N° 3132
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 juin 2001.
PROPOSITION DE LOI
tendant à la lutte contre la délinquance des mineurs
et à la prévention de la violence juvénile.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. Jean-Michel FERRAND, Jean-Claude ABRIOUX, Pierre AUBRY, Jean AUCLAIR, Pierre-Christophe BAGUET, André BERTHOL, Antoine CARRÉ, Jean-Marc CHAVANNE, Georges COLOMBIER, Charles COVA, Xavier DENIAU, Éric DOLIGÉ, Dominique DORD, Guy DRUT, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Charles EHRMANN, Roland FRANCISCI, Gilbert GANTIER, Henri de GASTINES, Claude GATIGNOL, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, François GUILLAUME, Gérard HAMEL, Pierre HÉRIAUD, Francis HILLMEYER, Christian JACOB, Didier JULIA, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Thierry LAZARO, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Jean MARSAUDON, Patrice MARTIN-LALANDE, Pierre MENJUCQ, Gilbert MEYER, Michel MEYLAN, Pierre MICAUX, Pierre MORANGE, Alain MOYNE-BRESSAND, Yves NICOLIN, Jean-Marc NUDANT, Robert PANDRAUD, Bernard PERRUT, Henri PLAGNOL, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, Marc REYMANN, Jean RIGAUD, Jean ROATTA, Bernard SCHREINER, Michel TERROT, André THIEN AH KOON, Georges TRON, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, François VANNSON et Michel VOISIN,
Députés.
Jeunes.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La forte progression de la délinquance des mineurs, au cours de la décennie écoulée, est unanimement reconnue, et constitue un phénomène inquiétant.
On constate, notamment, une part de plus en plus grande des mineurs dans la délinquance de voie publique, et particulièrement dans la commission des actes les plus violents : vols avec violences, coups et blessures volontaires, destructions et dégradations avec des moyens dangereux...
De plus, cette délinquance juvénile concerne des mineurs de plus en plus jeunes. Les services sociaux et les forces de l'ordre signalent fréquemment l'implication d'enfants de neuf à treize ans dans des actes pouvant être punis d'une sanction pénale.
A ces faits graves il faut ajouter un nombre important d'actes qui, sans relever nécessairement de la justice, provoquent un sentiment d'insécurité et troublent les conditions de vie de nos concitoyens : insultes, menaces, vandalisme, dégradations...
Cette augmentation de la délinquance juvénile est liée à trois causes, auxquelles il convient de s'attaquer : l'existence d'un sentiment d'impunité chez de nombreux jeunes, une préoccupante démission de nombreux parents, et une accoutumance précoce des jeunes à la violence.
TITRE Ier
METTRE FIN
AU SENTIMENT D'IMPUNITÉ DES MINEURS
L'existence de juridictions spécifiques et de règles particulières traitant de la délinquance juvénile a fait naître l'idée d'une irresponsabilité pénale des mineurs de moins de seize ans, tant chez les adultes que chez les jeunes délinquants.
· Ce sentiment d'impunité est renforcé par le nombre trop important de classements sans suite, des plaintes par les parquets.
Compte tenu de l'impact désastreux qu'ont les classements sans suite sur les mineurs délinquants, il convient d'interdire tout classement sans suite d'une procédure mettant en cause un mineur, sans convocation préalable du délinquant et de ses parents ou tuteur.
Cette convocation obligatoire, proposée par l'article 1er, sera l'occasion pour le procureur ou la personne qu'il aura déléguée à cette fin de mettre en garde le mineur ou de définir les conditions préalables au classement de la plainte.
· En ce qui concerne les sanctions, des adaptations sont nécessaires dans notre législation afin de réprimer vigoureusement les formes les plus virulentes de la délinquance juvénile.
En effet, les mesures éducatives ne paraissent plus suffisantes, et des sanctions pénales s'avèrent indispensables.
- Pour cela, il convient en particulier de modifier l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, afin qu'un mineur, âgé de seize à dix huit ans, se livrant à des actions violentes, soit véritablement considéré comme un délinquant et sanctionné comme tel.
Nous devons estimer qu'un jeune de seize ans a désormais la maturité nécessaire pour évaluer la frontière entre le bien et le mal.
La législation actuelle, datant de plus de cinquante ans, est manifestement inadaptée au regard de l'évolution de notre société.
L'article 2 propose donc de ramener l'âge de la majorité pénale à seize ans, ce qui permettra de déférer les mineurs âgés de plus de seize ans devant les juridictions pénales de droit commun et de leur appliquer les peines de droit commun.
- Concernant les mineurs âgés de treize à seize ans, l'ordonnance du 2 février 1945 prévoit qu'ils ne peuvent supporter une peine privative de liberté supérieure à la moitié de celle encourue pour l'infraction commise.
L'article 3 de la présente proposition de loi prévoit de priver les mineurs récidivistes de cette règle. II entend ainsi simplifier le message adressé au délinquant : en cas de récidive, il sera traité comme un adulte, et perdra le bénéfice de certaines dispositions spécifiques relatives aux mineurs.
TITRE II
RENFORCER LA RESPONSABILITÉ PARENTALE
Premier lieu de socialisation de l'enfant, la cellule familiale est la première responsable de la prise en compte par le mineur de son environnement et du respect qu'il lui doit.
Or, de nombreux parents ont renoncé à leur rôle d'éducateurs.
Afin de les responsabiliser, le moyen le plus efficace est sans aucun doute la suppression temporaire des allocations familiales aux parents d'enfants délinquants.
Il convient de souligner qu'une forte majorité de Français est favorable à un tel dispositif.
L'article 4 de la présente proposition de loi prévoit donc que les allocations familiales sont supprimées aux parents dont les enfants se rendent coupables d'un crime, d'un délit ou d'une contravention de la 5e classe, et aux parents dont les enfants sont incarcérés ou placés dans un centre de détention surveillé pour mineurs.
Les allocations familiales supprimées concernent, bien entendu, la part représentée par l'enfant délinquant dans le calcul des allocations familiales.
Elles sont supprimées de manière temporaire, pendant la durée du placement ou de l'incarcération du mineur délinquant ou, à défaut de placement ou d'incarcération, pour une durée fixée par le juge.
Les sommes correspondantes sont versées à un fonds, chargé d'apporter des aides financières aux centres de détention pour mineurs, et de financer des actions de prévention de la délinquance des mineurs.
TITRE III
AMÉLIORER LES POLITIQUES DE PRÉVENTION
L'article 5 de la présente proposition de loi prévoit, dans un souci de protection des mineurs et de prévention d'une dérive délinquante, la possibilité pour les maires d'interdire la circulation, la nuit, des enfants de moins de treize ans non accompagnés.
Des arrêtés ont été pris, dans le passé, dans différentes communes, mais ont été annulés par les juridictions administratives, faute d'une base législative suffisante.
Sans vouloir porter atteinte à la libre circulation, il s'agit avant tout de protéger les mineurs contre les risques d'atteinte à leur intégrité physique et à leur moralité, et de prévenir les risques d'actes délictueux.
En cas de récidive, les services chargés de la protection de l'enfance seront saisis, car la présence d'un mineur isolé, la nuit, ne correspond nullement à l'idée que l'on peut légitimement se faire de l'éducation et des soins qui lui sont dus.
Il convient de souligner que des mesures identiques sont appliquées avec succès en Grande-Bretagne, dans le cadre de la politique de la lutte contre l'insécurité de Monsieur Tony Blair.
PROPOSITION DE LOI
TITRE Ier
METTRE FIN
AU SENTIMENT D'IMPUNITÉ DES MINEURS
Article 1er
Après le premier alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«Aucune plainte mettant en cause, nommément, un mineur ne pourra être classée sans suite sans que ledit mineur et les majeurs qui en sont responsables ne soient convoqués par le procureur de la République ou la personne qu'il aura déléguée à cette fin.»
Article 2
L'article 1er de la même ordonnance est modifié comme suit :
1. Dans le premier alinéa, après les mots : « les mineurs », sont insérés les mots : « de seize ans ».
2. A la fin du premier alinéa, les mots : « ou des cours d'assises des mineurs » sont remplacés par une phrase ainsi rédigée : « Les mineurs âgés de plus de seize ans seront déférés devant les juridictions pénales de droit commun ».
Les autres articles de l'ordonnance sont modifiés en conséquence.
Article 3
Après le deuxième alinéa de l'article 20-2 de la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables aux mineurs récidivistes. »
TITRE II
RENFORCER LA RESPONSABILITÉ PARENTALE
Article 4
L'article 40 de l'ordonnance du 2 février 1945 précitée est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« Les allocations familiales sont supprimées aux parents dans les conditions suivantes :
« - lorsque leur(s) enfant(s) se rend coupable d'un crime, d'un délit ou d'une contravention de la 5e classe ;
« - lorsque leur(s) enfant(s) est incarcéré ou placé dans un centre de détention pour mineurs.
« Les allocations familiales supprimées concernent la part représentée par l'enfant délinquant dans le calcul des attributions d'allocations familiales.
« Les allocations familiales sont supprimées pendant toute la durée de l'incarcération ou du placement du mineur. A défaut d'incarcération ou de placement, elles sont supprimées pour une durée fixée par le juge.
« Les sommes correspondantes sont versées à un fonds, chargé d'apporter des aides financières aux centres de détention pour mineurs, et de financer des actions de prévention de la délinquance des mineurs. »
TITRE III
AMÉLIORER LES POLITIQUES DE PRÉVENTION
Article 5
Après l'article L. 131-1 du code des communes, il est inséré un article L. 131-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1-1. - Afin de préserver l'ordre public, la santé, la sécurité et la moralité des mineurs, le maire peut interdire, pendant une période définie, la circulation des enfants de moins de treize ans non accompagnés d'un majeur, entre 23 heures et 6 heures du matin.
« Cette décision est portée à la connaissance du procureur de la République, qui en contrôle la mise en _uvre. Tout mineur de moins de treize ans qui est appréhendé en application de cette décision est immédiatement reconduit chez ses parents.
« En cas de récidive ou d'absence des parents, les services de la protection de l'enfance sont aussitôt alertés. »
TITRE IV
DIVERS
Article 6
Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de la présente loi.
Article 7
Les dépenses occasionnées par la mise en _uvre de ce texte sont compensées, pour le budget des collectivités territoriales, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement, et pour le budget de l'Etat, par un relèvement, à due concurrence, des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
N°3132-Proposition de loi de M.Ferrand tendant à la lutte contre la délinquance des mineurs
et à la prévention de la violence juvénile.(commission des lois)
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