyens français, l'une des trois fonctions publiques.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

A l'article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : " Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France " sont remplacés par les mots : " Les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne autres que la France, les ressortissants des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France, ou les ressortissants des autres Etats établis régulièrement en France ".

Article 2

Le premier alinéa de l'article 5 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est ainsi rédigé :
" Pour les ressortissants des Etats visés à l'article précédent qui accèdent aux corps, cadres d'emplois et emplois des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics, la limite d'âge est reculée d'un temps égal à celui passé effectivement dans le service national actif accompli dans les formes prévues par la législation de l'Etat dont ils relevaient de l'Etat dont ils relevaient au moment où ils ont accompli le service national. "
2431 - Proposition de loi de M. Noël Mamère permettant l'accès des ressortissants étrangers à la fonction publique (commission des lois).


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