N° 3238
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juillet 2001.
PROPOSITION DE LOI
tendant à supprimer les fonds spéciaux tels que définis à l'article 42 de la loi n° 46-854 du 27 avril 1946.
(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Philippe de VILLIERS,
Député.

Finances publiques.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Les fonds spéciaux institués depuis le début de la IVe République sont restés en usage sous tous les gouvernements depuis lors. Ils sont autorisés, chaque année, par le Parlement. L'ouverture et l'utilisation des dotations au chapitre 37-91, et relevant des services généraux du Premier ministre, sont en effet régies par la loi n° 46-854 du 27 avril 1946 portant ouverture et annulation de crédits sur l'exercice 1946, et le décret n° 47-2234 du 19 novembre 1947.
Le premier alinéa de l'article 42 de la loi de 1946 précise que l'ouverture de ces crédits est limitée au seul budget du Premier ministre. A charge pour le chef du Gouvernement de les répartir ensuite entre ses ministres. Ces différentes dotations sont censées devoir servir au fonctionnement des différents ministères. Toutefois, aucune attribution précise n'a été définie. Leur emploi relève de la plus stricte discrétion de chaque ministre. Aucune obligation d'utilisation à des fins d'intérêt général n'ayant été formulée.
Cette ombre portée sur l'utilisation d'argent public est d'autant plus inacceptable que l'utilisation des fonds spéciaux déroge aux règles de comptabilité publique, le principe de la séparation entre l'ordonnateur et le comptable ne leur étant pas applicable.
Il faut attendre le décret du 19 novembre 1947 afin qu'un dispositif particulier soit formulé pour les fonds spéciaux relevant de la sécurité extérieure, seul véritable domaine où la confidentialité de l'usage de certains fonds est envisageable et compréhensible.
Or, que ces fonds soient destinés à l'usage du Gouvernement ou à la sécurité extérieure, leur gestion échappe communément à l'intervention de tout comptable public, ainsi que les dépenses au contrôle juridictionnel de la Cour des comptes. La loi de 1946 crée, en effet, une procédure particulière d'apurement des dépenses dans laquelle la juridiction financière n'intervient pas.
Cette absence de lisibilité et de contrôle d'une part importante des deniers publics - 394 millions pour l'année 2000 - est contraire à l'éthique républicaine dont nous nous devons d'être les garants.
C'est pourquoi, il est aujourd'hui nécessaire de mettre fin à l'existence de ces fonds spéciaux tels qu'ils sont définis par l'article 42 de la loi du 27 avril 1946, et d'en redéfinir la nature et les modalités de gestion tant en fonction des besoins réels de l'Etat en ce domaine que de la morale publique.
J'estime, en effet, que seuls les fonds spéciaux destinés à la sécurité extérieure du pays justifient une certaine opacité garantissant l'efficacité de l'action des services de l'Etat en cette matière sensible et méritent donc d'être conservés.
En revanche, les fonds spéciaux attribués au Premier ministre n'ont pas de réelle légitimité. Leur détournement, que l'on pourrait qualifier de coutumier, à des fins personnelles ou électorales est parfaitement intolérable.
Afin de mettre fin à ces pratiques contraires à l'intérêt général et au respect des deniers publics, je vous invite à supprimer ces fonds spéciaux et d'en redistribuer le montant à chaque ministère, de façon lisible, en fonction des besoins légitimes exprimés par ces derniers et qui trouveraient actuellement une réponse dans l'existence de cette manne secrète. Tel est le cas, par exemple, de la prime allouée en argent liquide et de façon totalement discrétionnaire aux collaborateurs des cabinets ministériels.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter cette proposition de loi supprimant les fonds spéciaux tels que définis à l'article 42 de la loi du 27 avril 1946.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

L'article 42 de la loi n° 46-854 du 27 avril 1946 portant ouverture et annulation de crédits sur l'exercice 1946, publiée au Journal officiel du 1er mai 1946 est supprimé.

Article 2

Il ne peut être ouvert de crédits de fonds spéciaux qu'au budget du ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur dans la perspective de la garantie de la sécurité extérieure de la nation.
Les ministres intéressés sont responsables devant l'Assemblée nationale de l'emploi de ces fonds.
Les crédits applicables aux dépenses imputées sur ces fonds ne peuvent être ordonnancés à l'avance que pour une période de trois mois maximum.
La gestion des fonds spéciaux est sanctionnée au départ de chacun des ministres concernés, par un décret de quitus mentionnant explicitement :
1° les provisions reçues ;
2° les sommes dépensées au cours de la gestion ;
3° les reliquats disponibles.
Dans les mêmes conditions, un décret de quitus sera établi chaque année au 31 décembre pour chacun des deux ministres attributaires ; les sommes non dépensées seront rétablies au budget de ces ministères aux fins d'annulation. Seront de même annulés les crédits demeurés sans emploi sur le chapitre des fonds spéciaux du même budget.

Article 3

Chaque ministère se voit attribué dans la loi de finances un crédit particulier destiné au versement de primes réservées aux collaborateurs du ministre au sein de son cabinet.
La gestion de ces crédits est soumise aux règles classiques de la comptabilité publique.
3238. - Proposition de loi de M. Philippe de Villiers tendant à supprimer les fonds spéciaux tels que définis à l'article 42 de la loi n° 46-854 du 27 avril 1946 (commission des finances).


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