N° 2725
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 novembre 2000.
PROPOSITION DE LOI
visant à assouplir le régime des libérations anticipées du service national, à anticiper la suspension de la conscription et à régulariser la situation de réfractaires au service national.
(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Jean-Michel MARCHAND, Mme Marie-Hélène AUBERT, MM. Yves COCHET, Noël MAMÈRE et André ASCHIERI,
Députés.
Défense.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En organisant la suspension progressive de la conscription, la réforme du service national initié par la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 a depuis engendré un certain nombre d'incohérences, d'inégalités, voire d'injustices. Elles touchent en particulier les jeunes gens nés avant le 1er janvier 1979 qui restent soumis aux obligations du service national actif. Ces inégalités, ces injustices sont le fondement du problème d'un nombre grandissant de jeunes citoyens français qui sont réduits, à ce jour, à s'organiser de manière parasyndicale pour obtenir voix au chapitre.
La loi n° 97-1019 crée explicitement trois groupes de Français, séparés sur la base de leur date de naissance. Aujourd'hui, ceux nés avant 1979 sont tenus de faire au moins dix mois de service national, au détriment de leur situation professionnelle ou scolaire, personnelle, familiale..., en un mot citoyenne. Les autres, nés après 1979, doivent assurer une présence symbolique d'une journée, "un samedi ou un mercredi, afin de ne pas perturber (leur) activité scolaire ou professionnelle". Ceux nés en 1979, eux, n'ont aucune obligation, ils sont exemptés (art. L. 112-4).
Si ces jeunes citoyens en viennent à parler d'une violation du principe d'égalité, qui stipule que la loi "doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens (sont) égaux à ses yeux", c'est qu'il est urgent pour nous, leurs représentants, de les entendre et de ne pas chercher plus longtemps à délayer leurs questions et leurs problèmes sous diverses mesures d'accompagnement (voir en ce sens les récentes modifications de traitement, privilégiant les détenteurs de contrat de droit privé au reste de la population sursitaire).
Par ailleurs, une large désinformation a été pratiquée ces années passées, tant par les médias que par les instances chargées de gérer ces jeunes gens, par des encouragements à rechercher des reports à l'incorporation, parfois obtenus à l'aide de divers artifices souvent expliqués par ces mêmes instances.
Dans ces conditions, il est nécessaire d'éviter de sacrifier une génération de citoyens français, mais aussi d'éviter de leur donner, par amalgame, des raisons supplémentaires de douter du lien armée-Nation ou de la représentativité politique.
Il est certes nécessaire de pourvoir aux besoins réels et prouvés des armées pendant la phase transitoire conduisant à la professionnalisation, mais, au regard des incohérences, des différences de traitement, voire des iniquités qui peuvent être constatées, il est inacceptable que les jeunes gens, en raison de leur seule date de naissance, en supportent les conséquences. L'exigence de justice vis-à-vis des jeunes gens nés avant 1979 appelle donc plusieurs mesures d'adaptation et d'assouplissement.
1° Anticiper la suspension effective du service national pour réduire une période de transition riche en inégalités
Cette disposition entend limiter au plus vite les inégalités nées de cette période intermédiaire courant jusqu'à la suspension de la conscription, fixée au 1er janvier 2003 par la loi précitée du 28 octobre 1997. L'article 1er de la présente proposition de loi prévoit donc d'avancer de deux ans, au 1er janvier 2001, la date d'application de la suspension du service national. Ainsi que l'ont montré de récentes études du ministère de l'Emploi, la conjoncture économique extrêmement favorable limite grandement les risques d'accroissement de chômage des jeunes que pourrait induire cette mesure d'anticipation. Bien au contraire, tout laisse à penser qu'en enrichissant substantiellement le marché du travail son effet soit très bénéfique sur l'emploi et l'activité économique, notamment dans les secteurs actuellement confrontés à des pénuries de main-d'_uvre.
Néanmoins, au-delà des interprétations uniquement économiques qui ont conduit le ministère de la Défense à assouplir la gestion des détenteurs de contrat de droit privé, il nous faut laisser à tous ces jeunes Français, quelle que soit leur insertion sociale ou professionnelle, la possibilité de s'épanouir pleinement. Que ces jeunes soient étudiants, intermittents, chômeurs, intérimaires, fonctionnaires, professions libérales, etc., il est injuste de les forcer à remplir une obligation devenue discutable (et fortement discutée dès 1996) sur des critères d'insertion économiques ou même de date de naissance.
2° Respecter dès l'application de cette suspension la notion d'égalité et de justice grâce aux libérations anticipées
Au-delà de cette mesure primordiale, qui devrait être traitée dans les délais les plus courts, comme cela a été fait cette année pour d'autres sujet importants, il apparaît nécessaire de proposer, en parallèle, quelques aménagements sensibles pour permettre la libération anticipée aux appelés actuellement sous les drapeaux qui en feraient la demande. Il est par ailleurs nécessaire de s'assurer de la bonne circulation de l'information parmi les gens concernés : si nul ne doit ignorer la loi, celle-ci doit être largement compréhensible et répandue, en particulier auprès des jeunes citoyens français.
3° Restaurer l'égalité envers les réfractaires au services national encourant aujourd'hui des peines diverses
De tout temps, certains jeunes ont marqué leur opposition à subir le service national en recourant à la désertion après un séjour à la caserne mal vécu, ou bien à l'insoumission et même à l'exil pour échapper au service militaire. Le recours à une armée professionnelle employant exclusivement des volontaires devrait permettre à l'avenir d'éviter de telles extrémités. Cependant, même si le service obligatoire disparaît pour tous, la situation des jeunes ayant manifesté leurs réticences ne sera régularisée pour autant.
Le code de justice militaire prévoit en effet dans ses articles 94 et 375 que la prescription "pour insoumission ou désertion ne commencera à courir qu'à partir du jour ou l'insoumis ou le déserteur aura atteint l'âge de cinquante ans".
Il convient d'éviter ce genre d'aliénation en prononçant une amnistie générale en faveur des insoumis et déserteurs.
Ces dispositions entendent restaurer la notion de justice auprès des populations encore concernées par la conscription et l'égalité entre les différentes classes d'âge, les populations masculines et féminines, seule égalité qui soit réellement acceptable. Elles répondent à une véritable attente des 300000 sursitaires, de leurs familles, amis et proches, et bien souvent de leurs éventuels employeurs, comme aux besoins de notre économie et du marché de l'emploi et plus généralement de notre nation. Elles ne remettent pas en cause le libre arbitre de nos jeunes concitoyens, qui peuvent, s'ils le souhaitent et quel que soit leur âge, effectuer un service volontaire comme cela est prévue dans la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997.
proposition de loi
Article 1er
Dans le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national :
1° L'année : "2003" est remplacée par l'année : "2001";
2° Les mots : "nés avant le 1er janvier 1979, ainsi qu'aux personnes rattachées aux mêmes classes de recensement" sont supprimés.
Article 2
L'article L. 76 du code du service national est ainsi rédigé :
"Art. L. 76. - Le Gouvernement libère immédiatement par anticipation de ses obligations militaires la fraction de contingent composée des appelés qui en font la demande, quelle que soit la durée de service déjà réalisée."
Article 3
I. - En référence à l'article 66 de la loi n° 99-929, sont amnistiés sans condition, lorsqu'ils ont été commis par des appelés au service national, les délits prévus par les articles 397 à 459 et les article 466 à 469 et 473 du titre II du livre III du code de la justice militaire et les articles L. 118, L. 128, L. 129, L. 131, L. 132, L. 134, L. 148 et L. 149-8 du code du service national.
II. - Sont amnistiés sans réserve et sans condition de présentation devant l'autorité militaire ou administrative compétente, lorsqu'ils ont été commis par des appelés au service national :
1°Les infractions d'insoumission prévues par les articles 397 du code de justice militaire et L. 124 et L. 146 du code du service national, lorsque la date fixée par la convocation prévue à l'article L. 122 de ce dernier code est antérieure au 31 décembre 2002;
2°Les délits de désertions prévus par les articles 398 à 406 du code de justice militaire et aux articles L. 147, L. 149 et L. 156 du code du service national est antérieur au 31 décembre 2002. Sont amnistiés, sans réserve d'accomplissement des obligations du service national actif, les infractions prévues aux articles 447 du code de justice militaire et L. 149, L. 149-9 et L. 159 du code du service national, lorsqu'elles ont été commises avant le 31 décembre 2002.
2725 - Proposition de loi de M. Jean-Michel Marchand visant à assouplir le régime des libérations anticipées du service national, à anticiper la suspension de la conscription et à régulariser la situation de réfractaires au service national (commission de la défense).
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