N° 3240
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juillet 2001.
PROPOSITION DE LOI
tendant à soumettre la décision de libération conditionnelle pour les peines d'une durée supérieure à dix ans à un jury.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. François GOULARD, Bernard ACCOYER, Pierre AUBRY, Mme Sylvia BASSOT, MM. Léon BERTRAND, Michel BOUVARD, Roland BRUN, Dominique BUSSEREAU, Pierre CARDO, Antoine CARRÉ, Richard CAZENAVE, Jean-Marc CHAVANNE, Georges COLOMBIER, Charles COVA, Lucien DEGAUCHY, Xavier DENIAU, Yves DENIAUD, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Charles EHRMANN, Christian ESTROSI, Jean-Michel FERRAND, Nicolas FORISSIER, Yves FROMION, Gilbert GANTIER, Henri de GASTINES, Claude GATIGNOL, Jean-Claude GUIBAL, François GUILLAUME, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Didier JULIA, Marc LAFFINEUR, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Jean MARSAUDON, Patrice MARTIN-LALANDE, Gilbert MEYER, Michel MEYLAN, Charles MIOSSEC, Pierre MORANGE, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Yves NICOLIN, Paul PATRIARCHE, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Jean RIGAUD, José ROSSI, JoËl SARLOT, Bernard SCHREINER, Guy TEISSIER, Michel TERROT et Georges TRON,
Députés.
Droit pénal.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les décisions de libérations conditionnelles, lorsqu'elles touchent des criminels ayant été condamnés pour des crimes particulièrement abominables, font généralement l'objet de vives discussions et émeuvent fortement l'opinion publique.
Il est naturel qu'il en soit ainsi. D'une part en effet, si elle n'infirme pas le jugement d'origine, la décision de libération conditionnelle en modifie cependant considérablement la portée. D'autre part, lors de l'examen de chaque demande de libération conditionnelle, se pose le grave problème de la possibilité de récidive.
C'est donc une décision lourde de sens, lourde de conséquence qui à chaque fois est prise.
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 24 mai 2000, le ministre de la justice se prononçait sur les cas les plus graves, lorsque la peine privative de liberté prononcée initialement était d'une durée supérieure à cinq ans. Si l'on pouvait critiquer le principe d'une décision arrêtée par une autorité politique en matière de justice, il n'en restait pas moins qu'un ministre, dans une telle situation, est généralement très conscient de la responsabilité qu'il encourt vis-à-vis de l'opinion publique. Ce sentiment de sa propre responsabilité éprouvé par l'auteur de la décision est d'une certaine façon rassurant.
La loi du 24 mai 2000 a substitué à la décision ministérielle l'intervention d'une juridiction spécialisée, la juridiction régionale de la libération conditionnelle, composée de trois magistrats professionnels. Plus anonyme que la décision ministérielle, la décision juridictionnelle peut plus facilement s'écarter du sentiment populaire. Or, un des grands principes de notre droit pénal est de réserver au jury populaire le jugement des crimes et la condamnation aux peines les plus lourdes. Dès lors, il n'apparaît pas anormal, en vertu d'une règle de parallélisme non des formes mais des compétences, de n'accorder une libération conditionnelle à un criminel que sur la décision d'un jury populaire.
C'est l'objet de la présente proposition de loi qui instaure un triple régime de compétence en matière de libération conditionnelle. Ainsi, de manière inchangée, le juge de l'application des peines est compétent pour accorder la libération conditionnelle lorsque la peine privative de liberté prononcée est d'une durée inférieure ou égale à cinq ans. En outre, pour les peines prononcées allant de cinq à dix ans, la juridiction régionale de la libération conditionnelle est compétente. Enfin, pour les crimes, la libération conditionnelle est accordée par un jury populaire.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
L'intitulé de la section 5 du chapitre II du titre II du livre V du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Des attributions du juge de l'application des peines, des juridictions de la libération conditionnelle, de la commission de l'application des peines et du jury. »
Article 2
I. - Dans le premier alinéa de l'article 722 du même code, après les mots : « la libération conditionnelle », sont insérés les mots : « lorsque la peine privative de liberté est inférieure à une durée de cinq ans. »
II. - Dans le sixième alinéa de l'article 722 du même code, après les mots : « la libération conditionnelle », sont insérés les mots : « lorsque la peine privative de liberté est inférieure à une durée de cinq ans. »
Article 3
Le premier alinéa de l'article 722-1 du même code est ainsi rédigé :
« Les mesures de libération conditionnelle qui ne relèvent pas de la compétence du juge de l'application des peines ou d'un jury sont accordées, ajournées, refusées ou révoquées par décision motivée de la juridiction régionale de la libération conditionnelle, saisie sur la demande du condamné ou sur réquisition du procureur de la République, après avis de la commission d'application des peines. »
Article 4
Après l'article 722-1 du même code est inséré un article 722-1 bis ainsi rédigé :
« Art. 722-1 bis. - Les mesures de libération conditionnelle qui ne relèvent pas de la compétence du juge de l'application des peines ou de la juridiction régionale de la libération conditionnelle sont accordées, ajournées, refusées ou révoquées par décision motivée d'un jury saisi sur la demande du condamné ou sur réquisition du procureur de la République.
« Ce jury, établi auprès de chaque cour d'assises, est composé et formé conformément aux articles 254 à 267 et 293 à 305-1 du code de procédure pénale.
« Les fonctions du ministère public sont exercées par le procureur général ou par l'un de ses avocats généraux ou de ses substituts; celle du greffe par un greffier de la cour d'assises.
« Le jury statue à la suite d'une procédure conforme aux articles 268 à 287 et 306 à 375-2 du même code.
« Les décisions des jurés peuvent faire l'objet d'un appel lorsque la cour d'assises statue en premier ressort, en application des articles 380-1 à 380-14 du même code. »
Article 5
Le premier alinéa de l'article 722-2 du même code est ainsi rédigé :
« En cas d'inobservation par le condamné ayant bénéficié d'une des mesures mentionnées aux articles 722, 722-1 ou 722-1 bis des obligations qui lui incombent, le juge de l'application des peines peut délivrer un mandat d'amener contre ce dernier. »
Article 6
Les deux premiers alinéas de l'article 730 du même code sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque, en application de l'article 131-4 du nouveau code pénal, la peine privative de liberté prononcée est d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, la libération conditionnelle est accordée par le juge de l'application des peines selon les modalités prévues par l'article 722.
« Lorsque, en application de l'article 131-4 du nouveau code pénal, la peine privative de liberté prononcée est d'une durée supérieure à cinq ans et inférieure ou égale à dix ans, la libération conditionnelle est accordée par la juridiction régionale de la libération conditionnelle selon les modalités prévues par l'article 722-1.
« Lorsque, en application de l'article 131-1 du nouveau code pénal, la peine privative de liberté prononcée est d'une durée supérieure ou égale à dix ans, la libération conditionnelle est accordée par un jury selon les modalités prévues par l'article 722-1 bis. »
Article 7
I. - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 732 du même code est ainsi rédigée :
« Suivant les distinctions de l'article 730, le jury, le juge d'application des peines ou la juridiction régionale de la libération conditionnelle peut prévoir que l'élargissement s'effectuera au jour fixé par le juge compétent entre deux dates déterminées. »
II. - Le quatrième alinéa de l'article 732 du même code est ainsi rédigé :
« Pendant toute la durée de la liberté conditionnelle, les dispositions de la décision peuvent être modifiées, suivant les distinctions de l'article 730, soit après avis des membres du comité de probation et d'assistance aux libérés qui ont pris en charge le condamné, par le juge de l'application des peines compétent pour mettre en _uvre cette décision, soit, sur proposition de ce magistrat, par la juridiction régionale de la libération conditionnelle, soit, sur proposition du magistrat de la cour d'assises compétent pour mettre en _uvre cette décision, par un jury. »
Article 8
I. - La première phrase du premier alinéa de l'article 733 du même code est ainsi rédigée :
« En cas de nouvelle condamnation, d'inconduite notoire, d'infraction aux conditions ou d'inobservation des mesures énoncées dans la décision de mise en liberté conditionnelle, cette décision peut être révoquée, suivant les distinctions de l'article 730, soit, après avis des membres du comité de probation et d'assistance aux libérés, par le juge de l'application des peines compétent pour sa mise en _uvre, soit, sur proposition de ce magistrat, par la juridiction régionale de la libération conditionnelle, soit, sur proposition du magistrat de cour d'assises compétent pour sa mise en _uvre, par un jury. »
II. - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 733 du même code est ainsi rédigée :
« Suivant les distinctions de l'article 730, le juge de l'application des peines, la juridiction régionale de libération conditionnelle ou le jury qui a pris une décision de libération conditionnelle peut rapporter celle-ci lorsqu'elle n'a pas encore reçu exécution. »
N°3240-Proposition de loi de M.Goulard tendant à soumettre la décision de libération conditionnelle pour les peines d'une durée supérieure à dix ans à un jury.(commission des lois)
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