N° 2579
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 septembre 2000.
PROPOSITION DE LOI

tendant à moderniser la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Patrick DELNATTE,
Député.

Handicapés.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le vieillissement de la population française, en raison de l'allongement de l'espérance de vie et de la baisse de la natalité, est une réalité. Le nombre de personnes âgées de plus de 70 ans fortement dépendantes est estimé à environ 70 000 et à 60 000 pour les personnes handicapées mentales âgées de plus de 40 ans, dont l'espérance de vie s'accroît également. Alors que les personnes âgées de plus de 65 ans représentent aujourd'hui 15 % de la population en France, ce chiffre passera à quelque 20 % à l'horizon 2040.
Il s'avère donc nécessaire de s'adapter à ces données démographiques inéluctables, notamment en développant et diversifiant les modes d'hébergement des personnes âgées ou handicapées.
Parmi ces modes d'hébergement, l'accueil au domicile de particuliers à titre onéreux est l'un des plus attractifs, du fait de sa souplesse, de sa dimension humaine, conviviale et familiale, et du confort psychologique et affectif qu'il peut offrir aux personnes concernées. Cette formule peut en effet permettre de maintenir des solidarités de voisinage et d'éviter un éloignement des personnes de leur environnement habituel. En outre, l'accueil à domicile de personnes âgées ou handicapées présente des avantages significatifs au regard des coûts souvent élevés des établissements spécialisés.
Ainsi, un rapport du Conseil économique et social présenté en 1998 par Madame Janine Cayet sur la prise en charge des personnes vieillissantes handicapées mentales ou souffrant de troubles mentaux notait, à propos de l'accueil à domicile : « Cette modalité d'accueil, qui se rapproche le plus du maintien au domicile des parents et pourrait constituer une alternative intéressante au placement en institution, est trop peu développée, en particulier pour ce qui concerne les handicapés mentaux vieillissants. » En effet, on ne compte actuellement que 14900 accueillants familiaux pour quelque 20 000 personnes accueillies.
A l'évidence, la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 qui a institué cette forme d'accueil mérite d'être actualisée car le statut précaire et les conditions de vie particulièrement difficiles dans lesquelles elle a cantonné les familles d'accueil constituent les principales causes du retard regrettable que l'on enregistre pour ce mode d'hébergement. Cette situation est d'autant plus paradoxale que la fonction de famille d'accueil nécessite un dévouement et des compétences certaines pour faire face aux personnes fragilisées par l'âge, la maladie ou le handicap.
La loi du 10 juillet 1989 a en effet soustrait au champ d'application du code du travail le contrat qui doit être obligatoirement conclu entre la personne accueillie et la personne agréée. De ce fait, les intéressés, tout en assurant un service de qualité auprès des personnes âgées ou handicapées, ne peuvent bénéficier ni des repos ni des congés prévus par le code du travail. Par ailleurs, si les personnes agréées sont obligatoirement affiliées aux assurances sociales du régime général, la faiblesse des rémunérations ne leur permet d'acquérir que des droits très limités, en particulier pour leur retraite. Elles se trouvent également exclues de l'assurance chômage.
C'est pourquoi la présente proposition de loi vise à moderniser la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989.
L'article 1er se divise en trois titres.
A cet effet, le titre Ier instaure un statut au bénéfice de la fonction d'accueillant familial. Il rassemble les dispositions relatives à l'agrément, aux modalités de contrôle et de retrait de celui-ci. Il améliore la qualité du service rendu en prévoyant des obligations en matière de formation continue, de suivi social et médico-social, ainsi qu'en facilitant les démarches des personnes ou couples agréés pour l'obtention des diverses aides au logement.
Le titre II définit le contrat de travail conclu entre le président du conseil général et l'accueillant familial pour le compte de la personne accueillie à domicile, en apportant des garanties, notamment en matière de retraite et de congés payés. Relevant explicitement du droit du travail, les accueillants familiaux bénéficient de fait de l'assurance chômage et du droit syndical.
Le titre III contient l'ensemble des dispositions diverses.
L'article 2 a trait à la recevabilité financière.
Il vous est donc demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

La loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes est ainsi modifiée :
1° L'intitulé du titre Ier est ainsi rédigé :

« TITRE Ier »
« DES ACCUEILLANTS FAMILIAUX
ET DES MODALITÉS D'AGRÉMENT »

2° L'article 1er est ainsi rédigé :
« Art. 1er. -Pour accueillir habituellement à son domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées adultes n'appartenant pas à sa famille jusqu'au quatrième degré inclus et, s'agissant des personnes handicapées adultes, ne relevant pas des dispositions de l'article 46 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, une personne ou un couple doit, au préalable, faire l'objet d'un agrément, renouvelable par le président du conseil général de son département de résidence, qui en instruit la demande.
« La personne ou le couple agréé est dénommé "accueillant familial".
« La décision d'agrément fixe, dans la limite de trois, le nombre de personnes pouvant être accueillies.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et le délai d'instruction de la demande d'agrément, la procédure de retrait, la durée pour laquelle ledit agrément est accordé et renouvelé, le délai pour présenter une nouvelle demande après décision de refus ou retrait. Il précise les obligations auxquelles sont soumis les personnes ou les couples agréés en matière de formation continue. Il fixe également la composition de la commission paritaire consultative des accueillants familiaux.
« L'agrément ne peut être accordé que si les conditions d'accueil garantissent la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies, et si un suivi social et médico-social de celles-ci peut être assuré. Tout refus d'agrément est motivé.
« Les services du conseil général assistent l'accueillant familial, à sa demande, afin de solliciter les diverses aides au logement susceptibles d'améliorer les conditions matérielles de l'accueil à domicile, en particulier l'accessibilité.
« L'agrément vaut, sauf mention contraire, habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale au titre des articles 157 et 166 du code de la famille et de l'aide sociale. »
3° Après l'article 1er, il est inséré un article 1er-1 ainsi rédigé :
« Art. 1er-1. - Le président du conseil général organise le contrôle des accueillants familiaux, de leurs remplaçants et le suivi social et médico-social des personnes accueillies. Pour faciliter ce suivi, un carnet de liaison est mis à la disposition de l'accueillant, de la personne accueillie et de l'organisme chargé de ce suivi.
« Une liste nominative des accueillants familiaux agréés dans chaque commune du département est consultable auprès des services du conseil général ainsi que les tarifications minimum et maximum pouvant être pratiquées par les accueillants familiaux, selon les différents types d'accueil (accueil à temps complet, partiel ou temporaire).
« Si les conditions mentionnées au cinquième alinéa de l'article précédent cessent d'être remplies, il enjoint l'accueillant familial d'y remédier dans un délai fixé par le décret mentionné au même article. S'il n'a pas été satisfait à cette injonction, l'agrément est retiré après avis motivé de la commission paritaire consultative des accueillants familiaux. L'agrément peut également être retiré selon les mêmes modalités et au terme du même délai, en cas de non-conclusion du contrat mentionné à l'article 2, ou si celui-ci méconnaît les prescriptions mentionnées au même article, en cas de non-souscription d'un contrat d'assurance par l'accueillant, ou si le montant de l'indemnité représentative mentionnée au 4° de l'article 2 est manifestement abusif. En cas d'urgence, l'agrément peut être retiré sans injonction préalable, dans l'attente de l'avis de la commission précédemment mentionnée.
« La personne, ou le couple agréé se trouvant involontairement privé d'emplois, a droit à un revenu de remplacement, pendant une période de recherche d'un nouvel emploi dont la durée et les conditions sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
a) Après l'article 1er, il est inséré un article 1-2 ainsi rédigé :
« Les personnes handicapées relevant de l'article 46 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 précitée peuvent faire l'objet d'un placement familial, à titre permanent ou temporaire, organisé sous la responsabilité d'un établissement médico-social ou d'un service visé par ladite loi ou d'une association agréée à cet effet conjointement par le président du conseil général et le représentant de l'Etat dans le département, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.
« b) En conséquence, l'article 5 est supprimé. »
5° L'intitulé du titre II est ainsi rédigé :

« TITRE II
« DU CONTRAT DE TRAVAIL ENTRE LE PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL ET L'ACCUEILLANT FAMILIAL POUR LE COMPTE DE LA PERSONNE ACCUEILLIE A DOMICILE »

6° L'article 2 est ainsi rédigé :
« Art. 2. - Le président du conseil général conclut avec la personne ou le couple agréé un contrat de travail pour le compte de la personne accueillie à domicile.
« Ce contrat de travail est conforme aux stipulations d'un contrat-type établi par voie réglementaire après avis des représentants des présidents de conseil général. Il précise la durée de la période d'essai et, passée cette période, les conditions dans lesquelles les parties peuvent modifier ou dénoncer ledit contrat, le délai de prévenance qui ne peut être inférieur à deux mois ainsi que les indemnités éventuellement dues.
« Ce contrat de travail précise la nature ainsi que les conditions matérielles et financières de l'accueil. Il prévoit notamment :
« 1° Une rémunération journalière des services rendus ainsi qu'une indemnité de congé calculée conformément aux dispositions de l'article L. 223-11 du code du travail ;
« 2° Le cas échéant, une indemnité en cas de sujétions particulières ;
« 3° Une indemnité représentative des frais d'entretien courant de la personne accueillie ;
« 4° Une indemnité représentative de mise à disposition de la ou des pièces réservées à la personne accueillie.
« La rémunération ainsi que les indemnités visées aux 1° et 2° obéissent au même régime fiscal que celui des salaires. Cette rémunération, qui ne peut être inférieure à un minimum fixé par décret et évolue comme le salaire minimum de croissance prévu à l'article L. 141-2 du code du travail, donne lieu au versement d'un minimum de cotisations permettant la validation des périodes considérées pour la détermination du droit à pension conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale. Les indemnités mentionnées respectivement aux 2° et 3° sont comprises entre un minimum et maximum fixés par décret. Les montants minimaux sont revalorisés conformément à l'évolution des prix à la consommation hors les prix du tabac qui est prévue, pour l'année civile considérée, dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances.
« Ce contrat prévoit également les droits et obligations des parties ainsi que les droits en matière de repos et de congés annuels des accueillants familiaux et les modalités de remplacement de ceux-ci. »
7° Le second alinéa du I de l'article 12 est abrogé ;
8° L'intitulé du titre III est ainsi rédigé :

« TITRE III
« DISPOSITIONS DIVERSES »

9° L'intitulé du titre IV est supprimé ;
10° Le début de la première phrase de l'article 13 est ainsi rédigé :
« Le couple ou la personne accueillant familial et, s'il y a lieu, son conjoint, la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, ses ascendants ou descendants en ligne directe... (le reste sans changement). »

Article 2

Les charges qui découlent, pour les collectivités locales, de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.
Les charges qui incomberaient à l'Etat sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

2579 - Proposition de loi de M Patrick Delnatte tendant à moderniser la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes.


© Assemblée nationale