N° 1402 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 février 1999. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam ET PRÉSENTÉ PAR M. MICHEL VAUZELLE, Député -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Traités et conventions La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mmes Véronique Neiertz, Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver. SOMMAIRE ___ INTRODUCTION 5 I - LE TRAITÉ D'AMSTERDAM, UN APPORT IMPARFAIT MAIS UTILE À LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE 9 A - LE TRAITÉ D'AMSTERDAM ET LES TRAITÉS ANTÉRIEURS 9 1) Une révision "liée" 9 2) Une négociation longue et difficile 10 3) Une simple mise à jour des Traités ? 11 4) Un catalogue de grands principes ? 12 B - UNE RÉELLE CONTRIBUTION À LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE 14 1) La construction progressive d'un espace de sécurité, de justice et de liberté 14 2) Un meilleur équilibre de la construction européenne 17 C - UNE PORTÉE LIÉE À L'EXISTENCE D'UN PROJET POLITIQUE 21 II - LA RÉFORME DES INSTITUTIONS UNE FOIS ENCORE REPOUSSÉE 25 A - AMSTERDAM, UN NOUVEL ÉCHEC DANS LA RÉFORME DES INSTITUTIONS 25 1) Une exigence croissante encore déçue 25 2) Des aménagements mineurs 26 3) Aucune avancée sur les points cruciaux 28 4) Vers une nouvelle fuite en avant ? 29 B - UNE AMBITION DE LA FRANCE POUR L'EUROPE À AFFIRMER 30 1) Dépasser rapidement Amsterdam 30 2) Créer les conditions d'une véritable réforme institutionnelle 31 CONCLUSION 35 EXAMEN EN COMMISSION : · AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUX AFFAIRES EUROPÉENNES 37 · EXAMEN DU RAPPORT SUR LE PROJET DE LOI AUTORISANT LA RATIFICATION DU TRAITÉ D'AMSTERDAM 51 ANNEXE 59 Mesdames, Messieurs, Le projet de loi déposé sur le Bureau de l'Assemblée le 3 février dernier vise à autoriser la ratification du Traité signé le 2 octobre 1997 modifiant le Traité sur l'Union européenne, le Traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes, plus connu sous le nom de Traité d'Amsterdam, lieu de sa signature. Plus connu, disais-je, trop connu peut-être. Certains, au terme de la procédure de révision constitutionnelle préalable à la ratification du Traité, pourraient estimer que tout a été dit et fait. Il est vrai que la révision achevée par la réunion du Congrès à Versailles le 18 janvier dernier s'est déroulée de manière exemplaire. Sans revenir ici sur toutes ses péripéties, j'aimerais en rappeler les traits marquants. Le Conseil constitutionnel a été saisi du Traité d'Amsterdam le 4 décembre 1997 par le Président de la République et le Premier ministre, en vertu de l'article 54 de la Constitution. Le caractère conjoint de cette démarche a eu pour mérite de dépassionner dès l'origine le débat sur la constitutionnalité de l'engagement conclu par la France avec ses quatorze partenaires de l'Union européenne. Cette sérénité ne présentait pas de caractère évident : le Traité largement négocié par une majorité politique de droite devait achever de l'être par la majorité de gauche issue des élections législatives de 1997, le résultat de la négociation devant recueillir le paraphe d'un Président de la République politiquement proche de la nouvelle opposition parlementaire. Bel exercice de cohabitation, et surtout admirable témoignage du respect par tous de la crédibilité internationale de la France ! A la sérénité de la saisine du Conseil, devenue comme une étape normale du processus de ratification de tout engagement européen de quelque ampleur, a répondu celle dans laquelle a été accueillie sa décision. Pour l'essentiel, le Traité d'Amsterdam a été jugé conforme à la Constitution puisque : "aucune des autres dispositions [que le titre III A, inséré dans le Traité instituant la Communauté européenne] de l'engagement international soumis au Conseil Constitutionnel au titre de l'article 54 de la Constitution n'est contraire à celle-ci". Le Gouvernement a alors choisi la voie appropriée à une révision "technique", celle du Congrès, présentant aux deux assemblées un projet d'article 88-2 épousant au plus près les motifs d'inconstitutionnalité relevés par le Conseil. Révision sans fantaisie mais pas révision sans ouverture puisque le Gouvernement a accepté, sur proposition de notre Assemblée, d'étendre le champ du contrôle parlementaire sur les actes de l'Union par une réforme de l'article 88-4 de la Constitution. Il faut voir dans le caractère adapté de cette révision le motif de son succès : tandis que 111 voix tentaient de s'opposer à l'adoption du projet de révision constitutionnelle, 758 voix se sont exprimées le 18 janvier dernier en sa faveur. On pourrait penser que le débat de qualité qui a entouré le processus de révision a suffi à cerner le contenu et les enjeux du Traité d'Amsterdam. Il est d'ailleurs révélateur qu'un membre du Gouvernement ait récemment, sur les ondes d'une radio publique, dans un raccourci audacieux, évoquant le vote de la révision constitutionnelle, déclaré : "On a voté la semaine dernière le Traité d'Amsterdam." Tel n'est pas le cas. On a suffisamment reproché à ce Traité d'être illisible. Il mérite à l'évidence un débat plus complet que celui mené à l'occasion de la révision. En effet, celle-ci ne portait que sur l'un des points - même s'il est d'une importance majeure - du Traité, le passage éventuel dans cinq ans à la majorité qualifiée et le recours à la procédure de codécision dans un domaine essentiel d'exercice de la souveraineté nationale : la circulation des personnes. Votre Rapporteur avait souligné le caractère ponctuel, circonscrit de cette révision. Il faut d'ailleurs noter que la plupart des orateurs n'ont pas souhaité, à l'époque, se prononcer sur le fond du Traité, réservant à juste titre cette analyse au présent débat. Le temps est donc venu d'y procéder. Toutefois, il ne s'agit pas de rédiger un traité sur le Traité, mais au contraire de dégager les lignes politiques d'un texte technique, sans cohérence, ni vision. Un examen des dispositions du Traité semble d'autant plus opportun qu'il permettrait peut-être de comprendre comment un traité si décrié a pu franchir l'étape de la révision constitutionnelle avec tant d'aisance et parvenir jusqu'au stade de l'autorisation de ratification. On ne se risquera pas au fastidieux exercice de recenser l'ensemble des critiques qui formeraient une interminable litanie. Entre ces jugements sévères et l'ambition assignée à la Conférence intergouvernementale, dont certains avaient voulu faire le lieu d'un "nouvel acte fondateur" de la construction européenne, le décalage est grand. Alors qu'en est-il ? Ce Traité constitue-t-il une tentative pour rendre à la construction européenne l'illusion d'une dynamique qui lui ferait à présent défaut ? Est-il autre chose qu'un ensemble de dispositions rhétoriques ? Quelles avancées concrètes offre-t-il ? Celles-ci valent-elles que la France approuve un traité manifestement insuffisant sur l'essentiel, la réforme des institutions ? Peut-on se contenter d'un constat de défaite sur ce sujet ? I - LE TRAITÉ D'AMSTERDAM, UNAPPORT IMPARFAIT MAIS UTILE À LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE Le texte du Traité conclu le 2 octobre 1997 est à la fois le fruit d'une construction ancienne et complexe et celui d'un long processus de négociation. Exercice de mise à jour des traités, il ajoute néanmoins de nouveaux éléments à l'édifice européen. Jugé de ce fait illisible, incantatoire, il comporte cependant de véritables avancées dont la portée dépend de l'émergence d'une véritable volonté politique commune. A - Le Traité d'Amsterdam et les Traités antérieurs A la différence du Traité de Rome, de l'Acte unique européen ou du Traité sur l'Union européenne, le Traité d'Amsterdam ne constitue pas un acte autonome. Son champ était en effet largement déterminé par le Traité de Maastricht. Celui-ci prévoit dans son article N, paragraphe 2, que : "Une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres sera convoquée en 1996 pour examiner, conformément aux objectifs énoncés aux articles A et B des dispositions communes, les dispositions du présent Traité pour lesquelles une révision est prévue". La convocation de la Conférence intergouvernementale (CIG) au sein de laquelle a été élaboré le texte du futur Traité d'Amsterdam était donc prévue dès 1992. Il convient d'observer que la révision ne pouvait servir que pour l'approfondissement de la construction européenne puisque l'article B fixe comme objectif "de maintenir intégralement l'acquis communautaire et de le développer (...)" Le but essentiel d'une telle démarche était de conserver une efficacité optimale aux institutions de l'Union. De ce point de vue, l'élargissement progressif de la Communauté à neuf, dix, puis douze Etats membres faisait déjà planer des doutes sur le caractère viable d'institutions prévues pour six. Lors de la négociation du Traité sur l'Union européenne, il a semblé évident que quatre nouveaux Etats (Suède, Norvège, Finlande, Autriche) ne tarderaient pas à rejoindre les Douze, ce qui explique en partie cette clause de rendez-vous. De fait, l'Union est passée de douze à quinze membres le 1er janvier 1995 (la Norvège ayant refusé par référendum d'adhérer). Se profilait également, compte tenu de la chute du Mur de Berlin et de l'effondrement des régimes communistes, un élargissement ultérieur aux Pays d'Europe centrale et orientale (PECO). Cette perspective a été progressivement confirmée et précisée par les différents Conseils européens. Le Conseil européen de Copenhague des 21 et 22 juin 1993 a ainsi indiqué que les PECO avaient vocation à devenir membres de l'Union européenne dès qu'ils le pourraient. Il a, pour déterminer cette capacité, fixé des critères au nombre desquels figure "la capacité de l'Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l'élan de l'intégration européenne". Le Conseil de Corfou des 24 et 25 juin 1994 a ajouté à la liste des adhérents potentiels Malte et Chypre. Celui d'Essen des 9 et 10 décembre 1994 a affirmé de manière encore plus nette le lien entre élargissement et réforme des institutions, indiquant que la Conférence intergouvernementale de 1996 devrait avoir lieu avant le début des négociations d'adhésion. 2) Une négociation longue et difficile La Conférence intergouvernementale a fait l'objet de travaux préparatoires, concrétisés dans le rapport dit Westendorp, du nom du Président du groupe de réflexion. Ce rapport, remis au Conseil européen de Madrid les 15 et 16 décembre 1995, a servi de base aux travaux de la Conférence. En termes de calendrier, le Conseil a préconisé la révision la plus rapide possible. Sur la méthode, il a été décidé que la négociation serait rythmée par des réunions mensuelles des ministres des Affaires étrangères : nous verrons que le choix de cette méthode a probablement joué un rôle dans la relative paralysie de la CIG, dans la crispation des Etats sur leurs intérêts nationaux. Enfin, s'agissant des objectifs de la négociation, le Conseil les a ainsi définis lors du Conseil de Florence les 21 et 22 juin 1996 : - rendre l'Union plus proche de ses citoyens ; - renforcer et élargir la portée de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ; - assurer, notamment dans la perspective de l'élargissement, le bon fonctionnement des institutions et de l'efficacité du processus de décision. L'objectif était donc ambitieux et il n'a pas fallu moins de dix-huit mois de négociations, entre l'ouverture de la Conférence intergouvernementale le 29 mars 1996 et la signature d'un texte le 2 octobre 1997, pour parvenir à un compromis acceptable par tous. On peut se demander si les résultats ont été à la hauteur de l'ambition affichée. 3) Une simple mise à jour des Traités ? M. Pierre Moscovici lui-même a défendu une telle présentation des résultats du Traité dans son intervention dans le journal "Les Echos" le 1er octobre 1997. L'idée de mise à jour des textes était loin d'être inutile, notamment en ce qui concerne leur forme. Les strates accumulées tout au long du processus d'intégration européenne ont altéré la lisibilité, sinon la cohérence, des normes en vigueur. Peut-on juger superflue une renumérotation de l'ensemble des articles alors que l'extension des compétences de la Communauté avait conduit à épuiser l'alphabet ? On était ainsi parvenu à un article 130Y... De plus en plus de dispositions comportaient d'ailleurs une dénomination de ce type. Ajoutées à la suppression de dispositions devenus caduques, la renumérotation des traités et leur présentation sous forme consolidée (1) en annexe du Traité contribuent donc à une plus grande clarté, à une plus grande accessibilité du droit européen. Cet exercice formel rejoint la préoccupation de fond manifestée par les négociateurs, et relayée par le Parlement européen, d'une plus grande transparence des actions des institutions de l'Union. Cette volonté ressort notamment des déclarations 39 et 41 annexées au Traité. On en retiendra notamment le souci louable de prendre en compte la nécessaire qualité de la norme juridique, sa lisibilité, dès le stade de sa conception. 4) Un catalogue de grands principes ? De fait, le Traité réaffirme l'attachement de l'Union aux droits fondamentaux tels qu'ils sont notamment garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en tant que principes généraux du droit communautaire. Cette affirmation de principe ne constitue pas une simple figure de rhétorique. Tout d'abord, le Traité constate, de manière plus précise qu'auparavant, la diversité des droits fondamentaux. Il insiste notamment sur les droits sociaux : on ne saurait passer sous silence la mention d'un droit à l'emploi, le Traité faisant d'un "niveau d'emploi élevé" un objectif de la Communauté. Il met également l'accent sur le principe d'égalité et l'une de ses composantes, le principe de non-discrimination. En effet, outre la défense traditionnelle de l'égalité entre hommes et femmes affirmée par le nouvel article 3 du Traité CE dans son deuxième alinéa, le Traité d'Amsterdam stipule dans ce qui devient l'article 13 du Traité CE, en des termes inédits : " (...) le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle". Par ailleurs, outre l'extension, ou tout au moins la plus grande précision, des droits jugés fondamentaux par l'Union, le Traité renforce leur protection juridique. La Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) voit, selon des modalités complexes, variant en fonction de l'importance de la compétence des Etats dans la matière, sa compétence étendue au domaine de la justice et des affaires intérieures. Les décisions européennes prises dans des domaines aussi sensibles que la police, l'immigration, la justice feront désormais l'objet d'un encadrement juridictionnel. Le renforcement de la protection des droits de l'Homme prend enfin en compte les perspectives d'évolution de l'Union. Selon le nouvel article 7 du Traité sur l'Union européenne, très décrié par les contempteurs de la construction européenne, un Etat peut se voir infliger toute une gamme de sanctions - allant jusqu'à la privation de ses droits de vote au Conseil - en cas de violations graves et persistantes des libertés et droits fondamentaux de son fait. La France, patrie des droits de l'Homme, ne se retrouvera pas pour autant demain au ban de l'Europe, stigmatisée pour une opération de restauration de l'ordre public trop musclée ou une procédure judiciaire trop longue. Cet article a évidemment été ajouté dans l'optique des élargissements à venir. Certes, les Etats-candidats ont accompli des progrès considérables dans la réalisation d'Etats de droit, de sociétés démocratiques. Toutefois, pour certains, une part du chemin reste à faire ; pour tous, l'article 7 offre une garantie contre tout retour en arrière. Il faut s'en féliciter. On ne peut que s'insurger contre la présentation caricaturale faite par certains de cette disposition, jugée attentatoire à la souveraineté. La procédure de mise en oeuvre de l'article est la suivante : si la sanction peut être adoptée à la majorité qualifiée - sans même tenir compte du vote de l'Etat concerné - le constat de la violation doit en revanche être fait à l'unanimité par le Conseil réuni au plus haut niveau, après avis du Parlement européen et présentation de sa défense par l'Etat mis en cause. Le Conseil constitutionnel, lors de l'examen du Traité, n'a d'ailleurs pas jugé cet article inconstitutionnel. Toujours est-il qu'entre le caractère lié de cette révision des traité et sa dimension rhétorique, on est légitimement en droit de s'interroger sur son utilité concrète. B - Une réelle contribution à la construction européenne 1) La construction progressive d'un espace de sécurité, de justice et de liberté Dès l'Acte unique européen de 1986, les Etats membres ont fait de la liberté de circulation au sein de l'espace européen l'une des libertés majeures de leurs ressortissants et des résidents dans cet espace. Mais rapidement, il est apparu que l'exercice de cette liberté supposait son organisation afin que l'espace européen ne devienne pas celui de la criminalité organisée, du trafic de drogue, du terrorisme ou de l'immigration illégale. Les premières mesures ont été prises entre un petit nombre d'Etats, signataires des Accords dits de Schengen. D'autres l'ont été, toujours selon la méthode de la coopération intergouvernementale, dans divers groupes de travail, avant d'être formalisées par le Traité de Maastricht dans ce qu'il est convenu d'appeler le Troisième pilier. Les progrès de cette coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures sont réels, ils ne sont d'ailleurs contestés par personne. En dépit de l'ouverture des frontières entre Etats membres, l'Europe n'est pas devenue le territoire "ouvert" que d'aucuns redoutaient. Mais plusieurs raisons militaient en faveur d'une nouvelle avancée qualitative de cette coopération. Tout d'abord, les temps ont changé, les progrès de la technologie, le développement des transports, tout ce qu'il est convenu d'appeler la mondialisation, ont rendu plus présentes les menaces transnationales. Les flux migratoires, par exemple, sont devenus plus délicats à maîtriser. L'afflux soudain de réfugiés kurdes aux frontières italiennes au début de 1998, la structuration croissante de l'immigration illégale en réseaux illustrent quelques-unes des difficultés nouvelles auxquelles sont confrontés les Etats : meilleure organisation et plus grande réactivité des flux, "rapprochement" des pays d'émigration. De telles évolutions imposent de toute évidence une coordination accrue des politiques de maîtrise du flux migratoire des Etats membres, en terme de court séjour, mais aussi de long séjour à créer. De ce point de vue, le Traité d'Amsterdam constitue une avancée majeure. Deuxième raison des modifications introduites par le Traité d'Amsterdam, pour ce qui concerne le troisième pilier, on n'a pas débouché en matière de justice et d'affaires intérieures sur les progrès attendus. Il n'est besoin que de comparer par exemple les réalisations obtenues par les parties présentes aux accords de Schengen et les atermoiements de l'Union en matière de franchissement des frontières extérieures de l'Union. D'aucuns ont pu ainsi, de façon excessive, stigmatiser "l'Europe ouverte aux terroristes, aux mafieux et aux immigrants clandestins". La perception du décalage entre les mesures destinées à faciliter la circulation des personnes et celles, compensatoires, destinées à maintenir le niveau de sécurité de l'espace européen est allée croissant. Il est significatif que le dossier "liberté de circulation des personnes" soit géré par la Direction Générale XV, chargée du Marché intérieur et des services financiers, placée sous l'autorité du commissaire Monti. Votre Rapporteur ne partage aucunement l'opinion selon laquelle la Communauté ferait preuve de laxisme dans la gestion de ce dossier. Simplement, les mesures renforçant la sécurité aux frontières de l'espace européen n'étaient jusqu'à présent qu'un accompagnement de la libéralisation des contrôles à l'intérieur de celui-ci. Le Traité d'Amsterdam constitue un progrès dans la mesure où il établit un lien précis, ferme entre les deux démarches. L'article B du Traité sur l'Union européenne modifié par le Traité d'Amsterdam assigne en effet comme objectif à l'Union : "de maintenir et développer l'Union en tant qu'espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d'asile, d'immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène". Le lien ainsi établi et l'intégration de l'acquis de Schengen dans les traités constituent des garanties essentielles pour la sécurité de l'Union dans la perspective de l'élargissement. On ne peut se dissimuler le fait que certains des pays candidats, contre la volonté de leurs gouvernements et en dépit de leurs efforts, sont des sources potentielles de menaces, soit directes, soit que leur territoire serve de relais à l'action de structures criminelles extra-européennes. On ne peut se dissimuler non plus que la décomposition des régimes communistes a parfois altéré la capacité des administrations à assurer un contrôle optimal de leurs frontières. Dans le but de renforcer l'efficacité de l'Union dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, les procédures en vigueur ont été modifiées. Une partie du domaine - celle liée à la circulation des personnes - fait l'objet d'une "communautarisation" partielle, la Commission obtenant un droit d'initiative, le Conseil pouvant, à l'expiration d'une période transitoire, décider à l'unanimité de passer au vote à la majorité qualifiée pour tout ou partie des matières concernées. La partie qui continue de relever du Troisième pilier voit également son fonctionnement modifié par l'intervention - certes modeste - de la Commission et du Parlement européen et par l'introduction d'une nouvelle catégorie d'actes : les décisions-cadres. Celles-ci ne sont pas dépourvues de ressemblances avec les directives du Premier pilier puisqu'elles lient les Etats dans les résultats à atteindre tout en leur laissant le choix des moyens. Il faut espérer que ce nouvel instrument se révélera bien à la fois plus souple d'emploi et plus contraignant à l'égard des Etats, une fois adopté, que la pratique des conventions jusqu'à présent privilégiée dans le Troisième pilier. Elles ont fréquemment fait l'objet de négociations laborieuses - on évoquera seulement pour mémoire celle relative à Europol - et n'ont que trop rarement été mises en vigueur, compte tenu de la lourdeur des procédures de ratification. Votre Rapporteur souhaiterait d'ailleurs que soit dressé un bilan des conventions signées, de celles qui ont été ratifiées et du sort de celles qui ne l'auront pas été avant l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam. Les négociateurs du Traité ont voulu une construction mieux adaptée, plus efficace pour lutter contre les formes les plus modernes de l'insécurité. Ils ont aussi voulu un espace qui ne soit pas "policier", mais "policé" en renforçant le contrôle du Parlement européen et de la CJCE sur les actes de l'Union dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Selon des modalités complexes, définies dans le nouvel article K7 du Traité sur l'Union européenne, la CJCE peut en effet, sur la base d'une déclaration volontaire de chaque Etat, se voir reconnaître une compétence sur les actes du Troisième pilier. Il faut rappeler que cette formule d'une compétence optionnelle a longtemps fait l'objet d'une totale opposition du Royaume-Uni lors de la négociation relative à Europol. Cette avancée de l'encadrement juridictionnel constitue donc un progrès majeur. La France a été l'un des plus ardents défenseurs de la réforme de la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures. De ce point de vue, le Traité d'Amsterdam est une victoire des positions françaises. 2) Un meilleur équilibre de la construction européenne Le Traité d'Amsterdam ne renie pas l'importance de l'économie dans la construction européenne. L'article 2 du Traité instituant la Communauté européenne débute ainsi : "La Communauté a pour mission, par l'établissement d'un marché commun, d'une Union économique et monétaire et par la mise en oeuvre des politiques et des actions communes visées aux articles 3 et 4, de promouvoir dans l'ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques (...)". Il introduit également parmi les missions de la Communauté "un haut degré de compétitivité". Les Traités précédents avaient prioritairement mis l'accent sur le caractère économique de la coopération mise en oeuvre, au point de faire apparaître celle-ci comme trop libérale. De fait, l'application tatillonne - voire doctrinale - par la Commission des règles de la concurrence, les contraintes liées au nécessaire assainissement des finances publiques, mais imputées à la seule mise en place de la monnaie unique, ne sont que deux exemples de la perception courante de la construction européenne par l'opinion publique. Le Traité d'Amsterdam corrige au moins partiellement ce déséquilibre. Il insère de façon plus explicite, et surtout plus opérationnelle, la dimension économique dans un cadre plus global, il insiste sur d'autres exigences. Ainsi, à la demande de la France, les services d'intérêt économique général, qui correspondent assez bien à ce que l'on appelle en France les services publics, se voient reconnaître une véritable spécificité. Le Traité relève notamment "la place que ces services occupent parmi les valeurs communes de l'Union" et le "rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion économique et sociale". Outre ce nouvel article 7D, la déclaration n° 13 annexée au Traité rappelle le nécessaire respect, sous le contrôle de la CJCE, de certains principes chers à la France : égalité de traitement, qualité et continuité du service. A l'heure de la mise en oeuvre des règles de concurrence, ce que l'on appelle généralement la libéralisation, dans plusieurs grands services publics (énergie, télécommunications, postes), l'affirmation inédite au niveau européen de la notion de service public et des valeurs qui lui sont, pour nous, liées revêt un intérêt particulier. Ce succès est d'autant plus inattendu qu'il a dû passer outre à l'opposition systématique, traditionnelle, de certains des Quinze. Un autre correctif est apporté par la prise en compte accrue du souci de l'environnement. Elle est notamment le résultat de la pression des Etats scandinaves. Ils ont apparemment trouvé la réponse de l'Union satisfaisante ; on estime que la victoire assez nette des "oui" au référendum organisé par le Danemark sur la ratification du Traité s'explique largement par les progrès proposés en matière d'environnement. La prise en compte de cette dimension n'est pas nouvelle, mais elle subit une nette inflexion. En schématisant, on peut dire que le souci de l'environnement doit désormais précéder chaque action communautaire et non plus intervenir a posteriori comme un correctif. Le nouvel article 6 du Traité instituant la Communauté européenne stipule ainsi que : "les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et actions de la Communauté (...)". Le développement équilibré et durable, un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement figurent explicitement parmi les objectifs et les principes d'action de l'Union. Toutefois, les Etats se voient bien sûr reconnaître le droit de conserver des normes plus strictes. Contribue également au rééquilibrage de la construction européenne l'accent mis sur certaines politiques ou actions communes dont l'actualité récente a montré les carences. Ainsi, l'accroissement de la compétence communautaire en matière de santé publique ne semble pas inutile à la suite de l'épidémie dite de la "vache folle". Elle reste toutefois complémentaire de l'action des Etats dont la compétence reste dominante. En outre, elle ne débouche pas sur une approche harmonisatrice, mais reste cantonnée à l'édiction de normes minimales. De même, le Traité fait une place nouvelle à la lutte contre la fraude et à la protection des intérêts financiers de la Communauté. Les polémiques récentes sur la gestion de la Commission, les propositions faites par celle-ci de créer un organe indépendant de lutte contre la fraude, illustrent l'utilité de la possibilité d'action offerte au Conseil par le nouvel article 209 A du Traité instituant la Communauté européenne. Enfin, et surtout, le Traité d'Amsterdam amorce un meilleur équilibre de la construction européenne par une prise en compte accrue de la dimension sociale. L'Union se dote d'un fondement social commun avec l'intégration du Protocole social annexé au Traité sur l'Union européenne dans le corps du Traité instituant la Communauté européenne. Cette évolution a été rendue possible par l'arrivée au pouvoir au Royaume-Uni d'un gouvernement travailliste. Outre leur valeur symbolique, les résultats de la Conférence intergouvernementale permettent concrètement, par une nouvelle rédaction de l'ancien article 118 paragraphe 2, l'adoption par le Conseil de mesures d'encouragement - sous forme de directives ou de décisions - en matière d'exclusion sociale. Le Conseil peut désormais adopter à la majorité qualifiée, selon la procédure de codécision, des mesures dans les domaines suivants : - amélioration des conditions de vie et de travail ; - égalité des rémunérations et de traitement entre hommes et femmes ; - dialogue entre partenaires sociaux ; - information, consultation et participation à la gestion des travailleurs ; - égalité des chances ; - intégration professionnelles des personnes exclues du marché. En revanche, demeure régie par l'unanimité l'adoption d'actes dans les domaines suivants : - système concernant la sécurité sociale ; - protection sociale des travailleurs ; - conditions d'accès à l'emploi des ressortissants des pays tiers ; - contributions financières visant à la promotion de l'emploi. Restent exclus de la compétence communautaire le droit syndical, le droit de grève, les dispositions relatives aux rémunérations. L'Union se dote également, largement à l'initiative de la France, d'un ensemble d'instruments destinés à promouvoir l'emploi. Il convient tout d'abord de relever la forte divergence, d'ordre culturel, des positions des Etats membres sur le sujet. Certains sont traditionnellement totalement hostiles à une simple évocation du sujet dans le cadre européen. D'autres, tels la France, étaient partisans de l'adoption de mesures à caractère contraignant. Entre ces deux positions extrêmes, les autres Etats envisageaient de faire de l'emploi un simple thème de discussion ou l'adoption de dispositions de nature incitative. Le résultat obtenu par la Conférence intergouvernementale peut sembler avoir donné raison à cette position médiane. Sur le plan des principes, l'Union, dans le nouvel article B du Traité sur l'Union européenne fait, au même titre que la Communauté, d'un "niveau d'emploi élevé" l'un de ses objectifs. En outre, le Traité d'Amsterdam établit un lien entre emploi et politique économique prévoyant l'élaboration, chaque année, de lignes directrices pour l'emploi compatibles avec les politiques économiques des Etats. Enfin, le Traité d'Amsterdam modifie le Traité instituant la Communauté européenne faisant de "la promotion d'une coordination entre les politiques de l'emploi des Etats membres en vue de renforcer leur efficacité par l'élaboration d'une stratégie coordonnée pour l'emploi" une nouvelle action spécifique de la Communauté. L'insertion dans le Traité instituant la Communauté européenne d'un nouveau titre VI A consacré à l'emploi constitue une avancée plus que symbolique de la prise de conscience d'une nécessaire coordination des politiques de l'emploi, même si celles-ci restent essentiellement de la compétence des Etats. Plusieurs instruments sont prévus : - conclusions annuelles du Conseil sur la base d'un rapport conjoint de la Commission et du Conseil ; - lignes directrices annuelles élaborées par le Conseil à la majorité qualifiée, dont les Etats "tiennent compte dans leurs politiques de l'emploi" ; - recommandations du Conseil à la majorité qualifiée, adressées aux Etats membres ; - actions d'encouragement, adoptées selon la procédure de codécision, destinées à favoriser la coopération entre Etats, mais exclusives de tout processus d'harmonisation. Les Quinze, largement à la demande de la France, dès la signature du Traité, ont décidé de mettre en oeuvre, de manière anticipée, les dispositions du Traité relatives à l'emploi. Elles ont effectivement servi de support à des décisions aux Conseils de Luxembourg, Cardiff et Vienne. Même si la disposition n'a pas encore été utilisée, le rééquilibrage social de la construction européenne est particulièrement symbolique dans la capacité donnée au Conseil de formuler des recommandations aux Etats en matière d'emploi, à l'instar de ce qu'il fait en matière de finances publiques. C - Une portée liée à l'existence d'un projet politique L'exemple de la politique de l'emploi illustre bien les ambiguïtés du Traité d'Amsterdam. Des dispositions qui pourraient n'avoir de vertus autres qu'incantatoires ont acquis un caractère opérationnel, une véritable portée, du fait de l'existence d'une réelle volonté politique des Etats. M. Pierre Moscovici a, à plusieurs reprises, et encore le 3 février dernier devant notre Commission, rappelé que le Traité d'Amsterdam péchait plus par ce qu'il ne contient pas que par les dispositions qu'il comporte. De fait, l'inventaire que je viens de dresser montre la richesse des possibilités offertes par ce Traité. Richesses ? Potentialités ? On pourrait penser que ce ne sont là que des mots. Le rapprochement avec l'Acte unique de 1986 s'impose. Que n'a-t-on pas reproché à ce texte ? "La montagne fédérale du projet Spinelli avait accouché d'une souris tout à fait diplomatique". L'Acte unique était "un texte d'intendance", "une coquille aux trois-quarts vide", un "acte clandestin", "le compromis du possible". Les similitudes sont troublantes. Pourtant, l'Acte unique a permis la réalisation du marché intérieur, favorisé la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des hommes. Il a également favorisé l'accroissement de la coopération en matière de politique étrangère, même si beaucoup reste à faire. Tous ces progrès n'ont été rendus possibles que par l'existence d'une véritable volonté politique. La nouvelle donne politique en Europe, les derniers Conseils européens, la création de l'euro, donnent à penser qu'une telle volonté est possible en matière de politique économique. A contrario, les balbutiements de la PESC montrent bien la vanité de dispositions institutionnelles dépourvues du soutien d'un projet politique. Ils augurent mal de l'avenir de cette PESC, même améliorée par le Traité d'Amsterdam. Celui-ci comporte de réelles avancées en matière de relations extérieures. Il marque un coup d'arrêt aux ambiguïtés dans la répartition des compétences entre la Commission et les Etats dans les négociations commerciales multilatérales. S'agissant de la PESC proprement dite, il marque un triple progrès : - sur le plan de sa conception, avec la création d'une cellule rattachée au Secrétariat général du Conseil, dite "unité de planification de la politique étrangère et d'alerte rapide" ; - sur le plan de la décision, avec un relatif assouplissement - mais pas une simplification - des procédures, puisqu'est créé un instrument dénommé "stratégie commune" dont les décisions de mise en oeuvre peuvent être arrêtées à la majorité qualifiée (sauf opposition de l'un des Etats selon des modalités s'apparentant au compromis de Luxembourg) ; les Etats se voient par ailleurs autorisés à se réfugier dans une position dite d'abstention constructive, évitant de devoir systématiquement obtenir l'unanimité ; - sur le plan de la mise en oeuvre, avec la nomination dans les mois qui viennent d'un Haut Représentant pour la PESC, destiné à mieux incarner l'Union dans ses relations avec les tiers. La France avait ardemment défendu cette idée. Le jugement que l'on peut porter sur le résultat obtenu est à l'image de celui qu'inspire l'ensemble de la réforme de la PESC : réservé. Pour la France, la lisibilité de la PESC dépend largement du profil du Haut représentant pour la PESC. Le choix d'une personnalité politique de premier plan ou au contraire d'un haut fonctionnaire illustrera la volonté ou l'absence de volonté de l'Union de se doter d'une politique étrangère digne de ce nom. A quoi bon en effet imaginer des constructions institutionnelles d'une complexité inégalée si les Quinze ne peuvent s'accorder sur des objectifs communs et s'il s'agit au bout du compte de participer à la mise en oeuvre de la politique américaine, tout en tenant un discours aux accents européens ? II - LA RÉFORME DES INSTITUTIONS La Conférence intergouvernementale avait placé la réforme des institutions au coeur de ses débats. Le besoin s'en était fait sentir de façon croissante avec les élargissement successifs. Force est de constater que le rendez-vous d'Amsterdam, prévu depuis Maastricht, se solde par un échec. En dépit d'aménagements mineurs, les négociateurs n'ont obtenu sur aucun des points cruciaux, ne serait-ce que l'esquisse d'un progrès. Pire, la réforme est unanimement et officiellement reportée, une fois encore. La France s'est, dès la signature du Traité d'Amsterdam, prononcée pour une nouvelle tentative rapide de réforme des institutions. A l'heure de la ratification, cette détermination et sa traduction concrète jouent un rôle essentiel. A - Amsterdam, un nouvel échec dans la réforme des institutions 1) Une exigence croissante encore déçue La réforme des institutions européennes est un processus permanent. On ne rappellera que pour mémoire la simplification des institutions par le Traité dit "de fusion" de 1965. Le renforcement du rôle du Parlement européen, la mise en place de la mécanique du Conseil européen, le développement de nouvelles procédures de décisions (coopération, codécision) associant davantage le Parlement européen au Conseil des Ministres, les aménagements substantiels réalisés par l'Acte Unique européen et le Traité sur l'Union européenne témoignent de ce foisonnement institutionnel. Cependant, des démarches plus ambitieuses, comme le projet Spinelli, n'ont pas abouti. Les fondements essentiels des institutions de l'Europe des Six, de l'Europe du Traité de Rome, n'ont guère évolué, ou tout au moins sans commune mesure avec l'élargissement de celle-ci. Les adaptations aux Neuf, aux Dix, puis aux Douze n'ont été pour l'essentiel que mécaniques ; on a procédé à l'augmentation du nombre des Commissaires, des représentants au Conseil (modifiant à chaque fois la pondération des voix), des Parlementaires européens, des juges à la CJCE. A la veille du dernier élargissement, à la Suède, la Finlande, l'Autriche et - même si le processus n'est pas allé à son terme - à la Norvège, on s'est interrogé sur la conduite à tenir. L'article N du Traité sur l'Union européenne invitait les Etats à modifier les institutions afin de renforcer leur efficacité : déjà planait le spectre de la paralysie. Devait-on réformer avant de conclure avec ces quatre Etats, ou était-il injuste de les faire attendre dans l'antichambre que nous ayons réglé sans eux des problèmes qui les concernaient après tout en tant que quasi-membres ? Il paraissait de bon sens de commencer par une réforme des institutions qui s'annonçait déjà délicate avant d'introduire de nouveaux membres, ajoutant à la complexité et créant en quelque sorte des droits pour ceux-ci. A la simplicité, on préféra la facilité. Il fut décidé d'élargir contre la promesse des nouveaux adhérents de ne compliquer en rien la future réforme. Le résultat de cette fuite en avant est le désastre institutionnel du Traité d'Amsterdam. Alors que la réforme des institutions devait être au coeur de la Conférence intergouvernementale, non seulement le Traité d'Amsterdam n'apporte pas de solution, mais il se solde par un échec cinglant de la méthode de la Conférence intergouvernementale : les Quinze ne disposent même pas des bases d'une discussion, ils s'accordent uniquement pour dire que la reprendre dans les mêmes termes conduirait à un échec identique. Il serait faux cependant de dire que le Traité d'Amsterdam ne recèle pas de dispositions institutionnelles. Bien au contraire, celles-ci sont assez nombreuses et concernent la totalité des institutions, mais elles ne forment qu'un ensemble épars, sans cohérence. Le Parlement européen est le principal bénéficiaire du Traité d'Amsterdam. La procédure de coopération tend en effet à disparaître au bénéfice de la procédure de codécision, à l'exception du titre du Traité instituant la Communauté européenne relatif à la politique économique et monétaire. Il est regrettable, même si régnait parmi les négociateurs le souci que la mise en place de l'euro ne soit pas perturbée, que l'on ne soit pas allé dans ce domaine jusqu'au bout de la logique de rééquilibrage de la construction européenne en soumettant l'UEM au droit commun. Par ailleurs, la procédure de codécision est applicable à nombre des dispositions introduites par le Traité d'Amsterdam. Simplification des procédures de décision, fixation prévue d'un statut du parlementaire européen, limitation du nombre de ceux-ci à 700 sont autant d'autres motifs de satisfaction pour l'Assemblée de Strasbourg. Le principal changement concernant la Commission réside dans sa procédure de désignation puisque la nomination de son Président devra, sur proposition du Conseil, être approuvée par le Parlement européen ; une fois le Président désigné, il sera associé au choix des autres Commissaires. La Cour de Justice des Communautés européennes voit, comme nous l'avons précédemment constaté, sa compétence étendue, en particulier - sous certaines réserves - aux actes du IIIème pilier. Peuvent paraître plus anecdotiques, mais méritent d'être inscrits à l'actif des négociateurs : - l'extension des pouvoirs et de l'autonomie du Conseil économique et social et du Comité des Régions ; - la fixation par un protocole du siège des institutions ; on ne peut que se réjouir de la confirmation définitive de Strasbourg comme siège du Parlement européen pour toutes les sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire ; - l'élévation de la Cour des Comptes européenne au rang d'institution à part entière ; - l'adoption d'un protocole sur les Parlements nationaux renforçant leur information à titre interne sur l'activité de l'Union et consacrant la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC). Ces progrès ne peuvent contrebalancer la faiblesse des résultats obtenus s'agissant du Conseil. La procédure du vote à la majorité qualifiée s'applique certes à plusieurs des nouvelles dispositions introduites par le Traité d'Amsterdam ; en revanche, à l'exception notable de la recherche, elle ne progresse quasiment pas dans les champs précédemment régis par l'unanimité. La déception provoquée par la faible progression de la majorité qualifiée ne saurait égaler celle causée par l'échec total subi sur la repondération, comme sur toutes les autres questions essentielles. 3) Aucune avancée sur les points cruciaux L'équilibre institutionnel classique n'est pas modifié. Rien n'a été fait pour simplifier le chef d'oeuvre de complexité que constitue la division de l'Union en piliers, alors que l'opposition traditionnelle entre pilier communautaire et piliers intergouvernementaux semble de moins en moins pertinente. Rien n'a été fait non plus pour favoriser l'émergence d'une présidence stable de l'Union : ce n'est pas l'ajout d'une nouvelle troïka (Etat assurant la Présidence, Commission et Secrétariat général du Conseil) à celle existant déjà, qui va créer la dynamique politique nécessaire à un projet de long terme pour l'Europe. Rien n'est fait surtout pour résoudre le triple problème institutionnel qui mine l'Union : la réforme de la Commission, la repondération des voix au Conseil, l'extension du champ de la majorité qualifiée. La Commission devrait faire l'objet d'une réforme visant à restaurer sa cohérence et sa collégialité. Certaines initiatives isolées de commissaires - telles celles de Sir Leon Brittan sur un "nouveau traité transatlantique" - attestent de dysfonctionnements évidents. Les erreurs de communication s'ajoutent aux erreurs de stratégie et à la confusion des responsabilités (par exemple en matière de relations extérieures). La proposition française de réduire le nombre de Commissaires n'a pas été suivie, et n'a, semble-t-il aucun avenir, chaque Etat tenant à conserver "son" commissaire. La seule avancée porte sur l'idée d'une possible hiérarchisation des commissaires. S'agissant du Conseil, la repondération des voix bute sur une conjonction d'opposition, de dilemmes : peut-on maintenir le système actuel qui favorise les petits Etats ou doit-on introduire une double majorité fondée notamment sur l'importance des populations ? Doit-on dans le cas d'une simple repondération s'efforcer de rapprocher les droits de vote du poids démographique des Etats, mettant ainsi fin à l'actuelle uniformité de ces droits entre grandes catégories d'Etats ? Très prosaïquement, est-on prêt à admettre que l'Allemagne ait des droits de vote supérieurs à ceux de la France ? De plus, les deux points ne peuvent pas être déconnectés : un Etat qui abandonnerait son deuxième commissaire, voire son unique commissaire, n'est-il pas en droit d'attendre une pondération plus favorable au Conseil ? En outre, ces deux problèmes institutionnels ne peuvent être examinés sans tenir compte de l'importance - actuelle et à venir - du champ de la majorité qualifiée. On mesure donc à quel point l'exercice était voué à l'échec en l'absence d'une réelle volonté politique des Quinze, aggravée par la méthode de négociation retenue, dans laquelle chaque représentant s'arc-boutait sur la défense des positions nationales. La Conférence intergouvernementale n'était sans aucun doute pas l'enceinte adaptée pour réfléchir à une véritable refonte des institutions, pour imaginer des solutions novatrices dépassant les antagonismes et l'inertie traditionnels. 4) Vers une nouvelle fuite en avant ? L'échec de la réforme institutionnelle est un fait avéré, il n'est contesté par personne. Il convient maintenant de se demander si le Traité d'Amsterdam n'a pas programmé l'échec de la prochaine tentative. En effet, dans le but de ne pas bloquer le processus d'élargissement, le Traité d'Amsterdam prévoit dans un Protocole un dispositif transitionnel, qui permettrait d'admettre cinq nouveaux membres sans réforme préalable. Une fois conclu le prochain élargissement, chaque Etat ne compterait plus qu'un ressortissant au sein de la Commission, à condition cependant que la pondération des voix ait été modifiée, notamment de façon à compenser la perte de "leur" deuxième commissaire par les grands Etats. Au moins un an avant la conclusion de la vingt-et-unième adhésion, une nouvelle conférence est convoquée pour procéder à un réexamen des dispositions du Traité relatives aux institutions. Toutes ces dispositions constituent le principal échec d'Amsterdam puisqu'elles entament profondément la capacité de l'Union à se réformer. La possibilité d'élargir l'Union jusqu'à vingt membres sans en réformer le fonctionnement constitue l'évidente répétition du travers habituel de celle-ci à repousser les réformes institutionnelles, les rendant toujours plus pressantes et plus délicates à mettre en oeuvre. La présence d'un national, et d'un seul, par Etat membre au sein de la Commission, en altère de toute évidence l'indépendance, exclut une réduction future du nombre de ses membres et légitime une revendication identique des futurs adhérents. La clause de rendez-vous avant la vingt-et-unième adhésion risque d'être de pure forme. La méthode de la Conférence intergouvernementale a montré ses limites, le calendrier est vague (suffira-t-il que la Conférence ait commencé pour que le processus d'élargissement puisse reprendre ?), le mandat inconsistant. Devant de telles perspectives, même les dispositions relatives aux coopérations renforcées, a priori positives dans leur principe et leur condition d'application - notamment le nécessaire respect de l'acquis communautaire - doivent être considérées d'un autre oeil. N'est-il pas à craindre qu'elles ne constituent qu'un palliatif pour des institutions devenues inefficaces et qu'elles ne fassent que refléter la délitescence d'une Union devenue "Europe à la carte" faute de projet commun ? De ce point de vue, l'abondance des exemptions nationales aux dispositifs constitue une indication préoccupante. Une telle évolution de l'Europe et une telle stagnation, pour ne pas parler de régression, de ses institutions ne sont pas admissibles. B - Une ambition de la France pour l'Europe à affirmer 1) Dépasser rapidement Amsterdam Dès la signature du Traité, la France a, conjointement avec la Belgique et l'Italie, signé une déclaration - dont les Quinze ont pris acte - sur la nécessité de la réforme institutionnelle "condition indispensable de la conclusion des premières négociations d'adhésion". L'accueil fait à cette déclaration a dans un premier temps été assez mitigé. Les partenaires de l'Union n'étaient guère disposés à reconnaître immédiatement l'échec d'un Traité qu'ils venaient de signer et dont chacun portait une part de responsabilité. S'y ajoutait la crainte pour certains d'entre eux d'apparaître comme opposés à l'élargissement, ou tout au moins prêts à différer celui-ci en cas de besoin. Il est vrai que les Etats candidats ont eu le sentiment que tel était sinon l'objectif, du moins le résultat de cette déclaration. Au sein de l'Union, un relatif consensus s'est établi sur le bien-fondé de cette déclaration, le Conseil européen de Luxembourg de décembre 1997 a même souligné le caractère "préalable" à la conclusion des premières négociations d'adhésion de la réforme des institutions. Après des mois de pédagogie, les candidats semblent de leur côté commencer à admettre qu'il est de leur intérêt d'entrer dans une Union en état de fonctionnement. Leur sensibilité reste néanmoins grande sur cette question. Nos partenaires de l'Union lient désormais tout progrès institutionnel à l'achèvement des procédures de ratification. Il importe donc de sortir au plus vite de la dernière étape relative à Amsterdam pour passer à autre chose. Mais ceci ne peut se faire à n'importe quel prix. Le Parlement entend y veiller, comme il l'a fait savoir immédiatement après la conclusion du Traité. 2) Créer les conditions d'une véritable réforme institutionnelle L'Assemblée, notamment par la voix de son Président, a très tôt exprimé le souhait de voir le Gouvernement s'engager fermement, à l'occasion de l'examen de la loi autorisant ratification, en faveur de la réforme institutionnelle préalable. Une telle démarche s'inscrit dans des limites précises. La première d'entre elles est le respect de la parole de la France. De même qu'il aurait été très délicat pour le Gouvernement actuel d'obtenir autre chose que des inflexions sur le contenu d'un traité déjà négocié à quelques jours de sa signature, le refus par le Parlement français d'autoriser la ratification conduirait incontestablement à une crise majeure de la construction européenne. La seconde limite est perceptible dans le choix même des mots : "autoriser la ratification". En vertu de l'article 52 de la Constitution, c'est le Président de la République qui négocie et ratifie les traités. Dès lors, le choix que peut opérer notre Assemblée en vertu de l'article 53 de la Constitution et de l'article 128 de son Règlement est seulement d'autoriser la ratification ou de la refuser, temporairement par l'ajournement, ou définitivement par le rejet du projet de loi. Il ne lui est en revanche pas loisible d'amender le texte du Traité, ce qui constitue une évidence, mais également le texte du projet de loi autorisant la ratification et d'assortir celle-ci de conditions. Cette interdiction de principe découle d'une interprétation constante par les Présidents successifs de l'Assemblée nationale de l'article 128 du Règlement de l'Assemblée. Plus fondamentalement, elle repose sur la répartition constitutionnelle des compétences entre Exécutif et Parlement. Il convient d'ailleurs d'observer que les amendements d'origine parlementaire aux projets de loi autorisant ratification introduits devant le Sénat sont également déclarés irrecevables en dépit de l'absence de disposition réglementaire comparable à l'article 128 (par l'usage de l'article 41 de la Constitution par le Gouvernement). La marge de manoeuvre du Parlement était donc réduite. Le Gouvernement n'en a pas moins tenu compte du souhait de l'Assemblée d'obtenir des garanties supplémentaires quant à la réforme des institutions. Il n'a pas choisi d'insérer dans le texte initial un article 2 en ce sens - qui par nature aurait été intangible. C'est ainsi que la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée, et notamment son Rapporteur, a été associée à la conception de l'article additionnel présenté par le Gouvernement par voie d'amendement le 15 février dernier. Le texte en est le suivant : "La République française souligne la nécessité de réaliser, au-delà des stipulations du Traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l'Union européenne préalablement à la conclusion des premières négociations d'adhésion". La Commission a procédé, le 17 février 1999, à l'examen de ce texte équilibré, globalement satisfaisant, évitant un double écueil, celui de l'injonction au Gouvernement d'une part, celui d'un texte sans portée de l'autre. Volontairement, son texte épouse au plus près les termes de la déclaration belgo-italo-française, tout en intégrant le terme "préalable" adopté par les Quinze à Luxembourg. Après plus d'un an d'explications de texte, de pédagogie, partenaires et Etats candidats commencent à la trouver familière et sont même de plus en plus nombreux à juger qu'elle n'est pas un biais pour retarder l'élargissement, mais relève du simple bon sens. Toutefois, la Commission a souhaité que certains des termes de l'amendement soient précisés ou renforcés. Comme beaucoup d'entre vous, votre Rapporteur ne s'estime pas satisfait du résultat obtenu à Amsterdam. A présent, il s'agit de tirer les leçons de cet échec relatif, particulièrement cinglant sur la question des institutions. Tout d'abord, le texte comporte de réelles avancées, des acquis qu'il convient de retenir, d'autant que certains étaient relativement inespérés (telles les dispositions relatives à l'emploi), et que d'autres répondent spécifiquement à des demandes françaises (espace de liberté, de sécurité et de justice, reconnaissance de la notion de service public). Ensuite, le texte offre à l'Union européenne des possibilités d'action que l'on ne peut négliger, notamment dans le champ de la PESC, même si leur portée réelle dépend de l'émergence encore hypothétique d'une volonté politique commune des Quinze. Enfin, en matière institutionnelle, l'étape d'Amsterdam doit être dépassée. La réforme des institutions est certes un impératif urgent, mais il est vain d'espérer du Traité signé des résultats sur ce point. Dès lors, il importe de relancer rapidement la réflexion et l'action sur le sujet en laissant Amsterdam derrière. Tel est d'ailleurs bien le sens des conclusions du Conseil européen de décembre 1997. De ce point de vue, la Commission des Affaires étrangères ne peut que se féliciter de la position adoptée par le Gouvernement, affirmée dans l'article additionnel qui sera introduit dans le projet de loi autorisant ratification. Cet engagement comble le manque à l'origine de l'échec d'Amsterdam, celui d'une volonté politique, et plus généralement d'une ambition pour l'Union. EXAMEN EN COMMISSION Audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes, le 3 février 1999, sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam. M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes, a tout d'abord excusé M. Hubert Védrine, qui devait être présent cet après-midi, pour ce qui aurait dû être une audition commune, mais qui a finalement été retenu par un entretien entre le Président de la République et le Ministre des Affaires étrangères d'Iran. Il lui revient donc de présenter seul le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam, adopté ce matin même en Conseil des Ministres. Le Parlement, en approuvant, le 18 janvier dernier, la révision constitutionnelle préalable, a ouvert la voie à la ratification du Traité d'Amsterdam, entrée donc aujourd'hui dans la seconde et dernière phase de la procédure. Le Ministre délégué s'est déclaré certain qu'elle se déroulerait dans un esprit aussi ouvert et constructif que celui qui a présidé à la révision constitutionnelle. Ne souhaitant pas revenir sur le vote du Congrès, M. Pierre Moscovici a estimé néanmoins que celui-ci avait clairement montré que près de 80% des parlementaires n'adhéraient pas aux thèses dites "souverainistes". Il faut maintenant aller de l'avant, en permettant à ce Traité d'entrer en vigueur dès que possible. Tous les partenaires, sauf les Belges, ont, en effet, déjà achevé ou vont achever dans les tout prochains jours leurs procédures nationales. Le retard, relatif, de la France, a des raisons diverses, dont la nécessité de la révision constitutionnelle. Le Traité d'Amsterdam, malgré ses défauts, marque une étape de la construction européenne. Il s'inscrit dans la suite logique du Traité sur l'Union européenne, mieux connu sous le nom de Traité de Maastricht, qu'il corrige et complète, et intervient à la veille d'une évolution profonde de l'Union qui, après l'élargissement, aura dans quelques années un autre visage. Cette année 1999 est décisive à plus d'un titre. D'abord, l'euro vient d'être mis en place dans des conditions satisfaisantes. A cet égard, le Traité d'Amsterdam peut et doit contribuer à un meilleur équilibre entre le volet monétaire de la construction européenne et le volet relatif à la croissance et à l'emploi, sans lequel le progrès social, qui est au coeur du projet européen, ne serait qu'un vain mot. En second lieu, l'année 1999 est décisive au regard des réformes que l'Union doit mener à bien dans le domaine du fonctionnement et du financement de ses politiques communes. La négociation de l'Agenda 2000 sera, après l'euro, et sans doute avant l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, si les négociations aboutissent en mars, le second temps fort de cette année pour l'Union. Ensuite, il y a le processus d'élargissement. Lancé en 1998, ce processus va prendre, dans les prochains mois, un tour nouveau. On va, en effet, aborder les chapitres plus difficiles et délicats et entrer peu à peu dans le vif de la négociation. Et puis, bien sûr, il y aura, au mois de juin, les élections européennes. Voilà le contexte dans lequel s'inscrit l'exercice de ratification qui commence. Sans refaire l'historique complet de la négociation qui a conduit au projet de loi portant autorisation de la ratification du Traité d'Amsterdam, on rappellera les points suivants. Le Traité de Maastricht prévoyait la convocation, en 1996, d'une Conférence intergouvernementale. Celle-ci, préparée, dès juin 1995, par la mise en place d'un groupe de réflexion, le "Groupe Westendorp", s'est ouverte officiellement le 29 mars 1996 à Turin et conclue le 17 juin 1997 à Amsterdam. Signé il y a maintenant plus d'un an, le 2 octobre 1997, le Traité d'Amsterdam a déjà fait l'objet de travaux approfondis dans le cadre des débats de révision constitutionnelle préalable à sa ratification. Ce que l'on en a dit lors de ce débat demeure : Amsterdam est un traité difficile d'accès. Le Conseil d'Etat n'a d'ailleurs pas manqué de le déplorer. S'inscrivant dans la suite logique des traités précédents, qu'il amende et complète, il ne peut être appréhendé de manière isolée. A cet égard, le travail réalisé par la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée, qui a fait une présentation comparée des traités avant et après Amsterdam, est précieux, parce qu'il fait apparaître de manière beaucoup plus lisible les apports de ce Traité. En outre, ce Traité est imparfait, puisqu'il comporte au moins une lacune importante, essentiellement dans le domaine institutionnel. Il est cependant utile, en premier lieu, par toutes les dispositions qui visent à prendre en compte les préoccupations des citoyens, au premier rang desquelles figurent l'emploi et le progrès social. Sur l'emploi, il comporte deux innovations : une procédure nouvelle, permettant l'adoption de lignes directrices européennes pour l'emploi et la création d'une base juridique pour l'adoption de mesures d'encouragement. Mais l'essentiel réside dans le fait que ce nouveau chapitre ait pu faire, dès la signature du Traité, l'objet d'une mise en oeuvre anticipée. Le Gouvernement a, dès juin 1997, joué un rôle essentiel pour que des initiatives concrètes soient prises en matière d'emploi, sans attendre l'entrée en vigueur du nouveau traité. Les 20 et 21 novembre 1997, se tenait un Conseil européen extraordinaire exclusivement consacré à l'emploi, où a été définie une stratégie européenne coordonnée pour l'emploi, organisée autour de quatre lignes directrices, assorties d'objectifs chiffrés : - amélioration de la capacité d'insertion professionnelle des jeunes et des adultes demandeurs d'emploi ; - développement de l'esprit d'entreprise ; - encouragement de la capacité d'adaptation des entreprises et des travailleurs ; - renforcement des politiques d'égalité des chances. Les lignes directrices ont servi de base à l'élaboration par chaque Etat membre, au printemps 1998, d'un plan national d'action pour l'emploi. Cette adoption anticipée a incontestablement permis d'enclencher - à Cardiff, puis à Vienne - une dynamique qui, dès l'entrée en vigueur du Traité, va pouvoir s'amplifier, notamment à travers la concrétisation du projet, arrêté au Conseil européen de Vienne, d'un Pacte européen pour l'emploi. Dans le domaine social, l'avancée la plus spectaculaire est évidemment l'intégration du protocole signé à Onze, à Maastricht. Grâce au ralliement du nouveau gouvernement britannique, on retrouve ce texte pratiquement à l'identique dans le nouveau Traité, avec toutefois une amélioration substantielle : la possibilité pour le Conseil d'adopter, à la majorité qualifiée et en co-décision avec le Parlement européen, des mesures visant à assurer l'application du principe d'égalité des chances et de traitement entre hommes et femmes dans les domaines de l'emploi et du travail, ainsi que des mesures de lutte contre l'exclusion sociale. Il y a aussi dans le Traité d'Amsterdam, toujours dans le champ des droits civiques et sociaux, des dispositions relatives à la santé et à l'environnement, plus contraignantes pour les Etats et donc plus protectrices pour les citoyens, la reconnaissance - c'est très important - de la spécificité des services publics et de leur rôle dans la cohésion territoriale de l'Union, et enfin, le renforcement des dispositions relatives aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales, de la clause de non-discrimination et du principe d'égalité entre hommes et femmes, ainsi que des droits sociaux fondamentaux. Deuxième domaine où des avancées concrètes sont rendues possibles par le Traité d'Amsterdam : le troisième pilier, avec l'établissement progressif d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. Ce sont ces avancées qui ont nécessité la révision constitutionnelle. Le Traité d'Amsterdam prévoit en effet, dans le contexte de la création de cet espace européen, que les dispositions relatives à l'immigration, à l'asile et au contrôle des frontières extérieures relèveront, pour leur définition, des compétences communautaires. Cette communautarisation sera progressive puisque, pendant les cinq premières années qui suivront l'entrée en vigueur du Traité, le Conseil continuera de statuer à l'unanimité. Il ne passera au vote à la majorité qualifiée que s'il en prend, à l'unanimité, la décision. Ce changement, qui devrait permettre, à terme, une harmonisation des dispositions en vigueur dans les Etats membres, va dans le sens d'un renforcement de la sécurité au sein de l'Union. L'évolution des phénomènes migratoires est telle aujourd'hui qu'aucun Etat de l'Union n'est en mesure d'y apporter seul une réponse. Il ne s'agit pas uniquement de l'immigration clandestine, que l'on doit combattre parce qu'elle relève de pratiques inacceptables, mais aussi des phénomènes migratoires liés à des conflits (la Bosnie hier, l'Albanie et le Kosovo aujourd'hui), qui appellent des réponses concertées. En outre, la coopération judiciaire civile est également communautarisée dans la mesure où elle touche à la libre circulation des personnes au sein de l'espace communautaire. Ce transfert permettra des avancées notamment en droit de la famille. En revanche, les dispositions sur la coopération policière et la coopération judiciaire pénale sont maintenues dans le troisième pilier, mais sensiblement améliorées afin de renforcer la sécurité au sein de l'espace européen. Enfin, l'acquis de Schengen est intégré dans le Traité, ce qui signifie qu'il s'appliquera à tous les futurs adhérents. Le Ministre délégué a souhaité évoquer le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). L'Union a essayé de se doter, dans le Traité d'Amsterdam, de moyens susceptibles de renforcer sa capacité d'agir sur la scène internationale : - elle aura un visage, grâce à un Haut représentant (Monsieur ou Madame PESC) ; - le Conseil et le Haut représentant disposeront d'une structure d'analyse et de prévision, outil indispensable à la définition d'une politique commune ; - enfin, les dispositions concernant la sécurité, le maintien de la paix et la défense sont un peu améliorées, ce qui devrait permettre des progrès dans le sens que la France a toujours préconisé. La démarche commune franco-britannique actée à Saint-Malo et qui a recueilli, à Vienne, le soutien des partenaires européens, devrait y contribuer. Enfin, malgré l'absence grave de réforme institutionnelle d'ensemble, le Traité apporte quelques améliorations qui ne sont pas négligeables. La réforme institutionnelle était l'objectif premier de la Conférence intergouvernementale. Or, sur ce plan, aucun des points essentiels n'a pu faire l'objet d'un accord. La France a donc dit, dès la signature du Traité, que cette lacune devrait absolument être comblée avant le prochain élargissement et a fait des propositions à ses partenaires. Aujourd'hui, tous semblent convaincus que cette réforme est indispensable si nous voulons que l'Union fonctionne correctement. La présidence allemande, qui s'est fixé comme priorité le bouclage de la négociation de l'Agenda 2000, a aussi annoncé son intention de s'attaquer ensuite à la réforme institutionnelle. Elle présentera, au Conseil européen de Cologne, une méthode et un calendrier. L'objet de cette réforme étant précisément circonscrit, elle devrait pouvoir être menée à bien assez rapidement. La France ne souhaite pas, pour sa part, mettre en place une procédure trop lourde qui diluerait les objectifs précis qu'il convient d'atteindre : le resserrement et le renforcement de l'efficacité de la Commission, ainsi que la généralisation du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil, assortie d'une pondération des voix plus fidèle aux réalités. Mais, malgré cette lacune sur les points institutionnels fondamentaux, quelques progrès ont néanmoins pu être enregistrés à Amsterdam. D'abord, il sera possible de mettre en place des coopérations renforcées entre les Etats membres qui souhaiteront aller plus avant dans la construction européenne. De telles coopérations existent déjà dans le cadre de l'euro, de l'UEO et de Schengen. S'agissant des grandes institutions de l'Union, le Conseil statuera sur quelques sujets supplémentaires à la majorité qualifiée et le Président de la Commission aura plus de poids politique et d'autorité sur le collège, puisque sa nomination devra, avant la désignation du reste du collège, être approuvée par le Parlement européen. Des trois institutions, c'est le Parlement européen qui tire le plus de bénéfices de ce Traité : grâce à une simplification des procédures et à une extension du champ de la codécision avec le Conseil, il voit son rôle significativement renforcé. Parallèlement, les Parlements nationaux seront plus étroitement associés aux travaux de l'Union. Le Traité d'Amsterdam contient un protocole sur le renforcement de leur rôle. La France a beaucoup contribué à son adoption. Il paraissait fondamental, en effet que, dès lors que, dans des matières essentielles qui relèvent du domaine législatif, des compétences étaient transférées ou partagées, les parlements nationaux soient associés plus étroitement aux travaux communautaires. A cet égard, la révision constitutionnelle du 18 janvier apporte un prolongement très important à ce protocole, en élargissant la procédure de consultation de l'article 88-4. Reste la lacune majeure que constitue l'absence de réforme institutionnelle d'ensemble. Le projet de loi de ratification comporte, conformément à la règle, un article unique. A plusieurs reprises, au cours des derniers mois, la possibilité d'un article 2 qui rappellerait la nécessité d'une réforme institutionnelle avant tout élargissement de l'Union avait été évoquée. Aussi, si l'Assemblée nationale confirme son souhait de formuler explicitement un tel rappel, le Gouvernement est tout à fait disposé à introduire un amendement au projet de loi, aux termes duquel serait soulignée la nécessité de réaliser, au-delà des stipulations du Traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l'Union, préalablement à la conclusion des négociations d'adhésion. Le Gouvernement est prêt à écouter les suggestions de l'Assemblée nationale comme du Sénat, mais sa marge de manoeuvre est limitée, puisque toute formulation qui s'apparenterait à une injonction ou à une conditionnalité poserait un sérieux problème juridique. Par ailleurs, les pays candidats à l'adhésion, très attentifs à la position de la France sur l'élargissement, ne doivent pas pouvoir voir dans la rédaction qui sera retenue une marque d'hostilité à leur égard. Il est nécessaire pour la France d'être claire sur cette question afin de conserver une position forte dans la région. En conclusion, le Ministre délégué a déclaré souhaiter mener à bien la ratification du Traité d'Amsterdam, car les avancées qu'il contient pour éclatées, parcellaires et insuffisantes qu'elles soient, ne sauraient être refusées. La mise en oeuvre anticipée de certaines d'entre elles en a prouvé l'utilité. Le Gouvernement actuel ne l'a pas négocié et s'interroger sur son attitude s'il avait pu le faire n'a qu'un intérêt historique. Ce Traité pèche plus par ce qu'il ne contient pas que par les dispositions qu'il comprend. Le Président Jack Lang a tout d'abord précisé qu'il avait bon espoir que la présidence allemande se conclue avec l'adoption d'une méthode et d'un calendrier. Il appartient aux Allemands de relancer la machine. L'ensemble devrait être parachevé sous la présidence française, prévue pour le deuxième semestre de l'an 2000. Un article 2 ne traduira aucune réticence à l'endroit des pays candidats. M. Michel Vauzelle a rappelé que l'on parlait du Traité d'Amsterdam depuis de longs mois, mais que la question centrale demeurait la réforme des institutions. A propos d'un éventuel article 2, ce qui est exceptionnel dans un processus d'adoption d'un traité, il a souhaité savoir si la décision était déjà prise et quel cheminement était envisagé. Il a également demandé à M. Pierre Moscovici quel était le sentiment de nos partenaires européens, et en particulier de l'Allemagne, à propos de la réforme des institutions. Quelle est la position des candidats à l'adhésion sur ce sujet ? La France pourrait-elle accepter une nouvelle adhésion avant la réforme des institutions ou s'y refuserait-elle ? M. François Léotard a souhaité évoquer l'après-Amsterdam et les questions budgétaires. Lors de son audition devant la Commission des Affaires étrangères, M. Joschka Fischer a souligné la volonté allemande de trouver rapidement un compromis. A-t-on progressé depuis ? M. Valéry Giscard d'Estaing s'est interrogé sur les moyens dont l'Assemblée nationale dispose pour faire progresser la réforme institutionnelle. Un amendement d'origine parlementaire serait préférable. Vis-à-vis des partenaires européens, le vote d'un texte présenté par l'Assemblée nationale renforcerait la position du Gouvernement. Cet amendement parlementaire pourrait si nécessaire être amélioré par le Gouvernement. D'autre part, étant lui-même convaincu du fonctionnement insatisfaisant des institutions, il a souligné qu'il fallait convaincre les candidats à l'entrée dans l'Union européenne que leur réforme est nécessaire pour eux. Enfin, abordant les affaires budgétaires que l'Allemagne prétend régler pour la fin du mois de mars 1999, il a souligné que les chiffres étaient difficiles à obtenir. Or, ils sont importants car leur opacité accrédite l'idée que la France est le grand bénéficiaire des politiques communautaires, alors qu'elle est le deuxième contributeur net derrière l'Allemagne. Il serait souhaitable de pouvoir classer les pays entre contributeurs nets et bénéficiaires. Le Président Jack Lang a rappelé que le Règlement de l'Assemblée nationale ne permettait malheureusement pas le dépôt d'un amendement d'origine parlementaire sur un projet de loi autorisant la ratification d'un traité. M. Pierre Moscovici a précisé que le Gouvernement n'avait pas souhaité que le projet autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam comportât deux articles, afin de laisser se dérouler le débat au Parlement. L'amendement sera déposé par le Gouvernement car le Règlement de l'Assemblée nationale ne permet pas aux parlementaires d'amender les projets autorisant les ratifications. Il a rappelé que M. Raymond Barre, alors Premier Ministre, s'était opposé, pour les mêmes raisons, à un amendement parlementaire sur le projet relatif à l'élection du Parlement européen au suffrage universel direct. M. Valéry Giscard d'Estaing a rappelé, pour sa part, que l'opposition de l'époque avait combattu ce point de vue avec talent. Pour le Président Jack Lang, cette disposition du Règlement est un garde-fou que l'on peut juger inadapté. De toute façon, le Gouvernement est désireux de proposer un amendement qui rencontre les voeux des parlementaires sans constituer une injonction. M. François Loncle a estimé que l'argument du "risque de vexation" des pays candidats à l'adhésion n'est plus d'actualité. Ceux-ci sont maintenant parfaitement conscients de la nécessité d'une réforme des institutions préalable à une entrée dans leur Europe ; elle n'est plus perçue comme une manoeuvre de blocage ou de retardement. Il s'est montré très sceptique quant à la capacité des Quinze de conclure sur l'Agenda 2000, avant la fin mars, et sous présidence allemande. M. Jacques Myard a estimé que tout le monde était favorable à une réforme de l'Union européenne car celle-ci ressemblait à une usine à gaz. L'Union se mêle de tout et sa compétence est devenue de droit commun. L'Union doit être réformée selon deux axes. D'une part, l'élargissement est inéluctable et nécessaire, et contribuera à la réforme des institutions. D'autre part, le principe de subsidiarité doit être absolument respecté. En somme, l'Union doit à la fois s'élargir et s'amaigrir. Le protocole sur la subsidiarité est incompréhensible, contradictoire et inapplicable. Il est regrettable qu'on ne puisse le dissocier du projet de ratification. Mme Marie-Hélène Aubert a tout d'abord demandé quel serait le rôle de l'éventuel article 2, et par là même, le rôle des parlementaires français. Elle a souhaité savoir ce que M. Pierre Moscovici pensait de la proposition d'une deuxième chambre européenne associant les parlementaires nationaux. D'autre part, elle a rappelé que le Traité d'Amsterdam souffrait d'une grave lacune : l'absence d'une véritable réforme institutionnelle. A ce propos, elle a souhaité obtenir des précisions sur la méthode plus souple que le ministre avait suggérée pour réformer les institutions européennes. De même, concernant la politique étrangère et de sécurité commune, elle a demandé quelle méthode était envisagée afin que l'Union européenne puisse agir de manière plus efficace à l'extérieur. M. Georges Sarre a demandé l'avis du Ministre délégué à propos de la campagne d'information sur le Traité d'Amsterdam. Il est prévu de diffuser un document d'information à un million d'exemplaires. A qui et comment ? N'est-ce pas faire trop et trop tard ? Concernant les négociations sur l'Agenda 2000, il a demandé des précisions sur l'état d'avancement du dossier. S'agissant de la représentation extérieure de l'Union, qu'inspire au Ministre délégué la concurrence entre la Commission et le Conseil ? Le Traité n'affaiblit-il pas le caractère intergouvernemental de celle-ci ? M. René André a indiqué, à propos du débat sur l'article 2, qu'il préférait un amendement parlementaire. Dans le cas où ce serait impossible, un préambule ne serait-il pas préférable, à l'exemple de celui placé par les Allemands en tête du Traité de l'Elysée ? Il a également souhaité souligner les insuffisances du Traité d'Amsterdam : à l'instar du Président de la République, il a évoqué la nécessité d'une dimension sociale pour l'Europe. En matière d'emploi, il a réaffirmé cette préoccupation, chère à tous les gouvernements français. M. Pierre Brana a rappelé que la position française était, depuis quelques mois, mieux comprise par les candidats à l'Union européenne. Ils savent qu'elle ne traduit aucune hostilité à l'élargissement. Concernant la PESC, il a demandé si l'on pouvait espérer, dans l'avenir, une position commune des pays européens qui permette d'éviter une médiation américaine, lorsqu'une crise intervient en Europe. M. Pierre Moscovici a répondu aux divers intervenants. En ce qui concerne l'adoption d'un article 2, la solution de l'amendement gouvernemental apparaît comme la meilleure, compte tenu des contraintes du Règlement de l'Assemblée nationale qui interdit tout amendement parlementaire. Il est vrai que, lors du précédent de 1977, certains députés avaient défendu la thèse d'un amendement parlementaire, mais ces députés appartenaient à un groupe qui se réclamait de la majorité de l'époque. La solution du préambule n'apparaît pas satisfaisante, car il est évident que son contenu aurait une force juridique moins grande que celui d'un article de la loi. M. Pierre Moscovici a confirmé que le Gouvernement avait l'intention de déposer un amendement dans les prochains jours, en coordination bien sûr avec le Rapporteur du projet de loi et la Commission des Affaires étrangères. En matière d'élargissement, le Président de la République et le Gouvernement français s'efforcent de convaincre les pays candidats à l'adhésion que la réforme des institutions est demandée dans leur intérêt, car l'Union ne fonctionne déjà plus que difficilement. Mais ce message nécessite d'être constamment répété et expliqué car certains - on peut penser aux Américains et aux Allemands - pourraient prétendre que cette affirmation dissimule un refus de l'élargissement, auquel ils se déclarent quant à eux très favorables. Les différents points de réforme ont été clairement identifiés, et la France a fait de nombreuses propositions. La France avait souhaité initialement réduire le nombre de commissaires mais il a finalement été jugé préférable de le plafonner à vingt, ce qui du reste conduira chacun des grands pays à renoncer, à un certain moment, à un commissaire. Il pourrait être possible, en revanche, de créer des commissaires adjoints ou des commissaires délégués. La réforme concernant le recours au vote à la majorité qualifiée se heurte à quelques obstacles, par exemple les réticences du Royaume-Uni à l'étendre au domaine de la fiscalité. Quant à la question de la pondération des voix, il faut avoir conscience qu'elle pourrait conduire la France à accepter un découplage avec l'Allemagne, dont la population est plus nombreuse. En ce qui concerne la méthode à mettre en oeuvre, il serait sans doute souhaitable, du fait de l'échec de la Conférence intergouvernementale, de revenir à la tradition communautaire consistant à confier à un comité ou à une personnalité le soin de préparer un rapport sur le fonctionnement de l'Union. Ce rapport servirait de base aux propositions de réformes qui devraient être adoptées, si le Parlement vote l'article 2, avant l'élargissement. M. Pierre Moscovici a estimé préférable, pour mieux associer les parlements nationaux, d'améliorer le processus de consultation parlementaire plutôt que de créer une seconde chambre européenne. Sur l'Agenda 2000, le Ministre délégué a estimé ne pas faire preuve d'un optimisme hors de propos, mais de volontarisme. La France a la volonté d'aider la Présidence allemande à conclure. Il est de l'intérêt de tous de parvenir à une solution rapide, notamment dans la perspective de l'élargissement. Force est cependant de constater que l'on en est encore à chercher les bases d'un accord. La piste du cofinancement qui semble privilégiée par la Présidence est une fausse piste. Dès lors, les deux Conseils informels prévus fin février et fin mars, consacrés à la PAC et à l'Agenda 2000, ne s'annoncent pas sous les meilleurs auspices. La France a présenté des éléments de solution, proposant notamment le recyclage des aides directes au profit du développement rural et, s'agissant des fonds structurels, un rééquilibrage entre "objectif I" et fonds de cohésion. La combinaison des efforts de stabilisation des dépenses et de mesures de restructuration de celles-ci devrait permettre une réduction satisfaisante de la contribution allemande. Considérant sa part dans le PIB communautaire, la France n'est pas, du point de vue de sa contribution, dans une position désavantageuse. Un échec des négociations ne saurait en tout cas être imputé à la France qui constitue au contraire une force de propositions. En ce qui concerne le volet social du Traité, le Gouvernement actuel s'est trouvé confronté à un texte déjà négocié, dont les apports sont indéniables et résultent notamment de l'impulsion du Président de la République. L'action spécifique du Gouvernement en la matière consiste en l'acceptation de la mise en oeuvre anticipée de ces dispositions et le renforcement de leur effet par sa propre politique sociale. Dans le domaine de la PESC, les formulations restent complexes, mais l'introduction d'une part de majorité qualifiée apporte une souplesse bienvenue alors que celle d'une clause comparable au compromis de Luxembourg constitue une garantie essentielle pour chacun des Etats membres dans ce domaine. Les relations extérieures seront gérées sous l'angle diplomatique par M. PESC, mais resteront pour partie de la compétence de la Commission. Le protocole sur la subsidiarité peut être discuté, mais le Ministre délégué ne s'est pas déclaré pour autant partisan d'une codification des compétences. Enfin, la campagne d'information sur le Traité n'est pas démesurée puisqu'elle n'est dotée que de 4,66 MF - soit moins que la campagne sur l'euro - et intervient au seul moment possible, entre la révision et la ratification. M. Valéry Giscard d'Estaing a souhaité savoir si l'amendement gouvernemental créant l'article 2 serait lui-même amendable. Le Président Jack Lang a rappelé que dans le cas des autorisations de ratification, les parlementaires n'ayant pas le droit d'amendement et le Gouvernement n'en ayant jamais présenté, le problème des sous-amendements ne s'était jamais posé. Il appartiendra, le cas échéant, au Président de l'Assemblée de statuer. En toute logique, le régime des sous-amendements devrait suivre celui des amendements. M. Valéry Giscard d'Estaing a estimé que la disposition réglementaire visait à interdire les amendements aux textes des traités. Le Parlement ne saurait évidemment les modifier. Dès lors que l'article 2 concernerait d'autres dispositions, il serait illogique de vouloir lui appliquer la même règle ; par sa nature même, l'amendement du Gouvernement serait donc sous-amendable. Le Président Jack Lang s'est engagé à faire effectuer les vérifications nécessaires. Sans vouloir s'avancer au nom du Gouvernement, il a souligné la détermination du Ministre de proposer un texte qui exprime assez bien la volonté commune. Chemin faisant, la première mouture pourrait être améliorée sans que les choses prennent la forme d'amendements parlementaires, dans l'hypothèse où ceux-ci seraient définitivement proscrits. On peut légitimement nourrir l'espoir que l'article 2 répondra aux attentes communes, dans les limites posées par la Constitution, et que la France pourra s'en féliciter auprès de ses partenaires actuels et futurs de l'Union. Examen du rapport sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam Au cours de sa réunion du 17 février 1999, la Commission a examiné le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam (n° 1365). Après l'exposé du Rapporteur, un débat a eu lieu. Pour le Président Jack Lang, M. Michel Vauzelle s'est fait l'avocat éloquent d'un Traité qui, malgré ses faiblesses, comporte une certaine richesse. Après qu'il eut cité les différentes motions de procédure présentées sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam, un débat s'est engagé. M. Pierre Brana s'est interrogé sur l'attitude actuelle de l'Italie et de la Belgique. La Belgique a-t-elle ratifié le Traité ? Envisagerait-elle de voter un article additionnel comme celui proposé par le gouvernement français ? M. Michel Vauzelle a répondu que tous les Etats avaient ratifié le Traité, y compris la Grèce dont la procédure se termine aujourd'hui. M. Jacques Myard a souligné le mérite du Rapporteur face à un texte qu'il a qualifié de mauvais. En particulier, il a exprimé des critiques à l'encontre du protocole sur la subsidiarité, de l'article 6, du vote à la majorité qualifiée et du titre sur l'emploi, d'ailleurs introduit à la demande de la France. Concernant l'amendement du Gouvernement, il a jugé qu'il n'était pas opérationnel. M. Valéry Giscard d'Estaing a tout d'abord demandé au Rapporteur comment il concevait le rôle du Secrétaire général du Conseil auquel sera vraisemblablement également confiée la tâche de Haut représentant pour la PESC. En outre, comment, dans cinq ans, passer, pour des matières sensibles comme l'immigration, au vote à la majorité qualifiée s'il n'y a pas eu de réforme préalable de la pondération des voix ? M. Michel Vauzelle a admis que certaines formulations du Traité étaient confuses. Il a précisé que les tâches actuellement dévolues au Secrétaire général du Conseil incomberaient au Secrétaire général adjoint. Il s'est déclaré également partisan d'une réforme de la pondération des voix au Conseil. Le Président Jack Lang a présenté l'amendement du Gouvernement créant un article additionnel ainsi rédigé : "La République française souligne la nécessité de réaliser, au-delà des stipulations du Traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l'Union européenne préalablement à la conclusion des premières négociations d'adhésion." Il a relevé que ce texte avait été proposé en réponse à l'aspiration générale de l'Assemblée nationale et compte tenu de deux contraintes juridiques. En premier lieu, il semble que le Gouvernement ait seul le droit d'amender un projet de loi autorisant la ratification d'un traité. Ce que l'on peut comprendre dans la mesure où il serait difficilement concevable que le Parlement puisse remettre en cause tel ou tel élément d'une oeuvre bi- ou multilatérale. L'on pourrait imaginer, à l'avenir, que le Parlement soit consulté avant l'ouverture de toute grande négociation. En second lieu, le Parlement comme le Gouvernement doivent respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au droit d'amendement qui proscrit toute injonction ayant pour effet de modifier la répartition des compétences constitutionnelles entre l'exécutif et le législatif. En particulier, le droit d'initiative du Gouvernement doit être préservé. Par ailleurs, il convient d'éviter toute conditionnalité à la ratification du Traité. Dans ce cadre, le Gouvernement pourrait prendre en considération les suggestions des parlementaires. Si l'amendement proposé est dans la ligne de la déclaration belgo-italo-française relative à la nécessité d'une réforme des institutions, son texte appelle une remarque. Il est peut-être dangereux d'établir un lien entre la réforme des institutions et l'élargissement. En effet, ce dernier ne se fera pas avant 2004-2005 alors que la réforme institutionnelle est urgente. Il serait souhaitable que l'article additionnel souligne la nécessité d'une réforme rapide. M. Valéry Giscard d'Estaing a souligné que le Gouvernement avait fait un pas important en direction des parlementaires par le dépôt d'un amendement portant article additionnel après l'article unique du projet de loi. M. Giscard d'Estaing a rappelé qu'il avait lui-même déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale un amendement de ce type. Le Président Laurent Fabius l'avait alors informé, par une lettre fort courtoise, qu'il ne pouvait, à son grand regret, accepter cet amendement au motif que l'article 128 du Règlement de l'Assemblée nationale excluait toute initiative parlementaire autre que la présentation de motions de procédure lors de l'examen des projets de loi autorisant la ratification de traités. Tout en comprenant cette explication, M. Giscard d'Estaing a souhaité qu'une réflexion s'engage pour l'avenir sur la légitimité d'une telle interdiction qui peut apparaître justifiée uniquement pour un amendement portant sur le contenu même d'un traité. Dès lors que le Gouvernement a déposé lui-même un amendement, la question se pose de savoir si celui-ci peut être sous-amendé. M. Giscard d'Estaing a jugé que rien ne s'y opposait, dès lors que les sous-amendements portent non sur l'article autorisant la ratification mais sur l'article additionnel. Il a donc proposé à la Commission deux modifications au texte déposé par le Gouvernement. M. Giscard d'Estaing a tout d'abord souhaité que l'on remplace l'expression "la République française souligne la nécessité de réaliser" par "la République française souligne sa détermination de voir réalisés" afin de corriger le caractère votif de la rédaction initiale. Il a ensuite souhaité que l'on ajoute, après "des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l'Union européenne", la précision suivante : "afin de rendre son fonctionnement plus efficace et plus démocratique". La demande de réforme des institutions n'est pas gratuite, elle est motivée par la recherche d'une plus grande efficacité et de davantage de démocratie. Le Président Jack Lang a estimé que les sous-amendements du Président Valéry Giscard d'Estaing étaient de nature à améliorer le texte du Gouvernement. M. Michel Vauzelle, après avoir rappelé que l'irruption du Parlement dans les relations internationales n'était pas systématiquement de nature à porter atteinte à l'unicité de la voix de la France dans le monde, a estimé qu'il fallait néanmoins se garder d'affaiblir la position du Gouvernement français dès lors que celui-ci s'était engagé. L'article 128 du Règlement de l'Assemblée nationale est très clair. Il interdit tout amendement aux traités soumis à autorisation de ratification mais aussi aux projets de loi autorisant celles-ci. Dès lors, la seule façon pour les parlementaires de demander des modifications du texte gouvernemental passe par une concertation avec le Gouvernement pour qu'il accepte de modifier le contenu de son amendement. M. Michel Vauzelle a estimé que le Gouvernement serait d'autant plus attentif aux propositions de M. Giscard d'Estaing que celles-ci sont de nature à donner plus de force, de précision, de musculature à l'article additionnel. M. Hervé de Charette a estimé que, s'il était compréhensible que le Parlement ne puisse remettre en cause les éléments d'un traité tels qu'ils sont issus de la négociation, il demeurait légitime qu'il puisse défendre son point de vue dès lors que l'amendement proposé ne concernait pas le contenu de l'accord. Il a jugé par ailleurs regrettable qu'on lie meilleure efficacité des institutions et élargissement de l'Union européenne vers les pays d'Europe centrale et orientale. L'idée se répand parmi ceux-ci que la France traîne les pieds pour l'élargissement et la rédaction de l'article additionnel est de nature à conforter cette thèse. Il a souhaité que l'on fixe une date-butoir pour la réforme des institutions plutôt que d'en faire un préalable à l'élargissement. M. Paul Dhaille a fait observer que le débat se situait sur le plan juridique : le Parlement a-t-il le droit d'amender ou non un projet de loi autorisant la ratification d'un traité ? Or, son sentiment est que le problème politique n'est pas tranché. Il s'est interrogé sur la notion, trop floue à son avis, de "progrès substantiel" qui figure dans l'amendement du Gouvernement. Ce dernier a-t-il l'intention de dire ce qu'il entend par là ? Enfin, s'agissant du souhait du Gouvernement d'une réforme des institutions "préalablement à la conclusion des premières négociations", il s'est dit convaincu qu'il faudrait réformer la structure de l'Union européenne même s'il n'y a pas d'adhésion. M. Edouard Balladur a souhaité faire trois observations. Tout d'abord à propos du droit d'amender ou pas, il a considéré que la position du Rapporteur était la bonne. Il faut suggérer au Gouvernement de retenir les propositions de M. Valéry Giscard d'Estaing. Concernant les "progrès substantiels", le sous-amendement présenté par celui-ci permet de dissiper largement ce vague. Enfin, il a exprimé ses craintes que les désaccords des Quinze sur la réforme des institutions ne retardent l'élargissement. A l'instar de M. Hervé de Charette, il a souligné le risque d'une dégradation de l'image de la France en Europe centrale. M. Edouard Balladur a suggéré, pour l'article additionnel, la rédaction suivante : "La République française exprime sa détermination de voir réalisés avant le 1er janvier 2002 et au-delà des stipulations du Traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l'Union européenne", ce qui rendrait non fondé le reproche fait au gouvernement français de vouloir reporter l'élargissement aux calendes grecques. M. François Loncle a rejeté l'idée d'une date-butoir mais s'est déclaré à la fois sensible à l'argumentation de M. Hervé de Charette sur l'image de la France et en accord avec les deux remarques de M. Valéry Giscard d'Estaing. L'objectif à prendre en compte est double : rendre les institutions plus efficaces et plus démocratiques, mais également permettre de procéder à l'élargissement. La notion de préalable apparaît donc délicate à manier. Il a alors proposé, pour l'article additionnel, la rédaction suivante : « La République française souligne la nécessité de réaliser, au-delà des stipulations du Traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l'Union européenne afin de rendre son fonctionnement plus efficace et plus démocratique et de mener à bien la conclusion des premières négociations d'adhésion. » M. Valéry Giscard d'Estaing a estimé que la France ne devait pas être timide dans l'expression de sa politique. Lorsque le nouveau Chancelier allemand a déclaré que l'élargissement ne pouvait se réaliser dans les délais initialement envisagés, personne n'a considéré que cette prise de position affectait l'image de l'Allemagne en Europe centrale. La France doit expliquer que la réforme des institutions est de l'intérêt des Etats candidats. C'est une affaire de présentation. Le ministère des Affaires étrangères pourrait demander aux candidats de souscrire à sa proposition de réforme. Comme l'illustre le précédent de l'adhésion suédoise, il est délicat de négocier l'adhésion des candidats sur la base des institutions actuelles et de demander par la suite une révision de cette base. Dans cet esprit, il serait plus clair que l'article additionnel soit ainsi rédigé : "La République française exprime sa détermination de voir réalisés, au-delà des stipulations du Traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l'Union européenne afin de rendre son fonctionnement plus efficace et plus démocratique de manière à mener à bien la conclusion des premières négociations d'adhésion." M. François Léotard a souhaité que le Rapporteur rende compte au Gouvernement des diverses propositions des parlementaires et l'interroge sur ce que la Belgique et l'Italie ont fait, lors de la ratification du Traité d'Amsterdam, pour exprimer leur volonté d'une réforme institutionnelle. Le Président Jack Lang a repris l'idée de M. Gerhard Schröder : du point de vue du calendrier, la présidence allemande pourrait relancer la balle et suggérer une procédure. Dans l'idéal, les retombées positives pourraient se produire sous la présidence française, à qui il appartiendrait de faciliter la conclusion des choses. Quoi qu'il en soit, une détermination franco-allemande très forte est indispensable. Revenant à la rédaction du texte, il a proposé de transmettre au Gouvernement, en son nom et au nom du Rapporteur, les propositions de la Commission. A lui d'améliorer son texte en tenant compte des observations des commissaires. M. Michel Vauzelle s'est engagé à se faire l'interprète des préoccupations des commissaires auprès du Gouvernement afin d'aboutir à un article 2 plus satisfaisant. M. Hervé de Charette a souhaité que la Commission se réunisse à nouveau pour statuer sur le texte qui sera finalement proposé par le Gouvernement. Le Président Jack Lang a fait part de sa confiance envers le Gouvernement pour rédiger un texte qui convienne à tous. Il a mis aux voix l'article premier du projet de loi qui a été adopté à l'unanimité moins une opposition et une abstention. M. Hervé de Charette a souligné que la rédaction finale de l'article additionnel était un élément essentiel de son vote sur l'article premier. M. Valéry Giscard d'Estaing a souhaité que la Commission s'abstienne de voter sur l'intégralité du projet de loi tant que la rédaction finale de l'article 2 ne serait pas connue. M. Jack Lang a proposé que la Commission se réunisse à nouveau sur le projet de loi après la rédaction définitive de l'article additionnel. Il a résumé la position de la Commission en disant qu'elle était favorable à l'adoption du projet de loi sous réserve d'une amélioration du texte de l'article 2. A l'issue de ce débat, la Commission a autorisé la publication du rapport de M. Michel Vauzelle sous la forme d'un rapport d'information. Déclaration de la Belgique, de la France et de l'Italie relative au protocole sur les institutions dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne, annexée au Traité d'Amsterdam La Belgique, la France et l'Italie constatent que, sur la base des résultats de la Conférence intergouvernementale, le Traité d'Amsterdam ne répond pas à la nécessité, réaffirmée au Conseil européen de Madrid, de progrès substantiels dans la voie du renforcement des institutions. Ces pays considèrent qu'un tel renforcement est une condition indispensable de la conclusion des premières négociations d'adhésion. Ils sont déterminés à donner toutes les suites appropriées au protocole sur la composition de la Commission et la pondération des voix et considèrent qu'une extension significative du recours au vote à la majorité qualifiée fait partie des éléments pertinents dont il conviendra de tenir compte. _______ Article 128 du Règlement de l'Assemblée nationale Lorsque l'Assemblée est saisie d'un projet de loi autorisant la ratification d'un traité ou l'approbation d'un accord international non soumis à ratification, il n'est pas voté sur les articles contenus dans ces actes et il ne peut être présenté d'amendement. L'Assemblée conclut à l'adoption, au rejet ou à l'ajournement. ___________ N° 1402.- Rapport d'information de M. Michel Vauzelle, déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam. |