N° 1484 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le mercredi 24 mars 1999. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1338) de M. BERNARD ACCOYER tendant à créer une commission d'enquête sur la gestion de la Caisse autonome de retraite des médecins français, PAR M. Bertrand KERN, Député. -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Retraités : régimes autonomes et spéciaux. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Vincent Burroni, Alain Calmat, Pierre Carassus, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, José Rossi, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann. PRÉSENTATION GÉNÉRALE 5 1. Les missions de la CARMF 8 2. La situation financière de la CARMF 10 TRAVAUX DE LA COMMISSION 15 ANNEXES : BILAN DE LA CARMF 19 La proposition de résolution n° 1338 présentée par M. Bernard Accoyer tend à créer une commission d'enquête sur la gestion de la Caisse autonome de retraite des médecins français (CARMF). Selon l'exposé des motifs, il s'agit plus précisément de se pencher sur « la gestion des réserves de la CARMF ainsi que sur les opérations financières et immobilières qu'elle a pu ou peut conduire. L'article unique de la proposition prévoit que la commission d'enquête étudiera le fonctionnement et la gestion de la caisse. A la lecture de l'exposé des motifs, on s'aperçoit que celui-ci excède le sujet annoncé. Il évoque les difficultés rencontrées par la CARMF pour respecter « les obligations légales relatives aux réserves minimales de trésorerie pour l'allocation supplémentaire vieillesse (ASV) ». Il mentionne encore les mesures drastiques (augmentation des cotisations, diminution des pensions) prévues afin de sauvegarder le régime complémentaire. Enfin, l'exposé des motifs s'attarde sur la perspective et l'évolution de l'ensemble de l'assurance-vieillesse. Les difficultés du régime des médecins résultant du déséquilibre démographique croissant entre cotisants et retraités serait, d'après l'auteur, un modèle particulier de la situation générale appelée à prévaloir dans les prochaines décennies. I.- La recevabilité de cette proposition de résolution doit s'apprécier au regard des dispositions conjointes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du règlement de l'Assemblée nationale. La première condition de recevabilité est relative à la définition précise, soit des faits qui donnent lieu à enquête, soit des services publics ou entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion. La proposition de résolution visant à vérifier la gestion des réserves d'une caisse de retraite ainsi que le bien-fondé de ses investissements et placements, on peut considérer que cette condition est remplie. La seconde condition concerne le respect du principe de séparation des pouvoirs législatifs et judiciaires et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Par lettre du 22 février 1999, la Garde des Sceaux a fait connaître qu'à ce jour aucune procédure judiciaire n'était en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution. Il est donc possible de considérer cette proposition de résolution comme parfaitement recevable. II.- S'il n'est pas question ici d'ignorer les légitimes interrogations des médecins-allocataires relatives au fonctionnement et à la pérennité de leur régime, on peut cependant contester l'opportunité de créer une commission d'enquête sur les seuls éléments de gestion de la CARMF. En effet, si l'existence des difficultés rencontrées par la caisse est évidente, celles-ci semblent devoir être imputables à un relatif attentisme dans le domaine de l'ASV ainsi qu'à des problèmes plus « classiques » inhérents à de nombreux régimes complémentaires. Le souci de maintenir un rendement élevé de l'ensemble des prestations versées par la CARMF a manifestement conduit à méconnaître des réalités qui concernent pourtant toute la branche vieillesse de notre système de protection sociale. La CARMF fait partie de l'une des treize sections professionnelles appartenant à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Elle gère l'ensemble des régimes de retraite et de prévoyance des médecins libéraux : - le régime de base (17 % du montant des pensions de retraite servies aux allocataires de la CARMF), commun à l'ensemble des 13 caisses de la CNAVPL, - le régime complémentaire d'assurance vieillesse des médecins (44 % du montant des pensions servies), - le régime des allocations supplémentaires de vieillesse (ASV) des médecins conventionnés (39 % du montant de la retraite des médecins conventionnés), qui peut s'apprécier comme constituant un régime sur-complémentaire, - le régime complémentaire d'assurance invalidité décès (incapacité temporaire et invalidité). La CARMF gère également un régime facultatif par capitalisation « CAPIMED » dans le cadre de la « loi Madelin » ainsi qu'un régime de préretraite pour le compte de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) dans le cadre du mécanisme d'incitation à la retraite anticipée des médecins (MICA). La CARMF comptait en 1997 122 060 cotisants pour 36 056 allocataires (23 498 retraités, 12 558 conjoints survivants). Les recettes de cotisations se sont élevées en 1997 à 8,3 milliards de francs pour un montant de dépenses de 6,8 milliards de francs. Les réserves des régimes représentent 8,7 milliards de francs au 31 décembre 1997. On peut les estimer à environ 9,5 milliards de francs fin 1998. A titre indicatif la CARMF cite, dans son bilan pour l'exercice 1997, les chiffres suivants : - des investissements en valeurs mobilières (obligations, trésorerie dynamique et taux variables 39,4 % ; actions 41,7 % ; SICAV monétaires 18,9 %), générant des revenus de 174 248 408 francs en 1997 (181 341 000 francs en 1996), y compris respectivement pour ces exercices, la récupération de l'avoir fiscal pour des montants de 10 973 000 francs et 8 899 000 francs ; - un patrimoine immobilier de la caisse qui comprend environ 158 000 m2 de surfaces construites compte tenu des acquisitions réalisées en 1997 (5 immeubles et 200 m2 de bureaux au sein d'un bâtiment dans les 7ème, 8ème, 16ème et 17ème arrondissements de Paris) générant des revenus issus de ces placements immobiliers : immeubles de rapport 32 558 000 francs net, domaine forestier 3 308 000 francs net. La CARMF est dirigée par un conseil d'administration composé de vingt-trois administrateurs désignés par des délégués départementaux et régionaux élus pour six ans. Ce conseil a pour rôle le vote des modifications statutaires, l'adoption des budgets des régimes, l'adoption des décisions relatives au budget et au fonctionnement de la caisse, les choix dans le domaine du placement des fonds. Deux commissions, l'une statutaire, l'autre non, ont respectivement les charges du contrôle et du placement du fonds d'action sociale, d'incapacité temporaire, d'invalidité, d'inaptitude, de recours, des marchés d'une part ; des v_ux, des forêts et de la communication d'autre part. La caisse définit elle-même son autonomie comme « très théorique » puisque, précise-t-elle dans sa documentation : « toutes les décisions prises par le conseil d'administration, par les commissions, sont soumises à la censure de la tutelle (ministère chargé des affaires sociales) ». Le même document précise que la CARMF n'a pas la maîtrise de la gestion du régime de base (la CNAVPL). Elle ne dispose que d'une autonomie très relative dans le domaine du régime complémentaire vieillesse, un projet de capitalisation lui ayant été refusé en 1987. Enfin, cette autonomie est nulle pour l'ASV « qui dépend des négociations conventionnelles entre les partenaires sociaux ». Par ailleurs, il faut rappeler qu'elle fait l'objet de contrôles de la part de la Cour des comptes (dernier contrôle en 1995), de l'inspection générale des finances, de l'inspection générale des affaires sociales, de l'inspection du trésor, de la direction des affaires sanitaires et sociales d'Ile de France, de l'URSSAF, de la CNAVPL et de la CNAMTS. 2. La situation financière de la CARMF L'analyse en termes de bilan et de perspectives des trois principaux éléments constituant le régime d'assurance vieillesse de la CARMF offre une image contrastée. La contribution de chaque affilié au régime de base pour l'année 1999 comporte une part forfaitaire d'un montant de 11 400 francs avec une possibilité de réduction si les revenus non salariés nets de 1997 sont faibles. La part proportionnelle aux revenus est de 1,4 % sur l'ensemble des revenus non salariés nets de 1997 dans la limite de cinq fois le plafond de la sécurité sociale (868 200 francs pour 1999). Ce régime supporte, par ailleurs, deux compensations : - la compensation interprofessionnelle qui prend en compte la démographie des caisses libérales de sorte que celles qui ont le meilleur rapport cotisant/allocataire versent à celles qui ont un rapport démographique moins favorable ; - la compensation généralisée entre tous les régimes de retraite de base obligatoires de sécurité sociale qui est celle qui pèse le plus sur les cotisations des professions libérales. Les coûts par cotisant de ces deux charges ont été respectivement de 528 francs et 7 475 francs par cotisant en 1996. Le rendement1 de ce régime depuis l'année 1993 - année de la création de la cotisation proportionnelle - a évolué fortement à la hausse. De 5,40 à 11,35 % en fonction des revenus à 4,97 à 10,26 % en 1999 sur le même critère. Pour l'ensemble du régime de base, une réforme est en cours au sein de la CNAVPL qui tend à rendre la cotisation entièrement proportionnelle au revenu. Cette réforme n'est pas accueillie favorablement par la CARMF qui estime que l'instauration de cotisations proportionnelles identiques dans toutes les caisses entraîne pour certaines d'entre elles des variations importantes. Elle semble toutefois de nature à répondre aux attentes des médecins disposant de revenus peu élevés, surtout en début de carrière, pour qui les cotisations forfaitaires pèsent plus lourdement. Au demeurant, les perspectives du régime de base n'appellent pas de grandes inquiétudes dans la mesure où les projections démographiques ne prévoient une dégradation d'un rapport aujourd'hui favorable que vers les années 2007/2008. Les régimes complémentaires, en revanche, se révèlent beaucoup plus sensibles aux évolutions démographiques attendues ; cet état de fait se trouvant aggravé, particulièrement pour l'ASV, par des choix de gestion opérés au cours de la dernière décennie. Le rapport démographique cotisants/allocataires (médecins retraités et conjoints survivants retraités) devrait connaître l'évolution suivante : 1998 3,9 2008 3,2 2018 1,6 2028 1,1 2038 1,2 2048 1,3 Ces perspectives, théoriques, et dépendant de l'évolution du numerus clausus, n'en sont pas moins très fiables à court terme. A cet égard, les projections effectuées par la commission de concertation sur les retraites, présidée par M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du plan prévoient (à taux de cotisation inchangés sauf en cas de réformes en cours) un besoin de financement d'un montant de 1 milliard de francs en 2015 et de plus de 5 milliards en 2040 pour la CARMF. La cotisation du régime complémentaire est proportionnelle aux revenus nets non salariés de 1997 plafonnés à 620 800 francs. Le taux de cotisation est de 8,7 %, correspondant à une cotisation maximale de 54 010 francs. Celui-ci a été augmenté successivement de 7,5 % en 1996 à 8,1 % en 1997 et 1998, pour être fixé aujourd'hui à 8,7 %. Le taux actuel de rendement de ce régime est de 8 %. Un débat est intervenu en 1996 au sein de la caisse sur les mesures à prendre pour assurer la constitution de réserves suffisantes. La solution retenue consiste en une hausse du taux de cotisation (8,1 en 1998) et une baisse de la valeur du point de retraite de 3 % en francs constants. L'équilibre de ce régime est à l'origine de vifs débats au sein de la CARMF. Ils ont d'ailleurs eu pour conséquence des changements au sein de l'exécutif de cette caisse. Aujourd'hui, il apparaît que le débat est tranché entre ceux qui souhaitent porter les cotisations au maximum (13 % à 14 %) pour maintenir le niveau élevé des pensions et ceux qui demandaient un gel des cotisations à un bas niveau tout en acceptant une baisse très importante des retraites. Ainsi, le conseil d'administration indique que le déficit futur pourrait disparaître avec une cotisation de 10,7 % en maintenant à terme la retraite moyenne à son niveau de 1999 ; il estime par ailleurs que la constitution de provisions capitalisées permet d'obtenir l'équilibre avec des hausses de cotisations ou des baisses de prestations moins importantes qu'avec une gestion en répartition pure. Ce régime complémentaire de la CARMF ne devrait pas connaître de réelles difficultés avant l'année 2024 et, si l'effort de constitution de provisions est maintenu, les réserves constituées devraient être suffisantes jusqu'en 2020. En ce qui concerne le régime de l'ASV, il convient de rappeler que ce régime, à l'origine facultatif, est né en 1960 en contrepartie de la signature conventionnelle. Le régime est devenu obligatoire le 1er juillet 1972. Aussi conformément aux principes affirmés lors de la création de l'ASV, les caisses d'assurance maladie règlent 66,66 % de la cotisation des médecins généralistes du secteur 1 et 56,70 % de la cotisation des médecins spécialistes du secteur 1 ; les médecins du secteur 2 acquittant la totalité de la cotisation sans participation des caisses d'assurance maladie. Le rendement de ce régime est passé de 23,20 % en 1993 à 13,30 % en 1999. Dans son rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale publié en septembre 1996, la Cour des comptes a estimé que « le dispositif de l'ASV présente un caractère doublement fragile. Tout d'abord, les régimes, en raison de leur rendement tout à fait exceptionnel, se sont révélés particulièrement sensibles aux évolutions démographiques, alors même que leur démographie reste très favorable. Des déficits de gestion sont apparus dès 1985. Sous la pression des caisses de retraite, les pouvoirs publics sont intervenus dans un contexte constamment affecté par les aléas des négociations conventionnelles. En 1991, l'ASV accusait un déficit technique global de 491 millions de francs, imputable aux sections des médecins et des chirurgiens dentistes. Une première tentative de réformer a échoué en 1993. Une solution a été trouvée en 1994 pour les médecins, reposant sur une diminution des prestations servies. En 1994, le déséquilibre était ramené à 65 millions de francs résultant d'une perte technique de l'ASV des chirurgiens dentistes de près de 251 millions de francs malgré un excédent de l'ASV des médecins et des auxiliaires médicaux de 194 millions de francs. Le régime général d'assurance maladie apporte une contribution essentielle et sans cesse croissante au financement de ces régimes. Les réformes tendant à les rééquilibrer ont eu pour effet d'accroître lourdement la charge des caisses d'assurance maladie qui est passée de 588 millions de francs en 1991 à 1 083 millions de francs en 1994 ». La réforme de 1994 évoquée ci-dessus demeure insuffisante. Aussi, le régime ASV des médecins vient de faire l'objet d'un accord entre les caisses d'assurance maladie et la CARMF, aboutissant à la préparation d'un décret fixant la cotisation à 180 C (contre 156 C depuis 1994, et 130 C avant 1994). La valeur du point de retraite baissera de 3,9 %, de 106,1 à 102 francs à partir de 1999. Cependant, la question de l'insuffisance des réserves de ce régime ne manquera pas de se reposer à l'horizon de l'année 2005 en l'absence de réforme de structure. Dans ce contexte, les interrogations et critiques formulées par la Cour des comptes demeurent justifiées. Il apparaît, en effet, qu'au cours de la dernière décennie les pouvoirs publics, dans les domaines d'intervention qui sont les leurs, n'ont cherché qu'à réduire les déficits sans rétablir structurellement l'équilibre de l'ASV. Une telle politique, si elle a permis le maintien pour les allocataires de la CARMF du bénéfice d'une retraite que la Cour des comptes estime « proportionnellement élevée », doit cependant être regardée comme se trouvant à l'origine des mesures drastiques devant inévitablement être adoptées pour assurer la survie du régime. Dans le rapport précité, la Cour des comptes à d'ailleurs considéré que : « S'agissant de régimes obligatoires, il est regrettable que les pouvoirs publics aient laissé se pérenniser de telles stratégies, contraires au principe de stricte solidarité entre les générations ». Les problèmes rencontrés aujourd'hui par la CARMF, comme les difficultés prévisibles pour demain résultent, particulièrement pour l'ASV, d'une politique trop peu soucieuse des évolutions démographiques et ont conduit à une succession de sauvetages ponctuels. Les récents conflits intervenus au sein de la caisse peuvent d'ailleurs s'apprécier comme des symptômes de la situation ainsi créée. Bien plus qu'une gestion hasardeuse en terme de placements des fonds et d'investissements immobiliers, la CARMF paie les errements évoqués plus haut. Cette caisse est régulièrement contrôlée par la Cour des comptes. Dans la perspective d'une collaboration accrue entre celle-ci et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, il est souhaitable de demander à la Cour des comptes de procéder à une nouvelle vérification de la CARMF. Cette vérification pourrait porter non sur les perspectives financières des différents étages du régime - elles ont été clairement établies - mais sur la gestion du patrimoine de la CARMF, sujet sur lequel le Parlement ne dispose pas d'information. Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, le rapporteur conclut au rejet de la proposition de résolution n° 1338. La commission a examiné la proposition de résolution n° 1338 au cours de sa séance du mercredi 24 mars 1999. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur. M. Bernard Accoyer, après avoir souligné que le travail exhaustif du rapporteur avait conduit à un constat mitigé, a regretté qu'il n'ait pas proposé d'aller plus loin. En effet, la situation de la CARMF est inquiétante : chaque année les cotisations sont augmentées et les prestations réduites. Comme l'a souligné le rapporteur, les réserves de l'ASV sont aujourd'hui inexistantes alors que celle-ci représente 41 % de la retraite des médecins libéraux. Ce qui était à l'origine un régime par capitalisation a été transformé par les pouvoirs publics en un régime obligatoire par répartition qui ne dispose plus aujourd'hui d'aucune réserve. En 1981, les pensions ont été augmentées de 25 % et les cotisations réduites, ce qui n'est pas la preuve d'une gestion raisonnable, ni des prestations, ni des cotisations, ni des réserves. La faillite du régime complémentaire étant de surcroît annoncée, cela signifie que dans vingt ans, 83 % du montant de la retraite des médecins sera menacé. Il est donc justifié de se pencher sur l'évolution du régime et sur la façon dont les réserves ont été gérées. Cette initiative a d'ailleurs été soutenue par 90 députés et par un nombre considérable de médecins. En outre, la création d'une commission d'enquête aurait l'avantage d'éclairer la situation des retraites de l'ensemble des professions libérales de santé qui sont toutes dans une situation difficile comme l'a reconnu récemment le ministre délégué à la santé. Les cotisants auraient été rassurés, les retraites garanties et la lumière aurait été faite sur des risques lourds. M. Jean-François Mattéi a considéré que la création d'une commission d'enquête pourrait permettre de clarifier la situation dans la mesure où les interprétations concernant la Caisse autonome de retraite des médecins français divergeaient grandement d'un observateur à l'autre. La première controverse porte sur la démographie des professionnels de santé à un horizon de dix ans. Il est certain que dans plusieurs années les actifs seront de moins en moins nombreux alors que les inactifs augmenteront parmi les professionnels de santé. Trois aspects de nature budgétaire doivent par ailleurs être soulignés : - Les revenus des réserves et des placements ne sont pas gérés avec la clarté et la transparence nécessaires. La création d'une commission d'enquête pourrait permettre d'évaluer correctement cette gestion. - Le montant des cotisations devant être réglées par les médecins fait l'objet de débats qu'il faudrait éclairer. - Il convient enfin de s'interroger sur la nature et l'ampleur des prestations fournies. En effet les cotisations payées par les médecins à leur caisse autonome ont tendance à augmenter de façon excessive pour une qualité de prestations moyenne. En réponse, le rapporteur a souligné les points suivants : - Dans leur grande majorité, les médecins sont hostiles à l'idée d'une création de commission d'enquête dont ils ne comprendraient pas l'objet. En revanche, la plupart d'entre eux ne nient pas l'existence des problèmes rencontrés par l'ASV. Sans l'intervention récente d'un décret, l'ASV aurait été en situation de cessation de paiement à la fin de 1999. En l'état actuel, la situation est stabilisée jusqu'aux années 2003-2004. - L'évolution de la démographie médicale n'est pas totalement incertaine compte tenu notamment du numerus clausus. L'attentisme qui a prévalu en la matière dans le passé doit être combattu. En 1998, on comptait 3,9 cotisants pour un retraité. En 2028, la proportion devrait s'établir à 1,1 cotisant pour un retraité. La situation est susceptible de se dégrader de façon très rapide à partir de 2015. - S'il convient de ne pas inquiéter inutilement le corps des médecins en créant une commission d'enquête, il apparaîtrait en revanche opportun que la Cour des comptes étudie de près la façon dont les réserves de la Caisse ont été et sont actuellement gérées. M. Bernard Accoyer a insisté sur les points suivants : - La confiance ne pouvant exister que dans une situation de transparence, il serait utile de connaître le patrimoine de la Caisse afin de déterminer si l'argent des cotisations qui permettront de payer les retraites de demain est géré de manière adéquate. - La création d'une commission d'enquête ne participerait pas d'une démarche de suspicion à l'égard des administrateurs élus de la Caisse. Il s'agit d'analyser le fonctionnement administratif du système et de mettre en avant ses éventuels défauts. M. Jean-François Mattéi a considéré que, si le terme de commission d'enquête pouvait paraître inquiétant aux yeux des médecins, celui de « mission d'information » pourrait le cas échéant être mieux perçu. Une mission d'information sur la caisse permettrait, sans avoir le caractère inquisitorial d'une commission d'enquête, d'analyser la gestion de la caisse. Le président Jean Le Garrec, après avoir félicité le rapporteur pour le sérieux de son travail sur ce sujet difficile et important et le caractère très large des contacts liés avec les professionnels de la santé à ce propos, a indiqué que si la commission allait dans le sens de la proposition du rapporteur, c'est-à-dire si elle rejetait la demande création d'une commission d'enquête, il s'engageait à adresser rapidement une lettre au Premier président de la Cour des comptes, demandant l'intervention de la juridiction financière. La Cour des comptes dispose en effet des moyens nécessaires pour analyser correctement l'état de la gestion de la Caisse. Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution. BILAN DE LA CARMF
C.A.R.M.F. (75 L 04) AMM/NC BILAN C.A.R.M.F. AU 31 DECEMBRE 1997 SYNTHESE
N°1484. - RAPPORT de M. Bertrand KERN (au nom de la commission des affaires culturelles) sur la proposition de résolution (n° 1338) de M. Bernard Accoyer tendant à créer une commission d'enquête sur la gestion de la caisse autonome de retraite des médecins français. 1 Rapport entre les cotisations et les prestations. |