N° 3465
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 décembre 2001.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
relative à la protection constitutionnelle
des personnes handicapées.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par Mme Christine BOUTIN,
Députée.
Handicapés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La jurisprudence Perruche, parce qu'elle porte atteinte à la dignité des personnes handicapées, a suscité un émoi populaire considérable. Elle aura au moins eu le mérite de nous mettre face à nos responsabilités quant à l'accueil par notre société de ceux qui sont frappés par le handicap. Et l'on entrevoit déjà les dérives inévitables d'une jurisprudence qui feint de croire qu'une personne handicapée peut demander réparation d'avoir été contrainte à la vie plutôt qu'à la mort. Avec le cas Perruche, la Cour de cassation a clairement fait entendre que la non existence est préférable à la vie handicapée. A cela elle a ajouté, dans deux autres arrêts, qu'un préjudice esthétique ou d'agrément peut également donner matière à indemnisation. Ainsi, elle encourage les médecins soit à renoncer au diagnostic anténatal par peur de représailles judiciaires, soit à redoubler de vigilance afin qu'aucun enfant handicapé ne puisse passer les mailles d'un filet que constitue désormais un tel diagnostic. Cette sélection des êtres humains au commencement de leur vie porte un nom : l'eugénisme. Cette pratique, nous le savons, s'est illustrée aux heures sombres du xxe siècle. Aussi comprenons-nous mieux pourquoi un pays comme l'Allemagne, encore traumatisé par un passé douloureux, met aujourd'hui un frein, comme c'est le cas en matière de bioéthique, à des dispositions législatives qui se révèleraient eugénistes.
La France, quant à elle, s'est montrée moins sage, tant en autorisant, en cas de forte probabilité d'un handicap, l'avortement jusqu'au dernier jour de la grossesse, qu'en généralisant le remboursement du diagnostic de la trisomie 21. De même, les lois bioéthiques de 1994 ont validé le diagnostic préimplantatoire, qui est une autre façon légale de supprimer, cette fois à l'état d'embryon, les êtres porteurs de handicap. Enfin, la promulgation, il y a quelques mois, de la loi IVG et contraception a autorisé la stérilisation des personnes handicapées mentales sans leur consentement.
Tout cela démontre à quel point notre pays, patrie des Droits de l'homme, qui se veut une référence en matière de tolérance et de respect de la différence, a déclaré l'être handicapé persona non grata. Et cette politique a amené nos concitoyens à considérer comme anormal qu'il y ait des « anormaux ».
Or, quels sont les fondements éthiques d'un tel ostracisme ? Il n'en existe aucun. En revanche, nous connaissons tous nombre de personnes handicapées qui, sans nier pour autant la part de souffrance qui est la leur et celle de leur famille, nous affirmeront que leur vie mérite d'être vécue.
La spirale eugéniste, poussée au-delà de l'absurde par la jurisprudence Perruche, nous commande donc de légiférer afin de protéger, de manière globale et définitive, les personnes handicapées de toute discrimination. Le respect que leur doit notre société est à ce point essentiel qu'il mérite d'être inscrit de manière solennelle dans notre Constitution, afin que ces citoyens à part entière bénéficient d'une réelle solidarité nationale. Nous n'avons que trop tardé à agir.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique
L'article 1er de la Constitution est rédigé comme suit :
« Art. 1er. - La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race, d'état de santé ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
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N°3465-Proposition de loi constitutionnelle de Mme Boutin relative à la protection constitutionnelle des personnes handicapées.(commission des lois)
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